Douze ans à Poudlard by Morgwen
Summary:



Après avoir été séquestrée pendant des mois par des mangemorts qui espéraient se servir de sa fille à naître pour ressusciter Voldemort, Morgwen espère enfin trouver la paix et le bonheur en compagnie de l'homme qu'elle aime, Remus Lupin.

C'est sans compter les plans d'Albus Dumbledore qui veut s'assurer que le Seigneur des Ténèbres ne reviendra pas à la vie.

Morgwen, devenue Augusta Pye, va devoir vivre un nouvel emprisonnement pendant de longues années au cours desquelles elle deviendra une sorcière digne de ce nom.
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Categories: Personnage original (OC) Characters: Charlie Weasley, Nymphadora Tonks, Remus Lupin, Severus Rogue
Genres: Autres genres
Langue: Français
Warnings: Lemon soft
Challenges: Aucun
Series: La dernière descendante de Morgane leFey
Chapters: 36 Completed: Oui Word count: 140196 Read: 18424 Published: 27/01/2017 Updated: 26/06/2017
Story Notes:

Après des années d'insatisfaction et des mois de travail, je poste une nouvelle version de ma fic "Douze ans à Hogwarts". La trame reste la même,les détails changent (noms de personnages, référence à la fic précédente également en cours de réécriture). Cela pour trois raisons.

La première est que cette fic (et la précédente) ont été écrites sur une longue période entre la sortie du tome 4 et après celle du tome 7. De là des passages non-canons, des changements de direction.

La seconde est mon style et mon sens critiques ont eux-aussi beaucoup évolué. Et que j'ai du mal à accepter d'écrire une suite sur quelque chose d'aussi enfantin que ne l'était "A werewolf in love" (tome 1 de la série). Ce qui demande de le reprendre entièrement. Ce qui requiert de retirer énormément de références.

La dernière est que j'avais depuis un moment des idées sur les tomes 3 et 4 de cette histoire, idées que je ne pouvais pas amener en l'état actuel de l'histoire. D'où des changements mineurs mais qui m'évitent les incohérences.

Sur cette (très) longue introduction, je vous laisse lire.

1. Chapitre un by Morgwen

2. Chapitre deux by Morgwen

3. Chapitre trois by Morgwen

4. Chapitre quatre by Morgwen

5. Chapitre cinq by Morgwen

6. Chapitre six by Morgwen

7. Chapitre sept by Morgwen

8. Chapitre huit by Morgwen

9. Chapitre neuf by Morgwen

10. Chapitre dix by Morgwen

11. Chapitre onze by Morgwen

12. Chapitre douze by Morgwen

13. Chapitre treize by Morgwen

14. Chapitre quatorze by Morgwen

15. Chapitre quinze by Morgwen

16. Chapitre seize by Morgwen

17. Chapitre dix-sept by Morgwen

18. Chapitre dix-huit by Morgwen

19. Chapitre dix-neuf by Morgwen

20. Chapitre vingt by Morgwen

21. Chapitre vingt-et-un by Morgwen

22. Chapitre vingt-deux by Morgwen

23. Chapitre vingt-trois by Morgwen

24. Chapitre vingt-quatre by Morgwen

25. Chapitre vingt-cinq by Morgwen

26. Chapitre vingt-six by Morgwen

27. Chapitre vingt-sept by Morgwen

28. Chapitre vingt-huit by Morgwen

29. Chapitre vingt-neuf by Morgwen

30. Chapitre trente by Morgwen

31. Chapitre trente-et-un by Morgwen

32. Chapitre trente-deux by Morgwen

33. Chapitre trente-trois by Morgwen

34. Chapitre trente-quatre by Morgwen

35. Chapitre trente-cinq by Morgwen

36. Chapitre trente-six by Morgwen

Chapitre un by Morgwen
La mort était douce. Elle avait eu peur, elle avait eu froid mais elle n'avait pas eu si mal. Et elle errait maintenant dans un monde chaleureux et paisible.
Elle avait même fait un dernier rêve. Un rêve où Remus était venu la délivrer et punir ses bourreaux.
-- Remus, murmura-t-elle.
Un mouvement. Une main qui serrait la sienne. Comment pouvait-elle avoir une main si elle était morte ?
Elle entrouvrit les yeux et la lumière l'éblouit. Mais elle avait pu reconnaître l'homme qui la regardait d'un air soulagé.
Remus Lupin.
Elle était vivante.
Vivante !
Et son cauchemar était terminé.

Elle s'était endormie, rassurée et la nuit était tombée quand elle s'éveilla à nouveau. Une chandelle brillait sur une petite table et illuminait son entourage immédiat.
A côté de son lit, une silhouette était avachie dans une chaise au dossier raide. Un homme. Profondément endormi.
Elle regarda un peu autour d'elle et vit une petite pièce aux murs sombres et au plafond clair. La lumière vacillante ne lui permettait pas de distinguer plus de détail. En plus du lit étroit sur lequel elle gisait, il y avait une table où elle pouvait apercevoir plusieurs rouleaux de papier et des flacons au pied de la chandelle. Une baguette y était également posée. Elle ne l'avais pas vue depuis de nombreux mois mais elle reconnut celle de Remus.
Elle reporta son attention sur l'homme à son côté.
Son menton reposait sur sa poitrine et ses cheveux masquaient son visage mais elle n'avait pas besoin de voir ses traits pour reconnaître l'homme qu'elle aimait.
Elle voulut tendre la main vers lui mais réalisa alors que ses bras ne répondaient plus. Elle sentait parfaitement le contact des manches de coton jusqu'à ses coudes, de la couverture de laine sous ses poignets, de l'air frais sur ses avant-bras mais elle avait beau vouloir, tenter, pas même un doigt ne bougeait. Proche de la panique, elle se redressa et, à son mouvement brusque, elle entendit une sonnerie résonner dans un pièce voisine. Avant qu'elle eut pu faire quoi que ce fût, une femme entra dans la pièce avec un calme et une autorité qu'elle connaissait bien.
Une infirmière.
-- Miss Roussel, calmez-vous !
Morgwen avait plutôt envie de hurler mais elle savait que ce serait inutile. Infirmière elle-même, elle n'allait pas faire subir une crise de panique à sa collègue.
-- Mes bras… tenta-t-elle tout de même
-- Vous avez été méchamment entaillée mais ne vous inquiétez pas ! la coupa l'infirmière dans un accent irlandais difficilement compréhensible. Le guérisseur Lacy vous a remise d'applomb. D'ici quelques heures, vous serez comme neuve et vous pourrez sortir demain matin.
-- Mais pourquoi…
La sonnerie retentit à nouveau.
-- Je vous laisse. Jerry a probablement encore tenté de mélanger du whiskey à sa potion en douce. Il devrait savoir, depuis le temps qu'il est là, que ça ne fait que faire repousser les tentacules.
L'infirmière disparut aussi rapidement qu'elle était entrée.
Et Remus dormait toujours.

Que s'était-il passé ? Après ses mois d'enfermement, ses derniers souvenirs étaient si incroyables qu'elle n'était pas certaine de faire la distinction entre ses rêves et la réalité.
Elle aurait pu réveiller l'homme à son côté et l'interroger mais il semblait si épuisé…
Reprenant depuis le début, elle tenta de reconstituer les événements.

L'été précédent, elle avait obtenu son diplôme d'infirmière et décidé, avant de commencer la « vraie vie », de prendre une année sabbatique pour réaliser son rêve : parcourir les steppes de Mongolie à cheval. Après quelques mois de solitude, elle avait rencontré un homme nu, blessé, qu'elle avait recueilli. Non seulement il lui avoua rapidement qu'il était un sorcier mais elle découvrit également qu'il était un loup-garou. Mais ce n'était pas tout. Il avait également découvert qu'elle était une sorcière sans le savoir et, qui plus est, la dernière descendante vivante de la très célèbre Morgane de la légende arthurienne. Elle aurait peut-être pu continuer à vivre sa vie mais un dernier élément avait fini de tout chambouler : le sorcier et elle étaient tombés amoureux.
Remus.

Si les mois passés en tête à tête avaient été les plus heureux de son existence, il n'étaient qu'un répit. Juste après Noël, un groupe d'hommes l'avait interceptée alors qu'elle rentrait du village à la fin de la pleine lune. Avant qu'elle ait pu comprendre ce qui lui arrivait, elle s'était retrouvée dans une chambre fermée en Europe qu'elle n'avait plus quittée pendant cinq mois. Le fait qu'ils utilisent alors une baguette pour lui faire subir toutes sortes d'examens l'avait vite renseignée sur leur nature. Par contre, le but de leurs sortilèges ainsi que de la visite hebdomadaire d'une sorcière renfrognée qui avait suivi lui était resté obscur pendant plusieurs semaines… jusqu'à ce qu'elle réalise qu'elle était enceinte.
Un bébé.
Elle avait regardé son ventre s'arrondir doucement dans la solitude jusqu'à… jusqu'à…

C'était là que ses souvenirs devenaient confus. Elle avait perdu connaissance, isolée dans sa chambre. Quand elle était revenue à elle, la sorcière s'agitait autour d'elle, sans rien lui expliquer, comme toujours.
Du sang…
L'odeur du sang, la douleur, ce corps minuscule qu'on emportait… Elle comprenait à présent : elle avait perdu le bébé.
Et quelques heures plus tard, des hommes étaient venus et l'avait emmenée. Elle tenait à peine debout mais elle avait été trainée jusqu'à une grande salle. Ils l'avaient placée au centre de la pièce et l'avait ligotée sur un pilier, les deux bras repliés devant elle. Un couteau avait surgi.
Encore du sang…
Son sang qui s'écoulait de ses poignets sur une statuette de cire à ses pieds…
À demi évanouie, elle avait vu Remus surgir. Mais ce n'était plus l'homme qu'elle aimait. C'était une créature quasi bestiale qui s'était jeté sur ses ennemis tandis qu'elle s'écroulait dans l'inconscience.

Les médecins gardèrent finalement Morgwen deux jours. Il lui avait fallu plus de temps que prévu pour retrouver l'usage de ses bras, immobilisés par un sort de stase pendant que son système regénérait tout le sang qu'elle avait perdu.
Pendant ce temps, Remus n'avait pas quitté son chevet.
Après ce repos forcé, les deux jeunes gens avaient décidé de rentrer à Poudlard, l'école à côté de Pré-au-Lard où le jeune homme occupait toujours un poste de commis à la Grande Poste. Morgwen était impatiente de découvrir cet endroit dont son fiancé lui avait tant parlé, où il avait été si heureux… Pourtant, lorsqu'elle aperçut le château pour la première fois, sous une pluie torrentielle, l'impression qui s'en dégageait n'était que tristesse… De grands bâtiments de pierre froide, de grands couloirs sombres et humides, des fantômes sinistres que l'on croisait, le manque de personnes vivantes à cette heure… Morgwen frissonnait de plus en plus.
Voyant cela, Remus la conduisit directement au petit appartement préparé pour eux, situés non loin du hall d'entrée, où il lui servit un thé chaud.
-- Nous irons rendre visite au professeur Dumbledore demain matin… lui dit-il. Ce soir, repose-toi !
C'est vrai que le voyage avait été difficile… Les guérisseurs lui ayant interdit de transplaner en escorte, elle avait dû prendre le bateau pour traverser la mer d'Irlande, puis un bus qui les envoyait valser à l'autre bout du véhicule à chaque tournant.

Remus l'éveilla au lever du soleil. Son visage souriant au-dessus d'elle… Combien de nuits en avait-elle rêvé ? Mais aujourd'hui, ils étaient de nouveau ensemble… Rien ne pourrait plus les séparer…
-- Est-ce que tu te souviens de la dernière chose que je t'ai dite… avant ?
-- Tu as dit que tu voulais m'épouser… répondit-elle dans un sourire.
-- Mademoiselle Roussel, voulez-vous devenir Madame Remus Lupin dès aujourd'hui ?
Elle ne réfléchit pas. Elle ne pensa pas à sa famille en France. Elle ne pensa pas aux habituels préparatifs d'un mariage. Elle ne se demanda pas à quoi pouvait bien ressembler un mariage dans ce monde qui n'était pas vraiment le sien.
-- Oui, répondit-elle simplement.

Le professeur Dumbledore était absent. A Londres, au Ministère de la Magie… C'est ce que le professeur McGonagall leur annonça au petit-déjeuner lorsque Remus lui présenta Morgwen et lui fit part de leur désir de se marier dans la journée.
-- Mais nous pouvons néanmoins arranger cela… dit-elle en observant Morgwen d'un oeil bienveillant. Il vous faut… un garçon et une demoiselle d'honneur… Je suppose que vous auriez préféré que le professeur Dumbledore performe la cérémonie, mais il ne rentrera que dans quelques jours… Vous êtes sûrs que vous ne voulez pas attendre ?
-- Est-ce que vous ne pourriez pas nous marier, professeur ? demanda Remus. Après tout vous avez vous-même un Ordre de Merlin…
-- Je croyais que l'Ordre de Merlin était une distinction honorifique… intervint Morgwen fronçant les sourcils.
-- Les sorciers ayant reçu l'Ordre de Merlin de première classe reçoivent également la possibilité de présider à certaines cérémonies officielles, telles que des mariages, justement, lui répondit Remus.
-- Je peux le faire, si vous le souhaitez, Remus, reprit McGonagall. Mais il vous faudra attendre le soir, après la fin des cours, j'en ai peur… De toute manière, il vous faut également trouver des alliances.
-- Je peux aller sur le Chemin de Traverse et revenir dans la journée…
-- Parfait !
-- Et puis Morgwen pourra aller acheter sa baguette magique chez Ollivander…
-- Il n'en est pas question ! coupa McGonagall.
Morgwen et Remus la regardèrent, étonnés. La sorcière qui avait paru si gentille et compatissante à Morgwen, affichait à présent un masque sévère et sans appel.
-- Le professeur Dumbledore m'a expressément demandé de ne pas laisser Mademoiselle Roussel sortir des terres de Poudlard, reprit-elle. Elle restera ici jusqu'à son retour !
Morgwen la regarda bouche bée. De quel droit pouvaient-ils la retenir ici contre son gré ? Comment pouvaient-ils lui faire subir cela alors qu'elle venait de passer ces longs mois en captivité ?
-- Bien, répondit Remus, l'air déçu mais résigné. J'irai seul à Londres…

McGonagall l'avait présentée à une jeune sorcière aux courts cheveux argentés et aux yeux jaunes comme ceux d'un faucon : Rolanda Bibine.
-- Rolanda fait à peu près votre taille, lui avait-elle dit. Elle pourra vous prêter des vêtements convenables en attendant que vous ayez renouvelé votre garde-robe.
A ces mots, Morgwen s'était sentie rougir. Le matin, elle avait enfilé ses vieux vêtements qu'elle avait retrouvés au milieu des affaires que Remus avait conservées précieusement. Des vêtements solides et simples qu'elle avait portés dans la nature… Mais surtout des vêtements de son monde, des vêtements moldus comme les sorciers disaient.
Morgwen suivit donc Rolanda Bibine dans les dédales de couloir du château jusqu'à un grand tableau représentant un jeune sorcier qui gisait au sol, venant apparemment de chuter du balai suspendu dans les airs au-dessus de lui. En voyant les deux jeunes femmes approcher, il se redressa rapidement et essuya les taches d'herbes qui maculaient sa robe.
-- Canons de Chudley ! lui lança Rolanda Bibine.
Le tableau s'écarta du mur pour révéler l'entrée d'un appartement. Morgwen n'en revenait pas et son guide dut ressortir de la pièce où elle était entrée pour l'entraîner à sa suite.

Rolanda Bibine ne s'était pas contenté de prêter à Morgwen plusieurs robes qu'elle trouvait magnifiques, elle lui avait également fait visiter l'appartement qui contenait un salon, une chambre, une salle de bain et une petite cuisine, nommé les différents éléments de la vue de sa fenêtre, le lac, la Forêt Interdite, le terrain de Quidditch, et servi un thé dans le salon – ces anglais avec leur thé ! – avec des petits biscuits.
-- Quel est votre travail à Poudlard, Madame Bibine ?
-- C'est Mademoiselle Bibine ! Et pour vous, ce sera Rolanda !
-- Pardon, Rolanda… Vous pourrez m'appeler Morgwen.
-- J'en avais bien l'intention, lui répondit-elle en souriant malicieusement. Et mon travail ici consiste en deux choses : j'enseigne le vol aux premières années et je gère le tournoi inter-maison de Quidditch qui a lieu chaque année.

Elles discutèrent ainsi plusieurs heures… Morgwen était heureuse d'avoir trouvé une jeune femme de sa génération – Rolanda avait trois ans de plus qu'elle – avec laquelle elle pourrait échanger tant de choses.
Vers midi, elles retournèrent déjeuner à la Grande Salle, Morgwen à présent habillée de manière à passer inaperçue à Poudlard. Remus n'était pas encore rentré de Londres. A la fin du repas, Rolanda la quitta car elle avait une leçon de balai à donner, la laissant seule…

Que pourrait-elle faire en attendant Remus ? Elle ne pensait pas être capable de retrouver le chemin de son appartement. Ce château était un vrai labyrinthe. Elle regarda autour d'elle. McGonagall était déjà sortie de table. Quelques adultes qu'elle ne connaissait pas étaient présents mais ils ne lui prêtaient aucune attention. Les élèves, au contraire, la regardaient curieusement.
Ils se demandent probablement qui je suis, pensa-t-elle.
Et qui était-elle ? Une femme adulte – elle venait de fêter ses vingt-quatre ans – qui se préparait à suivre les mêmes enseignements qu'eux… Qui serait dans quelques heures une femme mariée… Elle sourit à cette pensée.
Et qui avait failli être mère…
Son sourire s'effaça.
-- Mademoiselle Roussel ?
Elle se retourna pour voir le jeune sorcier qui s'était adressé à elle et qui s'asseyait à présent à son côté. C'était un homme grand aux cheveux noirs et gras, au long nez busqué et à l'air sévère. Son visage ne lui était pas inconnu…
-- Je suis Severus Rogue, lui dit-il, le professeur de potion.
-- Enchantée, lui répondit-elle. Euh… Nous nous sommes déjà rencontrés, n'est-ce pas ?
Il lui sourit d'un air gêné.
-- Plus ou moins… J'étais avec Lupin lorsque nous vous avons tiré des griffes de ces mangemorts…
Cela expliquait l'impression de le connaître, bien qu'elle n'eut aucun souvenir de l'avoir vu à ce moment.
-- Alors je pense que je devrais vous remercier, lui dit-elle en souriant.
Cela parut assombrir l'humeur du jeune homme qui se releva brusquement.
-- Inutile ! dit-il d'une voix sèche.
Et il quitta la table sous le regard étonné de Morgwen.

Remus rentra en début d'après-midi et trouva sa fiancée assise sur un banc juste devant le hall d'entrée. Elle regardait les élèves de Rolanda essayer de se faire obéir de leurs balais. Lorsqu'elle le vit s'approcher, elle se leva et se précipita pour se jeter dans ses bras, indifférente du regard des élèves.
Plus réservé Remus se dégagea et lui prit la main pour rentrer dans le château.
-- Le professeur McGonagall m'a dit que nous pourrions nous marier sur les berges du lac, lui annonça-t-elle, radieuse. et que le professeur de sortilèges allait s'occuper d'y installer le matériel nécessaire… En fait, la seule chose que nous avons à faire, c'est de choisir nos témoins et de venir !
Elle éclata d'un rire joyeux. Remus était avec elle… Dans quelques heures, elle serait sa femme…
Il lui offrit un de ces sourires dont il avait le secret et qui la faisait tellement fondre. Puis son visage se rembrunit quelque peu.
-- Mais qui allons-nous prendre comme garçon et demoiselle d'honneur ?
-- Pour la demoiselle d'honneur, c'est facile ! Rolanda !
-- Qui ça ?
-- Rolanda Bibine, le professeur de Quidditch, précisa-t-elle en montrant le terrain du doigt. C'est une fille géniale !
-- Tu es rapide pour te faire des amis, remarqua-t-il. Va pour Rolanda, si elle est d'accord… Et pour le garçon d'honneur ?
Une ombre passa sur son visage alors qu'il disait ces mots. Il pensait évidemment à ses amis disparus. Les morts et le traître…
-- Pourquoi pas Rogue, le prof de potions ? demanda Morgwen.
Il la regarda d'un air si éberlué qu'elle hésita avant de continuer.
-- Vous vous connaissez bien, et puis il t'a aidé à me libérer…
-- Il n'acceptera jamais !
-- Demande-lui et on verra après s'il refuse…
Remus hésitait visiblement… C'est vrai que lui et Rogue n'avaient pas vraiment été les meilleurs amis du monde lorsqu'ils étaient ensemble à l'école… Mais c'était il y a longtemps ! S'ils devaient vivre à proximité l'un de l'autre, mieux valait pour tout le monde qu'ils se réconcilient…
-- S'il te plait… implora-t-elle. Ça me ferait plaisir…
Remus acquiesça à contrecoeur et partit en direction de la salle de potion tandis que Morgwen s'avançait vers le terrain de Quidditch.

Le soleil se couchait derrière le château. Le lac brillait d'une lueur rose orangé. Un vent frais faisait frémir les feuilles des arbres au-dessus d'eux.
Rolanda Bibine et Severus Rogue se tenaient de part et d'autre du professeur McGonagall. Derrière eux, une bannière représentant l'écusson de Poudlard sous laquelle était dressée une table couverte de parchemins et de plumes.
Remus remonta la file de bancs sur lesquels avaient pris place les professeurs de Poudlard.
La marche nuptiale retentit de nulle part.
Morgwen s'avança vers l'homme qu'elle aimait.
Des crépitements de flashs…
Sa robe blanche prenait les couleurs du couchant…
Ce sourire de Remus…
Parvenue devant McGonagall elle s'arrêta, attendant.
-- Nous sommes réunis ce soir pour célébrer l'union de cet homme et de cette femme, sous la bénédiction de Merlin, commença la sorcière avant de se tourner vers la demoiselle d'honneur: Rolanda Bibine ?
-- Je témoigne de l'amour que ces êtres se portent l'un à l'autre, répondit Rolanda.
-- Severus Rogue ? reprit McGonagall en s'adressant au professeur de potions.
Il hésita une seconde qui parut une éternité à Morgwen.
-- Je témoigne de l'amour que ces êtres se portent l'un à l'autre, finit-il par répondre d'une voix amère.
McGonagall continua comme si de rien n'était.
-- Remus Lupin ?
-- Morgwen, je te prends pour épouse, répondit Remus faisant s'agrandir le sourire de Morgwen, et je te promets de te chérir et de t'aimer jusqu'à ce que la mort nous sépare.
-- Morgwen Roussel ?
-- Remus, je te prends pour époux, souffla-t-elle avant de retrouver sa voix, et je te promets de te chérir et de t'aimer jusqu'à ce que la mort nous sépare.
-- Y a-t-il quelqu'un dans cette assemblée qui ait une raison de s'opposer à ce mariage ? demanda McGonagall au public.
Morgwen avait beau savoir que cette question était pure cérémonie, elle retint sa respiration de peur jusqu'à ce que la sorcière reprenne.
-- Remus et Morgwen, je vous déclare donc mari et femme.
Chapitre deux by Morgwen
Était-il possible d'être aussi heureuse ? Elle était à présent Madame Remus Lupin. Elle vivait dans un château où tous les professeurs semblaient pressés de lui enseigner leur savoir… Le printemps était radieux…
Remus avait repris son travail à Pré-au-Lard, bien qu'il eût emménagé au château avec elle. Ce travail lui laissait beaucoup de temps libre qu'il occupait à rattraper tout le temps perdu avec son épouse.
Le reste du temps, Morgwen le passait en compagnie de Rolanda Bibine qui lui apprenait tout ce qu'il y avait à savoir sur la vie de sorcière.
Trois jours s'étaient écoulés depuis son mariage et la vie était belle.

Le matin du quatrième jour, alors qu'elle prenait son petit-déjeuner dans la Grande Salle avec Remus, elle vit entrer un vieux sorcier inconnu. Sa barbe et ses cheveux blancs comme neige étaient serrés dans sa ceinture, il portait une robe bleu nuit aux motifs étoilés et des lunettes en demi-lune sur le nez.
Albus Dumbledore…
Le directeur s'assit à sa place, au milieu de la table des professeurs et commença de déjeuner comme s'il venait de se lever.
Morgwen ne put s'empêcher de le dévisager curieusement. Elle en avait tant entendu parler ! Quel âge pouvait-il avoir ? Soixante-dix ans ? Quatre-vingt ? Ce devait être un très vieil homme – Remus l'avait toujours connu avec des cheveux blancs – mais il se tenait droit et riait en s'adressant à McGonagall comme un enfant…
S'interrogeant, elle jouait avec son alliance. Depuis quatre jours, elle n'avait pas encore pris l'habitude de la porter et avait une tendance à la tripoter chaque fois qu'elle était nerveuse.
Remus, ayant fini de manger, se leva, l'embrassa sur le front et partit pour le village.
Morgwen s'apprêtait à l'imiter lorsque Dumbledore l'interpella.
-- Madame Lupin. Venez donc vous asseoir près de moi.
McGonagall était sortie après avoir apparemment mis le directeur au courant du mariage.
Morgwen obéit avec hésitation. Bien qu'elle ne pût l'expliquer, il l'intimidait énormément.
-- Morgwen… Vous permettez que je vous appelle Morgwen ?
Elle acquiesça.
-- Je suis ravi de voir que votre captivité prolongée n'a pas altéré votre santé.
Elle avait juste accouché d'un enfant mort-né et été saignée… Évidemment, à part ça…
-- J'ai malheureusement de mauvaises nouvelles pour vous…
Dumbledore la regardait par-dessus ses lunettes et son regard semblait lire le fond de son âme. Remus lui avait dit que son regard à elle lui faisait parfois le même effet…
-- Que Lawhead et ses compères aient été envoyés à Azkaban ne change rien à la menace que votre sang fait peser sur le monde…
De quelle menace parlait-il ?
-- Je vois que vous ne comprenez pas… Hmmm… Peut-être n'est-ce pas le meilleur endroit pour en discuter. Nous devrions…
-- Non ! coupa-t-elle. Quoi que vous ayez à me dire, dites-le moi maintenant !
-- Très bien… Mon enfant, vous êtes la dernière descendante vivante de Morgane la Noire. Savez-vous qui était Morgane ? Oui ? Bien. Vous savez donc qu'elle avait trouvé le moyen de conserver sa jeunesse, capacité qu'elle a transmise par son sang à ses filles. Son sang s'est mélangé petit à petit au fil des générations, ce qui fait que si un sorcier voulait l'utiliser aujourd'hui, il devrait vider sa dernière descendante de tout son sang. Vous vider de tout votre sang…
Morgwen frissonna, se remémorant la cérémonie, le couteau qui lui avait entaillé les poignets, ouvert les veines…
-- Si un groupe de mangemorts a trouvé votre trace pour tenter de ramener Voldemort à la vie, reprit Dumbledore, d'autres y parviendront. Donc, tant que Voldemort n'aura pas été détruit, vous représentez un danger…

Dumbledore lui avait exposé son plan. Elle devait en parler à Remus.
Pourquoi son bonheur avait-il été si court ? Était-ce bien le seul moyen ?
Allait-elle accepter ? Avait-elle le choix ?
Que dirait Remus ?

Il la trouva dans leur appartement, perdue dans ses pensées, le regard fixé sur une de leur photo de mariage.
-- Morgwen ? Ça ne va pas ?
Elle lui sourit sans répondre et se leva de son fauteuil. Le prenant dans ses bras, elle l'embrassa profondément. Le corps de Remus répondit à son baiser.

Ils n'avaient pas atteint la chambre à coucher. Ils reposaient tous deux sur un tapis devant la cheminée. Remus s'était endormi, un sourire sur les lèvres.
Il était encore heureux…
Que dirait-il ?
Elle le réveilla d'un baiser.
-- J'ai quelque chose à te dire…
Son ton sérieux et triste le réveilla tout à fait. Il se souleva sur un coude et la regarda, interrogateur.
Elle lui répéta les paroles de Dumbledore.
-- Un danger ? S'écria-t-il. Non ! En tout cas pas tant que tu resteras ici…
-- Ça ne sera pas suffisant. Il faut que personne ne me trouve. Jamais. Tant que Voldemort peut revenir…
-- Mais comment pourrions-nous nous cacher ?
-- Dumbledore a trouvé un moyen de me cacher, soupira-t-elle. Un moyen qui me permettra de rester à Poudlard et d'apprendre tout ce qu'une sorcière devrait connaître…
Il poussa un soupir de soulagement.
-- Mais ça ne va pas te plaire…
Elle jouait à nouveau avec son alliance. Combien de temps avant qu'elle puisse à nouveau la porter ?
-- Il m'a parlé d'une potion que Rogue serait capable de concocter, reprit-elle. Une potion aux effets irréversibles…
Elle devait lui expliquer… Comment le prendrait-il ? Pourrait-il accepter ?
-- Cette potion rajeunirait mon corps de treize ans… A l'intérieur, je serais toujours une femme… Ta femme… Mais extérieurement, je ressemblerais à n'importe quelle petite fille commençant ses études au château…
-- QUOI ?
Remus s'était relevé brusquement et la regardait horrifié. Elle continua néanmoins.
-- Il m'a expliqué que ça n'allait pas me permettre de rallonger ma vie… Mon corps aura toujours les mêmes capacités, les mêmes désirs…
-- Ne me dis pas que tu as accepté !
Elle le regarda douloureusement et il lut la réponse dans ses yeux.
-- Dans ce cas, qu'il me rajeunisse aussi ! Que nous ayons le même âge !
-- Ce n'est pas possible, Remus… Cette potion sera préparée à partir d'un peu de mon sang… Tu n'as pas le sang de Morgane…
-- Il doit y avoir un autre moyen ! rugit Remus. Je ne veux pas être marié à une enfant ! Comment pourrai-je retenir l'envie que j'ai de toi ? Non ! Je ne peux même pas t'imaginer si jeune et moi…
Elle ne répondit rien. Que pouvait-elle dire ? Si Dumbledore n'avait pas vu d'autre moyen, comment pourraient-ils en trouver ?
Il ne restait qu'à Remus à accepter.

Trois anneaux entrecroisés. L'un en or jaune, le deuxième en or rouge, le dernier en or blanc… A l'intérieur du jaune, le nom de Remus était gravé en lettres minuscules. Sur le rouge, c'était son nom à elle. Et l'autre restait vierge…
Morgwen jouait de nouveau avec son alliance. Elle l'avait aimée dès le moment où Remus le lui avait montrée. Il portait la même…
Ces trois anneaux inséparables…
Remus, elle et… un troisième être dont il ne pourrait jamais se séparer mais qui n'avait pas de nom…
Un anneau blanc comme la lune… Un anneau blanc comme l'argent…

-- Madame Lupin ?
Elle se retourna vivement en reconnaissant la voix du garde-chasse.
-- Combien de fois vous ai-je demandé de m'appeler Morgwen, Hagrid ? répondit-elle en souriant tristement.
-- Pardon Morgwen, reprit-il. Vous cherchez Remus ?
Effectivement, elle s'était rendu dans la Grande Salle dans cette idée, n'ayant pas trouvé son mari près d'elle à son réveil.
-- Il est allé voir le professeur Dumbledore. Par la barbe de Merlin, il avait l'air en colère quand je l'ai croisé !
Hagrid lui jeta un coup d'oeil interrogateur, espérant probablement qu'elle pourrait l'éclairer sur le comportement de Remus, mais elle se contenta de hocher les épaules.
-- Tant pis, dit-elle.
Elle était déçue. Combien de temps leur resterait-il, à Remus et elle, avant d'être à nouveau séparés, non par la distance, mais par quelque chose de bien pire ? Elle avait espéré profiter de tous ces instants avec lui.
-- Euh… commença Hagrid d'un air maladroit. Peut-être que… Euh… Vous ne voudriez pas voir vos chevaux ?
-- Mes chevaux ? Mes chevaux sont ici ?
-- Eh bien… Oui. Remus est rentré avec eux cet hiver. Je m'en suis occupé depuis parce que, il faut bien le reconnaître, le soin des animaux, c'est pas vraiment son truc…
Morgwen avait complètement oublié ses deux étalons, avec lesquels elle avait pourtant vécu de longs mois solitaires en pleine nature. Elle suivit Hagrid jusqu'à un enclos à l'écart de sa cabane.
Dès qu'ils les entendirent approcher, les animaux hennirent, reconnaissant la jeune femme, et accoururent vers la barrière. Deux chevaux fins et racés, l'un noir comme le jais, l'autre exhibant une robe brune à la crinière et à la queue sombres.
-- Myrddin ! Artus ! s'écria Morgwen en sautant la barrière et en serrant les deux chevaux contre elle chacun à leur tour.
Ses deux amis… Témoignages de sa vie d'autrefois… Sa vie avant qu'elle ne rencontrât Remus…
Remus…
Son plus grand bonheur, et sa plus grande douleur…

C'est ici que Remus la trouva, sur le dos d'Artus, la sérénité revenue sur son visage, parcourant l'enclos au petit trot. Dès qu'elle le vit, elle sauta au sol et courut vers lui.
Il la serra contre elle un long moment, ses mains jouant avec sa longue chevelure auburn. Il n'avait jamais été si démonstratif devant du monde – Hagrid était toujours présent – et elle comprit ce que cela signifiait.
Dumbledore l'avait convaincu…

Un mois… C'était le temps qu'il leur restait… C'était le temps nécessaire à Severus Rogue pour concocter la potion…
Dumbledore avait suggéré à Remus de prendre un congé dans son travail tout ce temps et proposé de l'héberger gracieusement, ce que le jeune homme avait accepté avec reconnaissance. Et les deux époux profitèrent de ce temps pour explorer le corps de l'autre jusqu'à ce que chacun de ses détails soit gravé dans leur mémoire.

Ils ne se séparèrent que trois nuits, lorsque la part humaine de Remus disparut. Il quitta leur appartement sans lui dire où il serait et elle trouva soudain leur lit tellement froid qu'elle se leva et s'habilla.
Elle sortit dans les couloirs du château, indécise quant à ce qu'elle pourrait faire maintenant. Elle laissa ses pas la porter dans des lieux inconnus jusqu'à ce qu'elle tombe sur un groupe d'élèves sortant bruyamment d'une salle située en sous-sol. Ils s'interrompirent en la voyant et déguerpirent rapidement. Ils la prenaient probablement pour un professeur.
La porte par où les élèves étaient passés était restée grande ouverte et Morgwen ne put s'empêcher de jeter un coup d'oeil à l'intérieur.
Personne !
Curieuse, elle entra. C'était apparemment une salle de cours – des rangées de bureau faisaient face à un tableau noir – mais elle ressentit une étrange impression de déjà-vu, de chez-soi dans cet endroit où elle n'était jamais venue. Elle s'approcha de l'un des bureaux et réalisa que ceux-ci supportaient des chaudrons tous semblables.
Ce devait être la salle de potions.
Et effectivement, alors qu'elle aboutissait à cette conclusion, une porte à côté du tableau noir s'ouvrit et l'un des témoins de son mariage en sortit.
-- Morgwen ? Que faites-vous ici ? demanda-t-il.
Elle nota à part elle qu'il l'avait appelée par son prénom pour la première fois.
-- Je suis désolée… La porte était ouverte et… balbutia-t-elle en rougissant. Je vais m'en aller…
-- Non, attendez ! coupa Rogue d'un ton froid. Puisque vous êtes ici, j'ai besoin de vous.
Elle le regarda, étonnée, alors qu'il lui faisait signe de la suivre puis passa la porte de son bureau à sa suite. Elle regarda curieusement autour d'elle, détaillant le contenu des bocaux rangés tout autour d'elle sur des étagères. Elle reconnut certains ingrédients de ce qu'elle appelait ses « recettes de grand-mère », dont plusieurs qu'elle savait extrêmement difficile à se procurer. Mais peut-être pouvait-on les trouver au coin de la rue dans le monde sorcier…
Rogue la regardait à présent d'un air assez étonné.
-- C'est bien la première fois qu'un novice regarde mon bureau sans dégoût, dit-il.
Elle lui sourit. Le visage du Maître de Potions se ferma de nouveau.
-- Je voulais vous parler de la potion que je prépare pour vous, reprit-il.
Le sourire de la jeune femme s'effaça à cette pensée. Depuis le début du congé de Remus, elle s'était empressée de la chasser de son esprit, ses caresses aidant la plupart du temps.
-- Elle sera prête dans quatorze jours, continua Rogue. Il vous faudra la boire aussitôt. Plus vous attendrez, plus il sera difficile de contrôler le nombre d'années en jeu.
-- Quatorze jours…
-- Vous savez que votre sang est nécessaire à l'élaboration de cette potion, reprit-il sans tenir compte de l'interruption. Il nous faudra l'ajouter à un moment précis, demain dans l'après-midi.
Il la regarda un moment avec ce regard si dépourvu d'expression.
-- J'ai bien peur que nous n'ayons besoin d'une grande quantité de votre sang, Madame Lupin…
Elle ne répondit pas. Elle se demandait ce qu'il appelait grande quantité.
-- Ce que je vais devoir vous prélever vous laissera très faible pendant quelques jours. Peut-être même risquez-vous de vous évanouir pendant l'opération. J'ai demandé à Madame Pomfresh d'être présente.
Très faible… Elle ne pourrait pas faire l'amour à Remus…
Mais demain, Remus ne serait toujours pas auprès d'elle…
Rogue continuait de lui parler, mais elle ne l'écoutait plus. Elle jouait à nouveau avec son alliance.
-- Je passerai vous chercher à la Grande Salle à quinze heures, entendit-elle.
– Bien ! Au revoir, Severus.
Et elle rejoignit les couloirs du château sans se retourner.

Elle regardait le chaudron fixement, la main de Remus dans la sienne. Encore trois minutes, avait dit Rogue…
Elle ne pouvait pas affronter le regard de Remus.
Deux minutes…
Elle sentait qu'il la regardait, qu'il voulait graver son image présente dans son esprit.
Une minute…
Elle voulait en finir. Elle voulait que ce moment n'arrive jamais. Elle ne savait pas ce qu'elle voulait.
La potion, rouge du sang de Morgwen, prit une teinte jaune. D'un jaune maladif, contre-nature…
Une coupe entra dans son champ de vision. La main de Severus Rogue la plongea dans le chaudron et l'en ressortit, pleine à rabord. La coupe s'approcha d'elle.
-- Buvez !
Ce n'était pas la voix de Rogue. Elle leva le regard pour le plonger dans les yeux bleus du directeur. Bien qu'ils ne reflètent que bienveillance, elle le haïssait à cet instant.
Elle prit la coupe dans une main, sans lâcher celle de Remus.
Elle l'approcha de ses lèvres sans toutefois les y tremper.
-- Morgwen, buvez ! insista le directeur.
Elle tourna le visage vers son époux. Devait-elle boire ? Devait-elle l'abandonner ainsi ?
Remus la regardait tristement, douloureusement. Mais il hocha la tête, l'encourageant à boire.
Elle but.

La transformation fut lente. Rogue lui avait prêté un miroir et elle s'observait. Ses traits ne changeaient pas de manière régulière, mais plutôt par à-coups.
Chacune de ces étapes lui amenait un frisson. Ça n'était pas précisément douloureux mais la sensation était réellement désagréable.
Quand son alliance, trop grande, tomba de son doigt, un noeud se forma dans sa gorge. Elle leva les yeux vers Remus qui la regardait, son visage se décomposant petit à petit.
Au bout d'un long moment, plus rien ne se passa. C'était fini. Elle s'aperçut à peine du départ de Dumbledore et Rogue.
Elle n'osait pas regarder Remus… A la place, elle s'observa dans le miroir. Son visage était redevenu osseux. Son corps, flottant dans sa robe, lui paraissait aussi maigre que dans son enfance. Ses mains étaient minuscules, sa petite poitrine avait disparue…
Elle revint à son visage. Ses cheveux auburn étaient restés longs et ondulés et ses yeux noirs trahissaient son âge réel.
Elle sentit la main de Remus toucher son visage et le tourner vers lui.
Elle plongea son regard dans le sien, se perdant dans sa détresse.
-- Je ne peux pas te voir ainsi, souffla-t-il faiblement.
Des larmes se mirent à couler sur les joues de Morgwen. Ce n'étaient pas les pleurs d'un enfant, mais ceux d'une femme.
-- Si je croise ton regard, j'oublie ton apparence. Je me rappelle nos étreintes…
Il pleurait également à présent.
-- Mais je ne peux pas te toucher si tu es ainsi…
Ils se turent un instant. Morgwen comprenait ce qu'il ressentait, et ce qu'il s'apprêtait à faire, mais elle le refusait.
-- Je ne peux pas rester ici et te voir…
-- Remus… implora-t-elle. Ne me laisse pas ! Ne m'abandonne pas ! Je ne veux plus être seule !
Mais il s'écartait d'elle. Il ramassa l'alliance toujours au sol et la lui tendit.
Morgwen la serra dans sa main.
-- Quand cette bague t'ira de nouveau, je reviendrai.
Et la solitude enveloppa Morgwen à nouveau.
Chapitre trois by Morgwen
Une brume cotonneuse semblait envelopper tout le champ de vision de Morgwen. Elle battit des paupières et la pièce dans laquelle elle se trouvait lui apparut lentement.
Un haut plafond à clefs de voûte, de grandes fenêtres inondant de soleil de multiples lits simples, bien différents du baldaquin qu'elle partageait avec Remus dans leur appartement de Poudlard.
Remus !
Elle se redressa, saisie par le souvenir de sa transformation, pour réaliser que quelqu'un était présent à son chevet.
Remus ?
Des yeux bleus bienveillants la regardaient par-dessus des lunettes en demi-lune, encadrés par une masse de cheveux et de barbe argentés.
Albus Dumbledore…
-- Bonjour Morgwen.
-- Bonjour professeur, réussit-elle à articuler difficilement.
Elle ne reconnut pas sa propre voix.
-- Je ne devrais pas vous parler ainsi dès votre réveil, avant même que Madame Pomfresh ne vous ait examinée… J'ai bien peur qu'elle veuille me dépecer vivant si elle l'apprend.
Morgwen jeta un nouveau coup d'oeil autour d'elle. Elle devait se trouver à l'infirmerie du château.
-- Qu'est-ce que je fais ici ? demanda-t-elle, un peu brutalement.
-- Vous vous reposez, Morgwen, répondit Dumbledore sans relever le ton employé. La potion que vous avez bue comporte beaucoup d'effets secondaires désagréables. C'est pourquoi nous vous avons plongée dans un profond sommeil afin que vous n'ayez pas à les subir.
-- Où est Remus ?
Dumbledore sembla hésiter un instant avant de répondre.
-- Remus est… parti. Une quinzaine de jours après votre transformation. Il a mentionné des amis à Oulan-Bator… Je n'ai pas de nouvelles depuis.
Morgwen ressentit un grand vide dans sa poitrine. C'était bien pire que d'être enlevée par des inconnus qui en avaient voulu à sa vie et à celle de son enfant à naître. Remus l'avait délibérément abandonnée. Elle aurait voulu pleurer, que des larmes libèrent son désespoir, mais ses yeux restaient secs et son coeur se refroidissait.
Elle prit une longue inspiration et se tourna à nouveau vers le directeur.
-- Depuis combien de temps suis-je ici ? Vous avez parlé d'une quinzaine de jours…
-- Voyons… Vous avez pris votre potion le 7 juillet, et nous sommes le 24 août… Cela fait donc… six semaines et six jours.
-- Quoi ? Ça fait un mois et demi que je suis inconsciente ?
-- Hélas oui, soupira Dumbledore. Et il nous reste très peu de temps avant la rentrée scolaire. C'est pourquoi je suis venu vous parler dès votre réveil. Il reste beaucoup de choses à préparer.
Morgwen n'était pas vraiment d'humeur à discuter de sa rentrée en tant qu'élève. Remus était parti au loin. Elle était redevenue une enfant et venait d'apprendre qu'elle n'aurait qu'une semaine pour s'y habituer avant de devoir jouer le jeu devant des centaines de personnes. Mais le directeur ne lui laissa pas le temps de protester.
-- Premièrement, vous ne devez sous aucun prétexte quitter les terres de Poudlard ! J'ai placé quelques protections supplémentaires qui me préviendront de la moindre tentative.
Elle n'était à nouveau qu'une prisonnière… Poudlard était une immense cage dorée, ça n'en restait pas moins une cage.
-- Comme vous ne pouviez pas aller sur le Chemin de Traverse acheter vos fournitures scolaires et quelques vêtements à votre taille, j'ai chargé les professeurs McGonagall et Rogue de s'en occuper. Avec Madame Pomfresh et, évidemment, Remus, ils sont les seules personnes au courant de votre transformation. Il ne vous manque que votre baguette, mais j'ai obtenu de Mr Ollivander qu'il se déplace jusqu'au château.
Morgwen ne l'écoutait que d'une oreille. Elle haïssait à ce moment le sorcier face à elle qui l'emprisonnait ainsi.
-- Pour éviter de mettre le reste du personnel au courant, vous resterez ici, sous la garde de Madame Pomfresh, jusqu'à jeudi prochain, le 1er septembre.
Pourquoi devait-il lui parler comme à une enfant ? Elle avait vingt-quatre ans après tout, même si elle n'en paraissait que onze !
-- Reste à vous trouver un nom sous lequel vous inscrire. J'ai préféré attendre votre réveil, que vous le choisissiez vous-même.
-- Est-ce que je peux y réfléchir un peu ? demanda-t-elle, la voix pleine d'amertume.
-- Évidemment ! Mais je voudrais vous présenter sous votre nouveau nom à Mr Ollivander qui viendra demain matin.
Un son venant du fond de l'infirmerie le fit se retourner un moment.
-- Madame Pomfresh revient. Je dois y aller.
Et il la laissa là, sans plus d'explications.

Quelle difficulté que de trouver un pseudonyme ! Morgwen aurait bien aimé trouvé un nom qui la représente mais vu que le but était de mieux se cacher aux yeux du monde, elle abandonna rapidement cette idée. Il valait mieux trouver un nom que nul ne regarderait à deux fois.
Elle avait d'abord pensé à plusieurs noms de famille de ses connaissances enfant mais s'était rendu compte que les sorciers passeraient le temps à écorcher les syllabes bretonnes. Au delà du côté agaçant, cela risquait d'aller à l'encontre du but recherché : ne pas se faire remarquer.
Elle décida alors d'éplucher un énorme livre sur l'histoire de Poudlard laissé par l'infirmière jusqu'à y trouver une idée. Elle tournait machinalement les pages, regardant les textes en diagonale, quand elle tombe sur une illustration représentant des trolls en train de danser le ballet qui attira son attention. En regardant de plus près, elle réalisa qu'il s'agissait d'une reproduction d'une tapisserie du château et qu'elle avait été réalisée par un certain Celdwyn Pye.
Pye…
Cela ne sonnait pas du tout français, certes, mais le nom l'interpellait. Il était facile à mémoriser et elle pouvait toujours prétendre que ce type de nom existait de l'autre côté de la Manche, avec une prononciation différente.
Il lui fallait encore trouver un prénom. Elle reporta son attention sur le livre et, quelques lignes plus bas, son oeil fut arrêté par le nom d'une sorcière, Augusta Bartelbrook, qui avait doté les salles de potion du château d'un sortilège d'aération continue. C'était un prénom un peu démodé en France, du moins chez les moldus, mais qui avait le mérite d'exister dans les deux pays. Va pour Augusta !
Elle serait donc à présent Augusta Pye, orpheline d'une famille de moldus français.

Le professeur McGonagall vint lui rendre visite. Elle lui apprit que, avant son départ, Remus avait trié ses affaires et avait rassemblé dans une malle ce qu'elle pourrait vraisemblablement posséder en tant qu'élève, ce à quoi McGonagall avait ajouté ce qu'elle et Rogue avait acheté pour elle. Le reste de ses possessions était resté dans l'appartement auquel seule Augusta, puisqu'elle se nommait maintenant ainsi, avait désormais accès.
Elle lui avait également apporté deux objets que son mari lui avait préparés : un cadre à photo et une chaîne. Augusta reconnut instantanément la bague suspendue à la chaîne en or blanc : son alliance. Dès que McGonagall la lui tendit, elle se l'attacha autour du cou, se jurant de ne jamais l'enlever jusqu'au retour de Remus. Regardant alors le cadre, elle réalisa qu'il contenait une photo de leur mariage. Elle se voyait, adulte et rayonnante, suspendue au bras de Remus qui lui offrait son magnifique sourire…
Elle remercia McGonagall d'un murmure et, alors que la sorcière repartait, elle serra la photo contre son coeur.

La semaine fut longue.
Madame Pomfresh l'autorisait à se lever mais non à sortir de l'infirmerie. Ce fut tout juste si Augusta réussit à la convaincre de la laisser quitter sa chemise de nuit pour enfiler son nouvel uniforme !
Dumbledore n'était pas revenu. Elle avait laissé son nouveau nom à McGonagall qui en échange lui avait confié un certain nombre de parchemins administratifs qu'elle avait eu tout le temps d'étudier. Parmi eux, une demande de transfert d'argent depuis son compte en banque en Bretagne – comment diable avaient-ils pu apprendre le nom de sa banque et son numéro de compte ? – vers un nouveau compte à la banque Gringotts. Interrogée, l'infirmière lui apprit que Gringotts était tenue par des gobelins et l'aida à remplir le parchemin pour ouvrir un compte sous son nouveau nom.
Mais toujours aucune nouvelle de Remus…

Le 1er septembre arriva enfin ! Augusta était déjà debout depuis longtemps, tournant en rond dans l'infirmerie, lorsque Madame Pomfresh lui apporta son petit-déjeuner.
-- Ne vous excitez pas ainsi Madame Lupin ! lui dit-elle en posant un lourd plateau sur sa table de nuit. Je ne peux pas vous laisser sortir tout de suite !
L'enthousiasme d'Augusta retomba aussitôt et elle s'assit tristement sur son lit.
-- Ne m'en voulez pas ! reprit l'infirmière. Mais vous devez comprendre que les élèves ne sont supposés arriver par le Poudlard Express que ce soir…
-- Mais je n'arrive pas par le train, interrompit la jeune femme. Je suis supposée venir d'un orphelinat français, par un autre moyen de transport. Donc je peux arriver plus tôt, n'est-ce pas ?
La sorcière réfléchit un instant.
-- Je suppose que c'est possible. Je vais en toucher deux mots au directeur. En attendant, faites-moi plaisir et avalez-moi un solide petit-déjeuner !

Enfin de l'air !
Augusta, traînant sa malle derrière elle comme si elle venait de débarquer à Poudlard – par portoloin, d'après l'infirmière, qui lui avait expliqué en détail les effets d'un tel voyage – sortit du château et se dirigea vers la cabane de Hagrid. Elle fut soulagée de ne pas le voir. Après tout, elle n'était pas supposée le connaître…
Elle fit le tour de la maison pour s'approcher de l'enclos où se trouvaient toujours ses chevaux. Déposant sa malle près de la clôture, elle tenta d'escalader celle-ci pour les rejoindre. La barrière ne lui avait pourtant pas semblée si grande la dernière fois qu'elle était venue ; elle aurait dû être capable de la passer sans problème ! Bien sûr ! C'était elle qui était bien plus petite.
Déçue, elle abandonna.
-- Artus ! Myrddin ! appela-t-elle.
Les deux chevaux levèrent la tête, curieux, mais ne s'approchèrent pas. Ils ne la reconnaissaient pas.
D'abord Remus et maintenant eux !
-- Eh ! entendit-elle derrière elle. Qu'est-ce que tu fais là ?
Elle se retourna vivement pour voir approcher l'immense Hagrid, encore plus grand que dans son souvenir.
-- Une élève ? Comment ça se fait que tu es déjà là ? reprit-il d'un air sévère qui aurait fait fuir le plus brave sorcier sans demander son reste.
-- Je viens d'arriver Monsieur, répondit-elle avec une timidité seulement à demi feinte. Je suis française et le professeur McGonagall m'a dit que je pouvais me balader en attendant le repas de ce soir.
-- Ah oui… Je me souviens. Dumbledore m'en a parlé.
Il avait retrouvé son ton doux et on pouvait devenir un grand sourire sous sa barbe fournie.
-- Comment tu t'appelles ?
-- Augusta Pye, Monsieur.
-- Appelle-moi Hagrid ! Tu aimes les chevaux Augusta ?
Augusta était un peu agacée de s'entendre adresser comme si elle n'était qu'une gamine. Il fallait qu'elle s'y habituât, tous ses professeurs à venir lui parleraient ainsi.
-- Oui, répondit-elle simplement.
Hagrid claqua sa langue contre son palais et Artus et Myrddin accoururent pour lui souhaiter la bienvenue. Un instant, Augusta sentit une bouffée de jalousie à l'égard de cet homme, sentiment qui s'effaça dès que les deux grands animaux, la reconnaissant enfin, vinrent fourrer leurs naseaux dans le creux de ses mains.
Hagrid s'étonna.
-- D'habitude ils sont vraiment sauvages avec les élèves.
-- Mes parents avaient des chevaux, lui répondit Augusta avec aplomb. Peut-être qu'ils le sentent.
Le géant acquiesça.

Augusta resta avec Hagrid le reste de la journée à soigner ses deux chevaux. D'après ce qu'il lui dit, le personnel de l'école pensait que Remus et elle étaient partis ensemble, laissant Artus et Myrddin à la charge du garde-chasse. Cela signifiait qu'il y avait peu de chance que l'un d'entre eux pût la reconnaître… Ne pouvant pas dévoiler sa véritable identité, elle serait forcée de se trouver des amis parmi les élèves. Elle aurait pourtant aimé pouvoir conserver une amie comme Rolanda Bibine qui avait son âge.
La nuit était tombée quand Hagrid lui annonça qu'il devait la quitter pour accueillir les nouveaux élèves à la sortie du train. Ils devraient ensuite traverser le lac en barque afin que les autres étudiants eussent le temps de s'installer dans la Grande Salle pour le début de la cérémonie de la Répartition.
-- Tu n'as qu'à me laisser ta malle Augusta. Je la mettrai avec celles des autres élèves. Tu peux nous attendre au débarcadère, à moins que tu ne préfères venir avec moi jusqu'à Pré-au-Lard…
Que ne donnerait-elle pas pour sortir de Poudlard ! Mais les ordres de Dumbledore le lui interdisaient.
-- Je préfère me passer de la barque si je peux, répondit-elle malgré elle.

Assise sur le ponton, elle regardait les petites lumières s'approcher doucement. Elle pouvait à présent distinguer les frêles silhouettes des enfants. Elle soupira en pensant qu'elle-même y ressemblait.
Les barques vinrent se ranger les unes à côté des autres et les élèves de première année se précipitèrent sur la terre ferme. Elle les regarda curieusement. Certains paraissaient nerveux, d'autres excités, d'autres enfin, les plus nombreux, absolument terrifiés. Aucun d'entre eux, en tout cas, ne semblait avoir réalisé sa subite présence parmi eux. Sauf peut-être une petite fille brune aux grands yeux bleus et au nez un peu aplati, et un garçon très roux, un peu plus petit que la moyenne. Tous deux la regardèrent curieusement avant que la fille ne se prît les pieds dans une corde et ne s'étalât de tout son long. Le garçon roux la releva.
Elle emboîta le pas aux autres et ils entrèrent dans le Grand Hall où il furent accueillis par le professeur McGonagall. Elle les conduisit dans une petite pièce où ils se réunirent en un groupe compact, comme effrayés par la grandeur des lieux.
-- Bienvenue à Poudlard, leur dit McGonagall d'une voix plus sévère qu'accueillante. Le banquet de rentrée va commencer sous peu mais, avant que vous ne preniez place, vous allez être répartis dans vos maisons. La Répartition est une cérémonie très importante car, tant que vous serez ici, votre maison sera quelque chose comme votre famille au sein de Poudlard. Vous aurez cours avec le reste de votre maison, dormirez dans le dortoir de votre maison et passerez vos temps libres dans la Salle Commune de votre maison.
Augusta avait l'impression que McGonagall tenait ce discours depuis des décennies et continuerait pour bien des générations…
-- Les quatre maisons sont nommées Gryffondor, Poufsouffle, Serdaigle, et Serpentard. Chaque maison a sa propre histoire et chacune a produit des sorciers et sorcières exceptionnels. Tant que vous êtes à Poudlard, vos triomphes feront gagner à votre maison des points tandis que tout manquement aux règles en fera perdre. A la fin de l'année, la maison avec le plus de points reçoit la Coupe des Maisons, un grand honneur. J'espère que chacun d'entre vous se montrera digne de sa maison.
Elle dévisagea les élèves d'un air sévère qui les fit se rapprocher plus encore les uns des autres.
-- La cérémonie commencera dans quelques minutes devant le reste de l'école. Je reviendrai dès que nous serons prêts. Veuillez attendre dans le calme !
Elle quitta la salle. Les élèves s'entre-regardèrent et des murmures commencèrent à remplir l'air. Chacun se demandait en quoi consistait la cérémonie à laquelle ils allaient participer. Augusta se le demandait également. Remus ne lui avait jamais réellement expliqué le système de maisons de cette école.
Le petit garçon roux et la fille brune qui était tombée se tenaient légèrement à l'écart, discutant à voix basse. Le nez de la fille parut à Augusta moins aplati qu'elle ne l'avait vu sur le débarcadère.
Probablement la lumière…
-- Miss Tonks !
McGonagall était revenu et s'adressait à la fille qui sursauta en s'entendant appeler.
-- Je vous rappelle qu'il vous a été défendu de faire ça !
Augusta ne voyait pas du tout ce que cette fille avait fait pour mettre McGonagall en colère.
-- Bien, reprit la sorcière. La cérémonie de Répartition va commencer.

-- Mettez-vous en ligne, dit le professeur McGonagall et suivez-moi !
Les nouveaux élèves obéirent silencieusement et entrèrent à sa suite dans la Grande Salle où tous les occupants de l'école, étudiants et professeurs, les attendaient.
Alors que ses nouveaux camarades s'extasiaient sur la salle, son plafond et ses décorations, Augusta, placée en queue de file, tentait de repérer des visages connus à la table des professeurs. Elle n'eut aucun mal à trouver Hagrid qui lui fit un petit signe de la main auquel elle répondit ni Albus Dumbledore, positionné à la place centrale qui regardait les enfants approcher avec un air bienveillant. Elle finit par apercevoir Rolanda Bibine à qui elle ne put donner de signe d'intelligence et Severus Rogue à qui elle sourit mais qui ne la regarda même pas.
Ils avaient atteint le pied de l'estrade à présent et faisaient face au directeur. McGonagall vint positionner un petit tabouret à trois pieds devant eux, sur lequel était posé un vieux chapeau de sorcier.
A quoi cela rimait-il donc ?
Le silence s'était fait et, puisque l'attention de tous était fixée sur l'étrange couvre-chef, Augusta le regarda à son tour.
Un trou s'ouvrit à la base du chapeau et celui-ci, au grand étonnement de la jeune femme, se mit à chanter :

Depuis toujours Poudlard est divisé
En quatre maisons d'égale dignité
Et c'est mon rôle, en un millier d'années,
De décider où vous devrez aller.
Les fondateurs privilégiaient chacun
Un don précis qu'ils jugeaient opportun ;
Et c'est pour cela qu'un petit matin
Je m'éveillai vivant et très malin.
Je sus ce que Gryffondor désirait :
Des élèves courageux, braves et hardis ;
Alors que Serpentard plutôt aimait
Ceux dont le sang est pur et établi.
Serdaigle la belle voulait choisir
Les plus brillants qui apprenaient le mieux ;
Et la pure Poufsouffle su retenir
Tous ceux qu'elle jugeait vraiment consciencieux.
C'est ainsi que depuis plus de mille ans
Les nouveaux étudiants en me coiffant
Apprennent quel est leur principal penchant
Lorsqu'ils découvrent quelle maison les prend.

Des applaudissements secouèrent la Salle lorsque le chapeau fut à nouveau silencieux. Celui-ci s'inclina devant chacune des quatre tables d'élèves puis s'immobilisa à nouveau.

Augusta n'eut pas le temps de se remettre du choc de voir un chapeau vieux de mille ans chanter et bouger que McGonagall reprenait la parole.
-- Quand j'appellerai votre nom, dit-elle, vous monterez sur l'estrade, poserez le Choixpeau sur votre tête et vous asseirez sur le tabouret pour être réparti. Broadheart, Phaeton !
Un garçon enthousiaste se précipita vers le Choixpeau. Avant même qu'il n'ait eu le temps de s'asseoir sur le tabouret, la bouche du chapeau s'ouvrit et cria :
-- GRYFFONDOR !
La table longeant le mur de gauche explosa sous les applaudissements. Phaeton sauta de l'estrade et s'assit au milieu de sa nouvelle maison, un grand sourire sur les lèvres.
-- Chevelras, Calliopé !
Une petite blonde rougissante posa le Choixpeau sur la tête. Celui-ci mit plus de temps avant de crier à nouveau : -- GRYFFONDOR !
-- Fitzpaul, Euryda !
-- POUFSOUFFLE !
La table des Poufsouffle, à l'opposé de celle des Gryffondor applaudit bruyamment à son tour.
-- Fudge, Pâris !
-- SERPENTARD !
Ce fut au tour des Serpentard, à la table voisine des Poufsouffle, d'applaudir. Fudge… Ce nom évoquait quelque chose à Augusta, bien qu'elle ne parvienne pas à se rappeler quoi.
-- Pye, Augusta !
Elle mit un certain temps à réaliser que le nom que McGonagall appelait était le sien. Puis elle grimpa sur l'estrade comme les autres élèves avant elle. Cette fois, Rogue la regardait, apparemment impatient de connaître sa nouvelle maison. Elle attrapa le Choixpeau que McGonagall lui tendait et le posa sur sa tête. Elle eut alors la surprise d'entendre une voix murmurer dans sa tête.
-- Oh… Intéressant… Cela faisait très longtemps que je n'avais pas eu à analyser un caractère si affirmé… Si tu n'as que onze ans, je suis préparé à me manger moi-même ! Voyons, voyons… Ton sang et ta volonté seraient bienvenus à Serpentard… Mais ta loyauté envers ceux que tu aimes appelle plutôt Poufsouffle… Et que de capacités ! J'ai rarement vu des pouvoirs aussi prometteurs ! Hmm… Je sais donc où je vais te placer. Une telle intelligence ne peut aller qu'à…
-- SERDAIGLE !
La dernière table accueillit sa première nouvelle élève par de forts applaudissements. S'asseyant, Augusta remarqua que Rogue applaudissait poliment, l'air déçu. Une légère déception la traversa également : le Choixpeau l'avait considérée acceptable pour toutes les maisons… sauf celle de Remus.
Mais la cérémonie continuait, ajoutant des élèves à chaque maison.
-- Tonks, Nymphadora !
La brune qu'Augusta avait remarquée plus tôt et qui avait provoqué la colère de McGonagall sans raison apparente s'avança vers l'estrade. Dans la vive lumière des chandelles, son nez apparaissait à Augusta aussi aplati que sur le débarcadère. Bizarre…
-- POUFSOUFFLE !
Nymphadora Tonks, en voulant rejoindre sa table, renversa le tabouret et, par la même occasion, le Choixpeau, s'attirant un nouveau regard encoléré de McGonagall qui les redressa d'un geste de sa baguette.
-- Weasley, Charlie !
-- GRYFFONDOR !
Charlie Weasley fut accueilli à la table des Gryffondor par un autre garçon roux d'un an ou deux son aîné. Probablement son frère…
-- Yotsubadaï, Tsukasa.
Augusta reporta son attention vers le dernier élève à être choisi. Elle avait entendu de nombreux noms qui lui paraissaient étranges ce soir, mais il lui sembla que celui-ci était inhabituel pour toutes les personnes présentes. Tsukasa était un petit garçon très brun, aux traits asiatiques et au maintien fier. Probablement un japonais, d'après son nom. Ainsi, elle ne serait pas la seule étrangère de la promotion !
-- SERPENTARD !
Tous les élèves étaient à présent assis. Albus Dumbledore se leva lentement, laissant ainsi le temps au silence de s'installer. Ses bras étaient ouverts comme s'il s'apprêtait à embrasser la salle entière.
-- Bienvenue à une nouvelle année à Poudlard ! dit-il dans un grand sourire chaleureux ; et le ressentiment que Augusta possédait encore envers le vieux sorcier diminua d'un coup. Vous êtes tous fatigués et affamés alors je ne vous dirai qu'une chose : Bon appétit !
Et les plats en or disposés sur les tables s'emplirent du festin de rentrée.

Pendant que chacun mangeait, Augusta écoutait les conversations autour d'elle sans s'y mêler. Elle réalisa que, parmi les premières années, elle était la seule venant d'une famille entièrement moldue. Deux garçons néanmoins, Alistair Seewalker et Liam Quinn, étaient ce que les autres appelaient des « sangs-mêlés », c'est-à-dire que l'un de leurs parents n'était pas sorcier. Se remémorant la chanson du Choixpeau, elle se dit qu'aucun des nouveaux Serpentard ne devait être un sang-mêlé, et encore moins, comme elle, un enfant de moldu…
Elle observa les élèves des différentes tables, cherchant des différences notables, mais aucune ne lui apparut. Comment diable pourrait-elle repérer qui appartenait à quelle maison ? Devrait-elle apprendre à tous les reconnaître séparément ? Si déjà elle réussissait à retenir la répartition de sa propre promotion, elle serait contente !

Quand tous les élèves eurent reposé leurs couverts, repus, Dumbledore se leva à nouveau.
-- Ahem ! Maintenant que nous sommes tous bien nourris, je voudrais vous dire quelques mots avant que vous ne profitiez d'une bonne nuit de sommeil mérité. Les premières années devraient savoir que la forêt sur les terres de Poudlard est interdite à tous les élèves, ainsi que le village de Pré-au-Lard à tous ceux en dessous de la troisième année. Mr Rusard, notre concierge, m'a également demandé de vous rappeler que l'utilisation de la magie est interdite dans les couloirs du château et que la liste des… trois cent soixante-douze articles interdits est disponible, pour quiconque voudrait la consulter, sur la porte de son bureau. Les auditions de Quidditch auront lieu la seconde semaine de cours. Quiconque désirant jouer pour sa maison devra s'adresser à Madame Bibine. Et maintenant, tout le monde au lit !
Sur ce signal, un énorme brouhaha remplit la Grande Salle alors que tous les élèves se levaient. Augusta, indécise, se demandait si elle devait suivre les élèves plus anciens quand un garçon d'une quinzaine d'années cria au-dessus du bruit.
-- Premières années ! Premières années de Serdaigle ! Je suis préfet ! Suivez-moi !
Elle se rangea alors derrière lui, rapidement rejointe par les autres nouveaux élèves, et ils sortirent ensemble dans le hall d'entrée. Le préfet prit alors un couloir sur sa gauche – dans la direction de l'appartement de Rolanda – puis monta un large escalier en leur conseillant d'éviter l'extrémité droite de la huitième marche, suivit un autre couloir plus large dont les grandes arches donnaient sur une cour intérieure, avant de s'arrêter devant une porte pareille à toutes les autres. En se positionnant sur la pointe des pieds – quelle frustration d'être aussi petite ! – Augusta aperçut un heurtoir de bronze en forme d'aigle mais aucune poignée. Le préfet saisit l'oiseau fermement et frappa le mur.
Nombre d'élèves sursautèrent quand le heurtoir s'adressa à eux d'une voix chantante.
-- Comment les étoiles naissent-elles ? demanda-t-il.
-- Pour entrer dans la Salle Commune, il vous faut répondre à l'énigme du Heurtoir, dit le préfet aux premières années avant de se tourner à nouveau vers le mur. Rien ne se crée donc les étoiles naissent de la mort des autres étoiles.
-- Exact.
Alors la porte s'ouvrit, dévoilant la Salle Commune des Serdaigle.

La première impression d'Augusta en pénétrant dans la Salle Commune fut qu'elle allait s'envoler. La grande pièce était circulaire et était parcourue de grandes fenêtres en arcade donnant sur la nuit. Bien qu'elle ne pût voir de verre, elle supposa qu'un sortilège fermait les baies car nul courant d'air ne soufflait et la température était douce malgré l'heure avancée.
En face de la porte, une niche entourée de bibliothèques abritait une statue de marbre, Rowena Serdaigle, fondatrice de Poudlard. C'est en tout cas ce qu'expliqua le préfet qui les avait amenés. Il leur indiqua également que le plafond étoilé – ils levèrent les yeux à ces mots – portait également un enchantement de la grande sorcière et leur permettrait d'étudier l'astronomie par tous les temps.
Au milieu de la pièce étaient éparpillées plusieurs petites tables entourées de fauteuils dans lesquels plusieurs élèves des années supérieures discutaient. Des livres traînaient déjà un peu partout.
Augusta trouva immédiatement sa nouvelle Salle Commune magnifique. Quel dommage que Remus ne fût pas ici avec elle… Inconsciemment, elle prit dans sa main les trois anneaux entrelacés suspendus à son cou. Pourquoi Remus ne lui avait-il pas envoyé la moindre nouvelle ?
-- La porte de gauche donne sur les chambres des filles au-dessus de la Salle Commune, celle de droite sur celles des garçons en dessous, annonça le préfet. En tant que premières années, vos chambres seront les premières. Vos noms et promotion sont écrits sur la porte. Comme nous commençons les cours à neuf heures demain matin, je vous conseille d'aller vous coucher. Bonne nuit !
Et, entraînant les quatre garçons de premières années, il passa la porte de droite.

Augusta et les deux autres filles, Rose Osberg et Martha Reed, passèrent la porte de gauche et grimpèrent un escalier qui faisait visiblement le tour de la Salle Commune. La dernière marche donnait sur un couloir qui s'enfonçait vers le coeur de la tour où une petite pièce circulaire aux murs bleus et au toit vitré était découpée de huit portes : celles par laquelles elles étaient arrivées et les sept dortoirs.
Martha, une fille châtain un peu ronde dont le visage était couvert de grains de beauté, ouvrit la porte de leur chambre et entra, suivie par Rose, une élève aux longs cheveux bruns raides, à la peau mate, qui possédait, pensa Augusta, une beauté au-dessus de son âge. Elle ferait battre bien des coeurs à Poudlard d'ici quelques années !
Augusta les suivit et pénétra dans une chambre en arc de cercle où trois lits à baldaquins les attendaient, séparés par de nouvelles fenêtres – vitrées celles-ci. Rose et Martha s'étaient déjà attribué chacune un lit, laissant le dernier à Augusta. Comme ils étaient absolument identiques, elle laissa faire sans esclandre inutile.
Les deux filles étaient occupées à ranger le contenu de leur malle dans les commodes situées au pied des fenêtre à côté de leurs lits. L'une d'elle accrocha le poster d'une jeune femme au sourire éclatant – elle aurait pu tourner dans une publicité pour dentifrice – tandis que l'autre posait sur sa commode une photo de ses parents.
Soupirant à l'idée de devoir vivre avec deux préadolescentes pendant Dieu savait combien de temps, Augusta ouvrit sa malle et commença à les imiter. Contrairement à ses camarades, elle n'avait pas de peluches, jeux, posters ou quoi que ce fût qu'une sorcière de onze ans pouvait posséder. En plus de ses quelques vêtements et de ses deux uniformes de rechange, elle rangea la robe blanche dans laquelle elle s'était mariée – dont elle n'avait pas voulu se séparer – quelques romans moldus – ses préférés, qu'elle avait amenés avec elle en Mongolie – ses fournitures scolaires et deux cadres à photos qu'elle posa, comme Martha, sur sa commode.
Ses parents et grands-parents l'entourant, sur une photo immobile, datant de l'époque où ils étaient encore tous vivants. Elle devait avoir huit ou neuf ans.
La photo de mariage que Remus lui avait laissée.
Chapitre quatre by Morgwen
Le lendemain, vendredi, Augusta s'éveilla en sursaut, le coeur battant. Pourquoi ne pouvait-elle pas se replonger dans son rêve ? Où Remus était avec elle… Où les mains de Remus exploraient son corps encore adulte… Où elle pouvait le sentir en elle…
Mais elle eut beau fermer les yeux et ignorer les ronflements provenant des lits voisins, Augusta ne put se rendormir.
Elle écarta un des rideaux de son lit et se leva. Le réveil de Rose montrait cinq heures. Peut-être pourrait-elle lire dans la Salle Commune jusqu'à ce qu'il fût temps d'aller déjeuner. Elle prit un de ses livres au hasard et sortit de la chambre sans faire de bruit.
Dans la Salle Commune, les ouvertures dévoilaient une lune aussi ronde qu'une orange, encore haute au-dessus des bâtiments. Elle brillait d'un éclat argenté qui rappelait à Augusta le regard bleu gris qui avait hanté son rêve.
Remus…
Pourquoi aucune nouvelle ?
Elle tira l'un des fauteuils vers une fenêtre et s'y recroquevilla, regardant la Pleine Lune.
Où était Remus en ce moment ? Avait-il pu boire de la potion tue-loup ? Était-il un être sauvage, danger pour quiconque le croiserait ?
Pourquoi ne donnait-il donc aucune nouvelle ?
Les caresses de Remus, de ses souvenirs et de son rêve, imprégnaient sa peau.
La lune éclairait la jeune femme d'un éclat pâle et onirique…
Les paupières d'Augusta se fermaient doucement.
Les mouvements de sa main, jouant avec les trois anneaux suspendus à son cou, se faisaient de plus en plus lents.
La lune commença à disparaître derrière les toits du château.
Augusta retrouva les délices de son rêve.

Ce fut Martha qui la réveilla, une heure et demi plus tard, en lui secouant gentiment l'épaule.
-- Augusta ? souffla-t-elle. Augusta…
-- Hmm ? répondit Augusta, ensommeillée. Remus ?…
-- Augusta… C'est Martha ! Tu ne devrais pas dormir ici…
Augusta ouvrit les yeux pour voir le visage de sa camarade penchée sur elle, l'air inquiet. Elle s'étira et jeta un coup d'oeil par la fenêtre. L'aube pointait le bout de son nez.
-- Quelle heure est-il ? demanda-t-elle.
-- Six heures quarante. J'ai vu que ton lit était vide, alors je me suis demandé où tu étais… J'avais mis mon réveil tôt, parce que j'avais peur de ne pas être à l'heure le premier jour. Tu crois que tu saurais retrouver la Grande Salle, pour le petit-déjeuner ? Ce château est tellement grand !
-- Oui, je peux retrouver la Grande Salle, Martha, coupa Augusta en se levant. Puisqu'on a temps de temps, je prendrais bien une bonne douche !
-- Oh ! Mais je ne sais pas où est la salle de bain ! Personne ne nous l'a dit ! Tu ne crois pas qu'ils auraient dû nous le dire ? Je devrais peut-être réveiller Rose et lui demander si elle sait…
-- Non, laisse donc Rose dormir ! Allons voir chez les filles. Il y a un étage au-dessus des chambres, il s'agit probablement des salles d'eau.
Pendant qu'elle parlait, Augusta s'était dirigé vers la porte des dortoirs et avait commencé à monter l'escalier. Martha la rattrapa alors qu'elle atteignait l'étage supérieur. Juste avant d'entrer dans la pièce centrale, Augusta montra un petit escalier à la jeune fille qui menait à une mezzanine donnant sur le palier des chambres. Elle était éclairée par le dôme vitré et ressemblait à un large couloir rond avec des barrières au centre, des portes entrouvertes à l'extérieur et des bancs de bois au milieu.
-- Tiens, montra Augusta en désignant une porte. Là il s'agit de toilettes. Ici il y a une douche. Et là-bas, on dirait une baignoire. Je pense qu'on est au bon endroit, non ?
Elle n'était pas certaine que Martha, qui hochait la tête pour montrer son approbation, eût entendu le sarcasme dans sa voix.

Alors que les deux Serdaigle prenaient leur petit-déjeuner – Augusta avait effectivement retrouvé son chemin – le petit professeur qui les applaudissait tant la veille s'approcha d'elles.
-- Bonjour, leur dit-il d'un ton enjoué. Je suis le professeur Flitwick, directeur de votre maison.
-- Bonjour, répondit tranquillement Augusta.
-- Bonjour, réussit à balbutier Martha d'un ton timide.
Flitwick leur tendit à chacune un parchemin.
-- Voici votre emploi du temps. Si vous avez un problème, vous pourrez me contacter dans mon bureau, situé derrière la classe de sortilèges.
Et il les quitta en gambadant.
Augusta sourit en le regardant s'éloigner puis reporta son attention vers son emploi du temps. Chaque journée était divisée en quatre périodes, deux le matin et deux l'après-midi, mais aucune indication n'était portée sur la durée de ces périodes. Certains cours duraient une période, d'autres deux. Les salles dans lesquelles ces cours avaient lieu n'étaient pas non plus portées sur le document. Augusta repensa à ce que venait de leur dire leur professeur. Chaque cours devait se tenir dans la même salle toute l'année. Dans ce cas, réalisa-t-elle, elle connaissait au moins la salle de potions !
-- Oh ! Nous commençons par Histoire de la Magie, gémit Martha à son côté. Il paraît que c'est un cours très difficile à suivre, parce que le prof est ennuyeux à mourir.
Augusta éclata de rire. Remus lui avait parlé du professeur Binns, qui enseignait l'Histoire de la Magie. Pas étonnant qu'on dise ses cours ennuyeux à mourir !
-- Bonjour !
Quatre jeunes garçons venaient de s'asseoir à la table. Ils tenaient tous à la main leur propre emploi du temps, ayant été interceptés par Flitwick dès leur entrée dans la Grande Salle.
-- Orphée ! lança un frêle blond aux pommettes saillantes qu'Augusta reconnut comme étant Alistair Seewalker. Passe-moi le jus de citrouille, tu veux ? »
Le garçon à l'air orgueilleux s'exécuta. Ce devrait être Orphée Wellford. De souvenir, Augusta identifia Liam Quinn, un garçon au fort accent irlandais. Le dernier devait donc être… Eric Hockfield, un petit potelé dont les longues incisives chevalines choquaient dans son visage.
-- Est-ce qu'il n'y avait pas une troisième fille avec vous ? demanda Liam.
Ce fut le moment que choisit Rose pour faire son entrée. Les six têtes se tournèrent vers elle et quatre bouches masculines s'entrouvrirent. L'impression qu'Augusta avait eue la veille se confirma. Rose avait coiffé ses cheveux en un élégant chignon dont plusieurs mèches, artistiquement rebelles, s'échappaient. Ses grands yeux avaient été soulignés d'un léger trait noir – maquillée à son âge ! – et son uniforme laissait deviner que son corps était bien développé pour une fille de onze ans.
Elle s'approcha du groupe, s'assit comme si de rien n'était – les garçons le regardaient toujours avec stupeur – et commença à manger.
Augusta lui tendit son emploi du temps en la regardant d'un air désapprobateur. Rose la remercia mais n'y jeta qu'un rapide coup d'oeil avant de lui rendre, comme si tout cela ne l'intéressait pas.
Augusta soupira. Entre une anxieuse chronique et une coquette futile, l'année s'annonçait bien !

Comme prévu, le cours d'Histoire de la Magie endormit tous les élèves dès que le choc de voir apparaître le professeur à travers le tableau noir fut passé. Ne portant pas de montre, Augusta aurait été incapable de dire combien de temps s'était écoulé quand la sonnerie retentit.
Le cours suivant, Sortilèges, leur fut donné par le petit professeur Flitwick qui commença par les accueillir chaleureusement une nouvelle fois dans leur nouvelle maison, avant de leur distribuer à chacun une plume pour qu'ils puissent s'exercer sur leur première leçon, lalévitation. Augusta l'ayant appris avec son mari plusieurs mois auparavant, elle s'ennuya autant pendant ce cours que pendant le précédent. D'autant que Martha avait tenu à faire groupe avec elle et se lamenta tout du long parce que la plume ne voulait pas bouger.
Au déjeuner, Augusta essaya de discuter avec des élèves plus âgés, de sixième ou septième année, mais ceux-ci l'ignorèrent royalement.
Qu'avait-elle donc fait pour mériter tout cela ? Pourquoi avait-elle été heureuse un si court laps de temps ? Et pourquoi Remus ne lui envoyait-il pas de nouvelles ?

L'après-midi, ils eurent d'abord un cours de Défense Contre les Forces du Mal avec le professeur Smolett.
A leur grande surprise, d'autres élèves attendaient patiemment devant la porte que le cours commençât. Augusta se demanda à quelle maison ils appartenaient jusqu'à ce qu'elle reconnaisse un petit roux au visage couvert de taches de rousseur : Charlie Weasley. Ce devaient donc être les Gryffondor. Elle remarqua qu'il y avait essentiellement des filles dans cette maison.
Lorsque le professeur Smolett, un grand sorcier à la mâchoire carrée et aux gestes énergiques, les fit entrer, elle se dépêcha de prendre un siège à côté de Charlie pour éviter que Martha ne vint encore lui gâcher un cours.
-- Bonjour à tous ! Je vais commencer par faire l'appel, afin de connaître chacun d'entre vous. Les Gryffondor, tout d'abord. Broadheart Phaeton ?
Un garçon, occupé à montrer un magasine sous la table à sa voisine, sursauta avant de lever la main.
-- Chevelras Calliopé ?
La blonde placée devant Augusta leva la main timidement.
-- Garland Susan?
Sa voisine, une brune aux cheveux coupés très court, répondit.
-- Jones Gwenyfar ?
La voisine de Phaeton avait eu le temps de faire disparaître le magasine avant de lever la main.
-- Reillo Fanny ?
Une jolie blonde aux yeux noisette située derrière Augusta se manifesta.
-- Weasley Charles ?
Celui-ci leva la main à son tour.
-- Winghat Jenny ?
Une brune à la peau très mate, placée de l'autre côté de Charlie répondit.
-- Wiseair Elizabeth ?
Une fille aux grandes lunettes et aux allures de garçon manqué leva la main.
-- Bien ! Les Serdaigle. Pye Augusta ?
Comme d'habitude, Augusta mit un certain temps avant de réagir. Allait-elle jamais s'habituer à ce nom ?

-- Eh, Augusta ! lui souffla son voisin, à peine Smolett eut-il commencé le cours à proprement parler. Tu n'as pas traversé le lac avec nous hier, non ?
-- Non, effectivement, répondit-elle ; le cours, à peu près aussi passionnant que ceux de la matinée lui laissait le loisir de discuter. Je ne suis pas venue par le train, en fait.
-- C'est parce que tu n'es pas anglaise, n'est-ce pas ? D'où tu viens ?
-- De Bretagne, en France.
-- Quelle chance tu as de pouvoir voir un autre pays ! Moi je n'ai jamais quitté chez moi avant de venir à Poudlard. J'aimerais vraiment voyager, pourtant.
Augusta sourit. C'était le genre de garçon qui deviendrait un jour un baroudeur, qui ne supporterait pas de rester enfermé dans un bureau pour travailler… Quelqu'un comme elle-même, en fait…
-- Tu as vu autre chose que l'Angleterre ?
-- Oui, répondit-elle. Je suis née en Inde et j'ai vécu en Espagne, au Pérou, au Mexique et en Mongolie.
-- Ouah… siffla-t-il, impressionné.
-- Mon père était attaché d'ambassade et j'ai toujours habité avec lui, dans les différents pays où il travaillait.
-- Le mien bosse au Ministère de la Magie. Mais il n'a pas vraiment l'occasion de nous emmener en voyage…
-- WEASLEY ! PYE !
Ils sursautèrent tous deux alors tandis Smolett les regardait d'un air sévère.
-- Cinq points de retirés pour chacune de vos maisons ! Et que je ne vous entende plus du cours !
Penauds d'avoir perdu des points dès le premier jour, ils obéirent.

Le dernier cours de cette difficile journée fut potion. Devant le cachot où les attendaient Severus Rogue, ils retrouvèrent cette fois les élèves de Serpentard. A peine la porte refermée sur eux, le silence se fit. Le regard du professeur Rogue était de ceux qui découragent les bavardages.
Tout comme Smolett, il commença le cours par un appel, les Serdaigle d'abord.
-- Pye Augusta ?
Elle leva la main, sachant combien il lui était inutile de se présenter à Rogue. Il la regarda un long moment avant de poursuivre.
Dendelion Sylvia fut la première Serpentard appelée. A demi cachée par son chaudron, Augusta ne put voir à quoi elle ressemblait. Fudge Pâris était un garçon à l'air plus fier encore qu'Orphée. Augusta réalisa pourquoi lorsqu'elle se rappela soudain que Fudge était le nom de l'actuel Ministre de la Magie. Diable ! Il ne faudrait probablement pas avoir des problèmes avec celui qui était probablement son fils ! Lockfeet Frederique, ensuite, était une fille qui regardait Augusta comme si elle était couverte de purin. Encore quelqu'un de sympathique !
Longman Robert ? Un grand garçon aux longs cheveux auburn semblables à ceux d'Augusta leva la main.
Stinker John était le garçon au plus grand nez qu'Augusta ait jamais vu ! Swallow Matthew avait sur la tête une toison de cheveux bouclés qui le faisaient ressembler à un agneau égaré. Yotsubadaï Tsukasa paraissait tenir à se mettre à l'écart des autres Serpentard. Peut-être n'était-il pas encore à l'aise avec les Anglais.

Ce cours fut le premier qui intéressa Augusta. Ils ne touchèrent pas à leurs chaudrons et se contentèrent de prendre des notes sur les propriétés de différents ingrédients. Si elle en avait utilisé la plupart dans ses propres recettes, elle avait ignoré jusqu'ici la subtilité de leur choix. Elle écrivit précisément tout ce que leur expliqua Rogue.
Si seulement tous ses cours pouvaient être aussi intéressants !
Lorsqu'elle levait les yeux vers son professeur, néanmoins, elle ne pouvait s'empêcher de se rappeler qu'elle l'avait d'abord connu comme témoin de son mariage et sa main saisissait instinctivement son alliance alors que l'image de Remus l'emplissait. Elle dut se forcer de garder le regard rivé sur son parchemin pour ne rien perdre à ce que Rogue disait.

Lorsque la sonnerie retentit, Augusta s'apprêtait à rejoindre la Grande Salle avec les autres quand elle entendit Rogue dans son dos la retenir un moment.
Elle s'exécuta et attendit que tous les élèves soient sortis avant de demander :
-- Eh bien Severus ?
Elle avait délibérément pris un ton adulte. Fatiguée d'être traitée comme une gamine, elle voulait lui rappeler ce qu'elle était vraiment.
-- Le professeur Dumbledore m'a demandé de vous conduire auprès de lui à la fin de la journée, Miss Pye…
-- Severus ! L'interrompit-elle. Ne m'appelez pas comme ça quand nous sommes seuls ! Pour vous, je suis Morgwen ! Je sais, je suis supposée ignorer mon ancien nom, mais j'en ai assez ! J'aimerais que vous, tout au moins, me considériez comme je suis vraiment : une femme, plus âgée que vous soit dit en passant !
Elle réalisait que ce ton, dans la bouche de l'enfant dont elle avait l'apparence, aurait choqué plus d'un adulte, mais Rogue ne releva pas. Il se contenta de répéter :
-- Le professeur Dumbledore m'a demandé de vous conduire auprès de lui, Morgwen. Comme vous ne savez pas où se situe son bureau, je vais vous y accompagner.
Et il ouvrit la porte de la salle pour la laisser passer.
Après plusieurs minutes de déambulation, ils arrivèrent en face d'une énorme et très laide gargouille de pierre. Rogue s'arrêta et prononça d'une voix claire : « Dragée Surprise de Bertie Crochue ! »
La gargouille s'anima et fit un pas de côté, révélant un escalier en spirale qui montait lentement. Suivant Rogue, Augusta s'y engagea. L'escalier les déposa sur un palier où une majestueuse porte fermée barrait l'accès au bureau du directeur.
-- Je vous laisse ici Morgwen. Si vous avez besoin de moi, vous savez où me trouver.
Et il redescendit l'escalier avant qu'elle puisse dire un mot. Au moins, elle avait le sentiment qu'il la traiterait à partir de maintenant comme elle l'avait demandé !
Se demandant ce qu'elle pouvait bien faire là, elle saisit le heurtoir et frappa trois coups à la porte du professeur Dumbledore.

-- Entrez ! parvint la voix du directeur.
Augusta poussa la porte et se retrouva dans une grande pièce circulaire, au mur couverts d'étagères sur lesquelles étaient entassés nombres de livres et d'objets à l'aspect étrange dont elle ne pouvait deviner l'utilité.
Dumbledore était assis à son bureau, faisant face à l'entrée. Il leva la tête et l'accueillit avec un sourire qui n'atteint pas son regard.
-- Vous vouliez me voir, professeur ? demanda-t-elle.
-- Oui, Augusta. Asseyez-vous, je vous en prie.
Et d'un geste négligent, il fit apparaître une chaise confortable où elle prit place.
Dumbledore avait l'air soucieux. Et il ne paraissait pas pressé de lui dire pourquoi il l'avait fait venir. Craignant le pire, elle décida de le pousser à parler.
-- Est-ce que vous auriez des nouvelles de Remus ?
-- Non, hélas, toujours aucune nouvelle.
Elle n'aurait pas su dire si cette nouvelle la décevait ou la soulageait.
-- Le nom de jeune fille de votre mère, reprit Dumbledore était bien LeGallo ?
La surprise d'Augusta qui ne s'attendait absolument pas à cela fut telle qu'elle en oublia de se demander comment le directeur pouvait bien connaître une telle information.
-- Euh… oui, pourquoi ?
Plutôt que de répondre, il lui tendit un journal ouvert. Il fallut à la jeune femme un certain temps pour réaliser que ce qu'elle lisait était un hebdomadaire de Brest, imprimé en français.
-- Vous parlez le français, professeur ? S'exclama-t-elle.
-- Vous seriez étonnée de savoir combien de langues je parle, Miss Pye, répondit-il, sans joie.
Comme il lui enjoignait de continuer, elle parcourut la page du journal pour tomber sur la rubrique Disparus que Dumbledore voulait évidemment lui montrer :

Monsieur LeGallo Yann (74 ans) et Madame LeGallo Françoise, née Morgat (70 ans) sont décédés le 22 août 1983 aux alentours de dix-sept heures trente. La rédaction présente ses plus sincères condoléances à leurs proches.

Yann et Françoise LeGallo était ses grands-parents maternels qui l'avaient élevée depuis la mort de ses parents, alors qu'elle avait neuf ans et demi. Ses grands-parents à qui elle n'avait donné aucun signe de vie depuis Noël dernier ! Ses grands-parents qui n'avaient jamais appris ce qui lui était arrivé, qui n'avaient jamais fait la connaissance de Remus…
Augusta leva des yeux qui commençaient à se remplir de larmes vers le directeur. Il lui rendit un regard compatissant qui ne fit qu'augmenter sa peine.
Remus était parti. Elle avait perdu son corps. Et maintenant, ses grands-parents étaient morts !
-- Je suis désolé de devoir vous apprendre une telle nouvelle… commença Dumbledore, mais il s'interrompit en la voyant se lever.
-- Merci, professeur, dit-elle, un sanglot dans la voix.
Et avant qu'il ait pu ajouter un mot, elle quitta la pièce.

Elle se précipita vers la Salle Commune des Serdaigle et réussit à balbutier une réponse correcte au heurtoir au milieu de ses larmes.
Elle traversa la salle vide – tous les élèves étaient occupés à dîner dans la Grande Salle – et entra directement dans sa chambre. Tombant à genoux au pied de son lit, elle libéra le flot de pleurs qu'elle avait vainement tenté de retenir.
Pourquoi ?
Pourquoi le sort semblait-il s'acharner contre elle ?
Elle pleura sur la mort de sa famille. Elle pleura sur sa solitude dans ce château froid. Elle pleura sur la perte de son identité. Elle pleura sur l'abandon de Remus.
Remus…
Soudain, elle réalisa ! Qu'est-ce qui l'empêchait, elle, d'écrire à son mari ? Elle ne savait pas où il se trouvait, soit, mais peut-être quelqu'un en avait-il une vague idée. Ce n'était pas comme lors de sa séquestration, où elle n'avait pas même les moyens d'écrire une lettre.
Elle se redressa vivement et se saisit d'un rouleau de parchemin, d'une plume et d'un godet d'encre.

Remus, mon amour
Pourquoi ne me donnes-tu aucune nouvelle ? Crois-tu que je t'en veuille de ton départ au point de ne plus vouloir entendre parler de toi ? Si tu savais combien j'ai besoin de te sentir avec moi, même si ce n'est pas physiquement !
J'ai repris conscience il y a moins de deux semaines et je dois à présent me construire une nouvelle vie dans laquelle tu n'as aucune place… Et je ne peux pas faire ça. J'ai besoin de savoir que tu me soutiendras !
Je suis à présent Augusta Pye, fille unique d'une famille de moldus, orpheline, et membre de la maison Serdaigle. Je suis entourée d'enfants avec lesquels j'ai le plus grand mal à communiquer. Mes professeurs – à l'exception de Severus et McGonagall – s'adressent à moi comme à la gamine à laquelle ils croient avoir affaire. Je ne peux même pas monter mes chevaux, ce qui aurait pu me détendre, car je suis à présent bien trop petite.
Et aujourd'hui, je découvre que mes grands-parents, les derniers membres de ma famille, le dernier lien avec ma vie précédente, sont décédés depuis plusieurs jours…
Cela fait trop ! Je ne peux pas supporter tout cela seule ! J'ai déjà trop subi !
Remus, parle-moi, écris-moi, trouve le moyen de me donner de tes nouvelles !
Je t'aime.
Ta femme, Morgwen.

Alors qu'elle signait la lettre, la porte de la chambre s'ouvrit et Rose entra. Celle-ci regarda la jeune femme curieusement mais ne posa aucune question, se contenta de déposer son sac sur son lit et de ranger les cours de la journée.
Martha, qui suivait Rose, ne fut pas aussi discrète.
-- Augusta ? S'exclama-t-elle à peine eut-elle passé le pas de la porte. Pourquoi tu n'es pas venue dîner ? Rogue t'a punie ?
Augusta ne la regarda pas et roula le parchemin qu'elle tenait encore avant de le fermer à l'aide d'un ruban.
-- Mais… reprit Martha. Tu as pleuré ? Qu'est-ce qu'il y a ?
-- De mauvaises nouvelles de chez moi, répondit Augusta sans développer. Rose, est-ce que tu sais où est la Volière ? Je voudrais envoyer une lettre.
-- Non, je ne sais pas. Mais demande au triton dans le tableau près de l'entrée ! Je crois qu'il connaît le chemin de n'importe quelle pièce de Poudlard.
Augusta la remercia et, ignorant Martha qui lui proposait de l'accompagner, repassa dans la Salle Commune. Heureusement, aucun des garçons de sa promotion n'était présent et elle put éviter les questions indiscrètes.
Une fois à l'extérieur, elle trouva le tableau mentionné par Rose rapidement : au bout du couloir, un cadre représentait un être grandeur nature mi-homme, mi-poisson, portant une couronne de corail rouge, nageant au milieu d'herbes marines.
-- Excusez-moi, demanda-t-elle au portrait, on m'a dit que vous sauriez m'indiquer mon chemin.
-- C'est exact ! répondit le triton aimablement.
-- Je voudrais aller à la Volière.
Il lui expliqua comment s'y rendre avec précision, le chemin étant relativement compliqué.
-- Merci, dit-elle quand il eut fini. Euh… Comment est-on supposé vous appeler ? Monsieur ? A moins que vous n'ayez un nom…
Le triton eut l'air surpris.
-- C'est la première fois depuis quelques centaines d'années qu'un élève s'intéresse à moi !
Elle rougit. Pourquoi ne pouvait-elle pas se comporter comme les autres ?
-- Mon nom est Gwalchmeï ap Gwyar, du clan Pwyll.
-- Gwalchmeï, fils de Gwyar ? répéta-t-elle, étonnée, distraite pour un instant de sa peine. Mais alors vous êtes un gallois.
-- C'est exact, répondit-il, appréciant visiblement la conversation. Et puis-je à mon tour vous demander votre nom Miss ?
-- Oh ! Pardon ! Je suis… Augusta Pye.
-- Enchanté de faire votre connaissance Miss Pye.
-- Ç'a été un plaisir de parler avec vous Gwalchmeï ap Gwyar. Je vous remercie pour votre aide et j'espère que nous aurons souvent l'occasion de discuter ainsi.
Gwalchmeï la salua, inclinant son torse, la main sur le coeur, alors que sa queue continuait à battre frénétiquement pour se maintenir en place. Souriant, elle le salua à son tour et prit le chemin qu'il lui avait indiqué.

