C’était un jour de pluie comme la Grande-Bretagne en connaissait tant chaque automne, les gouttes d’eau déferlaient sur la Forêt Interdite emportant dans leur chute les dernières feuilles, aux tons vermillon, rescapées des bourrasques du vent de novembre. La cour de l’école Poudlard était déserte, et des milliers de petites lueurs égayaient les fenêtres du château, éclairant les visages de jeunes sorciers, le nez collé contre les vitres et le soupir aux lèvres. Dans une des tours, un feu joyeux crépitait, tirant de la morosité les élèves de Gryffondor qui voyaient leurs jours de congés s’envoler au milieu des rafales d’averses. Certains discutaient gaiement, d’autres disputaient une partie d’échecs version sorcier, tandis qu’une troisième année griffonnait avec passion sur son parchemin en luttant contre le sommeil qui l’accablait. Hermione n’avait que faire de la météo. Qu’il vente, neige ou que le ciel soit du plus lipide des bleu clair, elle ne cessait jamais de réviser. À ses pieds, un énorme chat orange pouffait, tentant d’attirer son attention, en vain. Pattenrond venait de saisir avec douleur qu’il ne serait jamais la priorité de sa maîtresse tant que celle-ci aurait des devoirs à faire. Lassé par cette constatation, il se leva en poussant un feulement de mécontentement et se dirigea vers les escaliers menant au dortoir des filles avec pour seul objectif celui d’un saccage d’oreiller. Cela lui apprendrait, à cette rabat-joie.
Pattenrond sauta sur la clenche et la porte s’ouvrir sur l’objet de son prochain crime. Duveteux, moelleux et agrémenté d’une taie aux motifs rappelant des runes, sa victime reposait en évidence sur le lit le plus proche de la grande fenêtre lumineuse. D’un bond, le fauve fut sur elle et planta ses griffes dans sa chair sans sommation, la lacérant de toutes parts. La garniture de la pauvre chose se répandit, traînée blanchâtre et aérienne, réduisant la forme bombée si agréable pour la tête en une sommaire serpillière. Pattenrond laissait échapper toute sa folie meurtrière. Hermione aurait dû lui laisser manger le rat de Ron, il était vil, il en avait la conviction, mais personne n’écoutait un chat. Cela n’était que justice que son oreiller finisse dans l’état de charpie dans lequel il aurait dû mettre le traître au museau pointu et aux moustaches tordues.
Lorsque le polochon rendit son dernier souffle de duvet, il s’arrêta et recula de quelques pas pour contempler son œuvre. C’était parfait, absolument délicieux. Il faudrait bien plus d’un « Reparo !» pour repriser la chose et même la meilleure machine à coudre moldue ne pourrait arranger le carnage qu’il venait d’accomplir avec succès. Pattenrond se sentait déifié, tout puissant face à la ouate qui l’encerclait et au jersey coton qui avait cessé de le défier du regard. Rien ne résistait à ses griffes, pas la moindre couture, ni la plus solide des boutonnières. Il était le mal incarné du linge de lit.
D’un bond leste, il descendit de son perchoir et objectiva la pièce avec attention, dans l’optique de se dégoter le meilleur poste d’observation pour observer le désespoir sans nom qui ne manquerait pas de saisir Hermione lorsqu’elle irait se coucher dans quelques heures. Il voulait être aux premières loges pour se saisir de toute sa frustration. Il venait de sauter sur la table de nuit de Lavande quand soudain, un objet brillant et familier attira son œil. Parmi les restes de l’oreiller, se trouvait un petit sablier encerclé relié à une chaînette dorée : le Retourneur de temps. Pattenrond avait étudié avec attention la magie de cet artefact au cours des dernières semaines. Il avait maintes fois pu voir sa maîtresse tourner le sablier et disparaître sous ses yeux lorsque d’autres fois elle était apparue dans son dortoir quelques secondes après en être sortie. L’expérience la plus surprenante avait été de l’apercevoir à la fois dans le dortoir et dans la cour du château au même moment et l’image l’avait hanté de nombreuses nuits, avant qu’il ne prenne le problème à bras le corps. Le but de la chose lui avait alors paru évident, il s’agissait de quelque chose permettant de bouger dans le temps. Et ce qui impliquait voyage dans le temps, impliquait une possibilité de visionnage avec le recul de ses propres actes.
Si Pattenrond avait pu sourire, n’importe quelle souris se serait enfuie devant le diabolisme de la forme obtenue par le frémissement de ses zygomatiques. Il s’empara du bijou avec flegme et gravit l’armoire la plus proche avant de se camoufler derrière une valise posée en son sommet. Parfait, d’ici il avait une vue imprenable sur le lit de Hermione et plus précisément sur le lieu du meurtre impitoyable de l’oreiller. Il allait pouvoir s’offrir la plus douce des sucreries en assistant en première classe, à l’un de ses plus fiers exploits guerriers. Un quart de tour devrait suffire pour assister au premier coup de griffe.