A mi-chemin, cependant, elle se souvint qu'elle ne savait toujours pas où envoyer sa lettre. Elle réfléchit une minute puis fit demi-tour. Rencontrant un escalier en colimaçon, elle le descendit jusqu'au dernier niveau. Elle marcha dans les sous-sols du château pendant plusieurs minutes sans croiser personne jusqu'à atteindre un couloir qu'elle connaissait.
Elle entra dans la salle de potion sans frapper. Elle était déserte et silencieuse. Augusta la traversa et vint toquer à la porte située à côté du tableau noir, croisant les doigts.
-- Entrez ! dit la voix froide qu'elle connaissait.
Elle s'exécuta pour découvrir le Maître de Potions assis à son bureau qui prenait des notes, penché sur un épais grimoire. Il leva les yeux et eut l'air surpris de la voir.
-- Augusta ? Qu'est-ce que je peux faire pour vous ?
-- Je vous ai déjà demandé de m'appeler…
-- Je sais, coupa-t-il. Mais le directeur a insisté pour que personne n'utilise plus votre ancien nom. Il vous faut vous habituer au plus vite à votre identité.
-- Je vois… souffla-t-elle, déçue.
-- En quoi puis-je vous aider ?
-- Je voudrais envoyer une lettre à Remus ! répondit-elle avec défi.
Dumbledore lui avait-il également interdit cela ?
-- Mais je ne sais pas où il se trouve…
Rogue la regarda un instant, son visage aussi fermé qu'à son habitude. Il semblait impossible à Augusta que quiconque pût jamais deviner les pensées du jeune homme…
-- Le directeur pense que Lupin est reparti en Mongolie, répondit-il enfin. A Oulan-Bator. Je suppose que le mieux pour vous serait de l'envoyer là-bas.
Devant l'air impuissant de la jeune femme, il tendit la main. Elle lui remit le parchemin avec hésitation. De sa plume qu'il n'avait pas lâchée, il traça les mots « Remus Lupin, Oulan-Bator, Mongolie. »
-- Confiez ceci à un hibou de l'école, reprit-il, et il saura bien le lui faire parvenir. Ces animaux sont bien plus intelligents que les moldus l'imaginent.
Elle le remercia chaleureusement et sortit, le sourire aux lèvres.
Elle était sûre que Remus recevrait sa lettre, qu'il ne tarderait pas à lui répondre et à remplir sa vie grise des couleurs qui lui manquaient.
Chapitre cinq by Morgwen
La journée du vendredi passa comme au travers d'un rêve. Cours de Métamorphose avec le professeur McGonagall, de Botanique avec le professeur Chourave et à nouveau de Sortilèges.
Préoccupée par sa lettre qu'elle imaginait voyager à travers l'Europe et encore étourdie de tristesse, Augusta ne s'intéressa pas aux élèves de Poufsouffle que les Serdaigle avaient retrouvé devant la serre numéro un.
Elle s'éveilla le samedi matin à l'aube en se demandant à quoi diable elle pourrait occuper son week-end. Ses devoirs étaient à jour, elle n'appartenait à aucun club – elle ne savait même pas quels clubs existaient dans l'école – et elle n'avait aucune envie de rester traîner à la Salle Commune avec sa promotion alors que la journée, à en juger par la couleur du ciel visible par la coupole, s'annonçait radieuse.
Elle s'habilla rapidement et sans bruit. La dernière chose qu'elle voulait, c'était que Martha se réveille et la suive toute la journée ! Elle hésita un moment devant ses livres puis finit par s'emparer d'un poche qu'elle la fourra dans son sac dans lequel se trouvaient déjà plume, parchemins et encre et sortit de la chambre sans avoir réveillé ses camarades.

La Grande Salle était vide lorsqu'elle y pénétra pour prendre son petit-déjeuner, à l'exception de Rolanda Bibine, assise à la table des professeurs.
Augusta la salua, triste de ne pas pouvoir lui parler comme autrefois, et s'assit à son tour. Elle se servit copieusement en oeufs brouillés et lard et commença à manger avec appétit. Délaissant le jus de citrouille, elle recherchait une théière le long de la table quand plusieurs élèves firent leur entrée. Elle comprit qu'il s'agissait de Gryffondor quand ils s'assirent à la table la plus proche. C'étaient sept élèves entre treize et dix-sept ans, environ, qui avaient chacun apporté un balai. L'équipe de Quidditch sur le point de s'entraîner… L'un d'eux s'approcha de Rolanda qui lui donna une clef après un rapide conciliabule.
Ayant fini de déjeuner, Augusta s'attarda néanmoins, attendant le concert de hululements qui annonçait chaque matin l'arrivée de la poste. Elle savait pertinemment que le hibou qu'elle avait envoyé ne pouvait pas encore avoir atteint son destinataire mais gardait néanmoins un vague espoir de le voir revenir.
Elle sirota son thé jusqu'à l'apparition des hiboux puis, aucun ne s'étant approché d'elle, elle ramassa son sac et sortit.

Le soleil brillait, encore bas au-dessus des montagnes. L'air commençait à se réchauffer. Hésitant, Augusta finit par s'installer sur l'herbe sèche au bord du lac. Elle regarda un instant les ondulations à la surface de l'eau – probablement dues aux mouvements du Calmar Géant – puis ouvrit son livre et se plongea dans sa lecture.
Au bout de plusieurs pages, des cris lui firent relever la tête. Les élèves qu'elle avait vus au petit-déjeuner étaient à présents dans les airs, au-dessus du terrain de Quidditch. Curieuse, elle se leva et s'approcha pour les regarder.
Quand elle atteignit les gradins, elle aperçut un jeune garçon roux à deux pas d'elle qui regardait les balais évoluer avec envie.
-- Charlie ? appela-t-elle.
-- Gus ! répondit-il, un sourire apparaissant sur son visage. Bonjour !
-- Bonjour.
Elle s'assit à son côté sans un mot et admira à son tour les joueurs.
-- Tu voudrais être là-haut, n'est-ce pas ? finit-elle par demander à son voisin.
-- Si tu savais, souffla-t-il. Je vole avec mes frères depuis toujours… J'ai toujours rêvé de faire du Quidditch !
-- Tu as des frères ?
Elle était intéressée par Charlie. Il lui rappelait énormément elle-même quand elle avait son âge et, se sentant si seule, ce garçon l'attirait.
-- Cinq. Et une soeur.
-- Tant que ça ?
Fille unique, elle avait du mal à concevoir une telle famille.
-- Mon grand frère, Bill, est en troisième année. A Gryffondor aussi. Comme mes parents !
Sa fierté à être entré dans la même maison que ses aînés était visible et cela fit sourire la jeune femme.
Ils se turent un long moment, l'oeil attiré par les impressionnantes manoeuvres du gardien.
-- Tu viens d'une famille moldue, n'est-ce pas ? demanda Charlie.
Elle se raidit à la question. Elle avait déjà remarqué le racisme existant dans ce monde qu'elle avait cru idyllique.
-- Oui.
-- Mon père adore les moldus ! Quand Bill lui a dit, l'an dernier, que le cours d'étude des moldus avait été créé, j'ai cru qu'il allait insister pour revenir à Poudlard.
Ils éclatèrent tous deux de rire.

L'entraînement terminé, les joueurs de Quidditch rejoignirent leur vestiaire et les deux élèves de première année se dirigèrent vers le lac et s'assirent sous un saule qui les protègerait du soleil.
A présent, Augusta connaissait tout ce qu'il y avait à savoir sur la famille de Charlie, sur sa déception de ne plus pouvoir jouer avec sa petite soeur qui était encore un bébé, sur son rêve de devenir un jour joueur professionnel et sur son désir de voir tous les pays du monde avant de mourir.
Elle-même avait révélé le moins de choses sur son prétendu passé. Elle ne voulait pas risquer de laisser échapper quoi que ce soit qui pût paraître étrange.
-- Eh, Tonks ! cria soudain le garçon à un groupe de filles qui passaient non loin.
L'une d'elle se détacha et s'approcha d'eux. Augusta reconnut la brune aux grands yeux bleus dont la forme du nez l'avait intriguée plusieurs fois.
-- Salut Charlie ! dit Tonks quand elle arriva à leur niveau.
-- Tonks, je te présente Augusta Pye, Serdaigle. Gus, voici Nymphadora Tonks, Poufsouffle, dit Charlie d'un air officiel qui fit pouffer de rire les deux filles. Celles-ci, suivant son exemple, se serrèrent cérémonieusement la main.
-- Nymphadora, on était en botanique ensemble hier, non ? demanda Augusta quand Tonks se fut assise avec eux.
-- Ne l'appelle pas comme ça ou elle va s'énerver ! lui souffla Charlie d'un air faussement apeuré.
-- Appelle-moi Tonks, Gus ! Maintenant que je ne suis plus chez moi, je peux enfin oublier cet horrible prénom !
-- Tonks ! Montre-lui le coup du nez ! lança Charlie, enthousiaste.
Augusta se tourna curieusement vers l'autre fille qui prit un air inspiré pendant une demi-seconde. Puis son nez se transforma. D'abord légèrement aplati, il était à présent long et busqué, ressemblant comme deux gouttes d'eau à celui de Severus Rogue !
Charlie et Tonks éclatèrent de rire devant l'air ahuri d'Augusta.
-- Comment tu as fait ça ? demanda celle-ci, encore sous le choc.
-- C'est mon petit secret, répondit Tonks avec un clin d'oeil. Mais ne le répète pas ! On m'a interdit de faire ça à l'école.
Et son nez reprit sa forme première.

Augusta découvrit – surprise agréable – que Tonks était d'aussi bonne compagnie que Charlie. C'était une fille enjouée, un peu maladroite, qui ne mâchait pas ses mots. Sa franchise était rafraîchissante !
Ils passèrent la journée ensemble – ne se quittant que pour manger à leur table respective – et, avant de s'en retourner à leurs Salles Communes, se donnèrent rendez-vous pour le lendemain matin.
Alors qu'elle marchait dans les couloirs et passait devant le portrait de Gwalchmeï, Augusta réalisa qu'elle n'avait pas ainsi ri depuis très longtemps. Depuis que Dumbledore lui avait annoncé le péril qu'elle représentait, en fait, et que Remus et elle avaient dû accepter l'idée sa transformation.
Remus…
-- Bonsoir Miss Pye !
-- Bonsoir Gwalchmeï.
-- Vous avez l'air pensive ce soir. Auriez-vous des soucis ?
-- Au contraire ! J'ai passé une excellente journée ! Mais qui m'a épuisée… Je rentre.
-- Bonne soirée, dit le triton en s'inclinant alors qu'elle s'éloignait.
-- Vous de même.
Elle traversa la Salle Commune sans regarder autour d'elle, passa dans le couloir des filles, puis entra dans sa chambre. Rose était occupée à brosser ses longs cheveux, écoutant d'une oreille distraite Martha qui lui racontait comment elle s'était coupé le doigt deux mois auparavant.
-- Augusta ! S'écria cette dernière dès qu'elle la vit. On ne t'a pas vue de la journée.
-- J'étais dehors… répondit-elle laconiquement ; elle avait compris qu'il était inutile de répondre précisément à Martha qui développerait d'elle-même toute information.
-- Toute la journée ? Tu n'as pas révisé les cours qu'on a déjà vus ? Rogue a pourtant dit qu'il nous interrogerait sur l'utilisation d'ellébore dans les potions de transformation ! Je me demande si je n'aurais pas dû demander à Alistair, il a pris beaucoup de notes pendant le cours…
Et ainsi de suite. Rose et Augusta se contentaient d'acquiescer régulièrement tandis que l'une écrivait dans ce qui semblait être un journal intime et l'autre avait sorti son violon de sa malle et s'appliquait à le réaccorder.
-- Et il paraît que les vampires adorent jouer au poker. C'est pour ça que ma mère a interdit à mon frère de continuer à traîner dans ce pub…
Comment était-elle arrivée à parler de vampires ? Augusta avait décroché depuis longtemps, concentrée sur son instrument et se contenta de grogner ce qui pouvait passer pour un encouragement à continuer.
Et Martha continua…

Quand la chambre fut enfin devenue silencieuse, Augusta tourna et retourna dans ses draps, à la recherche du sommeil. Le corps de Remus lui manquait. Ses caresses, qu'elle retrouvait dans ses rêves, l'empêchaient de dormir par leur absence.
Remus…

Un regard vers les hiboux. Aucun message pour elle…
Augusta se leva et quitta la table du petit-déjeuner. Elle erra un instant dans les couloirs avant de trouver un tableau occupé dont les personnages pourraient lui indiquer le chemin de la bibliothèque.
Le nombre de rangées de livres, quand elle l'atteignit, lui coupa le souffle. Elle pourrait passer une vie entière ici sans réussir à lire tous les ouvrages assemblés. Elle avança, lisant les panneaux d'indication un sourire émerveillé aux lèvres. Arrivée à la section d'histoire de la magie, un titre l'interpella : « La lignée de Morgane leFey ». Elle saisit le livre et l'ouvrit. Un arbre généalogique compliqué remplissait les pages, chaque branche s'éteignant au travers des siècles jusqu'à ce que, sur les cinq dernières pages, une seule était décrite. Et la toute dernière feuille, le tout dernier nom, était le sien, Morgwen Roussel, lié à un autre nom : Remus Lupin.
Sur ce livre, accessible à tout un chacun, était écrit noir sur blanc qu'elle était la dernière descendante de Morgane leFey et mariée à Remus ! Comment cela était-il possible ?
-- Tu t'intéresses à la généalogie Gus ?
Elle sursauta. Elle n'avait pas entendu Charlie s'approcher.
-- Juste curieuse…
Le garçon était accompagné d'un autre roux qui affichait un sourire chaleureux.
-- C'est mon frère Bill, dit Charlie, inutilement.
-- Salut Gus ! lança Bill alors que la jeune femme reposait le livre à sa place sur l'étagère. Charlie m'a parlé de toi toute la soirée alors j'étais curieux de voir à quoi tu ressemblais.
Augusta rougit violemment, ce qui fit sourire les deux frères.
-- J'ai croisé Tonks. Elle ne peut pas nous rejoindre, elle a été mise en retenue par Rusard.
-- Déjà ? Pourquoi ?
-- Elle a renversé une armure juste devant son bureau.
-- Je pensais rendre visite à Hagrid, continua Bill. Si vous voulez venir…
Les deux jeunes acquiescèrent.

Ils frappèrent mais personne ne répondit. Hagrid devait être quelque part sur les terres de Poudlard. Déçu, Bill les quitta pour retourner à la Salle Commune des Gryffondor.
Charlie proposa de revenir vers le château mais Augusta l'entraîna de l'autre côté de la hutte vers l'enclos où deux magnifiques étalons hennirent à son approche.
Elle se mit à rire devant l'air ébahi et timide de son nouvel ami.
-- Artus ! Myrddin ! appela-t-elle.
Et les deux chevaux, comme à leur habitude, vinrent fourrer leurs naseaux dans les paumes de ses mains.
-- Comment est-ce que tu connais les chevaux de Hagrid ?
-- Ce ne sont pas les siens. Ils appartiennent à une femme qui vivait ici. Il me les a présentés le jour de mon arrivée ici. Ils sont beaux, n'est-ce pas ?
Charlie acquiesça et tendit la main pour les caresser. Habituellement rebelles à tout nouveau contact, Artus et Myrddin se laissèrent faire et semblèrent apprécier.
-- Je crois qu'ils t'aiment, mumura-t-elle.
Il sourit béatement.

Tonks les rejoignit un peu plus tard et ils vinrent s'asseoir au même endroit que la veille. Tonks et Charlie échangèrent des cartes de chocogrenouille pendant qu'Augusta sortait de son sac une paire d'aiguille à tricoter et de la laine et commençait à monter des mailles.
La journée passa aussi rapidement et improductivement que la veille et ils se séparèrent meilleurs amis du monde.

Une semaine passa.
Chaque matin, Augusta regardait avec envie les autres élèves recevoir des hiboux. Chaque soir, elle rejoignait Charlie et Tonks et ils sortaient se balader sur les terres du château, profitant des derniers jours d'été, mais se mettant parfois un peu en retard dans leurs devoirs.
Pendant cette semaine, ils eurent leurs premiers cours de balai et d'astronomie. Rolanda Bibine ne donna pas le moindre signe qu'elle reconnaissait Augusta, ni même qu'elle lui rappelait vaguement cette sorcière avec qui elle s'était liée d'amitié quelques semaines auparavant.
Le samedi matin arriva et, une fois encore, la poste passa sans rien lui apporter.
Le moral au plus bas, Augusta ramassa son sac et sortit de la Grande Salle pour se diriger d'un pas incertain vers le lac où elle retrouverait ses jeunes amis.
Ni Charlie ni Tonks n'étaient encore sortis. Le rouquin était encore en train de déjeuner – Augusta l'avait vu à la table des Gryffondor en train de discuter avec cette jolie petite blonde, Fanny – et Tonks devait probablement encore dormir – elle avait à nouveau passé la soirée de la veille en retenue, Augusta ne savait pas trop pourquoi.
Elle s'assit à leur endroit devenu favori, sous le saule, et sortit un livre imposant de son sac. Ayant traîné toute la semaine, elle avait à présent une montagne de devoir à faire !

Elle lisait le même paragraphe sur les satellites de Mercure depuis cinq minutes quand Charlie la rejoignit. Elle s'était allongée sur le ventre, le livre ouvert devant elle, l'herbe fraîche chatouillant ses avant-bras mis à nu par ses manches retroussées.
Charlie vint s'asseoir à côté d'elle, jetant un coup d'oeil curieux vers son livre.
-- Toi non plus tu n'as pas encore rédigé ta dissert' sur Mercure, remarqua-t-il.
-- Je dois admettre que je n'ai absolument aucune idée sur ce que je vais bien pouvoir raconter… soupira-t-elle. J'espérais que tu pourrais m'aider, en fait.
-- Laisse tomber ! Tonks a fini ce devoir là… On lui demandera quand elle arrivera.
Augusta referma le livre, soulagée. L'astronomie n'était définitivement pas sa tasse de thé !
-- Voyons… Qu'est-ce qu'il reste à faire pour la semaine prochaine… réfléchit-elle tout haut. S'exercer à transformer une allumette en aiguille à tricoter…
-- On n'a qu'à cacher une de tes aiguilles dans la manche. Et la sortir quand McGonagall ne regarde pas.
-- Rédiger une dissertation sur la potion de révélation… continua Augusta en essayant vainement de cacher son sourire.
-- Ça, c'est pour toi ! Tant que tu me laisses copier, ça va.
-- Une autre dissert' sur le Conseil Intertrollique de 1854 pour Binns…
-- Sur laquelle on va s'endormir rien qu'en l'écrivant !
-- Rechercher des exemples d'utilisation du sang de dragon pour les amulettes de protection…
-- Défense Contre les Forces du Mal ! Celui-là est pour moi !
-- Et une dernière dissert' sur l'utilisation quotidienne du sortilège de chauffage intermittent pour Flitwick…
-- Trois fois rien, donc ! Pas de quoi s'inquiéter !
Elle sourit franchement à Charlie. Heureusement que lui et Tonks étaient là !
-- Tu sais… reprit-il plus sérieusement. Si tu veux parler… je suis là.
-- Hein ?
-- Je vois bien que quelque chose ne va pas.
Elle ne répondit pas.
-- On t'a déjà dit que tu avais un regard étrange, Gus ? Comme si tu étais capable de lire au fond de l'âme des gens…
-- On me l'a déjà dit, oui, répondit-elle en réalisant que c'étaient même les mots exacts de Remus.
-- Des fois, tu as l'air tellement plus… vieille. Tu nous regardes comme si tu étais une adulte… Et des fois, comme maintenant, tu souris mais… tes yeux te donnent l'air désespérément triste.
Elle ne dit rien. Qu'aurait-elle pu dire ?
-- Bref ! reprit Charlie, comme si de rien n'était. Si on veut finir tous ces devoirs avant Noël, on ferait mieux de s'y attaquer tout de suite, non ?

-- Dis, Tonks…
L'intéressée leva la tête de son parchemin.
-- Si tu envoies un hibou à quelqu'un et qu'il ne trouve pas le destinataire… Qu'est-ce qu'il fait ?
-- Il revient à l'envoyeur, pourquoi ?
-- Oh… C'est jute que j'ai envoyé une lettre à… quelqu'un de ma famille. Et je n'ai toujours pas de réponse.
-- Je croyais que tu n'avais plus de famille, intervint Charlie.
-- Plus de famille proche.
-- Si le hibou n'avait pas trouvé ta famille, il t'aurait rapporté ta lettre. Quand est-ce que tu l'as envoyée ? reprit Tonks.
-- Il y a dix jours. Mais il devait aller à l'autre bout du monde.
-- Bah ! Ne t'inquiète pas ! Les hiboux de l'école peuvent mettre jusqu'à une semaine pour aller en Amérique. C'est normal que tu doives attendre !
-- Comment tu sais ça ? demanda Augusta, rassurée.
-- Bill a un correspondant péruvien. Au fait, rappelle-moi à quoi sert la plume de corbeau dans la potion de révélation !
-- Ses propriétés mnémoniques permettent de fixer sur le papier les sentiments du photographié au moment du flash.

Augusta laissa passer une nouvelle semaine de cours. Botanique, Potions, Métamorphose, Sortilèges… Cours intéressants, voire passionnants pour les cours de Rogue, et assez faciles… Elle avait un peu plus de mal avec les Défenses Contres les Forces du Mal mais Charlie qui partageait ces cours avec elle l'aidait de son mieux. L'Histoire de la Magie, l'Astronomie et le Balai étaient par contre ses bêtes noires.
Bien qu'elle n'ait pas passé beaucoup de temps en leur compagnie, elle commençait à mieux cerner ses compagnes de chambre. Elle regrettait de s'être montrée un peu injuste avec Martha qui, si son bavardage inquiet perpétuel était toujours aussi pénible, était malgré tout une fille au grand coeur. Rose, au contraire, présentait une indifférence totale à tout ce qui n'était pas sa propre personne. Ce qu'Augusta avait pris pour de la discrétion était en fait un profond égoïsme.
Les garçons de Serdaigle résistèrent deux semaines de plus à son analyse. Mais à les écouter discuter à l'heure des repas, elle finit par les cerner également.
Alistair Seewalker et Liam Quinn, tous deux sang-mêlé, semblaient passer tout leur temps ensemble. La jeune femme se demandait si leurs familles moldus en étaient la cause.
C'était en tout cas sans aucun doute la raison pour laquelle Orphée Wellford refusait de leur accorder un regard. Celui-ci clamait si haut ses ascendances pures qu'il finissait par écoeurer Augusta. Cela n'avait aucune importance, car il lui parlait encore moins qu'aux deux garçons. Pour lui, elle n'était qu'une fille moldue, étrangère sur le marché. Le regard dédaigneux de ce gamin de onze ans lui donnait envie de lui mettre une bonne fessée. Le pire, selon elle, était qu'Eric Hockfield, le dernier garçon de la promotion, semblait éperdu d'admiration pour Orphée.
Au final, les seules personnes de sa maison avec qui Augusta supportait de passer du temps dans la Salle Commune étaient Alistair et Liam. C'était avec eux qu'elle travaillait quand le couvre-feu était passé et qu'elle ne pouvait plus rester avec Charlie et Tonks.

Le premier samedi d'octobre, un mois après qu'elle eut envoyé son hibou à Remus, alors que ses espoirs d'entendre à nouveau parler de lui avaient fondu petit à petit, un hibou inconnu se posa devant elle alors qu'elle prenait son petit-déjeuner dans une Grande Salle encore déserte.
Elle fut pétrifiée par la surprise et l'émotion. Il lui fallut une pleine minute avant de détacher le parchemin de la patte de l'oiseau d'une main tremblante. Elle allait le déplier quand Martha entra et s'assit à côté d'elle.
-- Bonjour Augusta. Ouh là ! Tu n'as pas l'air d'aller bien, tu es toute blanche. Tu devrais aller à l'infirmerie, tu sais… C'est peut-être que tu as mangé quelque chose qui ne fallait pas. Je me souviens d'une fois où…
-- Tu as raison, je vais à l'infirmerie, coupa Augusta.
Elle se dépêcha de sortir avant que Martha ne lui propose de l'accompagner. Elle voulait être seule. Elle voulait lire sa lettre tranquillement et rapidement.
A peine fut-elle dans le couloir qu'elle prit un couloir en direction de l'aile ouest. Elle savait où elle pourrait aller pour ne pas être dérangée.
Parvenue devant une simple porte de bois, ressemblant à celle de n'importe quelle salle de classe, elle tourna la poignée qu'elle seule pouvait bouger et se retrouva à l'intérieur de l'appartement qu'elle et Remus avaient partagé autrefois et dans lequel elle n'était pas entrée depuis sa transformation.
Tombant dans un fauteuil, elle déroula le parchemin et eut un hoquet de surprise.
Ce n'était pas l'écriture de Remus !
Amèrement déçue, elle se mit à lire.

Madame Lupin
Je m'appelle Sanjaagiin Bayangol et suis fabriquant d'amulettes à Oulan-Bator. Je vous écris de la part de votre mari, Remus, qui n'est pas encore capable de répondre à votre lettre.
Remus, que ma femme et moi avons rencontré l'hiver dernier alors qu'il cherchait à vous retrouver, est venu me trouver il y a plusieurs mois car il ne lui était apparemment plus possible de rester auprès de vous. Il s'est installé chez nous et m'aidait dans mon commerce. Malheureusement, quelques temps après son arrivée, il a été frappé par un lumbulrauko et n'est aujourd'hui toujours pas rétabli. Encore incapable de parler, il n'a pas pu me dicter une réponse mais lorsque je lui ai lu votre lettre, j'ai bien vu qu'il souhaitait vous donner des nouvelles.
Si vous le souhaitez, je vous écrirai régulièrement pour vous tenir au courant des progrès de son rétablissement. Je vous prie de croire, Madame, qu'il est entre de bonnes mains.
Je crois que Remus serait heureux de recevoir à nouveau de vos nouvelles.
Recevez également toutes mes condoléances pour vos grands-parents.
S.B.

Remus était blessé !
Remus était incapable de parler !
Remus avait été frappé par un lumbulrauko ! Ce qu'était un lumbulrauko, Augusta n'en avait pas la moindre idée, mais c'était quelque chose ou quelqu'un capable de faire du mal à Remus.
Dans quel état était Remus à présent ?
Elle se leva brusquement et sortit en courant de l'appartement. L'infirmerie était tout près. Madame Pomfresh saurait sûrement.
Elle surgit dans le domaine de l'infirmière pour la trouver occupée à soigner un joueur de Quidditch – de Serpentard d'après ses couleurs – dont le bras avait apparemment été fracturé par un cognard.
Cela prit une demi-minute environ et l'élève quitta l'infirmerie aussitôt sans demander son reste.
-- Qu'est-ce qui vous prend d'entrer brusquement comme ça Augusta ? Vous avez failli me faire rater mon sortilège ! Merlin sait ce qui serait arrivé au bras de ce garçon dans ce cas !
-- Pardon Madame. Mais je voulais vous parler…
-- Je vous écoute, répondit l'infirmière, apparemment encore en colère.
-- Euh… c'est à propos de Remus…
Madame Pomfresh fronça les sourcils. Elle fit signe à Augusta de se taire, la porte de l'infirmerie étant encore ouverte, et l'entraîna vers son bureau.
-- Eh bien, dit-elle quand elles furent toutes deux assises. Que vouliez-vous me dire ?
-- Est-ce que vous savez ce qu'est un lumbulrauko ?
-- Une créature que vous ne devriez étudier en cours de Défense Contre les Forces du Mal qu'en septième année. Il n'y en a plus en Angleterre à ce que je sache.
-- J'ai reçu des nouvelles de Remus. Il est en Mongolie et il a été « frappé par un lumbulrauko » il y a plusieurs mois déjà. Et il n'est toujours par rétabli. Qu'est-ce que ça signifie ?
-- Que c'est grave, Augusta, soupira Madame Pomfresh. Les lumbulraukos sont des créatures des ténèbres très dangereuses… Ils ressemblent un peu à des grands singes noirs sans yeux. Ils ont le même type de pouvoir que les détraqueurs.
Augusta ne savait pas plus ce qu'était un détraqueur qu'un lumbulrauko.
-- C'est-à-dire ?
-- Lorsqu'un lumbulrauko s'approche de vous, c'est pour chercher à voler votre âme. Si Remus se rétablit, ça veut dire qu'il n'a pas été complètement frappé par le lumbulrauko. Car dans ce cas, son cas serait irrémédiable.
-- Mais alors… Qu'est-ce qu'il a ?
-- Je suppose qu'il aura été paralysé. L'âme ayant commencé à quitter son corps, l'esprit en perd le contrôle. Avec l'aide de potions, il faut plusieurs mois pour retrouver la capacité de bouger.
-- Vous voulez dire qu'il est immobile depuis tout ce temps, incapable de bouger ou de communiquer ?
Et elle avait cru qu'il l'abandonnait ! Alors que sa situation était bien pire que la sienne !
-- Tout à fait. Mais les effets finissent par disparaître, sans laisser de séquelles. Ne vous inquiétez donc pas ! Si quelqu'un s'occupe de lui, il sera capable de vous rassurer lui-même avant longtemps.
Augusta remercia l'infirmière et prit le chemin de la bibliothèque où Charlie et Tonks devaient l'attendre.
Rassurée sur les sentiments de son époux et sur son état, elle se demandait toutefois combien de temps il lui faudrait encore attendre avant de recevoir à nouveau un témoignage de son amour…
Chapitre six by Morgwen
-- Qu'est-ce que tu vas bien pouvoir faire pendant deux semaines ?
-- Je n'en sais rien, Charlie. Bouquiner… Finir deux ou trois tricots que j'ai commencés… Manger plein de chocolats si vous m'en envoyez pour Noël…
-- Je continue à penser qu'on aurait dû rester ici avec toi.
-- Tu plaisantes ? Tu meurs d'envie de voir ta petite Ginny, je le sais. Et Tonks se languit de ses parents depuis un mois et demi.
-- Mouais… N'empêche que j'aime pas te savoir toute seule au château.
-- Arrête de t'inquiéter et pars ! Sinon tu vas manquer le Poudlard Express.
Charlie grogna et s'empara de la poignée de sa malle pour la porter dans la calèche la plus proche. Tonks, restée silencieuse le temps de cet échange, serra Augusta contre elle en souriant, lui souhaita de bonnes vacances et rejoignit Charlie.
Augusta leur fit un petit geste d'adieu avant de rentrer prestement dans la chaleur du château. Il gelait vraiment trop à l'extérieur.
Elle revint dans la Grande Salle où elle avait interrompu son petit-déjeuner pour dire au revoir à ses amis et se rassit devant son assiette.
Elle mit un certain temps avant de réaliser qu'elle n'était pas la seule élève à rester à Poudlard pendant les vacances de Noël. Deux élèves plus âgés de Poufsouffle et trois de Serpentard étaient également présents dans la salle. Ainsi que Yotsubadaï, ce garçon de première année.
Si la plupart d'entre eux étaient sortis comme elle parler avec leurs camarades avant leur départ, Yotsubadaï était resté assis, n'accordant son regard à aucun des Serpentard le quittant. Maintenant qu'elle y réfléchissait, Augusta ne se souvenait pas l'avoir jamais vu en compagnie de qui que ce soit.
Bizarre…
Elle finit d'avaler son thé et repartit vers sa Salle Commune déserte où elle pourrait tranquillement écrire une nouvelle lettre à Remus.

Elle avait reçu cinq lettres de Bayangol. Heureusement, il n'attendait pas de réponse d’Augusta pour écrire un nouveau bulletin où il lui expliquait en détail les étapes de la guérison de Remus. Chaque fois, Augusta avait été montrer ces lettres à Madame Pomfresh qui l'avait rassurée sur le bon rétablissement de son mari.
Aux dernières nouvelles, dix jours plus tôt, Remus était capable de bouger la tête et une partie des bras – excellents signes d'après l'infirmière – même s'il ne parlait toujours pas.
La jeune femme, de son côté, lui écrivait chaque fois qu'elle en trouvait le temps. Elle lui racontait ses cours, lui parlait de Charlie, de Tonks, du comportement choquant de certains élèves – Orphée le premier.
Mais elle n'avait pas réécrit le moindre mot sur ses frustrations depuis sa première lettre. Remus devait bien assez souffrir sans qu'elle ne lui ajoutât ses propres soucis.
Et pourtant…
Au lieu de s'habituer à être considérée comme une petite fille, comme elle l'avait espéré tout d'abord, elle le supportait de moins en moins. Chaque nuit, il lui était difficile de s'endormir. Chaque nuit, elle rêvait de lui.
Les moments qu'elle passait avec l'infirmière, qui la traitait comme une femme adulte, où elles discutaient des progrès de Remus étaient les seuls où elle se sentait réellement bien.
Parfois, elles étaient interrompues par des élèves venant se faire soigner – souvent, en fait – et Augusta, plutôt que de revenir plus tard, regardait opérer Madame Pomfresh. Elle lui expliqua un jour que, dans sa vie précédente, celle où elle n'était qu'une moldue qui ne connaissait encore aucun loup-garou, elle avait été élève infirmière.
En apprenant cela, Madame Pomfresh, qui au début avait voulu la faire sortir chaque fois qu'elle devait s'occuper d'un malade, non seulement accepta sa présence mais commença également à lui enseigner les sortilèges qu'elle utilisait.

-- Pye ?
Augusta sursauta. Elle n'avait pas pensé être interrompue dans sa lecture alors qu'elle s'était plongée dans un énorme livre racontant l'histoire de Merlin.
-- Bonjour, répondit-elle en souriant au jeune garçon debout devant elle.
– Euh… Je peux m'asseoir ?
– Bien sûr. »
La bibliothèque complètement vide ne manquait pas de place où s'installer mais elle n'avait pas le coeur de rejeter ce pauvre Serpentard qui paraissait n'avoir aucun ami.
Après un moment silencieux où elle essaya de se replonger dans son livre, Yotsubadaï parla enfin.
-- Comment se fait-il que tu restes à Poudlard pour les vacances ?
En parlant, il détachait ses mots avec précaution, comme incertain de leur prononciation. Et son vocabulaire n'était pas vraiment le même que celui des autres élèves. On sentait bien, à l'écouter, que l'anglais n'était pas sa langue maternelle.
-- C'est soit ça, soit un orphelinat en France, répondit-elle. A choisir, je préfère Poudlard. Et toi ?
-- Mon père veut que je reste dans un environnement entièrement anglais, pour que je m'imprègne mieux de leur culture, dit-il avec un certain dégoût.
-- Difficile de connaître leur culture si tu ne leur parles pas, remarqua Augusta.
-- Tu crois que j'ai envie d'en savoir plus ?
Il commençait à s'énerver, à la surprise de la jeune femme.
-- As-tu déjà passé un peu de temps avec les imbéciles de ma maison ? Avec leur obsession de la pureté du sang… Et il n'y a pas que les Serpentard !
Elle repensa à Orphée et Eric, puis à ces Serpentard qui l'appelaient sang-de-bourbe quand ils pensaient qu'elle ne pouvait pas entendre.
-- Sincèrement, si c'est là la grandeur des sorciers occidentaux, j'aurais préféré rester au Japon ! Nous n'avons pas ce genre de… psychose à propos des unions avec des moldus.
Augusta commençait à comprendre pourquoi il n'avait aucun ami.

Les jours suivant, Tsukasa vint lui parler régulièrement. Il avait été tellement solitaire depuis la rentrée qu'il semblait vouloir se rattraper. Il était heureux d'avoir trouvé quelqu'un parfois aussi mal à l'aise que lui avec les usages anglais et qui ne comprenait pas plus que lui le racisme envers les sang-mêlé.
Augusta, quant à elle, appréciait de ne pas être aussi seule qu'elle l'avait craint au début des vacances, contrairement à ce qu'elle avait assuré à Charlie.
La veille de Noël, à l'aube, elle monta à la Volière pour envoyer à Charlie et Tonks les cadeaux qu'elle leur avait fabriqués – des pull-overs aux couleurs de leur maison respective – et une nouvelle lettre pour Remus. Alors qu'elle regardait les trois hiboux s'envoler, elle fut prise de jalousie envers ces oiseaux, libres de quitter le domaine de Poudlard ainsi. Depuis combien de temps était-elle ici ? Depuis début juin. Presque sept mois entiers au même endroit !
Elle soupira… Si seulement elle pouvait se changer en oiseau et voler loin de ce lieu… Elle irait retrouver Remus et n'aurait pas à attendre des nouvelles de lui de la part d'un étranger.
Elle redescendit vers la Grande Salle, le sentiment de captivité grandissant en elle. Elle passa la journée dehors, malgré le froid, à errer sur les terres du château, les brides de ses chevaux à la main – Hagrid l'avait autorisée à leur faire faire un tour, mais non à les monter.
Cette nuit-là, elle rêva de Remus, comme à son habitude. Mais cette fois, ils n'étaient pas dans leur petit appartement du château mais en plein air, au milieu des steppes mongoles, la nature jusqu'à perte de vue.

En s'éveillant à l'aube le matin de Noël, Augusta eut une immense surprise en découvrant ce qu'elle considéra comme une montagne de cadeaux au pied de son lit. De qui étaient tous ces paquets ? Et qui donc les avait déposés ici pendant la nuit ?
Elle sortit rapidement de sous les draps et, après avoir enfilé un châle, entreprit d'ouvrir le premier cadeau à sa portée. C'était un livre intitulé « Les maux quotidiens et comment les soigner », accompagné d'un petit mot de Madame Pomfresh. Elle se promit de rendre visite à l'infirmière pour la remercier.
Elle prit un second paquet et l'ouvrit pour découvrir un second livre – passait-elle tant de temps à lire ? Cette fois, il s'agissait d'un recueil de légendes – tant sorcières que moldus – sur l'histoire de Morgane leFey. Lorsqu'elle lut la carte jointe, elle eut la surprise de découvrir que ce cadeau provenait de… Severus Rogue. Qui eut pensé que Rogue lui fisse un cadeau ?
Tonks lui avait envoyé une énorme boîte de chocolats ainsi qu'une épaisse robe de chambre qu'elle passa immédiatement.
Charlie lui offrait également des chocolats – elle avait bien fait d'en demander au moment de leur départ – ainsi qu'une boîte de toffees maison et un assortiment d'aiguilles à tricoter.
Il restait une lettre. Elle la prit distraitement, l'esprit sur tous ces friandises appétissantes et l'ouvrit. Dès qu'elle posa les yeux sur le message, tout ce qu'elle avait reçu jusqu'ici quitta ses pensées.
C'était l'écriture de Remus !
Une écriture tremblante, malhabile, mais parfaitement reconnaissable.
Remus lui écrivait !
Toute à son émotion, elle mit un temps avant de réellement comprendre ce qu'elle lisait. Il n'était pas guéri mais avait retrouvé la parole et l'usage de ses mains. Lui écrire était d'ailleurs la première chose qu'il faisait. Il allait reprendre son travail auprès de Bayangol. C'était un bon endroit pour lui. Ses amis étaient généreux et compréhensifs – ils s'étaient vite rendu compte de sa différence lors de sa paralysie – et les lois sur les loups-garous étaient moins restrictives en Mongolie qu'en Angleterre. Elle lui manquait atrocement. Il ne cessait de penser à elle. Il l'aimait de toute son âme. Il jurait à nouveau qu'il reviendrait dès qu'elle paraîtrait assez vieille, dès qu'elle serait à nouveau la femme qu'il avait épousée. Il l'appellerait Augusta Pye puisqu'elle devait le devenir, mais pour lui elle serait toujours Morgwen Lupin.
Des larmes de bonheur coulaient sur les joues de la jeune femme. C'était presque comme avoir son époux près d'elle à nouveau.

Tsukasa n'était pas présent lorsqu'elle entra dans la Grande Salle pour son petit-déjeuner mais Severus Rogue était assis à la table des professeurs. Il était d'ailleurs la seule personne vivante dans la pièce – quelques fantômes erraient entre les tables. Augusta monta sur l'estrade et s'approcha de lui.
-- Severus ?
Il leva la tête et lui sourit légèrement.
-- Bonjour Augusta.
-- Je voulais vous remercier pour votre cadeau. J'essaie justement d'apprendre le plus de choses possibles sur mon ancêtre.
-- J'avais remarqué. Je suis content que cet ouvrage vous plaise.
-- En tout cas, encore merci. »
Elle se détourna pour aller s'asseoir à sa table mais, alors qu'elle allait descendre de l'estrade, elle ajouta :
-- Au fait, joyeux Noël !
Il eut le premier vrai sourire qu'elle lui eut jamais vu avant de lui rendre la pareille.

A dix-sept heures, un thé leur fut servi qui était un véritable repas de fête. Comme si peu d'élèves étaient présents – sept en tout – les quatre tables de maison avaient disparu pour être remplacées par une unique table ronde où tous les étudiants prirent place. Les professeurs, bien que moins nombreux qu'à l'ordinaire, restèrent entre eux.
Tsukasa avait enfilé un kimono et il semblait plus différent que jamais. Durant tout le festin – car Augusta appelait ce repas un festin – ils ignorèrent totalement les autres élèves qui le leur rendaient bien.
La jeune femme rayonnait de bonheur. Elle avait l'impression que Remus était près d'elle à chaque moment.

La première rencontre entre Tsukasa et Charlie et Tonks quand ceux-ci rentrèrent de vacances fut plutôt tendue. Les deux enfants étaient à la fois surpris et vexés qu'Augusta ait profité de leur absence pour se faire un nouvel ami. Mais après dix minutes, Tonks trébucha sur une racine cachée par la neige et Tsukasa la rattrapa avant qu'elle ne s'effondrât. Ce geste fit fondre la glace et il fut accepté dans le petit groupe bien que de mauvaise grâce, semblait-il, par Charlie.

Les cours reprirent et les quatre amis se retrouvaient tous les soirs à la bibliothèque pour faire leurs devoirs en commun, parfois rejoints par Bill dont l’aide était souvent plus que bienvenue ou par des camarades de Gryffondor, Serdaigle ou Poufsouffle. Aucun élève de Serpentard ne s'approcha jamais d'eux, comme si la réunion d'un sang-de-bourbe, d'un sang-mêlé et de deux traîtres de sang risquait de les contaminer. Le petit groupe les ignorait royalement.

D'après ses lettres, Remus était à présent complètement remis. Il travaillait avec Bayangol à son atelier et aidait parfois un vieux sorcier chinois du nom de Li, ancien combattant de mages noirs, dans ses tentatives d'éliminer toutes les créatures du mal errant autour d'Oulan-Bator. C'est d'ailleurs comme cela qu'il avait été attaqué par un lumbulrauko. Mais il promettait être plus prudent aujourd'hui.

Augusta avait lu attentivement le livre que Madame Pomfresh lui avait offert, allant parfois la trouver pour éclaircir certains points qu'elle jugeait obscurs et, après deux mois, était parfaitement capable de soigner les maux sans conséquence que Tonks pouvait leur infliger en cours de Botanique.

Les cours de Potion la passionnaient toujours autant, et elle restait parfois après la classe à discuter avec Severus Rogue sur les propriétés de tel ingrédient ou l'utilisation de telle potion qu'elle avait trouvée dans un ouvrage pendant ses recherches dans la bibliothèque. Le jeune sorcier était toujours aussi peu expressif mais elle sentait qu'il appréciait d'avoir quelqu'un qui s'intéressât à son travail et qui partageait ses goûts, bien qu'il lui semblât que parfois, il semblait la confondre avec une autre. Elle-même ressentait de plus en plus de respect envers cet homme universellement détesté par les élèves et peu apprécié des autres professeurs.

Lors des vacances de Pâques, plutôt que de rentrer à nouveau dans leurs familles, Charlie et Tonks décidèrent de rester à Poudlard et, comme tous leurs devoirs étaient à jour, les quatre amis purent profiter de deux semaines de soleil radieux en se baladant sur les terres du château.

L'année avançait sans grand événement. Si Tsukasa s'était parfaitement intégré dans le groupe, il semblait à Augusta que Charlie refusait parfois la complicité que le Japonais recherchait. Elle ne parvenait pas à comprendre l'hostilité latente de son ami envers lui. Elle supposait que cela venait de la rivalité existant depuis toujours entre Gryffondor et Serpentard.
Charlie et elle profitaient de tous les moments où Tonks était en retenue – et ils étaient nombreux – pour rendre visite à Hagrid et aux chevaux d'Augusta. Tsukasa, mal à l'aise en présence du garde-chasse, ne les accompagnait pas et Charlie en semblait ravi.

Les quatre enfants grandissaient. Tonks était, à la fin de l'année, la plus grande du groupe – elle soutenait qu'elle n'utilisait pas ses pouvoirs de métamorphomage pour tricher – alors que Charlie en était le plus petit. En tout cas, tous les vêtements de la jeune femme, uniformes et le reste, étaient devenus trop petits de plusieurs centimètres et elle se demandait comment diable elle allait pouvoir les remplacer sans sortir de Poudlard.

Pendant les examens de fin d'année, Augusta ne vit quasiment pas ses amis. Ils étaient occupés à réviser pendant tous leurs temps libres, alors qu'elle avait décidé que ces mémorisations de dernière minutes ne serviraient qu'à la stresser davantage, et rendait plutôt visite à Madame Pomfresh et à Severus Rogue.
À ses examens, elle obtint la note maximale en Potion, Botanique, Métamorphose et en Sortilèges. Elle s'en tira plutôt bien en Défense Contre les Forces du Mal ainsi qu'en Astronomie. En Histoire de la Magie, par contre, elle réussit tout juste à obtenir la moyenne.
Charlie se démarqua en Défense et en Métamorphose, sans trop chuter dans les autres matières. Tonks fut la seule à obtenir une note correcte en Histoire bien qu'elle évita de peu le redoublement à cause de la Botanique. Tsukasa ne comprenait rien à l'Astronomie mais surprit même le professeur McGonagall par ses résultats de Métamorphose.

Et le jour redouté du début des vacances d'été arriva. La veille au soir, elle avait peu mangé au banquet de fin d'année, pensant désespérément au lendemain. Et maintenant, elle regardait Charlie, Tonks et Tsukasa s'éloigner dans les calèches tirées par ces étranges créatures chevalines.
Augusta resta longtemps devant l'entrée du château après la disparition de la dernière calèche. Elle se demandait comment elle allait occuper les deux longs mois à venir. Elle finit par rentrer et se dirigea à pas lents vers la salle de potion, espérant y trouver Severus. La préparation d'une potion compliquée lui viderait la tête de ses amis.
Severus n'était pas là. Peut-être lui aussi avait-il profité des vacances pour quitter le château. Était-elle totalement seule ?
Elle passa à l'infirmerie pour constater l'absence de Madame Pomfresh. Soupirant, elle remonta à la Salle Commune des Serdaigle et hésita un moment devant sa malle remplie de livre.
Elle finit par s'emparer de l'ouvrage que Severus lui avait offert à Noël et sortit du château pour s'installer sous le saule en espérant que ses vacances ne se réduiraient pas à cette activité.
Chapitre sept by Morgwen
Que ces vacances semblaient interminables ! Seuls dix jours étaient passés mais le temps semblait dix fois plus long à Augusta. Charlie, Tonks et Tsukasa étaient rentrés dans leurs familles, Madame Pomfresh était partie en stage à l'hôpital Sainte Mangouste et Severus Rogue était Dieu savait où.
Depuis le départ des élèves, la jeune femme avait passé le plus clair de son temps avec ses chevaux – Hagrid l'avait enfin autorisée à les monter – ou à la bibliothèque.
Le onzième jour, alors qu'elle prenait son petit-déjeuner, elle aperçut le Maître de Potions revenir au château, les bras chargés de sacs apparemment emplis de bocaux. Le pauvre Severus n'avait pas fait trois pas dans le hall d'entrée qu'elle s'était ruée vers lui pour le saluer.
-- Bonjour Augusta, répondit-il avec un léger sourire moqueur.
-- Où étiez-vous donc ?
-- A Carbonne-les-Mines, dans les Midlands, chez moi… Vous désirez l'adresse exacte ?
-- Oh ! Pardon ! dit-elle en rougissant. Je ne voulais pas être indiscrète.
-- Ce n'est rien. Dites-moi, qu'avez-vous prévu de faire aujourd'hui ?
-- Rien. Comme d'habitude.
Rogue ne releva pas l'amertume du ton et continua.
-- Je viens de racheter des plumes de cygne et je pensais commencer l'élaboration d'une potion de désinfection pour Madame Pomfresh cette après-midi. Voulez-vous vous joindre à moi ?
-- Bien sûr !
-- Bien ! Je vous retrouverai dans la Grande Salle pour le déjeuner. A tout à l'heure Augusta.
Et il la quitta, portant ses sacs en direction des sous-sols de l'école.

Augusta feuilletait un catalogue de matériel de Quidditch que McGonagall lui avait prêté, à la recherche d'un cadeau d'anniversaire pour Charlie Elle avait encore deux semaines devant elle mais, comme elle serait obligée de le commander par hibou, elle préférait s'y prendre à l'avance.
Installée au bord du lac, comme à son habitude, elle était entourée de livres, d'aiguilles qui tricotaient toutes seules, de rouleaux de parchemins qu'elle comptait utiliser pour écrire des lettres à tous ses amis loin d'elle, et de divers catalogues de vente par correspondance.
Une fois qu'elle se fut décidée sur le cadeau de Charlie – un assortiment de posters représentant les membres de l'équipe d'Angleterre – elle entreprit de se commander une nouvelle garde-robe à sa taille. Il faisait extrêmement chaud en cette mi-juillet et bien qu'habillée légèrement et assise à l'ombre du saule elle transpirait de manière désagréable.
Parvenue à la page maillots de bain de son catalogue, elle leva les yeux et contempla le lac sous ses yeux d'un air rêveur. Il faisait si chaud… Est-ce qu'elle ne pourrait pas profiter de la fraîcheur de l'eau ? Certes, elle n'avait pas de maillot, mais l'école était déserte.
Elle jeta un regard autour d'elle. Personne en vue !
Se décidant, elle se leva et ôta tous ses habits à l'exception de ses sous-vêtements. Après s'être aspergée d'eau froide par précaution, elle plongea dans le lac.
Quel soulagement !
Elle nagea quelques temps, prenant garde de ne pas trop s'éloigner de la rive, par crainte du Calmar Géant. Elle fut trop vite fatiguée – elle manquait d'exercice depuis qu'elle avait quitté la Mongolie – et sortit de l'eau.
Alors qu'elle se baissait pour ramasser sa robe elle crut apercevoir quelqu'un qui l'observait depuis l'une des fenêtres du château. Un visage pâle et une masse de cheveux noirs. Mais quand elle regarda une seconde fois, il n'y avait personne. Elle avait dû rêver…

-- Non, Augusta ! Vous devez réduire les os en poudre, pas les couper.
Augusta reposa le couteau qu'elle avait en main et s'empara à la place d'un pilon.
-- Pourquoi n'achetez-vous pas vos os d'hirondelle en poudre plutôt qu'entier, Severus ? Ça vous éviterait tout ce travail préliminaire.
-- Tout d'abord, j'utilise les os entiers dans certaines préparations, ensuite les os broyés coûtent nettement plus cher.
Convaincue, elle commença à utiliser son pilon tandis que Rogue à son côté découpait des tiges d'acéphale en brins d'exacte même longueur.
-- Augusta… entama-t-il avant de s'interrompre.
-- Oui ?
-- Dites-moi, comment va votre époux ?
Elle leva les yeux vers lui à sa question. Elle avait toujours cru qu'il se désintéressait totalement du sort de Remus.
-- Bien. Il va bien… J'ai reçu sa dernière lettre avant-hier.
-- Il est toujours à Oulan-Bator ?
Il n'avait pas vraiment eu l'air de le détester jusqu'ici, mais plutôt de lui en vouloir un peu d'avoir laissé ses amis le martyriser autrefois. Remus lui avait raconté, avec honte et remord, ce que James et Sirius avaient fait subir au Serpentard.
-- Toujours, oui. Apparemment les gens chez qui il vit viennent d'avoir un enfant et il en est le parrain.
-- Le professeur Dumbledore demandait de ses nouvelles.
Sa première impression était donc la bonne. Severus se moquait bien de la vie de Remus !
-- Vous correspondez souvent avec lui ? ajouta-t-il après une minute de réflexion.
-- Le plus souvent possible. Qu'est-ce que je fais des os d'hirondelle à présent ?
Son ton était plus sec. Elle n'appréciait pas que Dumbledore – puisque c'était lui qui voulait des nouvelles de Remus – ne vienne pas le lui demander directement.
-- Mélangez-les avec le miel. Vous n'aimez pas parler de Lupin dirait-on.
-- Pas avec vous, répondit-elle alors qu'elle ajoutait la poudre qu'elle venait d'obtenir au contenu pâteux d'un bocal, alors que vous le détestez…
-- Je ne le déteste pas. Vous aviez raison. Les raisons que j'avais de lui en vouloir n'étaient que des bêtises d'écoliers. Ce n'est pas lui qui m'a pas réellement fait le moindre mal…
Il alluma un feu doux sous le chaudron et y versa un mélange qu'ils avaient préparé un peu plus tôt. Après plusieurs minutes de silence pendant lesquelles Augusta le regardait opérer, il reprit alors qu'elle pensait le sujet retombé.
-- Vous l'aimez ?
Elle lâcha sa baguette de surprise.
-- Bien sûr ! répondit-elle alors qu'elle la ramassait.
-- Mais vous le connaissez à peine après tout. Et il est loin de vous depuis si longtemps, à faire Merlin sait quoi.
Elle ne répondit pas tout de suite.
-- Ce n'était pas un coup de foudre d'adolescente, Severus. finit-elle par dire. J'ai réalisé que je l'aimais après avoir vécu plusieurs mois absolument seule avec lui. Je peux vous assurer que je le connaissais alors parfaitement.
Il ne semblait pas convaincu.
-- Quant à ce qu'il fait loin de moi… Je crois que ce qu'il m'écrit dans ses lettres. J'ai confiance en lui.
Il remua la potion sans répondre.
-- N'avez-vous jamais été amoureux Severus ?
-- Une fois, répondit-il sans la regarder. Je l'aime encore. Je l'aimerai toujours même si… si elle n'est plus là.
-- Elle n'est plus là ?
-- Elle est morte il y a bientôt trois ans, en même temps que celui qu'elle avait épousé.
-- Oh ! Désolée…
Le sujet tomba une nouvelle fois et, pendant les deux heures qui suivirent, les potions furent leurs seuls sujets de conversation.

Elle montait Myrddin et galopait le long de la Forêt Interdite. Le cheval, d'un noir de geai, transpirait sous l'effort et la chaleur et son odeur animale enrobait Augusta. Elle passa au pas en atteignant la hutte de Hagrid. Le garde-chasse, occupé dans son potager, la salua quand elle arriva à sa hauteur. Même assise sur son haut cheval, elle n'atteignait pas l'épaule de Hagrid. Elle s'était souvent demandé comment il pouvait être si grand.
-- Je suis désolé de ne pas avoir de selle pour que tu sois plus confortable, lui dit-il. Mais j'ai l'impression que tu t'en sors plutôt bien comme ça.
-- J'ai toujours monté à cru.
-- C'est drôle, Morgwen aussi montait ses chevaux à cru.
-- Morgwen ? balbutia-t-elle.
-- La propriétaire de Myrddin et Artus. Je t'en ai déjà parlé. Tu lui ressembles, tu sais. Physiquement, je veux dire. Comme une petite soeur. Ça doit être pour ça que les chevaux t'ont accepté si vite…
-- Peut-être.
Et coupant court à la conversation, elle intima à Myrddin d'avancer d'une légère taloche dans les flancs.

Le mois d'août arriva et avec lui vint une lettre de Charlie l'invitant à passer quelques temps au Terrier, la maison de ses parents. Tonks serait là, elle arriverait pour le jour de son anniversaire. Si seulement elle pouvait y aller ! Elle avait très envie de revoir Charlie et Tonks. Plus que comme une amie, elle se sentait comme une grande soeur pour eux. Et elle aurait tant voulu rencontrer toute la famille Weasley dont Charlie lui avaient tant parlé.
Et, au lieu de ça, elle allait devoir trouver une excuse pour ne pas venir, au risque de vexer le jeune garçon.
D'abord forcée de se séparer de celui qu'elle aimait, à présent elle ne pouvait pas rejoindre ses amis.
Soupirant, elle se saisit d'une plume et commença à rédiger la carte d'anniversaire qui décevrait tant Charlie.

Elle lisait au bord du lac, profitant des deniers rayons de ce soleil d'été. Elle s'était plongée pour la énième fois dans le le Chien des Baskerville, dégustant avec délice les raisonnements de Sherlock Holmes. Atteignant la fin de son chapitre, elle referma le livre.
Elle se redressa et crut apercevoir un chat à l'entrée du château. Ce n'était pas Mrs Teigne, l'horrible animal de Rusard. Ce ne pouvait pas être celui d'un élève. A qui donc appartenait ce chat ? Elle s'essuya les yeux et regarda à nouveau.
Le chat avait disparu !
A sa place se tenait le sévère professeur McGonagall et son habituel chignon serré.
Alors, Augusta se souvint de ce que Remus lui avait appris des sorciers capables de se changer en animal. Comment les appelait-on déjà ? Des animagi… McGonagall devait être un animagus.
Animagus…
Si seulement elle aussi était capable de se changer en animal ! En cheval, pour galoper chaque fois qu'elle se sentirait frustrée. Ou en oiseau, pour s'envoler loin d'ici. Ou en loup… en loup comme Remus…
Mais comment pouvait-on devenir un animagus ? Elle n'avait jamais entendu personne d'autre que Remus en parler. Ramassant son livre, elle se précipita vers la bibliothèque.

-- Severus, McGonagall est-elle un animagus ?
Le jeune homme leva les yeux de son parchemin à la question. Il préparait ses cours pour la rentrée suivante pendant qu'Augusta faisait l'inventaire des ingrédients contenus dans le bureau. Il comptait faire une large commande pour l'année et elle avait accepté de l'aider à chercher ce dont il aurait besoin.
-- Effectivement. Minerva McGonagall se transforme en chat. Comment savez-vous ça ?
-- Je l'ai vue. J'aurais dû me douter qu'un professeur de métamorphose serait capable de faire ça.
Elle reprit son inventaire pendant un moment.
-- Comment devient-on animagus ? finit-elle par demander.
-- Je ne sais pas exactement. Il vous faudrait demander à Minerva. Mais maîtriser l'art de l'animagie prend plusieurs années. Je ne voudrais pas que vous vous fassiez trop d'illusions. Et peu de sorciers en sont capables.
Il la regarda un instant.
-- Quoi que je pense que vous êtes assez douée…
-- Merci, répondit-elle en souriant.

Dès le lendemain, elle alla trouver McGonagall et lui exposa son projet.
-- Êtes-vous sûre, Augusta ? Cela risque de vous prendre la plus grande part de votre temps libre pendant plusieurs années.
-- Si vous acceptez de m'aider professeur, je peux vous garantir que je n'abandonnerai pas tant que je n'aurai pas réussi.
-- Vous voulez dire que vous comptez gâcher mon temps libre en même temps que le vôtre ?
Mais un léger sourire était apparu sur ses lèvres fines.
-- Soit… Je vous aiderai. Mais pas tout de suite ! Je dois quitter le château jusqu'à la rentrée. Je vous propose de nous retrouver alors un soir par semaine pour des cours particuliers. Évidemment, ceci ne devra pas vous empêcher de tenir votre travail à jour ! Si j'apprends que vous négligez vos devoirs, nous arrêterons tout !
Augusta acquiesça à ces conditions, trop heureuse de l'accord de McGonagall.
-- Pendant que j'y pense, je me rendrai à Londres dans quelques jours. Avez-vous besoin de quelque chose ? J'ai vu que vous aviez déjà commandé une bonne partie de ce qui était nécessaire.
-- Il me manque les livres de la liste de fourniture et un uniforme à ma taille.
-- Je m'en occupe. Passez une bonne fin de vacances.
Augusta la remercia et sortit rejoindre Severus Rogue.

-- J'ai réussi ! Gus ! Tonks ! Vous avez vu ? J'ai réussi !
L'exaltation sur le visage de Charlie réchauffait le coeur d'Augusta. Tonks et elle, installées dans les gradins du terrain de Quidditch, n'eurent pas besoin de se consulter avant de descendre féliciter le jeune garçon de tout leur coeur.
-- Bravo Charlie ! dit Tonks. Je suis fière de toi.
-- Ça ne faisait pas de doute qu'ils allaient te choisir, ajouta Augusta. Tu étais de loin le meilleur.
Elles le serrèrent chacune dans leurs bras avant de reprendre le chemin du château.
-- Vous vous rendez compte ? continuait Charlie, du haut de son nuage. Attrapeur de Gryffondor à peine quatre jours après la rentrée ! L'année s'annonce bien.
-- J'ai bien peur, Tonks, qu'on ait besoin d'encourager trois fois plus nos équipes de Quidditch, si on ne veut pas qu'elles se fassent écraser par Gryffondor.
-- Oui, je pense que la Coupe se retrouvera sur le bureau de McGonagall cette année.
Les deux filles éclatèrent de rire, ce qui fit rougir Charlie au point qu'on ne distinguait même plus ses nombreuses taches de rousseur.
Alors que les trois enfants pénétraient dans le hall d'entrée, ils virent Tsukasa se précipiter vers eux, l'inquiétude marquant ses traits.
-- Alors ? réussit-il à balbutier. Est-ce que…
Le sourire de ses trois amis lui apprit la nouvelle.
-- Bravo ! Ah, si seulement Rusard ne m'avait pas mis en retenue ce soir ! Ça va devenir dur d'encourager Serpentard à cause de toi, ajouta-t-il en souriant à son tour.

Augusta était assise sur une chaise droite et inconfortable. Elle n'en avait cure, pourtant, et écoutait voluptueusement les paroles du strict professeur assis en face d'elle.
-- Vous ne pouvez pas songer à vous métamorphoser vous-même si vous ne maîtrisez pas parfaitement la métamorphose d'autres êtres humains en animal. Et pour cela, il vous faudra commencer par vous entraîner par transformer divers mammifères. Ce type de sortilège est normalement au programme de quatrième année, mais je pense que vous devriez être capable de l'exécuter. Bien, nous allons commencer par cette souris. Je voudrais que vous me l'ayez changée en oiseau avant la fin de l'heure. N'importe quel oiseau fera l'affaire.
Augusta sortit sa baguette d'aulne et prenant en main la souris, attendit d'autres instructions de McGonagall. Celle-ci lui montra le mouvement de baguette à effectuer.
Quand la jeune femme eut maîtrisé le mouvement – ce qui prit de longues minutes – McGonagall lui indiqua comment prononcer l'incantation en faisant bien correspondre les syllabes au déplacement de la baguette.
A la fin du temps imparti, Augusta avait réussi à transformer l'animal en une sorte de chauve-souris emplumée. Elle était déçue du résultat mais son professeur semblait satisfait.
-- Bien Augusta, dit-elle en la raccompagnant jusqu'à la porte du bureau. A dire vrai, je ne m'attendais pas à ce que vous soyez capable d'en faire autant en une seule séance. Nous pourrons peut-être avancer plus rapidement que je ne l'avais escompté. La semaine prochaine, même heure ?

-- Miss Pye ? N'est-il pas un peu tard pour rentrer à la Salle Commune ?
-- Bonsoir Gwalchmeï, répondit l'interpellée au triton de l'aile des Serdaigle. Je prenais des cours particuliers.
-- Encore une potion avec le professeur Rogue ? demanda-t-il avec un sourire plein de sous-entendu.
-- Vous vous faites des idées Gwalchmeï ap Gwyar ! Si vous continuez vos insinuations, je ne vous raconterai plus rien.
-- Soit, je serai muet sur ce sujet… Où étiez-vous donc ? J'ai remarqué que vous rentriez tard tous les mercredis depuis la rentrée.
-- J'étais avec le professeur McGonagall. Maintenant, si vous voulez bien m'excuser, je voudrais aller me coucher. Je suis épuisée.
Le triton s'inclina en souhaitant une bonne nuit à Augusta.
Elle entra dans une Salle Commune quasiment déserte. Seul le préfet de sixième année, Quirinus Quirrel, travaillait dans un coin de la pièce. Il releva la tête en l'entendant et elle le vit froncer les sourcils de manière inquiétante.
-- Qu'est-ce que tu faisais dehors à une heure pareille ? Tu réalises que si un professeur t'avait surpris, tu risquais de faire perdre au moins vingt points à Serdaigle ? Comment tu t'appelles déjà ?
-- Augusta Pye. Mais j'avais…
-- Si je te reprends encore une fois à rentrer passé le couvre-feu, tu le regretteras !
Il ramassa ses affaires et se dirigea vers les chambres des garçons avant même qu'elle ait pu se justifier. Elle soupira. Elle avait déjà remarqué que Quirrel avait tendance à parfois abuser de ses pouvoirs de préfet. Il ne valait mieux pas se le mettre à dos.
Elle passa dans le couloir des filles, également désert. Elle était plus tendue que fatiguée. Cette séance d'animagie était la neuvième depuis septembre et chaque fois, elle en sortait épuisée mais incapable de dormir pendant des heures. Heureusement que McGonagall avait planifié ces leçons le mercredi soir car elle pouvait rattraper son sommeil perdu pendant le premier cours du jeudi matin : Histoire de la Magie.
Ce dont elle avait besoin à présent, c'était d'un bon bain chaud ! Cela lui ferait du bien.
Elle entra silencieusement dans sa chambre pour ne pas réveiller Martha et Rose, mit un peignoir, puis passa dans la salle de bain. D'un geste de sa baguette, elle illumina la pièce. Pieds nus, elle avança sur le froid carrelage bleu ciel jusqu'à la baignoire la plus proche, creusée dans le sol. S'agenouillant, elle tourna le mélangeur pour laisser s'écouler une eau fumante au léger parfum de tilleul. Quand l'eau déborda sur ses pieds, elle retira son peignoir.
Au moment où elle allait entrer dans son bain, elle avisa son reflet dans le miroir et s'arrêta pour s'observer.
Son corps avait à présent douze ans et demi. Des formes féminines commençaient à être perceptibles. Se tournant légèrement, elle réalisa que sa poitrine naissante requerrait bientôt l'usage d'un soutien-gorge. Passant les mains sur ses hanches, elle sentit que son bassin s'était élargi.
Le mouvement de ses doigts lui envoya un frisson qui lui rappela les caresses de ses rêves. Elle lâcha ses hanches et regarda un instant ses mains, songeuse. Il y avait si longtemps qu'elle n'avait pas réellement ressenti…
Se décidant, elle plongea dans l'eau chaude et commença à laisser courir ses doigts entre ses cuisses.

-- Pourquoi tu tiens absolument à passer les vacances de Noël à Poudlard ? Charlie t'a invitée chez lui, Tsukasa t'a invitée chez lui, je t'ai invitée chez moi. Je ne comprends pas que tu préfères rester seule ici !
-- Je ne serai pas seule, Tonks… Attention !
Comment faisait Tonks pour trébucher sur tout ce qui passait à sa portée était un des plus grands mystères existants pour Augusta. Cette fois-ci, elle avait essayé de la rattraper alors qu'elle glissait sur une plaque de verglas. Etant plus petite et légère que son amie, son geste eut pour seul effet de la faire tomber avec elle.
-- Aïe ! C'est pas possible ! Quelqu'un t'a jeté un sort pour que tu sois aussi maladroite !
-- Une de mes tantes a du maudire ma mère quand elle était enceinte, t'as raison.
Elles éclatèrent de rire. Tsukasa, qui s'était précipité en les voyant tomber, parvint auprès d'elles à ce moment.
-- C'est si drôle que cela de chuter sur de la glace ? demanda-t-il en aidant Tonks à se relever.
Mais, glissant à son tour, il s'affala sur les deux filles.
-- Pye ! Tonks ! Yotsubadaï ! Où vous croyez-vous ?
Ils se relevèrent rapidement, prêts à essuyer la colère du professeur Smolett.
-- Quinze points de retirés à chacune de vos maisons ! Et une retenue chacun ! Je suis choqué par votre comportement !
Augusta se demandait ce qu'avait pu s'imaginer le professeur de Défense Contre les Forces du Mal en les trouvant allongés les uns sur les autres. Vu sa réaction, elle avait une petite idée sur la question.
-- Que faites-vous donc dehors par un temps pareil ?
-- On allait assister à l'entraînement de Quidditch des Gryffondor, professeur !
-- Vous n'avez rien de mieux à faire que de déconcentrer les joueurs ? Rentrez donc au château avant que je ne vous retire de nouveaux points !
Ils obéirent. Augusta entendit Tsukasa maugréer des insultes en japonais tandis qu'elle se surprenait à traiter Smolett de tous les noms en français.
-- Bon bah… on n'a plus qu'à bosser maintenant, soupira Tonks quand ils atteignirent le hall d'entrée.
Les deux autres acquiescèrent à contrecoeur.

Pendant les congés scolaires, McGonagall avait décidé de cesser ses leçons d'animagie. Augusta lui en était reconnaissante. Elle sentait qu'une pause était la bienvenue. Bien que Rogue et McGonagall l'ait prévenue, elle était frustrée de la lenteur des progrès qu'elle faisait dans ce domaine. Si elle ne se concentrait pas assez, chacune de ses métamorphoses se retrouvait avoir des plumes. McGonagall lui avait expliqué que cela venait de ce que son animal fétiche – celui dans lequel elle se changerait – était probablement un oiseau. Augusta, elle, n'y voyait qu'une incapacité à lancer ses sorts correctement.
-- Augusta ? Vous vous sentez bien ?
-- Très bien, Severus, mentit-elle ; en vérité, les parfums s'échappant du chaudron lui faisaient un peu tourner la tête. Je crois que j'ai juste besoin d'un peu d'air frais…
Elle s'écarta de lui mais le Maître de Potions la retint par le bras. Il posa sur le front de la jeune femme une main qui lui parut glacée.
-- Vous êtes brûlante de fièvre ! Je vous emmène à l'infirmerie.
-- Mais… votre préparation…
-- Au diable la potion ! Vous avez besoin de soins.
Elle se laissa guider par le jeune homme jusqu'à la porte mais, prise d'un vertige, elle ne put avancer plus loin. Rogue la souleva alors de terre et la transporta ainsi, ne la lâchant que pour la déposer sur un lit blanc sous la garde de Madame Pomfresh.

Ayant attrapé une mauvaise grippe, Augusta resta trois jours à l'infirmerie et n'en sortit qu'en suppliant Madame Pomfresh de la laisser assister au repas de Noël. Cloîtrée ces longues journées, elle n'avait pas pu envoyer de cadeaux à ses amis. Elle espérait que ce retard, ajouté à son refus de quitter Poudlard – comme si elle avait eu le choix ! – ne les vexerait pas…

Juste après la rentrée de Janvier, le premier match de Quidditch des Gryffondor eut lieu. Ils jouaient contre les Poufsouffle, ce qui empêchait Tonks d'encourager officiellement Charlie. Malgré tout, ce fut une explosion d'applaudissements que reçut le jeune garçon quand il attrapa le vif d'or après vingt minutes de jeu, assurant la victoire de son équipe. Augusta n'y connaissait pas grand-chose en sport mais, d'après les commentaires qui suivirent le match pendant trois semaines, Charlie avait le potentiel pour devenir un grand joueur.
Les autres matchs le confirmèrent. Si l'équipe n'était pas la meilleure que Gryffondor aie jamais eue, Weasley était l'un des meilleurs attrapeurs de son histoire.

Quand le printemps arriva, Augusta était capable de transformer n'importe quel vertébré en n'importe quel animal. McGonagall lui accorda une nouvelle pause pour les vacances de Pâques, lui expliquant que la transformation humaine serait bien plus difficile que ce qu'elles avaient fait jusqu'à présent.
Le 13 avril, au beau milieu des vacances, Augusta fêta son vingt-sixième anniversaire – officiellement son treizième. Sept semaines plus tard, ce fut le tour de ses noces de cuir, qui correspondaient à ses deux ans de mariage. Ce jour-là, malgré la lettre transpirant d'amour qu'elle avait reçue de Remus, son moral était au plus bas, comme l'année précédente.

Ils étaient installés au bord du lac, comme d'habitude, et comparaient les différentes options. Ils devaient en choisir deux au minimum et espéraient qu'ils réussiraient à en trouver au moins une pour laquelle ils seraient tous quatre ensemble. Pour le moment, pourtant, cela paraissait un peu utopique à Augusta.
-- Non, pas Arithmancie ! C'est ce que fait Bill et il m'a dit que c'est le sujet le plus difficile qu'il ait ! Et j'ai pas un cerveau aussi large que le sien.
-- Et l'Etude des Moldus ? Tu as toujours dit que cela t'intéressait.
-- Ça le passionne, tu veux dire ! Mais mes grand-parents et les parents de Gus sont moldus. On va pas faire une option comme ça…
-- J'étais bien tentée de faire Soin aux Créatures Magiques…
-- Gus… Tu sais que Tsukasa ne supporte pas les animaux !
-- Je supporte les animaux ! C'est juste que… certains me font un peu peur…
Après bien des heures de réflexions personnelles et en commun, ils avaient fini par tomber d'accord. Chacun prendrait les options qui lui plairaient et ils réussiraient bien à se voir en dehors comme à présent.
Charlie avait choisi le Soin aux Créatures Magiques et l'Etude des Moldus, les sujets qu'il voulait dès le début. Tsukasa suivrait également l'Etude des Moldus, ainsi que l'Arithmancie. Tonks prenait Divination et Anciennes Runes, Augusta, Soin aux Créatures Magiques et Anciennes Runes. Ils croisaient les doigts pour se retrouver ensemble dans les options qu'ils avaient en commun.

Et à nouveau, la fin de l'année advint. Aux résultats des examens, Tonks surprit tout le monde en majorant la promotion en Défense Contre les Forces du Mal. Elle finit par avouer qu'elle s'était prise d'intérêt pour la matière et avait demandé à Bill Weasley de l'aider dans ses révisions.
Quand Augusta vit les calèches entraîner ses amis, elle soupira. Pourvu que ces vacances d'été soient plus remplies que celles de l'année précédente !
Chapitre huit by Morgwen
Habituellement, les professeurs qui ne passaient pas l’été au château partaient le lendemain du départ des élèves et le domaine devenait un quasi-désert. Cette année, toutefois, Augusta eut la surprise de découvrir que la totalité des professeurs était encore présent deux jours après la fin de l’année scolaire. Ce mystère fut toutefois levé en interrogeant Severus Rogue à ce sujet.
-- Le professeur Polarstern a pris sa retraite et a tenu à célébrer l’événement en nous invitant tous à une petite fête dans la Tour d’Astronomie.
Augusta eut un sourire amusé en imaginant le sévère professeur de potions une chope à la main, en train de danser avec Rolanda Bibine à la seule lueur des étoiles, sous le regard encore plus sévère de son ancien Directeur de Maison.
D’ailleurs…
-- Severus, demanda-t-elle, Polarsten était bien responsable des Serpentard ? S’il est parti, qui…
Le petit air satisfait que son interlocuteur n’essayait même de cacher la renseigna bien vite sur l’identité du nouveau Directeur des Serpentard.
-- Avez-vous fêté votre promotion en même temps que sa retraite ?
-- Le professeur Polarstern a eu la bonté de m’inclure dans les félicitations générales, répondit Severus.
Augusta lui adressa ses propres compliments en pensant à autre chose. Elle n’avait jamais été une grande admiratrice du professeur d’Astronomie qui faisait passer le Professeur Snape pour un homme sensible et compréhensif. C’était une des raisons pour lesquelles la matière n’avait jamais été son point fort. Elle doutait qu’un remplaçant pourrait lui faire aimer passer la nuit à prendre des mesures d’étoiles mais elle pouvait difficilement tomber sur pire.
-- Vous connaissez son remplaçant ? finit-elle par demander, dans le silence retombé.
-- En Astronomie ? Oui, je la connais. Celia était une Serdaigle un peu plus âgée que moi… À dire vrai, je crois qu’elle doit avoir votre âge. Oui, elle était toujours en compagnie de Rolanda Bibine à l’école.
Augusta n’écoutait plus. Cela faisait bien longtemps qu’elle n’avait pas pensé à l’âge qu’elle avait réellement. Vingt-six ans… Peut-être sensible à la réaction qu’il avait suscité, Severus se tut et la regarda en silence une minute avant d’incliner la tête pour la saluer et la laisser à son déjeuner.

-- Tu es le plus beau… Laisse-moi te frotter le flan mon mignon !
-- C'est du français ?
Augusta sursauta. Elle n'avait pas entendu Hagrid s'approcher alors qu'elle soignait ses chevaux. Comme l'été précédent, elle avait décidé de passer de longues heures à les monter et à parcourir les terres du château. Sans vraiment s'en rendre compte, elle murmurait des paroles tranquillisantes à Myrddin qu'elle avait fait galoper quelques instants plus tôt.
-- Essentiellement, oui. Mais c'est vrai qu'il m'arrive de leur donner des noms doux en breton, même si je ne connais que quelques mots.
-- Tu as l'art de les amadouer. Je ne sais pas si c'est la langue ou ta manière de parler mais j'ai remarqué que Myrddin et Artus étaient toujours plus paisibles avec toi qu'avec les autres.
C'était plutôt dû au fait qu'elles les avaient élevés, à son avis mais Augusta ne pouvait pas répondre ça à Hagrid.
-- Tu accepterais d'essayer avec d'autres bêtes ? Elles ne sont pas méchantes mais un peu… farouches.
Augusta hésita. Elle savait qu'elle n'avait aucun pouvoir particulier sur les animaux mais comment l'expliquer au garde-chasse ? Elle pouvait toujours accepter. Au pire, cela ne marcherait pas.

La jeune femme regrettait d'avoir accepté de parler aux créatures de Hagrid… Elle ne tenait pas à savoir ce qu'elle allait rencontrer après avoir marché dix longues minutes vers le coeur de la Forêt Interdite. Plus elle avançait et moins la lumière du soleil, pourtant à son midi, pénétrait jusqu'à eux.
Enfin, alors que la canopée ne laissait plus filtrer que quelques rayons, le garde-chasse s'arrêta.
-- En voilà un !
Augusta connut un bref instant de panique. Un quoi ? Elle se rapprocha de Hagrid à la stature rassurante avant d'apercevoir une forme sombre en face d'eux. A première vue, on aurait dit Myrddin. Hagrid l'appela et la créature se rapprocha. Il s'agissait en fait d'un de ces étranges chevaux qui tiraient les calèches de l'école, aux corps maigres, aux visages de lézard et aux longues ailes noires.
Étonnée, Augusta se demandait ce qu'elle faisait là. S'il y avait bien une créature de Poudlard qui ne lui paraissait pas nerveuse, c'était bien celle-ci. La placidité même !
-- Augusta ? Est-ce que tu peux le voir ?
-- Bien sûr que je le vois ! répondit-elle interloquée.
Le cheval se tenait à un mètre d'eux et, en tendant le bras, elle aurait pu le toucher.
-- Tout le monde ne peut pas voir les sombrals.
Puis, après un moment de réflexion, il ajouta :
-- C'est vrai que tu es orpheline…
Augusta ne voyait pas le rapport mais choisit de ne pas relever.
-- Bon, en général, les sombrals sont des animaux très sauvages. Farouches, plutôt. Ils ne se laissent pas approcher ! Ceux-ci sont apprivoisés, mais restent… timides.
-- Mais ils tirent les calèches sans problèmes !
-- Ce sont les femelles qui tirent les calèches. Jusqu'ici, je n'ai réussi à faire travailler que les femelles. Mais évidemment, j'ai besoin des mâles pour la reproduction. Et puis ils sont tellement beaux…
Il avait pris un air attendri qu'Augusta ne partageait pas. A ses yeux, comparé à un cheval comme Myrddin ou Artus, le sombral avait autant de beauté qu'un homme squelettique au visage de reptile par rapport à Remus !
-- Tu peux lui faire des compliments, comme aux chevaux ?
-- Euh…
Qu'allait-elle bien pouvoir dire à cette créature ?
-- Je vais essayer…
Elle murmura quelques mots mais s'interrompit rapidement, en manque d'inspiration. Le sombral s'était approché en l'entendant et avait baissé la tête, comme s'il quémandait des caresses.
-- Ça marche ! s'enthousiasma Hagrid. Continue !
Elle reprit, vantant la finesse de ses traits, la puissance de ses ailes, le recommandant à tous les dieux possibles, jusqu'à ce qu'à court d'idée, elle finît par se tourner vers Hagrid.
Celui-ci rayonnait. Il la ramena vers le château, un sourire fixé sur son visage. Persuadé que la réussite de la jeune fille venait du français, il était décidé à apprendre cette langue ! Il demanderait au professeur Dumbledore. Le directeur parlait tellement de langages qu'il devait bien connaître celui-là !

Lorsqu'ils atteignirent à nouveau l'orée de la forêt, l'estomac d'Augusta se mit à rugir.
-- Oh oh ! gloussa Hagrid. Il est temps d'aller déjeuner !
Il ne fallut pas le dire deux fois à Augusta qui trotta joyeusement aux côtés du garde-chasse jusqu'au château. Dans la Grande Salle, comme chaque été, les quatre tables de maisons avaient disparu et elle alla s'installer aux côtés des professeurs. L'année précédente, elle s'était toujours assise auprès de Severus Rogue ou de Madame Pomfresh mais elle se dit qu'il serait malpoli de ne pas rester avec Hagrid alors qu'ils étaient en pleine discussion.
Elle profita donc de ce moment à table pour enseigner au géant les rudiments du français, à savoir le vocabulaire de base. Hagrid était un élève plein d'attention, mais pas réellement doué. Il mettrait longtemps avant de pouvoir tenir une conversation.
Alors qu'ils dégustaient une délicieuse tarte aux pommes – un jour il faudrait qu'elle allât féliciter les cuisiniers de l'école ! – Rogue s'approcha d'eux.
-- Bonjour Augusta, Hagrid.
Ils lui rendirent son salut.
-- Augusta, je prépare une potion qui devrait grandement vous intéresser. Si vous désirez vous joindre à moi…
-- Bien sûr ! Je finis mon dessert et je vous suis.
Il les quitta aussitôt sans un mot dans l'attitude raide qu'il arborait partout hors de son bureau.
-- Tu fais des potions avec le professeur Rogue ?
Augusta rougit. Elle avait oublié la présence de Hagrid. Heureusement qu'elle n'avait pas appelé Severus par son prénom !
-- Euh… balbutia-t-elle. Rogue dit que je suis très douée en potion. Et comme je n'ai pas grand-chose d'autre à faire pendant mes vacances…
-- Tu parles plusieurs langues couramment, tu prends des cours d'animagie avec le professeur McGonagall, tu soignes des élèves avec Madame Pomfresh, tu concoctes des potions avec le professeur Rogue… Tu es une enfant étonnante Augusta !
-- Je ne suis pas une enfant, souffla-t-elle.
-- D'accord, d'accord. À treize ans, tu n'es plus une enfant. Mais tout de même !
Elle le regarda surprise. Elle avait été sur le point de lui révéler son secret – après tout, il avait déjà remarqué plusieurs fois à quel point elle ressemblait à… elle-même – et lui n'avait vu qu'un sursaut existentiel d'adolescente.
Elle se reprit. Hagrid avait toute la confiance de Dumbledore mais celui-ci avait choisi de ne pas le mettre dans la confidence en ce qui la concernait. Il avait sûrement une raison.
Elle finit sa tarte en silence puis se leva pour rejoindre les cachots de potion.
-- Comment dit-on au revoir, en français ? lui demanda Hagrid alors qu'elle le quittait.
-- Au revoir ! » répondit-elle dans un sourire.

Elle frappa doucement à la porte du bureau et entra sans attendre de réponse, comme à son habitude. Rogue était penché sur sa table de travail, occupé à compter des ingrédients à voix haute. Elle attendit qu'il eut fini avant de signaler sa présence d'un toussotement.
-- Augusta, vous voici.
Elle réalisa tout à coup combien son attitude était différente ici de celle qu'il avait eue dans la Grande Salle.
Deux ans plus tôt, il était aussi froid avec elle qu'avec tout autre. Mais petit à petit il avait appris à se détendre en sa présence. Et, alors qu'autrefois elle le voyait se raidir et son visage se refermer dès qu'elle apparaissait dans son domaine, à présent il se contentait de lui sourire – un vrai sourire. Était-elle donc la première personne à voir le vrai Severus Rogue ?
-- Quelle est cette potion qui « devrait grandement m'intéresser », Severus ? Il me semble que jusqu'ici, aucune préparation ne m'a jamais ennuyée…
-- C'est qu'il s'agit d'une expérimentation, répondit-il avec un sourire amusé. J'essaie d'améliorer les propriétés d'une récente découverte.
-- Vraiment ? Vous avez raison, ça paraît passionnant ! Tant que vous ne m'avez pas fait venir pour jouer les cobayes…
-- De plus, je pense que les effets de cette potion vous touchent particulièrement.
Il avait perdu son sourire.
-- Pourquoi ça ? Elle soigne l'acné ?
-- Vous savez bien que vous ne pouvez pas avoir d'acné, répondit-il, gêné. Vous avez le corps d'une jeune fille mais les propriétés physiologiques d'une femme. Il s'agit de la potion tue-loup dont vous avez sûrement déjà entendu parler.
Le sourire moqueur d'Augusta disparut. La potion qui permettait de maîtriser un loup-garou !
-- Je pensais d'abord vous apprendre à préparer la potion telle qu'elle existe, continuait Rogue. Ainsi, vous serez capable de me conseiller dans mes expériences.
-- Vous conseiller ? Severus, je n'ai fait que deux ans de cours de potion !
-- Ne soyez pas idiote ! répliqua-t-il d'un ton qui ressemblait un peu trop à celui qu'il employait en cours. Vous savez bien que vous avez un niveau bien supérieur à n'importe quel élève de Poudlard. Vous en saurez bientôt presque autant que moi.
Elle rougit et se déclara prête à apprendre cette potion. Si elle parvenait à la maîtriser, elle pourrait la fournir à Remus… à son retour.

Ils travaillèrent la majeure partie de l'après-midi. Le silence de la salle n'était brisé que par de brèves instructions et explications de Rogue. Contrairement à leur habitude, ils ne discutaient de rien, la préparation demandant de la concentration, surtout pour une première fois.
-- Bien, finit par déclarer le sorcier. La potion doit à présent reposer pendant plusieurs jours, pour laisser à l'aconit le temps de réagir avec l'olvar.
-- Je n'ai pas compris l'utilité des yeux de rat bouillis.
-- Ils ne servent qu'à fixer les larmes de phénix sur la feuille de chêne.
-- Mais est-ce qu'ils n'ont pas une propriété d'agitation chez le buveur ? Pour une potion supposée contrôler le loup, ce n'est peut-être pas le meilleur ingrédient…
-- C'est pour cela que je travaille sur cette potion, Augusta. Pour améliorer ce genre de choses.
Il jeta un coup d'oeil à la pendule placée au-dessus de la porte.
-- Est-ce que vous ne devez pas retrouver le professeur McGonagall ce soir ?
-- A dix-neuf heures, seulement. Mais il me faut y aller, si je veux avoir le temps de manger avant. Vous venez avec moi ?
-- Le temps de nettoyer tout ça, et je vous rejoins.

-- Bien, vous maîtrisez à présent la transformation d'autres humains en animal. Maintenant, vous allez pouvoir commencer à appliquer le sort sur vous-même.
Pendant trois mois, Augusta s'était appliquée à transformer le professeur McGonagall en toutes sortes de créatures, du scarabée à l'hippopotame. Évidemment, la première chose que la sorcière lui avait enseignée avait été le contre-sort qui lui permettrait de lui rendre sa forme humaine. Ce type de sortilège, de toute manière, n'était pas très dangereux pour le cobaye car il changeait uniquement le corps, et non l'esprit.
-- Vous allez pointer la baguette vers votre ventre et imaginer que vous métamorphosez une autre personne. Ne réfléchissez pas à l'animal ! Laissez votre instinct parler.
Augusta respira lentement quelques secondes, se concentrant. Puis, elle dirigea sa baguette vers elle-même et murmura l'incantation.
Elle sentit comme une légère décharge envahir sa jambe gauche et la vit se couvrir de plumes blanches et bleues.
-- Pas mal ! approuva le professeur McGonagall. Finite incantatum !
La jambe d'Augusta retrouva son aspect normal.
-- Savez-vous pourquoi seul un de vos membres a été transformé ?
-- Euh… Non, je ne sais pas.
-- Vous pointiez bien votre baguette au début, mais elle a dévié quand vous prononciez l'incantation. Vous allez donc vous entraîner à faire votre mouvement en gardant votre ventre pour cible.
Le geste était compliqué. Il avait été difficile de le maîtriser et il lui fallait à présent le retravailler comme si elle ne l'avait jamais appris.
Lorsque son poignet fut envahi de crampes, elle abandonna.
-- Bien, nous continuerons la semaine prochaine, Augusta. En attendant, je vous conseille de vous entraîner à faire ce mouvement un peu tous les soirs. Mais surtout, n'essayez pas de lancer le sort toute seule ! Je ne veux pas d'accident.
-- Bien professeur.
-- Madame Pomfresh n'est pas là en ce moment, mais passez donc voir le professeur Rogue, il vous donnera une crème qui soulagera votre crampe.

Augusta hésitait devant la porte du bureau du professeur de potions. Et s'il était déjà couché ? Il était tout de même vingt-deux heures passées… Mais après tout, s'il était couché, il ne serait pas dans son bureau et ne l'entendrait pas frapper.
Elle frappa donc.
Pas de réponse.
Elle frappa un peu plus fort et entendit des bruits de pas de l'autre côté de la porte qui s'ouvrit brusquement sur un Severus Rogue visiblement contrarié d'être dérangé à pareille heure.
-- Augusta ? Qu'est-ce que vous faites ici ?
Il portait une fine robe de chambre grise sur ce qui semblait être une chemise de nuit vert émeraude. Ses cheveux noirs étaient emmêlés et tombaient devant ses yeux ensommeillés.
-- Pardon, Severus. J'espère que je ne vous ai pas réveillé…
-- Si ! coupa-t-il.
Apparemment, Rogue n'était pas à contrarier au réveil.
-- Le professeur McGonagall m'a dit que vous seriez probablement encore en train de travailler… Sinon je ne me serais pas permis de…
-- Augusta, arrêtez donc de vous excuser ! coupa-t-il une nouvelle fois. Dites-moi ce que vous voulez tout de suite, que je puisse retourner me coucher.
-- J'ai attrapé une crampe que je n'arrive pas à soulager, dit-elle en montrant son poignet raidi. McGonagall m'a dit que vous auriez quelque chose pour faire passer la douleur.
Il la regarda un instant, l'air ennuyé puis soupira et s'effaça pour la laisser entrer.
-- Asseyez-vous ! lui ordonna-t-il, d'une voix encore sèche. Je reviens.
Il passa la porte qu'elle supposait mener à son appartement et revint quelques instant plus tard, parfaitement réveillé et prêt à être plus aimable.
-- Bon, voyons ça, dit-il en parcourant les fioles entassées sur une étagère. Hmm… Oui ! Ceci devrait faire l'affaire.
Il saisit un pot en cuivre, avança une chaise en face d'Augusta et s'assit, posant le pot sur le bureau. Il l'ouvrit et prit dans la main une noisette d'une pâte jaunâtre.
-- Donnez-moi votre main !
Elle s'exécuta et il commença à lui masser le poignet, étalant la potion. Une fragrance d'aubépine et d'algues emplit la pièce. Petit à petit, la douleur disparut et Augusta put se détendre à nouveau.
Elle allait demander ce qu'il utilisait comme produit quand Rogue s'arrêta de masser et approcha son poignet de ses yeux.
-- Cette cicatrice…
Elle retira sa main précipitamment. Elle n'aimait pas se souvenir de ces évènements en Irlande. Elle se releva.
-- Ça va beaucoup mieux ! dit-elle, un peu trop brusquement. Merci beaucoup Severus. Bonne nuit et encore pardon de vous avoir réveillé.
S'enfuyant presque, elle reprit le chemin de la Salle Commune des Serdaigle.
Cette nuit-là, elle ne rêva pas de Remus. Elle se souvint seulement d'un enfant mort-né et de son sang s'écoulant sur une statuette de cire…

Le bureau du professeur McGonagall était froid, si froid… Augusta était si fatiguée…
-- C'est assez pour aujourd'hui, Augusta. Je vous félicite.
Mais elle ne l'écoutait pas. Des larmes lui venaient aux yeux, sans raison. Elle ne voulait qu'une chose : se blottir sous une épaisse couverture et dormir… dormir… pendant une éternité.
Elle ne sentit pas les bras du professeur de métamorphose l'entourer et la soulever. Elle ne réalisa pas qu'elle quittait la pièce, ni même qu'elle marchait. Elle ne reconnut pas l'infirmerie. Mais elle sentit son souhait se réaliser, quand Madame Pomfresh lui fit avaler une potion amère avant de la couvrir d'un drap.
Elle s'endormit avant d'avoir fermé les yeux.

-- Augusta ! Augusta !
Elle s'éveilla en sursaut en entendant la voix de son ami.
-- Vous allez bien ? Vous hurliez dans votre sommeil.
Severus Rogue était assis à son chevet, le visage inquiet. Une de ses mains était posée sur le front d'Augusta, l'autre tenait sa main droite qu'elle avait serrée à lui en faire mal.
-- Oui… oui, ça va… murmura-t-elle. Juste un cauchemar…
Elle regarda un instant autour d'elle pour reconnaître qu'elle se trouvait dans un lit de l'infirmerie. Elle apercevait Madame Pomfresh dans son bureau par la porte entrebâillée. Elle essaya de se redresser mais son geste lui apporta une nausée ainsi qu'un sourd battement aux tempes.
-- Qu'est-ce que je fais ici ? demanda-t-elle en retombant sans forces dans sa position première.
-- Votre séance d'animagie d'hier soir vous a épuisée, répondit Rogue.
Il retira ses mains, se leva et arrangea ses couvertures autour d'elle.
-- L'animagie, oui… J'ai réussi, n'est-ce pas ?
-- Oui. Vous avez réussi, répondit-il en souriant devant le visage triomphant de la jeune femme.
-- Je suis un animagus, alors.
-- Pas encore, Augusta. Ne réalisez-vous pas l'état dans lequel vous êtes ? Il va vous falloir un peu de temps avant d'être capable de vous métamorphoser sans vous fatiguer.
Il avait raison, mais elle ne l'écoutait pas. Elle avait réussi ! Bientôt, elle pourrait voler sur les terres de Poudlard, se cacher si elle désirait être seule, peut-être même sortir…
-- Je dois vous quitter, j'ai à faire, reprit Rogue en faisant un pas vers la porte. Au fait, vous avez du courrier.

Ma petite Gus
J'espère que tes vacances se passent bien et que tu ne t'ennuies pas trop. Je te remercie pour la flûte que tu m'as envoyée pour mon anniversaire. Elle est vraiment capable de charmer les animaux ? Je pense que je vais devoir m'exercer parce que je l'ai essayée deux fois, mais elle n'a pas vraiment marché. Errol, le hibou de la famille s'est carrément endormi et Croutard, le rat de Bill, m'a totalement ignoré (il m'a même regardé comme si je le prenais pour un idiot !) Demain, j'essaierai peut-être avec un gnome du jardin, ça pourrait être marrant.
Si tu peux quitter ton cher Poudlard, tu sais que tu es la bienvenue ici pour le reste des vacances. Tonks est arrivée avant-hier (elle te passe le bonjour) et Tsukasa viendra peut-être la semaine prochaine. Pour le moment, d'ailleurs, Tonks passe presque plus de temps avec Bill qu'avec moi. Et elle se prétend mon amie !
Au fait, Bill a été nommé préfet ! Tu l'aurais vu… Il est devenu tellement rouge que Maman a cru qu'il s'étouffait ! J'étais mort de rire ! Je me demande qui seront les autres préfets… Et les préfets en chef ! J'espère que ce ne sera pas ce préfet de Serdaigle qui a l'air d'avoir avalé un balai (par le mauvais côté). Bref, du coup, Maman a offert à Bill une petite chouette effraie mâle. Il est trop mignon, avec son visage en forme de coeur ! Il l'a appelé Art, ce qui a bien fait rire Papa, mais a contrarié Maman. Du coup, Percy a récupéré Croutard (même si je l'avais demandé).
Tu sais, je t'avais dit que Bill avait un correspondant péruvien. Il lui a proposé de faire un échange : qu'il vienne passer quelques semaines au Pérou et lui viendrait en Angleterre. Mais comme Papa n'a pas eu l'augmentation qu'on lui avait promise, Bill n'a pas pu partir. Du coup, Paolo (son correspondant) s'est vexé et lui a envoyé un chapeau ensorcelé qui lui a fait pousser des oreilles aussi longues que celles d'un âne ! A l'hôpital, ils lui ont réduit en cinq secondes mais, depuis, Tonks s'amuse à se faire pousser les oreilles pour se moquer de lui. Elle te montrera quand vous vous verrez, tu verras, ça vaut le spectacle !
Aujourd'hui les jumeaux ont encore fait des leurs. Maman est en train de leur apprendre à écrire et, dès qu'elle avait le dos tourné, ils en profitaient pour chatouiller Percy avec leurs plumes. Mais comme ils redevenaient sérieux et imperturbables dès qu'il se mettait à crier, Maman ne se rendait compte de rien. Pauvre Percy… Bon, j'avoue que je n'ai rien fait pour l'aider, probablement parce que Maman lui a donné le rat de Bill alors que je le voulais.
Sinon ma petite Ginny grandit bien. Elle ennuie Ron à regarder par-dessus son épaule pendant qu'il fait ses coloriages. En tout cas, Tonks l'a adoptée ! A la maison, elle porte ses cheveux roux et on dirait Ginny avec neuf ans de plus.
Maman m'appelle à table, je dois te laisser. J'espère que tu viendras au Terrier, sinon on se voit à la rentrée.
Bises.
Charlie.

Aller au Terrier… Elle ne demandait que ça ! Elle soupira et reposa la lettre de Charlie pour prendre la seconde enveloppe, marquée du sceau du Ministère de la Magie. A l'intérieur se trouvait un formulaire d'enregistrement d'animagus – déjà ? – ainsi qu'une invitation à prendre rendez-vous pour un examen qui permettrait de déterminer ses signes particuliers. Comment diable allait-elle passer cet examen si elle ne pouvait pas quitter Poudlard ? Remettant le problème à plus tard, elle reprit un peu du somnifère que lui avait laissé l'infirmière et se recroquevilla sous les couvertures.

Trois fois elle se métamorphosa en présence du professeur McGonagall. Trois fois celle-ci dut l'emmener à l'infirmerie pour se reposer par la suite.
La quatrième fois, le 16 août 1985, jour à marquer d'une pierre blanche, elle réussit à se changer dans son animal fétiche et reprendre sa forme humaine sans tomber au sol de fatigue. Malgré tout, elle n'eût pas couru un marathon ensuite !
Le 1er septembre, un vieux sorcier au visage lugubre se présenta à l'entrée de Poudlard, le formulaire d'enregistrement d'Augusta à la main. Elle le reçut et l'entraîna dans la salle de classe de McGonagall que le professeur lui avait prêtée. Mr Padmer, du Département de Régulation et Contrôle des Créatures Magiques, commença par se plaindre du déplacement qu'on lui faisait faire, dû à l'impossibilité de l'examinée de quitter le château pour cause de rentrée des classes. Augusta s'excusa longuement de la situation et fut aux petits soins pour son visiteur.
-- Bien, finit par dire Mr Padmer de sa voix spectrale en relisant son dossier. Depuis quand vous exercez-vous à l'animagie ?
-- Depuis bientôt un an, Monsieur.
-- Seulement un an ? C'est bien rapide pour une sorcière si jeune. Bon, vous vous appelez Pye Augusta ?
-- Oui Monsieur.
-- Comment se fait-il que nous n'ayons aucune donnée sur vous au ministère ? demanda-t-il d'un air suspicieux.
-- Je suis de nationalité française, Monsieur, et de parentage moldu.
-- Je vois… Votre date de naissance ?
Tout ceci était écrit dans le formulaire qu'elle avait envoyé. Mais elle commençait à soupçonner le sorcier de ne l'avoir jamais lu avant de venir ici.
-- Le 13 avril… 1972.
-- Votre situation de famille ?
-- Orpheline. C'est pourquoi le professeur Dumbledore a accepté que je passe mes vacances à Poudlard.
-- Votre maison à Poudlard ?
-- Serdaigle, Monsieur.
Un léger sourire apparut sur le visage du sorcier, le rendant plus inquiétant que sympathique. Peut-être lui aussi venait-il de cette maison.
-- L'animal dans lequel vous vous métamorphosez ?
-- L'hirondelle, Monsieur, répondit-elle
Comme il paraissait perplexe, elle ajouta :
-- C'est un oiseau migrateur de petite taille, dont les os sont souvent utilisés dans les potions de…
-- Je sais ce qu'est une hirondelle, merci ! coupa Padmer.
Elle ne le crut pas.
-- Bien… Si vous voulez bien me faire une démonstration…
Elle se leva de sa chaise, se concentra une demi-minute puis récita dans sa tête l'incantation de transformation en visualisant les mouvements de sa baguette. Alors elle s'envola et vint se poser sur le doigt de son examinateur.
Il la regarda attentivement, lui demandant de se tourner de tel ou tel côté, de remuer les ailes ou d'émettre un cri. Après un long moment, il l'autorisa à reprendre sa forme.
Fatiguée par sa métamorphose, elle s'assit à nouveau.
-- Bien, je crois que nous avons fait le tour. Je vais vous demander de signer ces documents.
Il lui tendit un nombre impressionnant de paperasses administratives qu'elle signa consciencieusement après les avoir lues avec attention.
-- Merci. Si vous voulez bien me raccompagner jusqu'à la sortie, Miss Pye…
Elle aurait préféré rester ici et se reposer encore un peu mais s'exécuta. A la grille il la quitta en lui souhaitant de mauvaise grâce une bonne année scolaire.
C'était officiel ! Elle était un animagus.
Quand Remus saurait ça…
Chapitre neuf by Morgwen
Elles s'étaient retrouvées devant la salle de classe du troisième étage. Avec plusieurs autres élèves de troisième année des quatre maisons, elles attendaient impatiemment leur professeur, curieuses de commencer leur nouvelle option.
-- Au fait, Tonks, demanda Augusta d'une voix pleine de sous-entendus. Tu passes beaucoup de temps avec le frère de Charlie ces derniers temps… Non ?
En voyant son amie rougir, elle sut qu'elle avait touché juste.
-- Tu sors avec lui ? ajouta-t-elle d'une vois plus basse.
-- Non ! se défendit Tonks. Enfin… On n'a pas…
Augusta sourit. Ah, l'innocence de la jeunesse… Elle se souvenait assez nettement des amourettes qu'elle avait eues à l'époque du collège, même si elle avait à peu près oublié l'état d'esprit dans lequel on pouvait être.
-- Mais tu aimerais bien… N'est-ce pas ? poussa Augusta.
Tonks rougit tellement qu'on aurait pu la confondre avec l'un des frères Weasley.
-- Tu as bien raison, dit la jeune femme. C'est un gars bien.
-- Tu veux dire que… toi aussi… commença Tonks l'air inquiet.
-- Oh non ! Ne t'inquiète pas ! Je ne marcherai pas sur tes plates-bandes ! répondit Augusta en riant. Mais je l'aime bien… Il est drôle, plutôt intelligent. Et adroit… ce qui te convient bien.
Tonks allait répondre, ajouter aux qualités de Bill Weasley quand un gros sorcier à la longue robe rouge ouvrit la porte de la classe d'Anciennes Runes et les enjoignit d'entrer.

Trois jours plus tard, Augusta fit la connaissance de son autre nouveau professeur. William Brûlopot, le prof de Soins aux Créatures Magiques, était un homme haut et large qui boitait fortement de la jambe gauche et dont la main droite manquait. Diverses cicatrices marquaient ses bras nus et une partie de ses cheveux poivre et sel semblaient avoir brûlé récemment.
Les élèves étaient un peu intimidés en voyant l'état dans lequel se trouvait Brûlopot. Était-ce son travail qui lui avait laissé tant de marques ? Augusta surprit une conversation dans laquelle plusieurs élèves regrettaient d'avoir choisi une option apparemment aussi dangereuse.
Mais, pour ce premier cours, Brûlopot ne leur fit étudier que des petites créatures sans grande importance – bien que celles-ci fussent persuadées du contraire : les fées. Après avoir écouté les conseils du professeur, ils devaient se mettre par deux et persuader une fée de s'approcher d'eux. Si elle acceptait, ils devaient alors se faire offrir une plume de ses ailes, ce qui était une preuve de confiance de la part de la créature. Augusta et Charlie se mirent ensemble et le garçon essaya de flatter une petite fée blonde, au grand amusement de son amie.
-- Fais-le toi, au lieu de rigoler ! lui souffla-t-il après un moment.
Elle s'exécuta, alternant cajoleries et paroles apaisantes. La fée l'écouta plusieurs minutes puis finit par les rejoindre, à la stupéfaction de Charlie. Ils étaient les seuls à avoir attiré une fée.
-- Ne veux-tu pas nous montrer tes magnifiques ailes ? demanda alors Charlie d'un ton onctueux.
La petite fée tourna alors sur elle-même dans la main de Charlie, prenant des poses pour qu'ils puissent admirer les reflets du soleil dans ses plumes. Mais elle refusait catégoriquement de les laisser la toucher.
Augusta jeta un coup d'oeil autour d'eux, vérifiant que personne ne regardait de leur côté, fit signe à Charlie de se taire puis se concentra sur sa main libre. Pendant un court instant, celle-ci se couvrit de plumes blanches et bleues avant de retrouver sa forme originelle. Charlie ne put retenir une exclamation, arrêtée court par un regard de son amie.
La fée fixait la main d'Augusta, l'air émerveillé.
-- Je te donne une de mes plumes si tu me donnes une des tiennes, lui souffla la jeune femme.
La fée parut réfléchir intensément – elle ne devait pas le faire souvent – puis acquiesça. Augusta tendit la créature à Charlie, transforma sa main et s'arracha rapidement une plume avant que quiconque eut pu voir la manoeuvre. C'était une plume minuscule, d'un bleu sombre et brillant. Elle la donna à la fée qui se la ficha coquettement dans les cheveux avant de prendre une de ses propres plumes – rose aux reflets mauves – et de la donner à Augusta.

-- Deux choses ! murmura Charlie d'un ton coléreux alors qu'ils prenaient le chemin du château pour leur dîner. Un : c'était de la triche ! Deux : comment as-tu fait pour faire apparaître des plumes sur ta main ?
-- Un : Brûlopot ne nous a pas donné de règles, répondit-elle tranquillement. Deux : je suis un animagus.
Et comme il la regardait avec des yeux ronds comme des soucoupes, elle reprit.
-- Je crois que tu as déjà eu un cours sur les animagi avec McGonagall en début de semaine, non ?
-- Mais… mais… elle a dit qu'il fallait des années de travail pour devenir un animagus !
-- Où est-ce que tu crois que je disparaissais tous les mercredis soir l'an dernier Charlie ? soupira Augusta. Je te confirme que c'est plutôt difficile de faire de l'animagie.
-- Mais… mais…
-- Je comptais te le dire de toute manière, parce que j'ai confiance en toi. Mais je voudrais que tu n'en parles à personne. Pas même à Tonks ou Tsukasa ! Je leur dirai moi-même.
-- Mais…
-- Bon, j'ai une faim de loup. Bon appétit !
Ils étaient arrivés à la Grande Salle et Augusta l'abandonna pour aller s'asseoir à côté d'Alistair, laissant le pauvre garçon debout près des portes, l'air hagard.

Cette année encore, elle passait les cours de potion avec les Serpentard. Cette année encore, elle pouvait voir combien Severus Rogue était différent dans ses cours de celui qu'il était dans le privé.
-- Quinn ! Je peux savoir ce que vous êtes en train de faire ? demanda le professeur de potion d'un air mauvais.
-- Euh… balbutia Liam. J'ajoute la racine d'asphodèle, professeur.
-- Est-ce que je n'ai pas précisé clairement en début de cours que l'asphodèle devait être réduit en poudre ? Regardez un peu ce que vous comptez ajouter !
Tous les regards convergèrent vers l'asphodèle de Liam.
-- Est-ce que vous appelez ça de la poudre ?
-- N… non, professeur.
-- Alors que faites-vous donc ?
Le pauvre garçon bredouilla des excuses inintelligibles et prit un pilon pour réduire correctement ses racines. Augusta entendit alors clairement Frederique Lockfeet murmurer à Pâris Fudge :
-- Pff ! Normal pour un pauvre sang-mêlé !
Elle lui lança un regard noir que la Serpentard ignora royalement.
-- On se demande ce qu'ils font dans l'école vu leur niveau, approuvait Fudge.
-- Je suis sûre que quelqu'un aide la sang-de-bourbe, ajouta Lockfeet perfidement en regardant Augusta. Sinon je ne vois pas comment elle pourrait avoir de tels résultats.
-- Mademoiselle Lockfeet, Monsieur Fudge ! Je ne veux pas de bavardages dans ma classe.
Pas de points retirés – alors que pour sa potion qui aurait pu être ratée, Liam s'était vu prendre dix points – pas plus de remontrance, et du « Mademoiselle » et « Monsieur »… Augusta était certaine que Severus n'était intervenu que parce qu'il les avait entendus l'insulter elle.
Dans ces moments-là, elle méprisait presque son ami, ne comprenant pas ce comportement flagrant de favoritisme.

-- Tu ne peux pas aller à Pré-au-Lard ?
Aux yeux de Charlie, empêcher Augusta de visiter le village sorcier simplement parce qu'elle n'avait pas de parents pour signer son autorisation relevait apparemment du crime de haute trahison.
-- C'est pas grave ! Je pourrai finir de rédiger ma dissertation sur les vampires… Et puis vous me ramènerez bien deux ou trois choses.
Elle avait pris un ton détaché malgré sa frustration. Mais elle n'allait tout de même pas la montrer à ses amis !
-- Mais tu vas pas me laisser tout seul ?
-- Tout seul ? demanda-t-elle en fronçant les sourcils. Pourquoi tout seul ?
-- Tonks y va avec Bill… en amoureux… ajouta-t-il amèrement. Et Tsukasa a eu l'autorisation d'aller voir son père à l'hôpital.
-- Je ne peux rien y faire, Charlie. Je ne peux pas venir… Et puis, ce n'est pas parce qu'aucun de nous trois ne t'accompagne que tu seras tout seul ! Est-ce que tu n'as pas sept autres Gryffondor dans la promotion ? J'ai remarqué une certaine petite blonde qui aimerait bien que tu l'emmènes comme ton frère emmène Tonks…
Les oreilles de Charlie prirent une teinte écarlate.
-- Tu parles de Fanny ? Euh… Elle est gentille, mais…
Augusta se retint de rire en voyant l'air gêné de Charlie. Elle en était sûre, avant peu il inviterait cette Fanny Reillo à boire une bierre-au-beurre à Pré-au-Lard. Ne restait plus que Tsukasa…
En ce moment, elle se sentait une âme d'entremetteuse.

-- Gus ! Gus !
Augusta était à la bibliothèque, plongée dans un traité sur les vampires et n'eut pas le temps de se lever pour empêcher Tonks de se prendre les pieds sur le tapis et de renverser une pile de livres en essayant de se rattraper à sa table. La bibliothécaire leur lança un regard empli de menaces pendant qu'elles ramassaient les ouvrages et qu'Augusta murmurait :
-- Qu'est-ce qui te prend de hurler ici ? Tu veux te faire étriper ?
-- Si tu savais… commença Tonks d'un air rêveur.
Augusta devina que son après-midi à Pré-au-Lard avait été plutôt agréable et rangea rapidement ses affaires.
-- Allons dehors, on sera plus à l'aise pour discuter. »
Il tombait des cordes, mais Tonks avait encore à la main son parapluie qu'elle ouvrit pour qu'elles pussent s'aventurer hors du château, où personne ne viendrait les déranger par ce temps.
-- Alors ? demanda Augusta.
-- Bill m'a emmenée dans un salon de thé où il m'a offert un chocolat chaud… Je portais mes cheveux roux, parce que je sais qu'il aime bien. J'ai croisé plusieurs élèves qui se demandaient qui j'étais, dit-elle en riant. Je suis sûre qu'ils m'ont pris pour quelqu'un de sa famille… Il a d'abord pris ma main…
Tonks était hors d'haleine. Augusta se surprit à réclamer avidement la suite, comme à quinze ans quand ses copines se racontaient leurs aventures.
-- Mes mains étaient toutes moites. Quand il s'est penché vers moi par-dessus la table, j'ai cru que j'allais tourner de l'oeil !
-- Il t'a embrassée ? demanda Augusta.
Tonks fit oui de la tête, un grand sourire traversant son visage. Un instant, l'esprit d'Augusta fut envahi par des yeux gris bleu qui se refermaient en se rapprochant d'elle.
-- Vous allez continuer à vous voir ?
-- Je le retrouve dans le hall d'entrée demain matin. S'il fait beau, on ira se balader près du lac.
Charlie serait jaloux, pensa Augusta. Il aurait du mal à accepter que l'une de ses meilleures amies passe plus de temps avec son frère qu'avec lui.

-- Au fait, Tsukasa n'est pas rentré ? demanda Tonks abruptement.
-- Non. Je pense qu'il restera à Londres tout le week-end. Après tout, son père a l'air d'être très malade.
-- Qu'est-ce qu'il a ? Tu le sais ?
-- D'après les symptômes que Tsukasa m'a décrits, j'ai l'impression qu'il a été sérieusement empoisonné, répondit Augusta d'un air songeur. Après tout, il est ambassadeur du Japon… Quand on a un poste aussi important, on a toujours des ennemis.
Tonks la regarda la bouche ouverte, avant de s'étonner de ce qu'Augusta réfléchissât autant sur des sujets aussi graves… Augusta ne répondit pas et choisit de relancer la conversation vers Bill, sujet sur lequel Tonks était beaucoup plus à l'aise.
Mais en même temps, elle ne pouvait pas s'empêcher de penser à Monsieur Yotsubadaï. Elle était certaine de sa théorie sur l'empoisonnement. A sa connaissance, seule l'essence de belladone avait la propriété de faire tomber les dents. Et, comme c'était également un poison puissant, le père de Tsukasa ne pouvait pas l'avoir avalé de son plein gré… Il faudrait qu'elle en discutât avec Severus. Elle aurait aimé connaître son opinion.

Le mercredi suivant, Tsukasa n'était toujours pas revenu. Ses trois amis commençaient à s'inquiéter et échafaudaient toutes sortes de théories sur ce qui pouvait bien le retenir loin de Poudlard.
Ce matin-là, au petit-déjeuner, Augusta reçut un hibou qui lui portait une note de Severus Rogue. Il lui demandait de passer le soir même à dix-huit heures. Intriguée, elle leva les yeux vers la table des professeurs mais Severus n'était pas là. Pourquoi diable la prévenir par hibou ? C'était bien la première fois !
Le soir venu, elle frappa à la porte du professeur de potion et eut la surprise, en entrant, de trouver Tonks, debout au milieu de la pièce, qui paraissait ne pas en mener large. Les Poufsouffle venaient d'avoir cours de potion. Peut-être la maladresse de la jeune fille lui avait-elle valu une nouvelle retenue…
-- Miss Pye, bonsoir, lui dit Severus de ce ton froid qu'il employait avec les élèves. Prenez donc un siège, toutes les deux. Nous n'attendons plus que Weasley.
Augusta se tourna vers Tonks qui haussa les épaules d'un air d'ignorance. Pourquoi Severus les avait-il convoqués tous les trois ?
Deux minutes plus tard, Charlie fit son entrée, les yeux baissés sous le regard courroucé de Severus.
-- Vous êtes en retard Weasley, siffla le sorcier. Asseyez-vous ! »
Quand il eut obéi, Severus se leva et toisa ses élèves. Puis, il prit sur son bureau un rouleau de parchemin qu'il déroula sans quitter ses interlocuteurs des yeux.
-- J'ai reçu ce matin cette lettre de Mr Yotsubadaï.
Les trois amis échangèrent un regard étonné. Tsukasa ? Son père ?
-- Il me prie de vous en faire connaître le contenu à vous trois avant d'en avertir le reste du personnel enseignant, le professeur Dumbledore excepté. C'est là une requête peu orthodoxe mais j'ai accepté de m'y plier. En tant que directeur de sa maison, je suis bien sûr la première personne au courant…
De quoi parlait-il donc ? Que disait Tsukasa dans cette lettre ?
-- L'état de Mr Yotsubadaï Kazuki empirant chaque jour, celui-ci a demandé à être transféré à l'hôpital sorcier de Tokyo. Il faut croire qu'il n'a pas une grande confiance dans les guérisseurs anglais. Votre collègue, Mr Yotsubadaï, me fait donc part du désir de son père : qu'il rentre au Japon avec lui et y intègre l’école de Mahoutokoro.
Tsukasa rentrait au Japon ? Comme cela ? Sans même leur dire au revoir ?
-- Il me demande de vous transmettre son amitié et vous fait savoir qu'il vous enverra un hibou dès son arrivée à Minamiiwoshima.
Charlie, Tonks et Augusta étaient effondrés. Leur groupe était brisé.
-- Maintenant, si vous le voulez bien, j'ai beaucoup de travail.
Ils se levèrent comme des automates et sortirent du bureau sans un mot.
A peine dans le couloir, Tonks éclata en sanglots et Charlie, passant un bras autour d'elle, jura entre ses dents. Injuriait-il Yotsubadaï père ou fils, ou Rogue, Augusta n'en avait pas la moindre idée.

-- On s'écrira tout le temps ! Il est pas complètement perdu, il est juste loin !
C'est ce qu'avait dit Tonks. Charlie avait acquiescé vigoureusement même s'il n'était pas loin de penser au départ de Tsukasa comme à une trahison.
Augusta, elle, voyait un peu plus loin. Bien sûr, ils allaient s'écrire. Bien sûr, ils garderaient le contact. Mais pour combien de temps ? Elle connaissait ce genre de situation. Tsukasa allait se faire de nouveaux amis – elle l'espérait, du moins – avec qui il aurait bien plus de points communs, il retrouverait son pays, sa culture. Petit à petit, ses lettres se feraient moins fréquentes puis finiraient par s'arrêter complètement.
On ne peut pas garder vivante une amitié d'un bout à l'autre du globe…
Et un amour ?

Madame Pomfresh venait de réparer le poignet d'un quatrième année qui avait fait une chute – soit disant accidentelle – dans les escaliers. Elle répétait à présent le mouvement de baguette dans le vide pour le bénéfice d'Augusta, la corrigeant dans ses tentatives.
-- Bien ! Vous avez saisi, finit-elle par déclarer en souriant. Vous apprenez vite Augusta !
La sorcière rougit et répéta le mouvement plusieurs fois pour le graver dans sa mémoire. C'est alors qu'elles entendirent des appels dans le couloir.
-- Madame ! Madame Pomfresh ! criait une voix masculine.
Un élève entra en courant dans l'infirmerie. Il portait la tenue de Quidditch des Gryffondor.
-- Qu'est-ce qui vous prend Calderon ? Pourquoi hurlez-vous à la mort ?
-- Madame, répondit l'élève à bout de souffle, il y a eu un accident. Charlie Weasley…
-- Charlie ? balbutia Augusta horrifiée. Qu'est-ce qu'il a ?
-- Il est tombé. Il ne peut plus bouger. Il est encore conscient mais il a l'air de beaucoup souffrir…
-- J'arrive ! coupa l'infirmière. Augusta, allez chercher la bouteille de désinfectout et prenez un anti-douleur. Rejoignez-moi sur le terrain de Quidditch !
Et elle partit à la suite de Calderon pendant qu'Augusta se précipitait dans le bureau de l'infirmerie.
Quand elle arriva, elle vit un large cercle de Gryffondor au milieu du terrain. Ils semblaient ne pas oser s'approcher. Elle dut jouer des coudes pour passer et vit alors Madame Pomfresh penchée sur un Charlie pâle comme la mort.
Il lui sourit faiblement en la voyant s'approcher.
-- Voilà ma guérisseuse préférée… souffla-t-il et son sourire se changea en rictus de douleur.
-- Taisez-vous Weasley ! ordonna Madame Pomfresh. Augusta ? Donnez-moi les philtres ! »
Augusta s'exécuta sans s'en rendre compte. Elle regardait son ami, celui qu'elle considérait comme un petit frère, couvert de sang des pieds à la tête. A première vue, son épaule droite et ses deux jambes étaient brisées. Probablement qu'une ou plusieurs de ses vertèbres s'étaient également déplacées, peut-être endommageant sa moelle épinière. Une large coupure au front révélait un crâne fêlé.
Et il souriait, idiot qu'il était, pour tenter de cacher à quel point il souffrait. Elle se mit à pleurer.
-- Augusta, occupez-vous de ses jambes ! lui dit Madame Pomfresh en ignorant ses pleurs. Désinfection, remise en place, puis soudure, vous vous souvenez ?
Elle lui rendit le désinfectout qu'elle avait déjà passé sur les autres blessures.
Augusta prit la pâte violette et l'appliqua sur les jambes du rouquin. La substance se mit à fumer et lui piqua les yeux à travers ses larmes. Charlie ne réagit pas. L'infirmière lui avait fait avaler un peu de l'autre potion et il semblait avoir du mal à réaliser ce qui se passait autour de lui.
-- Allons ! Ce n'est pas un spectacle ! dit Madame Pomfresh à l'équipe de Quidditch. Il s'en sortira. Maintenant, laissez-nous travailler !
Les Gryffondor les quittèrent à contrecoeur. Augusta remerciait le ciel que Charlie eut déjà avalé l'anti-douleur, sans quoi il aurait probablement tourné de l'oeil à l'opération qu'elle effectuait à présent. Elle avait saisi sa jambe gauche et essayait de remettre les différents morceaux du tibia brisé les uns en face des autres. Alors seulement, elle prit sa baguette et lança le sortilège qu'elle avait appris à maîtriser moins d'une demi-heure plus tôt. Elle s'occupa alors de l'autre jambe, dont les os de la cuisse étaient également brisés. Cela prit plus de temps.
Quand elle eut fini, elle regarda Madame Pomfresh. Celle-ci avait soigné la fracture de l'épaule, fait disparaître la plaie du front, ainsi que toutes les petites coupures qui couraient sur son corps.
-- Bien, à l'infirmerie maintenant ! Augusta, vous voulez bien le transporter ?
Celle-ci acquiesça et souleva Charlie délicatement dans les airs, avant de le guider vers le château. Le garçon gardait un regard trouble mais lui souriait. Il tendit la main et elle lui donna la sienne, qu'il ne lâcha pas avant d'être disposé sur un lit de l'infirmerie.
Madame Pomfresh examinait à présent son dos, palpant sa colonne vertébrale avec un visage des plus sérieux.
-- Vous pouvez le soigner, n'est-ce pas ? demanda Augusta avec espoir.
-- Oui, mais ça risque d'être assez long. Quel sport de barbare ! Pas une semaine où un joueur ne se retrouve ici ! Je n'ai plus besoin de vous Augusta. Vous pouvez y aller.
-- Mais…
-- Et si vous pouviez m'envoyer le professeur Rogue en sortant, vous me rendriez service.
Augusta s'avoua vaincue et quitta l'infirmerie, le coeur battant.

Tonks et Augusta passèrent tout leur temps libre de la semaine suivant à l'infirmerie. Comme Augusta l'avait tout d'abord diagnostiqué, la moelle épinière de Charlie avait été sectionnée et, eut-il été soigné par des moldus, il en serait resté hémiplégique à vie. Fort heureusement, huit jours entre les mains de Madame Pomfresh et il se sentait d'attaque à remonter sur son balai.
Pendant cette semaine, Augusta fit enfin la connaissance d'Arthur et Molly Weasley, les parents de Charlie. Ils étaient venus rendre visite à leur fils en compagnie de leur plus jeune enfant, la petite Ginny. La petite fille embrassa son grand frère puis insista pour jouer avec Tonks qui accepta de bon coeur de s'en occuper.
-- Charlie nous a énormément parlé de toi Augusta, dit Molly Weasley. D'après ce qu'il nous raconte, j'ai l'impression que tu l'aides à rester dans le droit chemin.
-- Maman ! protesta l'intéressé depuis son lit.
-- Est-ce bien de toi que parlait l'infirmière ? Tu l'as aidée à le soigner ? demanda Arthur.
-- Euh oui… Mais je n'ai pas fait grand-chose, répondit-elle, gênée alors que Molly la serait contre elle.
-- Maman, lâche-la, tu vas l'étouffer !
-- C'est vrai que tes parents sont des moldus ? ajouta alors Arthur avant de s'interrompre sous le regard de sa femme.
Augusta sourit. Les parents de Charlie étaient exactement tels qu'elle les avait imaginés.

Très vite, Charlie remonta sur un balai. Mais pendant sa convalescence, il avait manqué un match, privant définitivement son équipe de la Coupe de Quidditch pour cette année.
Pendant les vacances de Noël, Augusta ressentit plus que jamais l'absence de Tsukasa qui avait jusqu'ici passé toutes les fêtes à Poudlard. Néanmoins, elle reçut de sa part un magnifique spécimen de plante japonaise dont les feuilles étaient utilisées pour des potions de soin. Mr et Mrs Weasley lui envoyèrent également un cadeau qu'elle apprécia énormément : une gigantesque boîte de toffees maison.
La carte de voeux qu'elle reçut de Mongolie était bien trop courte.

Le mois de janvier passa avec une rapidité folle. Augusta apprenait les secrets de guérison de Madame Pomfresh, aidait Severus Rogue à expérimenter de nouveaux ingrédients pour la potion tue-loup et se transformait régulièrement en hirondelle depuis la volière quand le temps n'était pas trop mauvais.
Février ressembla à janvier, en plus humide.
Mais le 14, au petit-déjeuner, elle eut la surprise de voir quatre hiboux se poser devant elle. Le regard incrédule de Rose la vexa quelque peu.
Malgré la curiosité de Martha – ou peut-être à cause d'elle – elle refusa d'ouvrir les lettres à la table de Serdaigle et se contenta de les glisser dans son sac. Elle avait reconnu deux de ses facteurs : Swan, le hibou de Remus, et un grand-duc de l'école.
Son premier cours était Histoire de la Magie, le cours idéal pour lire ou rédiger sa correspondance tranquillement. Elle ouvrit la première enveloppe pour y trouver un mot de Remus. Si elle avait cru sentir un changement dans les sentiments de son mari, cette lettre les lui fit oublier. Les mots d'amour étaient si forts qu'elle en eut les larmes aux yeux.
La seconde lettre venait de Tsukasa. Ce n'était pas une carte de Saint Valentin mais un simple parchemin dans lequel il lui donnait de ses nouvelles. Le jour où elle l'avait reçu n'était que coïncidence.
La troisième lettre lui arracha une exclamation que le professeur Binns ne remarqua pas. Elle provenait d'Alistair Seewalker, assis à deux mètres d'elle, et qui la regardait lire son courrier plein d'espoir et de crainte. Il se contentait de lui souhaiter une bonne Saint Valentin, souhait qu'elle se doutait loin d'être innocent. Elle le regarda un moment tristement, puis revint à ses lettres. Elle espérait qu'il comprendrait. Elle ne voulait pas créer de tensions.
La dernière lettre n'était pas signée et son écriture n'était pas reconnaissable – probablement grâce à un sortilège. Elle parlait de sentiments que son correspondait n'osait pas déclarer, vantait sa beauté, son savoir, sa sensibilité, etc. Augusta n'avait aucun commencement d'idée de l'auteur.

Augusta regardait la lune. Cela faisait longtemps maintenant qu'elle avait pris l'habitude de peu dormir les nuits de Pleine Lune. L'astre nocturne était bas sur l'horizon et elle le contemplait depuis le couloir des filles, assise dans son fauteuil habituel, tiré près de la fenêtre.
Le paysage était illuminé, la neige reflétait la pâle lueur lunaire, renforçant cette impression d'irréalité, de rêve.
Mais Augusta ne rêvait pas. Elle regardait la lune et pensait à son mari absent. Il était pourtant humain, à cette heure, se répétait-elle. A Oulan-Bator la lune n'était pas levée et il était humain. C'était ridicule de se perdre dans la contemplation de cet orbe blanche et glacée.
Mais Augusta regardait la lune.
Entre ses doigts, elle faisait tourner les trois anneaux suspendus autour de son cou. Chaque mois elle les essayait sur son annulaire et chaque semaine son alliance était trop grande. Mais Remus reviendrait-il dès que la bague lui irait ? Il l'avait promis…
Augusta regardait la lune, dans le silence de la nuit, et espérait.

Pendant plusieurs jours, Augusta s'était demandé qui était le mystérieux admirateur qui lui avait envoyé une carte de Saint Valentin. Mais la pleine lune l'avait chassé de son esprit et elle ne lui donna plus une pensée. Alistair avait été distant depuis le jour où elle avait choisi de diplomatiquement ignorer sa lettre mais comme ni l'un ni l'autre n'en avait parlé à quiconque, elle se disait qu'aucun mal n'était fait et que les choses finiraient par s'arranger.
Vers la mi-avril, une nouvelle surprise l'attendait : Tonks lui annonça ainsi qu'à Charlie que tout était fini entre Bill et elle. Les deux autres exprimèrent leur surprise. Ils avaient eu l'impression que les deux tourtereaux filaient le parfait bonheur. Mais Tonks ne leur donna pas plus d'explication, ce qui ne lui ressemblait absolument pas.
Depuis octobre dernier, Augusta avait eu la tristesse de voir que ses prédictions vis-à-vis de Tsukasa se vérifiaient. Ses lettres se faisaient de plus en plus rares. La dernière qu'elle avait reçue remontait au 14 février.
L'année avançait doucement, pauvre en événement. Les lettres de Remus s'espaçaient également mais l'assuraient toujours de son amour infini et elle ne voulait surtout pas en douter.

Les vacances d'été arrivèrent. Était-ce l'influence de Bill ou une maturité grandissante, nul ne savait, mais Tonks avait récolté d'excellentes notes dans la plupart de ses matières à ses examens. Sans Augusta, elle aurait été la meilleure élève de la promotion. Ses deux amis la félicitèrent mais la jeune fille reçut leur enthousiasme avec un calme et un sourire triste.
La veille de leur départ pour Londres, juste après le banquet de fin d'année – Serpentard avait encore remporté la Coupe des Maisons – Augusta tira Charlie à part.
-- Charlie, il faut faire quelque chose ! murmura-t-elle.
Il prit un air perplexe.
-- A propos de Tonks, précisa-t-elle. Tu sais ce qu'elle a, toi ?
-- Non, répondit-il tristement. Je pense que c'est à cause de Bill, par contre… C'est depuis qu'ils ont rompu qu'elle est bizarre.
-- Peut-être… Mais pourquoi elle ne nous dit plus rien, c'est ça qui m'inquiète. On ne peut pas la forcer à nous dire ce qui ne va pas…
-- Techniquement, si, répliqua Charlie avec un léger sourire moqueur. Avec tes dons en potion, on pourrait lui faire avaler un peu de veritaserum et lui faire avouer ses secrets…
Elle rit mais reprit son sérieux en un instant.
-- Je ne sais pas quoi faire… Et je n'aime pas l'idée de la laisser rester deux mois dans cet état, toute seule.
-- J'essaierai de lui parler demain dans le train, proposa Charlie. Je lui dirai qu'on s'inquiète pour elle. Et si elle me dit quoi que ce soit, je t'envoie un hibou illico.
-- Je doute qu'elle te parle maintenant alors qu'elle a évité le sujet depuis deux mois mais bon… je n'ai pas d'autre solution.
-- T'inquiète pas, la rassura Charlie. Tout ira bien !
Il l'embrassa sur la joue – geste qu'il n'avait fait auparavant – en lui souhaitant une bonne nuit et la quitta pour rejoindre la tour des Gryffondor.
Chapitre dix by Morgwen
Trois ans… Cela faisait trois ans qu'elle vivait dans le corps d'une enfant, bien que l'enfant se transformât petit à petit en femme. Cela faisait trois ans que Remus était parti.
Augusta ne savait pas bien pourquoi, elle s'était réveillée ce matin là avec ce sentiment de lassitude et de nostalgie. Tonks et Charlie étaient partis depuis déjà dix jours et elle s'était sentie seule à leur départ, comme chaque année, mais aujourd'hui, c'était différent…
Ce devait être la pluie qui crépitait sur le verre de la fenêtre. Du fond de son lit, elle regardait l'eau s'écraser contre la vitre puis couler doucement sur les parois. Oui, c'était sûrement la pluie. Elle se leva difficilement – elle qui, d'habitude, ne supportait pas de rester au lit après l'aube – et se prépara pour descendre déjeuner.

Vu le temps qu'il faisait, elle avait décidé de rester dans la Grande Salle après son déjeuner. Elle n'avait pas envie d'être seule dans sa Salle Commune. Elle s'était servie un nouveau thé – elle ne s’était toujours pas fait au breuvage que les anglais servaient sous le nom de café – et lisait tranquillement en le sirotant.
-- Augusta ? Bonjour.
Elle quitta son livre avec regret et leva les yeux.
-- Bonjour Severus.
Le sorcier s'assit sur le banc à côté d'elle et jeta un coup d'oeil curieux à la couverture de son livre.
-- Roméo et Juliette, de William Shakespeare…
Le titre était en français et l'accent du sorcier était déplorable. Augusta sourit.
-- Oui. Je le lis en français, parce que j'ai un peu de mal avec le vieil anglais. Tous ces « thee » et « thou » et tout ça…
-- Qu'est-ce que c'est ? Un roman anglais ?
-- Vous ne connaissez pas Shakespeare ?
Il secoua la tête en guise de dénégation. Augusta n'en revenait pas. D'accord, ils ne se mêlaient pas au monde moldu mais tout de même… Shakespeare, c'était Shakespeare ! Pour elle, il était le plus grand représentant de la culture anglaise, avec Tolkien et les Monty Pythons – bien qu'elle s'imaginât mal Severus Rogue apprécier les Monty Pythons, même s'il eut été moldu.
-- Shakespeare était un auteur de théâtre du… seizième siècle si mes souvenirs sont bons. Pendant le règne de la reine Elizabeth Ire. Roméo et Juliette est une de ses pièces. Probablement la plus connue…
-- Et de quoi cela parle-t-il ?
-- De deux adolescents qui tombent amoureux alors que leurs familles se haïssent cordialement. Ils se marient en secret mais Roméo est exilé parce qu'il a tué le cousin de Juliette. A cause d'un malentendu, Roméo croit que Juliette est morte, alors il se suicide. Quand elle s'en rend compte, elle se suicide à son tour… En fait, l'histoire elle-même est un peu tirée par les cheveux, mais c'est généralement considéré comme une des plus belles choses jamais écrite sur l'amour.
Severus semblait peu disposé à croire qu'une histoire où deux jeunes se suicident soit une apologie de l'amour.
-- J'en étais au moment où ils se voient pour la première fois. L'amour au premier regard… vous voyez le genre. Je pense que c'est le passage le moins crédible du livre. Peut-être parce que je ne crois pas au coup de foudre…
-- Tu devrais… souffla Severus.
Elle tourna les yeux vers lui mais il avait le regard perdu dans le vide, comme s'il errait dans ses souvenirs. Il finit par revenir au présent et lui offrit un sourire embarrassé.
-- Pardon Augusta, j'étais plongé dans mes pensées.
-- Ce n'est rien, répondit-elle.
Elle mourrait d'envie de lui demander quelles étaient ces pensées mais jamais elle ne se fût permise de poser une question aussi indiscrète.
-- En fait, je ne venais pas te voir pour parler littérature mais pour te dire que je me rendais à Londres pour quelques jours. Est-ce que tu as besoin de quelque chose ?
-- Oui, quand partez-vous ?
-- D'ici une heure, je pense.
-- Laissez-moi aller chercher ma liste de fournitures. Je vous retrouve dans votre bureau ?
Il acquiesça et sortit avant qu'elle ait pu ajouter quoi que ce fût.
Elle le suivit un moment du regard, songeant qu'après trois années d'amitié, elle ne connaissait décidément rien de lui…

L'été avançait tranquillement. Augusta lisait, tricotait, montait ses chevaux ou rêvassait au soleil. D'après ses lettres, Charlie n'avait pas réussi à extorquer la moindre information à Tonks et celle-ci était particulièrement distante dans ses hiboux. Augusta n'arrivait pas à comprendre ce qui avait opéré ce changement chez elle. L'adolescence ? Après tout, elle avait fêté ses quatorze ans juste avant les vacances. À cet âge, les filles changeaient très rapidement.
Quelque part, elle était persuadée que tout ça avait un rapport avec Bill Weasley. Mais que s'était-il donc passé ? Ils roucoulaient avec ensemble avant de rompre. Et depuis, elle avait plus d'une fois surpris Bill regarder son amie avec des yeux de merlan frit énamouré. Il lui semblait qu'il était autant amoureux d'elle qu'un garçon de son âge pouvait l'être.
Le signe le plus flagrant de cet éloignement de Tonks – tant de ces amis que de Bill – était son refus de passer au Terrier une partie de ses vacances. Apparemment, elle était venue une seule journée pour l'anniversaire de Charlie et était repartie aussitôt.
Oui, Augusta s'inquiétait pour Tonks. Pour la première fois depuis quatre ans, Remus n'était pas la personne la plus présente dans ses pensées…

Le 1er septembre, Augusta entamait sa quatrième année à Poudlard. Elle n'entendit rien de la Cérémonie de Répartition ni du discours de Dumbledore – de toute manière, il répétait la même chose chaque année. Elle était occupée à regarder Tonks à la table du fond. La jeune fille regardait dans le vide, ne touchant que peu à sa nourriture. Elle paraissait amaigrie et fatiguée. Elle la vit jeter un coup d'oeil à Bill et son visage reflétait une tristesse sans fond. Elle croisa alors le regard d'Augusta et se dépêcha de regarder ailleurs.
A la fin du repas, Augusta se préparait à l'intercepter, à la forcer à lui parler, mais Charlie la retint alors qu'elle sortait de la Grande Salle.
-- Laisse tomber ! lui dit-il.
-- Quoi ? Je vais pas la laisser partir comme ça ! T'as vu l'état dans lequel elle est ?
-- Ce serait difficile de pas le voir, répondit-il. Mais j'ai essayé dans le train. C'est tout juste si elle a pas quitté le compartiment quand je lui ai demandé ce qui n'allait pas.
-- On ne peut pas…
-- On peut. On n'a pas le choix. Elle reviendra. Elle est venue d'elle-même s’asseoir avec moi.
-- Tu crois ? demanda Augusta dubitativement.
-- Elle ne pourra pas rester toute seule éternellement. Mais ne lui demande rien.
Ne rien lui demander. Il en avait de bonnes. Allaient-ils la laisser dépérir ainsi ?
-- S'il te plait, Gus !
Elle grommela son accord et prit le chemin de sa Salle Commune.
Quand elle y parvint, elle frappa un coup avec le heurtoir qui lui demanda de sa voix chantante :
-- Quand peut-on voir la Croix du Sud ?
Pour la première fois depuis trois ans, Augusta réalisa qu'elle ne connaissait pas la réponse.
-- Manquait plus que ça, marmonna-t-elle.
Se retrouver bloquée à l'extérieur n'était pas vraiment ce qu'il lui fallait pour améliorer son humeur. Il ne lui restait plus qu'à attendre qu'un autre élève vînt à passer par-là. Elle croisait les doigts pour qu'ils ne fussent pas déjà tous rentrés. Au pire, si personne ne la faisait entrer avant l'heure du couvre-feu, elle pourrait toujours rejoindre l'appartement qu'elle avait autrefois occupé…
-- Augusta ? Qu'est-ce que tu fais là ?
Elle se releva brusquement pour se retrouver face à un grand garçon dont les fins cheveux blonds tombaient sur son front, cachant en partie ses yeux vert émeraude. Son visage maigre, où la peau semblait recouvrir directement les os de son crâne, était marqué de surprise. Elle tenta de cacher son sourire : c'était la première fois depuis la Saint-Valentin qu'Alistair lui adressait la parole.
-- Je n'arrive pas à répondre à la question, répondit-elle en baissant les yeux. Astronomie…
Alistair écouta à son tour l'aigle en bronze.
-- La Croix du Sud n'est pas visible de l'Angleterre. Pour la voir, il faut voyager dans le Sud.
-- Tout à fait correct, répondit le heurtoir.
-- Merci Alistair.
Le jeune garçon la retint par la manche.
-- Augusta… commença-t-il. Euh…
Ses pâles joues rosissaient légèrement et il regardait tout sauf Augusta.
-- Je… je voulais m'excuser…
-- T'excuser ? Mais de quoi ?
-- Je n'aurais pas du te faire la tête comme ça. Je veux dire… C'est normal que tu n'aies pas répondu à ma carte et…
-- Alistair, coupa-t-elle d'un ton doux. Je ne t'en veux pas. Au contraire. J'espère juste qu'on pourra être amis, comme avant.
-- Bien sûr ! répondit-il rapidement, un sourire éclairant son visage.
Ils rentrèrent alors et Augusta se coucha un peu moins préoccupée.

Comme Charlie l'avait annoncé, Tonks avait cessé de les éviter et passait à nouveau tout son temps libre avec eux. Augusta se retenait à grand peine d'interroger son amie et devait se contenter de la forcer à manger.
C'est après le premier samedi à Pré-au-Lard que Tonks se décida à partager son secret.
Charlie et elle avaient retrouvé Augusta dans la Grande Salle en revenant du village. Ils dégustaient chacun une bièraubeurre, assis à la table des Gryffondor. La salle était déserte d'autre être vivant ; seul le fantôme des Serpentard flottait en rond.
-- Tu ne devineras jamais qui on a vu s'embrasser ! dis Charlie brusquement.
-- Qui donc ? demanda Augusta, intéressée.
Ce n'était pas du genre de Charlie de colporter des ragots ; le couple en question devait être exceptionnel.
-- Eric, le gars de ta maison…
-- Hockfield ?
Elle ne voyait pas bien ce qu'il y avait d'extraordinaire là dedans, sauf si on considérait que ce garçon était un crétin raciste, ce qui ne devait pas attirer beaucoup de filles…
-- Oui… avec un gars de Poufsouffle !
-- Vraiment ? répondit-elle d'un ton curieux.
Un couple de garçons homosexuels à Poudlard ? Elle comprenait l’attitude de Charlie. Ça ne devait pas arriver souvent. Ou du moins pas se savoir…
-- Tu n'as pas été le crier sur les toits, j'espère, reprit-elle.
-- Non ! répondit-il. Tu es la première personne à qui on le dit. Ça n'a pas l'air de te surprendre…
-- Si… Je ne l'aurais jamais deviné qu'Eric était différent… à ce niveau-là. Qui est le gars de Poufsouffle ?
-- Je sais pas trop… Un troisième année…
-- Patrick Jones, précisa Tonks.
Augusta la regarda rapidement. Elle avait l'air contrariée par la conversation.
-- Oui, je vois qui c'est. Il a l'air plutôt sympa. On se demande ce qu'il peut trouver à Eric.
Elle reporta son regard vers Charlie. Il était excité par la nouvelle mais l'idée d’un couple homosexuel ne paraissait pas le choquer ou le dégoûter tellement. Elle se demanda brusquement à quel point l'homosexualité était acceptée dans le monde sorcier. Chez les moldus, c'était un sujet extrêmement tabou, bien que la plupart des gens sussent que cela existait. Il lui semblait même qu'il y avait une vingtaine d'années seulement que l’homosexualité, du moins sa pratique sexuelle, n'était plus illégale en Angleterre. Elle-même trouvait ce type de relations plutôt bizarre mais ne comprenait pas qu’on pût en faire une cause de répression.
Ils avaient fini leur boisson et Charlie se leva.
-- J'ai promis à Fanny que je l'aiderais avec son Étude des Moldus, dit-il. A plus tard les filles.
Elles quittèrent la table des Gryffondor à son départ et, une fois dans le hall d'entrée, Tonks s'arrêta brusquement. Augusta revint sur ses pas et la regarda curieusement.
-- Gus, souffla la jeune fille. Il faut que je te parle.

Le visage de Tonks était si sérieux… Quoi qu'elle eut à lui dire, Augusta sentait qu'il s'agissait de quelque chose que personne ne devrait entendre, sans quoi Tonks eut parlé devant Charlie.
-- Ne restons pas ici, dit-elle.
Et elle l'entraîna dans les couloirs jusqu'à atteindre une porte qu'elle n'avait pas franchie depuis près de trois ans. Quand elles entrèrent dans son ancien appartement, Augusta fut surprise de le trouver si propre. Rien n'indiquait qu'il n'avait pas servi depuis si longtemps.
-- Où sommes-nous ? demanda Tonks.
-- Un appartement non utilisé. Personne ne le connaît. Ici, on ne nous dérangera pas.
Tonks tomba dans un fauteuil et regarda vaguement autour d'elle.
Rien n'avait changé. Augusta passa dans la petite cuisine et prépara deux thés en un clin d'oeil. Avant qu'elle eut eu le temps de demander ce qui se passait, Tonks avait devant elle une tasse fumante qu'elle prit dans les mains.
Augusta s'assit en face d'elle et attendit.
Elles restèrent silencieuses un long moment, buvant leur thé. Bien que son attention fût portée sur son amie, Augusta ne pouvait s'empêcher ses souvenirs de remonter à la surface dans cet endroit.
-- Je suis désolée.
La phrase de Tonks la prit par surprise. Elle ne s'attendait presque plus à la voir parler.
-- Je sais que j'ai été distante ces derniers mois…
Augusta acquiesça sans répondre.
-- Ça fait longtemps que je voulais t'en parler. Et à Charlie aussi. Mais j'avais peur de votre réaction.
Elle s'interrompit et but un peu de thé. Comme elle paraissait ne pas vouloir continuer, Augusta se décida à l'interroger.
-- C'est Bill ? demanda-t-elle.
-- Entre autres…
Tonks regardait sa tasse. Elle avait l'air de ne pas savoir comment raconter son histoire.
-- Tu sais qu'il est vraiment dingue de toi ?
-- Oui… Mais… C'est parce qu'il ne sait pas ce que je suis…
Ce qu'elle était ? Bill savait parfaitement que Tonks était métamorphomage. Qu'est-ce qu'elle était d'autre que Bill ne pourrait pas comprendre ?
-- Je ne sais pas quoi faire. Je ne me comprends plus.
Augusta ne la comprenait pas non plus.
-- De quoi parles-tu ? demanda-t-elle le plus doucement possible.
-- Tu connais Marian Fitzerbert ?
-- Oui, répondit Augusta interloquée. Elle est à Poufsouffle avec toi, non ?
-- Je crois que… je crois que…
Elle s'interrompit. Augusta ne voyait du tout où elle voulait en venir mais il fallait que Tonks sorte ce qu'elle avait à dire. Cela la rongeait visiblement depuis longtemps. Elle lui prit la main et la serra dans les siennes.
-- Qu'est-ce que tu crois ?
-- Je crois que je suis… amoureuse d'elle.
La surprise lui fit lâcher Tonks. La jeune fille se recroquevilla alors dans son fauteuil et des larmes commencèrent à couler sur ses joues.
-- J'aurais pas du te le dire… articula-t-elle dans un sanglot.
Augusta comprit que Tonks avait interprété son geste comme un rejet de sa part.
-- Non ! dit-elle vivement, reprenant sa main. Tu as bien fait. Tu ne pouvais pas garder ça pour toi pour toujours.
Tonks lui sourit avec reconnaissance au milieu de ses larmes.
-- Mais… reprit Augusta. Et Bill ?
-- Je… je l'aime toujours… C'est n'importe quoi ! Comment est-ce qu'on peut à la fois aimer les garçons et les filles ?
Augusta se leva et vint se rasseoir sur l'accoudoir du fauteuil de Tonks. Elle se mit à caresser ses cheveux noirs avec douceur, comme elle l'aurait fait pour son enfant.
-- C'est pour ça que tu as rompu avec lui ? demanda-t-elle. Tonks… Le monde n'est pas constitué d'hétéros d'un côté et d'homos de l'autre… Bien sûr qu'on peut aimer à la fois les garçons et les filles !
-- Tu crois ? répondit Tonks, l'espoir dans la voix.
-- Évidemment ! Et il n'y a aucune honte à avoir.
-- Mais… On ne peut pas être amoureuse de deux personnes à la fois !
-- Là, c'est un tout autre problème, répondit Augusta avec un sourire. C'est tout à fait possible d'aimer deux personnes mais c'est pas très courant. Tu as dit que tu croyais être amoureuse de Marian. Est-ce que tu en es sûre ? C'est peut-être juste une attirance sans conséquence.
Tonks ne répondit pas.
-- Essaie de juger lequel des deux tu aimes le plus.
-- Je… je sais pas…
-- Pas maintenant ! Prends ton temps !
Tonks se dégagea de l'étreinte de son amie et fit un mouvement vers la porte. Alors qu'elle se préparait à la franchir, elle se retourna.
-- Merci, dit-elle simplement.
Et elle sortit.

La confession de Tonks avait surpris Augusta. Elle y réfléchissait dans son lit, ce soir-là, repassant leur conversation dans sa tête. Elle comprenait mieux le comportement de son amie depuis sa rupture avec Bill. Son secret avait du lui peser, surtout si elle ne comprenait pas ses propres sentiments.
Augusta se souvenait à quel point l'adolescence était une période de remue-ménage des sentiments mais ce qu'elle avait connu n'était probablement rien à côté de ce que par quoi Tonks était passé ces derniers mois. La bisexualité était un lourd fardeau, encore moins bien compris que l'homosexualité. Elle était contente que son amie se fût décidée à lui avouer. Devraient-elles en parler à Charlie ?
Pas tout de suite… Augusta le testerait un peu sur le sujet avant. Pour voir à quel point il pourrait l'accepter…

Si Charlie ne soupçonnait rien de la vérité, il se rendit vite compte du changement qui s'était opéré chez Tonks. La jeune fille était redevenue elle-même et il s'en réjouit auprès d'Augusta.
-- Qu'est-ce qui s'est passé ? lui demanda-t-il un jour qu'ils étaient seuls – Tonks était à nouveau en retenue, preuve indéniable qu'elle avait retrouvé son comportement habituel.
-- On a eu une discussion entre filles, répondit Augusta évasivement.
-- C'est à dire ?
-- Ce n'est pas à moi de t'en parler, Charlie…
-- T'as pas confiance en moi ? dit-il, blessé.
-- Bien sûr que si ! Mais ce sont les affaires de Tonks, pas les miennes. Ce n'est pas à moi de t'en parler.
Mais Charlie était vexé comme un pou et se plongea dans son livre d'Histoire de la Magie en grommelant des paroles indistinctes.
-- Charlie…
-- Moi je te cacherais rien ! marmonna-t-il sans la regarder.
Elle sourit mais ne répondit pas. Comme elle ne voulait pas lui révéler le secret de Tonks, cette conversation ne mènerait à rien de bon.

Plusieurs semaines passèrent avant que le sujet ne revînt sur le tapis. Ils étaient tous trois dans la bibliothèque. Les filles révisaient leur prochain contrôle d'Astronomie et Charlie écrivait un petit mot dans une carte d'anniversaire destinée à son frère aîné quand Tonks prit la parole subitement.
-- J'ai réfléchi.
Les têtes des deux autres se tournèrent vers elle.
-- C'est Bill que j'aime.
La bouche de Charlie s'ouvrit de stupeur et Augusta sourit de soulagement. Voilà qui allait arranger bien des choses. Charlie regarda Tonks un moment, se tourna vers Augusta dont le visage n'affichait aucune surprise et regarda à nouveau Tonks.
-- C'était ça les trucs de filles que j'avais pas le droit de savoir ?
-- Oui, répondit Tonks.
Puis, elle s'adressa à Augusta.
-- Qu'est-ce que je vais lui dire ?
-- La vérité.
-- Tu crois qu'il voudra encore de moi ?
-- Sinon, c'est qu'il n'en vaut pas la peine.
Charlie les regardait sans comprendre.
-- Il venait de passer à table quand on est sorti, ajouta Augusta. Il est peut-être encore là-bas.
-- Mais…
-- J'y vais. Tu veux bien lui expliquer Gus ? dit Tonks en montrant Charlie du menton.
Elle sortit précipitamment, renversant l'encrier d'une jeune Serpentard au passage. Charlie se tourna vers Augusta.
-- Qu'est-ce que c'était que tout ce charabia ? demanda-t-il avec humeur.
Augusta soupira et entreprit de tout lui raconter à voix basse. Charlie accepta mieux la situation qu'elle ne l'avait craint. Il ne posa aucune question sur leurs relations à toutes les deux, réaction stupide, certes, mais qu'elle avait redoutée. En fait, ce qu'il prit le plus mal était le manque de confiance de Tonks.

Quelques heures plus tard, Augusta eut la satisfaction de voir que Bill était également à l'aise avec tout cela quand Charlie et elle le surprirent en train d'embrasser Tonks dans le recoin sombre d'un couloir. Augusta posa un doigt sur ses lèvres, enjoignant son ami de ne pas faire de bruit et ils firent demi-tour en riant doucement, heureux que les amoureux se soient retrouvés.
-- Tu aurais vu Bill, l'été dernier, dit Charlie quand ils se furent assez éloignés. Je ne l'avais jamais vu aussi déprimé. Le pire, c'est quand Tonks est venue pour mon anniversaire. Et Maman qui ne comprenait rien…
-- Je visualise…
-- Tu imagines si ça marche pour eux ? Ce serait génial que Tonks devienne ma belle-soeur !
-- Tu vois loin, dis-moi, dit Augusta en souriant. Tu les as déjà mariés.
-- Tonks se marier, nota Charlie en gloussant. Elle trébucherait sur sa robe et la déchirerait en tombant.
Ils éclatèrent de rire.
-- Et toi Charlie ? demanda Augusta d'un ton plein de sous-entendus.
-- Quoi, moi ?
-- Quand est-ce que tu nous présentes une future Mrs Weasley ?
Elle retint un nouvel éclat de rire en voyant le visage de Charlie tourner plus rouge qu'il n'avait jamais été.
-- Oh oh ! Tu l'aurais déjà trouvée, on dirait…
Les joues du garçon devenaient plus pourpres que l'écharpe de Gryffondor qu'il portait autour du cou. Augusta avait l'impression qu'elle pourrait faire cuire un oeuf sur son visage. Mais, sans aucune pitié, elle continua.
-- C'est ton amie Fanny ? Tu passes beaucoup de temps avec elle ces derniers temps, non ? En tout cas, elle est déjà folle de toi, j'ai l'impression.
-- C'est pas Fanny, coupa-t-il.
Il reprit rapidement :
-- C'est personne ! Je ne suis amoureux de personne !
Il la quitta là sans un mot de plus. Interdite, Augusta le regarda s'éloigner. Elle soupira de dépit. Charlie n'était pas encore prêt à discuter sentiments avec une fille…

L'année passa si rapidement qu'Augusta se demandait sérieusement si quelqu'un n'avait pas trafiqué le cours du temps. Pendant cette année scolaire, Charlie dépassa enfin ses deux amies en taille et en ressentit une fierté toute masculine qui finit par les agacer. Bill et Tonks sortaient toujours ensemble et l'aîné des Weasley se rapprocha de son frère et d'Augusta. Charlie et lui adoraient se lancer des duels amicaux – le plus mémorable ayant été une bataille de boule de neige après les vacances de Noël – pendant que les filles les regardaient en comptant les points.
Les vacances d'été arrivèrent et Augusta regarda Tonks et les Weasley partir avec plus de tristesse et d'envie que jamais. Elle savait que Tonks passerait une grande partie de ses vacances avec les garçons et la solitude qui l'attendait ne lui en paraissait que plus insupportable.
Chapitre onze by Morgwen
Le soleil d'août brûlait les terres de Poudlard. En début d'après-midi, Augusta ayant enfilé un maillot de bain tout neuf plongea dans l'eau fraîche du lac. Elle nagea un long moment. A force de s'exercer à voler sous sa forme d'hirondelle, elle avait acquis de l'endurance et développé sa musculature. Ses fréquents galops avec Artus et Myrddin avaient également contribué à cet entraînement physique. Alors nager dans l'eau calme du lac était un exercice facile pour elle.
Alors qu'elle s'était arrêtée un moment pour une pause, immergée dans l'eau jusqu'à la taille, elle aperçut Severus accompagné de Dumbledore passer non loin d'elle. Apparemment, ils l'avaient vue également puisqu’ils bifurquèrent et vinrent la rejoindre alors qu'elle atteignait la rive.
-- Bonjour Augusta, dit Dumbledore avec un sourire malicieux.
Severus se contenta de lui adresser un hochement de tête muet.
-- Professeur Dumbledore, Severus, répondit-elle en riant. Seriez-vous venu jusqu'ici pour piquer une tête avec moi ?
-- Une autre fois, peut-être. Severus et moi avons du travail. Le choix des Préfets de Serpentard, pour commencer…
La cinquième année ! L'année des nouveaux Préfets. Augusta ne put réfréner sa curiosité.
-- Avez-vous déjà choisi des Préfets pour les autres maisons ? demanda-t-elle.
-- Tout à fait. Pour Gryffondor, votre ami, Mr Weasley et Miss Garland. Pour Poufsouffle, Mr Littlecub et Miss Fitzpaul…
Tonks ne serait pas Préfète. Quel dommage ! Toutefois, vu le nombre d'heures record qu'elle avait passées en retenue depuis le début de sa scolarité à Poudlard, rien d'étonnant à cela.
-- Et pour votre maison, continuait Dumbledore. Mr Wellford et vous-même.
-- Moi ? Mais…
-- Félicitations Augusta ! intervint Severus. J'aurais du me douter que le professeur Flitwick te choisirait.
Augusta rougit.
-- Mais, répéta-t-elle, est-ce que les Préfets ne sont pas supposés prendre leurs instructions dans le Poudlard Express, professeur ? C'est ce que Bill Weasley m'avait expliqué.
-- Vous pensez bien que ce n'est pas ce petit détail qui m'aurait arrêté, répondit Dumbledore. Le professeur Flitwick vous expliquera tout ce que vous devez savoir avant la rentrée.
-- Directeur, interrompit Severus. L'heure tourne.
-- Effectivement Severus, pardonnez-moi. Augusta, nous devons nous quitter, nous avons beaucoup de choses à discuter. Au fait, avez-vous des nouvelles de Remus ?
-- Euh… oui. Il travaille toujours à Oulan-Bator mais il semblerait que le Ministère Mongol de la Magie veuille endurcir les lois locales sur les loups-garous, auquel cas il se pourrait qu'il trouve un nouvel endroit.
-- Hmm… Il faudra que je me renseigne sur ce sujet. Eh bien, Augusta, c'était un plaisir de parler avec vous. Si vous retournez vous baigner, faites attention à ne pas trop jouer avec le Calmar Géant.
-- Promis ! répondit-elle.
-- A plus tard Augusta, dit Severus.
L'espace d'un instant, son regard courut sur son corps dénudé mais, avant qu'Augusta eût réalisé à quel point sa tenue pouvait être impudique à ses yeux, le sorcier s'était éloigné à la suite du directeur.

Quand Charlie envoya la lettre lui annonçant qu'il avait été nommé Préfet, Augusta apprit également que Bill était le nouveau Préfet-en-Chef. Rien d'étonnant à cela ! C'était le garçon le plus intelligent qui lui avait été donné de rencontrer, bien qu'il le cachât bien sous une allure décontractée qui n'avaient rien de feinte et un grand sens de l'humour, généralement du deuxième degré. Leur mère, en tout cas, devait être extrêmement fière de ses fils. Les cinq enfants cadets auraient du travail pour égaler leurs frères.
D'autant plus que la lettre de Charlie contenait une autre bonne nouvelle : il avait été nommé par McGonagall capitaine de l'équipe de Quidditch. Préfet et capitaine l'année où ils passaient leurs BUSE, elle risquait de ne pas beaucoup de le voir…

Le jour de la rentrée, Augusta réalisa également que Percy, le petit frère de Charlie, commençait ses études au château. Quand les nouveaux élèves pénétrèrent dans la Grande Salle pour la Cérémonie de Répartition, elle n'eut aucun mal à repérer le troisième Weasley : ses cheveux roux carottes le distinguaient des autres. Il portait de petites lunettes qui lui donnaient un air trop sérieux pour la circonstance. Quand le Choixpeau l'envoya à Gryffondor, elle porta son attention vers ses frères, s'attendant à les voir applaudir à tout rompre. Elle eut alors la surprise de voir Charlie et Bill battre des mains à contrecoeur après avoir échangé un regard déçu. Elle se souvint alors que, d'après les descriptions de leurs vacances, Percy n'était pas vraiment le frère préféré de ses deux amis.
Quand Dumbledore eut annoncé la fin du festin, elle se leva et lança d'une voix forte aux nouveaux élèves de sa maison :
-- Premières années, par ici ! Je suis Préfète de Serdaigle.
Elle jeta un coup d'oeil autour d'elle pour voir Orphée sortir de la salle sans plus s'occuper de ses fonctions.
-- Je vais vous conduire à la Salle Commune, reprit-elle alors puisqu'elle ne devait probablement pas attendre d'aide de la part d'Orphée.
Elle vérifia que tous les enfants s'étaient rassemblés autour d'elle – elle les avait comptés pendant la répartition – puis attendit que les autres élèves aient quitté la Grande Salle, espérant éviter la cohue. Pendant ce temps, Tonks la rejoignit et entreprit de lui raconter ses vacances sans plus s'occuper des jeunes Serdaigle qui la regardaient curieusement.
Finalement, Augusta sortit, les huit nouveaux et Tonks sur les talons. Celle-ci les quitta à un embranchement de couloirs pour rejoindre l'aile des Poufsouffle.
Quand elle entra dans la Salle Commune, la première chose que vit Augusta fut Orphée, affalé dans un fauteuil, en train de rire avec Eric. Elle indiqua rapidement les deux dortoirs aux premières années avant de marcher vers son homologue, la colère lui montant au nez. Elle se planta devant lui, les mains sur les hanches et le regarda froidement sans mot dire.
-- Tu veux ma photo ? finit par demander le garçon, agacé.
-- Dis-moi Orphée, ce badge sur ta poitrine… Il est beau, n'est-ce pas ?
-- Hein ?
-- Tu aimerais bien le garder ?
-- Je peux savoir ce que tu racontes Pye ?
-- Bien, je vais être claire : si jamais tu désertes encore ton devoir de Préfet comme ce soir, tu le regretteras !
Elle tourna alors les talons sans écouter les insultes qu'il murmurait à son encontre. Elle les connaissait par coeur.

Au début du premier cours de chaque matière, les professeurs leur firent un petit laïus sur les BUSE qu'ils devaient passer à la fin de l'année. Si après tout ça, ils n'avaient pas compris l'importance de ces examens…
En tant que Préfète, elle devait faire des rondes régulières dans les couloirs de l'école pour aider les professeurs et Rusard à maintenir l'ordre. Elle et Charlie décidèrent de s'arranger pour effectuer le plus possible de ces rondes ensemble, sans quoi ils ne trouveraient jamais le temps de se voir.

Pour la première fois, Charlie, Tonks et Bill décidèrent de passer leurs vacances de Noël à Poudlard. Charlie et Tonks voulaient utiliser les richesses de la bibliothèque pour avancer dans leurs révisions.
-- C'est qu'on a pas le cerveau de Bill, avait expliqué Charlie. Nous, il nous suffit pas de nous tourner les pouces en cours pour récolter un maximum de BUSE à la fin de l'année.
Bill, de son côté, ne voulait pas se séparer de sa petite amie. Il savait qu'il ne leur restait que peu de mois à passer ensemble avant qu'il ne quittât l'école. Il voulait en profiter un maximum.
D'ailleurs, comme Charlie avait surpris Tonks un matin dans la Salle Commune des Gryffondor, lui et Augusta comprirent, qu'effectivement, les tourtereaux jouissaient de leur temps ensemble. Quand, quelques heures plus tard, Tonks lui décrit la surprise de Charlie, Augusta rit aux éclats. Elle imaginait sans peine la gêne du garçon en trouvant son amie avec une robe de chambre de son frère sur le dos à sept heures du matin.

Le jour de Noël, Augusta reçut une nouvelle lettre de Remus qui lui annonçait son départ de Mongolie. Une nouvelle loi avait été passée lui interdisant de travailler avec Bayangol comme il le faisait jusqu'ici. Celui-ci avait tenté de le convaincre de rester parmi eux. Sa femme et lui l'auraient caché et il aurait pu travailler illégalement. Mais Remus avait refusé – Augusta reconnaissait son trop-plein d'honnêteté – et avait décidé de se rendre au Moyen Orient. Dans des pays tels que le Kazakhstan ou l'Afghanistan ou la guerre civile régnait, les dirigeants de la communauté magique avaient autre chose à faire que de s'occuper des droits des loups-garous. Il avait économisé le plus possible ces quatre dernières années et avait les moyens de voyager et de survivre le temps de trouver un nouveau travail.
Mais ce n'était pas le manque possible d'argent qui inquiétait Augusta quand elle lut sa lettre. Quelle folie lui prenait de se perdre au milieu de guerres civiles ? Elle ne pouvait même pas lui envoyer un hibou pour tenter de le dissuader : il disait qu'il serait déjà parti au moment où elle lirait ces mots.
Remus, Remus… Si seulement il pouvait être plus prudent…
Elle irait trouver Dumbledore dès que possible. Peut-être saurait-il la rassurer, faute de mieux.
Ces nouvelles annihilèrent complètement la magie de Noël pour Augusta. Pendant que ses amis échangeaient leurs chapeaux, elle ne pouvait pas s'empêcher d'imaginer Remus gisant dans la neige, des balles dans le corps, au beau milieu d'une montagne afghane.
Sitôt le repas terminé, ignorant les questions de Charlie lui demandant ce qu'elle avait, elle intercepta le directeur à sa sortie de la Grande Salle.
-- Professeur ! J'ai besoin de vous parler. C'est important !
Dumbledore la regarda un moment de ses yeux insondables avant de l'entraîner dans son bureau. Là, elle lui lut la lettre de Remus, entrecoupée de ses commentaires effrayés.
Le vieux sorcier resta longtemps silencieux, chaque minute ajoutant à la détresse son élève.
-- Je ne peux malheureusement rien vous dire pour vous rassurer Augusta, finit-il par avouer. Je pourrais tenter de contacter les dirigeants locaux pour m'assurer de sa sûreté mais Remus veut apparemment faire profil bas et ce ne serait pas lui rendre service… La seule chose que vous puissiez faire, c'est attendre qu'il vous envoie un hibou vous indiquant où il se trouve. Alors, vous pourrez essayer de le convaincre de rejoindre une région plus calme.
Sur ces paroles, Augusta le quitta pour rejoindre Tonks et les frères Weasley, plus inquiète pour l'homme qu'elle aimait que jamais.

Augusta dut contenir son inquiétude jusqu'à la mi-janvier. Quand elle vit le hibou de Remus se poser devant elle, elle se retint à grand peine de pousser un cri de joie. Elle détacha la lettre de la patte de l'oiseau et la glissa dans son sac. Swan s'envola aussitôt – pour rejoindre la Volière ou repartir vers Remus, Augusta n'en avait pas la moindre idée.
La sorcière quitta rapidement la Grande Salle – elle n'aurait pas pu avaler une bouchée de plus – et se dépêcha de rejoindre la salle de potion où elle aurait son premier cours. Comme elle l'avait escompté, la salle de classe était encore déserte quand elle y entra. Elle s'assit à sa place habituelle au premier rang et, dans sa hâte, déchira l'enveloppe qu'elle avait reçue.

Ma chérie
J'ai quitté la Mongolie juste avant Noël mais ne me suis encore installé nulle part. Depuis que je suis entré sur le territoire de l'URSS, je n'ai pas pu m'arrêter plus de deux nuits au même endroit. Ces régions sont encore plus en ébullition que je ne le pensais. Les populations sont tellement montées contre le gouvernement russe qu'ils ont tendance à lapider tout ce qui ressemble à un occidental.
Je te rassure tout de suite, je manie assez bien les sorts d'autoprotection pour ne pas être en véritable danger mais je pense que je ne pourrai jamais trouver un travail ici comme je l'avais espéré.
Au moment où je t'écris, je suis à Ijevan, une petite ville d'Arménie mais je ne resterai pas ici. Je pense que je mettrai cap vers le sud dès demain. Avec un peu de chance, je trouverai un bateau pour traverser la méditerranée. Je crois que la Jordanie est plutôt laxiste envers les loups-garous et la politique moldu y est relativement calme.
Je t'écrirai quand j'aurai atteint la communauté sorcière de Petra.
Je t'aime.
Remus

Jamais elle n'avait reçu de lettre si froide de sa part. Il ne voulait pas l'inquiéter mais son ton montrait à quel point il était préoccupé par le monde dans lequel il voyageait.

Elle n'eut pas le temps de réfléchir plus avant car la porte sur le côté du tableau s'ouvrit alors et Severus Rogue fit son entrée.
-- Augusta ? Est-ce que ça va ? demanda-t-il avec un visage concerné.
C'est alors qu'elle réalisa que ses joues étaient trempées de larmes. Le regard de Severus se porta sur la lettre dans ses mains et toute sa physionomie se referma.
-- Mauvaises nouvelles ? ajouta-t-il d'un ton plus distant que jamais.
-- Pas vraiment… répondit-elle en s'essuyant les yeux.
Elle rangea rapidement le parchemin dans son sac.
-- Que faisons-nous aujourd'hui ? reprit-elle alors, d'un ton qu'elle voulait insouciant.
Le sorcier fronça les sourcils et la regarda un moment en silence.
-- Le filtre de paix. Cette potion est souvent demandée à l'examen pratique des BUSE.
Augusta connaissait cette potion. Elle la maîtrisait depuis sa première année. Elle avait même suggéré quelques améliorations – remplacer les chrysopes par la pierre de lune, par exemple – qui avaient été acceptées par les autorités académiques.
-- Je voudrais bien tomber dessus pour mes BUSE !
-- Augusta…
Severus avait gentiment pris sa main et sa voix avait retrouvé une consonance humaine.
-- Je sais que tu ne peux pas parler de Lupin avec tes amis, continua-t-il. Et je veux bien reconnaître que ce n'est pas mon sujet de conversation préféré mais, si tu as des soucis, je suis là pour les écouter…
Alors qu'Augusta allait le remercier, il se recula précipitamment en regardant derrière elle. Elle se retourna et vit Orphée dans l'encadrement de la porte qui la regardait avec son habituel air de supériorité et d'antipathie sur le visage.
Qu'avait-il vu et entendu ?
Qu'allait-il s'imaginer ?
Qu'allait-il raconter ?

Malgré sa proposition, Augusta n'osa pas partager ses craintes pour Remus avec Severus. Elle ne savait pas comment aborder le sujet, pour commencer. Mais il avait eu raison sur un point : à part lui, elle ne voyait personne qui pourrait comprendre ce qu'elle traversait, si ce n'était le professeur Dumbledore. Mais le directeur avait bien d'autres chats à fouetter.
En conséquence, elle ne pouvait rien faire qu'attendre des nouvelles qui ne venaient pas en essayant de cacher ses craintes à Charlie, Tonks et Bill.
Pourquoi avait-il fallu qu'il quittât la Mongolie ? Pourquoi n'écrivait-il pas ? Après tout, il s'était considérablement rapproché de l'Europe ; les trajets de hiboux auraient du être bien plus rapide !
Au lieu de ça, les semaines passaient sans qu'elle reçût aucune lettre. Cette situation lui rappelait affreusement le début de sa première année. Sauf que cette fois, elle avait des amis qui la connaissaient mieux que personne ne l'avait jamais connue – même s'ils ne savaient rien de sa vie précédente – et à qui elle avait le plus de mal à donner le change.
Pour la troisième année consécutive, Augusta reçut une carte anonyme le 14 février. Mais seul l'absence d'une carte de Remus lui importait.
Enfin, le 23 février, elle reçut une courte lettre lui informant qu'il avait atteint la cité secrète de Petra – à laquelle on accédait par le célèbre temple accessible à tout touriste moldu. Il se contentait d'écrire qu'il avait eu des difficultés à traverser Israël sans préciser lesquelles. Probablement que son passage en Palestine avait coïncidé avec la dernière pleine lune. Il avait trouvé à se loger mais n'avait pas encore d'emploi.
Augusta dut rester sans plus de nouvelles mais avait au moins une adresse où lui écrire.
Puisqu'il semblait avoir atteint une cité calme, loin des troubles moldus, elle se retint de critiquer son départ de Mongolie. Pourquoi revenir sur ce qui était fait ? Mais elle ne manqua pas de lui reprocher l'inquiétude dans laquelle il l'avait laissée à cause du manque de hiboux de sa part. Elle lui promettait que s'il recommençait, elle partirait avec le premier venu – bien qu'elle n'en pensât pas le traître mot.

Charlie était à son entraînement de Quidditch, Tonks était en retenue – elle avait traité le contenu de ses cours de Divination de purin de dragon après avoir brisé par mégarde une boule de cristal – et Bill était en réunion avec le professeur McGonagall à propos de ses devoirs de Préfet-en-Chef.
Augusta avait donc de nombreuses heures devant elle en ce dimanche d'avril. Ses devoirs et révisions étaient à jour. Elle passa une bonne partie de l'après-midi avec Madame Pomfresh qui lui expliqua en détail comment elle avait réparé la moelle épinière de Charlie autrefois – Augusta avait à présent les connaissances nécessaires pour tout saisir.
Après quoi, elle descendit dans les sous-sols dans l'espoir d'y trouver Severus. Elle n'était pas particulièrement d'humeur à préparer une quelconque potion, mais elle appréciait la conversation du sorcier.
Comme à son habitude, elle frappa doucement à la porte de son bureau avant d'entrer sans attendre de réponse.
-- Severus, bonsoir, commença-t-elle.
Mais elle s'interrompit aussitôt en voyant que le sorcier n'était pas seul. Un homme en robe noire, à la chevelure si blonde qu'elle paraissait blanche, était assis en face de lui. Il leva les yeux d'une pile de parchemins qu'il devait être en train de lire et les plongea dans les siens. Son regard couleur d'acier lui glaça le sang, sans qu'elle comprit pourquoi.
Et pour ne rien améliorer, elle réalisa qu'une troisième personne était présente : Orphée Wellford, le dernier élève qu'elle voulait croiser un dimanche, était occupé à nettoyer une étagère souillée par des bocaux qui avaient débordé. Il devait être en retenue.
-- Miss Pye, bonsoir, lui lança Severus depuis sa place, de ce ton froid qu'elle détestait. Lucius, permettez-moi de vous présenter ma meilleure élève, Augusta Pye.
Le sorcier blond se leva et s'approcha d'elle. Il était plus grand que le Maître de Potions et paraissait plus vieux. Il devait avoir dans les trente-cinq ans. Il lui tendit une main qu'elle prit avec hésitation. Il la serra légèrement avant de la relâcher à nouveau.
-- Voici Mr Malfoy, un ami, continua Severus.
Qui que soit cet homme, ce n'était sûrement pas son ami ! Il reprit, s'adressant à Malfoy :
-- Miss Pye n'est qu'en cinquième année, mais je voudrais tout de même vous la recommander. Je pense que, sortie de Poudlard, elle pourra faire de grandes choses.
Malfoy n'avait pas lâché Augusta du regard et elle se sentait rétrécir sous ce regard qui ne reflétait aucune bienveillance. Comment ces yeux pouvaient-ils avoir une couleur si proche de ceux de Remus et une expression si opposée ?
-- Nous en reparlerons, Severus, finit par dire le sorcier et sa voix était celle d'un homme habitué à commander.
-- Je dois rentrer à Londres pour dîner avec le Ministre. J'espère vous recevoir comme promis au Manoir aux prochains congés scolaires.
-- Vous avez ma parole. Miss Pye, attendez-moi un moment, je voudrais un mot avec vous.
Il sortit pour ramener son visiteur jusqu'à l'entrée du château.
-- Sa meilleure élève… murmura Orphée d'un ton mauvais à peine les deux hommes eurent-ils passé la porte.
Augusta l'ignora mais cela ne suffit évidemment pas à faire cesser les insinuations.
-- Une élève à qui il murmure des mots doux en lui tenant la main… Une élève qui l'appelle par son prénom…
Que pouvait-elle répondre ? Même s'il en tirait les mauvaises conclusions, les faits étaient exacts.
-- Je me demande ce que les autres professeurs en penseraient…
Garder silence… Un silence digne qui lui montrait que rien ne pouvait l'atteindre…
-- Quant aux élèves… Je me demande combien de temps ça mettrait à faire le tour de l'école…
-- Tu penses en venir à quelque chose un jour ? demanda-t-elle, incapable de se taire plus longtemps.
Il sourit et elle crut voir un chat qui se préparait à jouer avec une souris.
-- Peut-être pourrais-je ne rien dire… si tu me donnes satisfaction.
Du chantage ! Il voulait la faire chanter sur une relation qu'elle n'avait pas ! Mais il n'eut pas le temps de préciser ses conditions car Severus revenait.
-- Vous pouvez partir Wellford, lui intima-t-il sèchement.
Celui-ci obéit avec un dernier regard malveillant en direction d'Augusta. Celle-ci tomba dans la chaise occupée plus tôt par Malfoy et se prit la tête dans les mains. Qu'est-ce que ce rat allait bien pouvoir faire pour lui ruiner la vie à présent ?
A sa grande surprise, Severus s'empressa de rassembler les parchemins épars sur le bureau et de les faire disparaître d'un geste de sa baguette. Elle se froissa de ce manque de confiance. Pensait-il réellement qu'elle aurait été lire des documents privés ?
-- Augusta, dit-il alors. Je voudrais te mettre en garde contre Lucius Malfoy.
-- Quoi ? Mais je croyais que c'était votre ami ?
-- Il l'était autrefois. Et il doit continuer à croire qu'il l'est toujours. Mais là n'est pas la question. Il va avoir l'oeil sur toi à présent et il découvrira rapidement que tu es supposée venir d'une famille moldue. Il a de nombreuses sources d'information au Ministère.
-- Mais pourquoi me l‘avoir présenté ?
-- C'est une personne très influente. Comme je le lui ai dit, je pense que tu seras un jour capable de grandes choses, mais il te faudra des appuis. Peut-être d'autres appuis que ceux de Poudlard.
Elle ne comprenait pas. Elle n'était pas d'humeur à comprendre, de toute manière. La menace d'Orphée traînait encore dans son esprit. Un instant, elle songea à en parler à Severus, mais changea d'avis aussitôt. Il ne pourrait rien y faire, alors à quoi bon l'inquiéter ?
Elle prit congé et erra longtemps dans le château. Elle n'était pas pressée de rentrer à la Tour des Serdaigle.

Quand elle entra dans la Salle Commune, Augusta n'éprouva aucune satisfaction à voir que sa prémonition s'était révélée correcte : Orphée Wellford était assis dans un profond fauteuil faisant face à la porte, un sourire mauvais se dessinant lentement sur son visage.
-- Pye…
Quel horrible sourire !
-- Je commençais à me demander si tu n'allais pas passer toute la nuit dans le cachot de potion…
Si Augusta comprit parfaitement l'insinuation contenue dans ces paroles, elle choisit toutefois de ne pas relever. Elle se dirigea délibérément vers les chambres des filles, espérant remettre à plus tard la corvée.
Mais Orphée ne voyait visiblement pas les choses ainsi : il se leva vivement et vint se mettre sur son chemin.
-- Je ne crois pas, non… dit-il. N'espère pas filer « à la française » ! Il faut qu'on parle tous les deux.
Mais c'est qu'en plus il se moquait d'elle ! Rester calme… Elle devait rester calme… A vrai dire, elle ne savait pas comment elle arrivait à se retenir de sortir sa baguette et changer ce rat en… rat, tiens ! Après tout, elle était devenue plutôt douée à métamorphoser les humains.
Elle prit une longue inspiration, fit demi-tour et tomba dans son fauteuil favori, près d'une fenêtre.
-- Qu'est-ce que tu veux ? demanda-t-elle sèchement.
Pas pressé pour une noise, Orphée s'assit sur une chaise lui faisant face et reprit son sourire de crocodile.
-- Récapitulons, commença-t-il. Tu as une relation avec Rogue…
-- Non, je ne suis pas…
-- N'essaie pas de nier ! coupa Orphée. Tu crois que j'ai pas vu votre petit manège à tous les deux ? Quel mauvais goût, d'ailleurs !
-- Lui ou moi ? demanda Augusta les dents serrées.
-- Je pensais toi. Mais maintenant que tu le dis…
Augusta aurait voulu attraper ce visage souriant par l'oreille et tirer jusqu'à ce qu'il lui supplie d'arrêter.
-- Si tout ce que tu voulais, c'est critiquer mon manque de goût, j'aimerais aller me coucher maintenant !
Elle voulait qu'il en vienne au fait, régler cette affaire rapidement. Elle fit mine de se lever mais Orphée la retint en appuyant de ses deux mains sur ses genoux.
-- Tu sais très bien ce que je veux Pye ! Je veux que tu achètes mon silence. Sans quoi je peux te garantir que toi et ton cher professeur serez renvoyés dès demain.
-- Et acheter avec quoi, imbécile ! rétorqua-t-elle. Tu sais que je suis orpheline. Je n'ai pas trois mornilles en poche, alors que toi, tu viens d'une famille riche. Je ne pourrais pas te donner le dixième de ton argent de poche.
-- Je ne suis pas après l'argent…
Ses paumes pressaient toujours les genoux d'Augusta pour l'empêcher de se lever, et il posa doucement ses doigts, l'un après l'autre, sur ses jambes.
-- Ce que tu fais à Rogue, tu pourrais me le faire aussi…
Elle éclata de rire. La situation était tellement ridicule ! Elle se redressa, balayant les mains d'Orphée négligemment, et le toisa de toute sa hauteur.
Quelle que fut la réaction qu'Orphée attendait, ce n'était de toute évidence pas celle là. Il la regarda, la bouche entrouverte de stupeur, ne comprenant pas cet accès d'hilarité.
-- A mon tour ! dit Augusta quand elle put s'arrêter de rire assez longtemps pour parler. Tu pourrais dire ce que tu veux, les gens ne te croiraient pas, pour la simple et bonne raison que rien de ce que tu imagines n'est vrai. Cependant, comme je n'ai pas envie que tout le monde m'observe chaque fois que je serai avec Rogue, tu ne parleras pas.
-- Et pourquoi non ?
Il s'était levé à son tour et serrait les poings d'humiliation.
D'un geste vif, Augusta tira sa baguette, la brandit en direction du garçon et lança l'imprécation qu'elle connaissait par coeur après toutes ces séances d'animagie. Elle n'avait pas visualisé clairement l'animal dans son esprit mais laissé son instinct parler.
Et à ses pieds, une énorme limace la regardait d'un air pathétique.
Elle éclata à nouveau de rire en voyant devant ses yeux Orphée sous la forme où elle se plaisait le plus à l'imaginer. Alors, elle se pencha vers lui et le tapota de sa baguette.
-- Si jamais tu dis le moindre mot à quiconque contre moi ou Rogue, je te change en chenille, je te découpe en morceaux, et je te stocke dans le bureau de Severus. Suis-je claire ?
C'était un étrange spectacle que de voir une limace hocher la tête…

Orphée ne parla pas et Augusta passa le reste de l'année dans une relative tranquillité.
Sachant que Bill quitterait bientôt Poudlard, elle avait modifié le sort qui fermait son ancien appartement – McGonagall lui avait expliqué comment – et avait encouragé Tonks et lui à s'en servir autant qu'ils le souhaitaient. Les deux amoureux ne s'étaient pas fait prier.

Remus avait trouvé un petit travail à Petra qui lui permettait à peine de subsister.
Augusta avait à présent seize ans en apparence – vingt-neuf en réalité – et elle pensait que Remus pourrait à nouveau être près d'elle. Bien sûr, son alliance qu'elle continuait à porter autour du cou était encore un peu trop grande mais cette histoire d'alliance n'était qu'une manière poétique de dire qu'il reviendrait quand elle serait assez vieille. C'est en tout cas ce qu'elle avait essayé d'expliquer à Dumbledore pour le convaincre d'aider Remus à trouver un emploi en Angleterre.
Mais le directeur avait refusé sans lui donner d'explication.

Le mois de juin arriva finalement, ce qui se traduisait pour tous les élèves par « mois d'examens ». Tous les élèves de cinquième année se plongèrent activement dans leurs dernières révisions en vue de leur BUSE. Ceux de dernière année, eux, étaient devenus quasiment invisibles, tant ils travaillaient pour leur ASPIC.
Bill et Tonks passaient tous leurs temps libres ensemble, dans le petit appartement d'Augusta, à alterner révisions et amour. De fait, Charlie et Augusta ne les avaient quasiment pas vus depuis deux semaines quand les examens commencèrent.

Que dire sur les BUSE ? Pour les épreuves écrites, les cinquièmes et septièmes années se réunissaient dans la Grande Salle, sur des petites tables individuelles. Et les épreuves pratiques étaient surveillées par des sorciers extérieurs à Poudlard.
A part ces détails, Augusta ne voyait pas d'autre différence avec les partiels de chaque fin d'année. Excepté peut-être le stress affiché par la plupart des élèves.
Les BUSE et les ASPIC s'étalèrent sur douze jours. A la suite de quoi, ils disposèrent d'une semaine complète pendant laquelle les élèves plus jeunes passaient leurs propres examens.

Ils s'étaient installés sous le saule, au bord du lac, pour profiter de ce dernier jour à Poudlard. Bill et Tonks avaient daigné sortir de leur tanière et étaient assis dans les bras l'un de l'autre.
Charlie que la chaleur rendait somnolent s'était endormi, la tête sur les genoux d'Augusta. Celle-ci caressait tendrement ses cheveux épais tout en discutant avec Bill.
-- Et ça ressemble à quoi un entretien d'embauche à Gringotts ? demandait-elle, faisant référence au rendez-vous que Bill avait eu la veille.
-- Eh bien… T'as déjà vu un gobelin ?
-- Seulement en illustration.
-- Imagine dix gobelins assis en demi-cercle derrière des bureaux plus hauts que toi. J'étais debout au milieu et j'étais obligé de lever la tête pour les regarder. C'est pas ce qu'il y a de plus rassurant, crois-moi !
-- Mais qu'est-ce que ça a donné ?
-- J'ai été embauché, répondit-il avec un grand sourire. Briseur de sortilèges… Je commence dès la semaine prochaine.
-- Déjà ? interrompit Tonks. Tu m'avais pas dit ça !
-- Et alors ? demanda Augusta. Tu travailleras où ?
Bill rougit et regarda sa petite amie d'un air gêné.
-- Ils m'envoient au Pérou. Ramasser les trésors des anciens Incas.
Augusta comprenait mieux la contrariété qui se peignait sur le visage de Tonks. Elle avait probablement espéré profiter de son Bill tout l'été. Au lieu de ça, il partait à l'autre bout du monde, la laissant se morfondre à Poudlard.
Elle la comprenait mieux qu'elle ne pourrait jamais lui avouer.
Augusta dévia le sujet vers la Coupe des Maisons dont ils auraient le résultat le soir même – ce serait encore Serpentard, à moins d'un miracle. Sujet désagréable mais moins sensible que la carrière de Bill.
Quand Augusta dit au revoir à l'aîné des Weasley, le lendemain, elle le serra longuement contre elle. Combien de temps s'écoulerait-il avant qu'elle le pût le revoir ?
Chapitre douze by Morgwen
Une semaine après le début des vacances, un hibou se posa devant elle, un parchemin officiel accroché à la patte.
Ses résultats de BUSE !
Augusta brisa le sceau avec empressement pour trouver la lettre suivante :

BREVET UNIVERSEL DE SORCELLERIE ÉLÉMENTAIRE
Le candidat est admis s'il obtient l'une des notes suivantes :
Optimal (O)
Effort exceptionnel (E)
Acceptable (A)

AUGUSTA PYE A OBTENU :
Métamorphose : O
Astronomie : A
Potion : O
Sortilèges : E
Histoire de la Magie : A
Défense Contre les Forces du Mal : E
Botanique : O
Soin aux Créatures Magiques : A
Anciennes Runes : E

Elle avait obtenu tous ses BUSE. Il faudrait qu'elle envoyât un hibou à Charlie et Tonks pour connaître leurs résultats.

-- En sixième année, tu as beaucoup moins de cours.
Augusta avait réussi à convaincre Severus Rogue de sortir profiter du temps magnifique de juillet. À croire que cet homme ne voyait jamais le soleil ! Elle comprenait d'où venait la rumeur courant parmi les élèves qui faisait de lui un vampire.
-- Tu peux continuer à suivre les cours pour lesquels tu as obtenu des résultats suffisants à tes BUSE. Certains professeurs comme Flitwick considèrent qu'un A est suffisant mais je pense qu'il est inutile de se lancer dans des cours d'ASPIC de Potion si on n'a pas obtenu un O à ses BUSE.
-- Vous écrémez sérieusement la promotion, Severus.
-- Tant mieux ! Cette année, sur trente élèves, vingt-sept ont réussi leur BUSE de potion. Imagines-tu essayer de faire un cours pratique avec vingt-sept élèves dans la salle ?
-- Les maisons sont donc mélangées ?
-- Oui. Mais seuls cinq élèves ont le niveau requis pour continuer les cours de Potion, heureusement…
Augusta s'était plusieurs fois demandé pourquoi Severus avait choisi le métier d'enseignant. Lui qui détestait généralement ses élèves…
-- Vous disiez qu'il y avait moins de cours ?
Ils avaient atteint le bord du lac et Severus se baissa pour ramasser un galet qu'il lança dans l'eau. Un long tentacule surgit, frappa le caillou au vol qui manqua de peu leurs têtes, et replongea dans l'eau froide.
-- La plupart des élèves ne suivent que trois ou quatre matières pour leurs ASPIC. Ce qui leur laisse du temps du temps libre pour réviser et travailler sur leurs devoirs à rendre. Ils peuvent également suivre des cours de rattrapage avec des élèves plus âgés.
-- Des cours donnés par d'autres élèves ? s'étonna Augusta.
-- Certains septièmes années choisissent de gagner un peu d'argent ainsi. C'est un bon entraînement s'ils se destinent à l'enseignement. De plus, nous avons parfois des sorciers qui suivent leurs études supérieures à Poudlard.
-- Vraiment ? Je n'en ai jamais vu.
-- C'est qu'il n'y en a pas eu depuis six ans.
Augusta s'aperçut que le front de Severus était couvert de sueur. Pas étonnant ! Plus habitué à la fraîcheur des sous-sols, il devait cuire à petit feu dans cette longue robe noire. De son côté, Augusta portait une fine robe blanche qui brillait sous le soleil.
Un sourire espiègle apparut sur le visage de la sorcière que Severus ne manqua pas de remarquer.
-- Augusta ? commença-t-il avant qu'une rude bousculade ne l'envoie rejoindre le Calmar Géant.
Elle éclata de rire en voyant le pauvre homme se relever, sa robe trempée pesant sur lui, ses longs cheveux ruisselants tombant sur son nez et son visage ayant enfin quitté son masque de neutralité.
D'ailleurs, ses traits reflétaient une fureur qui se transforma rapidement en incrédulité quand Augusta ôta sa robe, dévoilant un bikini. Sa bouche était encore entrouverte quand elle plongea au milieu des eaux.

Ma petite Gus
Bravo pour tes résultats de BUSE ! Quoi que je dois dire que je ne suis pas tellement impressionné ! J'aurais été très surpris si tu avais eu des mauvaises notes…
Moi, j'ai seulement raté l'Histoire (voilà qui est étonnant !). Sache que j’ai eu un E en Potion (grâce à toi), j’espère que tu es fière de moi.
Tonks a passé la première semaine des vacances à la maison, donc je connais ses résultats : elle a eu toutes ses BUSE sauf celui la Divination, ce qui ne l’a pas tellement contrariée.
Bill est parti avant-hier. J'avais peur que Tonks ne fasse une scène devant mes parents (ils ne sont pas au courant pour eux-deux) mais elle n'a rien dit du tout. Je ne sais pas si c'est mieux, finalement. J'ai parlé avec lui avant son départ et il semblerait que Tonks et lui aient décidé de rompre. Ils ne veulent pas se promettre fidélité alors qu'ils ne se verront pas pendant longtemps. Je ne suis pas vraiment d'accord avec cette façon de voir les choses mais c'est leur choix, pas le mien.
Je suppose qu'il est inutile de t'inviter à passer mon anniversaire chez moi… Je propose tout de même (on ne sait jamais). Tu me manques, tu sais…
Passons aux nouvelles de la famille. Ginny commence à apprendre à écrire. J'ai bien peur qu'elle ne subisse l'influence de Fred et George : elle utilise plus sa plume pour chatouiller Ron que pour tracer des lettres.
Percy, lui, est devenu insupportable. Autant je pouvais l'éviter à Poudlard, autant c'est difficile à la maison. Surtout qu'il a des devoirs d'été à faire et que Maman m'a demandé de l'aider. Et je dois l'écouter m'expliquer à quelle vitesse il a réussi à maîtriser tel sort ou voir ses magnifiques dissertations qui ont majoré sa promotion. Insupportable, je te dis !
Si seulement les jumeaux pouvaient entrer à Poudlard cette année ! Ils te plairaient, tu sais. Je passe tout le temps que je ne suis pas obligé de consacrer à Percy à jouer au Quidditch avec eux dans le jardin.
Oh non ! Percy m'appelle à propos d'une dissertation d'Histoire… Je suis bien à plaindre, crois-moi !
Bon, j'y vais. Je t'embrasse ma Gus.
Charlie

Augusta avait hâte de commencer sa sixième année. Madame Pomfresh avait accepté de commencer un enseignement officiel de Médication et elle allait apprendre le transplanage. En plus, elle abandonnait l'Histoire de la Magie, l'Astronomie, les Soins aux Créatures Magiques et les Anciennes Runes !
C'était sûr ! Cette année serait meilleure que toutes les précédentes !

Elle était recroquevillée dans son habituel fauteuil, tiré près de la grande fenêtre. La pluie venait frapper la vitre et le son la berçait doucement. Malgré tout, elle s'entêtait à regarder le ciel dans l'espoir d'apercevoir la lune cachée par de lourds nuages noirs.
Seuls les éclairs illuminaient la scène.
Mais obstinée, Augusta cherchait la Lune.

-- … et mon frère m'a dit qu'on pouvait trouver des singulaires dans ces cavernes, alors Cassandra et moi on y a été. Mais à l'entrée, elle a trébuché sur une stalagmite – ou est-ce que c'est une stalactite ? Je sais jamais la différence entre les deux ! – et on a du rentrer à la maison. Maman nous a fait une scène ! J'ai du lui raconter que…
Pendant que Martha racontait ses vacances d'été à qui voulait entendre – et aux autres aussi – Augusta observait Tonks, à la table des Poufsouffle. Elle ne voyait pas grand chose car plusieurs élèves de Serpentard lui cachaient la vue, mais son amie paraissait en forme, radieuse même ! A la voir, on n'avait du mal à croire que le garçon qu'elle aimait était parti loin d'elle pour longtemps.
Plusieurs fois, Augusta se retourna et croisa le regard de Charlie, de l'autre côté de la Grande Salle. Il semblait aussi perplexe qu'elle quant à l'attitude de Tonks.
Tant mieux, après tout, pensait Augusta. Pourquoi la voudraient-ils malheureuse ?
-- … et ce château était rempli de fantômes. Les fantômes écossais sont vraiment agressifs, croyez-moi ! Je suis sûre que le Baron Sanglant est écossais ! Y en a un qui a menacé ma mère de venir l'étrangler dans son lit. Bien sûr, Maman sait bien que les fantômes ne peuvent pas nous faire de mal…
Le festin était vraiment délicieux cette année. L'estomac d'Augusta était plein avant même de s'attaquer au dessert. Elle commençait à se sentir somnolente et ne désirait rien tant qu'un petit expresso avant d'aller se coucher. Depuis combien d'années n'avait-elle pas avalé un vrai café et pas ce que les anglais servaient sous ce nom ? Depuis qu'elle avait quitté la France… Presque sept ans !
Subitement, elle fut prise d'un désir presque violent de revoir son pays natal, son petit village du Finistère, la maison de ses grands-parents avec leurs chevaux, la Mer d'Iroise, même son vieux lycée de Brest… Cinq années entières qu'elle vivait dans cette prison qu'était Poudlard ! Et combien d'années encore ?
Heureusement, ses pensées nostalgiques furent interrompues par le silence qui se fit dans la Grande Salle. Elle leva les yeux pour voir Dumbledore se lever. Il avait fait son discours de rentrée avant le début du repas ce qui ne pouvait signifier qu'une chose.
-- Maintenant que tout le monde est bien repu, il est temps pour tous d'aller se coucher pour avoir des forces pour les cours de demain matin. Bonne nuit.
Tous les élèves se levèrent avec ensemble et commencèrent à se diriger vers les portes. Restée assise, Augusta aperçut les Préfets de chaque maison prendre en charge les premières années. Elle vit aussi Charlie interpeller Tonks à la sortie et l'entraîner avec lui. Les professeurs sortirent les uns après les autres sans lui jeter un regard.
Severus Rogue s'arrêta à sa hauteur.
-- Augusta ? Tu devrais aller te coucher.
-- Dans une minute, Severus.
Il se contenta d'acquiescer et de lui souhaiter une bonne nuit.
Finalement, il ne resta plus que Dumbledore qui n'avait pas plus quitté sa place qu'elle. Il lui fit signe de venir le rejoindre et elle se leva.
-- Vous n'avez pas sommeil Augusta ? lui demanda-t-il avec un sourire et ce regard bienveillant qui n'appartenait qu'à lui quand elle s'assit à son côté.
-- Si mais… je ne pourrais pas dormir maintenant.
-- Et pourquoi donc ?
Le vieux sorcier ne se contentait pas de faire la conversation, elle le savait. Il était vraiment intéressé par son bien-être.
-- Je pensais à chez moi…
-- J'avais espéré que vous commenciez à considérer Poudlard comme chez-vous, Augusta, fut sa réponse.
Augusta réfléchit un instant.
-- En un sens, oui, dit-elle après un moment. Poudlard est ma maison. Mais on n'apprécie vraiment sa maison que lorsqu'on la quitte. Quand j'étais enfant, j'ai appris à aimer la Bretagne en voyant comment était le monde loin d'elle. Mais je suis retenue ici, sans savoir si je pourrai un jour partir…
Dumbledore se contentait de la regarder sans rien dire.
-- Mais si je pouvais partir, visiter d'autres endroits, reprit-elle, il est probable que le château me manquerait et que je reviendrais ici plutôt qu'ailleurs…
Un long silence suivit ces paroles. Augusta craignit un moment avoir vexé le sorcier en dénigrant ainsi son école.
-- Et le goût du café à la française me manque, ajouta-t-elle avec un sourire forcé.
Sur ce, elle se releva, lui souhaita une bonne nuit, et sortit.
Dans son lit, elle rêva que Remus lui faisait l'amour dans la marée montante.

Le surlendemain matin, la poste apporta à Augusta une lettre de Remus. Elle sourit en voyant que l'enveloppe qui la contenait paraissait bien remplie. Ces derniers temps, Remus avait été plutôt laconique dans ses nouvelles. En fait, il ne lui donnait pas vraiment de nouvelles, se contentant de répéter qu'il allait bien et qu'il pensait à elle. Mais depuis plusieurs mois, elle n'avait aucune idée de la manière dont il vivait.
Apparemment, il avait décidé de ne plus la laisser dans l'ignorance !
Comme à son habitude, elle glissa la lettre dans son sac, la gardant pour plus tard quand elle aurait le loisir d'être seule. Elle se leva de table et fut rapidement rejointe par Charlie et Tonks.
Tous trois, ainsi que tous les autres sixièmes années, suivaient ce matin leur premier cours de transplanage. En attendant l'arrivée du formateur, ils flânèrent dans le hall d'entrée.
-- Au fait, Charlie, demanda Tonks. Ton gardien, Peter, est parti, non ?
-- Oui, on va devoir en choisir un nouveau, soupira Charlie. Mais quand je vois les Gryffondor, je me demande bien qui on va pouvoir prendre ! J'ai l'impression que c'est pas encore cette année qu'on va battre Serpentard…
-- Allez, ne désespère pas ! lui dit Augusta en lui tapotant l'épaule. Avec un peu de chance, tu trouveras la perle rare.
-- Mouais… Je peux toujours rêver… grommela le garçon.
Il s'interrompit en apercevant le sorcier pâle qui venait d'apparaître dans l'encadrement de la grande porte.
Leur leçon de transplanage allait commencer.

Le cours de transplanage dura la matinée entière et Augusta ne réussit à s'éclipser qu'un moment avant d'aller déjeuner. Semant Charlie et Tonks – elle aurait à le payer plus tard ! – elle rejoignit son ancien appartement, verrouilla la porte derrière elle et ouvrit enfin l'enveloppe qui lui trottait dans la tête depuis le petit-déjeuner.
Mais, si les nouvelles étaient plus consistantes que d'habitude, elles n'étaient pas bonnes.
A la précédente Pleine Lune, une horde de loups-garous avait ravagé plusieurs habitations de la ville de Petra, faisant plusieurs victimes. Bien sûr, Remus prenant toujours soin de s'enfermer avec toutes les protections possibles, il n'était pour rien dans le drame. Mais cela ne l'empêchait pas d'être touché par le nouveau décret du Ministère Jordanien de la Magie. Les loups-garous, jordaniens ou étrangers, étaient tenus de se rendre dans des « Centres de Protection et Rééducation » qui les tiendraient enfermés là où ils ne pourraient pas blesser la population. Le fait qu'ils fussent inoffensifs vingt-cinq jours sur vingt-huit n'avait pas l'air d'intéresser quiconque…
La population de Petra, jusqu'ici plutôt accueillante envers les lycanthropes était à présent tellement montée contre sa « race » que plusieurs d'entre eux s'étaient fait lapider sur la place principale.
Remus avait fui. Il avait pu n’emporter que très peu d'argent et ne pourrait probablement pas aller bien loin avant de n'être plus même capable de payer de quoi survivre. Au moment où il écrivait, il venait de passer la frontière de l'Égypte mais il savait qu'il ne pourrait pas y rester longtemps. Les Égyptiens acceptaient encore moins les loups-garous que les Jordaniens aujourd'hui. Il lui fallait traverser le pays avant la prochaine Pleine Lune. Il allait essayer de se rendre en Libye. D’ici là, il ne pouvait pas perdre plus de temps et ne pourrait pas lui donner de nouvelles.
Augusta fut atterrée de cette lettre. Comment cela était-il possible ? La situation de Remus allait de mal en pis.
Pourquoi ne pouvait-il pas rentrer en Angleterre ? Bien sûr, il existait de nombreuses lois contre les loups-garous – elle s'était largement documentée sur le sujet – mais il serait tout de même capable de trouver un travail ! Et il serait près d'elle ! Pourquoi refusait-il qu'elle lui envoyât de l'argent, tout son argent, à vrai dire, pour lui payer le voyage ?
Elle ne se rendit pas manger à la Grande Salle ce midi.
Elle n'avait pas faim.

Une fois de plus, Augusta se rongeait d'impatience. Cela faisait deux mois que Remus était parti de Jordanie et elle n'avait toujours aucune nouvelle.
Elle avait souscrit un abonnement à la principale source d'information dans le monde sorcier britannique : La Gazette du Sorcier. Elle y avait trouvé, quelques jours après l'événement, un bref article sur la lycanthrophobie soudaine de Petra et les conséquences gouvernementales du pays et de ses voisins. L'auteur de l'article paraissait de tout coeur avec les nouvelles légalisations anti-loup-garou – anti-monstre, en fait – et prédisait une future tendance semblable en Angleterre. Augusta s'était efforcée de lire la totalité de l'article, se retenant à chaque ligne de se saisir d'une plume et d'envoyer un hibou cinglant au journaliste.
Depuis, elle suivait avec une appréhension grandissante l'évolution de la situation. D'après ce qu'elle lisait en diagonale, Remus ne pourrait plus trouver asile dans la région. Peut-être avait-il déjà été victime de cette folie qui semblait s'être emparée des sorciers du Moyen Orient et d'Afrique du Nord. Mais elle refusait de laisser cette idée faire plus que la traverser.
Elle ne pouvait pas parler de cela avec Charlie ou Tonks. Elle ne se voyait pas en parler avec Madame Pomfresh – qu'est-ce que l'infirmière aurait pu lui répondre ? Elle ne voulait pas en parler avec Severus Rogue. Pourtant, le professeur de potion était le plus à même de comprendre son inquiétude et de la calmer, ne serait-ce qu'en lui proposant de nouvelles expérimentations pour lesquelles la concentration nécessaire lui vidait la tête de ses soucis.
Quant au professeur Dumbledore, il était virtuellement absent du château depuis tout ce temps. Elle ne l'avait pas vu depuis le festin de rentrée.
La seule chose qu'elle avait trouvé pour oublier, c'était de s'épuiser physiquement – par l'équitation ou le vol sous sa forme d'hirondelle – jusqu'à atteindre cet état bienheureux mais temporaire où l'esprit et le corps semblent s'unir dans un vide total.

Toute à ses préoccupations, Augusta ne manqua pourtant pas de remarquer l'inquiétant comportement de Tonks pendant cette période.
Etrange, était plus le terme adéquat, mais Augusta ne pouvait se retenir d'éprouver une certaine appréhension pour son amie.
Depuis l'été, elle ne l'avait jamais entendue mentionner Bill. Quand Charlie parlait de sa famille, Tonks déviait adroitement le sujet pour éviter que la discussion ne tombe sur son frère aîné.
Mais à côté de ça, elle était la même Tonks que toujours, battant son record hebdomadaire de retenues à cause de sa maladresse, révisant avec Augusta en éclatant de rire toutes les cinq minutes, s'attirant autant de regards énervés que de bonnes notes de la part des professeurs… Tonks, comme Augusta la connaissait.
Mais une Tonks qui semblait avoir gommé les trois ans d'existence pendant lesquels Bill avait été l'homme de sa vie.
Augusta ne comprenait pas ce comportement et cela l'inquiétait car elle craignait que tout ce que Tonks renfermait à présent ne finisse par se retourner contre elle. Mais elle n'osait pas lancer le sujet, et devait se contenter d'en parler avec Charlie.
-- Tu réfléchis trop, lui répondait-il. Elle a vraiment l'air heureuse. Et Bill est heureux aussi, là bas. Il adore son boulot. Qu'est-ce qu'il te faut de plus ?
Elle ne savait pas.

Augusta dut attendre le 9 décembre pour que le carcan d'appréhension qui la compressait ne se relâchât un peu. Elle finissait son petit-déjeuner en sirotant un bol de café au lait quand un étrange oiseau au plumage coloré vint se poser devant elle, manquant renverser une cruche de jus de citrouille dans son café.
Elle le regarda un moment éberluée avant de réaliser qu'une lettre à son nom était attachée à une patte de l'étrange facteur. Elle devina d'où elle provenait avant même de reconnaître l'écriture.
Enfin !
Elle s'en saisit, sortit vivement de la Grande Salle déserte à cette heure – on était samedi et la plupart des élèves dormaient encore – et se précipita vers son appartement pour la lire toute à son aise.
Quand elle ouvrit la porte, elle eut sa deuxième surprise de la journée. Une jeune fille – qu'elle reconnut pour être une élève de quatrième année de sa maison dont elle ne connaissait pas le nom – était tranquillement assise dans un fauteuil, toute occupée à fermer la boucle d'une de ses chaussures.
Augusta n'eut pas le temps de se demander comment diable elle avait pu entrer que la réponse fit son apparition.
-- Tiens, bonjour Gus !
Tonks émergeait de la chambre à coucher, un ruban orange à la main.
-- Je l'ai retrouvé, dit-elle à l'autre fille, comme si de rien n'était. Il était tombé sous le lit.
Et elle utilisa le ruban pour attacher tendrement les longs cheveux châtains de la fille qui était devenue écarlate à la vue d'Augusta. Puis, elle la poussa gentiment vers la sortie et l'embrassa fugitivement avec que la porte se refermât sur elle.
-- J'ai fait du thé et il en reste. Tu en veux ? demanda-t-elle à Augusta.
Celle-ci accepta. Elle ne savait pas trop ce qu'elle ressentait le plus à ce moment précis : la surprise, l'indignation pour Bill ou le soulagement de voir que Tonks avait repris sa vie en main. Elle espérait que seul ce dernier sentiment transparaissait.
Tonks avait servi deux tasses et en tendit une à son amie.
-- Moira Enrys, répondit-elle à la question qu'Augusta n'avait pas posée. On sort ensemble depuis cet été.
-- Pourquoi ne me l'as-tu pas dit ?
-- Je savais que toi et Charlie – surtout Charlie – auraient eu du mal à accepter que je remplace Bill aussi vite.
Une bouffée d'indignation ressurgit mais Augusta l'étouffa aussitôt. Elle n'avait pas à juger Tonks. Elle et Bill s'étaient mis d'accord sur ce point et, tant que cela leur convenait à tous deux, elle n'avait rien à redire.
Le regard de Tonks se porta sur l'épaisse enveloppe qu'Augusta tenait encore à la main.
-- Mais je crois que je ne suis pas la seule à cacher des choses, reprit-elle avec un vague mouvement en direction de la lettre de Remus. Elle se leva, passa dans la chambre et était revenue avant qu'Augusta eut eu le temps de se demander ce qu'elle était partie faire. Elle tenait à la main une photo qu'Augusta reconnut aussitôt.
Elle avait la même encadrée sur sa table de nuit.
Une pâle jeune femme aux longs cheveux ondulés auburn et aux yeux noirs profonds, dans une longue robe blanche, souriait largement à un homme du même âge dont le regard gris-bleu irradiait de douceur et d'amour. Tous deux étaient rayonnants de bonheur au bord du lac de Poudlard et baignés dans la lumière du soleil couchant.
Inconsciemment, Augusta porta la main à sa poitrine où était suspendue son alliance, cachée sous ses vêtements.
-- Qui est-ce ? demanda Tonks.
Elle ne répondit pas.
-- Je pensais que toute ta famille était moldue, reprit Tonks. Pourtant, cette femme te ressemble comme deux gouttes d'eaux. On dirait toi dans quelques années.
Elle ne croyait pas si bien dire.
-- Et tu disais que tu avais trouvé cet appartement par hasard ! Comment se fait-il qu'on y trouve des partitions de violon, des livres en français et des pelotes de laine ?
Augusta ne répondait toujours pas. Elle n'était pas prête à partager son secret avec ses amis. Elle ne voulait pas leur admettre qu'elle leur avait menti toutes ces années.
-- J'ai toujours su que tu étais différente de nous… murmura pensivement Tonks après un long moment de silence. Quand on était gamins, surtout… Mais là, y a quelque chose qui m'échappe…
Un nouveau silence s'étendit sur elles. Tonks regardait Augusta fixement avec une expression pensive.
-- Tu ne diras rien, n'est-ce pas ?
-- Je ne peux pas… souffla Augusta d'une voix triste.
Inutile de nier qu'il y avait quelque chose…
-- Un jour, peut-être, je pourrai te raconter.
Tonks hocha la tête.
Elles finirent leur thé sans une parole de plus. Alors Tonks se leva, ramassa ses affaires et sortit sans se retourner. Augusta la regarda partir, un poids s'alourdissant dans sa poitrine. Elle se demandait à quel point Tonks était blessée par son refus de lui raconter la vérité.
Elle en avait presque oublié la lettre de Remus qui gisait, toujours scellée, entre les tasses vides.

Mon amour
Pardonne-moi de t'avoir laissée si longtemps sans nouvelles. Ma pauvre Swan a été abattue alors que je traversais la Libye. Tuée sur le coup par une arme moldue. Je n'ai rien pu faire pour la sauver. Depuis, il m'a été impossible d'envoyer la moindre lettre car je n'avais pas les moyens de louer les services d'un autre hibou sur une si longue distance.
J'ai eu de nombreuses difficultés à trouver un lieu sûr car les loups-garous ne sont pas vraiment en odeur de sainteté ces derniers temps. Il est inutile que tu connaisses les détails de mon voyage, je ne veux pas t'inquiéter davantage pour rien. Mais sache que je me suis installé, au moins pour un temps, dans un petit village de l'Île Maurice, dans l'Océan Indien.
Je ne sais pas comment il y est parvenu mais Dumbledore a réussi à me contacter. Il a même voyagé jusqu'ici pour me voir. C'est grâce à lui que j'ai pu t'envoyer cette lettre. Il m'a également prêté de quoi payer un portoloin vers l'Angleterre.
Je vais pourtant rester ici encore quelques temps, au moins jusqu'à ce que la prochaine Pleine Lune soit passée. Les Mauriciens ne sont pas encore atteints de la lycanthrophobie qui s'étend dans les autres populations sorcières.
D'après Dumbledore, la situation n'est guère réjouissante en Angleterre. La Sous-Secrétaire d'État a fait passer plusieurs lois depuis que je suis parti qui ne vont pas m'aider à trouver du travail. Si tu n'y étais pas, je n'aurais aucun remord à ne jamais remettre les pieds dans mon pays…
Dès que je serai en Angleterre, je te préviendrai, d'une manière ou d'une autre. Je suis certain que nous pourrons nous voir. Après tout, bien des années ont passé et, quoi que ton alliance ne t'aille toujours pas, tu es presque redevenue celle que j'ai épousée.
Je ne te laisse pas d'adresse où m'écrire car je ne pense pas y rester assez longtemps. De toute manière, je n'ai qu'à regarder mon alliance pour te sentir près de moi et savoir si tu vas bien.
A très bientôt mon amour.
Remus

Augusta n'aurait su dire combien de fois elle avait lu et relu la dernière lettre de Remus. Des milliers, tout au moins !
Au début, la seule chose qu'elle put comprendre était l'annonce de son retour.
Elle savait qu'elle le reverrait. Même si Dumbledore refusait de la laisser sortir, il accepterait d'accueillir Remus au château, au moins quelques temps. Au pire, elle ignorerait les risques et s'enfuirait de Poudlard sous sa forme d'oiseau pour rejoindre son mari. Dans tous les cas, elle serrerait Remus dans ses bras avant la fin de cette année.
Après s'être réjouie, elle ressentit une certaine irritation. Dumbledore avait vu Remus. Pourtant, Dumbledore qui avait réapparu aux heures de repas dans la Grande Salle ne lui en avait soufflé mot. De plus, Remus avait accepté l'argent du directeur alors qu'il avait toujours refusé le sien. Elle aurait voulu en discuter avec Dumbledore mais celui-ci semblait mystérieusement disparaître chaque fois qu'elle tentait de se rapprocher de lui.
Enfin, lors de ses dernières lectures, un détail la laissa perplexe. Comment Remus savait-il que son alliance – qu'elle continuait d'essayer toutes les semaines – ne lui allait toujours pas ? Elle n'avait jamais mentionné cette promesse à quiconque… Excepté Dumbledore, avait-elle subitement réalisé ! Oui, Dumbledore avait dû remarquer qu'elle ne la portait pas au doigt et l'avait dit à Remus. Mais de quoi se mêlait-il donc ? Même si les anneaux avaient été à sa taille, elle les aurait conservés autour du cou. Trop d'interrogations auraient été soulevées par ses amis…

Une certaine gêne s'était installée entre Augusta et Tonks depuis ce matin où elles s'étaient croisées dans l'appartement. Aux yeux extérieurs, rien n'avait changé – Charlie ne s'était rendu compte de rien – mais Augusta ressentait un léger éloignement, une rancoeur de la part de son amie. En tout cas, elle lui était reconnaissante de n'avoir pas fait part de ses doutes à Charlie.
Après avoir été surprise en compagnie d'une autre fille, Tonks avait avoué sa relation à Charlie. Elle préférait probablement que l'information vînt d'elle plutôt que d'Augusta. Comme elle l'avait prévu, le garçon prit très mal la chose. De son point de vue, c'était tout simplement de l'infidélité à son frère, ce qu'il ne pouvait pas pardonner si facilement.
Quand les vacances de Noël arrivèrent, l'ambiance entre les trois amis était donc très tendue et, pour la première fois, Augusta était soulagée de se séparer d'eux.

Il faisait véritablement un temps de chien. Si l'un des rares habitants du château regardait par une fenêtre, tout ce qu'il pouvait apercevoir était une masse blanche tourbillonnant tantôt dans une direction, tantôt dans une autre.
Depuis trois jours que la tempête de neige s'était installée sur Poudlard, Augusta hantait la bibliothèque. C'était probablement le seul endroit où l'on n'entendait pas le vent hurler.
Soupirant à l'idée de la dissertation de Métamorphose qu'elle se préparait à rédiger, elle errait dans les rayonnages à la recherche de documentation. Un livre épais de l'autre côté de la rangée attira son regard. De sa position, elle ne pouvait pas en lire le titre, mais il lui semblait familier.
Elle se rapprocha et reconnut l'ouvrage immédiatement : La lignée de Morgane leFey. Elle se souvenait l'avoir feuilleté en première année et avoir été interrompue par Charlie et Bill. Oubliant sa dissertation, elle s'en saisit et revint à la table où elle s'était installée pour travailler.
Le livre paraissait très ancien. Sa couverture était en cuir noir marqué de multiples rides et son titre en lettre dorée avait un aspect terni. Les mains tremblantes, elle l'ouvrit.
Sur la première page, on retrouvait le titre ainsi que quelques mots indiquant le contenu. L'encre était d'un noir profond et pourtant paraissait effacée, comme si elle avait été tracée des siècles auparavant.
La page suivante commençait l'arbre généalogique. Le nom de Morgane régnait tout en haut, entouré d'ornements représentant une magnifique feuille de saule. De cette feuille, partaient de fines lignes vers le bas. A chacune de ces lignes était accrochée à mi-chemin une autre feuille, plus petite et moins décorée, sur laquelle était inscrit le nom d'un homme. Sur la première, Augusta put lire Merlin tandis qu'une autre portait Arthur. Toutes les lignes aboutissaient chacune à une autre feuille, laquelle se joignait à une feuille d'homme pour créer une nouvelle descendance féminine. Seule la lignée d'Arthur paraissait s'éteindre avec Mordret.
Augusta suivit du bout du doigt plusieurs de ces lignées et réalisa que toutes s'achevaient par la naissance d'héritiers mâles. A croire que le sang de Morgane ne se transmettait que par les filles.
Elle finit par se lasser de cet exercice et sauta directement à la dernière page où elle savait trouver une autre de ces petites feuilles contenant son ancien nom.
Effectivement, elle trouva sa feuille, liée à celle de Remus. Mais en regardant de plus près, elle vit également quelque chose qu'elle n'avait pas remarqué la première fois qu'elle avait ouvert le livre : du lien entre les deux feuilles partait une ligne, encore plus fine que les autres, qui s'arrêtait court avant qu'une nouvelle feuille fût créée.
Dans ce livre, le lien qui l'unissait à Remus n'était pas celui du mariage, c'était la conception d'une enfant qui n'avait pas vécu assez longtemps pour recevoir un nom.
Augusta porta ses mains à son ventre…

Severus Rogue, s'inquiétant de pas voir Augusta au dîner ce soir-là, vint la chercher dans le dernier endroit où il l'avait vue. Il la trouva recroquevillée sur elle-même, les mains agrippées à sa robe au niveau de son ventre, pleurant à chaudes larmes la perte de sa fille bien des années auparavant.

A la rentrée scolaire, Charlie avait pardonné à Tonks après une longue discussion avec son frère qui était rentré pour les vacances. Tonks avait pardonné à Augusta et avait décidé que ce qu'elle cachait ne l'empêchait pas d'être la fille géniale qu’elle aimait tant.
La vie reprit donc son cours comme si de rien n'était.
Remus avait envoyé une nouvelle lettre de l'île Maurice. Il allait finalement rester encore quelques mois là-bas mais serait de retour dans le pays début avril. Il ne donnait pas d'explication sur ce délai mais Augusta soupçonnait Dumbledore d'avoir quelque chose à voir avec tout cela, sans bien savoir pourquoi.
Fin mars, Tonks leur avoua que Moira avait rompu avec elle. Peut-être en avait-elle eu assez de la maladresse de Tonks, pensa Augusta. Elle s'imagina sa pauvre amie trébucher et venir frapper le nez de Moira quand elle voulait l'embrasser. Cela aurait expliqué les fréquents bleus qu'elle avait remarqués chez la jeune fille depuis qu'elle savait qu'elle sortait avec Tonks. Bien sûr, elle ne proposa pas cette hypothèse à Tonks.

Le 4 avril, un petit hibou – de ceux qu'on trouvait dans les postes anglaises pour les courriers de courte distance – vint se poser dans le bol de café d'Augusta au petit-déjeuner.
Heureusement la sorcière venait de le vider et la lettre que l'oiseau apportait ne reçut que quelques taches sans importance.
Cette lettre était de Remus et portait en en-tête la date de la veille et une adresse à Newcastle.
Il venait d'arriver en Angleterre et s'était installé dans une maison de moldus inoccupée mais qui tombait en ruine. Sans grand revenu, il aurait de grandes difficultés à la remettre en état mais y parviendrait pour y accueillir sa femme un jour. Ce serait bientôt les vacances scolaires et il espérait en profiter pour venir la voir à Poudlard. Il allait demander à Dumbledore et espérait qu'elle ferait la même démarche de son côté.
Si proche…
Les vacances commençaient juste après son anniversaire. D'ici à deux semaines, elle aurait revu Remus.

Le 13 avril arriva sans qu'Augusta eut pu trouver le moyen de parler à Dumbledore. Remus lui avait écrit à nouveau mais il n'avait encore aucune réponse du directeur.
Elle dut donc fêter son anniversaire sans savoir comment elle allait réussir à voir Remus.
Cette année était celle de ses trente ans et soit symbolisme du nombre, soit présence de Remus tout près, elle fut prise d'une intense nostalgie en soufflant ses bougies. Alors que Charlie coupait le gâteau – ils refusaient tous deux de laisser le couteau entre les mains de Tonks – elle pensait à cette fine ligne descendant de son nom dans son arbre généalogique.

-- Pourquoi ?
C'était une Augusta hors d'elle qui avait enfin réussi à coincer Dumbledore pour lui parler. Depuis des semaines, elle avait essayé de lui demander l'autorisation de faire venir Remus au château ou de la laisser sortir. Et tout ce temps, le vieux sorcier s'était défilé.
Remus n'avait pas obtenu plus de succès qu'elle. Il avait trouvé un travail mal payé à Newcastle et utilisait une bonne partie de son salaire à louer les services de hiboux vers Dumbledore et Augusta. Mais le directeur avait jusqu'ici refusé de laisser les deux époux se retrouver.
Finalement, elle avait surpris Dumbledore en pleine conversation avec Severus Rogue dans le bureau de ce dernier et avait insisté pour lui parler avant qu'il eut pu s'échapper.
Mais il lui avait renvoyé un refus sans appel. C'est alors qu'elle avait perdu son sang-froid et avait hurlé ce mot devant un Severus complètement médusé.
-- Ma chère Augusta, répondit Dumbledore de ce ton calme dont il ne se départait jamais. On dit bien que l'amour rend aveugle. Et votre obsession à revoir Remus vous fait oublier vos situations à tous deux ainsi que tout ce qui est mis en jeu.
Cette explication n'expliquait rien du tout, ce qu'Augusta ne manqua pas de rétorquer d'une voix pleine de colère. Mais Dumbledore n'ajouta pas un mot de plus et sortit sous le regard plein d'éclairs de la sorcière.
Elle mit un certain temps avant de réaliser que Severus lui parlait.
-- Pardon, dit-elle d'un ton encore brûlant de colère. Je n'écoutais pas.
-- Je disais simplement que je ne t'avais encore jamais vue ainsi, répéta le Maître de Potion. Je ne l'aurais jamais cru possible.
-- Il y a des choses qui me tiennent vraiment à coeur, Severus, répondit-elle froidement. Et m'en priver sans raison…
Elle ne finit pas sa phrase et sortit en claquant la porte derrière elle.

Heureusement, les examens de fin d'année commençaient le lendemain et Augusta, se jetant à corps perdu dans le travail, put se changer les idées. Elle avait toutefois prit une décision qu'elle accomplirait sitôt ses amis partis. Que Dumbledore le voulût ou non, elle retrouverait Remus.
Chapitre treize by Morgwen
Elle avait enfilé la robe dans laquelle elle s'était mariée. Autour de son cou, comme toujours, son alliance se balançait au bout de sa chaîne. Elle s'était contemplée un long moment dans son miroir, sa photo de mariage à la main.
Elle ne faisait pas ses trente ans, mais elle faisait plus que ses dix-sept ans.
Elle était prête à le retrouver.

L'aube se levait quand elle atteignit la Volière. Elle avait parcouru le chemin le coeur battant, craignant de croiser quiconque. Elle s'approcha d'une fenêtre et regarda un moment vers le Sud-Est, où elle pensait se situer Newcastle. Ouvrant les bras, elle sauta dans le vide.
Jamais elle n'avait été si heureuse de voler. Elle profita de la sensation familière un long moment avant de prendre la direction de Pré-au-Lard qu'elle apercevait au loin. De là, elle trouverait bien une indication du chemin à suivre.
Elle allait passer au-dessus des hautes grilles du château quand un immense oiseau lui barra la route et elle vint le percuter tête baissée. Sonnée, elle se sentit tomber sans avoir la force de battre des ailes. Mais elle n'eut pas le temps de réaliser ce qu'une telle chute signifiait qu'elle se sentit saisie à bras le corps par quelque chose de dur comme l'acier. Retrouvant ses esprits, elle leva les yeux et vit avec horreur que le grand oiseau rouge et or la tenait dans son bec pointu.
Elle devait se transformer ! Mieux valait risquer de s'écraser au sol que de finir dans un estomac ! Mais elle ne parvenait pas à se concentrer assez pour reprendre sa forme humaine. Elle se mit à se débattre mais ne réussit qu'à se déboîter l'épaule dans un faible cri. Elle voyait que l'oiseau avait reprit la direction du château. Il nichait probablement sur les toits et l'emportait pour nourrir ses petits.
Eut-elle été sous sa forme habituelle, elle aurait fondu en larmes devant son impuissance.

Quelle ne fut pas sa surprise quand le grand oiseau passa une fenêtre et vint se poser dans un bureau qu'elle reconnaissait pour y être venu une fois six ans auparavant. Alors seulement le bec s'ouvrit la laissant choir doucement sur le sol. Dans un battement d'aile, l'animal rejoignit un perchoir et se mit à picorer dans un réservoir de bronze sans la quitter des yeux.
Augusta reprit sa forme et s'assit sans plus de façon dans le fauteuil de Dumbledore. Elle frottait son bras endolori par la pression du bec de l'oiseau du directeur, son ressentiment grandissant alors qu'elle comprenait le rôle de l'animal.
Dumbledore l'avait visiblement chargé de la surveiller, de l'empêcher de sortir des terres de Poudlard. Et le pire, selon elle, c'est qu'il avait réussi.

Pendant combien d'heures resta-t-elle dans ce bureau, elle n'en savait rien. Elle avait évidemment essayé d'ouvrir la porte et de repasser la fenêtre, sans succès.
Le regard de l'oiseau rouge et or augmentait lentement sa rancune envers Dumbledore.
Finalement, des pas se firent entendre de l'autre côté de la porte. Augusta sauta sur ses pieds, contourna le bureau et se planta devant l'entrée, les bras croisés et un air fier et décidé sur le visage.
Quand le vieux sorcier à la barbe de neige apparut, elle resta immobile une longue minute. Mais le regard bleu empli de pitié brisa sa retenue et elle se jeta sur lui. Bien plus petite que lui et avec l'épaule blessée, les coups qu'elle lui portait n'avaient pas l'air de faire le moindre mal à Dumbledore et cela ne fit qu'accroître sa fureur au point qu'elle éclata en sanglots.
-- Pourquoi ? Pourquoi ? gémissait-elle tandis que ses coups de poing se faisaient de plus en plus espacés et faibles. Vous n'avez pas le droit !
Elle finit par tomber au sol, les pleurs l'envahissant tant que ses paroles devenaient incompréhensibles, tant pour le directeur que pour elle-même.
-- Prisonnière… Ma fille… Mangemort… Laissez sortir… Remus…
Ses larmes finirent par se tarir sans que Dumbledore eut prononcé le moindre mot. Alors, la porte s'ouvrit à nouveau et un autre sorcier fit son entrée. Il se baissa vers elle, la prit par les épaules et la releva.
-- Viens Augusta…
Et elle se laissa entraîner par Severus Rogue.

Severus l'avait conduite à l'infirmerie où, Madame Pomfresh étant absente pour les vacances, il lui prodiguerait lui-même les premiers soins. Augusta ne souffrait que d'une épaule déboîtée et de quelques contusions, blessures dues à ses tentatives de se libérer de l'emprise de l'oiseau de Dumbledore.
Encore sous le coup de la fureur, elle était totalement indifférente à ce qui se passait autour d'elle. Le maître de potions dut répéter plusieurs fois avant qu'elle saisît ses paroles.
-- Il faudrait que je mette ton épaule à nu pour l'examiner, disait-il.
Dans l'état d'esprit où elle se trouvait, la prévenance de son ami l'exaspéra. Elle n'avait pas besoin de lui. Elle ne voulait qu'une chose : sortir de Poudlard et cela lui était brutalement refusé. Sûrement, Rogue avait aidé Dumbledore à la garder prisonnière.
Alors elle croisa le regard indigné et inquiet de Severus et une partie de sa colère s'évanouit.
Elle était injuste envers lui. Elle savait qu'il partageait une partie de sa peine, qu'il l'eut laissé partir si cela n'avait tenu qu'à lui. Elle se moquait bien de ses quelques douleurs mais décida de le laisser la soigner pour le rassurer.
Elle haussa donc les épaules d'indifférence en réponse à sa question mais ce geste anodin lui envoya un frisson douloureux dans le bras.
Severus déposa alors plusieurs onguents et breuvages sur la table de chevet, approcha sa chaise de son lit de manière à faire face au dos de la jeune femme puis sembla hésiter.
Augusta tourna légèrement la tête pour voir ses mains à demi tendues vers les lacets qui fermaient sa robe.
-- Décidez-vous, Severus, ou on y sera encore à la Saint-Glinglin ! lui dit-elle d'un ton plus agressif qu'elle ne l'eût souhaité.
Bien que le sens exact de l'expression lui échappât probablement, le sorcier commença à lentement délacer le haut du vêtement. Quand il l'eut ouvert jusqu'au bas des côtes, il tourna légèrement Augusta et, tirant doucement sur le pan de tissu, dénuda son épaule gauche.
Lorsqu'il posa ses doigts froids sur sa peau, elle ne put réprimer un nouveau frisson qui cette fois n'avait rien à voir avec la douleur. Il fit glisser sa main sur l'épaule, suivant la forme des os, pour juger de la gravité de la blessure.
Augusta ferma les yeux et sa colère, ses griefs et sa douleur disparurent momentanément. Elle avait beau savoir que le sorcier ne la touchait que dans un but thérapeutique, elle ne pouvait s'empêcher de sentir chacun de ses mouvements comme une caresse.
Depuis combien d'années n'avait-elle pas été touchée ainsi ?
-- Ce n'est pas bien grave, Augusta.
Elle ouvrit brusquement les yeux, revenant pour un temps à la réalité. La voix de Severus tremblait ; son regard évitait le sien. Avait-il remarqué son trouble passager ?
-- Je doute que tu puisses remettre toi-même ton épaule en place et je n'ose pas le faire, de peur d'aggraver ta blessure. Je vais donc te faire avaler un anti-douleur et te passer ce baume pour éviter à tes muscles de s'habituer à cette position. Ensuite, j'enverrai chercher Madame Pomfresh ou un guérisseur de l'hôpital.
La potion qu'elle but était amère et douce à la fois. Elle sentait le liquide passer dans chaque parcelle de son corps, la détendant et la réchauffant. Elle réalisa à peine que Severus appliquait la pommade sur son épaule. Ses idées paraissaient ralentir et s'adoucir. De Dumbledore l'empêchant de partir, elle passa à Remus l'attendant, puis à Remus la recevant, puis à Remus la prenant dans ses bras, puis aux caresses de Remus sur sa peau, sur cette épaule nue qu'il semblait toucher déjà…
Elle s'endormit dans un sourire.

Severus n'avait pas réussi à joindre Madame Pomfresh mais finit par décider un guérisseur de Sainte Mangouste à se déplacer jusqu'au château. Celui-ci arriva pour le réveil d'Augusta et elle fut instantanément soignée par un sorcier qui grommelait qu'on le faisait décidément se déplacer pour rien.
La potion qu'elle avait bue avait probablement des effets apaisants durables car Augusta, bien qu'elle gardât tout son ressentiment envers le directeur, avait retrouvé son état d'esprit habituel.
Lorsqu'elle reçut une lettre de Remus à qui elle avait raconté sa mésaventure, elle eut néanmoins toutes les peines du monde à se retenir d'exploser à nouveau. Il lui reprochait d'avoir essayé de briser sa parole et ignoré les souhaits du directeur – qu'elle appelait, elle, des ordres – qui ne voulait que leur bien. De plus, il acceptait sans broncher le fait qu'ils ne pussent se revoir pour un temps et lui répétait de garder confiance en Dumbledore qui en savait plus long qu'eux et finirait pas les réunir.
Elle n'aurait jamais imaginé en vouloir à cet homme qu'elle aimait plus que tout et pourtant sa confiance aveugle envers un vieux sorcier, dont elle se demandait sérieusement s'il ne devenait pas gâteux, la mettait hors d'elle.
En résultat, elle ignora Remus pendant le reste des vacances scolaires, se refusant à lire ses lettres et n'envoyant aucune nouvelle. Elle savait qu'il ne s'inquiéterait pas de sa santé ; Dumbledore était là pour le rassurer sur ce point. Mais elle voulait lui faire comprendre qu'elle touchait à ses limites.
Plusieurs fois elle avait réalisé combien son comportement pouvait être puéril. Avait-elle été à ce point influencée par cette deuxième enfance qu'elle réagissait comme une adolescente ? Mais chaque fois, quelque chose était venu la distraire, l'empêchant de courir à sa chambre lire les lettres qui l'attendaient.
Durant ces deux mois, elle passa la majorité de son temps avec Severus Rogue. Parfois ils concoctaient des potions, parfois ils se promenaient au bord du lac, parlant de tout et de rien. Seul un sujet était devenu tabou : ses vies passée et future hors de Poudlard.
Chaque fois qu'elle se trouvait seule avec son ami, Augusta ne pouvait s'empêcher de jeter de fréquents coups d'oeil aux mains du sorcier. Elle se demandait comment elle avait pu ressentir un tel abandon d'elle-même quand il l'avait soignée. Si elle aimait profondément Severus comme un ami, elle savait que ses sentiments n'allaient pas plus loin. Pourtant, le souvenir de ce qui avait tant ressemblé à des caresses la hantait.
Bien sûr, elle ne lui en avait pas soufflé mot mais elle était persuadée qu'il avait deviné ce qui lui passait par la tête, grâce à cette étrange capacité qu'il semblait avoir de toujours voir à travers elle. Il était plus froid depuis qu'il l'avait soignée, et évitait tout contact avec elle.

A la mi-août, le professeur Flitwick vint trouver Augusta pour lui annoncer qu'elle avait été nommée Préfète-en-Chef et la féliciter. Il paraissait extrêmement fier que l'un des Préfets-en-Chef fût un élève de sa maison. Pourtant, se disait-elle, il ne s'écoulait jamais trois ans de suite sans que ce ne fût le cas.
Il lui apprit également que l'autre Préfet-en-Chef était Pâris Fudge, ce crétin raciste de Serpentard, toujours fourré avec Frederique Lockfeet, pas plus sociable que lui. Le moral d'Augusta, jamais très haut depuis un mois et demi, tomba encore plus bas à l'idée de partager des responsabilités avec Fudge. Elle sentait qu'il allait lui en faire voir de toutes les couleurs.
Elle aurait voulu refuser le poste à Flitwick mais celui-ci s'éloignait déjà d'un pas tout guilleret et elle n'eut pas le coeur de le rattraper pour le décevoir.

Le 31 août au soir, Augusta rangeait la chambre qui allait retrouver le lendemain Rose et Martha, ramassant toutes ses affaires éparpillées sur et sous les lits de ces deux camarades, quand son regard tomba sur une large boîte en bois de pin que Tonks lui avait offerte pour son anniversaire deux ans plus tôt.
Dans cette boîte étaient soigneusement rangées toutes les lettres de Remus. Y compris les cinquante-neuf dernières qu'elle n'avait pas lues. Elle posa la chaussure qu'elle tenait à la main et s'approcha de la boîte, hésitante.
Elle était ridicule de ne pas même ouvrir ces lettres… Et s'il lui était arrivé quelque chose ? Et s'il lui annonçait qu'il avait trouvé le moyen de la rejoindre ?
Cette fois, rien ne l'interrompit alors qu'elle posait la main sur le couvercle de la boîte. Elle le souleva et en tira la lettre du haut de la pile, la dernière qu'elle avait reçue, la veille.
Elle décacheta l'enveloppe et déplia le morceau de parchemin avec des mains tremblantes. Il ne portait que trois mots inscrits :
Je t'aime.
Surprise, elle ouvrit la suivante pour y découvrir le même message. La troisième également. Et la suivante aussi.
Des cinquante-neuf lettres qu'elle n'avait pas lues, cinquante-huit se contentaient de ces mots. Chaque jour depuis qu'elle avait cessé de le lire, Remus lui avait écrit qu'il l'aimait. C'était sa seule réponse à tous les reproches qu'elle pouvait lui faire.
Mais cette réponse suffisait.
Elle attrapa un parchemin vierge, une plume et un godet d'encre, et commença à écrire les excuses les plus méritées qu'elle eut jamais eu à présenter.

Le lendemain soir, au moment où les nouveaux élèves pénétraient pour la première fois dans la Grande Salle, l'air émerveillé, Augusta crut un instant voir double. Au milieu de ces enfants étaient deux têtes rousses absolument identiques chuchotant à voix basse l'une à l'autre avec un sourire malicieux. Alors elle comprit à qui ces deux têtes appartenaient.
Les jumeaux Weasley.
Bill, et surtout Charlie, lui avaient tant parlé de Fred et George qu'elle avait l'impression de déjà les connaître. Elle jeta un coup d'oeil à leurs frères aînés qui les regardaient chacun d'un oeil différent. Charlie, malgré le badge de Préfet trônant sur sa poitrine, avait un air attendri qui augurait probablement une relâche de sa surveillance envers ses petits frères. Percy, au contraire, paraissait méfiant et s'attendre au pire. D'après les histoires qu'Augusta avait entendues, il était la tête de turc des deux petits diables.
Elle le sentait, ces nouveaux Weasley risquaient de lui donner du fil à retordre en tant que Préfète-en-Chef…
Les jumeaux furent envoyés par le Choixpeau à Gryffondor comme leurs parents et leurs frères avant eux.
Pauvre Percy…

Le lendemain, 2 septembre, était un samedi. Alors que tous les autres élèves faisaient une grasse matinée bien méritée après le festin de la veille, Augusta s'était levée à l'aube, comme à son habitude, et était entrée dans une Grande Salle déserte pour y prendre son petit-déjeuner. Elle y fut bientôt rejointe par un rouquin, tout aussi matinal, qui s'installa en face d'elle à la table des Serdaigle sans plus de façon.
-- Bonjour Charlie.
Il se contenta de grogner ce qui pouvait passer pour une réponse – et qui passait pour tel quasiment tous les week-ends depuis six ans – et tendit la main vers la carafe de jus de citrouille.
-- Alors, tes frères ont déjà mis la Salle Commune des Gryffondor à feu et à sang ? reprit Augusta.
-- Non non, répondit son ami dans un sourire. Mais on a retrouvé une boule puante dans le dortoir des troisièmes années qui y a été lancé au milieu de la nuit…
-- Le dortoir de Percy… remarqua la sorcière en essayant vainement de réprimer un sourire.
-- Bien sûr, ma position officielle est qu'il n'y a aucun lien avec le fait que Fred et George en ont acheté sur le Chemin de Traverse la semaine dernière. Il s'agit évidemment d'une coïncidence…
-- Évidemment, ajouta Augusta, son sourire s'agrandissant devant le regard malicieux de Charlie.
-- C'est ce que j'ai expliqué aux autres Préfets quand Percy est venu accuser Fred et George sans aucune autre preuve, continuait Charlie, un sourire espiègle qu'Augusta ne lui avait jamais vu sur le visage. Je ne sais pas si c'est parce que Percy cherche plus à faire appliquer le règlement qu'eux et qu'ils ont l'impression qu'il se croit déjà à leur place ou si je suis devenu un orateur hors pair, mais aucun d'eux n'a voulu lui « faire justice ».
Ne pouvant plus se contenir, Augusta éclata de rire, accompagnée par Charlie.
-- J'ai bien peur qu'il ne lui reste plus qu'à faire appel à toi ou Fudge. Il sait que, sans preuve, il ne peut pas se plaindre à McGonagall.
-- Pauvre Percy… réussit à articuler la sorcière, des larmes de rire dans les yeux.

Elle allait annoncer la manière dont elle risquait de recevoir le jeune garçon s'il s'adressait à elle quand elle fut interrompue par l'entrée d'un sorcier dans la Grande Salle. Devant le visage de son amie devenu tout à coup sérieux et même amer, Charlie se tourna et vit Albus Dumbledore tranquillement remonter la rangée de table.
Comme ils étaient les seuls êtres vivants de la salle, le directeur les salua d'un aimable bonjour au passage. Charlie lui répondit de la même manière. Augusta, quant à elle, lui lança un regard froid – regard qu'on retrouvait habituellement dans les yeux de Severus quand il s'adressait à un élève – et lui répondit du bout des dents.
Charlie ouvrait déjà la bouche, probablement pour demander la raison de ce comportement, quand une foule de hiboux firent leur entrée dans la salle. La plupart d'entre eux vinrent se poser sur des chandeliers placés tout près du plafond, attendant patiemment les élèves à qui leurs messages étaient adressés, mais trois oiseaux se détachèrent de la masse et atterrirent plus ou moins gracieusement sur la table des Serdaigle.
Augusta ramassa le vieux hibou qui était tombé au sol de son côté après avoir roulé sur la table et renversé une corbeille de toasts et, le reconnaissant comme le hibou de famille des Weasley, le tendit à Charlie. Elle écarta gentiment Art, le hibou de Bill, perché sur une théière, qui attendait impatiemment de pouvoir remettre sa lettre et s'approcha du dernier oiseau qui lui tendait la patte à laquelle était attachée une enveloppe.
Remus !
Elle retrouva instantanément son sourire et quitta la table brusquement. Charlie, occupé à ranimer Errol, s'interrompit à ce geste et ouvrit à nouveau la bouche pour parler mais Augusta était déjà partie.

Les jours puis les semaines s'écoulèrent tranquillement. Augusta n'avait pas pardonné au directeur mais réussissait à conserver son calme en sa présence. Fort heureusement car elle et Fudge le retrouvaient pour lui faire un rapport sur l'école un mardi sur deux. D'ailleurs, à part son refus de lui laisser voir Remus, Dumbledore n'avait jamais eu que des bontés pour elle. Elle se répétait cela et chaque réunion de Préfets-en-Chef se passait admirablement bien.
Ses autres devoirs, toutefois, étaient loin d'être faciles. En plus de ses habituels devoirs de Préfète et ses travaux scolaires – elle n'oubliait pas qu'elle passait ses ASPIC cette année – elle avait accepté de seconder Severus Rogue pour les cours particuliers des sixièmes années, devait surveiller les Préfets de chaque maison, écouter les plaintes des élèves – Percy Weasley contre ses frères le premier – et, surtout, préparer les plannings des rondes de Préfets. Cette dernière tâche était la plus facile et pourtant c'était celle qui lui donnait le plus de mal. Si elle avait seulement pu s'en occuper seule, elle aurait réussi à établir un agenda qui aurait contenté à peu près tout le monde – sauf bien sûr Orphée qui critiquait tout ce qu'elle faisait dès qu'elle avait le dos tourné – mais le règlement stipulait que les deux Préfets-en-Chef devaient y travailler en coopération.
Et elle devait faire appel à des trésors de patience pour ne pas saisit sa baguette à chaque session et transformer Pâris Fudge en crevette. L'adolescent lui adressait à peine la parole, la regardait comme un prince d'autrefois devait regarder un serf couvert de fumier, laissait souvent glisser des remarques insultantes sur les moldus, les femmes ou les français et ne l'appelait jamais autrement que la « sang-de-bourbe ».
Chaque fois qu'ils avaient ainsi travaillé ensemble – tous les dimanches en fin d'après-midi – elle grimpait à la Volière et se précipitait dans le vide. Elle comprenait comment Charlie pouvait se sentir si détendu après un entraînement de Quidditch alors qu'il devait généralement passer par l'infirmerie. Rien ne la calmait comme la sensation de voler. Elle finissait généralement par entrer par un soupirail de la salle de potions que Severus laissait toujours entrouvert et finissait de se calmer en se lançant dans la préparation la plus difficile qu'elle pouvait trouver.
Charlie et Tonks avaient tous deux remarqué à quel point leur amie était sur les nerfs depuis la rentrée et tentaient, chacun à sa manière, de la détendre.
Charlie l'entraînait dans de longues balades à cheval, quelque fût le temps. Il montait généralement Myrddin et elle Artus. Le domaine de Poudlard était assez vaste pour qu'ils pussent l'explorer pendant des heures sans même s'approcher de la Forêt Interdite.
Tonks, de son côté, lançait des défis à Augusta. C'était à celle qui arriverait la première à maîtriser le sortilège phoebaqua – invocation qui faisait apparaître une bulle de liquide lumineux, très pratique pour les batailles d'eau – qui projetterait le plus d'eau – ou de neige, selon la saison – sur Orphée en une journée, qui étonnerait la première Charlie, qui parviendrait à placer certains mots dans une conversation anodine… De là des fous-rires fréquents entre les deux sorcières.

Noël vint et repartit. Tonks était restée au château tandis que Charlie était rentré pour profiter d'une visite éclair de Bill. Il avait été muté en Égypte et avait reçu un congé d'un mois qu'il passait chez ses parents.
Pendant les vacances, les deux amies se mirent aux duels amicaux. C'était bien les seuls moments où Augusta pouvait voir Tonks perdre sa maladresse. A un point tel, d'ailleurs, qu'elle sortait toujours gagnante. C'en était presque effrayant et Augusta n'aurait pas voulu se trouver en face d'elle le jour où le combat serait sérieux.

A la mi-janvier, Augusta reçut une lettre de Remus qui lui annonçait ce qu'elle considérait comme une terrible nouvelle. Il avait trouvé un petit travail en Cornouailles – c'est à dire à l'autre bout du Royaume Uni – et il partait dès le lendemain. Ce travail, dont il ne précisait pas la nature – il ne lui disait jamais ce qu'il faisait pour vivre – lui laisserait très peu de temps libre et il risquait de moins pouvoir lui écrire.
Il s'éloignait à nouveau. D'accord, ce n'était pas cette fois l'Asie ou l'Océan Indien, mais qu'importe, il s'éloignait. Alors qu'elle continuait à contempler la Lune trois nuits par mois, alors qu'elle ne quittait jamais cette alliance encore trop grande malgré son corps de dix-huit ans, alors qu'elle repoussait violemment les souvenirs d'une main qui avait couru sur son épaule…
Chapitre quatorze by Morgwen
-- Bonsoir Miss Pye. Asseyez-vous, je vous en prie ! Attendez, laissez-moi vous approcher une chaise plus confortable.
Augusta sourit à ce débordement d'amabilité pourtant si habituel chez le directeur de sa maison. Une fois installée, elle vit le minuscule sorcier s'asseoir sur son propre siège qui se souleva d'un mouvement de sa baguette pour amener le visage du professeur Flitwick au même niveau que celui de son interlocutrice.
-- Avant que nous commencions, je voulais vous féliciter pour votre admirable travail de Préfète-en-Chef. Le professeur Dumbledore n'a que des éloges pour vous.
-- Merci professeur, répondit-elle sans rougir, bien trop habituée à ces démonstrations d'enthousiasme pour les prendre au pied de la lettre.
-- Bien bien bien… reprit Flitwick en farfouillant dans les piles de parchemins éparpillées sur son bureau. J'avais préparé ici quelques notes vous concernant.
Car cette visite d'Augusta n'était pas impromptue. Elle était prévue, ainsi que celles des six autres Serdaigle de dernière année dans le cadre du suivi de carrière mis en place quelques années auparavant par Dumbledore. En effet, comme lors de leur cinquième année, les élèves passaient un entretien avec leur directeur de maison pour discuter de leurs projets, de leurs espoirs professionnels, de leurs chances de réussite, de toutes ces choses, enfin, qu'Augusta avait abandonnées en réalisant qu'elle ne sortirait probablement jamais de Poudlard.
-- Je me souviens parfaitement que vous désiriez devenir guérisseuse, continuait Flitwick tout en fouillant parmi ses papiers. D'ailleurs Madame Pomfresh ne tarit pas non plus d'éloges à ce sujet. Par les oreilles du Sphinx, où donc sont passées ces notes ?
Elle se trouvait donc, par un après-midi pluvieux de mars, dans ce bureau pour entendre son professeur de Sortilèges lui proposer une carrière qu'elle ne pourrait jamais suivre. Elle s'imaginait sans peine ce que Remus avait pu ressentir plusieurs années auparavant quand tous ses amis parlaient de leurs futurs métiers auquel il n'aurait jamais la possibilité de postuler.
-- Ah ! Les voici ! annonça un Flitwick triomphant en tirant à lui quelques feuillets de sous un épais livre puis en les secouant vigoureusement devant le nez de la sorcière. Le directeur a prévu quelque chose de particulier à vous proposer et je ne voulais pas risquer de me tromper.
A ces mots, Augusta reporta toute son attention vers le sorcier, surprise. Dumbledore avait-il parlé de sa situation à Flitwick ?
-- Il a remarqué que vous vous entendiez à merveille avec Madame Pomfresh et le professeur Rogue, dit Flitwick qui ne remarquait jamais les changements d'attention de ses interlocuteurs. Il vous propose donc, puisque vous souhaitez devenir guérisseuse, de poursuivre vos études supérieures au château plutôt que dans une autre institution comme Sainte Mangouste. Les diplômes que vous obtiendriez seraient tout aussi reconnus par le Ministère.
Augusta était sans voix. Elle avait du mal à réaliser que ce que lui proposait Flitwick – ou plutôt Dumbledore à travers lui – était de se préparer un avenir, peut-être à l'extérieur, malgré son emprisonnement.
-- Vous comprenez bien, Miss Pye, reprit son professeur, se méprenant sur son silence et espérant la convaincre, que cette offre n'est faite qu'à très peu d'étudiants. Je ne me souviens d'ailleurs pas avec exactitude à quand remonte notre dernier diplômé à Poudlard de Brevet Abominablement Laborieux, Académique et Intermédiaire de Sorcellerie…
-- D'accord ! interrompit Augusta.
-- Notre BALAIS vous intéresse ? Excellent ! Je vais vous laisser certains de ces parchemins qu'a préparé le professeur Dumbledore à votre intention. Ainsi vous pourrez bien étudier cette proposition. Je vous ai aussi sorti – par la barbe de Merlin, où donc ai-je mis ce parchemin ? Ah ! le voilà. Qu'étais-je en train de dire ? Ah, oui ! Je vous ai sorti ce formulaire d'inscription au Collège de Médication de Sainte Mangouste, pour le cas où vous rejetteriez notre offre. Tenez.
Elle prit les différents parchemins qu'il lui tendait.
-- Bien sûr, si vous avez la moindre question ou hésitation, n'hésitez pas à venir me trouver.
Elle sourit à son professeur, le salua et quitta le bureau.

Pendant plusieurs jours, les entretiens de carrière furent le sujet principal de conversation des élèves de septième année. Augusta raconta à Charlie et Tonks qu'elle avait décidé de suivre des études de guérisseuse à Poudlard. Comme si elle avait vraiment eu le choix !
Tonks leur apprit qu'elle avait postulé pour une des rares places d'Apprenti-Auror offertes par le Ministère. Si elle était jugée sur ses résultats scolaires et ses capacités en duel, elle avait toutes ses chances. Mais ses deux amis étaient d'accords sur le fait qu'il ne valait mieux pas qu'on lui fît passer un entretien pendant lequel elle ne manquerait pas de renverser le premier objet fragile à sa portée.
Charlie, lui, hésitait encore entre deux possibilités. Grâce aux soutiens de Hagrid et du professeur Brûlopot, il avait obtenu une bourse du Département de Régulation et Contrôle des Créatures Magiques pour aller étudier les dragons en Roumanie. D'un autre côté, malgré les victoires répétées de Serpentard au Tournoi de Quidditch annuel de Poudlard, il avait été repéré par l'entraîneur de l'Équipe Nationale qui lui avait proposé de jouer comme remplaçant. Dans la balance se trouvaient donc les deux choses qu'il désirait le plus : s'occuper d'animaux à l'étranger et jouer au Quidditch. Et ces deux choix étaient des chances qui ne se représenteraient probablement jamais.
-- Il va bien falloir te décider un jour, Charlie ! lui répétait Tonks.
-- J'ai expliqué aux deux que j'avais une autre proposition très intéressante. Ils m'ont donné jusqu'aux résultats de mes ASPIC pour répondre, répliqua-t-il un jour.
-- Ça serait quand même bien que tu saches avant, tout de même, lui rétorqua Augusta.
Charlie lui lança alors un regard de détresse qui semblait dire « Choisis à ma place ! Moi je n'y arrive pas. » Mais elle l'ignora. C'était à lui de savoir ce qu'il ferait de sa vie.

Augusta décida de sérieusement réviser pour ses ASPIC. A partir de la fin mars, on pouvait donc la voir à tous ses moments libres – qui étaient rares – à la bibliothèque avec Charlie et Tonks, tous trois penchés sur des piles de parchemins et de livres et partageant des informations à voix basse.
Ces révisions ne furent interrompues que pour trois évènements.

Le 1er avril, tout d'abord, qu'Augusta ne fut pas surprise d'apprendre était la date d'anniversaire de Fred et George Weasley. Les trois amis s'étaient installés suivant leur habitude à une table toute en longueur de la bibliothèque, près d'une fenêtre où on pouvait apercevoir le terrain de Quidditch au-dessus duquel évoluaient des joueurs vêtus de robes jaunes. Au grand désespoir de son frère, ils avaient été vite rejoints par Percy Weasley qui espérait sans doute que la présence d'un Préfet et d'une Préfète-en-Chef le mettrait à l'abri des persécutions dont il disait être victime.
Aucun des trois septièmes années ne lui demanda qui le persécutait, connaissant d'avance la réponse.
-- Il n'empêche que je commence aussi à en avoir assez ! déclara Charlie à la surprise de ses amies. On dirait qu'il n'est plus possible de vivre dans le dortoir des troisièmes années.
Percy prit un air enchanté devant le soutien subit de son frère qui disparut aussitôt que celui-ci reprit la parole.
-- Mon gardien, Olivier Dubois, est de plus en plus épuisé à chaque entraînement ! Bien sûr, ils respectent les veilles de match…
Il n'avait pas besoin de prononcer leurs noms pour que chacun sût de qui il parlait.
-- … mais si Olivier ne peut plus dormir le reste de l'année sous prétexte qu'il est dans la même promotion que Percy, je vais finir par sévir.
Vexé au plus haut point, Percy plongea le nez dans le livre d'Arithmancie qu'il avait sorti et ne se plaignit plus.
Augusta et Tonks se regardèrent. Charlie devait vraiment être à bout de patience pour menacer de punir qui que ce fût, et ses frères en particulier.
C'est alors que Tonks envoya un léger coup de coude à Augusta sous la table. Celle-ci la regarda d'un air étonné pour voir la jeune fille lui désigner un étrange objet qui semblait voler dans leur direction. Elle mit un certain temps avant de réaliser qu'il s'agissait d'une énorme bulle d'eau, guidée par une baguette qu'on pouvait voir dépasser d'une étagère de livres.
-- Ah non ! Pas dans la bibliothèque ! murmura-t-elle à Tonks qui devinait tout autant qu'elle à qui appartenait cette baguette et vers quelle tête la bulle se dirigeait.
Elles se levèrent doucement sans se faire remarquer des deux frères Weasley concentrés sur leurs révisions et contournèrent plusieurs étagères, espérant surprendre les mauvais farceurs avant que la bulle n'explosât.
Schplarf !
Trop tard !
-- Expelliarmus ! lancèrent-elles toutes deux, envoyant valser les baguettes de Fred et George tandis que Percy se faisait tremper et Charlie asperger.
Augusta aurait bien laissé passer l'incident mais Percy en avait décidé autrement. Découvrant les jumeaux attrapés, il se mit à hurler et à ameuter toute la bibliothèque. Ce fut d'ailleurs tout juste si elle put les protéger de Madame Pince, la bibliothécaire qui, lorsqu'elle découvrit ce qui s'était passé, cria encore plus fort que Percy.
Charlie les rejoignit, le sourcil froncé et l'air plus sévère qu'il eut jamais eu sur le visage.
-- Sortons d'ici ! dit-il d'un ton froid.
Les jumeaux s'entreregardèrent, étonnés. Apparemment, ils n'avaient jamais imaginé que Charlie put leur infliger un jour la moindre punition.
S'ensuivit un sermon qu'Augusta aurait pu croire sorti de la bouche de Percy. A croire que les attaques indirectes contre un joueur de Quidditch de Gryffondor lui restaient au travers de la gorge !
Quand les jumeaux s'éloignèrent enfin, riches chacun d'une nouvelle retenue avec Augusta pour le lendemain soir, Charlie soupira.
-- Pauvre Percy… dit-il.
Ces mots étonnèrent Augusta plus que tout le reste. Fred et George avaient vraiment du martyriser leur frère pour que Charlie se mît à le plaindre.

Le 13 avril fut également un jour sans révision. C'était le jour où Augusta fêtait ses dix-huit ans. C'était également le jour où elle était enfin considérée comme majeure par le Ministère de la Magie.
Alors que les sorciers anglais obtenaient leur majorité à dix-sept ans et avaient alors le droit d'utiliser la magie hors de l'école, de passer leur permis de transplanage et autres privilèges réservés aux adultes, Augusta s'était vue refuser tout cela sous prétexte que les sorciers français, même s'ils vivaient en Angleterre, n'étaient majeurs qu'à dix-huit ans. Charlie et Tonks avaient donc décidé d'organiser une vraie fête pour son anniversaire.
Comme c’était un samedi, ils s'étaient retrouvés dès le matin à ce qu'ils appelaient entre eux la « Salle Peu Commune », à savoir l'ancien appartement d'Augusta. Ils s'étaient procuré, apparemment avec l'aide de Fred et George, toutes sortes de boissons et victuailles ainsi qu'un énorme gâteau qu'ils ne parviendraient jamais à manger à eux trois.
Ils burent, mangèrent, rirent, chantèrent, dansèrent toute la journée et la nuit suivante et s'endormirent où ils se trouvaient alors que le soleil se relevait.

Le 10 juin, enfin, anniversaire de Tonks, était la veille du début des ASPIC. Comme ils ne voulaient pas avoir autant révisé pour rien, cette fête fut bien plus sobre que la précédente.
Quand huit heures sonnèrent Tonks les quitta pour partir se coucher. Elle faisait en effet en sorte de toujours faire une nuit d'au moins dix heures avant chaque examen. Charlie et Augusta restèrent donc seuls dans la Salle Peu Commune pour ranger les reliefs de leur repas.
Leur conversation se porta sur la situation de Charlie qui n'avait toujours pas choisi ce qu'il ferait l'année suivante.
-- Ma mère, elle, préfère encore que je parte, dit le jeune homme. Elle dit qu'elle préfère me voir loin que mutilé par un cognard.
-- Et ton père, qu'est-ce qu'il dit ?
-- Que si je pars en Roumanie, il faudra que je lui décrive précisément les moeurs des moldus locaux, répondit-il en souriant.
-- Je vois que tu ne peux pas vraiment compter sur tes parents pour t'aider à choisir, remarqua Augusta.
-- Pas vraiment, non…
-- Mais est-ce que tu ne sais pas ce que tu veux, toi ?
-- Eh bien… Je me dis que je pourrai toujours jouer au Quidditch, même si je ne deviens pas professionnel… Alors que j'aurai probablement peu d'opportunités de voir des animaux fantastiques si je rentre dans l'Équipe d'Angleterre…
-- Donc tu vas partir en Roumanie ?
-- Je crois que non… Je veux rester en Angleterre.
Augusta le regarda étonnée. Elle ne comprenait plus.
-- Mais… pourquoi ? Je croyais que tu avais toujours voulu voir le monde ! Voyager !
-- Je veux voir le monde… répondit-il en baissant les yeux. Mais je voudrais pouvoir rester ici, à Poudlard.
-- A Poudlard ? Mais qu'est-ce que tu ferais à Poudlard ? Qu'est-ce qui peut bien te retenir ici ?
Il la regarda droit dans les yeux et resta silencieux un long moment. Il avait sur le visage une expression que Augusta ne lui connaissait pas. Ses traits étaient décidés, comme ceux d'un homme qui s'apprêtait à sauter dans le vide.
-- Toi, finit-il par répondre.
Elle ouvrit la bouche de stupeur mais aucun son ne passa sa gorge.
-- Je t'aime Gus.

-- Je t'ai toujours aimée Gus. Depuis la première fois que je t'ai vue, le soir de notre arrivée à Poudlard.
-- Charlie… commença Augusta d'une voix triste.
Mais elle s'interrompit. Que peut-on dire à son meilleur ami quand il vous fait une telle déclaration ?
-- Ca fait presque sept ans que je brûle de te le dire, que je suis jaloux de tous les garçons qui t'approchent. Même de Tonks !
Il lui prit la main avec un empressement qui ne lui était pas coutumier. Elle allait la retirer doucement quand il souleva cette main et y déposa un baiser qui la fit frissonner au plus profond de son être.
-- Gus… souffla Charlie. J'ai besoin de toi… Je ne peux pas m'imaginer partir si loin de toi…
Elle ferma les yeux. Elle ne savait plus rien.
Elle sentit alors Charlie lui lâcher la main et lui prendre délicatement le visage. Elle rouvrit les yeux pour voir ceux de Charlie plongés dans les siens. Elle n'avait jamais remarqué combien leur bleu était profond…
-- Un mot de toi Gus et je resterai ici pour toujours.
Une de ces mains s'était détachée et courut un instant dans ses cheveux auburn avant de s'arrêter sur sa nuque. Alors le visage du jeune homme se rapprocha… Inconsciemment, irrésistiblement, Augusta referma les yeux.
Le baiser que Charlie lui donna était doux et tendre. Il ne demandait rien, il offrait.
Et elle ne put s'empêcher de répondre à ce baiser.

Où étaient ses mains ? Où étaient ses lèvres ?
Il avait fait courir les unes et les autres sur son visage, sur ses mains, sur sa gorge… Et il émanait de ce garçon qu'elle aimait tant tellement d'amour, tellement de passion, qu'elle n'avait pas su, pas pu, pas voulu le repousser.
Elle s'était sentie soulevée de terre. Il l'avait prise dans ses bras et l'avait emportée.
Elle sentait à présent sous elle un lit moelleux qu'elle connaissait, dans lequel elle avait connu tant de bonheur.
Et ces mains, et ces lèvres exploraient sa peau, réveillant des sensations qu'elle avait perdues depuis si longtemps. Elle l'entendait soupirer son nom. Elle sentait sous ses doigts ses muscles puissants qu'elle ne pouvait s'empêcher de presser.
Elle gémissait. Elle voulait de lui quelque chose qu'il voulait lui donner de tout son corps.
Elle avait oublié ses mains. Elle avait oublié ses lèvres.
C'était autre chose qu'elle appelait vers elle.
Et il entra enfin en elle. Elle sentit sa force aller et venir dans un mouvement qui s'accélérait et qui la projetait chaque fois au bord d'un abîme qu'elle redoutait et dans lequel elle désirait plus que tout plonger.
Alors quelque chose d'oublié explosa en elle.

Elle était encore plongée dans l'éblouissement que les mains du jeune homme couraient à nouveau sur sa peau.
Combien de fois montèrent-ils aux cimes du plaisir, ni l'un ni l'autre n'eut pu le dire. Quand enfin ils ne purent plus aller plus loin, ils ne se détachèrent pas l'un de l'autre. Il avait posé sa tête aux cheveux doux sur sa poitrine et sa main qu'il avait à peine la force de soulever reposait sur son coeur, comme pour chercher à rester en elle un peu plus longtemps en en captant les battements précipités.
Les yeux grand ouverts, elle sentait son corps revenir doucement vers elle. Lentement, très lentement, le monde réapparaissait devant elle. Elle reconnaissait cette pièce où elle était étendue. La chambre de la Salle Peu Commune…
Et ce corps qu'elle pressait contre le sien…
-- Je n'avais jamais vu cette bague, murmura une voix déformée par la fatigue et le plaisir.
Les doigts de Charlie jouaient à présent avec ce triple anneau reposant, au bout de sa chaîne, sur son coeur qui manqua un battement à ces mots. Elle le sentit plus qu'elle ne le vit rapprocher l’alliance de ses yeux et déchiffrer les caractères qui y étaient inscrits.
-- Morgwen… Remus…
-- Remus… répéta-t-elle, un sanglot montant dans sa gorge.
Elle se libéra de l'étreinte de Charlie, et se recroquevilla sur elle-même.
Remus…
Comment avait-elle pu faire une chose pareille ?
Comment avait-elle pu l'oublier ainsi ?
-- Remus ! hurla-t-elle au milieu des larmes qui l'avaient envahie. Remus !
Elle ne voyait plus Charlie qui s'était redressé et la regardait sans comprendre.
-- Pardon… Pardon…
Elle ne savait même pas à qui elle demandait pardon. A Remus ? A Charlie ?
Elle sentit la main de Charlie se poser gentiment sur son épaule mais elle s'en libéra d'un mouvement brusque.
-- Ne me touche pas ! sanglota-t-elle. Pourquoi m'as-tu touchée ?
-- Gus… tenta Charlie.
-- Va-t-en ! Pardon… Va-t-en !
Elle l'entendit ramasser ses vêtements et fermer la porte derrière lui, la laissant seule avec ses larmes et ses remords.

Le soleil se levait, éclairant de ses rayons rosés le parchemin qu'Augusta fixait, la plume levée, depuis près d'une demi-heure. Elle soupira une nouvelle fois.
Non, elle ne pouvait pas le lui dire.
Comment aurait-elle pu ? En quoi son honnêteté aurait-elle rendu service à Remus ? Quel intérêt de le rendre malheureux ?
Elle connaissait bien assez Charlie pour savoir que son ami ne parlerait jamais de cette nuit à personne. Aucun risque, donc, que Remus l'apprît d'une manière ou d'une autre.
Elle reposa sa plume et se leva. Elle passa dans la salle de bain et se regarda un moment dans le miroir.
Ses yeux étaient rouges et gonflés par les larmes. Sa nuit blanche avait marqué son teint, encore plus pâle que de coutume. Ses lèvres habituellement rieuses avaient pris un pli désagréable à cause du dégoût qu'elle avait d'elle-même.
Sur son visage se lisait très clairement, sinon ce qui s'était passé dans la nuit, tout au moins qu'il s'était passé quelque chose. Comme elle devait se trouver dans la Grande Salle deux heures plus tard pour commencer ses épreuves écrites d’ASPIC, elle résolut d'occuper le temps qu'il lui restait à se rendre présentable, grâce tout d'abord à une bonne douche et ensuite à quelques potions dont elle trouverait les ingrédients nécessaires dans sa malle.

La journée passa sans qu'elle vît Charlie ni Tonks. Ayant tous trois suivi des cours différents depuis deux ans, ils ne passaient pas les mêmes examens. Quels examens passa-t-elle aujourd'hui, d'ailleurs, c'est tout juste si elle s'en rendit compte. Elle répondait aux questions posées machinalement, mais son esprit n'y était pas.
Deux choses lui revenaient : que pouvait-elle dire à Charlie et que pouvait-elle dire à Remus ? Comment réussirait-elle à regarder l'un ou l'autre dans les yeux ?
Elle écrivit ce soir là à Remus mais se contenta de lui annoncer qu'elle avait bien commencé ses examens, espérant qu'il ne verrait pas de différence avec ses lettres habituelles. Au dîner, elle aperçut Charlie à la table des Gryffondor qui la regardait d'un air douloureux. Mais elle n'avait toujours pas trouvé comment lui expliquer son comportement et choisit donc de s'enfuir immédiatement sans qu'il eut pu l'approcher.

Deux semaines s'écoulèrent ainsi. Augusta évitait Charlie qui, suivant son exemple, finit par ne plus chercher à l'approcher. Tonks, qui ne comprenait pas l'éloignement de ses deux amis, faisait la navette entre les deux, cherchant à les réconcilier. Mais les examens étaient une excuse toute trouvée pour ne pas avoir le temps de se parler.
Durant ces deux semaines, vingt fois Augusta voulut aller trouver Charlie pour s'excuser, pour le rassurer de son amitié, mais vingt fois elle se reprit et n'en fit rien.
Durant ces deux semaines, et c'était bien pire, elle n'avait reçu aucune nouvelle de Remus. Avait-il deviné quelque chose au travers de ses lettres ? Lui était-il arrivé quelque chose ?

Enfin arriva le festin de fin d'année, au lendemain duquel Charlie et Tonks partiraient pour ne plus revenir.
Avant le repas, Augusta avait obtenu la promesse de Tonks – ainsi que l'autorisation de Dumbledore – que la jeune fille viendrait lui rendre visite à Poudlard quand ses études d'Auror le lui permettraient. Augusta passa donc le festin dans une relative tranquillité, bien que l'idée de se séparer de Charlie ainsi lui amenât plusieurs fois le coeur au bord des lèvres.
Elle allait donc rentrer à la Salle Commune des Serdaigle quand elle vit s'approcher d'elle un Charlie hésitant et rougissant.
-- Gus… commença-t-il.
-- Charlie… murmura-t-elle en baissant les yeux.
Car elle n'avait toujours pas décidé de ce qu'elle pourrait lui avouer pour lui faire comprendre son rejet.
-- Laisse-moi parler ! dit-il d'une voix qu'il voulait décidée. Je vois bien que tu regrettes ce que nous avons fait. Pourtant, tu sais que je ne t'y ai pas poussée, que je t'aurais jamais forcée à…
-- Je sais.
-- Je ne veux pas te demander d'explication mais… juste savoir… ce que je peux espérer…
Augusta ne répondit pas tout de suite. Elle se demandait pour la première fois ce que Charlie pouvait espérer d'elle et ce qu'elle pourrait jamais lui offrir. Enfin, après plusieurs longues minutes pendant lesquelles Charlie ne l'avait pas quittée des yeux, elle reprit la parole.
-- Il y a bien des choses sur moi que tu connais pas, Charlie, et tu le sais. Plusieurs fois, tu m'en as fait la remarque. Je n'ai pas le droit de t'en parler car ce secret n'appartient pas qu'à moi. Mais il y a des choses que tu as le droit de savoir si tu me jures de ne jamais les répéter à quiconque.
Il y avait une telle solennité dans la voix de la sorcière que Charlie jura ce qui lui était demandé sans poser de questions.
-- Je suis mariée, Charlie, dit alors Augusta avec toute la douceur qu'elle put réunir mais cela ne suffit pas à retenir un mouvement de recul de son ami.
Elle reprit alors, avant qu'il puisse objecter :
-- Et j'aime mon mari. La bague que tu as vue autour de mon cou est mon alliance.
-- Mais comment peux-tu être mariée ? interrompit Charlie.
-- J'ai eu trente et un ans cette année. J'étais mariée avant de te rencontrer et je n'ai pas vu mon mari depuis que je suis entrée à Poudlard il y a sept ans.
Augusta ne savait pas quelle nouvelle, de son âge ou de son mariage, affligeait le plus Charlie, mais le pauvre garçon paraissait perdu. Il la regardait, la bouche légèrement entrouverte et les yeux exorbités, comme s'il ne la reconnaissait plus.
Elle lui prit la main et le regarda dans les yeux, un léger sourire triste aux lèvres.
-- Charlie, tu es mon meilleur ami et je t'aime énormément. Je t'aime comme un ami, comme un frère. Mais je ne peux pas t‘offrir l'amour que tu espères, à toi ou à quiconque.
Il détourna la tête et retira ses mains mais Augusta eut le temps de voir deux larmes poindre à ses paupières et à cette vue, elle sentit sa poitrine se gonfler d'un sanglot qu'elle eut grand peine à réprimer.
Le visage de Charlie était pâle mais ferme quand il reporta son regard sur elle.
-- J'ai pris ma décision, lui dit-il d'un ton officiel. Je pars en Roumanie. Au revoir Augusta.
Et il partit d'un pas hésitant mais sans se retourner.
Chapitre quinze by Morgwen
Le jour du départ en vacances, Augusta regarda les calèches emmener ses amis, des larmes coulant sur ses joues. Severus Rogue la rejoignit aux portes du château et resta un moment près d'elle.
-- Tu les reverras, lui dit-il quand la dernière voiture eut disparu de leur vue.
-- Quand ? demanda-t-elle sans le regarder, son regard rivé vers le village de Pré-au-Lard. Vous m'avez dit la même chose de Remus et cela fait plus de sept ans que je ne l'ai pas vu ! Pourquoi faut-il que les gens que j'aime s'en aillent sans intention de revenir ?
-- Je reste près de toi, murmura Severus.
Elle se tourna vers lui et lui offrit un sourire triste.
-- Oui, Severus. Vous, au moins, restez près de moi. Mais pour combien de temps ? Au premier signe de Dumbledore, vous ferez comme Remus. Vous partirez et irez risquer votre vie pour je ne sais quelle raison.
Il ne répondit pas et après un moment, elle ouvrit les bras et s'envola, espérant lasser sa peine par la fatigue.

-- Augusta, vous tombez bien !
Elle avait atterri sur le dos de Myrddin alors que le professeur Dumbledore se tenait avec Hagrid devant la porte de celui-ci. Le géant regarda autour de lui, la cherchant apparemment des yeux. Elle sauta alors à terre, reprenant sa forme humaine dans le même mouvement, ce qui fit sursauter le garde-chasse.
-- Puisque vos commencerez vos études de BALAIS en septembre, reprit Dumbledore comme si de rien n'était, vous devrez quitter la tour des Serdaigle d'ici là.
-- Mais… où est-ce que je…
-- Je vous propose d'intégrer un des logements inutilisés du château pour le temps que vous resterez à Poudlard.
-- Pourquoi pas celui qu'utilisaient Remus et Morgwen ? intervint Hagrid ingénument.
-- Excellente idée ! approuva Dumbledore, comme si cette pensée ne lui était pas venue.
Il se tourna à nouveau vers Augusta.
-- Je vous montrerai où il se situe. Que préférez-vous pour garder l'entrée ? Un sortilège ou un tableau ?
-- Euh… Je ne sais pas… répondit la sorcière, prise de court. Un tableau, je suppose. Je me suis habituée à discuter avec le triton à côté de l'entrée de la Salle Commune.
-- Oui, notre ami Gwalchmeï… dit Dumbledore. Bon, je vais veiller à ce que tout cela soit arrangé dans la journée. En attendant, midi sonnent et nous devrions aller déjeuner.
Alors Augusta et Hagrid le suivirent vers la Grande Salle.

Augusta passa l'après-midi avec Madame Pomfresh qui, comme tous les étés, partait le soir même pour Londres. La conversation de l'infirmière était reposante. Elles pouvaient parler de remèdes pendant des heures sans se lasser ni l'une ni l'autre et Augusta oublia un peu les remords et inquiétudes qui la tiraillaient depuis deux semaines.
Dumbledore vint la trouver à l'infirmerie un peu avant le dîner et lui annonça que ses affaires avaient été déménagées à son ancien logement et un tableau installé pour en garder l'entrée.
-- Vous n'aurez pas de mot de passe. Il vous suffira de lui demander d'accorder ou d'interdire l'entrée aux habitants du château et il s'exécutera. De plus, vous pouvez choisir de continuer à prendre vos repas dans la Grande Salle ou bien de manger dans votre appartement. Dans ce cas, vous pourrez passer aux cuisines pour votre ravitaillement.
Elle le remercia et quitta Madame Pomfresh.

-- Gwalchmeï ?
A la place de la porte qui fermait la Salle Peu Commune se trouvait le tableau du triton qu'elle connaissait si bien.
-- Bonsoir Miss Pye.
-- Mais qu'est-ce que vous faites ici ?
-- Eh bien… Alors que je me baladais dans les tableaux maritimes du château, j'ai entendu le professeur Dumbledore proposer à plusieurs tableaux le poste de fermer votre nouvel appartement. Alors je me suis porté volontaire. Cela fait deux-cent soixante quatre ans que je me tiens dans la tour des Serdaigle et je commençais à vouloir changer un peu. J'ai donc sauté sur l'occasion de conserver votre conversation.
-- Je suis bien contente que ce soit vous. Tenez ! ajouta-t-elle avec une inspiration subite. Si je trouve un paysage marin à placer à l'intérieur de l'appartement, serez-vous capable d'y entrer depuis votre position ?
Et sur l'affirmative du triton, elle reprit :
-- Je demanderai au professeur Dumbledore si c'est possible. En attendant, j'ai passé une longue journée et j'ai encore mes affaires à ranger. Je vais donc rentrer et je vous vois demain matin.
-- Bonne nuit Miss Pye.
Le tableau glissa latéralement sur le mur, dévoilant la porte qu'elle ouvrit.
Elle entra, le coeur lui battant aux tempes, se souvenant de la dernière fois qu'elle était venue dans cet appartement, deux semaines plus tôt. Mais, à son grand soulagement, la pièce dans laquelle elle pénétra était méconnaissable.
Les meubles avaient été changés et les mus recouverts d'une fine tapisserie aux couleurs bleu et bronze auxquelles elle était habituée. Elle passa dans la chambre pour voir que le lit et l'armoire n'étaient pas non plus ceux qu'elle connaissait. Elle soupira de soulagement. Rien ici ne pouvait lui rappeler l'épisode qu'elle voulait tant oublier.
Elle alla à l'armoire et l'ouvrit pour trouver toutes ses affaires correctement rangées. Revenant dans le salon, elle s'assit au petit bureau qui tournait maintenant le dos à l'entrée. Au-dessus du bureau, tous ses livres étaient triés, les manuels d'un côté, les romans de l'autre. Dans les tiroirs, ses réserves de parchemin, encre et plume.
Quelle que fût la personne qui avait déménagé ses affaires, il ne lui restait plus rien à faire. Elle tira donc un parchemin vierge et commença une nouvelle lettre pour Remus.

Près d'un mois s'écoula pendant lequel les occupations d'Augusta furent à peu près les mêmes que celles des étés précédents : vol, équitation, natation, potion, lecture et tricot.
Mais pendant ce mois, aucune nouvelle de Remus ! Sérieusement inquiète, elle était allée trouver le professeur Dumbledore qui lui apprit que rien n'était arrivé à Remus avait qui il continuait de correspondre. Pourquoi ne lui écrivait-il donc pas ?
Et pendant ce mois, Charlie ne lui écrivit pas non plus. Par l'intermédiaire de Tonks, Augusta savait qu'il était chez ses parents, se préparant à partir étudier les dragons, comme il le lui avait annoncé.
Heureusement, comme il le lui avait fait remarquer, Severus Rogue, lui, était toujours là.
-- Et au fond de ce lac, dit-il un jour où ils se baladaient sur les terres du château, tu peux trouver des poissons-diables dont l'échine, tu le sais, est utilisée dans les philtres de contrôle.
-- Et vous plongez régulièrement en pêcher ? demanda Augusta de son habituel ton moqueur.
-- J'ai un arrangement avec les êtres-de-l'eau habitant le lac, répondit-il le plus sérieusement du monde. Nous échangeons les ingrédients qu'ils peuvent me trouver contre des potions qu'ils ne savent pas préparer.
Elle allait demander quels autres ingrédients on pouvait trouver dans le lac quand elle fut prise d'un léger vertige. Elle se retint au bras de Severus un moment avant de retrouver son équilibre.
-- Ce n'est rien, dit-elle au sorcier qui s'inquiétait de ce qu'elle avait. Je suis restée trop longtemps au soleil, j'imagine.
-- Tu es sûre ?
-- Severus ! J'ai assez étudié la médication pour vous dire que je vais bien !
Mais elle évita son regard inquisiteur car une idée lui était venue qu'elle ne voulait surtout pas qu'il devinât. Aussi, elle rentra rapidement dans l'ombre du château sous le prétexte de se prémunir de la chaleur.
Mais, plutôt que revenir à la Salle Peu Commune, elle prit le chemin de la bibliothèque.
Madame Pince, la bibliothécaire, était à son bureau. Augusta la salua rapidement avant de s'avancer vers un rayon particulier. Là, il ne lui prit qu'un moment pour trouver le livre qu'elle recherchait.
Elle ouvrit le livre directement à la dernière page, cherchant à se rassurer sur le doute ridicule qui lui était venu. Alors, elle vit ce qu'elle craignait de voir.
Une nouvelle feuille, portant le nom de Charlie Weasley, était apparue, reliée à la sienne par un double anneau dont descendait une ligne plus fine qu'un cheveu…

Un enfant…
Un enfant de Charlie…
-- Bonjour Augusta.
-- Bonjour, répondit mécaniquement Augusta d'une voix faible en s'asseyant – ou plutôt en s'affaissant – sur une chaise à côté de Severus Rogue.
Sans lui jeter un regard, elle commença à manger en ignorant les quelques hiboux qui volaient encore dans la Grande Salle à cette heure tardive.
Après un long moment, Severus reprit la parole.
-- Qu'est-ce qui ne va pas ?
-- Rien… rien… souffla-t-elle, plus pour inciter le sorcier à ne pas poser plus de questions que pour le convaincre de quoi que ce fût.
S'il n'avait pas déjà deviné ce qui lui arrivait, il le découvrirait vite. Il avait vu son vertige la veille. Il savait qu'elle avait ensuite manqué le dîner. Il voyait enfin son teint pâle et ses cernes, signe qu'elle n'avait pas dormi de la nuit. Il ne faudrait pas longtemps à Severus pour additionner deux plus deux.
C'était vrai qu'elle n'avait pas dormi. Son coeur avait jonglé entre l'émerveillement et l'horreur, en passant par toutes les nuances de l'espoir et de l'inquiétude. Il y avait là de quoi tenir éveillé n'importe qui !
En réalisant son état, elle avait refermé le lourd ouvrage, pris celui-ci sous son bras et quitté la bibliothèque sans entendre les protestations de Madame Pince. Rentré à la Salle Peu Commune, elle était tombée dans un fauteuil et avait commencé à réfléchir.
Mais ses réflexions n'avaient abouti à rien et le matin s'était levé sans qu'elle s'en rendît compte. La seule idée à peu près claire qui s'était imposée alors qu'elle marchait vers la Grande Salle, c'était qu'il fallait prendre soin de sa grossesse.
-- Tu es dans un état terrible, continuait Severus. Tu devrais aller te coucher !
-- Je n'ai pas sommeil…
-- Ne fais pas l'enfant ! Tu peux à peine garder les yeux ouverts.
Il avait raison. Mais pourrait-elle dormir ?
Quand elle se glissa sous ses couvertures, elle comprit qu'elle pouvait.

Augusta se réveilla en fin d'après-midi avec les idées claires et sa décision prise.
L'enfant qu'elle portait n'était pas celui de Remus…
Si c'était une fille, elle serait la nouvelle descendante qui porterait son fardeau actuel. Elle n'avait pas le droit d'imposer cela à un enfant. A son enfant.
Elle n'avait pas les moyens d'élever un enfant. Les quelques cours qu'elle donnerait aux élèves ne lui rapporteraient que de quoi vivre elle-même.
Toutes ces raisons la poussaient à abandonner l'enfant. D'autant qu'elle connaissait plusieurs préparation qui lui permettraient de le perdre sans risque.
Mais elle ne pouvait pas.
Elle avait senti un enfant grandir en elle qui lui avait été violemment arraché ! Elle avait déjà tué, bien qu'involontairement, une vie qu'elle avait créée.
Elle ne pouvait pas le faire à nouveau.
Elle garderait cet enfant, le mettrait au monde et l'élèverait avec tout son amour.

Le mois d'août s'écoula sans qu'elle en parlât à quiconque.
Elle n'avait toujours aucune nouvelle de Remus mais elle savait qu'il se portait bien puisqu'il continuait à correspondre avec Dumbledore. Il devait avoir appris, par un moyen qu'elle ne pouvait pas deviner, ce qu'elle et Charlie avaient fait. Chaque jour de l'été, elle se répétait qu'elle devait tout lui avouer. De toute manière, il l'apprendrait bien assez vite quand tout un chacun verrait qu'elle était enceinte. Mieux valait qu'elle le lui dît elle-même. Mais chaque jour, elle remettait cette difficile tâche au lendemain.
Pendant ce mois, elle changea ses habitudes. Si elle continuait de soigner ses chevaux, elle ne les montait plus. Si elle continuait de se baigner dans le lac, elle ne nageait plus pendant des heures. Elle ne volait plus. Elle évitait de concocter nombre de potions dont les vapeurs auraient pu mettre son précieux fardeau en péril. Plus une goutte de café.
Bref, l'été fut plutôt ennuyeux.

La veille de la rentrée, elle se leva avec excitation. Elle savait que Madame Pomfresh rentrait de vacances dans la journée et Augusta avait décidé que l'infirmière serait la première à qui elle confierait son état. D'abord parce qu'elle savait qu'elle ne serait pas jugée pour ce qu'elle avait fait. Ensuite parce qu'elle désirait ses conseils, les deux femmes n'ayant encore jamais abordé les grossesses dans leurs discussions.
Augusta décida donc de s'installer sur un petit banc de bois, juste à l'extérieur des grandes portes du château, où elle ne pourrait pas manquer le passage de l'infirmière. Elle enchanta rapidement le roman qu'elle avait apporté et le livre se mit à parler, racontant l'histoire là où elle l'avait laissée. Alors, elle attrapa ses aiguilles et commença à tricoter un minuscule vêtement blanc. Autour d'elle, trois autres paires d'aiguilles reproduisaient exactement les mêmes mouvement avec des laines de différentes couleurs.
Au bout d'une demi-heure de cet ouvrage, elle vit s'approcher une sorcière inconnue. De petite taille, des cheveux si blonds qu'ils en paraissaient blancs, des yeux d'un vert profond, de hautes pommettes, des lèvres d'un rose nacré, tout indiquait une origine baltique. Elle devait avoir environ trente-cinq ans mais Augusta n'en aurait pas mis sa main à couper. Quelque chose chez cette femme, peut-être dans son regard, paraissait beaucoup plus jeune.
L'inconnue s'approcha d'elle et la regarda, une hésitation sur les traits.
-- Je peux vous aider ? demanda Augusta amicalement.
Alors la femme éclata d'un rire qu'elle avait entendu des milliers de fois.
-- Je t'ai eue !
-- Tonks…
Son amie fit une petite moue qu'Augusta avait appris à reconnaître et elle retrouva le physique que la sorcière connaissait.
Enfin… presque.
Son nez était à présent droit comme celui d'une statue grecque – Tonks s'était souvent plaint de la forme aplatie qu'il avait en réalité – et ses cheveux étaient courts, ébouriffés et surtout immanquablement, indéniablement, incontestablement bleus.
Passant outre sa bizarre coiffure, Augusta se leva et serra Tonks contre elle.
-- Aïe !
-- Oh ! Pardon !
Augusta avait oublié de lâcher son ouvrage et une des fines aiguilles à tricoter avait percé la peau de Tonks. D'un geste de sa baguette, elle referma la minuscule plaie avant qu'une goutte de sang eut eu le temps de perler.
Mais l'incident avait porté l'attention de Tonks sur les tricots.
-- Voilà que tu nous fais des layettes, maintenant, dit-elle en riant. Qui est-ce qui va avoir un bébé ?
Augusta se sentit rougir à cette question ingénument posée. A tel point qu'elle vit les yeux de Tonks s'agrandir jusqu'à atteindre une taille effrayante.
-- Que… Tu… Comment… balbutia la sorcière.
Puis, se reprenant, et retrouvant apparemment ses esprits, elle souffla, comme frappée d'une illumination :
-- Charlie !
Finalement, Madame Pomfresh ne serait pas la première personne à qui elle avouerait son secret…

-- Vous vouliez me voir, Augusta ?
Augusta acquiesça et s'assit sur le siège que le directeur lui présentait. Elle lui avait demandé un entretien dans son bureau en lui envoyant officiellement un hibou. Elle tenait à ce que son annonce fût faite dans les règles.
-- Eh bien, demanda Dumbledore de son ton bienveillant, que se passe-t-il ? Auriez-vous déjà des problèmes avec vos élèves ?
Les cours avaient commencé trois jours plus tôt et elle n'avait eu jusqu'ici qu'une seule cession de cours en potion. Ses journées n'étaient pas pour autant libres car elle s'était vu imposer différents projets dans le cadre de son BALAIS pour lesquels elle passait des heures dans la bibliothèque à la recherche de documentation.
-- Non professeur. Mais j'ai quelque chose à vous apprendre.
Elle avait parlé à Madame Pomfresh le 1er septembre et celle-ci s'était presque indignée quand Augusta lui avait demandé de ne pas en parler à quiconque pour un temps.« Comme si j'avais pour habitude de colporter des ragots ! Pour qui me prenez-vous Augusta ? » s'était-elle écrié.
L'infirmière et Tonks étaient donc encore les deux seules personnes au courant. Ni Charlie, ni Remus ne savaient… Peut-être aurait-elle du le leur écrire avant de parler au directeur.
-- Je vous écoute, répondit Dumbledore.
Elle ne pouvait plus faire demi-tour.
-- Je suis enceinte.
Pour la première fois, Augusta vit les traits de Dumbledore refléter la surprise. Elle en fut presque déçue. Mais le vieil homme se reprit presque aussitôt et la regarda alors un très long moment dans les yeux. Elle soutint son regard avec peine, ravalant son envie de baisser les paupières. Ses yeux bleus lui paraissaient à ce moment absolument semblables à ceux noirs de Severus. Et comme en la présence de son ami, elle avait la très désagréable impression que son esprit était mis à nu.
-- Je vois, finit par murmurer Dumbledore.
Il ne posait aucune question. Ni qui était le père, ni ce qu'elle comptait faire, ni ce que Remus en disait, ni quand l'enfant devait naître, ni rien d'autre. Difficile de savoir s'il s'en moquait, ou s'il avait déjà tout deviné.
Dumbledore lui demanda de se lever puis remplaça d'un mouvement de baguette son siège en un confortable fauteuil.
-- Je crois savoir que le confort est très important pour les futures mamans, lui dit-il dans un sourire, lui faisant signe de se rasseoir.
Augusta poussa un soupir de soulagement en s'exécutant. Elle avait craint le jugement du directeur.
-- Bien, reprit-il. Vous avez bien fait de venir m'annoncer cette nouvelle ne serait-ce que parce que vous flattez ma satisfaction personnelle en m'empêchant de l'apprendre par la rumeur de l'école – qui circule très vite, comme vous le savez. Mais je vous avoue que je ne suis pas un spécialiste en la matière et que vous connaissez probablement déjà plus que moi tout ce qu'il y a à savoir. J'aurai, bien sûr, des mesures à prendre pour accueillir votre enfant à Poudlard, mais nous avons bien du temps devant nous ! D'ici là, je vous conseillerais seulement de ne pas trop faire étalage de votre état. Nous n'avons pas besoin de donner trop d'idées à nos élèves les plus âgés… finit-il avec un clin d'oeil.
Augusta fit un mouvement pour se lever mais Dumbledore la retint.
-- Encore deux ou trois choses, toutefois. Vu votre situation, je pense que je vais vous faire profiter d'un privilège habituellement réservé à nos professeurs. Je vais mettre à votre disposition un elfe de maison de l'école qui vous assistera pendant votre grossesse et les quelques années suivantes.
-- Quoi ? Mais, professeur…
-- C'est décidé, coupa-t-il. Deuxième chose, je pense que vous devriez mettre notre pauvre professeur de potions au courant. Ne serait-ce que parce que vous allez travailler à ses côtés une bonne partie de l'année.
-- J'en avais l'intention, répondit Augusta en choisissant de ne pas remarquer l'emploi de l'adjectif « pauvre ».
-- Bien, bien… La dernière chose ne me regarde bien sûr en rien mais je souhaiterais toutefois vous donner un conseil.
-- Je vous écoute.
-- Parlez-en sans plus tarder à Remus et au jeune Mr Weasley. Plus vous attendrez, plus ce sera difficile !
Augusta hocha la tête sans poser de questions. Elle se leva alors pour prendre congé.
Dumbledore l'accompagna jusqu'à la porte de son bureau puis ajouta, une étincelle dans le regard et un sourire sur le visage :
-- Et, quand vous commencerez à rechercher des prénoms, si c'est un garçon, rappelez-vous qu'Albus est un nom excellent !
Elle sourit et le quitta de meilleure humeur qu'elle ne l'avait été depuis longtemps.

Mon amour
Il y a trois choses que j'aurais du te dire depuis longtemps J'ai fait l’amour à un autre homme J'en suis enceinte. Je garde l'enfant.
Il n'y a rien que je puisse te dire pour excuser mes actes. Je te demande seulement pardon de ma trahison et de mon silence.
La seule chose que je puisse te dire et te répéter c'est que je t'aime, et que je n'aime que toi.
Je ne sais pas pourquoi tu refuses de me donner des nouvelles. Souvent, j'imagine que tu as appris ce que j'ai fait. Si c'est cela, je ne peux rien faire d'autre que te supplier à genoux de me pardonner une nuit d'égarement.
Écris-moi, je t‘en prie.
Je t'aime.
Augusta

Augusta plia le parchemin, le glissa dans une enveloppe aux noms et adresses de Remus, puis tendit le tout à la petite créature que Dumbledore avait mise à son service. Celle-ci s'inclina et disparut dans un grand bruit.
La sorcière resta immobile à son bureau un moment.
-- Non, pas maintenant… murmura-t-elle.
Elle écrirait à Charlie plus tard. La lettre qu'elle venait de terminer avait drainé toute sa bonne humeur et son énergie.
-- Gwalchmeï ! appela-t-elle.
Le triton apparut dans un large tableau face à la cheminée qui représentait une cité marine.
-- Miss Pye ?
-- Je vais me coucher. Ne laissez entrer personne mais venez me réveiller en cas d'urgence absolue !
-- Personne ? Pas même le professeur Dumbledore ?
-- Je doute que Dumbledore décide de me rendre visite en pleine nuit… Mais non, personne. Le seul que vous pourriez laisser venir à toute heure, ajouta-t-elle à mi-voix, c'est Remus, et il a encore moins de chances de passer sans prévenir.
-- Bien. Bonne nuit.
-- Merci Gwalchmeï.
Le triton disparut par le côté du tableau où il était entré.
Augusta se leva, passa dans sa petite cuisine, et se servit un grand verre d'un liquide bleuté et brillant. Elle le but lentement, dégustant le breuvage chaud et légèrement amer. C'était une potion qu'elle avait conçue avec l'aide de Severus Rogue qui aiderait le bébé à se fortifier. Elle réduirait ainsi le risque de fausse-couche.
Sa lettre suffirait-elle à Remus pour lui pardonner ? Ou allait-il au contraire la rejeter ? Que ferait-elle si elle perdait l'amour de Remus ? Est-ce que cet enfant qu'elle attendait suffirait pour remplir sa vie ?
L'elfe reparut alors qu'elle entrait dans sa chambre.
-- Le hibou est bien parti, Corly ? demanda-t-elle.
-- Je l'ai vu s'envoler Maîtresse.
-- Merci. Tu peux y aller.
L'elfe Corly s'inclina jusqu'à ce que son large nez touchât le sol puis disparut.
Chapitre seize by Morgwen
Quand les vacances de Noël arrivèrent, Augusta n'avait pas encore annoncé sa future paternité à Charlie, malgré ses six mois de grossesse. Dumbledore avait eu raison : plus le temps passait et moins elle voyait comme elle allait pouvoir lui en parler et ce malgré les conseils et les reproches de Tonks.
Une semaine environ après avoir envoyé sa lettre à Remus, elle avait reçu une réponse. Il la remerciait de son honnêteté – en regrettant toutefois qu'elle lui eut tant caché auparavant. Mais il ne lui disait pas qu'il la pardonnait. Il n'expliquait pas son silence mais elle sentait sous ses mots d'amour combien elle l'avait blessé par sa trahison.
Depuis trois mois, il lui écrivait, et c'était pour le moment le principal. Il comprenait qu'elle n'eut pas pu prendre la décision de perdre l'enfant et la soutenait dans sa grossesse.
-- Miss Pye ?
Elle se retourna pour voir le triton entrer dans le tableau intérieur.
-- Il y a une certaine Tonks à la porte qui voudrait entrer. Mais elle ne ressemble pas à la jeune fille avec qui vous êtes déjà…
-- C'est normal, Gwalchmeï. Laissez-la entrer!
La jeune sorcière entra – large et rose, blonde et souriante – et se précipita vers Augusta.
-- Oh là là ! T'es énorme !
Alors que le reste du temps, Augusta usait d'un sortilège d'illusion pour dissimuler sa grossesse aux yeux des élèves, elle avait omis de le lancer pendant les vacances et son ventre s'arrondissait assez pour mériter la réflexion de Tonks.
-- Tu as déjeuné ? demanda Augusta.
-- J'ai mangé en partant de Londres mais j'ai assez faim pour recommencer !
-- Alors allons-y !
Elles sortirent dans le couloir et marchèrent jusqu'à la Grande Salle sans croiser personne. Sur le chemin, Tonks racontait à son amie comment se passaient ses études. C'était très difficile mais tout ce qu'elle apprenait la passionnait. Ses professeurs étaient des Aurors en activité ou à la retraite, donc leur enseignement n'était jamais purement théorique.
-- Et dans deux semaines, je commencerai un stage pratique, disait-elle alors qu'elles passaient dans le hall d'entrée. Pendant trois mois, je travaillerai avec un Auror au ministère.
La journée passa rapidement. Les deux amies se chamaillèrent longtemps sur le nom qu'il fallait donner à l'enfant. Tonks maintenait qu'elle devait l'appeler William ou Ignatius, si c'était un garçon, Arcadia ou Phoebe si c'était une fille. Augusta répétait qu'elle l'appellerait Nymphadora. C'était si facile de mettre Tonks en rogne ! Le soir, Tonks repartit bien tard, bien qu'elle reprît ses cours tôt le lendemain.

L'hiver s'avançait, froid et neigeux.
Bien qu'il ne l'eut pas écrit explicitement, elle avait l'impression que Remus lui avait pardonné. En tout cas, il exprimait à nouveau le désir d'être à ses côtés.
De même Severus Rogue qui s'était considérablement éloigné d'elle à l'annonce de sa grossesse se rapprochait petit à petit au point d'accepter, quand elle le lui proposa au mois de février, d'être le parrain de l'enfant.
Le bébé grandissait dans son ventre. Grâce aux conseils de Madame Pomfresh, elle avait bon espoir de le voir naître en pleine santé. D'ailleurs, elle voyait bien la différence avec la fille de Remus qu'elle avait déjà portée. Elle sentait cet enfant plus lourd, plus vigoureux. Il lui semblait qu'il lui donnait deux fois plus de coups de pieds, qu'il demandait deux fois plus de nourriture et qu'il pesait au moins deux fois plus lourd alors qu'elle-même n'était pas vraiment plus fatiguée.
Mais Charlie et elle n'avaient pas échangé une ligne depuis son départ de Poudlard.

Remus, tu es là, tu es dans mes bras, tu n'aimes que moi.
Regarde cet enfant. Cette petite fille est la mienne. Est-ce qu'elle n'est pas belle ? La main de Charlie se pose sur ton épaule et, sans vraiment te repousser, il me prend dans ses bras à son tour. Oui, Charlie, c'est ta fille. Vois comme elle te ressemble ! Je connais ce regard et ce sourire fiers.
Regardez la courir sur la plage ! Regardez la se jeter dans les bras de Severus ! J'éclate de rire. Ni l'un ni l'autre n'aimez beaucoup ce pauvre Severus. En cela, au moins, vous vous ressemblez. Mais Charlie, vois comme il joue avec ta fille.
Oui, Charlie, cette grande fille que tu vois avec notre enfant est Tonks. Elle adore ce bébé. Elle l'adorait avant même qu'il ne vienne au monde !
Le monde est figé dans ce moment merveilleux. Les gens que j'aime le plus sont réunis et heureux ensemble autour du sourire d'un enfant.
Vous avez tous disparu ! Ne restent que ma fille et moi. Des murs de pierre froide. La nuit qui entre par de grandes fenêtres et se bat avec la pauvre lueur de quelques chandelles. L'enfant est debout, les bras tendus devant elle, et les larmes coulant abondamment sur ses joues. Une silhouette est présente. Une ombre. Et cette ombre tient un couteau !
Le sang de ma fille coule sur mes mains et son regard posé sur moi, est un reproche…

Augusta s'éveilla en sursaut, le coeur battant et les draps mouillés de sueur froide.
Depuis quelques semaines, elle faisait ainsi des cauchemars à répétition et se réveillait pleine de remord. Et chaque fois, le thème de son rêve était le même : si elle mettait une fille au monde, elle lui imposait le danger qui était aujourd'hui le sien.
Si seulement elle pouvait avoir un garçon ! Si seulement elle pouvait n’avoir que des garçons ! Ainsi, le sang de Morgane leFey s'éteindrait avec elle.
Combattant ces idées déprimantes, elle se leva avec difficulté et s'approcha de la fenêtre. Il avait neigé toute la journée précédente et un immense tapis de neige fraîche couvrait les terres de Poudlard. Les étoiles avaient disparu. Elle pouvait apercevoir la cabane de Hagrid aux fenêtres illuminées. Il devait être très tôt.
Elle aurait pu se recoucher et dormir quelques heures supplémentaires, mais elle était à présent parfaitement réveillée. Et elle avait besoin de prendre l'air !
Elle s'habilla rapidement, se couvrant soigneusement car les nuits étaient très froides en ce début mars. Puis, saluant au passage un Gwalchmeï somnolent, elle sortit dans le couloir.

Comme elle aimait marcher dans la neige ! Elle se retournait fréquemment pour voir les traces de ses pas remonter jusqu'aux portes du château. Privée d'hivers rigoureux toute son enfance, elle était émerveillée chaque hiver depuis qu'elle vivait ici.
Parvenant aux abords de la Forêt Interdite, elle entendit un hennissement.
-- Artus, souffla-t-elle, reconnaissant l'appel de son cheval.
Elle le chercha des yeux pour l'apercevoir finalement, en compagnie de Myrddin, à l'abri de la neige et du vent froid sous les premiers arbres de la forêt.
Elle les rejoignit et les serra contre elle. Les monter lui manquait atrocement. Mais son terme était proche et, bientôt, elle reprendrait ses randonnées équestres.
-- Que diriez-vous d'une petite balade ? leur murmura-t-elle. Elle n'était pas trop fatiguée malgré son ventre qui lui pesait et avait besoin d'un peu de solitude. Et puis si elle s'épuisait elle pourrait toujours monter sur l'un des chevaux pour rentrer. En prenant un pas très doux, elle ne risquait pas grand chose.
Prenant les rênes de Myrddin dans une main tandis qu'elle s'appuyait de l'autre sur son dos, elle lui intima d'avancer d'une petite tape sur l’arrière-train. Tout naturellement, Artus suivit le mouvement.

-- On va s'arrêter là mes chéris…
Le soleil commençait à pointer son nez derrière la crête des montagnes. Augusta et les deux chevaux avaient longé la lisière de la forêt jusqu'à ce que ni le château ni le lac ne fussent plus visibles. Devant eux s'étendaient un petit étang au-dessus duquel une légère brume matinale flottait.
Augusta commençait à regretter son idée. Son dos lui faisait mal, elle avait faim, elle avait soif. Et, surtout, elle reconnaissait les douleurs qui lui perçaient le ventre à intervalle de plus en plus rapprochés.
Dès qu'elle avait senti la première contraction, elle avait fait demi-tour. Mais elle n'avait pas pu aller très loin.
La peur la gagnait de plus en plus. Elle était seule. Tout près d'une forêt qu'on disait emplie de toutes sortes de créatures maléfiques. Elle avait tenté d'envoyer des lumières à l'aide de sa baguette pour appeler à l'aide mais la douleur l'empêchait de se concentrer suffisamment. Il recommençait à neiger doucement. Et son premier accouchement ne lui avait pas laissé un souvenir de facilité…
Oui, elle avait peur. Elle devait se combattre pour ne pas céder à la panique.

Accroupie entre les deux chevaux couchés autour d'elle, se tenant à eux pour se maintenir, elle essayait de respirer lentement, tant pour calmer sa panique que ses douleurs.
Quelques minutes plus tôt, elle avait perdu les eaux. C'est alors qu'elle avait dû se rendre à l'évidence qu'elle essayait de nier jusque là.
Le bébé arrivait.
Elle aurait dû le savoir. On était le 6 mars. Quelle folle prendrait le risque d'une balade seule à trois semaines de son terme ?
Une nouvelle contraction…
Elles montaient en fréquence et en puissance. Cette dernière lui avait coupé le souffle.
Des larmes coulaient sur les joues d'Augusta. Elle était trop faible pour lancer le moindre sort de médication. Elle avait mal. Elle avait peur. Tant de femmes étaient mortes en couche depuis des siècles ! Tant d'enfants n'avaient pas vécu assez longtemps pour recevoir un nom, à commencer par le sien !
Remus ! Pourquoi était-il au loin au moment où elle avait le plus besoin de lui ?
Allait-elle mourir ici, seule ?
Une nouvelle douleur lui déchira le ventre. C'était le moment, elle le savait. Elle sentait le bébé se frayer un chemin. Elle devait l'y aider. Elle ne savait pas si elle en aurait la force…
Elle poussa.
Elle s'agrippait aux crinières d'Artus et Myrddin. Elle avait besoin de leur force.
Elle poussait. Elle poussait de toutes ses forces. Et personne pour l'aider à extraire l'enfant de son corps.
Un hurlement d'agonie, se transformant en râle.
Le bébé était là. Elle ne prit pas le temps de regarder si c'était un garçon ou une fille. Elle ne coupa pas le cordon. Elle n'attendit pas qu'il poussât son premier cri. Elle l'enveloppa immédiatement dans son manteau pour le protéger du froid.
Alors l'impossible se produisit.
Un coup de pied dans son ventre.

Elle n'avait pas une seule fois jusqu'ici envisagé la possibilité d'avoir des jumeaux. Madame Pomfresh lui avait bien enseigné quelques sortilèges pour suivre sa grossesse mais aucun ne montrait véritablement l'enfant comme une échographie moldue pouvait le faire. Rien ne lui avait laissé imaginer qu'il pouvait y avoir deux bébés.
Rien jusqu'à cet instant.
Cet instant où elle sentait à nouveau ce mouvement d'un bébé se préparant à sortir.
L'enfant né se mit à hurler. Mais ce signe de vie ne la rassura pas, au contraire. Elle avait déjà tellement souffert pour le mettre au monde ! Elle avait l'impression que l’accouchement avait duré des heures et des heures ! Le nouveau-né avait épuisé ses forces déjà faibles. Elle ne pourrait pas recommencer sans aide.
Mais l'enfant à naître descendait. Il forçait pour sortir. Si elle ne l'aidait pas, elle les tuerait tous deux. Elle tenta de pousser dans un nouveau hurlement, mêlé aux cris de l'enfant né. Mais elle n'y arrivait pas. Elle se sentait perdre conscience.
Remus ! Où était Remus ?
Au milieu du brouillard dans lequel le monde commençait à se fondre, elle entendit une voix.
Alors elle s'évanouit.

Une brusque secousse la fit revenir à elle. Et la première chose qui lui revint était la douleur. Celle qui lui déchirait le ventre.
Le bébé était toujours là.
-- Courage Augusta. Tu y es presque !
Elle était bien trop épuisée pour tenter de reconnaître la voix qui lui parlait. Mais la stature de l'homme auprès d'elle ne pouvait appartenir qu'à une personne : Hagrid.
Elle n'était plus seule !
Elle sentit le géant la prendre doucement par les aisselles et la relever dans sa position accroupie. Et grâce à lui, grâce à sa simple présence réconfortante, elle retrouva un peu de la force nécessaire. Dans un effort qui lui semblait surhumain, elle sentit la tête sortir. Alors elle retomba, incapable de faire plus.
Hagrid la déposa sur le sol et, après un instant d'hésitation, entreprit d'attirer doucement le deuxième bébé vers la vie. Alors, il le brandit un instant vers le ciel et celui-ci poussa un hurlement qui, cette fois, apporta un immense soulagement à la nouvelle mère.
Hagrid déposa le nouveau-né près de l'autre bébé et l'enveloppa à son tour.
-- C'est un garçon, annonça-t-il alors d'un air aussi fier que si le bébé était le sien. Ce sont deux beaux garçons.
Augusta lui sourit de gratitude, toute sa terreur s'évanouissant à la vue de ses deux fils qui paraissaient minuscules dans les immenses mains de Hagrid.
Elle voulut tendre les bras vers eux. Elle voulait les sentir contre elle. Mais son corps, épuisé, refusait de lui obéir.
-- Augusta, tes cheveux… dit soudain Hagrid d'une voix étrange. Oh Merlin, je n'avais même pas vu !
Elle ne pouvait pas parler, lui demander ce qui semblait l'épouvanter.
Au prix d'un immense effort, elle réussit à incliner la tête et elle les vit, emmêlés, tombant autour de son visage.
Ses longs cheveux auburn étaient devenus aussi blancs que la neige qui tombait.
Elle s'évanouit à nouveau.

La première chose qu'Augusta reconnut en revenant à elle fut la paire de lunettes en demi-lune. Comment Dumbledore faisait-il pour toujours être à son chevet quand elle reprenait conscience ? Pourquoi, d'ailleurs, reprenait-elle conscience ?
Elle reconnaissait le lit sur lequel elle était allongée, ainsi que l'odeur fade stagnant autour d'elle. Elle était à l'infirmerie.
-- Eh bien, Augusta, fit la voix du vieux sorcier en face d'elle, vous pouvez vous vanter de nous avoir fait une belle frayeur.
Elle ouvrit plus franchement les yeux et aperçut une silhouette sombre derrière Dumbledore qu'elle finit par identifier comme étant un Severus Rogue encore plus pâle qu'à l'accoutumée, ce qui n'était pas peu dire.
Elle se passa une main sur le visage, pour s'aider à émerger. Quand ses doigts entrèrent en contact avec ses cheveux, la réalité lui revint brusquement.
-- Les bébés ! s'écria-t-elle en se redressant vivement, réveillant des zones encore douloureuses entre ses cuisses.
La voix de Madame Pomfresh lui parvint d'un peu plus loin.
-- Ils sont ici, Augusta. Ils dorment.
Comme la jeune mère faisait mine de se lever pour les rejoindre, Dumbledore la maintint fermement sur son lit.
-- Il vous faut vous reposer.
-- Mais…
-- Augusta, interrompit Severus d'une voix blanche. Ne te rends-tu pas compte que tu es passée bien près de la mort ? C'est un miracle que toi et tes enfants ayez survécu à ton accouchement !
L'infirmière s'approcha alors, guidant de sa baguette un large berceau dans lequel reposaient deux minuscules êtres roses profondément endormis. Augusta tendit les bras vers eux et Dumbledore lui déposa ses fils sur la poitrine où ils se recroquevillèrent sans se réveiller.
Augusta les contemplait, émerveillée.
Quand elle put enfin détacher son regard des deux petites têtes chauves, elle vit que Dumbledore, Madame Pomfresh et Severus les regardaient tous trois avec le même air attendri.
-- Avez-vous choisi des prénoms pour ces petits sorciers ? demanda Dumbledore.
-- Oui, répondit-elle.
Étrangement, elle avait un nom pour chacun qu'elle semblait avoir trouvé pendant son inconscience.
-- Ils s'appelleront comme leurs grands-pères, reprit-elle. Arthur et Denez.
-- Arthur et Denez Pye ? demanda Madame Pomfresh.
-- Non. Arthur et Denez Weasley ! répliqua Augusta. Ils porteront le nom de leur père.
Un instant, la mâchoire de Severus Rogue se crispa mais, croisant le regard de la jeune mère, le Maître de Potions se reprit et lui sourit.

En fait, les deux garçons furent baptisés Arthur Auguste Weasley et Denez Charles Weasley.
Quand Tonks les vit, la première fois qu'elle vint rendre visite à Augusta après leur naissance, elle oublia complètement son horreur de voir les cheveux blancs de son amie pour s'exclamer que ses enfants étaient les plus beaux qu'elle ait jamais vus.
Bien sûr, Augusta savait que Tonks n'avait jamais vu d'autres nouveau-nés d'aussi près, mais elle apprécia l'enthousiasme de la jeune femme. Et puis, si elle n'avait pas non plus vu beaucoup de bébés dans sa vie, elle trouvait tout de même que ses fils étaient magnifiques.
Comme Tonks le lui avait fait remarquer, ils ressemblaient trait pour trait à Charlie quand il était petit – comme cette époque paraissait lointaine ! Leurs yeux étaient bleu-gris, comme ceux de tous les bébés, mais il semblait à Augusta qu'ils fonçaient petit à petit. Peut-être seraient-ils noirs comme les siens. Quelques cheveux sombres commençaient à leur venir mais, tout comme les yeux, leur couleur pouvait encore changer.
Quand Tonks se fut remis de l'émerveillement face aux bébés, ce qui prit un certain temps, elle revint aux cheveux d'Augusta, demandant comment ils avaient pu passer de rouge sombre à blanc neige.
-- Dumbledore m'a expliqué, répondit l'intéressée, mais j'avoue que je n'ai pas tout compris. Apparemment, tous les êtres humains, même les moldus et les cracmols, sont capables d'utiliser une sorte de… magie primitive que personne ne sait maîtriser. Et l'un des effets de cette magie, c'est un aspect de vieillissement prématuré sous l'effet d'une grande terreur. Le plus courant étant le blanchissement des cheveux… de toute la pilosité, en fait…
Tonks sourit et, prenant sa moue habituelle, elle transforma ses cheveux alors courts et roux carotte pour qu'ils prennent les mêmes forme et teinte que ceux d'Augusta. Celle-ci reprit, imperturbable – du moins en apparence.
-- Heureusement, ce genre de choses est très rare. Parmi les autres effets, encore moins courants, on a la perte de mémoire, les tremblements, le dessèchement de la peau, j'en passe et des meilleurs. Bien sûr, pour m'expliquer tout ça, il a mis au moins une demi-heure.
-- Et toi, tu as d'autres effets ? demanda Tonks, soudain inquiète.
-- Seulement les cheveux blancs.
-- Et tu vas les recolorer ?
-- Non, répondit pensivement Augusta, je ne pense pas. Ce serait trop de travail… Et puis ça me va bien, non ?
-- Tout à fait, répondit Tonks. Charlie dirait que tu as l'air d'un ange.
Le nom de Charlie jeta un froid dans la conversation. Tonks se releva du fauteuil sur lequel elle s'était assise et revint se pencher sur Arthur et Denez.
-- Quand est-ce que tu vas lui dire ? finit-elle par demander sans quitter les bébés des yeux.
Augusta ne répondit pas.
-- Tu leur as donné son nom, après tout. Il a le droit de savoir qu'il a des fils. Tu te rends compte comme il serait content de savoir ça ?
-- On n'en sait rien ! Est-ce qu'il serait vraiment content ? Il est loin. Il n'a pas les moyens de rentrer en Angleterre plus qu'une ou deux fois l'année. Tu ne crois pas que ce serait frustrant pour lui de ne pas pouvoir voir ses propres enfants ? Tel que je le connais, il risquerait de détruire son avenir en revenant s'installer ici, sans travail, sans rien…
Tonks pesa un instant cette réponse.
-- T'as peut-être raison, finit-elle par répondre, un rien de doute dans la voix. N'empêche qu'il vaudrait mieux qu'il l'apprenne par toi que par quelqu'un d'autre… T'inquiète pas ! Je lui dirai pas, même si je pense que je devrais.
Les bébés se réveillèrent alors, cessant une conversation qui tournait en dispute.

Augusta était profondément reconnaissante à Dumbledore pour avoir mis Corly à son service. Elle ne savait pas comment elle aurait réussi à s'occuper de deux enfants sans l'aide de l'elfe.
Corly les veillait quand elle dormait. Il l'aidait à les laver et à les langer. Il les surveillait les rares fois où elle sortait de la Salle Peu Commune.
Le directeur lui avait demandé de cacher la présence d'Arthur et Denez à Poudlard, comme elle avait caché sa grossesse. Tant qu'ils étaient bébés, en tout cas… Il lui disait que les parents d'élèves n'apprécieraient pas d'apprendre qu'une sorcière était tombée enceinte alors qu'elle était élève.
Malgré tout, la rumeur à Poudlard était quelque chose qu'on ne pouvait pas retenir. Elle finissait toujours par courir dans le château. Dès début avril, Augusta surprit des bruits de couloir racontant que des jumeaux nouveau-nés vivaient au château. Il lui sembla aussi que plusieurs élèves – à commencer par les autres jumeaux Weasley, Fred et George – la montraient du doigt en chuchotant. Peut-être était-ce simplement ses cheveux blancs qui surprenaient ceux qui la connaissaient.
Dumbledore dispensa pour le reste de l'année scolaire la jeune mère de ses tâches d'assistante de professeur, sans pour autant lui retirer son salaire, à condition qu'elle continuât ses études de BALAIS. Augusta reprit donc rapidement le chemin de la bibliothèque, ramenant toutefois les livres qu'elle utilisait à la Salle Peu Commune alors qu'autrefois elle les consultait sur place.

Le printemps avançait et les garçons grandissaient. Petit à petit ils semblaient prendre conscience de ce qui les entourait, à commencer par l'autre. Quand Augusta leur donnait le sein, ils tétaient chacun le leur, s'arrêtant parfois pour s'entreregarder d'un air curieux qui, chaque fois, la faisait rire.
Alors que ses quelques visiteurs croyaient voir deux répliques identiques, elle commençait à faire quelques différences entre eux deux.
Arthur était plus gourmand. Quand il tétait, il y mettait plus de force et restait plus longtemps. En conséquence, il commençait à être plus gros et plus lourd que son frère, bien qu'ils fussent encore tous deux plus petits que la moyenne.
Denez, lui, s'interrompait souvent dans sa tétée pour regarder autour de lui. A trois mois, il reconnaissait déjà son frère, sa mère, Corly et peut-être même Severus.
Severus Rogue rendait souvent visite à Augusta. Il prétextait venir se rendre compte de l'avancement de ses projets d'étude mais elle voyait bien le regard attendri qu'il posait sur les deux garçons et qu'il tentait de cacher. Il était d'ailleurs leur parrain et prenait ce rôle très à coeur. Augusta se retenait souvent de pouffer de rire quand son ami, occupé à gazouiller avec ses filleuls, se redressait vivement et reprenait son air sombre dès que quiconque le surprenait, fut-ce elle-même.
Elle prenait des photos de ses fils quasiment quotidiennement, les rangeant avec amour dans un grand album que Tonks lui avait offert.

Elle s'était contentée d'annoncer à Remus la naissance d'Arthur et Denez mais celui-ci apprit par Dumbledore les circonstances de l'accouchement. Ayant réalisé qu'il avait risqué de peu de la perdre, il lui montrait depuis autant d'amour que dans les premières années de leur séparation. Il demandait même des nouvelles des enfants, appréciant les photos qu'elle lui envoyait.
Depuis quelques mois, il se trouvait en France, du côté de Lyon. Mais il devrait bientôt changer à nouveau de lieu, ses voisins commençant à se douter de sa nature. Lisant ses lettres, Augusta se demandait s'il existait un seul endroit au monde où les loups-garous pouvaient vivre sans être persécutés.

Enfin les vacances ! Augusta allait enfin pouvoir sortir avec Arthur et Denez !
Le premier jour de Juillet, à peine les élèves avaient-ils quitté les terres de Poudlard, Augusta s'installa à son endroit favori, sous le saule au bord du lac. Les deux garçons étaient allongés sur un large plaid et manipulaient des petits jouets que leur avait offerts Severus. Augusta, assise à leur côté, lisait un ouvrage de potion tout en gardant un oeil sur ses fils. L'elfe Corly était derrière elle, prêt à bondir au premier ordre.
Après un long moment, elle fut rejointe par Hagrid.
-- Bonjour Augusta, dit-il d'un ton timide, plutôt amusant chez un homme d'une telle corpulence. Alors qu'il l'avait aidée à mettre au monde ses fils, qu'il avait été le premier à les tenir dans ses bras, il n'avait pas osé lui rendre visite, ni à l'infirmerie, ni à la Salle Peu Commune. C'était donc la première fois qu'il revoyait les enfants et son sourire gêné quémandait une faveur qu'elle ne pouvait lui refuser.
-- Vous pouvez les prendre dans vos bras, Hagrid.
Mais comme il n'osait toujours pas, elle prit elle-même le petit Denez qui lui sourit largement et le posa d'autorité dans l'une des immenses mains du géant. Le petit garçon quitta son sourire et regarda Hagrid d'un air grave et curieux, tenant sa tête bien droite. Puis, il tendit ses doigts minuscules et attrapa la barbe qui le chatouillait en souriant à nouveau.
Alors qu'elle prenait Arthur dans les bras, Augusta vit alors une grosse larme pointer aux yeux de Hagrid. Elle fit mine de ne pas s'en apercevoir.
-- On dirait que c'est la première fois que vous tenez un bébé dans vos bras, Hagrid, fit-elle remarquer.
-- Non non… répondit-il distraitement sans quitter Denez des yeux, lequel tenait la joue de Hagrid d'une main tout en jouant avec sa barbe de l'autre. J'ai porté le petit Harry autrefois.
-- Harry ?
-- Harry Potter… précisa-t-il sur le même ton.
Puis, devant son manque de réaction, il reprit :
-- Tu sais, Harry Potter ! Même les enfants de moldus en ont entendu parler ! Celui qui a provoqué la perte de… Tu-Sais-Qui.
-- Oui, j'en ai entendu parler, se contenta-t-elle de répondre.
Elle se souvenait même parfaitement de la première fois qu'on lui avait parlé de Lord Voldemort, de Harry Potter, du monde sorcier. Elle revoyait un feu de camp près d’une yourte et des yeux-gris bleus qui ne la quittaient pas pendant le récit. Elle secoua la tête pour chasser ses souvenirs, en vain.
-- Le temps passe… continuait Hagrid. Le bébé Harry qui s'était endormi dans mes bras va avoir onze ans et il va entrer à Poudlard.
-- Vraiment ? Elle ne l'écoutait plus. Ses pensées restaient tournées vers le jour, presque neuf ans plus tôt, où elle avait découvert le corps nu et mutilé d'un homme juste à l'extérieur de son campement.
-- D'ailleurs, Dumbledore m'a confié la tâche de m'assurer qu'il s'inscrive bien à l'école, dit Hagrid d'un ton fier.
-- Le directeur a confiance en vous…
Quand avait-elle entendu la voix de Remus pour la dernière fois ? Oui, quand il lui avait tendu son alliance. Ses derniers mots s'étaient gravés en elle…
Les jumeaux avaient fini leurs biberons et Augusta décida d'aller déjeuner à son tour. Elle les confia à Corly qui saurait la prévenir au moindre besoin et prit le chemin de la Grande Salle, la voix de Remus résonnant en elle.
Quand cette bague t'ira de nouveau, je reviendrai…
Chapitre dix-sept by Morgwen
L'été passa rapidement. Malgré sa tendresse difficilement dissimulée pour ses filleuls, Severus Rogue paraissait plus sombre qu'il ne l'avait jamais été. N'osant pas l'interroger, elle avait fini par s'en ouvrir discrètement à Dumbledore qui lui avait expliqué les raisons de l'humeur du sorcier.
Tout d'abord, le professeur de Défense Contre les Forces du Mal, Alexandre Smolett, qu'Augusta connaissait bien pour avoir reçu de lui nombre de sermons sur son manque d'attention, prenait sa retraite. Et, bien que Severus eût demandé le poste, Dumbledore le lui avait refusé.
-- Pourquoi ? avait demandé Augusta. Il en connaît au moins autant que Smolett sur les Défenses !
-- Le professeur Smolett, Augusta, l'avait-il reprise. Mais qui prendrais-je dans ce cas pour enseigner les potions ?
-- C'est pour ça que vous ne voulez pas qu'il change de poste ?
-- Entre autres choses. A part peut-être vous, je trouverai difficilement quelqu’un d’aussi capable que Severus pour enseigner les potions, alors que bien des sorciers sont compétents dans le domaine des Défenses Contre les Forces du Mal.
-- Pourquoi entre autres choses ?
-- Cela ne regarde que le professeur Rogue et moi-même, Augusta, répondit Dumbledore d'un air sévère qui figea toute autre question aux lèvres d'Augusta.
-- Et c'est seulement parce que vous lui refusez un poste que Severus rumine dans ses chaudrons depuis deux mois ? finit-elle par ajouter.
-- Ruminer dans ses chaudrons… Expression originale ! Non, ce n'est pas, je pense, la seule raison. Avez-vous entendu parler de Harry Potter ?
-- Bien sûr ! répondit-elle, bien qu'elle ne vît pas le rapport. Remus m'en a parlé, il y a bien longtemps. Il connaissait bien ses parents…
Alors elle comprit. Severus aussi avait bien connu les Potter. Il avait viscéralement haï le père et elle avait le sentiment qu'il avait passionnément aimé la mère. Et le fils de ces deux personnes qui lui avaient inspiré des sentiments si contraires allait venir à l'école, ignorant de cette inimité qu'il n'avait rien fait pour mériter.
-- Au fait, qui avez-vous trouvé comme prof de Défense ? demanda-t-elle alors qu'elle se levait pour sortir.
-- Un ancien élève de Poudlard que vous avez du connaître, puisqu'il appartenait à Serdaigle, tout comme vous. Quirinus Quirrel.
Oui, elle connaissait l'ancien Préfet-en-Chef. Celui que Charlie avait un jour décrit comme ayant « l'air d'avoir avalé un balai par le mauvais côté »…

Quelques jours avant la rentrée, elle aperçut Quirrel qui sortait du bureau de Dumbledore, l'air fier de lui. En cinq ans, le jeune sorcier n'avait pas beaucoup changé. Toujours aussi mince, toujours aussi pâle. Toujours aussi raide et probablement toujours aussi bégayant et trouillard !
Comment Dumbledore avait-il pu engager un tel béjaune comme professeur ?
Son impression se renforça le jour de la rentrée. Quirrel se présenta au château dès le petit-déjeuner pour prendre possession de son appartement de fonction. Il arborait sur la tête un ridicule turban qu'il affirma – avec forces tremblements et bégaiements – lui avoir été offert pour un service rendu. Ridicule ! Le jeune homme paraissait avoir peur de son ombre. Il sursautait au moindre bruit et rougissait à la moindre remarque.
Il était entré dans la Grande Salle alors que la plupart des habitants du château étaient déjà sortis. Augusta et Severus étaient assis à la table des professeurs et discutaient des mérites de la potion de sonerase dans le traitement des indigestions. Subitement, alors qu'il ne regardait pas même dans la direction de la porte, elle vit Severus se raidir puis porter la main à son avant-bras et le serrer convulsivement, comme elle l'avait déjà vu faire en quelques rares occasions. Puis il regarda autour de lui, ses yeux noirs scrutant avec attention l'environnement.
Et il s'arrêta sur le nouveau-venu.
La haine et la méfiance qui apparurent sur le visage du Maître de Potions étaient plus fortes que ce qu'elle avait jamais pu voir. Il se dégageait de son ami une telle malveillance qu'elle en recula de peur. Mais Severus ne fit pas attention à elle.
Elle ne voyait qu'un jeune sorcier qui tentait désespérément de se faire reconnaître.
Qu'est-ce que Severus pouvait donc voir qui lui inspirait de tels sentiments ?

C'est avec curiosité qu'Augusta entra dans la Grande Salle ce soir-là. Elle avait confié Arthur et Denez à Corly et savait qu'elle pouvait avoir confiance en l'elfe pour veiller sur eux et venir la chercher au moindre problème. Après tout, les jumeaux allaient sur leurs six mois, elle pouvait bien les laisser seuls quelques heures. Il fallait qu'elle s'y habituât, se disait-elle en remontant l'allée de tables encore vides d'élèves. Dès le lendemain, elle reprendrait ses cours aux dernières années et elle ne pourrait plus passer tout son temps avec ses fils.
Elle aperçut Severus Rogue assis à la table des professeurs, l'air maussade. Elle comprit immédiatement pourquoi : Quirrel s'était installé à son côté et lui parlait en arborant un sourire victorieux et un peu niais. Il devait se réjouir d'avoir obtenu le poste de professeur au nez et à la barbe du Maître de Potions. Tous deux portaient leurs plus belles robes, ainsi que les autres professeurs et elle-même s'était habillée avec soin. Ce n'était pas tous les jours le banquet de début d'année !
N'ayant plus de place près de Severus – de l'autre côté se tenait Dumbledore – elle s'assit auprès de Madame Pomfresh qui l'accueillit en demandant des nouvelles d'Arthur et Denezn qu'elle avait pourtant vus deux heures auparavant.
-- Bien, répondit Augusta, toujours ravie de parler des deux garçons. Ils s'endormaient quand je les ai laissés.

Après quelques minutes de discussion, les deux sorcières s'interrompirent en voyant s'ouvrir les portes de la Grande Salle.
Les élèves, guidés par le professeur McGonagall, entraient en bavardant, en s'interpellant, en riant, heureux pour la plupart de revenir à Poudlard après deux mois de vacances. Augusta croisa le regard de Fred et George Weasley qui la saluèrent de la main. Derrière eux, l'air toujours aussi austère, Percy arborait un badge de Préfet.
Percy Préfet ! Augusta devinait que ça n'empêcherait probablement pas ses frères cadets de lui en faire voir de toutes les couleurs.
McGonagall s'était absentée – probablement pour recevoir les nouveaux élèves devant le château – et revenait pour presser les autres à s'installer. Une fois le silence établi dans la Grande Salle, elle ressortit et rentra aussitôt avec une trentaine d'enfants qui paraissaient presque apeurés. Comme probablement toutes les autres personnes présentes dans la salle, Augusta se demandait lequel, parmi ces jeunes sorciers, était le célèbre Harry Potter.
Un regard sur le groupe lui suffit pour le repérer. Elle avait vu des photos des amis de Remus pendant leur scolarité à Poudlard. Et au milieu de la file d'enfants se tenait un petit garçon maigre, aux cheveux bruns en bataille, qui était le portrait craché de son père, James Potter.
A côté de lui se tenait un grand garçon roux qui ressemblait énormément à Percy. Ce devait être Ron, le dernier frère Weasley.
Chaque nouvel élève passa sous le Choixpeau et Augusta applaudit poliment chacun d'eux. Quand le nom de Harry Potter retentit, un silence se fit dans la Grande Salle. En huit ans, elle n'avait jamais entendu un tel silence. Tous les yeux étaient fixés sur le garçon qui essayait vainement de cacher son embarras.
-- GRYFFONDOR ! hurla le Choixpeau.
Une éruption sembla monter à la table des Gryffondor. Les applaudissements étaient à leur comble. Elle crut même entendre Fred et George hurler : « Nous avons Potter ! Nous avons Potter ! »
Le tumulte mit un long moment à s'apaiser. Alors que retentissaient encore les derniers applaudissements, Augusta se pencha en avant pour saluer Hagrid qui venait d'entrer et s'asseyait discrètement à sa place habituelle. Se faisant, elle aperçut le visage de Severus et frissonna.
Les yeux noirs du sorcier étaient fixés sans ciller sur le jeune Potter et son expression reflétait une telle haine qu'elle en avait le souffle coupé. Ses mains fines semblaient s'agripper à la table comme des serres, au point que ses articulations, elle le voyait de sa place, devenaient blanches. Il ouvrit alors les mâchoires qui jusqu'ici semblaient soudées l'une à l'autre pour répondre à une question de Quirrel, sans toutefois lâcher Potter des yeux.
Elle reporta son attention sur le garçon qui devait avoir remarqué l'attitude du Maître de Potion, puisqu'il se passait une main sur le visage, comme pour rompre un contact imaginaire entre eux.
-- Weasley, Ronald.
Augusta fut distraite par l'envoi de Ron Weasley à Gryffondor.
Charlie serait si fier !

Pourquoi diable le couloir du troisième étage de l'aile droite était-il interdit d'accès ? Les paroles de Dumbledore au festin de rentrée avaient chatouillé la curiosité d'Augusta. Interrogé, Severus se contenta de répondre que Dumbledore y gardait un objet précieux et que les barrières le protégeant étaient bien trop dangereuses pour quiconque s'en approchant. Elle dut se contenter de cette explication, sachant pertinemment qu'il n'en dirait pas plus.

Un dimanche matin d'octobre, un de ces matins où le soleil brillait dans l'air froid et sec, faisant oublier l'hiver qui approchait, Augusta se promenait sur le dos de Myrddin sur les terres du château, le poussant parfois au galop. L'animal et la sorcière étaient en sueur malgré la température. Pour monter à cheval, elle avait pris l'habitude de porter une robe un peu passée de mode, mais qui avait le grand avantage d'avoir une jupe très large qui lui permettait la position de califourchon.
Lors d'un de ses galops, elle vit déboucher une silhouette de la forêt qui faillit se jeter sous les sabots du cheval. Myrddin se cabra, manquant de peu de la faire tomber. Lui murmurant des paroles apaisantes, elle baissa les yeux pour voir un Quirinus Quirrel changé en statue de terreur. Comprenant qu'il avait autant besoin d'être rassuré que le cheval, elle glissa à terre et posa sa main sur l'épaule du jeune homme.
-- Ca va aller Quirinus, dit-t-elle doucement. Tu as juste fait peur à Myrddin. Tu ne risques rien.
Il se dégagea brusquement et la regarda d'un air dur.
-- Qui êtes-vous ? lui demanda-t-il.
Et sa voix, sans qu'elle pût dire en quoi, lui paraissait étrange, différente.
-- Augusta… Augusta Pye. J'étais à Serdaigle avec toi.
Il la parcourut d'un regard où se lisait à la fois l'incrédulité et le dégoût.
Elle n'aimait pas ce regard là.
-- Pardon d'avoir effrayé ton animal, dit-il, sans paraître le moins du monde désolé.
Et il la quitta, marchant rapidement en direction du château avant qu'elle eût compris ce qui se passait.
Alors qu'elle remontait sur Myrddin, elle comprit ce qu'elle avait trouvé bizarre chez Quirrel.
Il n'avait pas bégayé.

Augusta ne s'était pas rendue au festin d'Halloween.
D'une part, elle voulait passer la soirée tranquillement avec ses fils. Ses journées étaient fatigantes, ses recherches de seconde année de BALAIS lui demandaient beaucoup de travail, sans parler des élèves qui lui souvent parfois la vie dure !
D'autre part, elle avait perdu trop de membres de sa famille pour aimer célébrer une fête des morts. Elle s'y était bien amusée quand Charlie et Tonks étaient avec elle à l'école mais aujourd'hui où son ami le plus proche était Severus, elle se doutait que la soirée risquait de manquer d'humour.
Elle était donc occupée à écouter Denez babiller des mots incompréhensibles quand elle eut la surprise de voir le Maître de Potions entrer dans la Salle Peu Commune à une heure où il aurait du être en plein milieu du repas.
-- Augusta, j'ai besoin de toi. Viens avec moi !
Et il ressortit avant qu'elle eût pu ouvrir la bouche.
Étonnée de ce comportement inhabituel, elle obéit sans réfléchir, laissant ses fils avec Corly. Severus l'attendait devant la porte, ignorant le regard curieux de Gwalchmeï. Sans un mot, il partit dans le couloir et elle le suivit.
Quand ils s'arrêtèrent enfin, Augusta réalisa qu'ils se trouvaient devant la zone interdite d'accès.
-- Severus… Qu'est-ce que nous faisons ici ?
-- Le professeur Dumbledore excepté, tu es la seule ici en qui j'ai une confiance absolue, répondit-il, la prenant de court.
Elle ne s'attendait pas à ça.
-- Qu'est-ce que…
-- Je vais voir si quelqu'un est entré, interrompit-il. Reste ici ! Empêche quiconque de passer.
Il entrouvrit la porte et de sourds grognements parvinrent à leurs oreilles. Alors qu'il allait entrer, il se retourna, se saisit de sa main et la pressa. Puis il referma la porte sur lui.
Que se passait-il donc ? Augusta pouvait entendre un faible bourdonnement autour d'elle : le bruit de pas des élèves qui retournaient dans leurs Salles Communes. Pourquoi rentraient-ils si tôt ? Pourquoi Severus l'avait-il emmenée ici ?
Empêcher quiconque de passer…
A tout hasard, elle sortit sa baguette. Quoi que redoutât le sorcier, il ne fallait pas qu'elle lui fît défaut en le laissant entrer dans son dos.
Entendant un bruit de course, elle se tourna pour voir accourir un Quirrel blême qui vint presque s'écrouler dans ses bras.
-- Un t… t… tr… troll ! réussit-il à articuler, d'une voix tremblante.
-- Un troll ? Où ça ? Dans le château ? demanda-t-elle, l'angoisse montant.
Elle avait laissé les garçons. Et si le troll réussissait à entrer chez elle ?
-- Oui… répondit Quirrel, toujours bégayant.
Un instant, elle fut tentée de s'enfuir, de mettre ses fils à l'abri. Alors elle pensa à Severus. Elle devait empêcher quiconque d'entrer. Qu'est-ce qui arrêterait Quirrel de suivre Severus si l'envie lui venait.
Allons… Les enfants étaient en sécurité avec Corly ! Et puis tous les professeurs devaient être partis à la chasse au troll…
Elle resta en travers de la porte.
-- Quirinus, dit-elle d'un ton doux. Tu n'as pas l'air bien…
C'était vrai. Le jeune homme tremblait comme une feuille. Ses yeux roulaient de terreur. Ou il était le meilleur comédien qu'elle eût jamais vu ou il avait vraiment peur de quelque chose.
-- Non… non… répondit-il faiblement. Ca va…
-- Tu devrais passer à l'infirmerie, reprit-elle, tant par compassion que pour se débarrasser de lui. Madame Pomfresh te donnera un peu de filtre de paix.
-- Oui… J'y vais…
Et le pauvre garçon s'éloigna, les larmes pointant à ses yeux, et les mains pressées sur sa tête, réveillant la pitié d'Augusta.
Comment un tel sorcier pouvait-il enseigner les Défenses Contre les Forces du Mal ?
Après un long moment, Severus ressortit en boitant. Le bas de sa robe noire était souillé de sang. Augusta poussa un cri mais il lui imposa le silence de la main.
-- Quelqu'un a-t-il essayé d'entrer ? demanda-t-il.
Elle lui raconta la venue de Quirrel et il hocha la tête à la fin de son récit.
-- Bien, dit-il simplement. Tu devrais retourner à tes fils, Augusta. Tu dois être morte d'inquiétude à leur sujet.
-- Mais vous êtes blessé, Severus ! Je ne peux pas vous laisser dans cet état !
-- Ne t'alarme pas pour moi ! répliqua-t-il. C'est une simple égratignure. Rentre chez toi et ne parle à personne de cette soirée !
Il y avait tant d'autorité dans sa voix qu'elle n'osa pas le contredire. Ce n'était pas là le Severus qu'elle connaissait. Ce n'était ni le Maître de Potions passionné par son sujet ni le professeur aigri ni l'ancien élève haineux et jaloux… C'était un homme sérieux comme la mort qui semblait accablé de l'idée de porter le poids du monde sur le dos. Elle ne savait pas d'où lui venait cette impression…
Elle reprit le chemin de la Salle Peu Commune.

Les jours suivant, Augusta remarqua que Severus paraissait surveiller Quirrel. Elle regrettait de lui avoir appris la venue du jeune homme quand elle avait gardé cette porte le soir d'Halloween. Mais, de toute manière, il avait eu l'air de s'y attendre, ce qu'elle ne comprenait pas.
Il boita un certain temps, répétant à Augusta qu'il n'avait rien, jusqu'à ce qu'elle le surprît dans à se faire soigner une mauvaise plaie par Argus Rusard dans son bureau. Alors, elle se mit dans une colère noire. Pourquoi avait-il essayé de lui cacher une telle blessure ? Pourquoi ne pas venir la trouver elle, qui avait bien plus de connaissances médicinales que Rusard, ou même Madame Pomfresh ? Pourquoi ?
Il ne lui répondit que par un sourire gêné, s'excusa et la laissa s'occuper de lui.
-- C'est malin ! grommelait-elle. Vous seriez venu immédiatement, je vous aurais soigné en une demi-minute ! Mais maintenant que vous avez attendu une semaine, je ne vais pas pouvoir éviter une vilaine cicatrice. A quoi pensiez-vous donc ?
Il ne répondait pas. Elle était agenouillée devant lui et lui passait une pommade sur le mollet tout en marmonnant. Franchement, s'infliger des souffrances quand elle était là pour le soigner ! Quelle inconscience !
De son côté, Quirinus Quirrel n'allait pas beaucoup mieux que le soir d'Halloween. Chaque fois qu'elle le croisait, il lui semblait avoir peur de son ombre. Était-ce l'apparition subite du troll à Poudlard – Fred et George lui avaient raconté l'incident de la Grande Salle en détail sans oublier de mentionner l'évanouissement de leur professeur – ou la surveillance discrète mais continue de Severus ? Elle ne savait pas mais sentait le sorcier au bord de la crise de nerfs. Plusieurs fois, elle l'avait surpris à parler tout seul.
Une fois, elle demanda à Severus de laisser le pauvre garçon en paix mais il lui jeta un tel regard sombre qu'elle n'osa pas faire une seule autre démarche.

Le matin de Noël, alors qu'Augusta prenait son petit-déjeuner dans la Grande Salle – Arthur et Denez dormaient encore, sous la surveillance de Corly – elle reçut une nouvelle lettre de Remus. Celui-ci était actuellement installé à Landunvez, un village moldu des environs de Brest et il s'était rendu à Plougonvelin, là où elle avait vêcu après la mort de ses parents.
Remus chez elle…
Elle l'imaginait marchant dans les rues qu'elle connaissait si bien. Elle le voyait s'arrêter devant sa maison où plus personne n'habitait. Il en faisait alors le tour et découvrait le petit chemin qui descendait à la crique. La crique qu'elle avait si souvent revue en rêve ici. Ses rêves où il était également présent…

Elle fut interrompue de ses rêveries quand entrèrent Harry Potter et Ron Weasley, suivi de peu des jumeaux. Tous quatre portaient un pull-over qu'elle reconnut comme un pull Weasley. Tous les ans, elle avait vu Charlie avec un pull neuf semblable.
Elle avait été surprise de voir les garçons Weasley rester au château pour les vacances mais Fred – ou était-ce George ? Elle n'arrivait jamais à les différencier. – lui avait dit que leurs parents étaient partis en Roumanie pour rendre visite à Charlie. Le jeune Potter, elle le savait, était orphelin et il était normal qu'il eût la possibilité de rester ici.
Fred et George la saluèrent de la main et s'installèrent à la table des Gryffondor avec leurs cadets qui ne lui lancèrent pas un regard. Ils devaient la prendre pour un professeur – ce qu'elle était plus ou moins, d'ailleurs – et comme elle ne leur donnait pas de cours, elle ne les intéressait pas.
Elle sortit peu après de la Grande Salle et rejoignit ses fils. Une fois nourris, elle les emmena avec elle chez Hagrid qui l'avait invitée à prendre le thé.
La cabane du garde-chasse, bien qu'exiguë pour lui, était pour Augusta très agréable. Elle aimait bien venir ici. Elle laissait, comme maintenant, ses enfants ramper sur l'immense édredon étendu sur le lit du géant et s'installait à la table de celui-ci. Ils discutaient de Charlie et de la chance – selon Hagrid – qu'il avait de voir des dragons tous les jours quand on frappa à la porte. Avant qu'elle eût pu l'en empêcher, il se levait pour aller ouvrir et elle vit se précipiter à l'intérieur les deux têtes rousses de Fred et George Weasley.
-- Merci Hagrid, dit celui qu'elle croyait être George. On s'est fait surprendre par la neige.
Effectivement, de gros flocons tombaient dru et semblaient vouloir entrer à la suite des jumeaux. Hagrid referma la porte derrière eux.
-- Entrez, entrez ! dit-il. Vous boirez bien un peu de thé. Vous connaissez Augusta Pye ?
-- Bien sûr ! répondit Fred. La petite amie de Charlie. Salut Gus !
-- Joyeux Noël ! ajouta George. Mais on t'a apporté mieux que du thé, Hagrid.
Et les deux frères, avec un de leurs sourires si particuliers, sortirent de leurs poches trois bouteilles de bièraubeurre.
-- Désolée, Gus, mais on n'avait pas prévu que tu serais là !
-- C'est pas grave, répondit-elle, mécaniquement, encore gênée d'apprendre que les jumeaux la croyaient en couple avec Charlie.
Alors Arthur se mit à pleurer et l'attention de chacun se porta vers les bébés.
-- Gargouilles galopantes ! s'exclama George ou Fred.
A neuf mois et demi, Arthur et Denez avaient bien grandi. Ils avaient les yeux noirs de leur mère et des cheveux châtains foncés, mais ils ressemblaient tellement à leur père qu'il était impossible de rien cacher à quiconque le connaissait et particulièrement aux deux jumeaux bouches bées présents.
-- Il paraît qu'il y a beaucoup de vrais jumeaux dans la famille… dit Augusta en souriant, comme si de rien n'était.
Et prenant ses fils dans les bras, elle en confia un à chacun de leurs oncles qui ne pensaient apparemment plus à boire de la bièraubeurre.
-- Voici Arthur et Denez, dit-elle.
Puis, s'adressant aux bébés, elle ajouta :
-- Ce sont Fred et George, vos tontons.
Pour la première fois depuis qu'elle les connaissait, Augusta voyait les jumeaux silencieux et sérieux, et cela l'amusait beaucoup. Elle avait comme le sentiment de leur avoir joué un bon tour, ce dont peu de personnes pouvaient se vanter.

Fred et Georges promirent de ne parler à personne des fils d'Augusta et elle savait qu'elle pouvait leur faire confiance sur ce point. Toutefois, comme Tonks, ils s'indignèrent de ce que Charlie ne fût pas au courant. Elle savait qu'elle devait lui en parler ! L'incident lui avait rappelé qu'il pouvait bien l'apprendre par quelqu'un d'autre.
Elle était donc maintenant décidée à le mettre au courant, mais ne savait toujours pas comment s'y prendre. Elle avait du mal à imaginer comment elle pouvait lui écrire une telle nouvelle.
Non ! Il lui fallait le revoir et lui parler face à face. Mais, puisqu'elle ne pouvait pas sortir, comment le faire venir ?
L'occasion se présenta quelques semaines plus tard alors qu'Augusta se présentait chez Hagrid.
Elle était occupée à soigner ses chevaux et avait remarqué que l'un des fers d'Artus s'était abîmé au point de lui faire mal. Elle entra donc dans la cabane du garde-chasse pour lui demander son aide et faillit se faire flamber le visage.
Sur la haute table, soufflant feu et flamme, une petite créature ailée se débattait entre les mains du plus jeune Weasley, sous le regard attendri du géant.
-- Hagrid ! lança-t-elle d'un ton sévère. Qu'est-ce que vous faites avec un dragonnet chez vous ?
Hagrid prit un air penaud et Ron la regarda un moment avec surprise avant que le petit dragon ne plantât ses crocs dans sa main.
-- Aïe ! s'exclama-t-il en secouant la créature pour lui faire lâcher prise. Sale bestiole de malheur ! Je vais te faire bouillir avec Rogue dans un chaudron de limaces !
Hagrid se précipita mais, plutôt qu'aider le pauvre garçon, il prit tendrement le dragon dans ses mains – se les brûlant à son souffle au passage – et lança un regard de reproche à Ron.
-- Gentil Norbert… dit-il d'un ton doux. Tout va bien… Ron ne t'embêtera plus… Maman est là…
Ron lui lança un regard incrédule puis, grommelant, ouvrit la porte pour rentrer au château. Alors qu'il passait à côté d'elle, elle l'entendit murmurer :
-- Vivement que Charlie récupère ce satané lézard !
Elle courut derrière lui, cheval et fer oublié, et l'attrapa par l'épaule.
-- Charlie ? lui dit-elle. Charlie va venir ?
Il la regarda un moment, se demandant clairement qui était cette sorcière aux cheveux blancs qui connaissait son frère.
-- Non, finit-il par répondre. Mais certains de ses amis, oui. Ils vont emmener ce dragon de malheur et le ramener à Charlie !
Et il partit, toujours grommelant, sa main ensanglantée enroulée dans sa cape.
Elle fit demi-tour.

Hagrid lui avait expliqué les circonstances du rendez-vous entre Harry Potter et les amis de Charlie et, le jour dit, elle se trouvait au sommet de la tour d'astronomie sous sa forme d'hirondelle quand arrivèrent Potter et une autre élève qu'elle ne connaissait pas. Ils apparurent tous deux au beau milieu de la tour sans qu'elle les eût vu surgir de l'escalier.
Les deux enfants se mirent à attendre, murmurant entre eux et retenant Norbert le dragon de sortir. Ils ne faisaient pas attention à elle. Enfin, quatre balais apparurent et quatre jeunes sorciers se posèrent sur la tour. S'en suivit un court conciliabule entre eux et les élèves et, finalement, ils décollèrent à nouveau, le dragon au milieu d'eux.
Augusta étendit ses ailes et les rejoignit en un instant. Elle se posa sur le dragon avant de se transformer au milieu des airs.
-- N'ayez pas peur ! prévint-elle immédiatement. Elle craignait que la surprise de voir une sorcière apparaître de nulle part ne les désarçonnât.
Le meneur la regarda curieusement.
-- Tu es Gus ! s'exclama-t-il.
De toute évidence, Charlie lui avait parlé d'elle.
-- Oui. Vous allez voir Charlie ?
-- Dès que nous serons en Roumanie, oui.
-- Tu peux lui laisser un message pour moi ?
-- Euh… bien sûr, répondit-il.
Il semblait étonnée qu'elle n'utilisât pas un hibou comme tout le monde.
-- Il faut que je lui parle, face à face. Mais je ne peux pas quitter Poudlard. C'est très important. Qu'il vienne dès qu'il pourra se le permettre et me retrouve à la Salle Peu Commune !
-- A la salle peu commune ? répéta le sorcier.
-- Oui. Tu pourras lui dire ça ?
L'autre acquiesça et, comme ils atteignaient les limites des terres du château, elle le quitta. Elle ne voulait pas risquer de recroiser l'oiseau rouge et or de Dumbledore.
Chapitre dix-huit by Morgwen
L'année avançait mais Charlie ne donna pas signe de vie. Augusta crut d'abord que son message ne lui avait pas été transmis, mais une conversation avec Tonks la détrompa. Charlie savait qu'elle voulait lui parler mais le lui refusait. De toute manière, avait-il dit à Tonks, il ne pourrait pas quitter la Roumanie avant deux ans au moins ! Il n'avait presque pas de temps libre – d'autant qu'il devait maintenant s'occuper d'un dragon de plus. Et, eut-il eu le temps, il n'avait pas les moyens de voyager !
Pendant ce temps, ignorés de lui, ses fils grandissaient.
Denez parlait déjà un charabia incompréhensible à quiconque, sauf peut-être son frère qui semblait le comprendre, et ne cessait de tomber dans ses tentatives pour marcher.
Arthur, au contraire, regardait et écoutait son jumeau mais ne tentait rien. Alors que Denez était curieux de prendre en main tout ce qu'on lui tendait – et ce qui traînait aussi – Arthur regardait tout cela sans chercher à y toucher. Augusta n'aurait jamais cru que deux frères jumeaux pussent être aussi différents. Dans leur caractère, en tout cas, car sur le plan physique, ils se ressemblaient comme deux gouttes d'eau et la plupart des gens ne les différenciait qu'à leur comportement.
Leurs deux oncles avaient découvert, Dieu savait comment, où se trouvait la Salle Peu Commune et rendaient maintenant de fréquentes visites à Augusta. Et les deux paires de jumeaux Weasley étaient autant enchantés de se retrouver. Arthur et Denez adoraient Fred et George qui le leur rendaient bien.

Les garçons dormaient. Le château était d'un calme absolu.
La lune, ronde et argentée, illuminait les faîtes des arbres de la Forêt Interdite.
Comme tous les mois depuis tant d'années, Augusta contemplait le ciel. Ses doigts jouaient avec les trois anneaux de son alliance, toujours suspendue autour de son cou. Depuis si longtemps qu'elle avait retrouvé un corps d'adulte, son alliance ne lui allait toujours pas. Était-ce ce détail qui retenait son mari loin d'elle ? Ne reviendrait-il vraiment que lorsqu’elle pourrait porter sa bague ?
Remus était toujours en Bretagne. Il lui décrivait souvent des endroits qu'elle connaissait bien. Que n'aurait-elle donné pour être là-bas avec lui ? Alors, son regard tombait sur les jumeaux. Au moins, même si elle ne revoyait pas Remus, elle n'était plus seule. S'occuper d'eux chaque jour lui faisaient oublier son amour au loin.
Sauf trois nuits par mois…
Elle regardait la lune au travers de ses larmes…

Enfin, l'année scolaire arrivait à son terme ! Les élèves commençaient à passer leurs examens de fin d'année et, bientôt, Augusta pourrait enfin se reposer.
Elle-même devait passer des épreuves écrites et pratiques pour obtenir son BALAIS. Elle allait être examinée par ces mêmes sorciers du ministère qui s'occupaient des BUSE et des ASPIC, ce qui la rassurait quelque peu.
Le jour des épreuves arriva finalement, cinq jours après l'arrivée au château des examinateurs. Elle se leva le coeur battant et les mains tremblantes. Severus avait eu beau lui répéter chaque jour qu'elle ne pouvait que réussir son BALAIS haut la main, elle n'en était pas moins nerveuse à l'idée de le passer. Une fois habillée – elle avait enfilé une robe stricte d'un rouge sombre qui faisait ressortir ses cheveux blancs – elle entra dans la chambre des jumeaux. Elle se pencha sur eux, se retenant de les prendre dans ses bras. Endormis, ils étaient vraiment aussi semblables qu'on peut l'être. Elle doutait qu'elle-même eût pu les reconnaître si elle ne les avait pas habillés chacun d'un pyjama différent...
Comme Charlie serait fier d'eux s'il les voyait. De jour en jour, ils ressemblaient plus à leur père.
Elle soupira. Ce n'était pas le jour à se lamenter du silence de Charlie…
Elle referma la porte et sortit de la Salle Peu Commune.

Dans la Grande Salle n'étaient présents que deux êtres vivants : une élève de première année à la table des Gryffondor, le nez plongé dans une haute pile de parchemins, et le professeur Dumbledore à la table des professeurs. Quelque chose frappa Augusta dans l'apparence du directeur mais elle mit un bon moment avant de comprendre ce dont il s’agissait.
Ce n'est qu'en s'asseyant à son côté qu'elle réalisa : il portait une légère cape de voyage par-dessus sa robe.
-- Vous nous quittez professeur ? demanda-t-elle.
-- Hélas oui, répondit-il avec l'air de quelqu'un qui se prépare à une corvée. Un hibou de notre Ministre. J'ai bien peur qu'on ait encore besoin de mon aide à Londres.
-- Combien de temps partez-vous ?
-- Oh… Je ne sais pas… Je suppose que je serai rentré demain.
Il vida alors son gobelet d'un trait et se leva.
-- Le devoir n'attend pas, dit-il à l'adresse de la jeune femme. Et bon courage pour votre BALAIS Augusta !
-- Merci, répondit-elle.
Elle le suivit des yeux et, alors qu'il sortait, vit entrer Quirrel qui regarda passer Dumbledore avec un sourire étrange sur le visage. De sa place, Augusta ne le distinguait pas très bien mais il ne lui donna pas moins le frisson. Toutefois cette impression s'effaça dès que Quirrel se tourna vers elle et s'avança pour prendre son petit-déjeuner.
-- Bonjour Quirinus, dit-elle poliment quand il s'assit.
-- Bonjour Augusta, bégaya-t-il. Alors, c'est le grand jour ?
La question l'étonna. Elle ne pensait pas que Quirrel s'intéressât le moins du monde à elle, bien qu'elle lui eût plusieurs fois procuré des potions pour ses maux de tête. De son côté, elle plaignait le jeune homme qui paraissait si peu fait pour son travail.
Ils discutèrent quelques minutes pendant lesquelles Quirrel lui raconta son propre examen de BALAIS.
-- J'ai des épreuves pratiques à préparer, finit par dire le sorcier. Je vous laisse. Bonne chance !
Elle le remercia et il la quitta tandis que la Grande Salle commençait à se remplir d'élèves.
Elle repensa à la conversation qu'elle venait d'avoir. C'était la première fois depuis qu'il était revenu à Poudlard, que Quirrel avait été si amical avec quelqu'un. Elle avait d'ailleurs senti sa bonne humeur déborder de toute part. C'était une bonne chose qu'il se fût décidé à devenir sociable. Ainsi, Madame Pomfresh et elle cesseraient de s'inquiéter de ses crises de nerfs.

-- Bien, Miss Pye, je n'ai plus de questions.
Augusta hocha la tête en direction du vieux sorcier au sourire bienveillant et commença à rassembler ingrédients et matériel de potion. Il était presque vingt et une heures et elle sentait la tension de la journée s'évaporer rapidement.
-- Je peux vous dire, reprit son examinateur, que ça s'est très bien passé ! Je ne devrais pas, d'ailleurs… Et j'ai discuté avec mes collègues qui vous ont fait passer les Métamorphoses et la Médication. Ils sont très contents de vous ! Si vous avez réussi moitié aussi bien vos épreuves écrites, je peux vous prédire au moins un E à votre examen !
La sorcière lui lança un grand sourire. Elle appréciait d'être ainsi rassurée.
-- Merci Mr Dismith.
Elle le salua et sortit, sa faim grandissant à mesure que son stress s'effaçait.
Alors qu'elle rentrait à la Salle Peu Commune, se retenant de sautiller de joie, elle tomba sur Quirrel au détour d'un couloir.
Curieux…
Bien que d'habitude il ne sortait jamais de son bureau en dehors des repas, elle n'avait cessé de le croiser aujourd'hui. À croire qu'il ne tenait pas en place. C'était une bonne chose que de devenir sociable mais il en faisait peut-être un peu trop…
-- Tiens, Quirinus, dit-elle d'un ton enjoué. Où allez-vous à une heure pareille ? Vous ne m'aviez pas dit que vous comptiez passer la soirée à corriger des copies d'examen ?
Mais le Quirrel qui la regarda à cet instant n'était pas le professeur nerveux qu'elle connaissait. Son regard était si menaçant qu'elle sentit un frisson lui parcourir l'échine et recula d'un pas sans s'en rendre compte. Il la contourna pour la dépasser sans plus lui porter attention et s'éloigna d'un pas vif. Sans trop savoir pourquoi, elle se transforma rapidement et discrètement et s'envola à la suite du sorcier.
Alors qu'ils avançaient dans les couloirs du château, elle se remémora le jour où elle avait failli écraser Quirrel sous les sabots de son cheval. Ce jour là aussi il lui avait parut différent et, maintenant qu'elle y repensait, inquiétant. Son habituelle faiblesse apparente n'était-elle que cela : apparente ?
Quirrel finit par s'arrêter et Augusta reconnut où elle se trouvait : la zone interdite d'accès. Là où elle avait monté la garde le soir d'Halloween. Quand Quirrel avait fait son apparition. Apparition pressentie par Severus. Comment avait-elle pu être aussi aveugle ? Elle avait plaint le pauvre jeune homme harcelé par Severus… et ce dernier avait eu raison tout du long de se méfier.
Quirrel regarda attentivement autour de lui sans la voir – elle voletait discrètement juste au-dessus de sa tête. Puis, il sortit de sous sa cape un objet qu'elle ne reconnut pas à cause de l'obscurité. Murmurant une incantation, il toucha l'objet de sa baguette et une musique en parvint, douce mais forte. Alors, il prit l'instrument sous son bras et passa la porte interdite.
Elle faillit se précipiter à sa suite mais se ravisa aussitôt. Elle ne savait pas ce qui se trouvait derrière. Quand Severus était entré, il était ressortit couvert de son propre sang. Elle reprit donc sa forme humaine et prit le chemin du bureau du Maître de Potions au pas de course.

Il n'était pas dans son bureau. Pendant près d'une heure, Augusta parcourut l'école à sa recherche, allant même jusqu'à frapper au bureau de Dumbledore avant de se souvenir que le directeur était absent. Découragée, elle finit par rentrer à la Salle Peu Commune pour y tomber nez à nez avec Severus.
-- Augusta ? demanda-t-il avec un visage inquiet. Comment se fait-il que tu rentres si tard ? Je viens de coucher tes fils…
Elle l'interrompit brutalement et lui expliqua en quelques mots ce dont elle avait été témoin.
-- Et tu dis que tout cela s'est passé il y a déjà une heure ? s'exclama-t-il quand elle eut fini. J'espère qu'il n'est pas trop tard.
Elle ne se fatigua pas à justifier un retard dû au fait que Severus aimait trop ses filleuls.
-- Qu'est-ce que vous comptez faire ? demanda-t-elle.
-- Je vais en parler au directeur sur-le-champ !
-- Mais… Le professeur Dumbledore est parti à Londres ce matin… Le temps que vous réussissiez à le contacter, qu'il vienne jusqu'à Poudlard…
-- Penses-tu donc que j'utiliserais un hibou dans une telle situation ? répondit Severus avec un rien de mépris. Assez parlé !
Il se leva vivement mais se reprit alors qu'elle faisait mine de l'accompagner.
-- Non ! Reste ici Augusta ! Tu en as assez fait pour ce soir. Je ne sais pas comment tout cela va tourner mais je refuse de te mettre en danger.
-- Mais…
-- A demain ! coupa-t-il, l'empêchant de protester.
Et il sortit.
Augusta regarda la porte un long moment après la sortie de Severus. Son ami avait eu l'air de penser que la situation était bien plus grave que ce qu'elle avait pressenti. Qu'allait-il se passer ? Si Severus ne parvenait pas à trouver Dumbledore, allait-il prendre à nouveau des risques inconsidérés ?
Elle passa dans la petite cuisine pour préparer du café.
La nuit allait être longue…

Augusta s'était assoupie un peu avant l'aube. Toute la nuit, elle avait espéré voir revenir Severus Rogue mais nul n'était venu la rassurer. Elle entra donc dans la Grande Salle alors que les derniers hiboux survolaient les tables. La première chose qu'elle vit fut Dumbledore en grande conversation avec Severus, tous deux l'air fort soucieux, mais saufs. Ensuite, elle remarqua que de nombreux élèves étaient encore présents et qu'ils murmuraient entre eux avec excitation.
Rassurée sur le sort de son ami, elle avançait vers la table des professeurs quand elle fut interceptée par Fred et George Weasley.
-- Gus ! lança Fred, qu'elle commençait à distinguer de son frère. Tu ne devineras jamais ce qui s'est passé !
Et de lui raconter que leur petit frère, Ron, avait aidé le jeune Harry Potter à défaire Elle-Savait-Qui et qu'il avait réussi à passer un obstacle mis en place par McGonagall elle-même – bien qu'aucun des deux ne sût en quoi il consistait – et que Quirrel avait été un serviteur d'Elle-Savait-Qui et que Harry Potter l'avait tué et que Harry Potter était à l'infirmerie et que…
Le récit menaçait de durer encore longtemps mais, Augusta ayant aperçu Dumbledore quitter la Grande Salle, elle prit congé des jumeaux pour parler à Severus avant que celui ne s'en allât à son tour.
-- Que s'est-il passé ? demanda-t-elle sans préambule en s'asseyant.
Elle ne savait pas à quel point elle pouvait faire confiance au récit de Fred et George.
Comme à contrecoeur, il entama son récit à voix basse.
-- Quand je t'ai quittée hier soir, j'ai contacté le professeur Dumbledore pour lui expliquer la situation. Mais il était déjà en route. Je ne sais pas comment il a pu deviner que quelque chose n'allait pas, mais le fait est qu'il venait d'arriver à Pré-au-Lard. J'ai été l'attendre à l'entrée du domaine et je lui ai raconté ce que tu as vu.
Elle l'interrompit. Elle voulait une confirmation des paroles des jumeaux, pas une biographie.
-- C'était vraiment Voldemort ?
Severus sursauta et lui lança un regard mauvais avant de se reprendre.
-- Oui, c'était le Seigneur des Ténèbres, répondit-il. Il avait pris possession du corps de Quirrel.
-- Mais qu'est-ce qu'il y avait dans ce couloir qui l’intéressant tant ?
Elle avait beau savoir que le Maître de Potions détestait qu'on lui coupât la parole, elle ne pouvait s'en empêcher.
-- Le directeur y gardait la Pierre Philosophale pour son ami Nicolas Flamel.
Augusta laissa échapper un sifflement impressionné. Si les légendes moldus de la Pierre Philosophale était tant soit peu fondée, cet objet était la clef pour Voldemort pour revenir à la vie.
Alors, elle réalisa les conséquences de l'événement. Si Voldemort avait réussi à s'infiltrer dans Poudlard au nez et à la barbe de Dumbledore et failli voler une pierre gardée par une demi-douzaine de défenses, était-elle vraiment en sûreté ici ? Et si, d'une manière ou d'une autre, Voldemort ou l'un de ses serviteurs découvrait sa véritable identité ?
-- Et qu'est-ce que Potter a à voir avec tout ça ? demanda-t-elle pour se changer les idées. Fred et George Weasley m'ont dit qu'il était inconscient à l'infirmerie.
-- Ce petit héros arrogant a cru qu'il pouvait sauver la Pierre Philosophale à lui tout seul, répondit Severus, la mâchoire crispée. Enfin, avec deux de ses camarades de Gryffondor : Weasley et Granger. D'après les explications embrouillées de ces enfants, Hagrid leur a dit comment endormir son chien à trois têtes gardant l'entrée, Granger leur a fait passer le filet du diable du professeur Chourave, Weasley, l'échiquier géant de McGonagall, le troll de Quirrel était déjà hors d'état de nuire et Granger a résolu mon énigme de potions…
-- Mais Potter dans tout ça ? demanda Augusta.
-- Potter a seulement survécu à la rencontre avec Quirrel et le Seigneur des Ténèbres parce que le professeur Dumbledore est arrivé juste au bon moment ! Quirrel n'avait pas trouvé comment extraire la Pierre du Miroir du Rised et Potter l'a fait pour lui ! Un peu plus et, à cause de son arrogance, le Seigneur des Ténèbres revenait à la vie.
Sachant combien Severus haïssait le jeune Potter, Augusta ne savait pas si elle pouvait croire son récit plus que celui des jumeaux.
-- Mais Severus, demanda-t-elle timidement. Dumbledore faisait confiance à Quirrel. Moi aussi, d'ailleurs… Vous, vous le suspectiez. Vous saviez qu'il servait Voldemort ?
-- Je m'en doutais, répondit-il en frissonnant en entendant le nom.
-- Comment ? Et pourquoi ne pas avoir prévenu Dumbledore ?
A nouveau, Severus frémit et sa main droite se posa furtivement sur son avant-bras gauche, comme inconsciemment. Quand elle releva les yeux sur lui, elle eut pu jurer qu'il ne s'était pas rendu compte de son mouvement.
-- Je n'ai pas prévenu le directeur parce que je n'avais aucune preuve. Le professeur Dumbledore est extrêmement confiant, un peu trop peut-être, et il aurait pu penser que ma méfiance ne venait que de mon dépit de n'être pas nommé au poste de Défense Contre les Forces du Mal…
Il n'avait pas répondu à sa première question. Elle devinait qu'il n'y répondrait pas.
Cela avait quelque chose à voir avec Voldemort et l'avant-bras de Severus…

L'enfant était endormi. Ses cheveux ébouriffés laissaient entrevoir sur son front la large cicatrice qui avait fait sa célébrité. Augusta était assise à son chevet et surveillait l'évolution de la potion qu'elle venait de lui faire avaler.
Il avait passé des heures à gémir dans son sommeil, à appeler ses parents morts depuis si longtemps. Ses cris s'étaient peu à peu transformés en murmures. Et maintenant, il dormait d'un sommeil paisible, sous l'effet du filtre d'Augusta. Madame Pomfresh était partie dormir, après avoir veillé le garçon toute la nuit, et la jeune sorcière s'était proposée pour s'occuper de lui.
Elle comprenait à présent que Harry Potter, contrairement à ce que croyait Severus, avait fait preuve d'un courage incroyable, surtout pour son âge, et que sa survie face à Lord Voldemort n'était pas seulement due à l'arrivée opportune de Dumbledore. D'après ce qu'il gémissait dans son délire, Potter avait fait face, maîtrisant sa peur, et il avait tué Quirinus Quirrel de ses propres mains.
Et pourtant, le Survivant, puisque les sorciers l'appelaient ainsi, paraissait si frêle, si jeune…
Il était peut-être arrogant comme le soutenait Severus, il était loin d’être le sorcier le plus brillant de sa promotion, mais il était tout de même quelqu'un d'exceptionnel.
-- Ton père serait fier de toi, murmura-t-elle à l'enfant. Et Remus serait fier de toi…
Chapitre dix-neuf by Morgwen
Après un festin de fin d'année où Serpentard avait enfin été battu à la Coupe des Maisons, à la grande déception de Severus, les vacances d'été commencèrent. Les voitures qui emmenaient les élèves en gare de Pré-au-Lard n'avaient pas encore passé les grandes portes du domaine que Tonks entrait dans le château pour passer quelques jours avec sa meilleure amie et ses filleuls.
La semaine suivante fut excellente. Il faisait un temps magnifique et les deux sorcières se baignèrent dans le lac tous les jours. Augusta reçut rapidement ses résultats de BALAIS et eut la satisfaction de voir qu'elle avait obtenu un O dans toutes ses épreuves. Elle allait pouvoir commencer ses études de Sorcellerie Obligatoirement Rapidement Testée de Médication sous la direction de Madame Pomfresh et de Severus.

Quirinus Quirrel mort, l'école avait à nouveau besoin d'un professeur de Défense Contre les Forces du Mal. Severus avait demandé le poste à Dumbledore, lui assurant qu'Augusta était tout à fait capable de prendre sa place de Maître de Potions. Mais Dumbledore refusa une fois de plus au grand soulagement d'Augusta qui ne se voyait pas dans le rôle de professeur.
-- Et vous dites qu'il vous a rejeté alors qu'il n'a toujours pas de candidat ?
Augusta et Tonks s'étaient installées à l'ombre du saule, comme elles l'avaient fait pendant tant d'années. Severus les avait rejoint et avait entamé la conversation avec Augusta tandis que Tonks – qui ne portait pas son ancien professeur dans son coeur – jouait avec Arthur et Denez.
-- Non, il a un candidat, répondit Severus à contrecoeur. Je ne sais pas de qui il s'agit mais ils devaient être en entretien ce matin.
Il s'interrompit. Augusta suivit la direction de son regard et aperçut deux hommes qui sortaient du château. Malgré la distance, elle reconnut le professeur Dumbledore à la longue barbe et aux cheveux aussi blancs que les siens. L'autre sorcier portait une robe d'un jaune brillant et la seule chose qu'elle pouvait voir de sa physionomie était un sourire étincelant.
Dumbledore devait les avoir aperçus car il fit un geste dans leur direction et les deux hommes s'avancèrent vers eux. Alors qu'ils s'approchaient, Augusta étudia le nouveau-venu.
C'était un homme de taille moyenne avec un visage sans défaut, un corps souple et des cheveux blonds au brushing parfait. Son chapeau était assorti à sa robe, ainsi que sa cape. Augusta eut été bien en peine de lui donner un âge mais elle supposait qu'il devait avoir au moins la trentaine, sans quoi il eut été élève à Poudlard à la même époque qu'elle. Quoi qu'il pût venir de l'étranger.
-- Lockhart ! souffla Tonks.
Elle avait sauté sur ses pieds et regardait le sorcier en rougissant.
-- Qui ça ? demanda Augusta en se baissant pour soulever Arthur.
Elle déposa le petit garçon entre les bras de Tonks – elle sentait qu'elle risquait d'entamer la dignité de Severus si elle lui faisait jouer les nounous devant témoins – et prit Denez dans les siens.
Tonks n'eut pas le temps de répondre car le directeur était arrivé à leur côté et commençait les présentations.
-- Voici notre nouveau professeur de Défense Contre les Forces du Mal, dit-il et Augusta vit Severus lancer un regard malveillant au sorcier en robe jaune, Gilderoy Lockhart.
Lockhart lança à la ronde un sourire éblouissant et Augusta sentit son coeur s'accélérer tandis que le visage de Tonks prenait la couleur d'une tomate bien mûre.
-- Gilderoy, continuait Dumbledore, voici d'abord notre Maître de Potions, Severus Rogue.
Severus se contenta de frôler la main que Lockhart lui tendait avec un bref hochement de tête.
-- Enchanté ! Enchanté ! s'exclama Lockhart avec un nouveau sourire. Et ces charmantes jeunes filles ?
-- Miss Nymphadora Tonks et Miss Augusta Pye, répondit Dumbledore. Deux de nos meilleures anciennes élèves.
Augusta n'aurait jamais imaginé que le visage de Tonks pût prendre une telle couleur. Elle sentait presque la chaleur s'en dégager.
-- Miss Tonks suit des études d'Auror et est gentiment venue nous rendre visite pendant ses vacances. Et Miss Pye vient d'obtenir son BALAIS de Médication à Poudlard et je ne crois pas me tromper si j'affirme qu'elle va poursuivre avec un SORT sur le même sujet dès le mois de Septembre au château.
Encore un sourire.
-- Enchanté mesdemoiselles ! Miss Pye, j'ai moi-même mis au point nombre remèdes et je sais combien la Médication est un sujet difficile. Si vous avez besoin de conseils, n'hésitez pas à venir me trouver.
-- Merci beaucoup, répondit Augusta, non sans remarquer l'air méprisant de Severus et le sourire amusé de Dumbledore.
-- Enfin, voici Denez et Arthur Weasley, nos plus jeunes habitants du château.
Lockhart jeta un regard autour de lui, apparemment à la recherche des sorciers que Dumbledore avait mentionnés. Cela agaça Augusta qu'il ne les eût pas remarqués alors que les jumeaux se trouvaient à deux pas de lui. Quand il s'aperçut enfin de leur présence, il se fendit d'un nouveau sourire. Souriait-il donc tout le temps ?
-- Quels adorables enfants ! dit-il.
Il s'adressa alors à Tonks :
-- Si vous désirez de l'aide, je connais plusieurs astuces qui vous aideront dans…
-- Excusez-moi, professeur Lockhart ! interrompit Augusta le plus poliment qu'elle put. Mais ces enfants sont les miens. Et j'ai déjà toute l'aide qu'il me faut.
-- Oh, toutes mes excuses Augusta. Vous permettez que je vous appelle Augusta ?
Et sans attendre son autorisation, il continua.
-- Je suis ravi de savoir que je pourrai voir ces adorables bambins tout le temps que je serai à Poudlard.
-- Bien, Gilderoy, reprit Dumbledore patiemment. Je crois que vous avez une tournée de signatures à préparer. Nous ferions mieux d'y aller. Severus, Augusta, Nymphadora.
Lockhart leur lança un dernier sourire et suivit Dumbledore, sa robe éblouissante sous le soleil.
Augusta jeta un coup d'oeil à Tonks et Severus qui regardaient s'éloigner le nouveau professeur avec une expression totalement opposée sur le visage.
Elle reporta son attention sur Lockhart.
Même de dos elle avait l'impression d'apercevoir son sourire étincelant.

Le reste des vacances passa rapidement. Augusta ne revit pas Lockhart qui, d'après Tonks, était occupé à faire la promotion de son dernier livre, « Moi le magicien ». Il écrivait donc des livres ? Tonks avait paru presque choquée d'apprendre que son amie n'avait jamais entendu parler de Lockhart.
Augusta avait rapidement parcouru quelques-uns de ses ouvrages, prêtés par Tonks. Ils étaient intéressants, plutôt bien écrits mais pas spécialement exceptionnels. Elle n'avait pas vu ce qui pouvait provoquer un tel engouement pour l’auteur.
C'est en tombant sur sa bibliographie qu'elle comprit.
Lockhart avait écrit très exactement soixante-quatre livres sur tous les sujets possibles et imaginables dans la société sorcière. Comment cet homme avait pu trouver le temps d'écrire tout cela la dépassait !
Pendant tout cet été, Severus ne fut pas de meilleure humeur que le précédent. Il ruminait le fait que Dumbledore avait préféré choisir un incapable – c'étaient ses propres mots – plutôt que lui. Augusta se demandait d'ailleurs comment le directeur avait pu sélectionner Lockhart. Ce fut Hagrid qui lui donna la réponse.
-- Les gens commencent à croire que le boulot est maudit, avait-il dit. Professeur Lockhart est le seul à s'être présenté.
Ce n'était pas tout à fait vrai, puisqu'il y avait également Severus.
Alors elle se souvint que, l'année précédente, elle avait poussé Dumbledore à reconnaître qu'il y avait une raison pour laquelle il ne voulait pas laisser Severus enseigner les Défenses, même s'il n'avait pas expliqué laquelle. Et Severus avait deviné la présence de Voldemort dans le corps de Quirrel. Et Severus avait tendance à agripper son avant-bras gauche chaque fois que l'on mentionnait le Seigneur des Ténèbres…
Un jour, Augusta réussirait bien à lui faire avouer son secret !

Le 1er septembre, Augusta vit Lockhart emménager. Il était arrivé au château dans une grande calèche portant l'écusson de Poudlard tirée par des Sombrals. Une demi-douzaine d'elfes se précipita à sa rencontre.
Augusta, perchée sur la porte sous sa forme d'hirondelle, se dit qu'autant de serviteurs était peut-être exagéré mais quand elle vit la quantité de bagages, elle changea d'avis.
Sans personne autour de lui, Lockhart ne paraissait plus si beau ni exceptionnel. Sans son sourire Colgate, c'était un autre homme !
Le soir même, elle réussit à s'asseoir à côté de Severus au banquet de début d'année et vit que Lockhart, en robe bleu myosotis, était installé à côté de Dumbledore. Quand les élèves entrèrent dans la Grande Salle, elle le vit les mitrailler de sourires charmeurs.
-- Où est Potter ? demanda Severus à côté d'elle, la distrayant de son étude lockhartienne.
-- Pardon ?
Mais Severus ne s'était pas adressé à elle en particulier. Il regardait une élève de deuxième ou troisième année en fronçant les sourcils. Augusta reporta son attention à la jeune fille. Sa tête aux cheveux châtains ébouriffés se tournait de tous côtés, comme si elle recherchait quelqu'un. Quel rapport avec Harry Potter ?
-- Qui est-ce ? demanda Augusta à Severus qui, à son tour, s'était mis à regarder l'ensemble des élèves.
-- Granger ! répondit-il. Mais Potter et Weasley ne sont pas avec elle.
Hermione Granger. L'élève qui avait réussi à passer deux des défenses gardant la Pierre Philosophale. L'élève pour laquelle tous les professeurs – Severus excepté – ne tarissaient pas d'éloge.
Tous les élèves étaient à présents installés à leur table, attendant l'entrée des premières années. Mais Harry Potter et Ron Weasley manquaient tous deux à la table des Gryffondor.
-- Je vais voir ce qui se passe, murmura Severus en se levant discrètement de table.
Alors qu'il disparaissait par la porte située derrière la table des professeurs, McGonagall entra dans la Grande Salle suivie des nouveaux élèves. Augusta reporta alors son attention sur eux, apercevant dans le lot une masse de cheveux roux carotte appartenant à une petite fille avec un air de famille qu’elle reconnaissait.
Ginny Weasley.

-- Vous préparez un filtre de respiration ? Je me souviens justement en avoir utilisé alors que je venais de sauver un paysan du vampire de…
Tournant lentement le contenu de son chaudron dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, Augusta se demandait comment elle avait jamais pu trouver Gilderoy Lockhart séduisant. Certes le sorcier était bel homme, elle ne pouvait prétendre le contraire, mais il n'avait absolument aucun charme ! Et sa manie de se systématiquement se mettre en avant était épuisante !
-- Je l'ai également préparé à Ouagadougou et démontré à un chaman l'utilité de remplacer le nerf de salamandre par du sang de dragon…
-- Si vous mettez du sang de dragon dans un philtre de respiration, coupa sèchement Augusta, vous pouvez être sûr d'empoisonner le buveur !
-- Voyons voyons Augusta…. Vous êtes encore bien jeune et vous ne connaissez pas tout au subtil art des potions. Il y a tellement de choses que vous ne savez pas sur le monde extérieur. Prenez par exemple…
Elle soupira et reporta son attention sur sa potion. Si seulement il pouvait partir ! Ce n'était pas tant qu'elle avait besoin de concentration mais son bavardage incessant commençait à lui donner mal à la tête. Elle eut alors le soulagement de voir entrer Severus.
-- Lockhart ! dit-il d'un ton froid. Je souhaiterais que vous évitiez de rentrer dans mon bureau quand je ne suis pas là.
Lockhart ne se démonta pas de l'expression de Severus qui aurait fait fuir le plus courageux des élèves. Au contraire, il lui lança un de ces sourires dont il avait le secret.
-- Je tenais juste compagnie à Augusta. Comme elle était dans votre bureau, j'ai pensé que je pouvais…
-- Miss Pye est ici pour travailler car elle a un SORT à préparer. Elle n'a pas besoin de compagnie ! Si vous désirez lui parler, faites-le en dehors de ses heures de travaux pratiques ! Maintenant, si vous le voulez bien, j'ai du travail et j'ai besoin de silence ! Au revoir Lockhart !
Il rouvrit alors la porte, montrant clairement à Lockhart qu'il devait l'emprunter.
-- Merci, Severus, dit Augusta avec reconnaissance quand Lockhart eut disparu. J'ai cru que je n'arriverais jamais à m'en débarrasser.
-- De rien, dit-il, son expression se radoucissant.
Il s'approcha de son chaudron et se pencha sur le filtre.
-- Bien… bien… Je vois que tu as presque fini. Avec cet imbécile se pavanant à ton côté, je suis impressionné.
Augusta ouvrit la bouche pour défendre Lockhart, réalisa qu'elle n'avait rien à dire étant donné qu'elle était d'accord avec Severus et la referma.
-- Severus ? demanda-t-elle après un moment, alors qu'elle remplissait des fioles de la potion qu'elle venait de préparer. Pourquoi Dumbledore ne vous a pas donné le poste de prof de Défense ?
Severus leva les yeux des parchemins qu'il était occupé à corriger.
-- Je suppose qu'il pense que Lockhart fait un meilleur professeur que moi, dit-il, sardonique.
-- Vous savez bien que non. Je ne crois pas qu'on puisse trouver pire prof que Lockhart ! Il l'a pris parce qu'il n'y avait que lui ou vous. Pourquoi pas vous ?
-- Il n'a pas de professeur de potions…
-- Il m'a dit lui-même que j'étais capable de vous remplacer donc ce n'est pas ça. Pourquoi pas vous ?
-- Dans ce cas, je ne sais pas.
Bien sûr qu'il le savait !
-- Quel rapport avec Voldemort ?
Severus se raidit avec un rictus de colère.
-- Pourquoi parles-tu du Seigneur des Ténèbres ?
-- Quel rapport avec votre avant-bras gauche ? demanda-t-elle au lieu de répondre.
À ces mots, Severus saisit convulsivement son bras et lui lança un regard furieux.
-- Augusta ! dit-il les dents serrées. Je finirai de mettre ta potion en bouteille. Tu peux rentrer chez toi !
-- Mais…
-- Et je t'interdis de me reparler du Seigneur des Ténèbres et de prononcer son nom !
-- Mais…
-- Bonsoir Augusta.
Son regard rempli de colère froide était fixé sur elle et elle n'osa pas dire un mot de plus.
Elle ramassa le livre qu'elle utilisait et sortit.
Une fois dans le couloir, elle fondit en larmes. C'était la première fois que Severus se mettait en colère contre elle. Et elle avait eu peur. Peur de lui. Elle avait eu beau savoir qu'il y avait bien des choses qu'elle ne savait pas à propos de son ami, elle n'aurait jamais imaginé avoir peur de lui…

-- Potter n'est pas là !
-- Vous n'allez pas recommencer, Severus ! répondit Augusta d'un ton sévère.
Mais elle n'en jeta pas moins un coup d'oeil circulaire à la Grande Salle.
Entre le plafond et les bougies qui illuminaient la salle, une armée de chauves-souris voletait en silence. Le long des murs, d'énormes citrouilles filtraient une lumière orangée par des ouvertures qui les faisaient ressembler à des têtes de monstres. Des toiles d'araignée étaient tendues entre les murs.
La seule chose surprenante de ce banquet d'Halloween – en plus du fait qu'Augusta eût fait l'effort de s'y rendre – était l'absence de tout fantôme. D'habitude, ils étaient plutôt exubérants ce soir là…
Apparemment, que Harry Potter manquât à l'appel gênait plus Severus que la disparition des fantômes de Poudlard.
Augusta regarda la table des Gryffondor avec attention. Elle pouvait apercevoir Fred et George Weasley en train de plaisanter avec leur ami Lee Jordan. Un peu plus loin, Percy Weasley discutait avec une fille de la table voisine des Serdaigle. Olivier Dubois, le gardien de Quidditch parlait avec animation avec ses attrapeuses.
Mais pas de Harry Potter !
Ni de Ron Weasley ou de Hermione Granger, d'ailleurs !
-- Je suis sûr que Potter mijote encore quelque chose, murmura Severus entre ses dents.
-- Oh, laissez un peu Potter tranquille ! lança Augusta en levant les yeux au ciel. S'il n'a pas envie de faire la fête, c'est son problème ! Profitez plutôt de votre assiette !
Severus ne répondit pas mais ne toucha pas plus à sa nourriture. Augusta soupira et entama sa part de rôti avec appétit.
Tiens, Ginny Weasley non plus n'était pas à la table des Gryffondor…

Augusta était rentrée tôt. Elle avait tenu aussi longtemps que possible mais être assise à côté d'un Severus Rogue ruminant sa haine contre Potter toute la soirée n'était pas vraiment la chose la plus agréable. D'autant plus que Gilderoy Lockhart était venu s'installer près d'elle – le professeur McGonagall ayant enfin réussi à s'en débarrasser – et avait entreprit de lui raconter une histoire dans laquelle il aurait vaincu un dangereux loup-garou. Il avait mal choisi son public ! Dès sa deuxième phrase, Augusta avait compris qu'il ne connaissait absolument rien à la lycanthropie et que son récit était pure affabulation.
Elle n'avait réussi à s'éclipser qu'en lançant discrètement à Lockhart un léger sort de confusion.
Ce n'est donc que le lendemain qu'elle apprit ce qui était arrivé à Mrs Teigne, le chat d'Argus Rusard. Ses sources d'informations étant nombreuses, elle eut du mal à démêler le vrai du faux.
-- Bien sûr, j'ai tout de suite vu que ce chat était pétrifié ! Quelle pitié que j'ai été retenu dans la Grande Salle par un groupe d'élèves qui me demandaient des photos dédicacées. J'en ai toujours sur moi, vous savez, au cas où un fan m'embusquerait dans un couloir. Si j'étais arrivé sur les lieux quelques minutes plus tôt, j'aurais pu sauver le pauvre animal ! Je connais un contre-sort très efficace dans ce genre d'attaques. Cela me rappelle la fois où j'ai…
-- Harry était en train d'examiner Mrs Teigne. Elle était aussi rigide que Percy le jour où on lui a fait avaler ce bonbon de chez Zonko, tu te souviens Fred ? Bref, derrière Harry, Ron et Hermione, il y avait ce message sur le mur. Je dis pas que ça ajoute à la déco mais on ne peut pas vraiment se plaindre que quelqu'un ait enfin trouvé le courage de se débarrasser du chat de Rusard !
-- Je suis sûr que c'est encore un coup de Potter ! Lui, Weasley et Granger n'étaient pas au festin. Ils ont essayé de prétendre qu'ils n'avaient pas faim après une soirée au milieu de fantômes. Mensonge transparent ! Potter a été pris en flagrant délit. Il tenait encore Mrs Teigne quand il a été interrompu. Le directeur est beaucoup trop indulgent dès qu'il s'agit de Potter !
Prise de curiosité, Augusta avait été jeté un coup d’oeil à la scène. Rusard essayait d'effacer le message que George avait mentionné, apparemment sans succès. Il avait grommelé en la voyant s'approcher.
-- Qu'est-ce que vous voulez, Pye ?
-- Rien rien, Mr Rusard… Je ne faisais que passer…
Et elle s'était éloignée rapidement.
Elle avait toutefois eu le temps de lire le message en immenses lettres rouges :
LA CHAMBRE DES SECRETS A ÉTÉ OUVERTE.
ENNEMIS DE L'HÉRITIER, PRENEZ GARDE !

La Chambre des Secrets… Cela ne lui disait rien. Par contre, le mot héritier lui laissait un goût amer. Héritier… Descendant… Ou descendante… Et elle était la dernière descendante d'une sorcière maléfique…
Chapitre vingt by Morgwen
-- Augusta ? C'est bien la première fois que je te vois à un match de Quidditch depuis que Weasley a quitté l'école.
Augusta se contenta de hocher la tête et s'assit à côté de Severus. En fait, Fred et George lui avaient reproché son manque d'enthousiasme pour ce sport – ce qui n'était pas faux – et l'avaient attirée en lui assurant que voir Potter voler valait le détour. Ils pensaient sincèrement qu'il était au moins aussi bon, sinon meilleur attrapeur que l'avait été Charlie. Elle était donc venu s'installer dans la tribune réservée aux professeurs, se gardant bien d'arborer du rouge ou du vert, ne voulant prendre parti ni contre Severus ni contre les Weasley.
En première ligne de la tribune se tenaient le professeur McGonagall et Lee Jordan. Le match était déjà commencé et Jordan commentait avec excitation et un rien de partialité, souvent interrompu par McGonagall.
C'était vrai que Potter était un bon joueur. Il suffisait de voir comme il arrivait à éviter un cognard qui semblait s'obstiner à le désarçonner.
Une minute !
Il ne semblait pas seulement !
Ce cognard n'attaquait véritablement que Potter et seul le talent du garçon lui avait jusqu'ici évité de se faire briser le crâne.
Augusta en fit part à Severus mais celui-ci, pas plus impartial que Jordan, lui répondit qu'elle se faisait des idées.
Non, elle était sûre de ne pas se tromper. Elle n'était d'ailleurs pas la seule à l'avoir remarqué. La majorité des spectateurs suivait à présent plus les mouvements désespérés de Potter que le reste du match. Il finirait encore à l'infirmerie, elle en était sûre ! Madame Pomfresh avait raison quand elle appelait le Quidditch un sport de barbare !
Son pressentiment se vérifia quand elle vit le cognard percuter le bras du garçon. Elle imagina entendre les os se broyer sous le choc et vit, comme au ralentit, le bras se déformer. Potter pâlit brutalement et faillit tomber de son balai mais il continua sur sa lancée et, étirant son autre main, il réussit à attraper le minuscule vif d’or. Ne tenant plus sur son balai que par les genoux, il perdit l'équilibre et tomba. Heureusement, il n'était qu'à quelques pouces du sol.
Elle quitta la tribune en courant pour lui prodiguer les premiers soins mais fut retenue par Severus qui lui bloquait le passage - intentionnellement ou non, elle n'aurait su le dire. Quand elle atteignit le cercle qui s'était formé autour de Potter, elle réalisa avec horreur que Lockhart tenait sa baguette au-dessus de la blessure.
-- BONAFFHRODUM !
Trop tard ! Pourquoi personne ne l'avait-il arrêté ? Il n'avait pas remis les os en place ! Il n'avait pas mis la bonne intonation dans l'incantation ! Il avait mis trop de style dans son mouvement ! Augusta fut soulagée de voir que cette catastrophe ambulante avait seulement supprimé les os du bras de Potter. Ç'aurait pu être bien pire…
Quand elle vit que ses amis amenaient Potter à l'infirmerie, elle suivit le mouvement vers le château. Madame Pomfresh était à son poste et n'avait pas besoin d'aide pour s'occuper de lui. Augusta allait dire franchement à Dumbledore ce qu'elle pensait de son professeur de Défense Contre les Forces du Mal !

Le lendemain matin, au petit-déjeuner, Augusta eut la satisfaction de voir Harry Potter manger à l'aide de ses deux mains, ses os ayant apparemment repoussés normalement dans la nuit.
Elle reporta son attention à la table des professeurs et repéra Severus. Il la regardait s'approcher avec un visage reflétant à la fois le soulagement et l'inquiétude, sentiments légèrement contradictoires qui rendaient ses traits un peu inquiétants.
-- Comment vont Denez et Arthur ? demanda-t-il avant même qu'elle se fût assise à côté de lui.
-- Très bien, répondit-elle surprise. Pourquoi ?
Severus la regarda un moment en silence avant de répondre. Il faisait cela de plus en plus souvent ces derniers temps – la regarder dans les yeux en silence – surtout depuis qu'elle l'avait interrogé sur Voldemort.
-- Il y a eu une nouvelle attaque la nuit dernière…
-- Comment ça une nouvelle attaque ?
Quand y avait-il eu une attaque ? Contre qui ?
-- Un élève a été retrouvé pétrifié. Il est à l'infirmerie.
Pétrifié… Comme Mrs Teigne… Elle avait cru à la même hypothèse que les jumeaux, à savoir qu'un élève avait décidé de se débarrasser du chat. Il fallait croire que c'était plus sérieux !
-- Vous croyez encore que Potter est derrière tout ça, je parie, dit-elle d'un ton sarcastique.
-- Je n'en écarte pas la possibilité… répondit prudemment Severus. Bien qu'il soit un Gryffondor acharné, rien ne l'empêche d'être l'Héritier de Salazar Serpentard…
L'héritier de Serpentard ? Que diable Serpentard venait-il faire là dedans ?
Severus devait avoir une fois de plus deviné ses pensées car il poursuivit.
-- Je vois que tu ne connais pas la légende de la Chambre des Secrets, Augusta…
Il lança un coup d'oeil mauvais à la table des Gryffondor où Potter et ses amis venaient de se lever pour quitter la salle. Quand ils furent hors de vue, il reprit.
-- Tu connais l'histoire de la fondation du château puisque tu l'as étudiée en Histoire de la Magie…
Oui, enfin, si elle devait se souvenir de tout ce que Binns avait pu raconter en cours… Severus avait-il oublié ce que c'était qu'une heure en salle d'Histoire ?
-- Au bout de nombreuses années, tu sais qu'il s'est créé une séparation entre Serpentard et les trois autres fondateurs, sur le sujet du recrutement des élèves.
-- Oui, et Serpentard est parti seul, probablement en Irlande dont il venait, laissant Gryffondor, Serdaigle et Poufsouffle régir Poudlard à leur guise.
-- Je vois que tu connais l'histoire. Ce que tu ne sais pas, c'est qu'avant de partir, on prétend que Serpentard a construit dans le château une pièce secrète, la Chambre des Secrets, à laquelle seul son héritier aurait accès.
La Chambre des Secrets a été ouverte… Ennemis de l'héritier, prenez garde…
-- Mais en quoi ouvrir un passage secret aurait-il un rapport avec la pétrification de Mrs Teigne et de… vous ne m'avez pas dit quel élève avait été attaqué !
-- Colin Creevey ! On raconte que dans la Chambre des Secrets dort un monstre, placé là par Serpentard pour éliminer tous les sangs-mêlés et les sangs-de-bourbe de l'école.
Elle n'aimait pas entendre Severus utiliser l'expression « sang-de-bourbe »…
Elle eut la surprise de sentir Severus lui prendre doucement la main, d'une manière protectrice.
-- C'est pour cela, Augusta, que je voudrais que tu sois particulièrement sur tes gardes.
-- Mais…
-- Tu es connue comme étant fille de moldus, Augusta… Et tes fils, même si leur père…
Il se raidit légèrement à la mention de Charlie.
-- … est un sang-pur, peuvent être considérés par le descendant de Serpentard comme de la vermine à éliminer.

Augusta avait renâclé devant les conseils de prudence de Severus mais elle avait tout de même demandé à Corly d'être particulièrement vigilant. Elle se demandait si un héritier de Salazar Serpentard était vraiment au château, prêt à pétrifier tous les enfants de moldus, ou s'il s'agissait d'une mauvaise plaisanterie.
Malgré l'ambiance tendue qui s'était installée sur le château depuis l'attaque de Colin Creevey, elle ne pouvait s'empêcher de ressentir une certaine satisfaction d'avoir sous la main un cas pratique à étudier au lieu des projets théoriques que Madame Pomfresh et Severus lui imposaient. Elle avait honte d'une telle réaction et redoublait donc d'effort pour soigner le pauvre garçon, suggérant telle potion ou tel sort à l'infirmière.
Les deux sorcières durent finalement se rendre à l'évidence : seule une potion préparée à partir de racine de mandragore pourraient les sortir, lui et Mrs Teigne, de leur immobilité.

-- Severus ? Où est votre peau de serpent du cap ?
L'interpellé leva les yeux de son bureau pour regarder l'étagère devant laquelle se tenait Augusta. Il avait neigé la veille et elle comptait préparer un fortifiant pour Arthur, Denez et elle-même afin d'éviter les coups de froid ; la Salle Peu Commune n'était pas la partie la plus chauffée du château.
-- Il devrait en rester une demi-jarre, répondit Severus en fronçant les sourcils.
-- Je ne la vois pas en tout cas.
Elle parcourait les rangées de bocaux et de bouteille, sachant pourtant que la méticulosité de Severus rendait impossible toute confusion. Le Maître de Potions l'avait rejointe et regardait à son tour l'emplacement vide où aurait dû se trouver l'ingrédient. Elle sentit alors plus qu'elle ne vit la colère monter en lui et s'éloigna d'un pas. Elle avait appris à redouter les colères de Severus Rogue.
-- Potter… siffla-t-il entre ses dents.
Évidemment ! Encore Potter ! Severus devait considérer tout ce qui pouvait lui arriver de mauvais comme venant d'une action délibérée de Potter pour lui gâcher la vie. Elle leva discrètement les yeux au ciel et sélectionna une portion de foie de dragon avec laquelle elle pourrait préparer un autre remède tout aussi efficace.

C'étaient Fred et George qui lui en avaient parlé en premier. Elle avait toutefois pris l'habitude de vérifier leurs dires par une tierce personne et demanda confirmation à Hagrid qui la lui donna. Il y avait bien eu la création d'un club de duels.
La première session se tenait la veille des vacances de Noël et, curieuse, Augusta avait décidé de s'y rendre. Mais elle eut la désagréable surprise, en entrant dans la Grande Salle pleine d'élèves, de voir sur l'estrade un Gilderoy Lockhart arborant son sourire le plus charmeur.
-- Oh non, pas lui… souffla-t-elle.
Sa réaction provoqua un rire discret derrière elle et elle se retourna pour voir Ginny Weasley qui gloussait. Étonnant. La plupart des jeunes filles de l'école se pâmaient devant cet imbécile et lui auraient lancé un regard noir en l'entendant. Apparemment, Ginny faisait exception à la règle.
-- Vous êtes Gus, n'est-ce pas ? demanda Ginny. Charlie m'a parlé de vous. Mais je ne savais pas que vous aviez les cheveux…
Elle s'interrompit, comme si elle craignait d'avoir insulté Augusta. Celle-ci lui sourit chaleureusement pour la rassurer.
Ginny étant la seule fille de la famille, elle était la favorite de Charlie et Bill, et probablement de ses autres frères également. Et il semblait à Augusta que sa timidité n'était que surface. Elle se souvenait des descriptions de vacances de Charlie et savait que la jeune fille était de la graine de Fred et George…
-- Approchez-vous, approchez-vous ! Est-ce que tout le monde peut me voir ? Est-ce que vous pouvez tous m'entendre ? Excellent !
Oh non ! Lockhart semblait prêt à faire un discours. Augusta roula les yeux au ciel, provoquant un nouveau rire de Ginny.
Elle hésitait à quitter la salle. D'un côté, elle savait que Lockhart ne pourrait rien lui apprendre en matière de duel, à moins qu'il eût quelques vrais talents cachés au milieu du reste. D'un autre, elle se souvenait de son intervention pendant le dernier match de Quidditch et craignait pour la santé des élèves présents.
Alors, elle vit Severus monter sur l'estrade à côté de Lockhart, un rictus de haine et de colère sur le visage. A la place du professeur de Défense, elle se serait enfuie en courant le plus loin possible de son collègue en voyant cette expression. Mais Lockhart continuait à arborer ce sourire qu'elle avait envie d'agrafer et se préparait visiblement à faire une démonstration de duel.
Elle ne voulait surtout pas manquer ça !
Quand Lockhart vola en arrière sous l'effet du sort de protection de Severus, elle se retint à grand peine d'éclater de rire. Finalement, elle avait bien fait de venir !
Les élèves furent organisés par paire pour travailler les duels et, Ginny ne trouvant pas de connaissance autour d'elle, elle demanda à Augusta de faire équipe avec elle.
-- Je vais t'apprendre un petit maléfice sympa, lui dit-elle. Il me vient de Tonks. Le maléfice de chauve-furie.
Elle lui montra comment s'y prendre et Ginny s'entraîna à le lui lancer tandis qu'Augusta tentait de la contrer avec un bouclier léger. A un moment, le sort dévia tant qu'il alla frapper un élève de dernière année de Poufsouffle qui se tenait près d'elles. Elles éclatèrent de rire. Le Poufsouffle voulut s'en prendre à Ginny mais se retint en voyant Augusta qui lui donnait régulièrement des cours de rattrapage en potions. Celle-ci lui rendit instantanément son visage normal puis félicita Ginny.
Pendant ce temps, Lockhart et Severus avaient sélectionné deux élèves pour une démonstration : Potter et l'attrapeur de Serpentard.
-- Malfoy ! siffla Ginny avec dégoût.
Malfoy ! Voilà pourquoi ce garçon paraissait familier à Augusta. Ce devait être le fils de Lucius Malfoy que Severus lui avait présenté quelques années auparavant. Il avait le même visage pointu, les mêmes cheveux blonds platine, les mêmes yeux d'acier et le même air de supériorité et de dégoût sur le visage.
Les deux garçons se mirent à se lancer des sorts qui n'étaient pas vraiment destinés à de la démonstration. Quand Malfoy fit surgir un immense serpent de sa baguette, un frémissement parcourut l'assemblée et tous s'éloignèrent d'un pas de l'estrade.
Alors se produisit le plus étrange des phénomènes.
Potter s'approcha sans crainte du serpent et se mit à émettre des sifflements et des sons qu'elle aurait été bien en peine de définir. Des sons qu'une gorge humaine n'était pas faite pour proférer… Et le serpent semblait comprendre.
Un fourchelangue !
Potter était un fourchelangue !
Le serpent était sur le point de se jeter sur un garçon pétrifié du premier rang quand Severus le fit disparaître d'un sort rapide.
Un grand silence était tombé sur la Grande Salle. Quand Potter redescendit et s'avança vers la sortie, tous s'écartèrent pour le laisser passer.
Que se passait-il ?
Augusta se tourna vers Ginny mais la fillette paraissait muette de terreur. Alors elle rechercha le regard de Severus. Celui-ci était descendu de l'estrade et approché d'elle. Il regardait fixement la porte par où Potter venait de sortir avec ses deux amis.
-- Il est vraiment le descendant de Salazar Serpentard… souffla-t-il, entre la crainte et l'émerveillement.

Le lendemain, il y eut une troisième attaque.
Et encore une fois, Harry Potter avait été pris la main dans le sac.
Augusta était à l'infirmerie avec Madame Pomfresh quand on avait amené Justin Flitch-Fletchley et Nick-Presque-Sans-Tête, tous deux pétrifiés.
Elle commençait sérieusement à croire Severus et à supposer que Harry Potter fût la source de tout cela. Il parlait le fourchelangue, ce qui était une des principales caractéristiques de Serpentard. Il était présent lors des trois attaques – Colin Creevey avait été trouvé à l'entrée de l'infirmerie où Potter se faisait repousser les os du bras.
D'un autre côté, il avait bravement combattu Voldemort quelques mois auparavant. Il était lui-même de sang-mêlé et sa meilleure amie, Hermione Granger, était fille de moldus…
Elle ne savait pas quoi penser.

Mon amour
J'ai accepté de rendre service à Dumbledore pour un petit travail. Mais pour cela, il va me falloir rester quelques temps dans une zone en complète isolation et je ne pourrai pas te donner de mes nouvelles. Promets-moi donc de ne pas t'inquiéter pendant les mois à venir.
Promets-moi également d'être prudente. Avec les évènements actuels à Poudlard toi et tes enfants êtes tous les trois des cibles de choix. Je suis certain que Rogue prend bien soin de veiller sur toi mais n'hésite pas à prendre d'autres mesures de sécurité que celles qu'il te proposera.
Si tu savais comme je voudrais être près de toi ! Je voudrais te tenir dans mes bras. Je voudrais…

Augusta fut interrompue dans sa relecture de la lettre qu'elle avait reçue de Remus la veille de Noël par l'entrée de Madame Pomfresh.
-- Augusta, j'ai besoin de vous. dit l'infirmière abruptement. Un accident de potion.
-- Un accident de potion ? répéta Augusta étonnée. Mais ce sont les vacances !
-- Justement !
Et elle ressortit sans donner plus d'explication.
Augusta reposa sa lettre sur son bureau. Il lui semblait que Remus commençait à ressentir une certaine jalousie à l'égard de Severus. Pourtant, elle n'avait pas eu l'impression de beaucoup parler de lui dans sa correspondance…
Mais peut-être cela était-il une bonne chose… Peut-être cela motiverait-il Remus à convaincre Dumbledore de le laisser revenir à Poudlard.
L'infirmerie n'était pas loin de la Salle Peu Commune. Elle amènerait Arthur et Denez pour leur faire se dégourdir les jambes.

Quand Augusta et ses fils entrèrent dans l'infirmerie, Madame Pomfresh était penchée sur un lit masqué par des rideaux. Derrière, ils découvrirent une élève qui semblait s'être partiellement métamorphosée en chat. Son visage était recouvert de fourrure, ses oreilles s'étaient relevées au-dessus de sa tête et avaient pris une forme pointue, ses pupilles s'étaient allongées, ses dents s'étaient affilées, ses ongles semblaient vouloir surgir de ses doigts poilus et une longue queue se hérissait nerveusement.
-- Oh mon Dieu ! s'exclama Augusta en la voyant.
Comment pouvait-on prendre une telle apparence avec une potion ?
Les jumeaux, par contre, paraissaient enchantés et Denez voulut à tout prix monter sur le lit de l'élève pour la voir de plus près.
-- Non mon chaton, lui murmura doucement sa mère en français. Arthur et toi allez rester sur le même lit que Mammig.
Et elle installa les deux garçons sur le lit voisin avant de s'y asseoir.
-- Je vous confie Miss Granger, Augusta, dit alors l'infirmière. Il faut que je parle au professeur Rogue.
Granger ? C'était Hermione Granger qui se tenait devant elle ? La pauvre fille semblait au bord des larmes mais son expression, avec un tel visage, était difficile à lire.
Une fois Madame Pomfresh sortie et les jumeaux calmés, Augusta s'adressa à Granger.
-- Hermione ? C'est bien ça ?
La jeune fille hocha la tête.
-- Tu peux parler ? A moins que tu ne puisses que miauler…
-- Non, je peux parler, répondit Granger.
Et les larmes qui menaçaient commencèrent à couler.
D'un mouvement de sa baguette, Augusta fit apparaître un mouchoir et le lui tendit.
-- Je m'appelle Augusta Pye. Je fais mes études de médication à Poudlard. Je ne suis pas aussi expérimentée que Madame Pomfresh ou Severus Rogue, mais je suis parfaitement capable de m'occuper de toi. Tu peux me dire ce qui s'est passé ?
Granger hésitait.
-- Madame Pomfresh m'a dit que tu avais eu un accident de potion. Ce sont les vacances et les élèves n'ont pas le droit de préparer des potions en dehors des cours… Donc je suppose que tu as enfreint quelques règles…
L'élève hocha la tête.
-- J'ai besoin de savoir ce qui s'est passé pour pouvoir te soigner. Et je n'ai aucune autorité pour t'enlever des points ou te mettre en retenue.
-- Nous… euh… j'ai avalé du polynectar dans lequel j'avais…
-- Du quoi ? balbutia Augusta.
Comment une élève de deuxième année, aussi brillante fût-elle, aurait-elle pu réussir à préparer une telle potion ? Augusta elle-même ne l'avait maîtrisée qu'au cours de sa troisième année et Severus ne cessait de lui répéter qu'elle avait des capacités exceptionnelles en potion. Il n'avait jamais cité Granger comme exemple.
-- Il te reste de ce polynectar ? demanda Augusta quand elle se fut un peu remise du choc. Que je puisse l'analyser pour voir ce qui a provoqué ton état.
-- Ce n'est pas la peine, répondit Granger avec assurance. La potion était parfaite. Mais…
-- Si la potion était parfaite, comment se fait-il que tu te retrouves avec cette tête ? demanda Augusta, agacée.
-- Parce que j'ai ajouté par erreur des poils de chat au lieu de cheveux humains.
Ça se tenait. Elle savait qu'on ne devait utiliser le polynectar que pour des métamorphoses humaines. Tous les ouvrages qu'elle avait consultés étaient formels à ce sujet. Mais elle ne se souvenait pas d'avoir lu les conséquences d'une telle erreur.
-- Tout de même… Si tu t'es trompée un tant soit peu dans ta potion, cela peut jouer énormément sur le remède qu'il faudra appliquer…
-- Je ne me suis pas trompée, affirma Granger avec obstination.
Qu'est-ce qui la rendait si sûre d'elle ? Si sa métamorphose n'avait pas marché, comment savait-elle que sa potion était parfaite ?
Parce que la métamorphose avait marché ! Parce que quelqu'un d'autre s'était transformé !
Et qui donc à part Harry Potter et Ron Weasley ?
Quelle inconscience !
C'était une chose de préparer une potion aussi compliquée sans professeur pour vérifier qu'elle ne se trompait pas, c'en était une autre de la faire absorber à d'autres !
Ces Gryffondor et leur courage stupide !

Madame Pomfresh et Severus s'étaient mis d'accord pour que le rétablissement de Hermione Granger fût la responsabilité d'Augusta. Cela lui ferait une étude de cas intéressante puisqu'elle touchait à la fois à la connaissance des potions et à la médication. Elle devait toutefois discuter de tout traitement qu'elle comptait donner à la jeune fille avec l'infirmière et le Maître de Potions auparavant.
Elle avait raconté à Severus ce qui était arrivé à Granger – et seulement à Granger – et celui-ci n'avait reconnu qu'à contrecoeur les capacités en potion de son élève.
Tout ça parce qu'elle était la meilleure amie de Potter…
A la rentrée, les élèves se bousculèrent à l'infirmerie pour apercevoir Granger et Madame Pomfresh et Augusta commençaient sérieusement à être fatiguées de répéter que non, Hermione Granger n'était pas une nouvelle victime de l'héritier de Salazar, qu'elle n'était pas pétrifiée et qu'ils ne pouvaient pas entrer la voir pour vérifier. Seuls Harry Potter et Ron Weasley avaient reçu l'autorisation de McGonagall de rendre visite à leur amie.
Cela dura un peu plus d'un mois, jusqu'à ce que le traitement d'Augusta fît assez d'effet pour que Granger pût reprendre les cours. Elle avait retrouvé apparence humaine mais devait continuer de venir à l'infirmerie deux fois par jour pour éliminer tous les effets de son expérience de potion.
Augusta aurait aimé que le bruit de cette mésaventure courût dans l'école. Cela aurait peut-être découragé certains d'imiter Granger. Mais il semblait que, pour une fois, la rumeur s'était calmée.
Chapitre vingt-et-un by Morgwen
-- Par les orteils d'une chimère !
C'était bien la première fois qu'Augusta entendait jurer Severus Rogue mais il fallait dire à sa décharge qu'il y avait de quoi ! Ils venaient d'entrer dans la Grande Salle pour le petit-déjeuner et s'étaient pris une pluie de confettis roses sur la tête.
Au-dessus d'eux, des angelots de fumée voletaient entre les hiboux qui apportaient le courrier ; les quatre bannières des maisons habituellement suspendues derrière la table des professeurs avaient été remplacées par un immense oriflamme rose ; des petits coeurs de papier rose paraissaient flotter tout autour d'eux.
Partout où ils posaient les yeux, du rose…
-- Qu'est-ce que c'est que ça ? grinça Severus entre ses dents.
Augusta se retint d'éclater de rire en le voyant tenter de se débarrasser de tous les confettis qui avaient envahi sa robe et ses cheveux noirs.
-- Encore un coup de Lockhart… siffla-t-il alors, les yeux rivés sur l'autre bout de la salle.
Augusta suivit la direction de son regard et aperçut Gilderoy Lockhart, en robe rose bonbon, debout à la table des professeurs en train de lancer des sourires charmeurs à des élèves rougissantes comme à son habitude et à saluer joyeusement tous ceux qui entraient. Il paraissait encore plus content de lui que d'ordinaire, ce qui n'était pas peu dire.
A peine Augusta avait-elle entamé son petit-déjeuner – Severus paraissait trop dégoûté par l'ambiance pour avaler quoi que ce fût – que Lockhart se relevait pour faire un petit discours.
Elle ne s'en préoccupa pas et continua de manger sans lui porter attention mais elle ne put s'empêcher de relever la tête en l'entendant mentionner Severus.
-- Pourquoi ne pas demander au professeur Rogue de vous montrer comment concocter un philtre d'amour ?
Et le pire, c'est qu'il semblait absolument convaincu que son idée était merveilleuse alors que Severus avait l'air d'humeur plus lockharticide que jamais !

-- Joyeux anniversaire !
Arthur et Denez soufflèrent leurs deux bougies comme il leur avait été demandé et regardèrent le gros gâteau devant eux avec un air gourmand. Ils étaient différents sur bien des points mais pas sur l'amour du chocolat.
Dans la Salle Peu Commune étaient réunis, en plus des deux garçons dont on fêtait l'anniversaire, Fred et George avec leurs sourires diaboliques sur le visage, Tonks qui avait réussi à libérer son week-end, Ginny qui paraissait plus pâle que jamais mais ravie de revoir Tonks, Hagrid dont on se demandait comment il avait réussi à passer la porte et Augusta qui regardait ses grands garçons avec adoration.
Madame Pomfresh et Severus avaient été également invités mais la première avait fort à faire après un entraînement de Quidditch de Serdaigle et le second avait justement donné une retenue à des premières années de Gryffondor ce jour-là. Augusta le soupçonnait de ne pas vouloir passer une après-midi au milieu de ses autres invités.
-- Deux ans déjà… murmura Tonks d'un ton rêveur pendant que Fred coupait des parts de gâteau que George distribuait.
-- Oui. Donc presque trois ans que je n'ai pas parlé à Charlie… répondit Augusta avec tristesse.
Elle savait que Charlie aurait dû savoir depuis longtemps qu'il avait des fils et qu'il aurait dû être présent à cet anniversaire.
Mais George s'approchait d'elles avec deux assiettes que Tonks examina soigneusement avant d'accepter. Elle connaissait assez les jumeaux pour se méfier.
Denez se mit alors à pleurnicher car Arthur avait soit disant une plus grosse part de gâteau que lui et Augusta dut s'occuper de réparer cette injustice, laissant le sujet sensible de Charlie s'évanouir.

Près de trois mois plus tard, le 4 juin, Augusta comptait ses dix ans de mariage avec Remus.
Dix ans de mariage…
Dix ans d'absence…
Dix ans de chasteté brisée seulement une fois pour elle. Et elle était bien certaine que Remus, lui, n'avait pas approché une femme pendant ces dix années. Elle était la première femme à qui il avait fait l'amour et elle serait probablement la seule.
Et Remus était toujours injoignable, en mission pour Dumbledore elle ne savait où. Elle ne s'inquiétait pas vraiment pour lui. Elle savait que s'il lui arrivait quoi que ce fût, Dumbledore la préviendrait. Mais ses lettres lui manquaient.
Il ne lui donnait jamais réellement de ses nouvelles mais elle arrivait à déchiffrer comme il se portait en lisant entre les lignes. Ils parlaient surtout de sa vie à elle, à Poudlard. Des jumeaux, de Severus Rogue, de Tonks, de ses élèves, de ses études… Remus semblait toujours deviner ce qui lui arrivait, aussi imprévisible que ce fût.
Cela lui manquait vraiment…

Pendant tous ces mois depuis la pétrification de Justin Flitch-Fletchley et Nick-Presque-Sans-Tête, la quasi-totalité des élèves et des professeurs était resté persuadée que Potter était l'héritier de Salazar Serpentard et était responsable des corps gisants à l'infirmerie.
Parmi les élèves, seuls quelques Gryffondor – dont Fred, George et Ginny – paraissaient convaincus de son innocence. Et des professeurs, il n'y avait que Dumbledore à avoir complète confiance en Potter.
McGonagall paraissait croire en la sincérité du garçon mais Augusta réalisa rapidement qu'en réalité, c'était seulement un reflet de sa foi en Dumbledore.
Severus paraissait certain de la culpabilité de l'élève qu'il haïssait. Il ajoutait d'ailleurs qu'à son avis Weasley et Granger devaient être ses complices puisqu'on ne pouvait pas les séparer de plus de trois pas les uns des autres.
Le reste du corps enseignant était apparemment partagé. Ils reconnaissaient que tout accusait Potter mais ne l'en pensait pas capable. Leur opinion changeait donc généralement avec les résultats scolaires du garçon.
Lockhart, lui, affichait une complète insouciance. Il était absolument indifférent au climat tendu qui régnait au château et souriait continuellement à tout ce qui passait à sa portée.

Augusta faisait la grasse matinée.
Elle avait eu une semaine très difficile : un sixième année de Poufsouffle avait pris feu lors d'une séance de travaux pratiques de potion. Arthur avait attrapé les oreillons et il avait fallu le soigner tout en éloignant Denez qui hurlait dès qu'on le séparait de son frère. Pour la troisième fois cette année, elle avait trouvé Ginny Weasley évanouie dans un couloir et la jeune fille, une fois ranimée, avait à nouveau refusé qu'Augusta alertât ses parents. Severus s'était blessé au visage en préparant un philtre à base de cartilage de murène et elle avait dû se battre avec sa fierté pour qu'il la laissât le soigner. Et Peeves avait réussi à faire tomber un large chandelier sur la tête de huit élèves en même temps, élèves dont il avait fallu réparer le crâne fissuré.
Oui, ce samedi matin, elle méritait bien une grasse matinée.
Elle était allongée dans son lit, à demi éveillée. Malgré sa fenêtre fermée, elle pouvait entendre le bruit de centaines de pas au dehors. Les élèves qui se dirigeaient vers le terrain de Quidditch pour le dernier match de la saison.
Qu'elle était bien sous sa couette…
Mais elle avait bien des choses à faire et avait paressé bien assez longtemps.
Elle s'étira lentement et longuement avant de se décider enfin à se lever. Alors qu'elle posait le pied par terre, elle entendit la porte d'entrée se refermer.
Quelqu'un était entré dans la Salle Peu Commune.
Rien d'étonnant à cela. Elle était habituellement debout depuis longtemps à cette heure.
-- Severus, c'est vous ? demanda-t-elle à travers la porte.
Elle tendait le bras vers sa robe de chambre pour couvrir son corps nu quand la porte de sa chambre s'entrouvrit et le visage pâle et grave du Maître de Potions apparut dans l'entrebâillement.
-- Augusta ? Il y a eu une nouvelle at…
Il s'interrompit brusquement quand son regard se posa sur elle. Ses yeux s'écarquillèrent. Sa mâchoire tomba. Quelle que fût la nouvelle qu'il était venu lui apprendre, il l'avait de toute évidence oubliée.
Il semblait aussi pétrifié que les victimes de l'héritier de Serpentard. En tout cas il ne fit pas un geste pour détourner le regard ou sortir de la chambre. Il se contentait de la fixer et son visage rougit fugitivement avant de redevenir plus pâle que jamais.
Elle-même se figea un instant sous la surprise et la gêne. Puis, voyant que Severus ne bougerait pas, elle finit son mouvement et attrapa son vêtement.
Ce n'est que lorsque les deux pans de la robe de chambre se furent refermés sur son corps que Severus cligna des yeux, rougit à nouveau et fit un pas en arrière avant de refermer la porte.
Quand elle sortit de la chambre quelques secondes plus tard, il avait quitté la Salle Peu Commune.

Ce fut McGonagall qui lui apprit la nouvelle. Elle sortait de l'infirmerie quand Augusta y entra et elle lui expliqua que deux élèves, Hermione Granger et Pénélope Deauclaire, avaient été pétrifiées.
-- Il faut d'ailleurs que je vous parle, Augusta. Venez avec moi !
On ne refusait pas de suivre McGonagall. Augusta obéit donc.
Les deux sorcières vinrent frapper à la porte du bureau de Dumbledore. Augusta resta debout dans un coin tout le temps que McGonagall expliquait au directeur ce qui s'était passé.
-- Et personne n'est encore au courant ? demanda-t-il quand la sorcière eut finit son récit.
-- Severus que j'ai envoyé quérir Augusta, Potter et Weasley.
Augusta s'étonna. McGonagall avait mis des élèves au courant avant le directeur ? Puis elle se dit que les trois étant absolument inséparables, Harry et Ron avaient sans doute découvert d'eux même le sort de leur amie.
-- Nous avons déjà discuté des mesures à prendre au cas où un tel événement se reproduirait Minerva. Je vous laisse donc mettre vos collègues et les élèves au courant.
McGonagall hocha simplement la tête et quitta la salle sans un regard pour Augusta. Celle-ci se demanda si elle devait la suivre car elle voyait Dumbledore la tête baissée et apparemment en pleine contemplation de ses longues mains posées sur son bureau.
-- Professeur ? appela-t-elle doucement après quelques longues minutes de silence.
Dumbledore releva la tête et lui sourit.
-- Pardon Augusta. Vous connaissez sûrement cette absence, lorsqu'on est plongé dans ses souvenirs… Asseyez-vous donc, je vous en prie !
Elle s'exécuta et attendit patiemment que le directeur lui expliquât ce qu'elle faisait là.
-- Après ces six attaques – sept en incluant le fantôme de Sir Nicholas – il n'est pas exclu de penser que les délégués de parents d'élèves exigeront mon renvoi, voire même la fermeture de Poudlard.
-- Quoi ? Mais non, ils ne peuvent…
-- Ils peuvent, Augusta, ils peuvent, interrompit Dumbledore avec lassitude. Cela s'est déjà vu. La question est : qu'allons-nous faire de vous si cela advient ?
Augusta frémit à ces paroles. Elle savait que Dumbledore ne pouvait pas risquer de la laisser sortir. Hors de sa protection, n'importe quel mangemort pourrait l'utiliser, utiliser son sang, pour ressusciter Voldemort ! Allait-il lui trouver un autre lieu où la garder enfermée ?
Poudlard avait beau être une prison, elle avait beau vouloir en sortir de toute ses forces, elle s'y était habituée et aimait cette école comme sa propre maison. Qui savait où on la mettrait si Poudlard était fermée…
-- Je n'ai pas de solution pour le présent, reprit Dumbledore. Mais vous devriez vous habituer à cette idée.
Et son ton indiquait que la discussion – si on pouvait appeler ça une discussion – était terminée.
Alors qu'elle redescendait l'escalier en colimaçon, Augusta avait complètement oublié Severus et son intrusion.

-- Augusta ?
Sa voix était timide, bien différente de celle dont elle avait l'habitude.
Il l'avait interpellée dans le hall d'entrée, alors qu'elle se préparait à rentrer se coucher.
-- Je voulais m'excuser… pour ce matin…
Il évitait son regard et ses mains s'agitaient nerveusement. Ce n'était plus le même homme.
-- Ce n'est rien, Severus ! répondit-elle en lui posant la main sur le bras. Ce n'est pas votre faute. Mais soyez gentil de frapper à la porte de ma chambre avant d'entrer à l'avenir.
Il allait ajouter quelque chose – probablement d'autres excuses – quand une silhouette se dessina dans l'encadrement de la large porte du château.
-- Severus, vous tombez bien !
Augusta se souvenait de cette voix froide et métallique : Lucius Malfoy !
-- Lucius, s'écria Severus avec une chaleur dont elle n'aurait su dire si elle était feinte. Que diable faites-vous ici ?
-- Je dois voir Dumbledore.
-- Il vient de sortir avec le Ministre. Ils se rendaient chez Hagrid.
Augusta frissonna. Qu'est-ce que le Ministre de la Magie pouvait bien vouloir à Hagrid ?
Elle réalisa alors que Lucius Malfoy la regardait avec curiosité. C'était vrai qu'elle avait bien plus changé qui lui depuis leur dernière rencontre et il était peu probable qu'il la reconnût.
-- Augusta Pye, lui dit Severus. Je vous l'ai déjà présentée.
-- Oui… Je me souviens…
Et son regard d'acier s'était fugitivement rempli d'un léger dégoût.
-- Bien, Severus, je vais trouver Dumbledore. Peut-être pourrais-je ensuite passer vous voir dans votre bureau ?
Severus acquiesça et Malfoy repartit par où il était venu, au grand soulagement d'Augusta.
Cet homme lui faisait peur.

Dumbledore avait été suspendu de ses fonctions. Hagrid avait été arrêté sans raison apparente.
Et Lockhart racontait à qui voulait l'entendre qu'il avait toujours suspecté Hagrid et que le Ministre l'avait emmené au moment où il se préparait à le prendre la main dans le sac.
Alors que tout le monde était auparavant persuadé de la culpabilité de Potter, nul ne remettait en question à présent celle du garde-chasse. C'était à n'y rien comprendre !
Trois semaines s'écoulèrent ainsi. Malgré le départ de Dumbledore, aucune autre attaque n'eut lieu, ce qui ajoutait du poids à l'hypothèse selon laquelle Hagrid était le responsable.
Severus qui s'était montré distant quelques temps après avoir surpris Augusta dans le plus simple appareil finit par retrouver son comportement normal avec elle. Mais ce n'était plus seulement dans les yeux qu'il la regardait parfois en silence…

Augusta dut s'asseoir sur le lit de l'élève qu'elle soignait, la respiration coupée.
Ginny Weasley ?
-- Mais Ginny est une sang-pur ! finit-elle par balbutier à Madame Pomfresh qui venait de lui apprendre la terrible nouvelle. L'héritier de Serpentard ne s'en est pris jusqu'ici qu'à des enfants de moldus !
-- C'est pourtant vrai. Quand le message inscrit sur le mur a été découvert, Miss Weasley avait déjà disparu depuis plusieurs heures. Il est trop tard.
-- Mais… balbutia Augusta. On ne peut pas la laisser comme ça. Il y a peut-être encore une chance de la sauver.
-- Minerva a chargé Gilderoy de…
-- Lockhart ! coupa Augusta avec dégoût. Le premier élève venu serait plus capable que lui !
-- Je vous dis qu'il est trop tard, Augusta, répondit Madame Pomfresh doucement. Minerva a déjà contacté Mr et Mrs Weasley, ainsi que le professeur Dumbledore. Ils sont tous les trois attendus d'un instant à l'autre.
Pauvre Ginny… Ce n'était pas possible. Alors que Severus était en train de préparer la potion qui allait ramener à la vie toutes les victimes pétrifiées, l'héritier de Serpentard avait emmené sa dernière proie là où personne ne pourrait la sauver.
Charlie aurait le coeur brisé quand il l'apprendrait. Et Bill… Et Arthur et Molly Weasley…
Fred, George, Percy et Ron avaient déjà été mis au courant et devaient être effondrés dans la Salle Commune des Gryffondor.
Augusta borda la jeune fille de Serdaigle qu'elle était occupée à soigner et qui les regardait, elle et l'infirmière, avec un air horrifié, lui fit avaler son médicament, puis rentra chez elle le coeur gros.
Elle savait qu’elle ne dormirait pas cette nuit.

Quelle ne fut pas sa surprise et sa joie à l'aube du lendemain quand, assise dans la Grande Salle déserte pour son petit-déjeuner, elle vit entrer Ginny Weasley entourée de ses parents, encore plus pâle qu'à l'accoutumée mais en pleine santé.
Augusta sauta sur ses pieds et accourut pour serrer Ginny dans ses bras.
-- Augusta ? demanda Molly Weasley. C'est bien toi ? Merlin, ce que tu as changé !
-- Je te croyais… balbutia Augusta à Ginny, sans avoir entendu sa mère.
-- Harry m'a sauvée, souffla la jeune fille en rougissant violemment.
-- Harry? Harry Potter ? Mais… Comment…
Arthur Weasley – senior – les poussa vers la table des Gryffondor où ils s'assirent et lui raconta les évènements de la veille, tels qu'il les avait entendus dans le bureau de McGonagall.
-- Voldemort ? s'exclama Augusta, faisant sursauter les trois Weasley. Voldemort possédait Ginny ?
C'était la seconde fois en un an que Voldemort s'insinuait dans le château à la barbe de Dumbledore !
Et c'était la seconde fois qu'il n'était repoussé que grâce à Harry Potter.
Augusta priait pour que ce fût la dernière.

Les deux semaines suivantes, Augusta fit ingurgiter à Lockhart tous les remèdes possibles dans le traitement de l'amnésie, testa tous les sortilèges qu'elle connaissait – certains plus ou moins expérimentaux en cachette de Madame Pomfresh – et alla même été jusqu'à suggérer un bon coup sur la tête. Rien ne marcha et l'infirmière et elle durent se résoudre à envoyer le professeur de Défense Contre les Forces du Mal à l'hôpital Sainte Mangouste.
Non que ce fût en réalité un soulagement de se débarrasser du sorcier, presque aussi insupportable sans ses souvenirs d'aventures imaginaires qu'avec, mais Augusta aurait aimé pouvoir éviter à Dumbledore la difficile tâche de trouver un nouveau professeur pour la troisième année consécutive.
Le lendemain du nouveau retour manqué de Voldemort, Rogue était venu la trouver à la Salle Peu Commune pour lui demander discrètement un remède contre les brûlures qu'il appliqua sur son avant-bras gauche, juste à l'endroit qu'elle l'avait vu plusieurs fois agripper. Elle se doutait bien qu'il y avait un rapport avec l'apparition d'un double de Voldemort dans les environs mais elle n'osa pas lui en demander confirmation. Elle se souvenait encore de la peur qu'elle avait ressentie la dernière fois qu'elle avait abordé le sujet.
End Notes:
À moins de lire des fanfictions sans avoir jamais lu Harry Potter (tout est possible mais alors je ne suis pas sûre que le plaisir soit le même), vous savez qui va enfin arriver, celui qu'on attend depuis la fin du deuxième chapitre.

Donc oui, promis, il revient avant la fin de cette semaine…
Chapitre vingt-deux by Morgwen
Une semaine après le début des vacances, un hibou familier se posa devant Augusta alors qu'elle essayait de convaincre un Denez réticent d'avaler une compote de pommes. Le hibou de Bill !
Étonnée, elle détacha le parchemin de l'oiseau qui attrapa une biscotte dans son bec avant de s'envoler vers la Volière.

Ma chère Gus
Comment vas-tu ? Depuis qu'il a quitté Poudlard, Charlie ne me donne que très peu de nouvelles et je viens seulement d'apprendre de Maman que tu étais encore étudiante au château. Il paraît que tu t'entends très bien avec notre petite Ginny. En tout cas, elle parle chaleureusement de toi.
Toute la petite famille est à Gizeh pour l'été. Papa a gagné un prix du ministère et a décidé de le dépenser en vacances ici. Ça me fait plaisir de revoir tout le monde.
Tu sais, chaque fois que ton nom tombe dans la conversation (ce qui est courant avec Fred, George et Ginny) Charlie trouve le premier prétexte venu et s'enfuit de la salle. Je ne sais pas ce qui s'est passé entre vous deux mais vous ne devriez pas rester comme ça.
Au fait, as-tu des nouvelles de Tonks ? Elle ne m'a pas écrit depuis Noël dernier, depuis qu'elle sort avec ce gars du ministère. Elle va bien ? Si je compte bien, elle commence sa dernière année d'étude avant d'être un vrai Auror.
Tu es la bienvenue ici si tu veux toi-aussi prendre des vacances.
J'espère te revoir bientôt.
Bill

Elle replia la lettre, partagée entre le plaisir et l'agacement. Plaisir d'avoir des nouvelles de Bill qu'elle aimait beaucoup et agacement qu'il lui prodiguât des conseils.
Depuis le deuxième anniversaire des jumeaux, elle avait décidé de ne pas attendre d'être en face de lui pour apprendre à Charlie qu'il était père de deux enfants. Mieux valait qu'il l'apprît par hibou de sa part plutôt que d'une indiscrétion de ses frères ! Mais il n'avait pas répondu à ses lettres et elle avait l'impression qu'il ne les avait même pas ouvertes. Que pouvait-elle faire de plus ?
Elle posa son regard sur ses fils qui ressemblaient tellement leur père.
Si elle n’était pas amoureuse de Remus, comme la vie serait simple…
Par réflexe, elle porta la main à la bague qu'elle portait autour du cou et l'enfila sur son annulaire.
Elle réalisa ce qu'elle faisait quand elle rencontra une résistance pour la passer sur la dernière phalange.
Une résistance ?
Avec précaution, elle ouvrit le fermoir de sa chaîne – geste qu'elle n'avait pas accompli une seule fois en dix ans – et fit tomber doucement la bague dans sa main.
Les trois anneaux brillaient comme au premier jour.
L'anneau rouge, l'anneau jaune et l'anneau blanc.
Lentement, son coeur battant à tout rompre, elle fit glisser le bijou le long de son doigt. Sans l'épaisseur de la chaîne, il passa sans difficulté.
Retenant sa respiration, elle lâcha alors la bague et inclina la main, les doigts en direction du sol.
L'alliance resta à son doigt.

ÉVASION A AZKABAN
Notre reporter spécial, ayant entendu la rumeur d'une évasion de la prison réputée inviolable d'Azkaban, s'est rendu sur les lieux pour enquêter ce fait très improbable. Réunissant tout son courage, il a interrogé les gardes de la prison qui lui ont confirmé la fuite de Sirius Black, le plus tristement célèbre serviteur de Vous-Savez-Qui, quelques jours plus tôt.
« Je n'allais pas inquiéter la population à ce propos, dit sur sa défensive le Ministre de la Magie, Cornelius Fudge, interrogé sur son silence dans cette affaire, alors que la recapture de Black est une question de jours. Les gardes d'Azkaban sont furieux qu'il leur ait filé entre les pattes et nous avons déjà une piste pour le retrouver. »
Nous rappelons que Sirius Black était gardé dans une cellule de haute sécurité et qu'Azkaban est située sur une île déserte à des lieux de toute côte, habitée uniquement des détenus et de leurs gardiens, les détraqueurs. Dans de telles conditions, on est en droit de se demander comment Black a pu s'évader sans aide extérieure.
« Black était le bras droit de Vous-Savez-Qui, répond Dolores Ombrage, sous-secrétaire d'état au Ministère. Celui-ci lui a sûrement enseigné bien des sortilèges de magie noire lui permettant de passer outre les défenses d'Azkaban, même sans baguette. »
Dans ce cas, pourquoi Black a-t-il choisi de rester douze ans en prison avant de tenter de s'évader ? Le Ministre devrait s'interroger sur les possibilités d'infiltration d'autres mangemorts au Ministère.
Pour un détail des forfaits commis par Sirius Black, voir notre dossier en page six.

Augusta tendit la Gazette du Sorcier à Severus assis à son côté. Elle voulait son avis sur l'événement. Après tout, il avait bien connu Sirius Black avant sa trahison. Elle le vit serrer la mâchoire au point qu'elle avait l'impression qu'il allait se briser les dents. Quand il reporta son regard sur elle, il brûlait d'une haine intense que douze ans de vengeance n'avait pas apaisée.
-- Qu'est-ce que vous en pensez ?
Il mit un temps avant de répondre. Réfléchissait-il ou essayait-il de décrisper sa mâchoire ?
-- Que Black aurait dû recevoir le baiser du détraqueur plutôt que d'être envoyé à Azkaban ! Ç'aurait évité la crise qui se prépare !
Elle frissonna à cette idée. Elle avait étudié les détraqueurs en sixième année et savait ce qu'il appelait un baiser. Mais ce n'était pas ce qu'elle voulait entendre. Ce n'était pas ce qui l'intéressait.
-- Mais vous pensez qu'il va chercher à se venger ? A retrouver les gens qu'il connaissait ?
Et ce disant, elle faisait nerveusement glisser son alliance le long de son annulaire. Le geste n'échappa pas à Severus.
-- Tu te demandes s'il va chercher Lupin.
Elle hocha la tête. Black avait tué deux de ses meilleurs amis – sans compter la femme de l'un d'eux – n'allait-il pas trouver Remus pour finir le travail ?
-- Oui, je suis à peu près sûr que c'est vers Lupin qu'il se tournera.
Elle frissonna de la froideur avec laquelle il disait cela.
-- Maintenant excuse-moi mais je voudrais parler de tout cela avec le directeur.

Pendant deux semaines, l'évasion de Sirius Black fut le principal sujet de conversation des habitants du château. Augusta était morte d'inquiétude pour Remus. Elle n'avait aucune idée de l'endroit où il se trouvait depuis l'hiver précédent. Elle ne savait pas s'il avait reçu la nouvelle et s'il se tenait sur ses gardes.
Dumbledore savait où était Remus. Il saurait le mettre en garde. Elle était donc venue le trouver.
-- Oui, répondit le directeur quand elle lui fit part de ses craintes. J'ai justement discuté de la question avec Severus. Il est également persuadé que Black se précipitera vers Remus si ce n'est pas déjà fait.
-- Mais vous ne pouvez pas faire quelque chose ? Protéger Remus ?
-- Je vois que vous portez à nouveau votre alliance, Augusta, dit Dumbledore, comme à lui-même.
Et avant qu'elle eût pu répondre, il reprit.
-- Ne vous inquiétez pas pour Remus ! Là où il se trouve actuellement, il ne risque rien de la part de Black. Et je m'assurerai qu'il reste ensuite à l'abri.
-- Merci professeur.
Un petit silence plana quelques instants.
-- Professeur, reprit-elle. Je suis désolée de n'avoir pas pu soigner le professeur Lockhart…
-- Ce n'est pas votre faute Augusta. Il semblerait que le talent principal de Gilderoy ait été le sort d'amnésie. Il faudra beaucoup de temps et de soins avant qu'il puisse à nouveau être ce charmant lui-même.
Augusta fit la moue.
-- Et vous avez trouvé un nouveau prof de Défense ?
-- J'ai proposé le poste à un sorcier de confiance. J'attends de connaître sa décision. S’il accepte ma proposition, nous ne le verrons pas avant le 1er septembre, j'en ai peur. Il a un empêchement qui le retient entretemps.
Severus allait encore être de mauvaise humeur quand il découvrirait que Dumbledore lui avait encore refusé le poste.

Dumbledore avait réuni tous les professeurs dans la Grande Salle. Ceux qui étaient partis en vacances dans leur famille étaient revenus exceptionnellement. Augusta voyait que tous les habitants du château, tels que Madame Pomfresh, Argus Rusard, Madame Pince, Hagrid et elle-même avaient été également prié de venir.
Debout au milieu de la salle, ils attendaient l'arrivée du directeur qui leur expliquerait ce qu'ils faisaient là.
Soudain, un froid parcourut les personnes présentes et toutes se tournèrent vers la porte.
Dans l'encadrement se tenaient le professeur Dumbledore, un petit sorcier au chapeau vert qui parut familier à Augusta et une troisième silhouette encapuchonnée de noir.
Une silhouette pas tout à fait humaine…
Dumbledore et le sorcier qui l'accompagnait marchèrent résolument vers le groupe de professeurs.
La créature resta un moment à la porte puis s'avança à leur suite. Elle semblait glisser au-dessus du sol et son mouvement était écoeurant à regarder. Sa cape noire la masquait, corps et visage, mais Augusta n'aurait pas voulu mieux la distinguer pour tout l'or du monde. Alors que la créature passait devant Severus, elle émit un affreux bruit, comme si elle cherchait à inspirer plus que de l'air autour d'elle. Severus pâlit affreusement et, prit de faiblesse, il perdit un moment son équilibre.
-- Bonjour à tous !
La voix forte de Dumbledore résonna dans la Grande Salle et il sembla à Augusta qu'on allumait une chandelle au milieu d'un puits noir. Pourtant, ce n'était pas le ton affectueux et moqueur dont elle avait l'habitude. Ni même celui grave et concerné qu'elle avait déjà entendu.
La voix de Dumbledore était vibrante de colère.
-- Vous savez tous que Sirius Black s'est évadé d'Azkaban le mois dernier. Le Ministre de la Magie m'a donc demandé un service qu'il vous exposera lui-même.
Augusta comprenait maintenant pourquoi le sorcier lui avait parut familier. Elle avait déjà vu quelques mauvaises photos de lui dans la Gazette du Sorcier et elle avait pour son plus grand malheur été sept ans dans la même promotion que son fils.
-- Hem, oui, dit Cornelius Fudge avec un coup d'oeil gêné à Dumbledore. C'est cela… Merci Dumbledore. Nous avons des raisons de penser que Sirius Black voudrait s'en prendre au jeune Harry Potter. Il essaiera donc forcément de pénétrer dans Poudlard. Nous avons donc décidé de poster des détraqueurs à toutes les entrées du château pour l'attraper sur le vif. Vous verrez, il sera probablement de retour à Azkaban avant la rentrée scolaire.
-- Vous comptez donc utiliser Potter et Poudlard comme appât ? demanda sèchement McGonagall, résumant bien la situation aux yeux d'Augusta.
Fudge, qui s'était échauffé à ses propres paroles, perdit à nouveau toute contenance à la question.
-- Eh bien… pas tout à fait… c'est une question de sécurité… avec un fou comme Black en liberté… qui sait ce qu'il pourrait faire ?
Il jeta un nouveau coup d'oeil à Dumbledore.
-- Nous ne pouvons pas prendre le risque que Black s'introduisse dans Poudlard, dit le directeur. Vous savez comme moi, Minerva, qu'il connaît le château comme sa poche. Le seul moyen de l'empêcher de faire du mal aux élèves est de bloquer toutes les issues. Mais nous avons convenu que pas un détraqueur ne s'introduira à l'intérieur du domaine et ne perturbera le bon déroulement de la vie des élèves et des vôtres.
Il avait dit ces derniers mots en regardant fixement la créature encapuchonnée – qu'Augusta avait depuis longtemps reconnue comme un détraqueur bien qu'elle n'en eût jamais vu auparavant. Le détraqueur émis à nouveau son horrible bruit de succion en direction de Dumbledore mais celui ne bougea pas un muscle. Vaincue, la créature glissa à nouveau à travers la salle, tous les professeurs s'écartant devant elle, et sortit silencieusement.
Ce fut comme si un poids avait ôté de toutes les épaules.

-- Comment ça vous ne savez pas qui est le prochain prof de Défense ?
Augusta regardait Severus, incrédule. Elle avait entendu Dumbledore lui annoncer qu'il avait rejeté sa candidature car il avait déjà trouvé un professeur, probablement celui dont il lui avait parlé. Elle ne pouvait pas croire que Severus ait accepté sa défaite sans demander qui l'avait battu.
-- Non, le directeur a refusé de me donner son nom. Il pense que je pourrais m'énerver.
Il avait dit ces derniers mots avec un sourire sardonique qu'elle comprit.
Comment Dumbledore pouvait-il plus énerver Severus qu'ainsi ?
-- Mammig ?
Augusta regarda Arthur qui lui tirait la manche.
-- Oui mon trésor ?
Il lui désigna son frère du doigt et elle s'aperçut que Denez avait attrapé la baguette que Severus avait posée sur la table basse. Elle accourut vers lui et lui arracha la baguette des mains avant qu'il eût pu la secouer.
-- Denez, non ! s'écria-t-elle. J'ai dit qu'on ne touchait pas les baguettes ! C'est dangereux !
-- Augusta, il n'a… tenta Severus.
-- Et vous !
Elle reportait son attention et sa colère sur le Maître de Potions.
-- Vous êtes fou de laisser votre baguette traîner ainsi ? Vous ne vous rendez pas compte de ce qui pourrait arriver. Je vous ai pourtant déjà demandé de toujours la ranger en présence des enfants !
Il ouvrit la bouche pour protester mais seul un hoquet de surprise en sortit. Augusta se retourna pour voir qu'Arthur, assis dans sa chaise de bébé, avait tenté d'en descendre pour réconforter son jumeau qui pleurait. Alors même qu'elle se précipitait pour le retenir, il tomba et elle entendit nettement les os fragiles de son bras se briser en touchant le sol.
La surprise du garçon retint la douleur un certain temps mais quand sa mère le souleva pour examiner sa blessure, il aperçut du sang et se mit à hurler.
-- Non… Tout ira bien… Mammig va te soigner en un instant… lui murmura Augusta. Severus, surveillez Denez deux minutes et ne le laissez toucher à rien !
De sa baguette, elle ouvrit la porte d'une étagère murale et en sortit un flacon de liquide ambré. Elle attrapa alors le biberon d'Arthur, ajouta à l'eau qui s'y trouvait trois gouttes du liquide, puis força le tout aux lèvres du garçon. Celui-ci se débattit un instant puis finit par avaler le remède.
Au bout de quelques gorgées, il cessa de remuer. Avant d'avoir tout bu, il s'endormait.
Alors, elle lui ôta délicatement son tricot souillé de sang. Il n'y avait qu'une fracture nette et les os n'avaient pas percé la chair comme elle l'avait tout d'abord craint. Il s'était juste ouvert la peau et le saignement s'arrêtait déjà.
Une fois le bras désinfecté avec une autre potion – spécialement adaptée aux enfants – elle remit délicatement les deux parties de l'os l'une en face de l'autre, les maintenant d'une main, tandis qu'elle lançait le sortilège qui allait les ressouder.
Enfin, elle referma la petite plaie qui avait recommencé à saigner sous le désinfectant puis nettoya le bras avec un linge trempé d'eau.
Alors, elle reprit son garçon dans les bras et le conduisit dans la chambre d'enfant pour le déposer dans son lit.
Severus l'avait suivie, poussant Denez devant lui. Mais elle s'en rendit à peine compte. Elle était tombée sur une chaise et regardait Arthur endormi.
-- Mammig ?
Severus prit l'enfant dans ses bras mais celui-ci continuait à appeler sa mère. Alors le sorcier le déposa sur les genoux d'Augusta qui referma automatiquement ses bras autour de lui.
-- Je n'en peux plus, Severus, murmura-t-elle. Même avec l'aide de Corly, je n'y arrive pas… Je ne peux pas élever deux enfants toute seule…
Severus approcha une deuxième chaise sur laquelle il s'assit. Il posa une main sur son épaule. Augusta était à peine consciente des gestes de son ami. Son attention était focalisée sur Arthur endormi sur son lit et Denez qui jouait avec ses cheveux blancs sur ses genoux.
-- Ils ont besoin d'un père… continuait-elle.
Elle sentit vaguement que la main de Severus touchait à présent la peau de son cou. Elle regardait le visage de Denez. Ses cheveux à présents roux sombre… Ses yeux noirs… Ses tâches de rousseur… Ses pommettes… La forme de son front… Son sourire d'adoration alors qu'il la regardait… Comment pouvait-il tant ressembler à Charlie et si peu à elle ?
-- Ils ont besoin de leur père…
La main de Severus qui avait atteint sa joue frémit et s'éloigna.

Après un long moment, elle cligna des yeux et regarda autour d'elle. Arthur ne s'était toujours pas réveillé et Denez s'était endormi à son tour sur ses genoux. Elle porta le garçon jusqu'à son lit puis sortit de la chambre sans faire de bruit.
Alors, elle réalisa que Severus était parti.
Pourquoi ?
Elle appela Corly, lui recommanda de veiller attentivement sur ses fils et sortit de la Salle Peu Commune. Elle retrouva Severus dans son bureau, occupé à planifier ses premiers cours pour la rentrée du lendemain.
-- Augusta ? Tu t'es réveillée ? dit-il en la voyant toquer à sa porte.
Elle s'était donc endormie. Alors qu'elle lui parlait, elle ne savait plus bien de quoi, d'ailleurs.
-- Je suis désolée Severus. Je manque de sommeil ces jours-ci.
-- Je sais bien, répondit-il, perdant son sourire et refermant son visage. Hier soir était la pleine lune.
Elle le regarda avec surprise. Comment savait-il qu'elle passait la plus grande partie des trois nuits pendant lesquelles Remus se transformait à contempler la lune ?
-- Depuis dix ans, reprit-il comme s'il avait une nouvelle fois deviné ses pensées, j'ai eu le temps de m'apercevoir que tu ne dormais quasiment pas ces nuits là.
Elle rougit. Elle savait qu'il n'aimait ni parler, ni évoquer, ni même avoir à penser à Remus.
-- En tout cas, pardon.
-- De quoi ?
-- Je ne voulais pas… J'avais juste un moment de faiblesse… Je ne voulais pas me plaindre de mes fils devant vous ou m'énerver sur eux. Je sais combien vous les aimez.
Il baissa les yeux à ses paroles.
-- Promets-moi simplement d'aller dormir ce soir au lieu de regarder la lune ! dit-il, les yeux fixant le parchemin sur son bureau. Tu ne veux pas ressembler à un inferius pour le banquet de demain !
Elle hésita, puis sourit alors qu'il relevait le regard.
-- Je vous le promets.

Elle avait enfilé une robe rouge vif à la jupe large et posé sur ses épaules une cape vert sombre, épaisse et imperméable. Elle avait bien fait car, alors qu'elle atteignait le terrain de Quidditch, les premières gouttes de pluie se mirent à tomber.
Tant pis, elle se ferait mouiller !
Elle avait eu très peu l'occasion de monter ses chevaux ces derniers temps. Artus et Myrddin prenaient de l'âge, pourtant, et avaient besoin d'exercice. Elle avait donc décidé de profiter des dernières heures de liberté avant l'arrivée des élèves.
La veille au soir, elle avait obéi à Severus et, pour la première fois depuis qu'elle avait rencontré Remus, avait dormi une nuit complète alors que la lune était dans sa phase lycanthrope. De ce fait, elle était en pleine forme !
Severus, lui, lui avait paru plus sombre et pâle que jamais ! Elle l'avait croisé alors qu'il sortait de chez le directeur et il lui avait lancé ce regard étrange qui la suivait depuis ce matin.
Douleur… Désir… Regret… Haine… Tendresse…
Tous ces sentiments avaient paru passer directement de l’esprit de Severus au sien avec ce seul bref regard. Puis, il avait disparu et elle ne l'avait pas revu de toute la journée.
Sentant les muscles de Myrddin fatiguer entre ses cuisses, elle repassa au pas puis s'arrêta. Il pleuvait dru, à présent, et elle alla rechercher l'abri des arbres de la Forêt Interdite. Assurée que les chevaux étaient au sec, elle s'assit sur une racine qui sortait du sol et se mit à réfléchir.

Trois hommes qui l'aimaient…
Remus… Remus avait quitté la sécurité du château à cause d'elle. Il lui avait pardonné sa trahison. Il voulait vivre près d'elle, l'aimer et accepter ses enfants comme les siens. Elle était pour lui la seule…
Charlie… Charlie l'avait toujours aimée. A vingt et un ans, c'était maintenant un homme. Elle pensait, par les lettres de Tonks et de Bill qu'il l'aimait toujours. Que c'était son amour pour elle et le refus qu'il avait reçu qui l'éloignaient. Il ne voulait plus souffrir à cause d'elle. Il était le père de ses enfants…
Severus… Severus était toujours là pour elle. Il la regardait. Elle était pour lui un avatar de la femme qu'il avait aimée autrefois. Elle savait avec certitude qu'il l'aimait à sa manière, même si elle avait choisi de ne jamais se l'avouer.
Qu'avait-elle fait pour être autant aimée ? Pour faire souffrir ces trois hommes quand elle n'aurait voulu que leur bonheur ?
Elle les aimait tous trois. Différemment mais elle les aimait.
Remus… La seule mention de son nom lui faisait battre le coeur comme à une adolescente. Elle l'aimait comme une folle, comme Juliette aimait Roméo, comme Viviane aimait Merlin. Mais il n'était presque plus qu'un souvenir lointain…
Charlie… Son petit frère… Son ami… Son amant… Jamais elle n'avait été aussi proche d'un homme… Elle éprouvait tant de tendresse pour lui… Et il lui avait donné Arthur et Denez et elle l'aimerait toute sa vie, si ce n'était que pour ça…
Severus… Toujours là… Confident… Protecteur… Mystérieux… Soutien…
Elle se prit la tête dans les mains. Autour d'elle, l'eau ruisselait sur les troncs, traversait en grosses gouttes la canopée, s'écrasait sur ses genoux.
Remus… Charlie… Severus…
Pourquoi fallait-il qu'elle fût assaillie par les doutes maintenant ? Parce que son alliance lui allait à nouveau et que Remus n'était pas revenu ?
Elle se souvenait des caresses de Charlie, trois ans plus tôt. Ses mains inexpérimentées qui découvraient… Ses lèvres… Sa timidité et son audace…
Les doigts froids de Severus sur son épaule… dans sa nuque… sur son front…
Pourquoi le corps de Remus était-il aussi lointain dans ses souvenirs ?

Un hennissement la fit revenir à la réalité. L'obscurité était tombée. Il pleuvait plus que jamais et elle était trempée jusqu'aux os. Frissonnant, elle se demanda l'heure qu'il était.
Elle remonta sur le dos de Myrddin et reprit le chemin du château au petit trot. Derrière eux, Artus avait pris la même allure.
En passant devant les hautes grilles qui barraient la route de Pré-au-Lard, elle s'arrêta. Elle voyait le Poudlard Express illuminé avancer lentement vers le village.
Il était plus tard qu'elle ne l'avait cru.
Alors qu'elle s'appuyait des deux mains sur le dos de son cheval, se hissant pour mieux voir au dehors, elle sentit un froid l'envahir. Elle était probablement restée trop longtemps sous la pluie et ferait mieux de rentrer.
Mais elle avait l'impression que, rentrée au château ou non, elle se sentirait toujours aussi gelée et misérable…
Elle pensa à Charlie qui la quittait en cachant ses larmes…
À Denez qui gisait enveloppé dans un manteau alors qu’elle était seule au milieu de la neige…
À Remus qui la regardait avec douleur et dont les doigts tendres tenaient ses minuscules mains d'enfants…
À Remus et Severus qui la fixaient d'un air horrifié tandis que ses poignets laissaient écouler tout son sang sur une statuette de cire…
À une guérisseuse qui emportait sa petite fille qui n'avait pas poussé un seul cri…
-- Augusta ! Augusta !
Une gifle la fit revenir à elle. Elle était toujours devant le portail. Il pleuvait. Elle entendait le train siffler au loin. Seulement un court instant avait passé.
Elle cligna des paupières et reconnut Severus, penché au-dessus d'elle. Il la tenait dans ses bras.
-- Ce n'est rien. Je vais te ramener au château.
Il l'aida à se relever et la soutint jusqu'à la porte d'entrée.
-- Qu'est-ce qui s'est passé ?
-- Chut, ne parle pas ! murmura-t-il.
Il la guida jusqu'à la Salle Peu Commune où il l'assit sur un fauteuil. Arthur et Denez accoururent en les voyant mais Severus les repoussa sans ménagement.
-- Corly ! appela-t-il et l'elfe apparut instantanément. Va chercher un large morceau de chocolat en cuisine et prépare un thé bien chaud !
L'elfe regarda Augusta pour confirmation – il n'avait pas à prendre ses ordres de Severus – puis disparut quand elle hocha la tête.
-- Ca va mieux ? demanda Severus, inquiet.
-- Oui, je crois, murmura-t-elle, pas tout à fait sûre. Qu'est-ce que…
-- Un détraqueur. Tu sais qu'il y a des détraqueurs qui gardent les entrées. Il a senti que tu restais devant la grille et n'a pas pu résister.
Un détraqueur… Oui… Elle aurait du se souvenir… Éviter les voies d'accès au château…
-- Les élèves arrivent ; je dois y aller, reprit Severus. Reste ici ! Tu as besoin de te remettre.
-- Mais…
-- Quand l'elfe reviendra, mange le chocolat qu'il te donnera ! Cela te fera du bien. Bois ton thé ! Reste tranquillement avec tes fils ! Tu n'as pas besoin de plus d'émotions ce soir.
-- Mais…
-- Je repasserai après le banquet pour voir si tu vas mieux.
Et avant qu'elle eût pu tenter une nouvelle fois de protester, il était sorti.
Il avait raison… Elle se souvenait des leçons du professeur Smolett. Le chocolat la soignerait… Et du repos ne serait pas de trop…
-- Gwalchmeï ! appela-t-elle.
Le triton apparut, l'air concerné.
-- Je ne veux voir personne ce soir. Laissez seulement entrer Severus !

Elle entendit les bruits annonçant la fin du banquet. Severus serait bientôt de retour. Elle passa donc dans la cuisine pour préparer une théière. Elle voulait lui montrer qu'elle allait mieux. Qu'il ne s'inquiétât pas…
Pendant que le thé infusait, elle entra dans la chambre des jumeaux.
Elle les avait couchés une heure plus tôt et ils dormaient maintenant paisiblement. Elle sourit en voyant qu'Arthur avait quitté son lit pour rejoindre celui de son frère. Et les deux garçons dormaient l'un contre l'autre, tels deux reflets de la même image.
Elle prit le clandestin dans ses bras et le ramena à sa place sans le réveiller.
Elle les borda avec tendresse.
Sur le pas de la porte, elle se retourna et les regarda à nouveau.
Ses petits sorciers…
Elle entendit la porte de la Salle Peu Commune s'ouvrir puis se refermer.
-- Je suis à vous dans une seconde, Severus, lança-t-elle sans quitter ses fils des yeux.
-- Bonsoir Morgwen.
Cette voix…
End Notes:
Ben quoi ? J'ai promis qu'il revenait et j'ai tenu parole, non ? :D
Chapitre vingt-trois by Morgwen
Cette voix…
Une voix qu'elle n'avait pas entendue depuis dix ans…
« Quand cette bague t'ira de nouveau, je reviendrai. »
Impossible…
Elle ferma les yeux, prise de vertige.
Il était là, près d'elle… Elle avait l'impression d'avoir attendu ce moment toute sa vie. Et elle se sentait incapable de bouger.
Elle se retourna lentement, les paupières toujours closes.
Prenant une grande inspiration, elle rouvrit les yeux.

-- Remus…
Elle entendit à peine sa propre voix.
C'était bien lui ! Et pourtant…
Quel âge avait-il aujourd'hui ? Trente-trois ans… Seulement trente-trois ans…
Comme ces dix années avaient pesé sur lui !
Son visage était pâle, maladif. Des rides profondes s'étendaient aux coins de ses yeux et de sa bouche. Ses paupières étaient rougies. Ses cheveux châtain grisonnaient sur les tempes. Son dos était légèrement voûté. Il était maigre… si maigre… La peau semblait directement tirée sur ses os.
-- Oh, Remus !
Elle sentit des larmes monter à ses yeux à le voir si misérable. Elle n'avait pas bougé, non plus que lui. Il s’était arrêté au milieu de la pièce et portait une longue cape de voyage maintes fois reprisées. Si fine… Et encore humide de pluie.
-- C'est incroyable ! dit-il et sa voix était rauque de fatigue. Tu es exactement la même qu'autrefois ! Sauf les cheveux, bien sûr…
Et il sourit.

Ce sourire…
Son sourire n'avait pas changé…
Elle sentit comme une explosion dans sa poitrine et un souffle chaud parcourut tout son corps.
Son sourire transfigurait son visage.
Son regard non plus n'avait pas changé…
Couleur d'argent… Couleur de clair de lune… Doux… Tendre…
Et brillant d'un désir profond et désespéré…

Il fit un pas vers elle mais, pris d'un vertige, dut se retenir au dossier du fauteuil le plus proche. Elle se précipita vers lui pour le retenir. Elle le soutint un moment pour le faire s'asseoir.
Il ne pesait presque rien. Depuis combien de temps n'avait-il pas mangé à sa faim ?
Si fragile…
Mais sentir son corps contre elle… Son coeur s'était accéléré et une onde de chaleur avait parcouru son ventre.
Elle se détacha de lui pour se relever mais il la retint par les poignets.
Il restait de la force en lui !
-- Reste près de moi… implora-t-il.
Elle s'assit sur l'accoudoir et il entoura sa taille du bras. Elle avança la main pour toucher son visage, le caresser.
Elle n'arrivait pas à croire qu'il était là, qu'elle ne rêvait pas…
-- Morgwen… Morgwen… Morgwen…
Il murmurait son nom comme s'il s'en nourrissait.
Il avait l'air si faible… Si fatigué…
Un rayon de lune tombait sur son visage…
La lune…
La veille encore, il s'était transformé. Voilà pourquoi il tenait à peine debout.
-- Remus, souffla-t-elle de cette voix apaisante qu'elle utilisait pour bercer ses fils. Tu dois te reposer. Tu dois dormir.
Le tenir contre elle… Elle avait tellement envie de lui que son corps lui faisait mal.
Et son regard d'argent la brûlait de son désir.
Mais il devait dormir.
Il ne répondit pas. Il l'attira plus près de lui et elle se retrouva blottie sur ses genoux, son bras toujours l'entourant.
De son autre main, il lui saisit la nuque et attira son visage vers le sien.
Il lui prit un baiser désespéré, presque violent et elle crut défaillir.
Il avait lâché ses lèvres et embrassait ses joues, ses paupières, son menton, tout son visage.
Elle gémit.
Il l'embrassait comme une bête affamée dévore un festin inespéré.
Mais déjà ses mouvements se faisaient plus lents. Il continuait d'embrasser sa peau, de mordiller son cou mais il n'avait plus la force de la tenir contre lui.
Faisant un effort contre elle-même, elle se dégagea de son étreinte.
Son regard se fit suppliant.
Elle le releva et soulevant, tirant, poussant, elle l'attira jusqu'à la chambre à coucher.
Cette chambre où ils s'étaient aimés autrefois.
Elle l'allongea sur le lit et le débarrassa de ses chaussures percées, de sa cape miteuse, de la robe rapiécée qu'il portait en dessous et de ses sous-vêtements.
Il dormait à demi mais leva les mains vers elle.
Rapidement, elle se déshabilla à son tour puis vint se blottir contre lui sous la couette.
Il la prit dans ses bras et s'endormit.

Elle s'était réveillée à l'aube avec le souvenir d'un rêve étrange. Un rêve dans lequel Remus était revenu.
Et elle avait senti la présence de l'homme à ses côtés.
Elle le regardait dans la lumière naissante. Endormi, il paraissait plus jeune. Il ressemblait vraiment à celui qu'elle avait épousé. Elle repoussa doucement une mèche de cheveux encore châtains et il frémit dans son sommeil avant de la serrer un peu plus contre lui.
Il finit par ouvrir les paupières, les yeux embués de sommeil.
Elle lui sourit.
Lovée tout contre lui, elle sentit le désir de Remus monter à nouveau et son propre corps réagir au sien.
Il l'embrassa et cette fois, ses lèvres étaient pleines de tendresse. Il fit glisser ses doigts le long de son corps et…
-- Mammig ?
Remus s'immobilisa d'un coup et elle se redressa dans son lit.
Denez et Arthur se tenaient dans l'encadrement de la porte qu'elle n'avait pas pensé à fermer la veille et regardaient Remus, curieux.
-- Mammig, qui le monsieur ? demanda Denez en français.
Remus fronça les sourcils et s'assit à son tour à côté d'Augusta.
-- Qu'est-ce qu'il dit ?
-- Il demande qui tu es, répondit-elle. C'est Remus, l'ami de Mammig. Va avec Arthur voir Corly dans la cuisine, Chaton. J'arrive tout de suite.
Denez hésita un instant puis prit son frère par la main et disparut. Elle reporta son attention sur Remus qui paraissait à la fois gêné et déçu.
Elle éclata de rire.
-- Ne t'inquiète pas ! Je fermerai la porte à double tour la prochaine fois.
Il la prit à nouveau dans ses bras et l'embrassa doucement.
-- J'aimerais que la prochaine fois soit maintenant, souffla-t-il.
Mais après un dernier baiser il la relâcha.

Augusta avait des cours avec des septièmes années ce matin là. Elle avait donc donné leur petit-déjeuner à ses fils puis avait pris le chemin de la Grande Salle avec Remus pour déjeuner à son tour.
Elle ne pouvait pas se lasser de le regarder.
Après une bonne nuit de sommeil, il paraissait en bien meilleure santé et, bien que son allure fût encore un peu hagarde, il dégageait plus de charme que jamais. Elle mourait d'envie de passer la main dans ses cheveux encore humide de la douche qu'il venait de prendre, d'embrasser son nez, de mordiller le bout de ses doigts et autres idées incongrues.
Mais Remus, une fois sorti de la Salle Peu Commune, n'avait pas voulu même lui tenir la main bien que les regards qu'il lui lançait disaient combien c'était difficile pour lui.
-- Remus !
La grosse voix de Hagrid retentit dans le hall.
-- Pardon, je devrais dire Professeur Lupin, reprit-il.
-- Dans ce cas, je devrais t'appeler professeur Hagrid, répondit Remus avec un sourire moqueur qui envoya des bulles de chaleur dans la poitrine d'Augusta.
Puis, elle réalisa ce que les deux sorciers venaient de dire.
-- Professeur Lupin ? Professeur Hagrid ?
-- Oh, bonjour Augusta, dit Hagrid. Je ne t'avais pas vue. Oui, le professeur Dumbledore m'a nommé professeur de Soin aux Créatures Magiques à la place de Brûlopot.
Un sourire fier se dessina entre les poils de sa barbe.
-- Et je pensais que Remus se serait déjà présenté de lui-même. C'est notre nouveau prof de Défense Contre les Forces du Mal.
-- Quoi ?
Pourquoi personne ne lui avait-il dit que Remus était le nouveau prof de Défense ? Dumbledore, Remus, Severus… Non, Severus n'avait pas su sans quoi il l'eut mise au courant. Pourquoi la laisser se morfondre et avoir des doutes quand un mot lui aurait apprit qu'il revenait ?
Le petit sourire de Remus s'effaça devant le regard encoléré qu'elle lui lança. Il ne s'attendait évidemment pas à cette réaction. Elle allait lui dire ce qu'elle pensait quand elle se souvint de la présence de Hagrid qui la regardait d'ailleurs sans comprendre.
-- Hem, reprit Hagrid après un moment de silence inconfortable. En tout cas, bravo Remus ! À peine arrivé, tu es déjà en compagnie de la plus jolie sorcière du château.
-- Mon charme légendaire, sûrement, répondit Remus d'un ton ironique.
Mais Augusta avait aperçu Severus à la table des professeurs et décida que ses reproches pourraient attendre.
-- Excusez-moi. Remus, Hagrid.
Et elle passa les portes de la Grande Salle.
La forte voix de Hagrid continua à la suivre un moment.
-- Et qu'as-tu fait de ta femme, Morgwen ? Ses chevaux sont toujours là. Augusta, d'ailleurs, en prend grand soin.
Elle n'entendit pas la réponse de Remus.
-- Oh, pardon. Je ne savais pas…
Un silence.
-- Ne la regarde pas comme ça, dit Hagrid d'un ton paternel. C'est vrai qu'elle ressemble beaucoup à ta Morgwen mais ce n'est pas la même femme.
-- Je le sais bien, fut la réponse triste de Remus qu'elle entendit distinctivement avant que le son de la conversation ne fût masqué par les hululements des hiboux qui amenaient le courrier matinal.

Le regard que Severus lui lança quand elle s'assit auprès de lui ! Même la douleur qu'elle avait lue sur son visage le jour où elle lui avait annoncé qu'elle était enceinte n'était rien à côté de ce qu'elle voyait à présent.
-- Bonjour Severus, dit-elle avec toute la douceur dont elle était capable.
Il se contenta de hocher la tête en réponse.
Elle se demandait ce qu'elle allait bien pouvoir lui dire quand sa physionomie changea. Son regard se mit à briller, sa mâchoire se serra, ses doigts agrippèrent le bois de la table, laissant des marques de ses ongles.
Elle ne l'avait vu manifester une telle haine que lorsqu'il parlait de Sirius Black.
Remus venait d'entrer dans la Grande Salle.
-- Vous le saviez ? demanda-t-elle, sachant bien qu'elle n'avait pas besoin de préciser sa question.
-- Non, réussit-il à articuler. Le directeur ne me l'a dit qu'hier matin.
Ils ne se regardaient pas. Leurs deux regards étaient portés sur le sorcier en robe reprisée qui avançait vers eux.
-- Pourquoi ne me l'avez-vous pas dit ? Vous ne vous rendez pas compte du choc ?
-- Tu allais le savoir quelques heures plus tard. Je n'aurais pas pu…
Elle reporta son attention sur lui et devina. Il n'avait pas voulu être celui qui lui annoncerait le retour de son mari. Il n'avait pas besoin de cela en plus du reste.
-- Et Dumbledore ? Il m'a parlé plusieurs fois du nouveau prof de Défense. Pourquoi me cacher qu'il s'agissait de Remus ?
Severus se crispa en entendant ce nom.
-- D'abord, il ne voulait pas te donner de faux espoirs. Puis, Lupin lui a demandé de garder le secret. Je suppose qu'il voulait te faire la surprise.
-- C'est réussi ! Et elle fut surprise d'entendre l'amertume dans sa propre voix.

Comme les heures étaient longues !
Au petit-déjeuner, Remus n'avait pas réussi à se fausser compagnie à Hagrid pour la rejoindre et elle avait dû partir pour les sous-sols de potion sans lui reparler. Ce n'était pas plus mal, après tout. Elle avait eu le temps de réfléchir à son silence. Ce n'était pas bien grave. Après tout ce qu'il avait traversé, elle n'allait pas lui refuser son amour alors qu'elle ne voulait que lui donner !
Elle profita de la matinée avec les septièmes années pour interroger Percy Weasley sur Charlie, puisqu'elle savait qu'il avait passé l'été avec lui. C'était vrai que Percy n'avait pas beaucoup d'affection pour ses frères mais il était toujours une source d'informations plus fiable que Fred ou George.
Charlie allait bien. Percy avait remarqué plusieurs cicatrices dues à sa proximité avec les dragons mais en dehors de ça, le jeune homme était en pleine forme. Il n'avait pas perdu ses capacités d'athlète développées par le Quidditch. Il jouait toujours, d'ailleurs, dans un club roumain. Oui, sa vie sentimentale était remplie. Il avait surpris une conversation entre Bill et Charlie où ce dernier parlait de sa dernière conquête. Mais Percy pensait qu'il n'avait pas eu de relation sérieuse, ce qu'il regrettait vu l'âge de son frère ! Lui, par exemple, avait une relation sérieuse avec Pénélope ! Mais Charlie n'avait jamais été consciencieux…
Augusta le remercia et le renvoya à son chaudron. Apparemment, aucun des Weasley au courant de la paternité de Charlie ne lui en avait parlé. Elle le regrettait presque. S'il ne lisait pas les lettres qu'elle continuait à lui envoyer, que pouvait-elle faire ?
La cloche retentit et les élèves sortirent de la Salle, la laissant ranger les échantillons qu'ils lui avaient rendus. Elle se demanda où était Remus à présent. Dans le bureau du professeur de Défense ?
Elle sortit de la salle, la verrouilla et remonta vers les étages du château. Remus était probablement retourné à la Grande Salle pour déjeuner. Mais peut-être était-il encore en train de travailler, seul.

La porte était entrouverte. Elle resta un moment sur le seuil du bureau. Remus, penché sur une pile de parchemins ne l'avait pas vue ni entendue. Son visage sérieux était concentré sur sa lecture. De temps à autre, il ajoutait une note en marge du texte avec une plume aussi usée que le reste de ses affaires.
Le Professeur Lupin…
Elle frappa doucement à la porte et il releva les yeux. Ses traits s'illuminèrent.
-- Morgwen !
Elle lui sourit. Comme elle aimait l'entendre l'appeler par ce nom !
Elle entra dans la pièce et, cette fois, pensa à refermer derrière elle.
-- Tu ne devrais pas m'appeler comme ça, lui dit elle avec regret. Maintenant, je suis Augusta.
Il fronça les sourcils et une ombre passa sur son visage. Il se leva, contourna son bureau et vint la prendre doucement dans ses bras. Il étendit la main gauche et ferma le verrou de la porte.
-- Oui, tu es Augusta Pye, ancienne Préfète-en-Chef, sorcière accomplie, mère de deux petits Weasley.
Il la regardait dans les yeux et elle pouvait sentir tous ses doutes l'assaillir à nouveau.
-- Est-ce qu'il reste un peu de Morgwen Lupin chez toi ?
Sa première réaction fut l'agacement.
-- Comment peux-tu dire ça ? dit-elle en se dégageant de ses bras. C'est toi qui es parti ! Qui m'a abandonnée ! Dix ans, Remus ! Dix ans que je t'attends et que je morfonds ! Dix ans seule !
-- Tu n'étais pas seule, dit-il doucement. Tu avais Poudlard. Rogue, tes amis Tonks et Charlie…
Son regard se refroidit.
-- Charlie… répéta-t-il.
Elle n'en revenait pas. Elle était venue pour être avec lui, pour enfin le serrer dans ses bras, et voilà qu'ils se disputaient. Mais elle ne pouvait pas se retenir de rétorquer.
-- Une fois ! Une seule fois ! Tu crois que je ne l'ai pas regretté ? Combien de nuits blanches crois-tu que j'ai passées à me reprocher ce que j'avais fait ? Une fois j’ai fait une erreur ! Après sept années d'abstinence… Je n'en pouvais plus ! Si ça n'avait pas été lui, ça aurait été un autre ! Ça aurait été Severus !
Oui, ça aurait très bien pu être Severus… À l'époque, si Severus avait fait le moindre mouvement…
-- Une fois ? Toute une nuit sans s'arrêter, je n'appelle pas ça une seule fois.
Comment savait-il ça ? Comment pouvait-il savoir ça ? Elle n'avait jamais parlé de cette nuit à personne et elle était bien certaine que Charlie non plus. Comment Remus savait-il ?
Mais elle n'eut pas le temps de lui demander.
Il l'attrapa par le poignet et la plaqua contre la porte. Emprisonnée entre ses bras, elle était partagée entre la colère et le désir. Et elle voyait chez Remus le ressentiment et la jalousie combattre sa tendresse habituelle.
Il l'embrassa violemment. Il lui faisait mal mais ni l'un ni l'autre n'en avait cure. Elle s'agrippa à sa robe et l'approcha un peu plus d'elle.
Comme la veille, il se mit à embrasser son visage avec passion en murmurant son nom – son vrai nom. Ses doigts se débattirent un moment avec la fermeture de sa robe jusqu'à ce que, perdant patience, il tirât brutalement sur les deux pans, faisant voler plusieurs boutons dans la pièce.
Jamais Augusta n'avait été touchée avec une telle passion !
Elle se débarrassa de ce qui restait de sa robe tandis qu'il embrassait tout son corps. Il la souleva alors et la porta jusqu'à son bureau où il l'allongea. Il s'écarta d'elle seulement le temps de retirer ses sous-vêtements puis, soulevant sa propre robe, sans prendre le temps de plus se déshabiller, il entra en elle sans plus attendre.
Augusta ne demandait que cela. Elle se redressa pour s'agripper à son cou et resserra ses jambes autour de lui, l'attirant plus profond.
Il ne fallut pas longtemps à Augusta pour atteindre ce qu'elle cherchait. Elle enfonça son visage dans le cou de Remus pour retenir le cri de jouissance qui sortait de sa gorge.
Elle sentit, comme très loin, que ses mouvements se faisaient plus anarchiques avant qu'il ne se figeât, épuisé.
Il la regarda alors et elle fut surprise de lire de la tristesse dans son regard.
-- Morgwen… murmura-t-il.
Et il se retira.

Comment Remus avait-il su ce qui s'était réellement passé entre elle et Charlie ?
-- Aïe, faites attention !
-- Vous voulez que je vous soigne ? répondit Augusta en tentant de prendre un ton sévère. Alors restez tranquille Malfoy !
Pour la sévérité, c'était raté… Mais après le moment qu'elle avait passé à midi avec Remus, elle se sentait légèrement euphorique, ce qui sapait quelque peu sa faible autorité.
Le jeune garçon dont elle s'occupait avait été amené un peu plus tôt par un Hagrid aussi pâle que lui. Elle s'était d'abord alarmée en voyant la quantité de sang perdu mais avait vite réalisé que la blessure était peu profonde et guérirait immédiatement. À condition bien sûr que Malfoy arrêtât cinq minutes de grommeler des malédictions envers Hagrid.
-- Pourquoi est-ce que ce n'est pas Madame Pomfresh qui s'occupe de moi ? demanda le garçon avec son air supérieur insupportable. Je ne veux pas être touché par une sang-de-bourbe.
La bulle de bonheur dans laquelle flottait Augusta éclata soudain et elle retomba sur terre.
-- Madame Pomfresh a mieux à faire que de s'occuper d'un gamin gâté ! répondit-elle froidement. Alors soit vous me laissez vous soigner en vous taisant, soit je vous laisse perdre tout votre sang.
C'était évidemment une menace en l'air. Avec les soins qu'elle avait déjà commencé à apposer, il ne risquait plus grand chose. Et quand même il aurait couru un danger, elle n'aurait pas été capable de se retenir de s'occuper de lui, aussi désagréable fût-il.
Mais Malfoy devait réellement se croire à l'article de la mort car il ne dit plus un mot et la laissa faire.
Comment Remus savait-il ? Savait-il lire dans les pensées ? Non, c'était ridicule ! Severus lui avait expliqué que la télépathie n'était qu'un rêve moldu. Alors comment ? Elle voulait comprendre mais savait qu'elle n'oserait pas lui demander. Elle ne voulait pas relancer le sujet de Charlie… Elle ne voulait pas plus gâcher leurs retrouvailles…
-- Bien. Je vais vous garder en observation cette nuit, Malfoy ! Il arrive que les serres d'hippogriffe soient empoisonnées donc il faut surveiller cette plaie avant de la refermer complètement. Je crois que certains de vos amis attendent à la porte. Vous voulez que je les laisse entrer ?
Malfoy hocha la tête et elle céda sa place à plusieurs élèves de Serpentard qui se précipitèrent vers lui.
Passant dans le bureau de Madame Pomfresh, elle lui donna son diagnostic et, sur son approbation, laissa Malfoy entre ses mains pour rentrer à la Salle Peu Commune.

-- Mammig !
A peine avait-elle ouvert la porte que deux petites têtes rousses se précipitèrent sur elle.
-- Bonsoir mes trésors, leur dit-elle en les embrassant. Je suis désolée de n'être pas venue vous voir à midi. Corly s'est bien occupé de vous ?
-- Je crois que Corly s'est très bien occupé d'eux, fit la voix de Remus.
Elle leva les yeux. Elle n'avait pas remarqué sa présence. Sur son visage flottait un sourire tendre alors qu'il la regardait agenouillée devant ses fils serrés sur sa poitrine.
Elle lui sourit et reporta son attention sur Denez et Arthur. C'était la première fois qu'elle passait une journée entière sans les voir et ils méritaient bien qu'elle s'occupât d'eux.
-- Je fais dessin Mammig, dit fièrement Denez et il s'arracha de ses bras pour courir vers la petite table où traînaient encore des crayons de couleur.
Elle prit Arthur dans ses bras et suivit l'autre garçon. Ces crayons de couleur leur avaient été offerts par Tonks pour leur deuxième anniversaire – elle les avait achetés dans un magasin moldu, les sorciers n'utilisant pas ce type de matériel – mais Augusta n'avait pas pensé qu'ils s'en serviraient aussi jeunes.
Remus était toujours debout en retrait et elle lui fit signe de les rejoindre alors qu'elle s'asseyait sur un fauteuil, Arthur sur les genoux. Elle prit le parchemin que Denez lui tendait.
-- Qu'est-ce que c'est, Chaton ?
Ce fut Arthur qui répondit en lui montrant du doigt.
-- Ça, dit-il en désignant une tache bleue, c'est le lac. Ça…
Une forme jaune et rouge massive.
-- … le château. Ça…
Une grande figure longiligne avec quelque chose qui ressemblait à des ailes.
-- … c'est toi, Mammig.
Augusta sourit avec fierté, tant pour le dessin de Denez que pour le vocabulaire d'Arthur. Le garçon parlait rarement, mais chaque fois elle était impressionnée par ce qu'il disait. Quant au dessin… Elle ne savait pas que les enfants de cet âge étaient capables de faire autant. Elle n'aurait pas pu dire qu'elle reconnaissait ce qu'Arthur lui avait montré mais, au moins, ce n'était pas un simple gribouillis de couleurs.
-- Merci Chaton, dit-elle à Denez qui lui fit un large sourire et monta à son tour sur ses genoux.
-- C'est toi qui as sorti les crayons de couleur ? demanda-t-elle à Remus.
-- Non, c'est Corly. Je crois que c'est Arthur qui le lui a demandé mais je n'en jurerais pas. Je n'ai absolument rien compris à ce qu'il disait.
-- J'ai essayé de leur apprendre les différentes langues que je connaissais dès à présent, dit-elle en rougissant. Je crois que c'est beaucoup plus facile quand on est bébé. Ils mélangent encore un peu et même moi j'ai parfois du mal à comprendre ce qu'il disent mais Corly arrive généralement à démêler ce qu'ils racontent. Mais ils me parlent généralement français. Et anglais avec Severus ou Tonks.
-- De vrais petits génies, dit-il et elle se sentit rayonner de fierté à cet éloge de ses fils.

Bien qu'il eût un appartement à sa disposition, Remus s'installa dans la Salle Peu Commune. Denez et Arthur l'adoptèrent immédiatement et il sembla s'attacher très rapidement aux jumeaux.
Ses cours se passaient bien et la plupart des élèves semblaient l'apprécier. S'ils le comparaient aux deux précédents profs de Défense, ce n'était pas bien difficile !
-- J'ai eu mon premier cours avec Harry, lui murmura-t-il un soir.
Ils étaient assis dans les bras l'un de l'autre. Les jumeaux jouaient avec des petites représentations de monstres offertes par Hagrid et riaient ensembles.
-- Harry Potter ? demanda-t-elle, connaissant déjà la réponse.
-- Oui. C'est fou ce qu'il ressemble à James, répondit-il d'une voix triste.
Ressentait-il toujours la perte de ses amis ?
-- Mais ce n'est pas James, dit-elle doucement. Je ne le connais pas très bien et je n'ai pas connu son père mais ils m'ont l'air d'avoir des caractères très différents.
-- Peut-être…
Il se tut et, après un moment, elle réalisa qu'il s'était endormi. Rien d'étonnant ! Il travaillait dur pour donner les meilleures leçons possibles aux élèves. Elle savait qu'il tenait à ce que Dumbledore ne regrettât pas de lui avoir fait confiance. De plus, elle avait remarqué qu'il restait éveillé de longues heures pendant qu'elle dormait dans ses bras. Elle aurait aimé savoir ce qui provoquait ses insomnies mais n'osait pas lui demander. Peut-être plus tard, quand ils se seraient réhabitués l'un à l'autre.
Elle se leva doucement sans le réveiller, déposa un léger baiser sur son front, puis s'approcha des enfants pour les mettre au lit.
Chapitre vingt-quatre by Morgwen
Elle frappa doucement à la porte et entra, comme à son habitude.
-- Bonjour Severus.
Il lui offrit un très léger sourire avant que son expression ne se durcît à nouveau. Il était plus distant que jamais depuis la rentrée. Elle ne pouvait pas prétendre ne pas savoir pourquoi.
-- Je voulais vous emprunter une pierre-de-lune. Je peux ?
Elle prit son mouvement de tête pour un assentiment et s'avança vers l'étagère, à la recherche de l'ingrédient dont elle avait besoin.
-- Ça fait longtemps que vous n'êtes pas venu voir Denez et Arthur, Severus, dit-elle. Ils réclament leur tonton.
-- Ils ont Lupin pour s'occuper d'eux, maintenant, répondit-il sur la défensive.
-- C'est vous qui êtes leur parrain, pas Remus ! Ils l’on rencontré il y a seulement trois semaines alors qu'ils vous ont toujours connu. Je sais que vous avez envie de les voir aussi. Vous n'allez pas les priver de votre présence simplement parce que vous ne voulez pas vous trouver dans la même pièce que mon mari !
Elle s'interrompit pour ramasser la boîte de fer contenant les pierres-de-lune puis reprit.
-- De toute manière, je comptais demander à Dumbledore l'autorisation de les laisser sortir de la Salle Peu Commune. Ils sont grands maintenant. Ils ne peuvent plus rester enfermés toute la journée dans un appartement. Vous n'aurez donc pas à supporter la présence de Remus.
Severus resta silencieux un long moment. Prenant la boîte de ses mains, il l'ouvrit, sélectionna la meilleure pierre pour la lui donner puis replaça le tout à sa place.
-- Le professeur Dumbledore m'a demandé de préparer de la potion tue-loup, finit-il par dire. Mais je pensais que tu voudrais le faire toi-même.
-- Non, Severus. Si je veux que la potion soit parfaite, je préférerais que vous la prépariez. J'ai plus confiance en votre connaissance des potions qu'en la mienne.
Et elle avait confiance en lui et voulait le lui faire comprendre. Elle savait que, qu'il détestât Remus ou non, il préparerait la meilleure potion tue-loup qu'il pourrait.
-- Bien. Dis-lui que je passerai le voir dans son bureau quand la potion sera prête.

Ce soir, Remus allait se transformer.
Il avait prévu de s'enfermer dans son bureau à double-tour et lui avait formellement interdit de s'approcher tout le temps que la lune serait levée. Il n'avait pas autant confiance qu'elle en Severus. Pourtant, elle savait bien qu'elle ne risquait rien ; elle pouvait se transformer en hirondelle à volonté. Et Remus lui avait dit lui-même qu'il ne s'attaquait qu'aux êtres humains. Elle avait donc décidé de venir le trouver dans son bureau entre deux cours pour tenter une dernière fois de le convaincre de la laisser rester près de lui.
Elle allait frapper quand elle entendit de l'autre côté de la porte le son de deux voix qu'elle connaissait bien.
-- Je sais bien pourquoi tu me hais tant.
-- Épargne-moi ta pitié !
-- Ce n'est pas de la pitié, Severus.
-- Je la connais mieux que tu ne la connaîtras jamais, Lupin ! Je l'ai vue heureuse comme je l'ai vue désespérée. Elle s'est tournée vers moi chaque fois qu'elle allait mal. Je l'ai vu évoluer et devenir une femme bien différente de celle que tu as épousée !
-- Tu crois que je ne le sais pas ? répondit Remus, du ressentiment dans la voix. Tu souffres de la savoir dans mes bras. Imagine comme j'ai souffert de l'imaginer accourir vers toi et s'éloigner tous les jours un peu plus de moi ! Chaque minute de ma vie, j'ai pensé à elle et elle était près de toi. J'ai eu six mois, tu as eu dix ans. Estime-toi heureux !
-- Heureux ?
Le rire de Severus était glacial.
-- Heureux de l'avoir vue dépérir ou se réjouir en fonction de ton caprice à lui donner des nouvelles ? Heureux de la voir se jeter dans les bras d'un adolescent ? Heureux de t'imaginer chaque nuit dans son lit ? Heureux… Je voudrais te savoir six pieds sous terre et, pour elle, je te prépare cette satanée potion !
-- Parce que tu penses que je ne sais pas ce que tu vas faire ? Tu vas te précipiter chez elle pour la réconforter dès que la lune sera levée.
La voix de Remus restait calme et posée tandis que celle de Severus frôlait l'hystérie.
-- Si tu n'es pas capable de t'assurer de la fidélité de ta femme, pourquoi n'essaierais-je pas, moi aussi, d'en profiter ? Qu'est-ce que ça peut te faire, je me demande, de la voir avec les enfants de Charlie Weasley…
-- Ne parle pas de Weasley ! ordonna Remus.
Et, pour la première fois, Augusta entendait sa voix vibrer de menace.
Elle en avait assez entendu ! S'ils continuaient, ils allaient finir par se sauter à la gorge.
Elle ouvrit la porte et les trouva debout l'un en face de l'autre, le bureau entre eux. Ils la regardèrent et leur visage à tous deux devinrent immédiatement des masques de calme et de sérénité. Elle aurait presque pu croire avoir rêvé cette conversation.
-- Tu devrais boire ta potion, dit Severus en désignant le gobelet posé sur le bureau.
Et il quitta rapidement la pièce sans jeter un second regard vers Augusta.
Elle le regarda sortir puis reporta son attention sur Remus. Son visage était calme alors qu'il prenait la potion entre ses mains. Mais elle croisa un instant son regard et celui-ci brillait d'un éclat qu'elle n'y avait jamais vu. Était-ce de la colère ?
-- La lune se lève dans une demi-heure Augusta, lui dit-il d'un ton tranquille. Tu devrais rentrer chez toi.
Comme elle ne bougeait pas, il avala sa potion d'un trait, retenant à peine une grimace de dégoût, et la poussa gentiment vers la porte. Il l'embrassa alors tendrement avant de refermer sur elle.
C'était la première fois qu'il l'avait appelée Augusta dans l'intimité.

Les trois matins suivant, Remus avait réussi à dormir une heure ou deux et à assurer ses cours normalement. Augusta ne lui avoua pas, non plus qu'à Severus, qu'elle avait surpris leur conversation. À quoi bon ? Elle ne voulait que leur bonheur et tous deux étaient malheureux à cause d'elle.
Dumbledore l'avait autorisée à laisser sortir ses fils mais ceux-ci n'avaient accès qu'à une partie du château où ne se trouvaient aucune salle de classe. Ainsi il avaient peu de chances de croiser des élèves. Arthur et Denez étaient enchantés. Ils jouaient pendant des heures avec Corly dans les couloirs déserts.
Une fois que Remus se fut remis de la fatigue de la pleine lune – il lui fallut presque une semaine pour retrouver ses forces – Augusta se réjouit pour la première fois de l'absence des jumeaux. Elle pouvait se donner entièrement à son mari. Si elle ne pouvait pas l'empêcher de ressentir de la jalousie – elle prenait garde à ne jamais lui parler de Charlie et rarement de Severus – elle pouvait au moins faire en sorte qu'il ne regrettât pas sa décision de revenir à Poudlard.

-- Eh, Gus ! Tu viens à Pré-au-Lard avec nous ?
Fred, George et Lee Jordan l'avaient interpellée dans le hall d'entrée.
-- Non merci, répondit-elle en riant. Je ne vais pas y aller le seul jour où les boutiques seront remplies à craquer d'élèves.
-- Allez, on te paie une bièraubeurre.
Elle refusa une nouvelle fois et les jumeaux abandonnèrent. Si seulement… Si seulement elle pouvait aller avec eux, traîner dans le pub, faire les boutiques, prendre la route et partir loin d'ici…
Elle secoua la tête. Elle était toujours un peu déprimée à l'époque de la pleine lune et celle-ci avait eut lieu deux nuits plus tôt. La veille, samedi, Remus avait dormi toute la journée. Ainsi, même s'il était encore fatigué, il serait capable de participer à la fête d'Halloween de ce soir.
Il faisait un temps magnifique et elle décida de profiter du peu d'élèves sur les terres de l'école pour faire prendre un peu l'air à Arthur et Denez.
-- On va voir les chevaux ? demanda Arthur quand Augusta leur fit enfiler cape et chaussures.
-- Si tu veux Maen.
-- On pourra monter sur leur dos ? dit Denez plein d'espoir.
-- Seulement si Hagrid est là, Chaton.
Hagrid n'était pas là – probablement parti au village. Ils se contentèrent donc de faire une promenade autour du lac. Au début, les garçons couraient en avant et revenaient vers elle, faisant trois fois plus de trajet. Mais après un moment, ils se fatiguèrent et réclamèrent de se faire porter.
-- Je ne peux pas vous porter tous les deux en même temps mes bébés.
Elle choisit donc de les laisser se reposer un moment avant de rentrer au château.
-- Mammig, murmura Arthur en lui tirant la manche après dix minutes de pause.
Elle baissa le regard vers lui puis le reporta dans la direction qu'il lui désignait. Ils étaient tout près de la Forêt Interdite et Arthur lui montrait du doigt un point au milieu des arbres qui ne lui paraissait pas différent des autres.
-- Qu'est-ce qu'il y a Maen ? demanda-t-elle.
-- Un monstre, Mammig.
Elle allait protester, lui dire qu'il n'y avait pas de monstre mais elle réalisa qu'Arthur avait peut-être raison. C'était la Forêt Interdite après tout. Elle regarda à nouveau mais ne vit que des arbres serrés les uns contre les autres.
-- Qu'est-ce que c'est exactement, Arthur ?
-- Des yeux jaunes et des dents blanches. Et il est tout noir.
Description qui pouvait s'appliquer à bien des choses vivant dans cette forêt.
-- Tu es sûr que c'est ce que tu as vu ?
-- J'ai pas vu, répondit le petit garçon. Mais il est là.
Elle soupira de soulagement. Juste l'imagination d'un enfant…
-- Il faut rentrer maintenant, dit-elle avec douceur. Allez, debout !
Et tous trois reprirent le chemin du château.

Le festin avait été une fois de plus bien copieux. Augusta et Remus s'étaient assis l'un à côté de l'autre et elle avait tenté de ne pas donner d'importance aux regards noirs que leur lançait Severus.
Elle avait également remarqué plusieurs autres regards et sourires entendus de certains professeurs. Vu de l'extérieur, c'était vrai qu'il y avait de quoi jaser. Ils pensaient tous qu’elle avait vingt-et-un ans. Et Remus donnait l’impression d’en avoir quarante. Et ils ne cachaient pas avoir une relation deux mois seulement après s'être apparemment rencontrés…
Mais Augusta n'en avait cure. Elle respectait la pudeur de Remus qui évitait toute familiarité devant les élèves mais, pour ce qui était des autres professeurs, elle se moquait bien de ce leur jugement.
Remus fatigué, ils étaient partis avant la fin de la soirée et s'apprêtaient à aller se coucher quand Gwalchmeï passa dans le tableau d'intérieur.
-- Miss Pye, Mr Lupin ! appela-t-il. J'ai un message de Dumbledore.
-- De Dumbledore ? répéta Remus étonné. Pourquoi Dumbledore vous donnerait-il un message sans entrer ici ?
-- C'est un message transmis par les tableaux à tous les habitants du château. Le bâtiment n'est pas sûr et il souhaite que tous, professeurs et élèves, se réunissent dans la Grande Salle.
-- Mais… et les jumeaux ? demanda Augusta.
-- S'il y a un danger dans Poudlard, dit Remus, je pense qu'il vaut mieux qu'ils viennent avec nous dans la Grande Salle. Ils ne risqueront rien au milieu de tous ces sorciers.
-- Qu'est-ce qui se passe ? demanda Augusta.
-- Je ne sais pas Miss Pye. Je répète le message tel que je l'ai entendu.
Remus se dirigea vers la chambre des enfants et en ressortit deux minutes plus tard, poussant devant lui les jumeaux à demi endormis.
-- Allons-y ! dit-il.
Il prit Denez dans ses bras et elle le suivit, portant Arthur.
-- Qu'est-ce c'est Mammig ? demanda Arthur.
-- Je ne sais pas Maen. Mais ne t'inquiète pas, Mammig est avec toi.
-- Denez ! appela-t-il.
-- Denez est là, le rassura-t-elle.
Ils étaient arrivés à la Grande Salle dans laquelle étaient à nouveau réunis tous les habitants du château. Mais les tables avaient disparu et de nombreux sacs de couchage jonchaient le sol.
-- C'est le grand chien noir, murmura soudain Arthur en français.
-- Quoi ? demanda Remus. Qu'est-ce qu'il a dit ?
-- Que c'est le grand chien noir, répéta Augusta, essayant de rassurer le garçon qui s'agrippait à sa robe. Il a peur, c'est tout.
Malgré le peu de lumière, elle vit le visage de Remus pâlir affreusement à ces mots.
-- Remus, Augusta !
Dumbledore les avait aperçus et s'avançait vers eux.
-- Professeur ! Qu'est-ce qui se passe ? demanda Augusta.
-- Est-ce que c'est… Sirius ? demanda Remus.
-- Oui. Il a attaqué le portrait qui gardait l'entrée de la Tour des Gryffondor. J'ignore comment il a pu entrer dans le château mais je ne compte pas le laisser sortir. J'ai besoin que tous les professeurs – et vous aussi Augusta – fassent une fouille complète du domaine.
-- Mais… et Arthur et Denez…
-- Confiez-les à Madame Pomfresh ! Remus, vous connaissez tous les passages secrets de cette école. Cherchez là ! Augusta, voyez le cinquième étage et la tour d'Astronomie. Soyez tous les deux très prudents. Ne vous laissez par surprendre ! Vous savez de quoi Black est capable.
Et Dumbledore s'éloigna pour parler à Percy Weasley qui se tenait un peu plus loin.
Ils laissèrent les garçons à la charge de l'infirmière et se séparèrent sur le seuil de la Grande Salle.
Tandis qu'elle parcourait les corridors éclairés par la lune, Augusta se demandait comment Remus avait deviné que la menace était Sirius Black.

Augusta s'éveilla avec l'impression que quelque chose ne tournait pas rond.
Remus dormait profondément entre ses bras. La pluie battait aux fenêtres de l'air le plus naturel du monde. La chambre était la même que la veille au soir.
Pourtant il lui semblait que quelque chose était différent. Pas plus mauvais, ni meilleur.
Différent.
Elle se leva en prenant soin de ne pas réveiller Remus, enfila sa robe de chambre et passa dans la chambre des jumeaux. Ils dormaient paisiblement et tout semblait en ordre.
Elle devait se faire des idées.
Elle commença à préparer un petit-déjeuner et bientôt l'odeur du café attira les deux petits rouquins. Ils n'aimaient pas ça mais pour eux le café signifiait : petit-déjeuner avec Mammig. Cela la prenait de temps à autres. Au lieu de manger dans la Grande Salle, elle déjeunait ici, un repas à la française – pas d'oeufs, de saucisses ou de jus de citrouille – et c'était la fête pour ses fils.
Elle les embrassa tendrement avant de les aider à s’asseoir chacun sur une chaise rehaussée d’un coussin.
-- Vous avez de la chance, Corly nous a apporté des croissants ce matin, leur dit-elle, aussi ravie qu'eux d'en manger.
Les deux garçons se précipitèrent sur leur petit-déjeuner et mangèrent avec appétit sous son regard attendri.
-- Votre papa serait fier de vous, leur dit-elle doucement.
-- C'est quoi un papa ? demanda Denez.
Elle réfléchit un moment avant de répondre.
-- Un papa, c'est comme une maman. Mais le papa est un homme et la maman est une femme.
-- Notre papa c'est Tonton Severus ?
-- Non Chaton.
-- C'est Remus ? insista Denez.
-- Non plus. Tu ne connais pas votre papa.
-- Alors un papa c'est pas comme toi, Mammig ! conclut le garçon.
Vu la définition qu'elle leur avait donnée, il n'avait pas tort. Mais comment expliquer à des enfants de cet âge comment on faisait les bébés ?
Elle fut sauvée de trouver une meilleure explication par l'entrée de Remus. Il n'avait pas l'air très réveillé mais lui sourit en la prenant dans ses bras.
-- Bonjour, dit-il succinctement avant de l'embrasser.
-- Bonjour, répondit-elle une fois qu'elle fut à nouveau capable de parler.
-- Notre papa pleure, Mammig, dit alors Arthur sans prévenir et elle sentit Remus se raidir contre elle.
-- Je ne sais pas Maen, répondit-elle.
Elle se dégagea de l'étreinte de Remus et se rapprocha de son fils.
-- Bois ton chocolat maintenant ! lui dit-elle en l'embrassant sur le front.
Arthur prit son biberon dans les mains et se mit à téter sans plus parler de ce père qu'il ne connaissait pas. Remus ne fit aucun commentaire. Il s'assit à table, attrapa un croissant et commença à manger.
Elle finit par l'imiter et se servit un large bol de café au lait. Elle porta le breuvage à ses lèvres mais une seule gorgée provoqua une violente nausée. Elle se leva brusquement et tenta de rejoindre les toilettes. Avant qu'elle ait fait trois pas, toutefois, son estomac se vida sur le sol.

Elle avait presque deux mois de retard.
Une fois Remus parti pour sa salle de classe, elle avait recherché le calendrier sur lequel elle notait chaque mois quelques jours d'une croix rouge. Et les dernières croix remontaient à la mi-août.
Bien sûr, elle ne pouvait rien conclure ainsi. Elle avait donc fouillé le contenu de sa malle et, tout au fond, avait retrouvé le livre qui était pour elle plus sûr que n'importe quel test. La dernière fois qu'elle l'avait regardé, le nom de Charlie y était apparu, suivi par une ligne extrêmement fine. A présent, deux nouvelles feuilles étaient présentes : celles de Denez et d'Arthur. Elle releva les yeux pour regarder les jumeaux qui s'habillaient avec l'aide de l'elfe.
Mais ce n'était pas ce qu'elle était venu chercher.
Elle porta son attention à l'espace sous le nom de Remus où une fine ligne existait déjà.
Oui, cette ligne s'était séparée en deux brins bien distincts.
Elle était enceinte.

Quand elle apprit la nouvelle à Remus, il resta silencieux une pleine minute à la regarder fixement.
-- C'est merveilleux ! finit-il par balbutier en se fendant d'un large sourire. C'est… Tu ne te rends pas compte de ce que ça représente pour moi !
Il fit le tour de son bureau auquel il était assis et vint la prendre délicatement dans ses bras. Il n'osait plus la presser contre lui.
-- Je ne suis pas en sucre, Remus, lui dit-elle en riant.
Il était déjà délicat avec elle au naturel mais là ça risquait de faire trop !
-- Quand est-ce que… Tu sais…
Elle avait réfléchi, compté les jours et avait conclu.
-- Dès ton retour, répondit-elle. Probablement sur ce bureau, finit-elle avec un sourire moqueur.
Il rougit légèrement à ce souvenir et elle rit à nouveau.
Elle était si heureuse. Elle portait à nouveau l'enfant de Remus. Et Remus trouvait ça merveilleux.

Alors que depuis Halloween le principal sujet de conversation des habitants du château avait été l'intrusion de Sirius Black – avec les plus folles hypothèses sur la manière dont il était entré – les bavardages passaient maintenant au premier match de Quidditch de la saison : Gryffondor contre Serpentard, match toujours plein de tension.
Comme chaque année, Augusta et Madame Pomfresh virent débarquer à l'infirmerie nombre de supporters victimes de maléfices mineurs de l'équipe adverse. De plus, le temps n'allait pas en s'améliorant et les rhumes étaient si fréquents que Severus se plaignait de passer tout son temps libre à préparer de la potion péperine.
Malgré la foule qui se pressait sur l'infirmière, Augusta réussit à trouver le temps de lui annoncer sa grande nouvelle et de recevoir à nouveau les conseils qu'elle lui avait prodigués lors de précédente grossesse.
Augusta et Remus s'étaient mis d'accord pour attendre un peu avant d'annoncer la nouvelle à que que ce fût d’autre – exception faite de Tonks qui annonça sa venue pour fêter l'évènement avant la fin du mois.
Novembre passa donc pour Augusta avec une vitesse folle, seulement terni par le mauvais temps se transformant petit à petit en ouragan.

Le dernier jeudi de novembre, une sorcière aux cheveux rouge sang mêlés de mèches noires et arborant un poster des Bizarr'Sisters sur sa poitrine fit irruption dans la Salle Peu Commune à l'heure du petit-déjeuner.
-- Bonjour tout le monde ! s'écria-t-elle de sa voix si reconnaissable.
-- Tonks ! s'écrièrent les jumeaux en se jetant sur elle.
Augusta attendit que son amie ait embrassé les garçons tout à son aise avant de la serrer contre elle à son tour. Elle l’attira ensuite dans la cuisine et leur servit un thé bien chaud tandis que les garçons reprenaient leur déjeuner là où ils l'avaient interrompu.
-- Alors tu nous prépares un nouveau bonhomme ? J'espère qu'il sera aussi beau que ces deux là !
-- Ça va être dur, alors, répondit Augusta en souriant tendrement à ses fils.
-- Et il est où, l'heureux père ? demanda Tonks avec curiosité. Je savais même pas que tu voyais quelqu'un et, boum ! t'es enceinte ! On peut dire que tu vas vite !
Augusta rougit légèrement. Si elle avait bien calculé, elle avait effectivement été très vite pour faire ce nouvel enfant.
-- Il est dans son bureau. Il voulait finir de corriger des copies avant le début des cours.
Tonks fronça légèrement les sourcils et fit une petite moue de dégoût.
-- C'est un prof ? Me dis pas que c'est Rogue, quand même !
-- Severus ? Non, bien sûr que non !
-- Je sais pas… C'est le prof le plus jeune qu'on avait. Et tu t'es toujours bien entendue avec lui.
-- Non non… C'est le nouveau prof de Défense Contre les Forces du Mal.
Les sourcils de Tonks grimpèrent encore plus haut sur son front mais elle ne fit pas d'autre commentaire.
-- Je te le présenterai à la pause du matin, reprit Augusta. Il te plaira, tu verras.

Deux heures plus tard, comme promis, les deux sorcières vinrent frapper au bureau de Défense. Arthur et Denez avaient tenu à rester avec Tonks et celle-ci ne demandait pas mieux que de passer la journée avec eux. Ils s'engouffrèrent donc dans le bureau à peine la voix de Remus leur eût-elle prié d'entrer.
Remus parut surpris de voir les garçons mais leur sourit tendrement. Il leva les yeux et aperçut Augusta et Tonks.
-- Je me disais bien qu'ils n'auraient pas réussi à venir jusqu'ici tous seuls, dit-il.
-- Remus, je te présente Nymphadora Tonks.
Il se leva pour venir serrer chaleureusement la main de la jeune fille.
-- Tonks, voici Remus Lupin, professeur de Défense Contre les Forces du Mal et père de mon futur bébé.
Tonks était beaucoup moins enthousiaste dans sa poignée de main. Elle regardait Remus avec suspicion, comme si elle réservait son jugement pour plus tard. Augusta se mettait à sa place. Elle voyait un homme qui connaissait sa meilleure amie depuis moins de trois mois et qui l'avait mise enceinte moins d’une semaine après l'avoir rencontrée. Effectivement, ça n'aidait pas à le faire passer pour un homme bien.
Mais, songea Augusta brusquement, ils n'avaient pas attendu beaucoup plus longtemps pour se sauter dessus quand ils s'étaient rencontrés onze ans plus tôt.
Elle revint à la conversation que Remus avait aimablement entamée avec Tonks. Ils parlaient des études d'Auror de la jeune fille et la méfiance de celle-ci semblait fondre petit à petit. Elle ne tiquait que lorsque le sorcier l'appelait délibérément par son prénom. Augusta devina que Tonks n'osait pas le reprendre alors qu'elle le connaissait à peine.
La cloche sonna à nouveau et elles durent quitter Remus qui avait un cours à donner.
-- Gus, demanda Tonks, songeuse, alors qu'elles rentraient chez Augusta, ce Remus… Ce ne serait pas celui des vieilles photos de chez toi ?
-- Tu l'as reconnu ? s'étonna Augusta.
Elle savait qu'il avait considérablement changé – et pas spécialement en mieux.
-- Il a l'air de tout savoir sur moi, comme si tu lui avais déjà raconté toute ma vie. Et t'es pas du genre à faire ça avec le premier venu… Donc, c'est que tu devais le connaître depuis longtemps.
Augusta soupira puis se décida brusquement.
-- Les photos que tu as vues sont nos photos de mariage. Elles datent d'il y a dix ans. J'avais vingt-quatre ans quand on s'est rencontrées, toutes les deux.
-- Je me disais que c'était quelque chose comme ça, répondit Tonks à la grande surprise de son amie. J'aurais préféré que tu finisses avec Charlie mais tu as l'air heureuse avec ce Remus.
-- Oui, murmura Augusta avec un grand sourire. Je suis heureuse.
Chapitre vingt-cinq by Morgwen
Ce soir là était la veille de la pleine lune. Tonks était repartie en fin d'après-midi. Remus était enfermé à double-tour dans son bureau. Les jumeaux dormaient, fatigués par leur journée avec leur marraine. Après les avoir bordés, Augusta partit donc se balader dans les couloirs du château, peu pressée d'aller dormir. Elle aurait volontiers fait un tour dehors mais la tempête l'aurait trempée en moins de trois pas.
Quand elle pensait que le surlendemain aurait lieu un match de Quidditch ! Elle savait que la partie ne serait pas reportée simplement à cause du mauvais temps et elle sentait que plus d'un joueur se retrouverait encore à l'infirmerie.
Et elle avait fait l'erreur de promettre aux jumeaux de les emmener voir le match !
C'était la faute de Fred et George ! A force de lui dire et lui répéter que des enfants Weasley devaient être nourris au Quidditch dès le biberon, elle avait presque fini par y croire. Si le temps se maintenait ainsi, il lui faudrait envelopper Arthur et Denez dans tellement de vêtements imperméables qu'ils ressembleraient à des bonhommes Michelin !
Elle réalisa soudain que ses pas l'avaient portée dans les sous-sols du château et qu'elle se tenait devant la salle de potions. Elle avait une grande nouvelle à annoncer à Severus, après tout, bien qu'elle doutât qu'il la prenne bien. Elle vint donc frapper à la porte de son bureau et ne fut pas surprise de voir que le Maître de Potions était encore occupé à travailler.
-- Bonsoir Augusta, dit-il. Je peux faire quelque chose pour toi ?
-- Non, pas spécialement.
Elle tomba sur une chaise près de lui, se demandant comment diable elle allait bien pouvoir amener le sujet. Elle ne pouvait pas lui annoncer sa grossesse comme ça de but en blanc !
-- Comment vont les garçons ? demanda Severus.
-- Bien. Ils sont tout excités à l'idée d'aller voir le match de samedi.
-- Tu comptes donc vraiment les y emmener ? Par ce temps ?
-- Je pense que oui. Dans la tribune des professeurs, ils seront bien à l'abri.
Le silence se fit un moment.
-- Quel temps… reprit-elle, se sentant stupide de parler de la météo. Je n'ai jamais vu ça.
Severus se contenta de hausser les épaules.
-- Au moins, continua-t-elle dans une tentative désespérée de maintenir la conversation, avec un temps pareil, la menace de Sirius Black n'existe plus.
-- Que veux-tu dire ? demanda vivement Severus.
-- S'il était toujours sur les terres de Poudlard, il serait maintenant malade à tel point qu'il serait incapable de tenir une baguette ! Vous vous rendez compte que cette tempête dure depuis près d'un mois ?
-- À moins qu'il ne se cache quelque part à l'intérieur même du château, remarqua Severus.
-- Dans le château ? demanda-t-elle. Mais nous l'avons entièrement fouillé le soir d'Halloween. Et les sécurités anti-intrusion ont été encore augmentées.
-- Imaginons qu'un membre de l'école soit son allié… ajouta le sorcier, d'une voix pleine de sous-entendus.
-- Eh bien… oui… je suppose que… oui, il aurait pu passer à travers les mailles… Mais, voyons, Severus ! C'est un serviteur de Voldemort !
Severus grimaça en entendant le nom mais elle l’ignora et continua.
-- Aucun prof ne l'aiderait !
-- Vraiment ? demanda le sorcier ironiquement. Parce que Quirrel ne l'aurait pas aidé peut-être ?
-- Dumbledore avait fait confiance à Quirrel mais aurait fini par le démasquer. Il était là depuis moins d'un an quand Potter l'a tué. Mais tous les autres profs sont ici depuis des années !
-- Tous ?
-- Oui, sauf…
Elle s'interrompit, comprenant soudain ce que Severus insinuait.
-- Non !
-- Augusta… Qui sait ce qui peut se passer en dix ans…
-- Non, Severus !
-- Il peut s'être forgé de nouvelles amitiés…
-- Non ! Remus ne suivrait pas Voldemort !
-- Admettons… Mais Black était l'un de ses meilleurs amis… Où va sa loyauté, à votre avis ? A Dumbledore ou à Black ?
-- Non ! répéta-t-elle fermement.
Mais elle ne pouvait pas s'empêcher de se souvenir du nombre de fois où Remus avait répété qu'il n'arrivait pas à croire à la trahison de Black. Et il savait qui avait créé la panique le soir d'Halloween… Pourrait-il vraiment…
Non.
Le léger sourire qui se dessinait sur les lèvres de Severus lui apprit que le Maître de Potions avait deviné ses doutes et elle le quitta brusquement, oubliant l'annonce qu'elle était venue lui faire.

Le lendemain matin, pour la première fois, Remus se sentit trop fatigué pour assurer ses cours. En se couchant, il confia à Augusta la très facile tâche de convaincre Severus Rogue de donner le cours à sa place.
Celui-ci accepta avec un peu trop d'enthousiasme au goût de la sorcière mais elle ne s'y arrêta pas. Elle n'avait pas le temps. Puisque Severus assurait les cours de Défense Contre les Forces du Mal, quelqu'un devait s'occuper des cours de Potions. Et qui d'autre qu'elle-même ?
Au terme de cette journée, elle avait reçu la confirmation que jamais, au grand jamais, elle n'occuperait un poste d'enseignante et elle maudissait avec volubilité la lycanthropie de Remus. Ses amis et elle avaient-ils été si infects avec les professeurs quand ils étaient élèves ?
Quand elle rentra absolument épuisée à la Salle Peu Commune, ce fut pour réaliser que Remus était déjà reparti s'enfermer dans son bureau. Elle aurait tellement aimé qu'il la prît dans ses bras, qu'il la réconfortât après une telle journée qu'elle faillit éclater en sanglots. Mais l'accueil chaleureux des jumeaux la consola rapidement et elle passa finalement une soirée agréable, leur racontant des contes de fée au coin du feu jusqu'à ce qu'ils ne fussent plus capables de garder leurs yeux ouverts.

En se levant le samedi matin, Augusta se contempla un moment dans le miroir de sa chambre à coucher. A trois mois de grossesse, son ventre commençait à s'arrondir discrètement. Il faudrait encore un bon mois, voire deux, pour que quiconque le remarquât quand elle était habillée toutefois. Ses seins et son visage avaient également un peu grossi quoi qu’il eût fallu la connaître parfaitement pour le réaliser.
Elle se retourna pour regarder l'homme qui dormait encore dans son lit. Remus était rentré quelques heures plus tôt et s'était couché aussitôt sans mot dire et sans la toucher. Elle savait qu'il se sentait sale, impur pendant cette période.
-- Morgwen… murmura-t-il dans son sommeil.
Elle sourit en posant les mains sur son ventre. Elle avait presque l'impression de pouvoir sentir le bébé à l'intérieur. Jusqu'ici, la grossesse se passait bien. Remus était aux petits soins pour elle.
Si seulement ce pouvait être un garçon !
Elle était tellement heureuse à l'idée de donner un enfant à Remus ; elle ne voulait pas voir ce bonheur teinté par l'arrivée d'une fille. Mais elle ne saurait pas avant la naissance. Inutile de s'en inquiéter maintenant.
Elle s'habilla rapidement et vint réveiller Arthur et Denez. Le soleil était levé ; pourtant il faisait aussi noir qu'en pleine nuit. Le vent soufflait si fort qu'il semblait vouloir déraciner le château ; la pluie battait furieusement contre la vitre et la température avait tellement chuté qu'elle frissonnait dans sa robe trop légère.
-- Allez mes chéris ! murmura-t-elle aux jumeaux une fois qu'ils eurent mangé leur petit-déjeuner. C'est l'heure d'y aller.
Elle se demandait vraiment si c'était une bonne idée de laisser sortir les garçons dans un tel orage. Après tout, argumenta-t-elle avec elle-même, ils ne feraient que traverser l'espace du château au terrain. Une fois là, ils seraient tous les trois au sec sinon au chaud. Et ils seraient probablement rentrés avant midi.

Elle avait eu la chance de tomber sur Hagrid au moment où elle se préparait à passer la porte du hall d'entrée et le géant avait pris les deux garçons dans les bras – à leur grande joie – et les avait enveloppés de son large manteau pour ne les rendre à leur mère qu'une fois dans la tribune des professeurs. Il les quitta alors, rejoignant les supporters de Gryffondor pour encourager son équipe favorite.
Denez aperçut Severus déjà installé et grimpa vivement sur ses genoux ce qui eut l'air de grandement embarrasser le sévère professeur. Un peu plus loin se tenait le professeur McGonagall au premier rang, un drapeau rouge et or enroulé autour de ses épaules comme un châle. À son côté, comme sous sa surveillance, Lee Jordan, l'ami de Fred et George, plissait les yeux en regardant le rideau de pluie devant lui. Le pauvre garçon aurait probablement du mal à commenter le match…
Augusta s'assit à côté de Severus et Arthur se pelotonna contre sa poitrine.
Alors que le coup de sifflet annonçant le début de la partie retentissait, Dumbledore fit son entrée dans la loge, distrayant Augusta. Le directeur assistait encore moins souvent qu'elle aux matchs. Avait-il lui aussi reçu un sermon des frères Weasley ? Augusta sourit à l'idée incongrue de Fred et George réprimandant Dumbledore pour son manque d'esprit sportif.
Elle mit donc un certain temps avant de réaliser que l'équipe qui combattait les Gryffondor ne portaient pas des robes vertes comme elle s'y était attendu.
-- Poufsouffle ? s'étonna-t-elle auprès de Severus. Je croyais que c'était Serpentard qui jouait.
-- Mon équipe ne peut pas jouer car son attrapeur est blessé.
-- Blessé ?
Elle ne parvenait pas à se rappeler qui était l'attrapeur de Serpentard mais était certaine de ne pas avoir vu de joueur à l'infirmerie depuis au moins deux semaines – ce qui devait d'ailleurs être un record.
-- Oui. Draco a été agressé par un hippogriffe.
-- Malfoy ? Mais c'était il y a trois mois !
Elle ne risquait pas d'oublier la date. C'était ce jour là que Remus et elle avaient…
-- Il m'a assuré qu'il était toujours incapable de se servir correctement de son bras.
-- C'est ridicule ! trancha-t-elle.
Severus eut un petit sourire et reporta son attention sur le jeu qu'il ne voyait probablement pas beaucoup mieux qu'elle. Elle avait la définitive impression qu'il se moquait d'elle, ce qui lui faisait un drôle d'effet – c'était habituellement plutôt le contraire.
À l'autre bout de la tribune elle apercevait le professeur Chourave s'agiter plus qu'elle l'aurait jamais cru capable tandis que McGonagall écoutait à peine les commentaires toujours aussi partiaux de Jordan pour suivre le match avec la plus grande attention.
Incroyable comme le Quidditch pouvait transformer le caractère des gens !

Tout à coup, Augusta frissonna. Elle avait été trempée sur le chemin du terrain et elle sentait des vagues de froid l'envahir.
-- Mammig ! gémit Arthur sur ses genoux en fixant la pluie. Le grand chien noir.
Encore ce chien noir ! Elle avait deviné que c'était ainsi que le garçon exprimait sa peur. L'orage avait l'air de le terrifier. Denez, au contraire, était surexcité et ne cessait de se pencher en avant pour mieux voir.
À bien y penser, Augusta n'était pas tellement rassurée non plus. Elle ne savait pas pourquoi, elle se sentait tout à coup si misérable… Et elle avait si froid…
Un nouveau-né gît dans la neige, hurlant. Et j'ai mal… Je suis seule… Si seule au milieu de la neige…
-- Mammig !
Elle entendait la voix d'Arthur comme au travers d'un rêve. Un mauvais rêve…
Je ne peux pas bouger. Une lame m'entaille les poignets et mon sang coule… coule… coule…
Elle sentait les petites mains de son fils s'agripper à sa robe mais ce n’était pas important.
-- Augusta ?
Tant de bruit autour d'elle. Tant de mouvement. Des cris d'horreur.
Ma fille ! Rendez-moi ma fille ! Non, elle vit ! Elle ne peut pas être morte ! Rendez-moi ma fille !
Le calme.
Une immense douleur dans son ventre…
Le noir…

Une main reposant sur ses cheveux…
Une haleine dans son cou…
Une autre main sur son ventre… Une main qui lui tenait chaud…
Augusta revenait doucement à elle et reconnaissait l'homme assoupi contre elle avant d'être pleinement éveillée.
Remus…
Elle ouvrit les yeux. Ce plafond…
Elle était à l'infirmerie.
Des rideaux blancs tirés autour du lit dans lequel elle était allongée et, assis sur une dure chaise, profondément endormi, Remus. Il paraissait absolument épuisé.
Il faisait nuit noire et elle le distinguait à la pauvre lumière de la veilleuse qui traversait le rideau.
Nuit noire…
La lune était couchée… La pleine lune…
Elle jeta un oeil à la montre de Remus. Il était six heures du matin du 28 novembre. Le 28. Dimanche, donc.
Que faisait-elle ici ?
Elle jeta un coup d'oeil autour d'elle, cherchant un indice. Repérant une bouteille sur la table de nuit elle tendit le bras pour l'attraper. Remus remua un peu sans se réveiller.
L'étiquette indiquait « Philtre Hiniyulda ».
Elle connaissait ce remède. Elle savait que l'infirmière et elle en avaient discuté peu de temps auparavant… Mais du diable si elle arrivait à se souvenir de son utilité ! Elle rapprocha la bouteille de ses yeux mais la lumière était trop faible pour lui permettre de lire les petits caractères. Ce n'était pas ainsi qu'elle apprendrait comment elle avait fini à l'infirmerie.
Elle hésita un moment à réveiller Remus mais non ! Si la lune venait de se coucher, il devait se reposer !
Voyons… Elle était au match de Quidditch avec les jumeaux. Arthur était sur ses genoux et avait peur de l'orage. Et elle avait revécu dans sa tête ces horribles moments de sa vie : la naissance si douloureuse de ses fils, son sacrifice par des mangemorts, la naissance de sa fille morte-née…
Son regard tomba sur des copeaux bruns sur la table de nuit. Des restes de chocolat.
Des détraqueurs ! Voilà ce qui était arrivé.
Des détraqueurs dont la présence lui avaient fait perdre conscience.
Mais elle ne serait pas restée ici toute une journée et une nuit pour un simple évanouissement !
Hiniyulda…
Elle avait eu mal… Si mal…
La main de Remus sur son ventre…
Hiniyulda… Elle se souvenait à présent… Une potion, appliquée en cataplasme, qui aidait la délivrance des bébés…
Son bébé…
Alors Augusta hurla…

Augusta avait quitté immédiatement l'infirmerie, Remus sur ses talons.
-- Gus, avait-il plaidé. Tu n'es pas bien. Tu devrais…
-- Je vais très bien !
Sans un mot de plus, il l'avait raccompagnée à la Salle Peu Commune.
Les jumeaux dormaient tous deux dans le lit de Denez. Ses pauvres chéris… Comme ils avaient du avoir peur ! Ils s'accrochaient l'un à l'autre dans leur sommeil, comme pour se rassurer mutuellement.
Ses bébés…
Ses seuls bébés…
Elle sentait de nouveaux sanglots monter à sa gorge mais déglutit pour les repousser. Écartant Remus elle passa dans la cuisine et fouilla un moment dans les placards.
Elle avait besoin d'un remontant !
Mettant la main sur une bouteille de whisky-pur-feu, elle se servit un verre et le porta à ses lèvres.
-- Non !
Remus avait posé sa main sur le verre et le repoussait doucement.
-- Va dormir Remus ! cracha-t-elle, amère. Et laisse-moi !
-- Je ne te laisserai pas noyer ça dans l'alcool.
Sa voix était décidée.
-- Je ferai ce que je veux ! Tu ne comprends pas ! Tu ne peux pas comprendre !
-- Tu crois que ça ne me fait rien ? Tu crois que je ne ressens rien ? J'ai déjà perdu deux filles avant leur naissance, je ne te laisserais pas te détruire en plus.
Augusta lâcha son verre qui explosa au contact du sol. Mais ni l'un ni l'autre n'y fit attention.
-- C'était une fille ?
Il hocha la tête.
Les pleurs qu'elle retenait la submergèrent tout à coup et elle vint se réfugier en pleurant dans les bras de Remus.

Une fille. Ça avait été une fille.
Augusta réalisait seulement maintenant qu'elle aurait pu donner le jour à un enfant à qui elle aurait transmis sa malédiction. Oui, bien sûr, elle l'avait su. Aujourd'hui comme trois ans plus tôt. Mais c'est seulement face au sexe indéniable de l'enfant qu'elle prenait la mesure du risque. Arthur et Denez avaient eu de la chance. Elle aussi.
Elle ne pouvait pas laisser cela arriver à nouveau. Quelle que fût l'envie de Remus d'avoir un autre enfant, elle ne pouvait pas prendre ce risque.

-- Des méthodes de contraception ? Nous en avons déjà discuté Augusta, il me semble.
Dès le lendemain, Augusta s'était rendu à l'infirmerie pour demander ses conseils à Madame Pomfresh.
-- Nous avons listé les méthodes, oui. Mais qu'est-ce que vous prendriez à ma place ?
-- Quand on est dans votre situation, dans une relation stable avec un partenaire unique, le plus simple est le talisman.
-- Un objet à garder sur soi pendant…
-- C'est cela. Vous savez qu'un talisman est assez complexe à réaliser et son enchantement doit être renouvelé régulièrement. Qui plus est, c'est la personne qui l'utilise qui doit le fabriquer. C'est pour cela que la plupart des sorciers et sorcières préfèrent utiliser des sorts ponctuels ou des potions d'abortion.
-- L'enchantement est le même pour un homme ou une femme, c'est cela ?
-- Tout à fait. Si les deux portent un talisman, la sécurité est double. Même si un des objets a besoin d'être réenchanté ou si un des partenaires perd le sien…
-- … ou décide de l'ôter sans l'accord de l'autre.
-- Tout à fait. La plupart des couples mariés choisissent d'enchanter leur alliance. Un bijou est tout à fait un objet qu'on conserve pendant la conception et l'alliance est un symbole de l'union.
-- L'enchantement ne risque pas d'abîmer le talisman ?
-- Absolument pas.
-- Et combien de temps dure-t-il ?
-- Cela dépend de la qualité de l'enchantement, donc du sorcier ou de la sorcière qui le lancera. Les moins appliqués créeront des objets qui dureront un mois ou deux. Des grands sorciers comme le professeur Dumbledore pourraient enchanter un objet de cette manière pour le temps d'une vie. Le professeur McGonagall m'a dit qu'elle devait renouveler le sien tous les six ans environ.
Augusta repoussa l'idée de McGonagall ayant besoin d'une contraception.
-- En moyenne, continuait l'infirmière, il faut refaire votre talisman tous les ans. Un simple sort à lancer régulièrement vous permettra de contrôler son efficacité.
-- De quoi ai-je besoin pour réaliser l'enchantement ?
-- Juste de votre bijou et votre baguette. Vous trouverez la description dans le livre que je vous ai prêté lors de la naissance de vos fils. Prenez bien garde à prévoir une petite heure de travail pendant laquelle vous ne devez pas être dérangée. Si vous le souhaitez, je peux vous prêter mon bureau à ce moment-là.
Augusta remercia l'infirmière. Elle songeait qu'elle devait réaliser ce talisman le plus tôt possible et se demandait si elle devait en parler à Remus.

Le plus grand soulagement d'Augusta, dans les semaines qui suivirent, fut que la rumeur avait été retenue à un point exceptionnel. Nul ne semblait savoir qu'elle venait de faire une fausse-couche. Pas même Potter qui était à l'infirmerie en même temps qu'elle. Mais c'était vrai que Madame Pomfresh l'avait mis sous sédatif et il l'avait à peine vue.
Deux sorciers étaient toutefois venus lui présenter leurs condoléances : Albus Dumbledore et Severus Rogue.
Dumbledore, en tant que directeur, avait été mis au courant par l'infirmière. Mais, avec sa manie de savoir tout ce qui se passait dans l'école, avait-il vraiment appris quoi que ce fût ?
Severus était près d'elle lors de ce match fatal. C'était lui qui, alors que tous se précipitaient vers Potter qui venait de chuter de son balai, avait entendu les cris désespérés d'Arthur et l'avait vue tourner de l'oeil. Il lui confessa avoir eu la peur de sa vie quand, bousculée, elle était tombée à terre et avait hurlé de douleur avant que ses jambes ne se couvrissent de sang. Sur le moment, il n'avait pas compris ce qui se passait et s'était dépêché de la transporter à l'infirmerie. Mais comme il avait tenu à rester présent alors que Madame Pomfresh la soignait, il l'avait vue appliquer le philtre.
-- Je suis vraiment désolé pour ton enfant, avait-il dit à Augusta.
Et il avait paru sincère.

Rapidement, ce furent les vacances de Noël et le château se vida de presque tous ses habitants. Ne restaient plus à Poudlard que les directeurs de maison, Dumbledore, Argus Rusard, une poignée d'élèves – dont Potter et ses deux acolytes – Remus et Augusta. Celle-ci s'était laissé dire que le professeur de Divination était également présente mais elle ne l'avait encore jamais croisée où que ce fût donc il lui fallait croire Remus sur parole. En tout, si on comptait les jumeaux et la mystérieuse Sybille Trelawney, dix-sept personnes sur tout le domaine.

Augusta s'étonnait chaque jour de si bien supporter la perte d'un nouvel enfant. Le premier choc passé, elle avait à peu près retrouvé sa vie de tous les jours, surtout, elle supposait, grâce à Arthur et Denez dont il fallait continuer de s'occuper. Remus, lui, était plus difficile à consoler. Il dissimulait ses sentiments mais elle n'avait aucun mal à les deviner, quoi qu'elle n'abordât pas le sujet. Il n'avait pas d'enfant à lui pour combler la disparition de ses filles. Et la manière dont il regardait Arthur et Denez, parfois… Ils étaient ce qui la liait à Charlie et Remus et elle n'avaient pas un tel lien. Cette pensée s'inscrivait sur son visage aussi claire que s'il l'avait prononcée à voix haute.
Mais il nourrissait l'espoir qu'elle tombât à nouveau enceinte et ne tarissait pas d'efforts pour le concrétiser. Augusta ne lui avait pas parlé du talisman qu'elle avait créé. Il le lui faudrait un jour mais elle ne savait pas s'il accepterait facilement une décision qu'elle avait prise sans lui demander son avis.
Chapitre vingt-six by Morgwen
-- Mammig ? Pourquoi Myrddin est pas là ?
-- On dit « n'est pas là », corrigea Augusta sans répondre à la question.
Elle ne savait pas comment expliquer à Denez que le cheval était mort de vieillesse. Comme elle regardait Artus, elle se disait avec tristesse que l'animal rejoindrait probablement bientôt son compagnon.
-- Quand ils sont vieux, expliqua patiemment Remus au petit garçon, les chevaux, comme les gens, finissent leur vie.
-- Remus, ils sont trop jeunes pour…
-- On n'est jamais trop jeune pour comprendre ces choses, coupa Remus de sa voix douce mais décidée.
-- Mais où on va quand on finit sa vie ? insista Denez.
Arthur se tenait à son côté, ayant interrompu la délicate tâche de faire tenir une carotte dans une large boule de neige, et écoutait de toutes ses oreilles.
-- Une partie de toi reste ici et se mélange avec la terre, répondit Augusta, déterminée à ne pas expliquer trop clairement. Une autre partie va au ciel et se mélange avec ceux qui y sont déjà.
Arthur leva les yeux, comme s'il cherchait à voir les âmes qui se mélangeaient mais Denez, convaincu, revint au bonhomme de neige qu'ils construisaient avec l'aide de leur beau-père.
Une fois la statue de neige érigée, Augusta dit aux garçons qu'il était temps de rentrer au château.
-- Non Mammig ! plaida Denez. Encore un peu…
-- Reste encore un peu avec eux, dit Remus. Qui sait quand nous aurons à nouveau une belle journée comme celle-là ?
-- Tu t'en vas ? demanda-t-elle car il se relevait.
-- Il faut que j'aille prendre ma potion.
Il l'embrassa et s'éloigna rapidement en direction du château. On était la veille de Noël et le lendemain serait également la pleine lune. Elle soupira. Elle aurait aimé passer un réveillon en famille mais Remus allait devoir s'enfermer dans son bureau et se transformer.
-- Mammig ?
-- Oui Chaton ?
-- Le chien noir !
Elle leva les yeux. C'était bien Denez qui avait parlé et non Arthur. Elle regarda autour d'elle et vit, un peu plus loin, un immense chien maigre et noir à l'apparence hirsute, occupé à les regarder. Elle se leva brusquement et se rapprocha des jumeaux en sortant sa baguette. Visiblement, le chien avait déjà fréquenté des sorciers car il recula précipitamment mais sans trop s'éloigner.
Elle avait été tellement sûre que le chien noir tenait de l'imagination d'Arthur ! Était-ce lui qu'il avait vu tout ce temps ?
Denez fit un pas en avant vers ce qui devait être pour lui une large peluche mais Augusta le retint.
-- Non Denez !
-- Il est gentil, murmura Arthur en s'avançant lui aussi.
-- Tu n’en sais rien.
Mais c'était vrai que le chien n'avait pas l'air menaçant. Et il paraissait affamé. Peut-être avaient-ils des restes aux cuisines à lui donner. Elle enverrait Corly tout à l'heure, si le chien était toujours là. Mais pour le moment, il fallait éloigner les jumeaux.

-- Joyeux Noël Augusta !
Severus venait d'entrer dans la Salle Peu Commune, les bras chargés de présents, tel un sombre, maigre, glabre et austère Père Noël.
-- Joyeux Noël à vous aussi ! répondit-elle avec un sourire alors que les jumeaux se précipitaient sur lui. Je peux vous offrir du thé ?
Severus acquiesça et déposa les paquets qu'il portait au pied du petit sapin installé dans un coin du salon avant de s'asseoir dans un fauteuil. Arthur et Denez le suivirent, les yeux rivés sur les cadeaux tandis qu'Augusta passait dans la cuisine.
-- Viens-tu au repas de Noël ? entendit-elle Severus lui demander depuis le salon.
-- Non, je reste ici avec Remus. Il a besoin de se reposer.
Elle pouvait sans peine imaginer le visage de son ami tandis qu'elle disait ces mots : la mâchoire qui se crispait, les yeux qui lançaient des étincelles… Elle n'avait que trop vu cette expression depuis presque quatre mois que Remus était professeur.
-- Et où est-il ?
-- Il dort, pour le moment. Je le réveillerai pour le déjeuner.
Elle revint au salon, une théière et deux tasses flottant devant elle, accompagnées de deux grands bols remplis de chocolat chaud. Les garçons, habitués à cet exercice, attrapèrent leurs bols respectifs au vol et elle déposa délicatement la théière sur la table.
-- Tonton, demanda Denez, son bol posé rapidement sur la table et les mains se promenant sur un gros paquet. C'est quoi ?
Severus sourit, de ce sourire attendri qu'il ne réservait qu'aux jumeaux.
-- Ce cadeau n'est pas pour toi mais pour ta mère, Denez, répondit-il. Le tien est le jaune.
-- Et moi ? intervint Arthur.
-- Tu as un cadeau aussi. Le vert, à côté de celui de Denez.
Les jumeaux se rapprochèrent des paquets. Arthur posa également son chocolat pour mieux tenter de les ouvrir, sans succès.
-- Mammig ? finit-il par plaider, lassé de ce jeu.
Augusta qui riait depuis un bon moment à les voir se débattre avec les emballages vint les aider à cet appel désespéré.
Denez avait reçu une fausse baguette magique. Elle émettait des étincelles quand on la secouait et les couleurs changeaient suivant l'humeur. Le petit garçon était absolument ravi de son cadeau et commença aussitôt à le tester en direction de tout ce qui l'entourait.
Arthur, lui, avait eu un livre d'images qui parlait et racontait l'histoire qui y était écrite. Un dessin animé dans un livre, en quelque sorte, se dit Augusta en l'ouvrant. L'enfant s'assit immédiatement – sans oublier de récupérer son chocolat auparavant – attira son frère à son côté et tous deux se perdirent dans la contemplation du livre, Denez envoyant des étincelles à chaque passage palpitant.
Augusta, quant à elle, se vit offrir une superbe robe d'hiver bleu sombre, aux broderies de couleur bronze, ainsi qu'une cape fourrée assortie. Elle accueillit le cadeau avec mille remerciements et protestations mais fut forcée de l'accepter. Elle n'avait pas tant de vêtements, de toute manière.
Alors qu'elle tenait la robe devant elle, pour en voir l'effet, Remus sortit de la chambre, apparemment tout juste éveillé. Il prit un air perplexe puis ennuyé en voyant Augusta rire en présence de Severus mais se reprit rapidement et sourit au maître de potions qui ne lui rendit pas son sourire, au contraire. En moins de deux minutes, Severus était parti, au grand ennui d'Augusta.
Ces deux-là ne pouvaient-ils pas même rester dans la même pièce ?

Le chien noir était revenu.
Augusta et les jumeaux avaient profité du temps magnifique des vacances de Noël pour sortit tous les jours et jouer dans la neige. Remus était parfois présent mais il restait plus généralement dans son bureau pour préparer ses cours et corriger des copies. Une fois, Severus les accompagna mais lancer des boules de neige n'était visiblement pas son occupation favorite.
Le terrain de jeu qu'ils avaient adopté se situait entre le Saule Cogneur et la Forêt Interdite, à courte distance de la cabane de Hagrid. C'était là qu'Arthur avait pour la première fois mentionné le chien noir. C'était là que Denez et Augusta l'avaient vu à leur tour. Et c'était là que tous trois le voyaient à présent chaque fois qu'ils venaient.
L'animal, toutefois, ne se montra en présence ni de Remus ni de Severus. Ceux-ci devaient probablement l'effrayer.
Quand ils sortaient, Augusta emportait à présent quelques restes de viande, de gâteau ou de pain et les offrait au chien. Après un temps de méfiance, elle finit par autoriser Denez et Arthur à l'approcher et à le caresser, ce qu'il paraissait grandement apprécier. Elle aurait bien sûr préféré qu'il soit un peu moins sale mais ne se voyait pas lancer le pauvre animal dans le lac en plein mois de janvier.
Une fois, elle tenta de l'attirer vers le château mais il refusait clairement de s'approcher d'un autre être humain. Il déguerpissait à toute vitesse chaque fois qu'un professeur ou un des rares élèves faisait son apparition. Et s'il se laissait toucher par ses fils, il semblait accueillir ses caresses à elle à contrecoeur, pour autant qu'on pût analyser ainsi les sentiments d'un chien.
Étrange bête…

La rentrée scolaire mit un terme à leurs visites au chien noir car Augusta était à nouveau surchargée de travail. Elle avait son examen de SORT six mois plus tard et n'avait pas vraiment été studieuse pendant son premier trimestre.
Elle avait donc l'impression de ne plus avoir le temps de voir Remus, d'autant plus que celui-ci avait promis à Potter de lui apprendre à faire apparaître un patronus. Elle ne comprenait pas bien pourquoi Remus perdait son temps à donner ces leçons particulières, sachant bien combien les patroni étaient une magie avancée. Elle finit par déduire que c'était pour le plaisir de passer du temps avec ce garçon qu'il appréciait tant.
Le soir de sa troisième leçon, Augusta rejoignit Remus dans la salle d'Histoire de la Magie avant l'arrivée de Potter. Il s'était transformé les trois nuits précédentes et elle le savait épuisé. Elle voulait donc le convaincre de renoncer à voir Potter ce soir là et de venir se coucher.
En vain…
-- Il fait des progrès, Gus, argumentait Remus. Encore une ou deux séances et il sera capable de repousser un détraqueur en pleine attaque.
-- Ce n'est pas une raison pour faire ça ce soir !
-- Que veux-tu que je lui dise ? « Je suis désolé, Harry, mais la pleine lune m'a fatigué, reviens la semaine prochaine ! »
-- Non, mais tu peux trouver une excuse, répondit-elle. Pourquoi est-ce que ça te tient tellement à coeur ? Tu sais que ce n'est pas James.
-- Bien sûr que ce n'est pas James, dit-il avec un sourire doux. Il a beau lui ressembler comme deux gouttes d'eau, il est bien différent, je le vois à présent. Il a tous les bons côtés de Lily.
Augusta leva les yeux au ciel. Entre Severus qui le considérait plus bas que terre et Remus qui le portait au nues… Potter n'était-il pas simplement un garçon comme les autres ?
-- Mais il est vraiment doué, crois-moi ! continuait Remus, sans s'apercevoir de son scepticisme. Il a vraiment réussi à résister au pouvoir du détraqueur la dernière fois.
-- Parce que tu le mets vraiment face à face avec un détraqueur ? Alors que Dumbledore leur a interdit d'entrer sur les terres de Poudlard ? Après ce que j'ai vécu quand ils sont venus sur le terrain de Quidditch ?
Dans sa colère, elle frappa du poing la malle située à côté d'elle qui s'ouvrit brusquement sous l'impact.
Surprise, elle se leva précipitamment pour voir surgir un immense loup qui se plaça devant elle en grognant. Il avait une fourrure brun clair et des yeux bleu gris qu'elle connaissait bien. Il ressemblait trait pour trait au loup qu'elle n'avait fait qu'entrevoir par une fenêtre du château alors qu'elle volait sous sa forme d'hirondelle un soir de pleine lune.
Elle reporta son regard sur Remus, de l'autre côté du loup. Il était devenu livide. Et ses yeux étaient exactement ceux du loup.
Regardant à nouveau l'apparition, elle vit trois corps gisant aux pieds de la créature, leur sang s'échappant de profondes morsures.
Deux corps d'enfants et celui d'un homme…
Trois têtes rousses…
-- Riddikulus !
Remus avait brandi sa baguette sur le loup et les corps. Les apparitions se changèrent fugitivement en une sphère blanche et lumineuse avant de rentrer dans la malle qu'il referma à double tour.
-- Qu'est-ce que c'était que ça ? demanda-t-elle, la voix tremblante, le coeur serré et des larmes coulant sur ses joues.
-- Un épouvantard ! répondit Remus d'un ton sec et avec un regard vindicatif. Je l'utilise comme substitut de détraqueur avec Harry. Tu devrais rentrer, Augusta. Tu as eu un sacré choc.
-- Mais…
-- J'entends Harry arriver, coupa-t-il, un peu moins sèchement. Et nous avons beaucoup de travail tous les deux.
Effectivement, des bruits de pas se rapprochaient dans le couloir.
-- Mais…
Mais quoi ? Elle ne savait pas même ce qu'elle voulait dire. Tout s'était passé si vite.
Devant son égarement, Remus lui sourit, de ce sourire tendre qu'elle aimait tant.
-- Rentre chez toi… lui dit-il en lui déposant un baiser sur la tempe. Je te rejoins tout à l’heure.
Elle essuya rapidement ses larmes, ouvrit la porte et faillit heurter de front Potter qui s'apprêtait à frapper. Il la regarda avec curiosité mais elle s'éloigna avant qu'il eût pu seulement dire bonsoir.

Elle n'avait pas réalisé avoir cette peur.
Elle y songeait tout en serrant ce corps tiède et frémissant contre elle. La lune éclairait la chambre d'une lumière spectrale. Les battements du coeur de Remus contre le sien étaient irréguliers. Par moment, un gémissement ou un râle s'échappait de ses lèvres.
Il devait faire un cauchemar.
Elle lui murmura des paroles apaisantes qu'il ne comprenait pas dans son sommeil et sa respiration se fit plus calme.
Rêvait-il de ce qui la tenait éveillée ?
Revoyait-il la forme qu'avait prise l'épouvantard ?
Elle n'avait jamais réalisé jusque là qu'elle avait peur de lui. Elle avait une confiance aveugle en ce Remus qui dormait entre ses bras, en ce Remus qui lui souriait tendrement quand elle éclatait de rire, en ce Remus qui jouait avec ses enfants…
Mais elle avait peur du loup, c'était vrai.
Elle avait peur pour ses fils.
Et elle avait peur pour Charlie, pour cet homme que Remus ne pouvait s'empêcher de haïr sans le connaître…
Elle l'avait vu… Elle avait vu l'oeuvre du loup en lui, hors de la pleine lune…
C'était bien longtemps auparavant et elle l'avait presque oublié jusqu'à ce jour.
Presque…

Rien n'avait changé en apparence. Remus semblait avoir compris et accepté la peur enfouie d'Augusta et ne lui en voulait pas.
Mais ses insomnies avaient repris. Ses insomnies et ses cauchemars.
Aussi, ni Remus ni Augusta ne fut réveillé par les appels que Gwalchmeï leur lança au beau milieu de la nuit. En un instant, ils furent dans le salon face au tableau dans lequel le triton s'était glissé.
-- Que se passe-t-il ? demanda Augusta.
-- Une nouvelle alerte ! Vous devez vous rendre à la Grande Salle.
Encore Black ? Elle regarda Remus qui avait pâli.
Non, il ne pouvait pas être son allié. Il avait l'air si horrifié, si inquiet…
-- Je vais réveiller les enfants, dit-elle en lui posant gentiment la main sur l'épaule.
Il tremblait.

Une nouvelle fois, le château fut fouillé de fond en comble. Une nouvelle fois, Sirius Black passa entre les mailles du filet.
Cette fois, il avait réussi à pénétrer jusque dans la Salle Commune des Gryffondor et il s'en était fallu de peu qu'il ne poignardât Harry Potter et Ronald Weasley.
Sachant combien Remus était attaché à Potter, Augusta ne pouvait douter du fait que jamais il n'aiderait quiconque à l'assassiner, fusse son ancien meilleur ami. S'il avait semblé douter de la culpabilité de Black jusqu'ici, il en était aujourd'hui convaincu et le vouait à presque autant de malédictions que ne le faisait Severus.

-- NEVILLE LONGDUBAT !
Sursautant, Augusta tourna la tête en direction de la voix qui avait hurlé ces mots en plein petit-déjeuner. A la table des Gryffondor, un jeune garçon venait de lâcher une enveloppe qui brûlait maintenant au beau milieu de la table en beuglant combien son petit-fils était une disgrâce à la famille Longdubat, qu'il n'était rien comparé à ses parents, que c'était sa faute et sa faute à lui seul si Sirius Black avait failli tuer Potter, et autres reproches qui durèrent longtemps.
Essayant de toutes ses forces d'ignorer cette tempête, Augusta détourna le regard du pauvre Longdubat qui était devenu aussi rouge que la lettre qu'il avait reçue. L'humiliation mettrait du temps à s'effacer pour lui. D'autant que, même en prenant en compte l'exagération de Severus dès qu'il s'agissait d'un ami de Potter, ce n'était ni un élève brillant ni un exemple en quoi que ce fût pour ses camarades.
Les parents – ou grands-parents en l'occurrence – ne se rendaient pas compte comme ils pouvaient être cruels parfois, alors que l'embarras est la chose que l'on veut le plus éviter à l'adolescence.
Elle lança un regard réprobateur à Severus en voyant le petit sourire méprisant qu'il arborait devant ce spectacle et le visage du Maître de Potions perdit aussitôt toute expression. Elle détestait quand il se délectait ainsi de la misère de ceux qu'il n'aimait pas. C'était un sentiment des plus humains, soit, mais il n'avait pas besoin de l'afficher ainsi !

Augusta avait profité d’une sortie des élèves à Pré-au-Lard pour travailler en relative tranquillité dans la bibliothèque. Elle avait passé une bonne partie de l’après-midi dans la section interdite, assise en tailleur entre deux étagères de livres dont elle déposait une bonne partie à terre autour d'elle pour les consulter au fur et à mesure. Elle savait que si Madame Pince, la bibliothécaire, savait comme elle traitait ses précieux ouvrages, elle se ferait chasser de la bibliothèque à coup de dictionnaire mais il lui était plus simple travailler là plutôt que de faire des aller-retours à la Salle Peu Commune.
Lorsqu’elle émergea en fin de journée une pile de notes sous le bras, alors que la nuit était sur le point de tomber, elle se dirigea vers les sous-sols pour discuter avec Severus de certains points qu'elle désirait développer.
Lorsqu'elle atteignit le bas de l'escalier, ce fut pour voir s'éloigner trois silhouettes de l'autre côté du couloir.
Impossible de se tromper sur leur identité ! La première était Remus qu'elle aurait reconnu les yeux fermés. Les deux autres étaient identifiables à leurs cheveux, roux vifs pour l'un et noirs comme un corbeau dont le vent aurait retourné les plumes pour l'autre : Ronald Weasley et Harry Potter.
Que faisaient-ils là tous les trois ? Elle n'imaginait aucun d'eux flâner pour le plaisir du côté de la salle de potions un samedi après-midi.
Elle eut la confirmation de ce qu'elle soupçonnait – qu'ils sortaient du bureau de Severus – quand elle y entra à son tour. Le Maître de Potions était encore fumant de colère. Potter devait avoir à nouveau commis une insolence quelconque et être sauvé in extremis par Remus. Dans le doute, elle préféra ne pas demander, ne voulant pas plonger Severus plus profondément dans son ire. Elle se lança immédiatement dans le sujet de ses études, sans paraître remarquer son état.

-- Entre Gus !
Augusta ouvrit la porte à laquelle elle n'avait pas eu le temps de frapper pour trouver Remus assis à son bureau, apparemment plongé dans l'examen d'un parchemin de grande taille.
-- Comment savais-tu que c'était moi ? demanda-t-elle.
Il désigna le parchemin et lui fit signe de le rejoindre.
Elle obéit et regarda par-dessus son épaule avec curiosité. C'était une carte détaillée du château et des terres de Poudlard, montrant jusqu'aux passages les plus secrets et sur laquelle bougeaient des petites figurines accompagnées de minuscules étiquettes. Elle se rapprocha pour déchiffrer les deux noms lisibles dans le bureau où ils se trouvaient.
Remus Lupin.
Morgwen Lupin !
-- Qu'est-ce que c'est que ça ? demanda-t-elle, impressionnée.
Elle ne pouvait pas concevoir la difficulté de fabrication d'un tel objet.
-- Une carte, répondit Remus d'une voix égale.
Son regard était porté sur les terres extérieures. Il parcourait la Forêt Interdite, le tour du lac, et examinait chacune des étiquettes qui s'y promenaient et qui étaient nombreuses.
-- Merci, ça je le vois bien, dit-elle d'une voix douce.
Il paraissait si concentré qu'elle ne pouvait pas lui en vouloir de répondre à côté.
-- Mais d'où est-ce qu'elle sort ?
-- Je l'ai fabriquée.
-- Quoi ? Quand ?
Il sembla revenir au présent et la regarda avec son petit sourire.
-- Pardon, dit-il. J'étais ailleurs. Quand je disais que je l'avais fabriquée, je voulais dire que James, Sirius, Peter et moi l'avions fabriquée quand nous étions élèves à Poudlard. Pour être plus précis, c’était surtout James et Sirius, beaucoup plus doués que moi. Comme tu le vois, elle montre chaque recoin de Poudlard. Le moyen d'emprunter les passages secrets est également indiqué. Et, surtout, chaque être humain pensant vivant ou mort est localisé. Et il y a aussi quelques précautions… pas toujours du meilleur goût, je l'admets. Mais nous n'étions que des adolescents quand nous les avons créées.
Son expression était perdue dans ses souvenirs de cette époque heureuse mais Augusta ne lui permit pas d'y errer bien longtemps.
-- Pourquoi tu n'as pas utilisé cette carte avant ? interrogea-t-elle, éberluée. Quand Black s'est introduit dans le château ! Tu aurais eu le temps de voir par où il s'enfuyait avant qu'il ne disparaisse ? Pourquoi tu…
-- Je ne l'avais pas, interrompit-il. Je viens seulement de la récupérer. Rusard l'avait confisquée à James pendant notre dernière année. Je pensais qu'il l'avait détruite. Mais je viens de passer au crible tout le domaine et, tu peux me croire, Sirius n'est pas ici.
-- Comment peux-tu en être sûr ?
-- La carte ne ment pas. Et on ne peut pas mentir à la carte. Regarde donc !
Et il désignait du doigt le nom de Morgwen Lupin.
-- Ne t'inquiète pas ! reprit-il d'un ton rassurant. Je vais veiller. Si Sirius essaie encore de s'introduire dans le château, il n'en sortira pas, crois-moi !
Augusta hésita. Ne devait-elle pas parler de cette carte à Dumbledore ? La confier à quelqu'un d'un peu plus impartial que Remus au sujet de Black ?
Non, elle avait confiance en lui. Il ne laisserait pas faire Black.
Du moins, elle l'espérait vraiment.
Chapitre vingt-sept by Morgwen
Augusta regardait autour d'elle, la bouche légèrement entrouverte de stupeur, sous le regard amusé de Remus.
La Salle Peu Commune était transformée. Comment Remus avait-il réussi à créer cette ambiance feutrée et romantique en si peu de temps, alors qu'il avait travaillé toute la journée ? Elle se retourna vers lui et lui lança un sourire enchanté qui alluma une lueur argentée dans les yeux de son mari.
Puis, se remémorant la dernière fois qu'elle avait eu une telle surprise le jour de la Saint Valentin – quand Lockhart avait redécoré la Grande Salle en rose – elle éclata de rire.
-- Merci, finit-elle par murmurer.
Remus la prit dans ses bras et l'embrassa gentiment sur le front.
-- Ne me remercie pas ! répondit-il. Je n'ai fait que donner des ordres à Corly.
Elle se serra un peu plus contre lui.
-- Dommage, dit-elle d'une voix taquine. J'avais pensé à une manière de te récompenser de tes efforts. Mais si tu ne veux pas…
-- Je me trompais, reprit-il. J'ai travaillé comme un elfe et j'aurais bien besoin d'être réconforté.
-- Hmmm… On doit bien pouvoir trouver un petit quelque chose pour toi…
Et, l'embrassant, elle se laissa porter par Remus jusqu'à la chambre, oubliant provisoirement le dîner préparé avec tant de soin.

Le troisième anniversaire des jumeaux tombant un dimanche, Tonks avait pu se libérer de ses études pour faire la fête avec ses filleuls. Elle travaillait énormément pour obtenir son diplôme – bien plus qu'Augusta – et n'était pas venue à Poudlard depuis le jour où elle avait rencontré Remus.
A son arrivée, le samedi soir, la première chose que lui demanda Augusta fut si elle avait des nouvelles de Charlie.
-- Pas récemment, répondit Tonks. Pas de hibou depuis Noël. Je crois qu'il a pas mal de boulot en ce moment.
-- Je vois…
Augusta pensait plus souvent à Charlie qu'elle ne voulait le reconnaître. Chaque fois qu'elle voyait Remus jouer avec ses fils, elle ne pouvait s'empêcher de se souvenir qu'il n'était pas leur père. Bien sûr, elle n'en disait rien à Remus ni à Severus.
-- Mais Bill m'a écrit la semaine dernière. Il compte passer l'été chez ses parents. Il veut suivre la Coupe du Monde, tu sais.
-- La Coupe du Monde ? demanda Augusta, l'esprit ailleurs.
Tonks la fixa un moment, un air de choc sur le visage.
-- Gus, finit-elle par demander suspicieusement, tu le sais que la Coupe du Monde de Quidditch est en Angleterre cette année, n'est-ce pas ? Tu ignores pas le monde extérieur à ce point là ?
Augusta sourit. Même l'ermite le plus isolé du monde sorcier ne pouvait passer à côté d’un tel événement. A part les suppositions les plus fantaisistes sur la cachette de Black, c'était la seule chose que l'on pouvait trouver dans la Gazette du Sorcier.
-- Non non, je sais bien.
Tonks la regarda encore un peu en fronçant les sourcils puis reprit.
-- Bill m'a dit que Charlie comptait prendre un congé pour venir voir la Coupe du Monde lui aussi.
-- Charlie rentre en Angleterre !
-- Oui. Bill et moi on va essayer de le convaincre de venir te voir. Bill sait pas pour Arthur et Denez mais il se doute de quelque chose. Je vais aussi en causer un peu avec Fred et George. S'il le faut, je traînerai Charlie ici par la peau des fesses mais il viendra !
L'émotion tournait la tête d'Augusta et elle dut s'asseoir avant de se trouver mal. Depuis plus de trois ans, elle voulait revoir Charlie, elle voulait lui dire… Et maintenant, elle se demandait comment elle allait bien pouvoir lui expliquer pourquoi elle lui avait caché sa paternité.
-- Ça va ? T'es toute blanche.
-- Ça va aller. Juste un vertige…
-- Tu serais pas encore enceinte, des fois ?
-- Non, aucune chance, répondit Augusta en souriant.
-- Pas d'alcool pour toi demain ! décida Tonks avec autorité. On sait jamais ! Pas de risque !
Augusta, pourtant persuadée qu'elle ne portait pas d'enfant de Remus, finit par céder aux précautions de son amie.
Le lendemain, en plus de Tonks et Remus, étaient présents Fred, George et Ginny Weasley, Madame Pomfresh et Hagrid. Severus ne fit qu'un rapide passage pour déposer deux larges cadeaux mais n'importe qui aurait pu voir que pour rien au monde il ne serait resté au milieu d'une telle assemblée.
Mais comme l'année précédente, alors que tous s'amusaient et riaient, Augusta pensait avec nostalgie à son ancien meilleur ami qui n'avait pas le bonheur de connaître l'existence de ses fils magnifiques.

Le jeudi suivant, Augusta avait préparé un petit dîner en amoureux pour fêter le trente-quatrième anniversaire de Remus mais eut la déception de voir que celui-ci n'avait même pas envisagé d'annuler sa leçon à Potter pour l'occasion.
Elle renvoya donc le repas aux cuisines et mangea avec Arthur et Denez. Elle n'avait pas envie de voir du monde dans la Grande Salle.
-- Mammig ?
-- Oui, Maen ?
-- Je veux le chien noir !
-- Je ne peux pas le faire apparaître comme ça, Arthur, répondit-elle doucement.
Mais elle pensa soudain qu'elle n'avait pas vu l'animal depuis longtemps. Errait-il toujours sur les terres du château ? Elle avait oublié de demander à Corly de lui laisser de la nourriture depuis deux mois. Elle espérait qu'il avait toutefois trouvé à se nourrir dans la Forêt Interdite. Il lui avait paru si maigre la première fois qu'elle l'avait vu.
-- Tu sais quoi ? dit-elle à son fils qui arborait une mine déçue. On va aller voir après manger s'il est là, d'accord ?

Comme Augusta le soupçonnait, il n'y avait pas de chien noir à l'endroit où ils l'avaient vu si souvent. Mais maintenant qu'ils étaient dehors, elle décida d'en profiter pour se balader un peu. Elle déposa la nourriture qu'elle avait apportée et entraîna les jumeaux vers la cabane de Hagrid.
Le garde-chasse était absent. Un coup d'oeil à l'arrière de la maison lui apprit qu'il avait emmené son arbalète avec lui et elle supposa qu'il avait été rendre visite à une créature de la Forêt. Ne voyant pas Artus aux environs, elle le siffla et l'appela, aidé par ses fils. En vain.
-- Il est où Artus ? finit par demander Denez.
-- Je ne sais pas Chaton. Sûrement avec Hagrid, répondit Augusta en fronçant les sourcils et légèrement inquiète.
Hagrid n'avait pas pour habitude d'emmener le cheval dans la Forêt Interdite.
-- Je suis désolée mes trésors, finit-elle par dire aux garçons, mais vous n'allez pas pouvoir faire du dada ce soir. Rentrons !
Et, passant outre les protestations des enfants, elle les poussa vers le château. En passant par leur terrain de jeux, elle remarqua que la nourriture avait disparu.

Augusta eut la confirmation de ses craintes le lendemain matin quand Hagrid l'approcha doucement au petit-déjeuner. Artus s'était éteint la veille.
Elle allait s'emporter et lui demander pourquoi il n'était pas venu la trouver immédiatement quand elle se souvint que, pour lui, elle n'était pas la propriétaire du cheval. Remus lui avait dit que la Morgwen qu'il connaissait était morte et le géant s'était tant occupé d'Artus et Myrddin qu'il se considérait naturellement comme responsable.
-- Je sais que tu l'aimais beaucoup, Augusta. Je suis désolé.
Elle le remercia, les larmes lui montant aux yeux, mais lui sourit pour cacher sa peine.
Le dernier témoin de son ancienne vie était parti. Maintenant, comme Hagrid le pensait, Morgwen Lupin était bien morte…

Un mois et une pleine lune passèrent dans la routine.
Augusta révisait pour son examen, donnait des cours de soutien de potion, expérimentait ses propres mélanges sous la direction de Severus, aidait Madame Pomfresh à soigner les maux quotidiens des élèves, racontait des histoires à ses fils, faisait l'amour à son mari et pensait au retour de Charlie.

Le 13 avril, elle fêta ses trente-cinq ans en compagnie de Remus et des jumeaux. N'ayant toujours pas avoué à Remus qu'elle portait une contraception, elle suggéra que ses efforts répétés pour concevoir n'étaient pas couronnés de succès à cause de son âge. Mais celui-ci la rassura en lui expliquant que les sorciers vivaient bien plus longtemps que les moldus et qu'il n'était pas rare que les sorcières tombassent enceintes passé cinquante ans. Devant son regard inquisiteur, Augusta se demanda s'il ne soupçonnait pas la vérité et n'en tirait pas de mauvaises conclusions.

-- Mammig ?
-- Oui Chaton ?
-- Où il est Remus ?
Augusta hésita un instant avant de répondre à son fils. Devait-elle lui dire la vérité ? Remus soutenait qu'il fallait toujours être honnête avec les enfants mais elle pensait, elle, qu'il y avait des choses qu'il ne valait mieux pas leur dire.
-- Remus est dans son bureau. Tu sais qu'il est professeur et qu'il a beaucoup de travail.
Ce qu'elle disait était la stricte vérité. Denez – et Arthur qui écoutait toujours à son côté – n'avaient pas besoin de savoir que, ce soir là étant la pleine lune, Remus n'était pas enfermé dans son bureau pour travailler.
Elle avait profité de son absence pour sortir un album contenant des photos de sa scolarité à Poudlard.
Sur chaque page, Tonks, Charlie et elle paraissaient jeunes et heureux. Tsukasa ! Il y avait Tsukasa ! Elle avait presque oublié le garçon japonais. Qu'était-il donc devenu ? Cela faisait des années qu'elle n'avait eu aucune nouvelle de lui. Elle demanderait à Dumbledore. Lui qui savait tout saurait la renseigner.
-- Qui c'est Mammig ? demanda Denez en pointant un doigt plein de chocolat sur une photo.
Augusta lui essuya soigneusement les mains avant de lui répondre.
-- Ça, c'est moi.
Les deux garçons ouvrirent de grands yeux en voyant leur mère à peine reconnaissable.
-- J'étais une enfant. J'ai beaucoup changé…
Ils ne paraissaient pas vraiment convaincus par son explication.
-- A côté de moi, c'est Tonks.
Ils avaient tellement l'habitude de voir Tonks avec des apparences différentes que, pour elle, ils ne s'étonnèrent pas une seconde.
-- Et avec nous, c'est Charlie, votre Tadig.
Elle avait plusieurs fois essayé de leur expliquer ce qu'était un père, finissant par mentionner de manière très surfaite l'acte sexuel qui menait à la procréation. Ils n'avaient pas vraiment compris mais, au moins, le mot « papa » – ou « daddy », ou « tadig » – avait cessé d'être un concept pour devenir une personne.
Et pour la première fois, elle pensait à leur montrer qui était cette personne.
Elle tourna les pages pour arriver en fin de l'album où les photos montraient le jeune homme qui l'avait quittée et le leur montra.
Pendant qu'Arthur et Denez regardaient l'image de leur père qui les saluait de la main en tenant leur mère souriante par la taille, elle se prit à imaginer à quoi pouvait ressembler Charlie aujourd'hui.
Il allait avoir vingt-deux ans et avait passé presque quatre ans au milieu de dragons. Cela suffisait largement pour changer un adolescent en homme ! Le reconnaîtrait-elle ? Viendrait-il vraiment la voir cet été comme Tonks le lui avait assuré ? Comment allait-il réagir en voyant les jumeaux ?
Voyant les yeux d'Arthur se fermer à intervalles réguliers elle décida qu'il était grand temps pour tous les trois de se mettre au lit.
-- Bonne nuit mes trésors, leur murmura-t-elle en soufflant la bougie qu'elle tenait en main avant de refermer la porte de leur chambre.
Elle se coucha à son tour sans rallumer la lumière. La clarté froide de la pleine lune éclairait la pièce, révélant plus que jamais le vide de son lit.
Chapitre vingt-huit by Morgwen
Plus qu'un mois !
Mai était venu et reparti et, en ces premiers jours de juin, Augusta commençait à s'inquiéter pour l'examen de SORT qu'elle préparait. Severus avait beau lui répéter qu'elle était tout à fait prête à le passer, comme deux ans auparavant, cela ne l'empêchait pas de sentir un serrement de l'estomac chaque fois que quelqu'un mentionnait la fin d’année.
Remus était compatissant, comme à son habitude, mais il était bien trop pris par la préparation des examens des élèves pour être présent.
En réalité, ce qui angoissait réellement Augusta, c'était que la fin de ses études approchait. Quatre ans après ses ASPIC, elle ne pouvait plus beaucoup les prolonger. Elle pouvait certes enchaîner sur un Examen de Sorcellerie Professionnelle Réservée aux Initiés Tenaces qui durerait six mois. Mais ensuite ? Tant qu'elle avait une raison de rester à Poudlard, sa captivité dorée ne lui pesait pas trop, surtout depuis le retour de Remus, mais comment la vivrait-elle quand elle n'aurait plus rien à faire ?
La chaleur de l'été étant revenue, elle passait le plus clair de son temps à réviser dehors, parfois seule, parfois en compagnie des jumeaux. Ils restaient à l'écart des élèves et s'installaient dans leur « jardin secret », le territoire du chien noir.
L'animal était toujours à Poudlard et venait souvent s'asseoir à côté d'elle alors qu'elle étudiait. Il regardait parfois les livres et les parchemins avec curiosité mais, la plupart du temps, se contentait de dévorer ce qu'elle pouvait lui donner à manger et de se dorer au soleil. Il restait toutefois sur le qui-vive et s'enfuyait à toutes pattes dès que quiconque approchait.
Augusta s'était plusieurs fois demandé d'où venait ce chien et pourquoi il avait choisi Poudlard comme lieu de résidence. Il était si maigre qu'elle le soupçonnait de n’avoir que les restes qu’elle lui apportait comme source de nourriture.

-- C'est donc ici que tu te caches…
Augusta sursauta. Plongée dans un ouvrage que Madame Pomfresh lui avait conseillé, elle n'avait pas entendu Remus approcher. Jetant un coup d'oeil vers la Forêt Interdite, elle eut le temps de voir le chien noir disparaître en courant au milieu des arbres. Remus, lui, ne l'avait pas vu.
Il s'assit à côté d'elle, là où le chien s'était tenu deux minutes plus tôt.
-- Je ne te dérange pas, au moins ?
-- Non, au contraire, répondit-elle avec un large sourire. Je ne t'ai pas beaucoup vu ces jours-ci.
Il ne répondit pas.
On était le lendemain de la pleine lune et, ce soir, il se transformait pour la dernière fois de l'année scolaire. Il avait pourtant fait passer leurs examens à ses élèves sans tenir compte de la fatigue et, maintenant que cet effort était terminé, son expression était légèrement hagarde.
Elle s'assit derrière lui et commença à lui masser tendrement le dos et la nuque, lui arrachant des grognements de bien-être.
-- Severus t'a donné ta potion ? lui demanda-t-elle après un moment.
-- Je passerai la prendre tout à l'heure. J'ai encore le temps, la lune se lève tard en ce moment.
Elle continua de le masser quelques temps puis s'arrêta avant de déposer un baiser dans la nuque du sorcier qui frémit à ce contact.
-- Si tu n'étais pas si fatigué…
-- Je ne suis pas si fatigué ! répondit-il en se retournant et en l'allongeant sur le sol.
-- Menteur ! dit-elle en riant.
-- Laisse-moi donc te le prouver ! Si seulement j'avais un pot de miel sur moi, je te ferais revivre ton anniversaire.
-- C'est une promesse ? Je dois en avoir quelque part…
Elle éclata de rire et les fit rouler sur le sol sur quelques mètres. L'odeur de l'herbe qui les enrobait augmentait son désir et celui de Remus.
Ils étaient hors de vue du château et seul quelqu'un sortant de la Forêt Interdite aurait pu les voir étendus là. Elle avait l'impression qu'ils étaient seuls au monde, comme autrefois, comme quand elle l'avait connu.
Et Remus devait ressentir la même chose car, lui habituellement si distant hors de la Salle Peu Commune, il n'hésita pas une seconde à lui montrer que la pleine lune ne l'avait pas complètement épuisé.
Alors qu'elle ramassait ses livres éparpillés, Remus l'ayant devancé vers le château, elle vit le chien noir sortir de la Forêt Interdite. S'était-il tenu là tout le temps ? Elle l'appela et lui fit signe de s'approcher mais il se contenta de la regarder de loin avant de s'éloigner en courant vers le Saule Cogneur.
Haussant les épaules devant cet étrange comportement – après le moment qu'elle venait de passer avec Remus, elle était d'humeur à tout accepter – elle hissa son lourd sac sur son épaule et rentra vers le château.

En passant les grandes portes, elle heurta un sorcier qu'elle reconnut aussitôt : Cornelius Fudge, le Ministre de la Magie.
-- Oh, pardon ! balbutia-t-elle.
-- Ce n'est rien, lui assura Fudge. Ce n'est rien. Pas de mal.
Il la regarda avec curiosité – se demandant probablement où il l'avait déjà rencontrée – jusqu'à ce qu'une voix froide leur parvînt depuis l'intérieur du château.
-- Ministre, vous connaissez Augusta Pye, n'est-ce pas ?
Severus était apparemment en grande conversation avec un autre sorcier avant de s'interrompre, un sorcier portant… une large hache. Augusta écarquilla les yeux, se demandant ce qu'on pouvait faire d'un tel objet à Poudlard.
-- Oui, bien sûr, répondit Fudge sans paraître plus se souvenir d'elle.
Severus reprit sa conversation sans plus s'occuper d'elle et le ministre se tourna vers un quatrième sorcier, si vieux et recroquevillé sur lui-même qu'elle ne l'avait pas repéré auparavant.
Elle profita de cet instant d'inattention pour s'éclipser. Elle voulait rentrer chez elle, embrasser ses fils et rêver à Remus.

Elle passa une nuit délicieuse. Elle rêva que Remus et elle étaient nus au milieu d'une crique bretonne et que la seule chose qu'ils avaient emportée avec eux était un énorme pot de miel. Sa dégustation dura toute la nuit…
Elle s'éveilla à l'aube d'excellente humeur mais eut alors la désagréable surprise de ne trouver personne à son côté. La lune était pourtant couchée à cette heure. Pourquoi Remus n'était-il pas là ?
Elle s'habilla rapidement et courut vers le bureau de Défense Contre les Forces du Mal.
Personne !
Où était Remus ?
Elle regarda autour d'elle et aperçu un gobelet sur le bureau. Elle s'approcha et réalisa que le gobelet était encore plein d'un liquide qu’elle reconnut aussitôt : de la potion tue-loup !
Il n'avait pas bu sa potion !
Mais où était-il ?
Elle erra un moment dans les couloirs sans savoir où aller avant de se décider à descendre dans la Grande Salle. S'il s'était passé quelque chose cette nuit, les rumeurs courraient déjà !
En entrant, elle aperçut Severus debout à côté de la table des Serpentard. Cela n'avait rien d'exceptionnel en soi puisqu'il était le directeur de leur maison mais elle se dirigea vers lui d'un pas vif.
-- Pourquoi n'a-t-il pas bu sa potion ? lui demanda-t-elle avant toute chose, ignorant le jeune Malfoy avec qui Severus parlait un moment plus tôt.
Le Maître de Potions la prit par le bras et l'entraîna vers la table des professeurs avant de répondre.
-- Hier soir, ton époux était trop occupé à comploter avec Black pour penser à la sécurité des autres.
-- Quoi ? s'exclama-t-elle, faisant tourner plusieurs têtes d'élèves.
Non, ce n'était pas possible ! Remus et Black ? Black essayait d'assassiner le garçon que Remus aimait tant !
-- Je les ai vus moi-même, Augusta.
-- Non, ce n'est pas possible ! Vous devez vous tromper !
-- J'en doute… fut tout ce que Severus répondit, avant de s'attaquer à son petit-déjeuner avec appétit.
-- Mais… où est Remus à présent ?
-- Je ne sais pas. Probablement en train de se cacher dans la Forêt Interdite.
-- Quoi ? Attendez, Severus ! Dites-moi exactement ce qui s'est passé, parce que je ne comprends plus rien !
-- Soit. Hier soir, voyant que la lune était sur le point de se lever et que Lupin n'était toujours pas venu prendre sa potion, j'ai daigné monter jusqu'à son bureau pour la lui porter. Il n'était pas là mais j'ai trouvé sur la table une carte des plus intéressantes…
-- La carte des maraudeurs… murmura Augusta, la revoyant posée à côté du gobelet de potion.
Elle n'y avait pas fait attention sur le moment.
-- Tu connaissais son existence ? Je suis déçu que tu ne m'en aies jamais parlé. Passons ! Sur cette carte, comme tu le sais, on peut trouver toutes les personnes présentes sur les terres de Poudlard. Et qui ai-je vu, sinon Lupin empruntant un passage secret à l'autre bout duquel se trouve la cachette qu'il utilisait autrefois pendant ses crises.
-- Je ne vois pas ce qu'il y a de…
-- Attends la suite, Augusta ! interrompit-il. Je l'ai suivi. Et qui ai-je trouvé en arrivant à la Cabane ? Black et Lupin, amis comme les doigts de la main, en train de papoter avec Potter et ses deux acolytes.
-- Mais, non ! Ce n'est…
-- Potter avait l'air de croire que Black pouvait être innocent. Ridicule ! Je connais Black ! Je sais parfaitement qu'il est capable de meurtre, ce que Dumbledore n'a jamais voulu croire. Mais à l'extérieur du souterrain, Lupin s'est transformé et s'est enfui dans la Forêt Interdite. Quant à Black, je l'ai arrêté au bord du lac alors qu'il venait de mettre en fuite une troupe de détraqueurs.
-- Black a été arrêté ? s'exclama Augusta. Mettez le sous veritaserum, alors ! Je suis sûre qu'il vous dira que Remus est innocent !
-- Trop tard ! Il s'est enfui de la tour dans laquelle il avait été enfermé. Je suis certain que c'est…
-- Potter qui a fait le coup, finit-elle pour lui.
C'était toujours Potter…
Severus lui lança un regard mauvais une demi-seconde mais un sourire victorieux se dessina sur ses lèvres alors que son attention se détournait vers les élèves.
Augusta les regarda à son tour et les vit murmurer entre eux avec excitation. Tendant l'oreille, elle parvint à distinguer les mots « loup-garou » et « Lupin ».
Comme prévu, la rumeur commençait à courir…
-- Mais où est Remus, maintenant ?
-- Je te l'ai déjà dit, je ne sais pas. Il a disparu dans la Forêt Interdite et je suppose qu'il s'y trouve encore…

Augusta avait persuadé Hagrid de l'aider et tous deux marchaient à présent sous les arbres. Elle aurait voulu appeler le nom de Remus à pleine voix mais Hagrid le lui avait fortement déconseillé.
-- Il y a bien des créatures qu'il vaut mieux ne pas réveiller Augusta.
C'est donc en silence qu'ils avaient parcouru les abords de la forêt, n'osant pas s'aventurer plus loin. Au bout d'une demi-heure de recherche, alors que Hagrid commençait à suggérer de rebrousser chemin, elle aperçut une forme blanche à quelque distance.
-- Remus !
Et elle courut vers le corps nu, ensanglanté et inconscient qui gisait au sol.
Il respirait toujours !
Elle examina rapidement ses blessures. Rien de bien grave. Il avait du se les infliger lui-même et non se faire attaquer par une autre créature.
-- Transportons-le chez moi ! dit Hagrid en enveloppant Remus dans son manteau et en le soulevant comme une feuille.

Remus fut remis sur pied en un rien de temps. La fatigue et la perte de sang avaient provoqué son évanouissement mais Augusta avait tout ce qu'il fallait pour soigner tout cela.
En plus des potions nécessaires, elle avait apporté de quoi le vêtir et il put rentrer au château sans honte.
Ils croisèrent plusieurs élèves sur le chemin et Augusta remarqua qu'ils s'éloignaient de leur professeur en l'apercevant. Pas de doute, chacun savait à présent qu'il était un loup-garou…
Alors qu'elle le pressait pour rentrer se reposer à la Salle Peu Commune, Remus insista pour aller voir Dumbledore.
-- Il s'est passé tant de choses la nuit dernière… Je dois lui dire.
-- Black ? Severus m'a raconté. Mais il s'est évadé à nouveau.
Remus poussa un soupir de soulagement qui l'étonna. Mais elle n'insista pas. Elle ne voulait pas lui demander s'il avait vraiment été l'allié de Black.
Elle le laissa donc devant la gargouille qui gardait l'entrée du bureau du directeur et rentra dans son appartement pour trouver ses fils encore endormis, ignorant de tout ce qui s'était passé.

Une heure et demi plus tard, Remus n'était toujours pas revenu.
Elle était montée au bureau de Dumbledore pour le trouver vide et avançait maintenant vers le bureau de Défense. Alors qu'elle allait entrer, elle vit justement le directeur en sortir.
-- Augusta ? dit-il d'un air étonné. Je pensais que vous lui faisiez vos adieux.
-- À qui ? demanda-t-elle vivement, une boule se formant au creux de sa gorge.
-- Eh bien, à Remus, bien entendu.
Il n'eut pas le temps de finir sa phrase qu'elle était repartie en courant en direction du hall d'entrée.
Personne !
Elle sortit du château et aperçut Remus, une large malle derrière lui, qui s'apprêtait à passer les hautes grilles délimitant le domaine.
-- Remus ! hurla-t-elle.
Il l'entendit et se tourna vers elle un instant.
Elle reprit sa course.
Il sembla hésiter puis ouvrit la grille et s'avança vers la route du village.
-- Remus, non !
Il continuait d'avancer sans se retourner.
Elle atteignit la grille qu'elle savait ne pas pouvoir passer et cria son nom encore et encore.
Mais, malgré tous ses appels, il finit par disparaître de sa vue sans s'être retourné.

Les trois anneaux gisaient sur le sol là où elle les avait lancés dans sa colère. Ni Dumbledore ni son oiseau n'avait fait le moindre geste pour ramasser l'alliance.
-- Je ne comprends pas… Je ne comprends pas… répétait Augusta, effondrée dans le fauteuil que le directeur avait fait apparaître en face de son bureau.
Dumbledore ne parlait pas et elle pleurait en cherchant dans sa mémoire la raison pour laquelle Remus l'avait à nouveau abandonnée.
Elle finit par relever les yeux vers le vieil homme en face d'elle qui la regardait avec une expression de sympathie insupportable.
-- J'ai une explication, Augusta, mais je ne suis pas certain qu'elle vous convienne.
Elle ne répondit pas.
-- Malgré toutes ses qualités, reprit Dumbledore. Remus est fier. Pour être plus précis, il tient à sa dignité. Et il croit que sa lycanthropie est un obstacle insurmontable à toutes les situations.
-- Mais non ! Il n'est…
Le sorcier leva la main pour interrompre les protestations d'Augusta.
-- Ce n'est pas là mon opinion mais la sienne. Et vous le savez aussi bien que moi.
Elle hocha la tête à contrecoeur. Il avait raison.
-- Ainsi, lorsque Severus a laissé échapper l'information que Remus était un loup-garou…
-- Quoi ?
Severus avait fait ça ? Elle revoyait clairement le sourire plein de malice de Malfoy alors que Severus lui parlait dans la Grande Salle. Il s'était vengé sur Remus de la disparition de Black…
-- Je me doutais qu'il ne s'était pas vanté de ce fait auprès de vous. Toujours est-il qu’à présent chaque élève de l'école doit connaître la situation de Remus. Et, comme il me l'a lui-même fait remarquer, dès demain des hordes de hiboux de parents arriveront dans mon bureau pour exiger son renvoi. Il a préféré prendre les devants.
Il lui faudrait digérer ce que Dumbledore venait de lui dire mais Augusta commençait à comprendre la raison du départ de Remus. Il y avait toutefois quelque chose qu'elle ne pouvait pas accepter si facilement.
-- Mais pourquoi ne m'a-t-il rien dit ? Il est parti sans me prévenir, sans se retourner.
-- Augusta, je ne peux pas prétendre lire dans le coeur de Remus mais je suis sûr que son départ a été au moins aussi dur pour lui que pour vous.
Les larmes qu'elle croyait taries recommencèrent à poindre vers ses yeux et elle détourna la tête pour les cacher au directeur.
-- Il est parti aujourd'hui comme il est parti il y a onze ans. Quels que fussent les mots échangés entre vous à son départ, cela ne le lui aurait rendu que plus difficile encore. Je vous connais, Augusta. Vous auriez tout fait pour le retenir.
-- Bien sûr ! répliqua-t-elle en reportant son regard sur lui. Je n'allais pas le laisser m'abandonner une deuxième fois !
-- Mais il lui fallait partir, insista Dumbledore doucement. Il ne le voulait pas et vous ne le vouliez pas mais il n'avait pas le choix.
Et elle n'avait pas plus de choix que lui. Elle devait rester à Poudlard. Il ne lui était même pas venu à l'idée de passer les grilles alors qu'il s'éloignait sous ses yeux. Elle savait au fond d'elle que quelque chose l'en eût empêchée.
Elle n'avait toujours pas accepté le départ de Remus mais elle sentait que les paroles de Dumbledore n'avaient pas été vaines.
Elle se leva, ramassa son alliance, remercia le directeur et sortit.

Augusta s'était retenue à grand peine de descendre dans les sous-sols du château et de hurler sa colère à Severus Rogue. Elle savait bien pourquoi celui-ci s'était conduit si bassement. Une part d'elle-même s'étonnait même qu'il eût supporté si longtemps la présence de Remus à Poudlard. La fuite de Black avait simplement été la goutte de potion qui avait fait déborder le chaudron.
Elle se contenta donc d'attendre des nouvelles de Remus qui ne pourraient plus tarder en reprenant ses révisions pour l'examen qu'il lui fallait toujours passer.
Elle n'eut pas à attendre longtemps car elle reçut un hibou dès le lendemain. Mais Remus n'essayait pas de lui expliquer ses actions. Il la connaissait bien, il savait que rien de ce que lui pourrait dire ne changerait les choses et il faisait confiance à Dumbledore pour arranger la situation à sa place.
Dans sa lettre, il lui racontait exactement ce qui s'était passé cette nuit là jusqu'au lever de la lune, expliquant que Black était innocent du crime dont on l'accusait et que Peter Pettigrew était toujours vivant. Augusta se demanda un moment si elle devait montrer cette lettre à Dumbledore mais changea rapidement d'avis. Remus et lui avaient eu une longue conversation le lendemain matin et le directeur savait déjà tout ce qui s'était passé.
Elle apprit également que Remus était reparti à Newcastle et qu'il allait se remettre à chercher un travail. « Je me doutais bien que la vie de professeur à Poudlard était trop belle pour durer », écrivait-il. Elle soupira en lisant ces mots.
Il était trop habitué au malheur et à la solitude…
Chapitre vingt-neuf by Morgwen
Les élèves finirent par quitter le château qui redevint silencieux et froid malgré le soleil estival. Et le jour de son examen de SORT arriva finalement sans qu'Augusta eût eu le temps de s'en inquiéter, ses pensées uniquement préoccupées par le départ de Remus.
C'est avec surprise qu'elle reconnut les sorciers qui firent leur apparition dans la Grande Salle un jeudi matin. Elle s'était levée aux aurores, comme à son habitude, et faisait manger ses fils à une table encore vide de professeurs. Elle se demanda alors un court instant ce que les examinateurs de BUSE et d'ASPIC faisaient à Poudlard à cette période avant que la réalisation ne la frappât.
Rougissant de son oubli, elle se précipita pour les accueillir, ce que personne ne semblait avoir encore fait.
-- A qui sont ces enfants ? demanda un sorcier avec curiosité en désignant les jumeaux.
Augusta jeta un oeil vers eux et les vit utiliser soigneusement leur cuillère pour manger leur porridge sans rien en renverser. Elle sourit en réalisant qu'ils voulaient montrer aux nouveaux venus à quel point ils étaient habiles.
-- Ce sont mes fils, professeur, répondit-elle fierement, Arthur et Denez.
-- Vous avez poursuivi vos études en élevant deux enfants ? s'étonna une sorcière qu'Augusta reconnut comme le professeur Marchbanks, la présidente de l'Autorité des Examens Sorciers.
-- Euh… Je… tenta Augusta, embarrassée. C'est grâce au professeur Dumbledore. C'est pour cela que je suis restée à Poudlard.
-- Je vois, reprit Marchbanks. Je me demandais pourquoi Albus vous avait permis de rester si longtemps ici.
Augusta rougit à nouveau, ce qui était tout de même gênant pour une femme de son âge, et fut sauvée de répondre par l'entrée du directeur dans la Grande Salle.
Dumbledore accueillit les examinateurs à son tour et leur offrit de partager son petit-déjeuner pendant qu'Augusta allait confier ses enfants à leur nourrice. Ainsi, ils pourraient lui faire passer son examen au plus tôt et rentreraient chez eux dès que possible.
Augusta obéit à la suggestion et ramena ses fils à la Salle Peu Commune où Corly les prit en charge.
Puis, elle prit son courage à deux mains et revint à la Grande Salle.

-- Vous avez donc choisi votre sujet d'ESPRIT Augusta ?
Augusta et le professeur Dumbledore rentraient ensemble de la maison de Hagrid vers le château et discutaient en profitant du chaud soleil de juillet. Elle avait brillamment passé son examen de SORT deux semaines plus tôt et avait reçu ses résultats le matin même.
-- Oui, répondit-elle. Du moins, j'en ai beaucoup discuté avec Madame Pomfresh et Severus et j'ai une idée qui se précise. Je voudrais me consacrer au développement de potions qui soignent les morsures de créatures.
Malgré la part qu'il avait joué dans le départ de Remus, elle avait continué à parler avec le Maître de Potions. Elle s'en était toutefois tenue aux sujets ayant trait à ses études et lui avait clairement montré qu'elle n'était pas encore prête à lui pardonner.
-- Telles que celles de loup-garou, j'imagine…
-- Entre autres, oui.
Passant devant le Saule Cogneur, Augusta réalisa qu'elle n'avait pas vu le chien noir depuis le départ de Remus. Alors, un déclic se fit dans son esprit et elle se figea sur place.
-- Augusta ? Quelque chose ne va pas ?
-- Black…
Remus lui avait expliqué que Sirius Black avait réussi à pénétrer dans le château en se métamorphosant en chien. Et elle revoyait une photo qu'il lui avait montrée presque douze ans plus tôt où il était entouré d'un cerf, d'un rat et d'un grand chien noir.
Le même chien noir.
Dumbledore la regardait, intrigué.
L'animal qu'elle avait nourri toute l'année, qui avait joué avec ses fils, qu'elle avait caressé – elle rougit – qui avait été témoin de cette après-midi avec Remus – elle rougit encore plus. C'était Sirius Black !
-- Il est vraiment innocent? demanda-t-elle en balbutiant.
-- Oui. Les témoignages de Harry, Remus et Sirius lui-même sont indéniables.
Elle n'avait donc pas aidé un criminel à survivre à Poudlard. Elle poussa un soupir de soulagement et reprit son chemin, accompagnée de Dumbledore.
Il restait tout de même qu'elle s'était laissé berner par cet homme qui avait largement profité de sa gentillesse. Innocent ou non, s'il recroisait un jour sa route, il le regretterait !

-- « Je ne peux pas, je ne suis pas apprivoisé, » dit le Renard. Et le Petit Prince demanda : « Que signifie apprivoisé ? »
Augusta était assise sur un large plaid sous le saule au bord du lac. Elle faisait face à l'étendue d'eau qui reflétait le soleil couchant.
Les jumeaux étaient tout contre elle, Arthur à sa droite et Denez à sa gauche et regardaient avidement les images du livre qu'elle tenait entre ses mains et qu'elle leur lisait en suivant les mots du doigt.
-- Excusez-moi, fit une voix hésitante derrière elle.
Elle se retourna vivement pour voir devant elle un jeune sorcier en robe mal taillée. Il était large d'épaules et de musculature développée. Son menton carré présentait une trace de brûlure pas tout à fait cicatrisée. Ses bras et son cou portaient des traces similaires.
Mais son visage était toujours couvert des mêmes tâches de rousseur et il était plus roux que jamais.
-- Charlie !
Elle se leva vivement et se précipita sur lui, le serrant contre elle à l'étouffer.
-- Gus ? C'est vraiment toi ?
Il l'écarta de lui pour la mieux la regarder.
-- Non, tu n'as pas tant changé. Je ne t'avais pas reconnue de dos mais… Mais qu'est-ce qui est arrivé à tes cheveux ?
-- Je te raconterai une autre fois, dit-elle, sa question lui rappelant les jumeaux qu'elle avait momentanément oubliés. Viens, il faut que je te présente quelqu'un.
Incroyable comme elle était à l'aise avec lui ! Les quatre dernières années s'étaient effacées et ils étaient à nouveau les meilleurs amis du monde. Simplement parce qu'il était revenu.
Elle lui prit la main et l'amena jusqu'au plaid où les garçons s'étaient levés sans oser s'approcher.
-- Charlie, voici Arthur et Denez.
Il les regardait en silence sans vraiment comprendre. Ou peut-être comprenait-il, justement…
-- Chaton, Maen, je vous présente Charlie Weasley, votre Tadig.
Ils le regardaient également sans rien dire et elle faillit éclater de rire. Ce n'était pas du tout ainsi qu'elle avait imaginé la scène.
Finalement, Charlie demanda d'une voix nouée :
-- Qu'est-ce que c'est qu'un tadig ?
Il avait compris mais attendait désespérément une confirmation. Inutile de prolonger l'incertitude.
-- Ça veut dire papa.
Charlie perdit un moment l'équilibre et elle le fit s'asseoir à côté des jumeaux qui vinrent le toucher timidement.
-- Comment… Tu… Ils…
Évidemment, c'était un sacré choc ! Son visage bronzé était devenu pâle comme la mort et il regardait ses fils en balbutiant des mots sans suite.
-- Ce sont tes fils, Charlie, dit Augusta en s'asseyant également.
Elle prit Arthur dans les bras.
-- Voici Arthur Auguste Weasley…
Le déposant sur un des genoux de Charlie, elle attrapa ensuite Denez qui lui tendait les bras.
-- Et Denez Charles Weasley.
Denez rejoignit Arthur et les jumeaux examinèrent leur père chacun à sa manière. Denez lui palpait les bras, le torse et le visage, tout ce qui était à sa portée, tandis qu’Arthur le regardait droit dans les yeux.

Il fallut bien dix minutes à Charlie avant qu'il pût à nouveau prononcer une phrase cohérente. Et ce fut pour s'extasier sur la beauté de ses fils.
-- Ils te ressemblent, répondit Augusta. Tout le monde le dit.
Le soleil était presque couché à présent et, ayant remis les garçons sur leurs pieds, elle avait ramassé toutes ses affaires et commencé à pousser les trois Weasley vers le château.
-- Tout le monde ? Qui est au courant ?
Elle soupira.
-- Charlie, regarde-les ! Je ne peux pas cacher qu'ils sont de toi. Tous ceux qui les ont vus sont au courant.
-- Qui ? insista-t-il.
-- Tonks…
-- Tonks ? Pourquoi elle ne m'a pas…
-- Parce que je lui ai demandé ! coupa Augusta. Je ne voulais pas que tu l'apprennes de quelqu'un d'autre.
-- Qui d'autre ?
-- Les profs de Poudlard…
-- Tous les profs ?
-- Charlie, si tu m'interromps tout le temps, on y sera encore demain ! Non, je pense qu'un prof ou deux ne les ont jamais vus. Madame Pomfresh, bien sûr, Fred, George, Ginny…
-- Quoi ? Tu l'as dit à mes frères et ma soeur mais…
-- C'est un accident ! Les jumeaux sont tombés sur… les jumeaux chez Hagrid. Et ce sont eux qui l'ont dit à Ginny. Mais le reste de ta famille ne les connaît pas.
Ils avaient atteint le hall d'entrée et Augusta conduisait discrètement Charlie vers la Grande Salle. Elle comptait bien le forcer à rester dîner avec eux.
-- Corly ! appela-t-elle et l'elfe apparut instantanément devant eux, faisant brusquement sursauter son ami.
-- Ramène tout ça à la Salle Peu Commune, s'il te plait ! demanda-t-elle en lui confiant tout ce qu'elle transportait.
L'elfe avait disparu avant que Charlie eût pu faire le moindre commentaire.

Dans la Grande Salle étaient encore attablés tous ceux qui n'avaient pas quitté Poudlard pour les vacances, à savoir Hagrid, Dumbledore, McGonagall et Severus.
En voyant ce dernier, les jumeaux lâchèrent la robe de leur mère et accoururent vers lui sous le regard éberlué de Charlie.
-- Mr Weasley ! lança le directeur depuis son siège. Bienvenue ! De retour de Roumanie, je vois.
Hagrid s'était levé à leur entrée et vint serrer Charlie dans ses bras. Heureusement Augusta était à son côté et empêcha le géant de briser sa colonne vertébrale au passage.
-- Charlie ! disait-il. Content de te revoir ! Tu es venu rendre visite à ta petite famille ?
Charlie se contenta d'acquiescer et suivit Augusta jusqu'à la table des professeurs où elle le fit s'asseoir avant de reprendre les jumeaux à Severus et de les installer dans deux hautes chaises que Dumbledore conjura pour elle.
La conversation des quatre sorciers reprit là où ils l'avaient interrompue.
-- J'ai du mal à croire que Karkaroff ait accepté si facilement, dit Severus sans paraître avoir remarqué la présence de Charlie. Vous êtes certain qu'il faille le laisser venir ?
-- Je compte sur vous pour le garder à l'oeil, Severus, répondit Dumbledore. Et j'ai un autre atout dans la manche, ne vous inquiétez pas ! Pour le moment, ma principale préoccupation est l'organisation des tâches. En particulier…
Il s'interrompit et lança un regard à Charlie, un sourire se dessinant sous sa barbe blanche.
-- Mr Weasley, vous venez de me donner une idée, dit-il.
Charlie détacha son attention de ses fils qu'il n'avait pas lâchés du regard et balbutia :
-- Moi ? Mais… Je n'ai rien dit professeur.
-- Dites-moi, pensez-vous qu’il est envisageable de garder… mettons… trois dragons sur les terres de Poudlard sans compromettre la sécurité des habitants ?
Il fallut une demi-minute à Charlie pour qu'il redescendît du nuage sur lequel Augusta l'avait perché.
-- Je suppose que oui, répondit-il.
Et il semblait tout à coup responsable et connaisseur. Il avait tout à coup l'air d'un homme adulte.
-- Il faudrait au moins une quinzaine de sorciers spécialisés pour les garder… Et un enclos assez éloigné des bâtiments et de la forêt pour les risques d'incendie… Mais la possession de dragon est interdite dans le pays, professeur. À part dans l’élevage des Hébrides, bien sûr.
Et ce disant, il lança un regard discret à Hagrid qui lui fit un clin d'oeil qui l’était nettement moins.
-- Je suis certain que faire lever exceptionnellement l'interdit ne présentera aucune difficulté, répondit Dumbledore. Là n'est pas la question.
Il se tut un moment et personne n'osa interrompre le silence et la réflexion du directeur.
-- Dans l'élevage où vous travaillez, avez-vous des femelles sur le point de pondre ?
-- Euh… oui… nous en avons huit. Mais professeur…
-- Oui ?
-- Vous ne pensez tout de même à transporter trois dragons depuis la Roumanie jusqu'ici ?
-- Vous avez lu mes pensées, Mr Weasley, répondit Dumbledore avec son habituel petit sourire. C'est exactement ce à quoi je pense.

Charlie resta trois jours au château.
Chaque jour, chaque heure, chaque minute, il s'émerveillait un peu plus de ses fils. Il aurait voulu pouvoir rester avec eux plus longtemps mais il avait promis à sa mère qu'il serait rentré au Terrier pour recevoir Harry Potter.
Encore Potter ! A croire que ce garçon contrôlait la vie d'Augusta.
-- Il va falloir que je parle d'Arthur et Denez à ma famille, dit Charlie avant de partir. Mais je… Je ne sais pas… Je voudrais les avoir un peu seulement pour moi… Être leur père quelque temps avant qu'ils ne deviennent les petits-enfants de Maman…
Il lança un regard embarrassé à Augusta.
-- Je sais, ça peut paraître bizarre…
Elle fit non de la tête. Elle comprenait parfaitement ce que Charlie ressentait.
-- Tant que tu restes en Angleterre, tu peux venir nous voir quand tu veux, dit-elle en l'embrassant sur les deux joues, à la grille d'entrée. Et si Dumbledore importe vraiment des dragons, viens avec eux !
-- Ne t'inquiète pas pour ça !
Il la serra contre lui une dernière fois, embrassa les jumeaux et s'avança sur la route. Un immense bus à trois étages apparut devant lui et il y monta. Avant que la porte ne se refermât sur lui, il se retourna et fit un dernier signe de la main auquel elle répondit.
Puis, le bus et Charlie disparurent.

-- Tu veux envoyer tes fils à l'école ?
-- Oui. Je pense qu'ils ont besoin de la compagnie d'enfants de leur âge. Et ce n'est pas parce que je dois rester enfermée ici qu'ils n'ont pas le droit de voir le monde extérieur.
Severus la regardait avec de grands yeux mais le professeur Dumbledore hochait lentement la tête. Il paraissait réfléchir à toute vitesse et peser les différentes difficultés d'une telle décision.
-- Mais ils sont trop jeunes !
-- Ils sont assez grands pour aller à l'école maternelle. En France, en tout cas… Je ne sais pas s'ils ont ce genre d'écoles ici.
-- Les moldus en ont, répondit Dumbledore. L'enseignement sorcier ne commence que par Poudlard dans notre pays. Les enfants plus jeunes peuvent, au choix des parents, être éduqués à la maison ou être envoyés dans des institutions moldues.
Augusta était étonnée. Elle n'y avait jamais vraiment pensé auparavant mais elle aurait toutefois imaginé qu'il existât des écoles primaires pour les sorciers.
-- J'ai d'ailleurs pu noter, poursuivait Dumbledore, que les enfants s'étant rendus à l'école étaient généralement plus ouverts et avancés que les autres. Je comprends donc votre point de vue.
-- Mais… s'il n'y a pas d'école sorcière… Vous pensez que je pourrai les inscrire dans une école moldue ?
-- Bien sûr ! Mais laissez-moi y réfléchir un peu, Augusta. J'ai tant de choses à régler en ce moment que mon esprit frôle la surcharge.
-- Avec le Tournoi… tenta-t-elle.
Elle avait entendu Severus et lui le mentionner mais n'avait pas encore compris de quoi il s'agissait.
-- Précisément, répondit Dumbledore sans développer. Mais ne vous en faites pas ! Nous trouverons une solution.
Le ton indiquait clairement – mais non sèchement – que la discussion était terminée et qu'elle devait se retirer pour laisser les deux autres sorciers vaquer à leurs affaires. Elle sortit donc du bureau du directeur, pas beaucoup plus avancée.
Elle demanderait à Hagrid.

La veille de la rentrée, Dumbledore réunit tous les professeurs comme à son habitude, pour leur parler de l'année à venir. Augusta fut étonnée de ne pas voir de nouveau professeur. N'avait-il pas trouvé de remplaçant à Remus ?
Mais le silence de Dumbledore sur le sujet la rassura. Comme Remus un an plus tôt, le nouveau prof n'arriverait probablement que le lendemain. Son esprit vagabondait vers son mari quand le mot « Tournoi » attira son attention.
Contrairement à son habitude, elle n'avait pas réussi à arracher la moindre information sur le sujet au garde-chasse et le mystère restait entier.
-- Vous connaissez pour la plupart le principe du Tournoi des Trois Sorciers, disait Dumbledore. Un élève représentera chaque école et les trois champions devront passer des tâches. Le gagnant recevra, en plus de la Coupe, une récompense du Ministère de mille gallions.
Le professeur Flitwick émit un petit sifflement impressionné.
-- Au vu de la difficulté des tâches que nous avons préparées, le professeur Karkaroff, Madame Maxime et moi-même avons décidé que seuls les élèves majeurs auraient le droit de participer. La première tâche consistera à passer un dragon et récupérer un oeuf d'or au milieu de sa couvée.
Le professeur d'Astronomie, Celia Sinistra, émis une sorte de petit cri d'horreur. Elle avait raison. Charlie avait raconté à Augusta qu'il fallait au minimum quatre sorciers expérimentés pour maîtriser un dragon.
-- La seconde tâche sera, d'abord de déchiffrer le message caché dans l'oeuf d'or, puis de l'utiliser pour plonger au fond du lac et en ramener quelque chose en moins d'une heure.
Augusta commençait à comprendre pourquoi seuls des sorciers de plus de dix-sept ans seraient autorisés à participer. Elle doutait qu'un élève plus jeune eût les connaissances nécessaires.
-- La troisième et dernière tâche sera un labyrinthe. Les champions y entreront dans l'ordre de leur classement et le premier qui arrivera au centre et s'emparera de la Coupe aura gagné. Bien sûr, il y aura sur leur route quelques… obstacles.
Dumbledore eut à nouveau ce petit sourire malicieux que tous connaissaient si bien.
-- Enfin, nous organiserons, comme la tradition du Tournoi l'impose, le Bal de Noël. Vous pourrez alors inviter un ou une partenaire à se joindre à nous. Bien, je crois que j'ai couvert tous les sujets. Minerva ?
Il se tourna vers McGonagall qui, à la grande surprise d'Augusta, loucha des yeux en direction du directeur.
-- Oui, vous avez raison. Notre nouveau professeur de Défense Contre les Forces du Mal. Hélas, il n'a pas pu se joindre à nous aujourd'hui et n'arrivera au château que demain pour le banquet. Il s'agit de l'ex-auror Alastor Maugrey que certains connaissent déjà.
Augusta suivit son regard et le vit posé sur Severus qui pâlissait légèrement. Ce n'était pas l'expression de dépit qu'il arborait habituellement à l'idée que quelqu'un lui ait « volé » le poste qu'il briguait.
Elle avait presque l'impression que Severus avait peur…
End Notes:
Pour ceux qui me suivent, je suis désolée du rythme de publication beaucoup plus décousu. Pas mal de soucis IRL qui font que je n'ai pas le temps de me relire comme je le souhaiterais.
Mais promis, je continue d'écrire la suite…
Chapitre trente by Morgwen
Après plusieurs longues discussions, Augusta avait réussi à trouver un moyen d'envoyer les jumeaux à l'école maternelle.
Ce fut l'emménagement de Tonks à Pré-au-Lard à la fin de ses études qui rendit ce projet possible.
Ainsi, le 1er septembre, alors que tout le château se préparait à recevoir les élèves pour une nouvelle année, Augusta disait au-revoir à ses fils à la grille de Poudlard.
Arthur et Denez étaient surexcités : ils n'étaient jamais sortis des terres de l'école et aller en maternelle était pour eux une grande aventure.
Charlie et Tonks attendirent qu'Augusta ait fini d'embrasser les garçons avant de les prendre par la main pour les entraîner sur la route du village.
Dumbledore avait trouvé une petite école dans le village voisin de Pré-au-Lard. Et aujourd'hui, Charlie accompagnait les jumeaux pour les inscrire. Il expliquerait que son travail le forçait à beaucoup voyager à l'étranger mais que sa soeur – Tonks – ou l’infirmière de son épouse -- Madame Pomfresh -- se chargeraient de les amener et venir les chercher tous les jours.
Il avait autrefois suivi les cours d'Étude des Moldus avec attention et Augusta savait qu'il pourrait se fondre dans la masse des parents d'élèves sans difficulté – étrange de penser à Charlie comme à un parent d'élève ! On ne pouvait pas en dire autant de Tonks qui, en dehors de ses missions d'auror, était si maladroite qu'elle se faisait remarquer en toute occasion.
Si quelqu'un demandait après la mère des jumeaux, Charlie devait raconter qu'elle était provisoirement handicapée, ne pouvait quitter la maison et était prise en charge par sa belle-soeur – toujours Tonks.
En regardant le petit groupe s'éloigner, Augusta se demandait si tout ce tissu de mensonges serait accepté par l'école où elle envoyait ses fils.

-- Severus ? Qu'est-ce que vous avez ? Vous êtes nerveux comme une puce aujourd'hui !
Augusta n'avait jamais Severus Rogue aussi agité. Il sursautait au moindre bruit et regardait les portes de la Grande Salle avec anxiété. Évidemment, toute cette agitation était dissimulée sous son habituel masque de froideur mais elle le connaissait trop bien pour être dupe.
-- Ce n'est tout de même pas l'arrivée des élèves qui vous perturbe à ce point ? ajouta-t-elle avec une pointe de sarcasme.
Il ne prit pas la peine de répondre et changea la conversation.
-- Comment était le premier jour de maternelle ? demanda-t-il.
-- D'après Charlie, ça s'est très bien passé !
Les garçons étaient rentrés à midi avec leur père – Tonks était reparti aussitôt au ministère – et celui-ci lui avait raconté leur matinée.
-- Tous les enfants ont été réunis ensemble, continua-t-elle, et leur professeur leur a donné des coloriages. Les parents sont restés dans la pièce, à l'écart, pour que les enfants ne se sentent pas abandonnés. Charlie était aux anges de voir autant de véritables moldus en même temps. Les garçons se sont très bien tenus. Charlie, Tonks et moi leur avons expliqué qu'ils ne devaient jamais parler de magie aux autres enfants et, jusqu'ici, ils n'ont rien dit. Ils n'ont qu'une envie, retourner à la maternelle au plus tôt.
Elle interrompit son récit en entendant un brouhaha dans le hall d'entrée.
-- Les élèves sont là, dit-elle.
Elle se leva du siège de Dumbledore qu'elle avait emprunté pour parler à Severus et alla s'asseoir en bout de table à côté de Madame Pomfresh. Elle sourit malicieusement en voyant des élèves trempés des pieds à la tête pénétrer dans la Grande Salle. D'après les hurlements de colère qu'on pouvait entendre à l'extérieur, Peeves avait encore fait des siennes.
En entrant, Fred, George et Ginny Weasley lui firent un signe de la main auquel elle répondit. Leur frère Ron, toutefois, ne parut pas lui porter plus d'attention que d'habitude. Elle en conclut que Charlie n'avait pas encore parlé d'elle et des jumeaux à sa famille. D'après Tonks, il avait tout de même mis Bill au courant avant que celui-ci ne repartît pour l'Égypte.

Le repas commença aussitôt après la répartition des nouveaux élèves, Dumbledore gardant son discours de rentrée pour plus tard. Il attendait probablement l'arrivée d'Alastor Maugrey, le nouveau professeur.
De temps en temps, Augusta jetait un coup d'oeil à Severus pour voir que la nervosité de celui-ci allait en augmentant. Qu'est-ce qui pouvait bien le mettre dans un état pareil ? Toute à ses réflexions, elle n'entendit pas la dernière question de l'infirmière et dut lui demander de répéter ses paroles.
-- Je vous demandais comment allait Remus.
-- Pas particulièrement bien… Il n'a toujours pas trouvé de nouveau travail car une nouvelle loi a encore été promulguée cet été. Il n'a plus la possibilité de « travailler pour une institution ou un particulier possédant une clientèle qu'il pourrait affecter ». En clair, il ne peut plus être serveur, vendeur, guichetier, ni aucun de ces petits boulots qu'il avait avant.
Le retour inopiné de Charlie était tombé à pic pour empêcher Augusta de tomber dans une grave dépression due au nouveau départ de Remus. Mais si elle ne souffrait pas trop de son absence – elle était habituée, après tout – elle continuait à penser à lui continuellement. Elle avait retrouvé ses insomnies de pleine lune et suivait plus que jamais l'évolution des lois lycantrophobes dans le pays.
-- Il aurait mieux fait de rester enseigner ici, remarqua Madame Pomfresh.
Augusta était plus que d'accord sur ce point mais il était inutile de revenir là-dessus.

Dumbledore avait commencé son discours, mentionnant le Tournoi à venir, et un grand brouhaha se fit dans la salle. Augusta pouvait sentir l'excitation affluer au milieu des élèves.
Cette excitation retomba brutalement toutefois lorsque les portes de la Grande Salle s'ouvrirent. A cet instant précis, Augusta regardait à nouveau Severus et elle le vit pâlir et saisir convulsivement son avant-bras.
Un grand silence.
Un bruit de pas étrange.
Elle se tourna vers la porte pour voir approcher un sorcier et son coeur manqua un battement en regardant son visage.
Il n'avait pas de visage !
Son front, ses joues, son menton, n'étaient qu'amas de chair cicatrisée. Son nez était incomplet, comme si on y avait découpé un large morceau avec un couteau à viande, et ses yeux… son oeil…
-- Voici notre nouveau professeur de Défense Contre les Forces du Mal, le professeur Maugrey, disait Dumbledore.
L'un de ses yeux était légèrement enfoncé dans son orbite. Il était brun et brillait d'intelligence et de méfiance.
L'autre oeil…
Était-ce même un oeil ?
Augusta détourna le regard, écoeurée par la vision de cet orbe tourbillonnant dans sa cavité, comme détaché du reste du corps.
Comment un homme ayant accès à des soins sorciers pouvait-il ressembler à… ça ? Quels horribles maléfices avait-il pu subir pour laisser tant de traces ?
Prise de malaise, elle quitta précipitamment – mais discrètement – la table des professeurs et sortit de la Grande Salle par la petite chambre située derrière elle. Elle passa dans le parc et inspira goulûment l'air frais en ignorant la pluie diluvienne.
Après quelques minutes, elle fut rejointe par Severus.
-- Augusta, tu devrais rentrer, lui dit-il doucement en la prenant par le bras.
Elle se laissa entraîner dans le hall d'entrée où les derniers élèves quittaient la Grande Salle. Ce n'est qu'en voyant les cheveux de Severus ruisseler d'eau qu'elle réalisa qu'elle était trempée.
-- Augusta, lui parvint la voix de Dumbledore qui sortait derrière les élèves, Maugrey sur les talons. Venez que je vous présente !
Severus avait disparu de son côté…

Le nouveau professeur de Défense Contre les Forces du Mal était un homme étrange qui mettait Augusta mal à l'aise.
Son apparence, pour commencer… Il était tellement défiguré qu'elle avait le plus grand mal à le considérer comme un être humain à part entière. C'était idiot mais elle ne pouvait contrôler le dégoût qu'elle ressentait envers lui. Et elle prétendait vouloir soigner les sorciers mordus par des créatures magiques ? La seule présence de Maugrey remettait en cause sa volonté de carrière.
Ensuite, il y avait cette méfiance qu'il portait à tout ce qui l'entourait. Il refusait même d'avaler la nourriture et la boisson servies dans la Grande Salle !
Enfin, il y avait sa relation avec Severus Rogue…
Le Maître de Potions avait peur de Maugrey. Elle n'aurait jamais imaginé que Severus pût avoir peur de qui que ce fût mais elle devait se rendre à l'évidence. De son côté, Maugrey était plus méfiant encore envers Severus qu'envers les autres, ce qu'elle n'aurait pas cru possible. Et comme il les voyait beaucoup ensemble, il avait étendu sa méfiance à Augusta.
Cet oeil étrange semblait surveiller leurs moindres faits et gestes et cette surveillance ininterrompue jouait avec les nerfs de la sorcière.
Les deux mois suivants, pour échapper à cette impression, elle se transforma plus souvent en hirondelle qu'elle ne l'avait fait depuis qu'elle était devenue un animagus.

-- Et comment Mrs Teeger a réagi ?
-- Je crois qu'elle a pas compris ce qui s'était passé. À première vue, Arthur avait rien fait. Les autres gamins pouvaient dire ce qu'ils voulaient, elle pouvait pas le punir.
-- Reste qu'il vient de se tailler une réputation de monstre parmi les autres enfants, soupira Augusta.
Elle avait redouté ce jour. Mettre Arthur et Denez à l'école lui avait paru une bonne idée mais elle savait qu'elle risquait de voir arriver des incidents étranges qu'il serait difficile d'expliquer à leur institutrice, Mrs Teeger.
Pauvre Tonks ! Elle aimait tellement ses filleuls qu’elle insistait pour aller les chercher à l’école à la place de l’infirmière dès que ses devoirs d’auror le lui permettaient. Et c'était sur elle que retombait le blâme.
-- La prof a pas voulu comprendre que Charlie pouvait pas se déplacer. Je lui ai dit et répété qu'il était en Roumanie, une vraie tête de mule ! Ensuite, elle me dit qu'elle devrait au moins te parler à toi ! À quoi ça sert que je lui dise que tu peux pas te déplacer ? Franchement, cette bonne femme me fatigue ! Je me demande comment les petits peuvent apprendre quoi que ce soit avec elle !
-- Charlie m'a prévenue qu'il serait bientôt là. Tu sais qu'on va avoir des dragons au château ?
-- Oui, Bill m'a dit.
-- Comme c'est lui qui a tout organisé de ce côté, il dirige l'équipe qui amènera les trois dragons en Angleterre et veillera sur eux. Ils seront là à la mi-novembre. Tu pourras dire à Mrs Teeger qu'il viendra la voir à ce moment là ?
-- Tu peux vraiment pas aller la voir ?
-- Je peux toujours demander à Dumbledore mais je ne pense pas… Je suis désolée de t'imposer tout ça.
-- Pas grave ! Je suis leur marraine après tout ! C'est normal que je t'aide à t'occuper d'eux.
Augusta sourit de gratitude à son amie.
-- Au fait… commença Tonks avec hésitation. J'ai entendu dire… euh… au village…
-- Quoi donc ?
Tonks regardait sa tasse de thé avec insistance.
-- Des rumeurs… On peut pas toujours s'empêcher d'entendre…
Augusta fronça les sourcils. Ce n'était pas dans les habitudes de Tonks de tant tergiverser.
-- Crache le morceau Tonks ! Qu'est-ce qui ne va pas ?
-- On m'a dit pourquoi ton homme était parti.
Un léger frisson parcourut Augusta. Cela avait-il donc atteint Pré-au-Lard ?
-- C'est vrai ?
-- Qu'est-ce qui est vrai ? répondit Augusta un peu sèchement. Je ne sais pas ce qui se raconte au village.
Tonks rougit et fit tomber sa tasse encore à demi pleine sur le sol. Habituée, Augusta répara la vaisselle et fit disparaître le thé avant que celui-ci n'eût eu le temps de se répandre. Puis elle resservit Tonks.
-- C'est… c'est un loup-garou ?
-- Oui.
-- Et tu le savais ? Je veux dire… avant…
-- Je l'ai très rapidement appris, oui. Remus n'est pas un salaud, il me l'a dit avant de… tu sais…
-- Et ça te gêne pas ?
-- Si, bien sûr ! répondit Augusta sans réfléchir.
Puis, réalisant ce qu'elle venait de dire, elle reprit :
-- Je l'aime et je fais avec mais je ne peux pas prétendre que c'est toujours facile. Je préférerais évidemment avoir trouvé un homme normal mais on ne choisit pas ce genre de choses.
Tonks hocha la tête, comme si elle comprenait plus ou moins ce qu'Augusta lui expliquait. Elle ouvrit la bouche pour poser une autre question mais son amie n'avait pas envie de s'étendre sur le sujet et l'interrompit pour relancer le sujet du Tournoi.
Chapitre trente-et-un by Morgwen
Parce que Denez avait choisi le 30 octobre pour tomber malade des oreillons, Augusta ne put assister au banquet organisé en l'honneur des délégations étrangères venues à Poudlard pour participer au Tournoi. Au lieu de ça, elle passa la soirée et une bonne partie de la nuit à surveiller l'évolution de la maladie combattue par une potion de sa composition. Elle n'avait pas songé une seconde à quitter le chevet de son Chaton ni même à demander à Madame Pomfresh de l'assister.
C'était son petit garçon…
Le lendemain matin, la fièvre avait disparu. Toutefois, Augusta était soulagée qu'on fût un samedi matin. Ainsi, Denez pourrait se reposer tout le week-end avant de retourner à l'école lundi matin. Par mesure de précaution, elle fit également avaler un remède préventif à Arthur pour lui éviter de tomber malade à son tour.
Puis, elle les laissa à la charge de Corly pour aller prendre son petit-déjeuner.
Il régnait une agitation inhabituelle dans le hall d'entrée qu'elle comprit rapidement en apercevant un gobelet des plus simples trônant au milieu d'un grand cercle dessiné sur le sol. Dumbledore avait expliqué quelques temps auparavant comment il avait prévu d'empêcher les élèves mineurs de s'inscrire au tournoi.
Au milieu de ce cercle se tenaient deux élèves de Poudlard qui semblaient hésiter à déposer leur nom dans la coupe. Autour d'eux – à bonne distance de la barrière magique – leurs camarades les encourageaient bruyamment.
Augusta sourit, imaginant un tel événement à l'époque où Charlie, Tonks et elle étaient élèves. Elle était absolument certaine qu'un élève tel que Bill n'aurait pas hésité une seconde à s'inscrire. Et il aurait eu toutes les chances de gagner !
Continuant son petit film intérieur, elle entra dans une Grande Salle pleine à craquer. En temps normal, à cette heure, les élèves avaient pour la plupart fini leur repas et étaient rentrés à leurs Salles Communes. Mais aujourd'hui, ils traînaient le plus longtemps possible pour connaître l'identité de tous les candidats.

En levant les yeux vers la table des professeurs, elle reçut un choc presque aussi grand que la première vision de Maugrey : la plus gigantesque femme qu'elle eût jamais vue se tenait au centre de la table, dans le siège voisin de celui occupé par Dumbledore, en pleine conversation avec le minuscule professeur Flitwick.
Dieu tout puissant, cette sorcière devait être aussi grande que Hagrid !
Flitwick l'aperçut et lui fit de grands signes pour qu'elle les rejoignît.
-- Madame Maxime, dit-il de sa petite voix enthousiaste, laissez-moi vous présenter une de nos anciennes élèves : Augusta Pye, ancienne Préfète et Préfète-en-Chef de ma maison. Et elle nous vient de votre beau pays ! D'où êtes-vous exactement Miss Pye, déjà ?
-- Du Finistère, professeur, répondit-elle.
Cette femme était donc française ? L'une des écoles étrangères était-elle française ?
-- Tout à fait, continuait Flitwick. Miss Pye, voici Madame Olympe Maxime, la directrice de l'école de Beauxbâtons.
-- Enchantée, répondit la géante en français en tendant une main qui effraya Augusta par sa taille.
Elle la serra néanmoins et s'assit à la place de Flitwick qui se levait pour partir. Madame Maxime regardait Augusta d'un air suspicieux, la mettant mal à l'aise.
-- Vous êtes réellement française mademoiselle ? finit-elle par demander.
Comme c'était étrange d'entendre à nouveau parler sa langue ! A part elle et ses fils, personne ne devait en connaître plus de trois mots dans ce château. Madame Maxime avait une belle voix chaleureuse à la tonalité grave, mais moins qu'on ne s'y attendait. Son accent était difficile à définir pour quelqu'un qui n'avait pas été en France depuis une douzaine d'années. Le Sud mais pas la Provence… Toulousain, peut-être…
-- Oui, madame, répondit Augusta.
-- Comment se fait-il que vous n'ayez fait vos études à Beauxbâtons en ce cas ?
-- Euh… Je ne sais pas trop, madame. Mes parents sont moldus, voyez-vous…
-- Moldus ? interrompit Maxime l'air étonnée.
Augusta réalisa qu'elle avait prononcé ce mot dans la seule langue où elle le connaissait : l'anglais.
-- Ah, vous voulez dire moldus, corrigea son interlocutrice en français. On dirait que votre vocabulaire ne s'étend pas aux expressions sorcières.
Augusta rougit à être reprise ainsi sur sa propre langue mais Maxime lui sourit. Presque maternellement.
-- C'était un plaisir de faire votre connaissance Mademoiselle Pye. Mais vous m'excuserez, je dois ramener mes élèves à nos quartiers. N'hésitez pas à venir me trouver si parler dans la langue de Molière vous manque de trop.
Sur ce elle se leva, provoquant un grand mouvement à la table des Serdaigle où, Augusta le vit à présent, les élèves de Beauxbâtons étaient assis.
La langue de Molière…
Pour connaître Molière, Madame Maxime devait avoir elle-aussi une ascendance moldue…

Augusta était occupée à ranimer le feu mourant sous son chaudron quand elle entendit distinctivement la porte de la salle de potion s'ouvrir et se refermer. Supposant qu'il s'agissait de Severus revenant de la Salle des Professeurs, elle l'ignora et se concentra à créer un feu à la température exacte.
-- Silence ! Entrez ici ! entendit-elle par la porte entrouverte.
La voix du Maître de Potions était basse mais urgente. Il n'était donc pas seul ? Elle n'eut toutefois pas le temps de faire connaître sa présence que l'interlocuteur de Severus parlait.
-- Pourquoi n'avez-vous rien fait ?
C'était un homme. Un homme avec un fort accent de l'est. Augusta devina à qui devait appartenir cette voix. Elle n'avait aperçut Igor Karkaroff que de loin, la veille au festin d'Halloween, mais elle ne voyait pas qui d'autre aurait pu parler à Severus sur un tel ton.
-- Comme l'a dit Maugrey, nous ne pouvons rien faire, répondit l'habituelle voix froide un tantinet méprisante. Qu'il ait mit son nom ou non dans la Coupe lui-même n'a aucune importance, il doit participer. Un contrat inviolable le lie au Tournoi.
-- Vous êtes juste bien arrangé par le fait que Poudlard ait deux champions ! Plus de chance de gagner !
Augusta avait mis un petit temps pour comprendre que les deux hommes parlaient de Potter. C'était vrai que sa nomination comme champion de l'école, la veille, avait provoqué quelques éclats…
-- Certes, j'admets que deux vrais champions seraient un avantage. Mais Potter n'est qu'un gamin arrogant et chanceux. N'importe quel autre étudiant aurait été une menace pour vous mais lui…
Il eut un petit rire méprisant qui semblait s'adresser autant à Potter qu'à Karkaroff.
-- Croyez-moi, Igor, le seul inconvénient que vous ressentirez sera la publicité autour de cet incident.
Karkaroff émit un petit grognement dubitatif.
Il y eut un long moment de silence pendant lequel Augusta imaginait le directeur de Durmstrang se tortiller de gêne sous le regard inquisiteur de Severus.
-- Vous aviez autre chose à me dire, Igor ? finit par demander celui-ci.
-- A vous dire, non. Regardez !
Regarder quoi, Augusta était bien en peine de l'imaginer.
-- Eh bien ? demanda Severus et une certaine menace commençait à percer dans son ton.
-- Je suis sûr que vous avez remarqué également !
-- Je ne vois absolument pas de quoi vous parlez. Maintenant, Igor, contrairement à vous, je n'ai pas mes journées libres d'occupation. Mes élèves vont bientôt arriver et je ne souhaite pas qu'ils vous trouvent ici.
Après un court instant, la porte de la salle de potion claqua et Augusta devina que Karkaroff, vaincu, était sorti la tête basse.

Quelques jours après avoir surpris cette conversation, Augusta remarqua que la surveillance de Maugrey s'était quelque peu relâchée. Du moins, en ce qui la concernait. Il semblait à présent épier Karkaroff plus que quiconque mais continuait à garder un oeil – celui qu'elle ne supportait pas de regarder – sur Severus et, étrangement, sur Potter.
Le pauvre Potter était à nouveau l'élève le plus impopulaire de Poudlard. Augusta était d'ailleurs du même avis que la majorité des habitants du château : il avait été trop loin. Forcer la Coupe de Feu à accepter son nom, au nez et à la barbe de Dumbledore, était un acte méprisable. Et pour couronner le tout, deux semaines après Halloween parut un article dans la Gazette du Sorcier qui ne parlait que de Potter, volant toute la gloire aux trois autres champions.

-- Non non, mon père était un sorcier et je n'ai jamais connu ma mère. Mais nous avions des cours de Littérature et Histoire Moldues à Beauxbatons. J'ai malheureusement dû les supprimer, faute de professeur compétent.
-- Mais vous avez toujours l'étude des moldus ?
-- Oui, il s'agit d'un cours obligatoire, d'ailleurs. La littérature et l'histoire étaient une option. Étrangement, c’était les élèves venant de familles moldues qui étaient les plus nombreux à s’y inscrire.
-- Pourquoi étrangement ?
-- Parce qu'ils pouvaient parfaitement apprendre tout ce qu'il y avait à savoir avec leurs parents. Et comme ils avaient suivi leur enseignement primaire dans l'Éducation Nationale, notre programme d'histoire leur était déjà connu. Désirez-vous un autre café ?
-- Oui, merci Madame Maxime. Ça faisait longtemps que je n'avais pas bu quelque chose d’aussi bon. Vous savez comment les anglais boivent le breuvage qu'ils osent appeler du café.
La directrice de Beauxbatons sourit à Augusta et, d'un geste de sa baguette, ralluma les flammes sous la large cafetière italienne. En quelques minutes, le carrosse s'emplit à nouveau de l'arôme amer et chaleureux.
-- Pourquoi ne rentrez-vous pas en France ? demanda Maxime après avoir servit le café dans deux tasses minuscules. Votre famille ne vous manque pas ?
-- Je n'ai plus de famille. J'étais orpheline à neuf ans et mes grands-parents, qui m'avaient recueillie, sont décédés quelques jours après mon arrivée à Poudlard. Ici, je suis chez moi…
-- Vous êtes fille de moldus, m'avez-vous dit ?
-- Oui.
-- J'ai remarqué que vous lisiez beaucoup… Quand vous aurez obtenu votre diplôme, si vous êtes à la recherche de travail, rappelez-vous que je cherche toujours un professeur de littérature moldue.
-- Euh… Je… balbutia Augusta, gênée mais reconnaissante. Je vous remercie, Madame, mais je ne suis pas faite pour l'enseignement. J'espérais, en fait, que le professeur Dumbledore me laisserait continuer à travailler avec Madame Pomfresh à l'infirmerie.
-- Bien sûr… Encore un peu de café ?
Augusta acquiesça et se laissa servir une autre tasse.

Elles s'étaient installés chez Hagrid pour attendre. Charlie n'arriverait pas au château par la Grande Porte, cette fois. Comme la première tâche devait rester secrète, l'importation de dragons au sein de Poudlard l'était aussi. Tonks avait déposé les garçons à la Salle Peu Commune après l'école et Augusta et elle étaient sorties aussitôt, craignant de manquer l'arrivée de leur meilleur ami. Mais Hagrid les avait rassurées.
-- Ils ont eu quelques soucis en débarquant à Scaborough. Le Magyar s'est réveillé et a brûlé la moitié du port moldu. Mais tout le monde va bien ! s'était-il dépêché d'ajouter en voyant l'expression d'alarme des deux amies. Ils ont juste du retard à cause de tous les moldus qu'il a fallu faire oublier.
-- Est-ce qu'on devrait pas avoir les petits ici ? finit par demander Tonks. Faudrait pas les laisser tout seuls.
-- Non ! répondit fermement Augusta. Je ne veux pas qu'ils s'approchent des dragons ! Dès que Charlie sera disponible, on l'emmènera les voir mais ils n'iront nulle part du côté de la Forêt ! Et puis ils ne sont pas tout seuls, ils sont avec Corly.
Tonks allait protester quand la porte s'ouvrit à la volée.
-- Ils arrivent ! lança Hagrid avant de disparaître à nouveau.
Elles échangèrent un regard et se précipitèrent comme une seule femme vers la porte. La silhouette du garde-chasse disparaissait déjà parmi les arbres et elles durent courir à toutes jambes pour le rattraper.
Ils marchèrent un bon moment, les deux jeunes femmes peinant pour suivre l'allure de Hagrid, avant d'arriver dans une immense clairière.
-- Grand Dieu… souffla Augusta.
Quatre immenses filets, soutenant les plus larges bêtes qu'elle eût jamais vues, approchaient lentement. Chacun des filets était maintenu dans les airs par une multitude de grosses créatures ailées, étrange mélange de papillon, de chèvre et de plante aquatique, ce qui devait en faire des beautés aux yeux de Hagrid. Autour de chaque filet, volaient huit sorciers sur des balais.
Dès qu'elle posa les yeux sur eux, Augusta repéra Charlie. Elle l'avait vu si souvent voler qu'il était impossible de ne pas le reconnaître malgré la cape de voyage qui masquait ses traits. Le dragon qu'il gardait était argenté et portait des cornes aiguisées aux endroits les plus incongrus de son corps. A mesure que le groupe s'approchait, elle pouvait voir que le filet avait été réparé à plusieurs reprises et que certains noeuds étaient à nouveau sur le point de se déchirer.
-- Ils ont traversé la moitié de l'Europe… comme ça ? balbutia Tonks.
Hagrid haussa les épaules sans quitter des yeux le groupe, un air attendri sur le visage.
L'un après l'autre, les filets furent déposés au sol et les dragons profondément endormis dégagés avant d'être immédiatement entravés aux chevilles et au cou. Laissant ses collègues vérifier que tout était sécurisé, Charlie vint serrer Augusta et Tonks dans ses bras.
-- Je dois aller voir Dumbledore. Il faut qu'on discute du choix du dernier dragon. On a pas eu tellement le temps, depuis Halloween… Heureusement qu'on en avait quelques femelles de plus ! Bref, en sortant, je peux passer chez toi ?
-- Bien sûr ! Tu veux manger tranquillement à la Salle Peu Commune ? Juste nous trois et les enfants.
Charlie jeta un coup d'oeil à sa montre puis aux dragons dans son dos avant de répondre.
-- Rapidement, alors. Ils devraient se réveiller dans la soirée et il vaut mieux que tout le monde soit là.

Ils parlèrent de la Roumanie. Ils parlèrent des premières missions de Tonks. Ils parlèrent des potions d'Augusta.
Après une demi-heure, Charlie les abandonna pour retourner dans la forêt et Tonks rentra à Pré-au-Lard.
Augusta laissa Corly débarrasser la table tandis qu'elle préparait un couchage pour Charlie dans le salon, plus ou moins aidée par Arthur et Denez. Les deux garçons voulaient attendre leur père avant d'aller se coucher et elle eut toutes les peines du monde à les envoyer au lit. Elle fit bien, toutefois, car Charlie ne revint que vers deux heures, s'écroula sans un mot sur son lit, et s'endormit tout habillé.
-- Dure journée ? murmura Augusta.
Elle soupira, leva les yeux au ciel puis entreprit de le déshabiller. Il se laissa faire sans se réveiller. Quand il ne lui resta que son caleçon, elle le recouvrit d'une chaude couverture jusqu'au menton.
Incroyable comme il ressemblait à Arthur et Denez, ainsi endormi !
Elle sourit, lui déposa un léger baiser sur la joue et partit se coucher à son tour.

Elle passa la journée du lendemain enfermée dans la bibliothèque. Charlie était parti à l'aube relayer l'équipe de nuit qui surveillait les dragons. Au petit-déjeuner, Augusta avait reçu un petit hibou de Tonks. Elle devait partir vers le sud pour son boulot et risquait d'en avoir pour quelques jours. Elle avait déposé les garçons à l'école mais ne pourrait pas aller les chercher. Augusta avait transmis l'information à Charlie qui irait à sa place.
-- Mais elle est folle cette prof ! fut la première chose que dit le jeune homme en entrant dans la Salle Peu Commune avec les jumeaux qui se jetèrent sur leur mère.
-- Bonsoir mes amours, dit-elle en embrassant ses fils avant de répondre à Charlie. C'est ce que dit Tonks à chaque fois.
-- Tu sais qu'elle accuse Arthur de torturer ses camarades ? s'écria Charlie, indigné. Regarde le ! Il a trois ans ! Comme si on pouvait torturer à trois ans !
-- Trois ans et demi. Et oui, les enfants peuvent être très cruels à trois ans. Même si je t'accorde qu'Arthur ne ferait pas de mal à une mouche. Sauf peut-être si on menaçait son frère…
-- En tout cas, elle a beau le surveiller, elle admet qu'elle a jamais pu le prendre la main dans le sac.
-- Je pense qu'Arthur a plus tendance à faire de la magie involontaire que Denez. Et ça fait peur aux autres enfants. Je ne sais pas ce qu'il fait exactement mais s'il leur faisait réellement du mal, je pense qu'on le saurait.
-- J'ai rien fait Mammig ! plaida le petit garçon.
-- Je sais Maen. Viens, je vous ai préparé un bon goûter.
-- Tu viens Papa ? demanda Denez en prenant la main de Charlie pour le tirer vers la cuisine.
Le jeune homme rougit à ces mots et suivit les jumeaux. Il avait visiblement encore du mal à se faire à l'idée qu'il était réellement le père de ces deux enfants.
Chapitre trente-deux by Morgwen
Toute l'école s'était réunie dans la grande clairière de la Forêt Interdite. Depuis l'avant-veille, d'immenses stands avaient été construits, cachant à tous ceux en train de s'y installer la nature exacte de la Première Tâche. On pouvait toutefois sentir le sol vibrer irrégulièrement et entendre des hurlements assourdis. Les élèves s'entreregardaient, s'interrogeant bruyamment.
Augusta entra parmi les derniers dans le stand réservé aux professeurs. Elle avait d'abord voulu voir Charlie -- qui avait à peine réalisé sa présence, occupé qu'il était -- et n'avait rejoint la masse de spectateurs qu'un moment avant que les portes ne se refermassent. Derrière elle, elle avait aperçu une femme inconnue d'une quarantaine d'années qui s'était vu refuser l'entrée. À cause de son retard, sans doute.
À présent, Augusta portait son attention au-dessous d'elle. Une tribune aux décorations presque impériales se trouvait à deux pas. S'y tenaient les juges du Tournoi : le professeur Dumbledore était entouré de Maxime et de Karkaroff. De chaque côté des directeurs d'école étaient assis les représentants du Ministère dont elle avait oublié les noms. Elle ne les avait vu qu'une fois, lors du festin d'Halloween. Elle remarqua que l'aîné des deux semblait pâle et maladif. Devait-elle en toucher un mot à Dumbledore ? Non ! Elle ne devait pas se mêler ainsi de la vie des autres. Cet homme était quelqu'un d'important et nul doute que sa famille ou ses subordonnés avaient déjà remarqué son état.
L'autre délégué du Ministère se leva alors qu'Augusta s'asseyait finalement à la place que Severus lui avait réservée. Plaquant sa baguette contre sa gorge, il murmura un sort qu'elle n'entendit pas mais dont elle compris l'utilité dès qu'il reprit la parole, sa voix magnifiée.
-- Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, bienvenue à la Première Tâche du Tournoi des Trois Sorciers ! Dans un instant, nos quatre Champions entreront dans l'arène l'un après l'autre et chacun devra faire face à l'une de ces créatures.
À ces mots, un passage s'ouvrit sous quatre des murs soutenant les gradins et les immenses dragons furent révélés, retenus derrière de grandes grilles noires par lesquelles passaient les flammes qu'ils crachaient.
Un murmure d'horreur et d'excitation traversa la foule.
-- La tâche de chaque Champion est de récolter l'oeuf d'or gardé par une dragonne comme l'un des siens, armé seulement de sa baguette.
Sur un geste du délégué à l'air malade, l'une des grilles se souleva et douze sorciers apparurent, traînant, tirant, poussant le dragon argenté qu'Augusta avait vu gardé par Charlie. Et, effectivement, elle l'aperçut au milieu de ses pairs. La chaîne attachée à la cheville du dragon fut fixée à un énorme anneau au sol, juste à côté d'un large renfoncement ressemblant à un nid. D'ailleurs, trois des sorciers apportaient les larges oeufs sous l'oeil férocement vigilant de leur mère.
-- Le suédois à museau court ! reprit le commentateur. Et son Champion est CÉDRIC DIGGORY !
Les stands explosèrent sous les applaudissements tandis que le premier champion de Poudlard s'avançait, légèrement verdâtre mais sa baguette ferme entre ses doigts.
Pendant un long moment, rien ne se passa. Le dragon semblait juger son adversaire qui ne bougeait pas.
Finalement, Cédric fit un pas en avant, levant sa baguette.
Cela mit fin à la trêve ! La créature, décidant que le minuscule être humain était son ennemi, cracha un jet de flammes vers lui qu'il évita.
-- Oh, là, là ! C'était tout juste, commentait le délégué. vraiment tout juste…
Cédric courait, évitant le feu et les coups. Augusta commençait à se demander combien de temps il tiendrait ainsi avant que le dragon ne l'atteignît quand Cédric parvint à créer une sorte de barrière entre lui et le dragon, à l'aide de rochers dispersés qu'il avait regroupé devant lui. A l'arrière de ce refuge tout relatif, il métamorphosa l'une des pierres en un grand labrador qui, inconscient du danger, se précipita de l'autre côté.
Le dragon rugit et changea de cible, grillant presque le poil du chien qui s'enfuit à toute patte, poursuivi.
De son côté, Cédric profita de cette diversion pour foncer en direction du nid.
-- On peut dire qu'il prend des risques, celui-là ! hurlait la voix du commentateur.
Et, effectivement, alors que le jeune homme posait la main sur l'oeuf, les spectateurs virent avec horreur le dragon s'arrêter en pleine course et faire demi-tour à tire d'aile vers lui. Alerté par le cri de la foule, Cédric mit l'oeuf sous son bras et roula de côté, manquant de peu de se faire écraser par l'énorme queue de son adversaire.
Il se releva et se mit à courir en direction de la porte par laquelle il était entré. Alors qu'il courait, il lança un sort que nul ne pouvait entendre en direction du labrador/rocher qui se mit à hurler à la mort, distrayant un moment le dragon. Mais celui-ci, croyant visiblement que la petite créature courante venait de lui voler un de ses oeufs, lui reporta rapidement toute son attention.
-- Très belle tentative. Dommage qu'elle n'ait rien donné !
Heureusement, contrairement aux commentaires, la distraction avait marché assez longtemps pour que Cédric atteignît la sortie sans dommage.
-- Bravo ! Vraiment très bien ! Voyons maintenant les notes des juges !

Mais Augusta ne prêtait pas attention aux chiffres de feu de la tribune. Elle observait les douze gardiens qui avaient amené le dragon et étaient restés dans l'arène, le long des murs, pour apporter leur aide en cas de risque mortel. Au signe de l'un d'eux, il lancèrent tous un sort identique à la même seconde et le dragon s'écroula, inerte. Ils le ramenèrent ainsi à travers la grille tandis que douze autres amenaient le second dragon, aussi féroce que le premier, et ses oeufs au milieu de l'arène.
-- Le vert gallois ! reprit le commentateur. Et ce bébé est pour FLEUR DELACOUR !
De nouveaux applaudissements retentirent, essentiellement du côté des uniformes bleus de Beauxbatons, et la jeune fille entra. Elle tremblait de la tête aux pieds -- réaction compréhensible face à un dragon -- mais hurla un sort à peine eut-elle posé le pied sur le terrain.
Et le dragon se mit à trembler également, tout doucement. Ses yeux se fermèrent un instant mais se rouvrirent dans l'instant où Fleur abaissa sa baguette et fit un pas en avant. Et il ne semblait pas heureux…
Il étendit ses ailes dans sa direction et ouvrait sa gueule brûlante quand, surmontant sa peur visible, elle relança le même sort, gardant cette fois sa baguette fixée vers lui et murmurant continuellement une incantation.
Le dragon ferma à nouveau les yeux et se mit à se balancer lentement d'un pied sur l'autre, créant un remous étrange dans les gradins.
Lentement, avec précaution, et sans cesser son incantation, Fleur avança vers le nid. Elle prit garde à contourner le dragon à distance, celui-ci expirant de longues flammes en face de lui.
Mais elle ne pouvait attraper l'oeuf d'une seule main. Elle dut baisser sa baguette temporairement pour se saisir de son butin et tous virent le dragon cesser de se balancer et ses paupières frémir.
-- Oh, voilà qui n'était peut-être pas très prudent ! entendirent-ils depuis la tribune principale.
Tenant l'oeuf d'une main contre elle, Fleur reporta immédiatement sa baguette vers la créature qui reprit sa respiration ensommeillée.
Mais alors qu'elle marchait à reculons vers la sortie, le dragon en joue, celui-ci émit un puissant ronflement et une langue de feu s'échappa de ses naseaux pour venir incendier sa jupe.
Elle lâcha l'oeuf de surprise et reporta sa baguette pour éteindre le feu d'un sort mineur.
-- Oh, là, là… presque ! Attention, maintenant…
A nouveau, le dragon se réveillait et avait pleinement ouvert les yeux vers elle. Mais elle ramassa vivement l'oeuf et relança son sort.
-- Mon Dieu, j'ai bien cru que ça y était !
Quand elle passa la porte, il y eut une explosion d'applaudissements. Apparemment, d'après les commentaires des autres professeurs, Fleur avait obtenu son oeuf en cinq minutes de moins que Cédric.

À nouveau, les juges lancèrent des chiffres dans les airs et, à nouveau, Augusta regarda le ballet des gardiens dans l'arène. Le vert gallois fut emporté comme le suédois à museau court et le troisième dragon fut amené. Il était plus petit que les deux premiers mais, plutôt que des flammes, lançait des boules de feu dans les airs qui venait griller les moustaches des spectateurs trop penchés en avant.
-- Le boutefeu chinois, Mesdames et Messieurs ! Et contre lui, notre troisième Champion, VIKTOR KRUM !
Le jeune Bulgare entra sur le terrain sans montrer la moindre frayeur. Il se mit à courir en direction du dragon et, avant que celui-ci ait eu le temps de l'apercevoir, le frappa dans l'oeil d'un sortilège.
La douleur mit le boutefeu à l'agonie et il poussa un hurlement assourdissant.
-- Oh oh ! Très audacieux ! fut le commentaire.
Le dragon, aveuglé et furieux frappait au hasard pour atteindre son agresseur. Viktor courait vers le nid, changeant souvent de direction pour éviter les coups. Plusieurs fois, une griffe ou une boule de feu le frôla mais, chaque fois, il déviait au tout dernier moment, comme prévenu par un sixième sens. Augusta aperçut Charlie suivre les évolutions avec un sourire connaisseur sur les lèvres et elle se souvint brutalement que Viktor, tout comme lui, était un attrapeur de Quidditch. Les réflexes, il connaissait !
Dans son aveuglement, le dragon s'était avancé sur son nid et empêchait le Champion de s'en approcher. Ce ne fut qu'après avoir écrasé lui-même la moitié de ses oeufs qu'il s'éloigna à nouveau et que Viktor plongea, s'empara de l'oeuf d'or, et repartit en courant vers la sortie, l'oeuf tenu au-dessus de sa tête tel un trophée.
Les applaudissements qu'il reçut battaient largement ses deux premiers concurrents réunis. Rapide, efficace, courageux, il les méritait largement et Augusta applaudit avec le reste.

Le dernier dragon à entrer fit frémir tous les spectateurs. Plus grand que tous les autres, il avait également un regard plus vicieux et se débattait furieusement sous les sortilèges des sorciers qui l'accompagnaient. Sa queue était parcourue de larges épines pointues et terminée par ce qui ressemblait à une masse d'arme.
Augusta eut la confirmation du danger en voyant huit des douze sorciers qui venaient de raccompagner le Boutefeu chinois, accourir pour se placer comme leurs collègues, le long des murs de l'arène.
-- Et le tout dernier, le magyar à pointes ! Contre lui, notre plus jeune champion, HARRY POTTER !
Potter entra sur le terrain lentement, comme en transe. Il fixait le dragon mais semblait ne pas le voir. Il l'ignora même totalement quand, brandissant sa baguette en direction du château derrière lui, il hurla un sort que nul n'entendit sous les vociférations du magyar.
Rien ne se passa. Comme Potter avait n'avait pas du tout visé le dragon, rien d'étonnant à cela. Des huées se firent entendre du côté des Serpentard et des Poufsouffle.
Puis, une clameur parvint des Serdaigle et tous dirigèrent leur regard vers un point dans les airs.
Un balai approchait.
Personne n'était monté sur ce balai et pourtant il s'avançait droit… vers Potter !
Avant que quiconque ait réalisé qu'il l'avait appelé à lui grâce à son sortilège, Potter avait attrapé son éclair-de-feu et s'était envolé dans les airs.
Voyant enfin sa cible bouger, le dragon cracha un jet de flamme dans sa direction que le garçon évita avec une facilité déconcertante.
Soudain, il plongea, juste sous le nez du magyar. La tête monstrueuse suivit et le dragon cracha à nouveau mais Potter avait disparu une seconde plus tôt et était reparti vers le haut avant que le dragon le réalisât.
-- Mille méduses ! Voilà qui s'appelle savoir voler ! hurla le commentateur d'un air admiratif, partagé par toute l'assemblée. Vous avez vu cela, Mr Krum ?
Potter tournait à présent autour du dragon dont la tête devait commencer à tourner également à force de le suivre. Une fois encore, il dévia juste avant qu'un amas de feu l'atteignît mais ne put complètement éviter la queue qui le frappa à l'épaule, déchirant sa robe et envoyant un flot de sang voler derrière lui.
Il continuait toutefois à voler, changeant toujours de direction, tatillonnant l'immense monstre comme un moustique. Petit à petit, il volait plus haut et le dragon devait se redresser pour tenter de le toucher.
Finalement, exaspéré par Potter, le dragon déplia ses longues ailes noires et sauta dans les airs pour en finir une fois pour toutes.
Quand ses mâchoires se refermèrent, plusieurs cris d'angoisse se firent entendre parmi les spectateurs. Ce n'est qu'en voyant le dragon plonger à nouveau vers le sol qu'ils réalisèrent que Potter avait une nouvelle fois évité le coup et descendait à une vitesse vertigineuse vers les oeufs.
Lâchant son balai, il attrapa l'oeuf d'or des deux mains avant que le dragon eût rien pu faire, rattrapa le manche et le guida d'une traite vers la sortie.
Il y eut une éruption d'applaudissements et de hurlements.
-- Regardez ça ! Non mais regardez ça ! Notre plus jeune champion a été le plus rapide pour s'emparer de son oeuf ! Voilà qui va faire monter les paris sur Mr Potter !
Les vingt gardiens se précipitèrent et durent s'y reprendre à deux fois avant de réussir à immobiliser le magyar enragé. Augusta aperçut fugitivement Charlie et deux autres sorciers tomber au sol sous un coup de queue du dragon et elle se précipita hors des gradins, sans attendre les résultats, de peur que Charlie fût blessé.

-- Arrête de remuer ! Comment veux-tu que je te soigne si tu ne restes pas tranquille deux secondes ?
-- Mais Gus, je te dis que c'est rien !
-- Qui est Guérisseuse ici, toi ou moi ? Ce n'est pas parce que tu as survécu à pire que ce n'est rien ! Maintenant tais-toi et laisse-toi faire !
Charlie, vaincu, obéit sans pour autant quitter des yeux les vas et viens de ses collègues. Il frémit et détourna son attention quand Augusta apposa une pâte nauséabonde sur l'entaille qui traversait son front.
-- Où étais-tu quand je suis venue pour vous soigner tout à l'heure ? reprit-elle quand la blessure fut finalement refermée, ne laissant qu'une cicatrice presque invisible.
-- À la Volière… J'avais promis à ma mère de garder un oeil sur Harry. Tu l'aurais vu la dernière fois que j'étais à la maison… Verte d'inquiétude ! Il fallait que je lui envoie un hibou sur-le-champ pour lui dire que tout s'était bien passé.
-- Ta mère, inquiète pour Potter ? Pourquoi ?
Charlie haussa les épaules.
-- Ben… Elle l'aime bien. Toute la famille l'aime bien, d'ailleurs. Moi inclus. Il est sympa ce gamin et il ne mérite pas tout ce qui peut lui arriver ! Et puis… tu l'as vu voler ? Ça doit être un sacré attrapeur ! Et moi qui pensais que Fred et George exagéraient… Krum, à la Coupe du Monde était meilleur mais de si peu… Il ira loin, je te le dis, et pas seulement parce qu'il est le « Survivant » !
Augusta sourit devant l'expression passionnée du jeune homme.
Le Quidditch…
End Notes:
Un petit chapitre aujourd'hui mais le prochain ne tardera pas.
Chapitre trente-trois by Morgwen
-- Je veux pas aller à l'école.
Occupée à mettre son manteau à Denez, Augusta s'arrêta dans son geste pour regarder Arthur avec étonnement. Charlie s'approcha du petit garçon, s'accroupit pour se mettre à sa hauteur et lui caressa affectueusement la tête.
-- Pourquoi tu ne veux pas aller à l'école Arthur ? demanda-t-il doucement.
-- Parce que la maîtresse elle est méchante avec lui, Papa, répondit Denez à sa place.
-- Et je veux rester avec Tadig ! ajouta Arthur en s'accrochant à son père.
Charlie prit son fils dans ses bras et se tourna vers Augusta.
-- Qu'est-ce qu'on fait ?
Laissant Denez finir de s'habiller tout seul, celle-ci se releva.
-- Arthur, mon coeur, souffla-t-elle. C'est Tadig qui t'emmène à l'école…
-- Mais après il s'en va !
-- Je reviendrai bientôt, dit Charlie.
-- Et on a dit que Denez et toi iriez le voir à Noël.
-- On verra des dragons ? demanda la petite voix de Denez, pleine d'espoir.
Augusta lança un regard significatif à Charlie qui se préparait visiblement à répondre par l'affirmative.
-- Vous êtes trop petits, expliqua-t-il. Vous verrez peut-être des bébés dragons si vous êtes sages et que vous allez bien à l'école d'ici là.
-- Et pour la maîtresse, Tadig parlera avec elle, d'accord ? Elle ne sera plus méchante avec Arthur.
-- Euh… Gus… commença Charlie d'une voix hésitante. Je ne peux pas utiliser la magie contre des moldus comme ça…
-- Qu'est-ce que tu vas imaginer ? Je pensais vraiment que tu devais lui parler, pas autre chose. C'est quand même pas normal qu'elle s'en prenne sans arrêt à lui !
-- J'essaierai. Bon, on y va les garçons ?
Denez avait fini de mettre son manteau et avait réussi à en fermer tous les boutons, ce qu'il ne manqua pas de faire remarquer à sa mère. Charlie reposa son frère sur le sol qui se laissa habiller sans plus protester.
Quand les jumeaux furent prêts, ils passèrent tous quatre le tableau de Gwalchmeï et marchèrent sans croiser personne jusqu'à la Grande Porte du château.
-- A ce soir mes chéris ! dit Augusta en embrassant ses fils.
Puis elle se tourna vers Charlie et le serra dans ses bras. Il prendrait un portoloin à Pré-au-Lard juste après avoir déposé les garçons et elle ne savait pas quand elle le reverrait.
-- Tu vas me manquer, tu sais, dit-il. Et ces deux petits bonhommes aussi. Tu es sûre que tu ne peux pas venir avec eux à Noël ?
-- On en a déjà discuté…
-- J'essaierai de revenir dès que possible. Mais avec l'organisation du Tournoi, j'ai plein de boulot en retard qui m'attend et…
-- Ne t'inquiète pas ! l'interrompit Augusta avec un sourire. On se reverra très bientôt.
Ils restèrent ainsi enlacés un moment avant que Charlie ne se dégageât.
-- À bientôt Gus, dit-il en lui déposant un baiser sur la joue.
-- Au revoir Mammig ! lancèrent les jumeaux alors que Charlie les prenait par la main.
Augusta resta devant la porte à les regarder jusqu'à ce qu'ils eussent disparus de la route.

Les trois semaines qui suivirent furent assez intéressantes. Augusta s'amusait à observer ce qu'elle appelait les « danses de séduction » des élèves. Les filles restaient groupées et murmuraient entre elles en regardant les garçons. Ces mêmes garçons restaient généralement à l'affût pour sauter sur leur proie aussitôt qu'elle était seule. Quelques-uns, parmi les plus âgés, ne prenaient pas de telles précautions et invitaient l'élue de leur coeur devant tout un chacun.
Cette fièvre de vouloir venir accompagné au bal ne touchait pas que les élèves ! Les professeurs mariés avaient invité leur conjoint et d'autres leur… ami. Augusta se souvenait d'un professeur Sinistra rougissant jusqu'aux oreilles en racontant à Rolanda Bibine qu'un certain Gideon, de Pré-au-Lard, avait accepté de venir. Même Hagrid avait invité Madame Maxime !
Sans surprise, certains étaient épargnés par cette étrange maladie. Heureusement, d'ailleurs, car Augusta avait le plus grand mal à imaginer Severus sur une piste de danse ou McGonagall battre des cils… Elle s'étranglait même de rire à cette dernière idée.

-- Comment ça tu viens pas au bal de Noël ? s'exclama Fred.
-- Tu plaisantes ? renchérit George. Tu vas rater Percy se pavaner comme un paon ! M'man nous a écrit qu'il venait à la place de son patron !
-- Là, tu as touché une corde sensible, répondit Augusta en essayant vainement de garder son sérieux. Comment pourrais-je manquer une chose pareille ?
-- Sérieusement, pourquoi tu ne viens pas ? Je croyais que les petits étaient chez Charlie.
Comment étaient-ils au courant ? Décidément, ces garçons savaient trop de choses !
-- Vous êtes bien curieux. Il se trouve que je passe Noël avec Tonks ! Et comme votre frère n'est pas là pour m'accompagner, la perspective d'un bal sans cavalier ne m'attire guère.
C'était une demi-vérité. Tonks passait effectivement au château le 25 décembre après avoir passé le réveillon avec ses parents mais, n'eussent-elles été que toutes les deux, elles n'auraient pas hésité à venir au bal, avec ou sans cavalier ! Seulement Augusta avait un autre invité ce soir là qui, lui, ne voulait apparaître en public : Remus.
Elle avait réussi à le convaincre de venir avec Tonks et il n'avait accepté qu'à la condition qu'il ne fût pas vu des élèves. Il restait même plusieurs jours, puisque les fêtes tombaient à la période de la nouvelle lune. Même s'ils lui manquaient atrocement, Augusta était presque heureuse que ses fils fussent partis rejoindre leur père, lui laissant la Salle Peu Commune pour Remus et elle.
-- Bon… Si tu veux… Tu vas rater quelque chose, pourtant !
-- Vous me raconterez tout ça en détail. Je suis sûre que vous aurez quelques ragots à faire courir avant la fin de la soirée…
-- Nous ? Colporter des ragots ? s'exclama Fred avec un air d'indignation aussi faux que de l'or de lépréchaun.
-- Jamais, voyons ! renchérit George avec la même expression. Pour qui nous prends-tu ?
-- Si on attrape Rogue en train de faire les yeux doux à Madame Pince, bien sûr, on le prendra juste en photo la main dans le sac…
-- Ou dans autre chose…
-- Taisez-vous donc, bandes de malappris ! Allez donc plutôt harceler Peeves plutôt que de raconter des bêtises !
-- A vos ordres chef !
-- Tout de suite chef !
Et les jumeaux déguerpirent du couloir dans lequel ils avaient croisé Augusta en riant aux éclats.
-- Ils ne changeront jamais, soupira-t-elle.
Mais elle souriait.

Quand ils apparurent sur le chemin, Augusta était à la grille, impatiente. Il neigeait dru et nul élève n'était en vue pour voir approcher deux silhouettes emmitouflées jusqu'aux oreilles qui se précipitèrent sur elle en l'apercevant.
Augusta embrassa rapidement Remus avant de serrer Tonks dans ses bras. Puis, elle se dépêcha de les mener à l'intérieur du château où régnait une température plus vivable. Tant de personnes étaient arrivées au château ces derniers jours que nul ne leur porta la moindre attention. Remus tenait toutefois à garder son cache-col sur son visage jusqu'à avoir atteint le portrait de Gwalchmeï.
-- Bon retour parmi nous, professeur Lupin ! s'exclama celui-ci en les voyant arriver. J'ai cru comprendre que vous restiez quelques temps.
Remus se tourna vers Augusta et lui lança un de ses doux sourires, avant de répondre tranquillement.
-- Quelques jours, oui…
Et son regard contenait tant de promesses que Augusta sentit monter en elle un désir qu'elle n'avait pas ressenti depuis son départ. Elle prit la main de Remus et lui rendit son sourire.
-- Hem…
Ils se lâchèrent les mains, la présence de Tonks revenant à leur esprit. Celle-ci paraissait extrêmement gênée et regardait Remus avec étonnement.
-- Désolée, murmura Augusta avant de demander à Gwalchmeï d'ouvrir la porte.
-- Pas grave ! répondit son amie avec un soupir. Je sais que vous vous êtes pas vus depuis un bout de temps mais bon… Si vous pouviez au moins attendre que je sois partie…
Remus rit légèrement et prit la jeune fille affectueusement par l'épaule pour entrer dans l'appartement tandis que Augusta les devançait pour leur préparer un thé bien chaud.

Les vacances de Noël passèrent bien trop vite. Tonks ne passa que la journée de Noël à Poudlard mais Remus, lui, resta jusqu'à la veille de la rentrée. Ils ne sortirent pas de la Salle Peu Commune de tout ce temps. Ils se nourrissaient de l'autre comme s'ils cherchaient à rattraper les six mois de séparation.
L'elfe Corly, plus discret que jamais, leur laissait leurs repas dans la cuisine trois fois par jour et ils mangeaient de bon appétit quand l'envie leur en venait. Si ses fils lui manquaient bien un peu, Augusta n'avait pas souvent le loisir de penser à eux et se contentait de se dire qu'ils étaient entre de bonnes mains avec leur père.
Le premier dimanche de janvier, Tonks vint mettre un terme à leur félicité en ramenant les jumeaux de Pré-au-Lard. Arthur et Denez avaient pris un portoloin depuis la Roumanie sous la surveillance de Charlie au départ et de la jeune femme à l'arrivée. Et elle avait promis à Augusta de ramener Remus jusque chez lui.
Lorsque les garçons se ruèrent sur leur mère, qu'ils n'avaient pas vue depuis deux semaines, elle les serra dans ses bras en pleurant de joie à leur retrouvailles. Le bref éclat de jalousie qui brilla dans les yeux de Remus ne lui échappa toutefois pas.
Lorsqu'il repassa la grille du domaine en compagnie de Tonks, elle ne trouva toutefois rien à lui dire. Quand se reverraient-ils ? Ni l'un ni l'autre ne le savait.
-- Prends soin de lui, murmura-t-elle à Tonks en la prenant dans ses bras. Tu veux bien ? Aller le voir de temps en temps et…
-- T'inquiète pas ! répondit son amie du même ton. Je te le garderai en forme.
Elle se pelotonna alors un moment contre son mari qui lui rendit son étreinte, sans un mot.
-- N'oublie pas que je t'aime ! lui dit-il simplement d'un ton doux avant de se détacher, de l'embrasser brièvement, puis de suivre Tonks sur le chemin.

Le lendemain, parut un article dans la Gazette du Sorcier qui chassa toute préoccupation personnelle de l'esprit d'Augusta. Il était signé de Rita Skeeter, journaliste qui l'avait déjà choquée par ses articles sur la lycanthrophobie, et ne concernait nul autre que Rubeus Hagrid. Le pauvre homme était décrit comme une brute sans cervelle, croisement d'un homme et d'une géante, qui n'avait en tout cas aucune place à Poudlard. D'ailleurs, la mention de l'enseignement d'un loup-garou l'année précédente n'échappa pas à la jeune femme.
Mise hors d'elle par un tel papier, elle leva les yeux vers l'autre bout de la table des professeurs pour apercevoir Hagrid qui la quittait avec précipitation, un journal tombant sur son siège. Elle ne pouvait pas se leurrer de l'espoir qu'il n'eût pas vu l'article. Elle allait le suivre, sans pourtant aucune idée ce qu'elle pourrait faire, quand elle vit le professeur Dumbledore rendre son journal à McGonagall, se lever à son tour tranquillement, et sortir de la Grande Salle comme si de rien n'était. Le directeur saurait quoi dire à Hagrid. Il savait toujours quoi dire dans ces situations.
Elle tenta donc de finir son petit-déjeuner, imitant les autres professeurs qui ne souhaitaient pas, par leur attitude, provoquer la curiosité des élèves. Laissant toutefois la moitié de son repas dans l'assiette, l'estomac noué, elle vida son bol de café et quitta la pièce à son tour pour rejoindre les sous-sols où l'attendait Severus.

Pendant près de deux semaines, Hagrid n'apparut pas à la table des professeurs, n'assura pas ses cours de Soins aux Créatures Magiques, et ne daigna pas même ouvrir sa porte aux visiteurs. Augusta frappa pourtant chez lui tous les jours, certaine qu'il était enfermé chez lui, en vain. Le seul qu'il semblait accepter de recevoir était Dumbledore, lequel donnait des rapports alarmants de l'état d'esprit de son garde-chasse à Mme Pomfresh et Augusta.
-- Mais il n'y a rien que vous puissiez faire, Mesdames. Ce n'est pas par des potions que vous soignerez Hagrid.
Mme Pomfresh avait grommelé quelque chose d'inintelligible à cette remarque et était rentrée à l'infirmerie. Augusta, toutefois, avait choisi d'insister.
-- Mais, vous n'avez rien tenté pour lui remonter le moral ?
-- Il n'y a pas grand chose que je puisse faire, ma chère Augusta, si ce n'est l'assurer de mon soutien. Je connais de longue date la nature de Hagrid et cela ne m'a pas pour autant empêché de l'engager comme garde-chasse puis comme professeur. Mais le pauvre homme reçoit chaque jour des dizaines des hiboux contenant des lettres injurieuses et, chaque fois que je viens le voir, il persiste à me présenter sa démission. Et moi, malgré le nombre de hiboux me demandant de le renvoyer, je persiste à la refuser.
Un instant, la jeune femme fut frappée par une certaine injustice qui lui fit oublier la détresse de son ami.
-- Mais vous n'avez pas refusé la démission de Remus, pourtant, lança-t-elle avant de se mordre les lèvres en réalisant ce qu'elle disait.
Dumbledore lui fit un de ces sourires indulgents qui avaient le don de la mettre sur les nerfs.
-- Hagrid, malgré ses origines, est totalement inoffensif. Du moins, il l'est de par son caractère. Ce qui, vous en conviendrez, n'est pas le cas de votre époux, comme il l'a compris avant moi.
Le directeur la quitta alors pour rentrer à son bureau, la laissant énervée devant la porte d'un Hagrid qui refusait toujours autant de lui ouvrir.
Chapitre trente-quatre by Morgwen
Augusta comptait silencieusement le nombre de tours donnés au bâton de zirconium qu'elle avait réussi à emprunter à Severus après une difficile négociation. Ce qu'il appelait « bras de Galien » était l'un de ses biens les plus précieux et il avait tenu à rester auprès d'elle tandis qu'elle l'utilisait pour la préparation d'une potion à base d'écailles de dragon.
La jeune femme tentait d'ignorer la présence de son ami dans son dos qui surveillait ses moindres faits et gestes et se concentrait sur son chaudron.
Encore un tour…
Ramener le bras de Galien au milieu du chaudron…
Patienter jusqu'à ce que le liquide devînt noir…
Le retirer d'un geste vif…
La potion, sitôt le bâton ôté, prit une teinte blanche comme neige. Augusta se pressa de rendre le précieux instrument à Severus, tant pour l'apaiser que pour s'assurer qu'aucune des gouttes noires s'accrochant encore au bâton ne vînt tomber dans le chaudron.
Le Maître de Potions prit le temps d'essuyer soigneusement son trésor et de le ranger avec précaution avant de se pencher sur le travail de son élève. Alors un sourire perça sur ses traits et il se déclara satisfait.
A ces mots, Augusta sentit une vague de soulagement l'envahir. Cette potion était la plus difficile qu'elle eût eu à concocter pour son examen. Quand elle la présenterait, avec son exposé, devant le jury d'ESPRIT, elle avait les plus grandes chances de réussir haut la main !

Le lundi suivant, à la grande satisfaction des trois quarts de l'école, Hagrid réapparut à la table des professeurs à l'heure des repas. Qu'est-ce que Dumbledore avait finalement pu dire pour le convaincre de reprendre ses cours, Augusta tenta longuement de le deviner. Mais elle n'osait pas aborder le sujet avec l'un ou l'autre et dut se contenter de ses suppositions fantaisistes.

-- Je ne te trouve pas assez sérieuse. Ton examen d'ESPRIT est dans seulement deux mois et tu trouves pourtant le temps de te débaucher avec des élèves.
Augusta regardait Severus, éberluée.
-- Me débaucher avec des élèves ?
Il avait fumé des plumes de Jobarbille, elle ne voyait que cette explication.
-- Je t'ai vu boire de l'alcool au beau milieu de la Grande Salle avec des Gryffondor ! Est-ce bien un exemple à…
-- J'ai partagé une bièraubeurre avec Fred et George Weasley ! se défendit-elle. Ils m'en ont rapporté de Pré-au-Lard et voulaient fêter le retour de Hagrid. Et, de toute manière, je n'ai pas de compte à vous rendre, que je sache. C'est vous qui n'arrêtez pas de me répéter que je n'aurai aucun mal à avoir mon diplôme.
-- Ce n'est pas une raison pour te reposer sur tes lauriers…
-- Mais qu'est-ce qui vous prend, ce soir ? Vous débarquez chez moi en robe de chambre à une heure indue, sous prétexte d'avoir entendu du bruit. Vous râlez tellement pendant un quart d'heure que vous me réveillez les jumeaux. Et maintenant vous cherchez à me faire culpabiliser sur mes révisions ? Non, je suis désolée ! Si vous voulez passer votre mauvaise humeur, trouvez quelqu'un d'autre que moi !
Severus ouvrit la bouche pour répliquer, pâlit et la referma. Apparemment, il venait de se rendre compte que réveiller une femme à une heure du matin pour lui faire des reproches n'était pas une bonne idée.
-- Bon, maintenant, dites moi ce qui vous arrive vraiment !
Il hésita un moment avant de grommeler quelque chose à propos de Maugrey, de Rusard et, évidemment de Harry Potter. Qui d'autre aurait pu mettre le Maître de Potions dans un état pareil ?
-- Vous n'avez pas la preuve que Potter était bien là ! Vous n'avez pas la preuve que Maugrey protège Potter ! Vous n'avez pas la preuve que l'oeuf était celui de Potter ! Vous n'avez pas la preuve que c'était Potter qui fouillait dans votre bureau ! Rentrez donc vous coucher pour être frais à vos cours de demain matin !
-- Mais…
-- Bonne nuit Severus ! ajouta Augusta en s'approchant explicitement de la porte.
Il comprit le message et sortit, tout en bougonnant des mots inintelligibles. Elle referma sur lui, blâmant au passage le pauvre Gwalchmeï pour l'avoir laissé entrer, et repartit se coucher.
Si seulement Potter pouvait disparaître, qu'elle eût un peu la paix !

Depuis Noël, Tonks s'attardait souvent le soir après avoir ramené Arthur et Denez de l'école. Elle parlait de ses missions d'auror – du moins, ce qu'elle avait le droit d'en dire – et donnait des nouvelles de Remus à qui elle rendait visite régulièrement.
Des vraies nouvelles et non ces lettres où il prétendait que tout allait bien. Au moins, Tonks ne tentait pas de cacher à Augusta les dures conditions de vie de son mari. Elle avait même avoué lui avoir prêté de l'argent qu'elle savait pourtant bien ne jamais revoir.
-- Pourquoi est-ce qu'il ne m'a pas demandé ?
-- Il voulait pas que tu t'inquiètes, avait-elle répondu. Il m'a rien dit, d'ailleurs. J'ai juste pas pu m'empêcher de voir qu'il mangeait pas assez.
Elle avait lancé un regard un peu accusateur à Augusta, comme si elle lui reprochait sa bonne santé quand Remus, lui, mourait de faim sans rien dire.
-- Et j'ai du le forcer à accepter. Une vraie tête de mule, quand il s'y met, ton homme !
En tout cas, Augusta voyait avec satisfaction l'amitié grandir entre Tonks et Remus. La jeune fille avait tellement été méfiante au début… Mais il semblait à Augusta que sa meilleure amie gardait l'espoir vain de la voir un jour épouser Charlie. Tout comme Augusta rêvait au jour où elle verrait Tonks devenir Madame Bill Weasley.
On pouvait dire que cette famille faisait travailler leur imagination matrimoniale !

Fin février, la Deuxième Tâche du Tournoi prit place au bord du lac de Poudlard. Tout ce qu'Augusta retint de cet événement grandiose fut d'avoir passé une heure frigorifiée à écouter Severus Rogue accuser Potter d'avoir volé de la branchiflore dans son bureau et que c'était la seule explication pour l'effraction de son bureau un mois plus tôt et l'apparition de branchies sur la tête du garçon.
Augusta lui prêtait une oreille distraite, se retenant de lever les yeux au ciel devant une telle partialité. Elle se demandait pourquoi Dumbledore ne s'était pas arrangé pour que les spectateurs eussent quelque chose à voir de l'épreuve. L'équivalent magique de les filmer à l'oeuvre et de retransmettre le tout sur un écran géant… Parce qu'on ne pouvait pas dire que la Deuxième Tâche fût aussi spectaculaire que la première, loin de là !
Quand les résultats furent annoncés après un assez long conciliabule entre les juges, la seule chose à laquelle pensa Augusta fut qu'elle allait enfin retrouver la chaleur de la salle de potions !

-- Surprise !
Le jour des quatre ans d'Arthur et Denez, Augusta eut le choc de sa vie en voyant débarquer dans sa cuisine Tonks et Charlie à l'heure du petit-déjeuner, tous deux les bras chargés de cadeaux.
Les jumeaux se ruèrent sur les nouveaux venus en criant tandis que leur mère réparait rapidement le bol tombé à terre.
-- Qu'est-ce que vous faites ici, tous les deux ? finit-elle par demander à ses amis.
-- On est venu faire la fête, bien sûr ! répondit Charlie.
-- Tu as fait le trajet depuis la Roumanie pour faire la fête ?
-- Gus, intervint Tonks. Ça fait quatre ans que tu rêves que de ça !
-- Oui… Mais quand même… Vous auriez pu me prévenir…
-- Optimiste comme je suis, je prendrai ça pour un « bienvenue ».
Augusta sourit à Charlie et vint embrasser les deux complices.
-- Allez, les garçons ! On va déballer vos cadeaux dans le salon !
Arthur et Denez suivirent leur père en courant et laissèrent les deux femmes ensemble.
-- Café ? proposa Augusta.
-- Thé.
En un tour de main, la théière était pleine et Augusta la posait sur un plateau, avec des tasses.
-- L'autre fois, ton homme m'a fait goûter un thé extraordinaire. Il a pas un rond mais il sait trouver des bonnes choses.
Son homme… Elle l'appelait toujours comme ça…
-- Comment va-t-il ? Tu l'as vu récemment ?
Elle prit le plateau en main pour l'apporter dans le salon mais Tonks la retint.
-- Hier. Il comptait venir pour l'anniversaire des petits. Jusqu'à ce que je lui dise que Charlie débarquait…
Augusta soupira, pas vraiment surprise.
-- Tu commences à bien connaître Remus. Tu peux imaginer qu'il ne porte pas Charlie dans son coeur. Je pense qu'il a peur de lui-même, d'avoir une réaction violente s'ils se retrouvent face à face.
-- Attends un peu ! J'ai jamais vu un gars aussi calme, avec autant de sang-froid. Je me méfierais plus de Charlie sur ce coup là.
-- Tonks… Il y a des limites émotionnelles qu'un loup-garou ne doit pas franchir. Je l'ai vu à l'oeuvre et, crois-moi, tu ne voudrais pas te retrouver en face de lui à ce moment là !
-- Comment tu peux dire ça de ton propre mari ?
Augusta reposa bruyamment le plateau, la moutarde lui montant au nez.
-- Écoute, ce n'est pas si simple ! Ce n'est pas parce que je l'aime que je ne vois pas le danger qu'il peut représenter. Je l'ai vu prêt à craquer face à Severus Rogue. Et Severus n'avait fait qu'être près de moi. Je ne veux pas risquer la vie de Charlie et de nos fils imprudemment. Au final, je préfère le savoir loin, aujourd'hui.
Le visage de Tonks reflétait l'incrédulité et elle allait rétorquer quand la porte se rouvrit.
-- Qu'est-ce qui se passe ici ? Vous vous racontez des secrets sur moi pour traîner si longtemps ?
Charlie quitta son sourire moqueur devant l'expression des deux femmes pour reprendre.
-- Sérieusement, qu'est-ce qui se passe ?
-- Rien, répondit Augusta avec un sourire froid. Un petit souci qui ne regarde que moi.
Tonks fronça les sourcils mais ne releva pas. Après un moment, Charlie brisa le silence d'un ton entraînant.
-- Tu devrais quand même venir voir à côté. Je crois que les jumeaux ont commencé un élevage.
-- Quoi ?
Il éclata de rire et disparut à nouveau par la porte, suivi de peu par ses amies.
Dans le salon avait été dressée une montagne de peluches de dragons.

Le 15 mars, Augusta passa sa soutenance face à un jury composé de Severus Rogue qui était son directeur d'ESPRIT, du professeur Dumbledore, de Mrs Marchbanks, du guérisseur Clebsch, le directeur de l'hôpital Sainte Mangouste, et huit médicomages de l'hôpital.
Après un exposé théorique de quarante minutes sur les morsures de créatures maléfiques et leurs traitements actuels, elle dut démontrer ses capacités en concoctant différentes potions durant toute une journée. Fort heureusement, les applaudissements qu'elle avait reçus à la fin de son discours avaient fait disparaître toute son anxiété et elle réussit toutes ses préparations haut la main.
Au sortir de l'épreuve, elle erra dans l'infirmerie pendant ce qui lui parut une éternité, attendant le verdict de ses juges. Bien que la partie raisonnable de son cerveau lui assurât qu'elle n'avait pas de souci à se faire, une autre ne pouvait s'empêcher de tourner comme un ours en cage et de se demander ce que se racontait les douze personnes en train de décider de son sort.
Au point que Madame Pomfresh finit par la menacer de potion calmante sous prétexte qu'elle fatiguait ses patients par ses incessantes allées et venues.
Quand Dumbledore entra finalement dans la grande pièce, Augusta fit trois pas en avant, fut prise d'un vertige et dut se retenir au lit le plus proche – dont l'occupant la regardait en rigolant doucement.
-- Albus, dites-nous vite le résultat avant que la petite nous fasse une attaque ! dit Madame Pomfresh.
-- Que voulez-vous donc savoir ? demanda ingénument le directeur avec un sourire taquin. Quelle mention Miss Pye a-t-elle obtenu ?
-- J'ai eu mon ESPRIT ? demanda Augusta d'une voix presque inaudible.
-- Évidemment, Augusta ! Je m'étonne même que vous puissiez avoir le moindre doute sur la question. Si nous avons délibéré si longtemps, c'est à cause de la détermination de Severus que vous obteniez Optimal, ce en quoi je le soutenais, d'ailleurs.
-- Vous lui avez mis Optimal ?
-- Eh bien, je reconnais que oui. Même si je dois vous avouer, mon enfant, que je ne saurais vous dire quelle part a pris le regard foudroyant de Severus dans cette décision.
La note qu'elle avait reçue importait bien peu à Augusta. Seulement une autre préoccupation venait de prendre sa place.
-- Et qu'est-ce que je vais devenir maintenant ? demanda-t-elle à Dumbledore.
Il sourit, comme agréablement étonné qu'elle lui posât une telle question.
-- Nous en parlerons demain, si vous le voulez bien. Ce soir, contentez-vous donc de fêter ça avec Miss Tonks.
Et il disparut par où il était venu.

-- Prof de potions ?
Augusta fixait Dumbledore en guettant la trace d'un sourire, quelque chose qui lui confirmât que ceci n'était qu'une autre de ses plaisanteries qu'elle ne goûtait pas.
-- Et Severus ?
-- Vous vous souvenez, je pense, qu'Alastor n'a accepté le poste de professeur de Défense Contre les Forces du Mal que pour une année scolaire. Je pourrais donc proposer cet emploi à Severus si j'avais quelqu'un pour prendre sa place de Maître des Potions.
-- Il n'en est pas question ! Je refuse !
-- Ma chère Augusta, reprit Dumbledore d'un ton doux mais catégorique. Vous savez comme moi que vous ne sortirez pas de Poudlard tant que votre sang pourra ressusciter Lord Voldemort.
Elle ne le savait que trop bien, effectivement ! Bientôt douze ans qu'elle vivait avec la certitude qu'elle ne sortirait jamais d'ici.
-- Mais…
-- Bien sûr, puisque vous n'avez jamais demandé à être emprisonnée sur ce domaine, je ne peux pas vous forcer à payer votre séjour…
Encore heureux ! Il ne manquerait plus que ça !
-- Mais si vous préférez ne pas nous aider à faire tourner l'école – ce que je peux accepter – vous n'aurez plus aucun subside. En ce cas, vous ne pourrez plus nourrir ou habiller vos enfants qui seraient obligés de s'en aller vivre avec leur père…
Oh l'immonde manipulateur ! Elle lui lança un regard digne de Severus qui ne fit pourtant frémir aucun poil de sa barbe.
-- Sans compter votre époux qui a bien besoin des aides financières que vous pouvez lui envoyer régulièrement…
Utiliser Denez, Arthur et Remus pour la faire plier… Comment faisait-il donc pour dormir la nuit ? Mais ça ne marcherait pas avec elle !
-- Je ne serai jamais professeur, répondit-elle. J'ai donné assez de cours particuliers pour savoir que je ne suis pas faite pour ça. Vous oubliez que j'ai passé des diplômes de médication ? Pourquoi, à votre avis ? Ça fait quinze ans que je soigne les gens, je ne vais pas changer ça maintenant ! Alors inutile de me parler des gens que j'aime pour me faire changer d'avis !
Elle crut voir l'ombre d'un sourire traverser le visage de son interlocuteur mais, quand il parla, son ton était toujours le même.
-- En ce cas, j'ai bien peur que ne puissions nous entendre. A moins que…
Il s'interrompit, comme plongé dans ses réflexions.
-- Que ?
-- C'est une idée qui me vient… Comment vous expliquer ? A cause de ses cours, Severus n'a pas le temps de préparer toutes les potions dont aurait besoin Madame Pomfresh à l'infirmerie et que nous sommes obligés d'acheter une fortune. Vous pourriez vous en occuper, tout en continuant d'assister Pompom dans ses soins aux élèves…
Pas de doute, c'était mieux que d'être prof !
-- Vous ne gagnerez évidemment pas le salaire d'un professeur mais, vu vos connaissances exceptionnelles, vous proposer la même paye que Madame Pomfresh me paraît raisonnable…
-- D'accord ! intervint-elle avant qu'il ne change d'avis.
-- Cela vous convient ? Parfait ! J'en parlerai aux intéressés tout à l'heure. Vous pouvez disposer, Augusta.
Elle se leva de son siège en pensant à ce poste qu'elle venait d'accepter. Elle allait avoir beaucoup de travail. Mais passer ses journées à concocter des remèdes, c'était le bonheur !
-- Au revoir professeur ! dit-elle en quittant le bureau.
Bien sûr, passer ses journées au milieu des chaudrons était difficile… Les vapeurs de la plupart des potions vous donnaient une sacré migraine avant la nuit…
-- Bonne journée Augusta.
Mais elle continuerait de soigner les élèves avec l'infirmière.
L'escalier tournant se mit à descendre, l'emportant vers le couloir.
Quand elle aurait le temps…
-- Le salaud !
Alors que la gargouille reprenait sa place, elle avait réalisé que Dumbledore l'avait une fois de plus manipulée pour lui faire accepter avec reconnaissance un emploi dont personne de sensé n'aurait voulu !
Chapitre trente-cinq by Morgwen
Augusta regardait avec satisfaction autour d'elle. Elle avait installé ses chaudrons sous les grandes fenêtres qui assureraient une constante aération de la pièce et l'inondaient de lumière claire. Flitwick lui avait installé un système de stores qui se fermaient ou s’ouvraient d’un simple petit sortilège et lui permettaient de placer la pièce dans l’obscurité la plus totale pour certaines potions photosensibles. Tout un mur était couvert d'une étagère – encore vide – qui recevrait bientôt ses réserves d'ingrédients. De l'autre côté, trois meubles fermés contenaient le matériel dont elle aurait besoin. Elle eut un léger sentiment de satisfaction en songeant qu'au moins la moitié de ces instruments lui appartenait en propre. Au fond de la pièce, un large bureau et un siège confortable faisaient face aux fenêtres.
Augusta pouvait être reconnaissante à Dumbledore de lui avoir mis à disposition un tel laboratoire.
Elle était en train d'accrocher un tableau derrière son bureau -- un paysage côtier offert par Tonks -- quand Severus entra, un large coffre flottant à sa suite.
-- C'est ma commande ? lui demanda-t-elle sans même le saluer.
Il répondit par l'affirmative et eut un petit sourire amusé quand elle se précipita pour ouvrir le coffre.
-- On croirait que tu viens de découvrir un trésor, remarqua-t-il.
-- C'est le cas, murmura-t-elle.
Le couvercle soulevé révélait une multitude de récipients de toutes sortes, emplis de plantes, organes et minéraux. Tout ce dont elle avait besoin, des ingrédients de base aux plus rares, pour créer une pharmacopée digne de ce nom.
Elle attrapa un bocal au hasard. Une étiquette jaunie portait un nom latin en larges caractères rouges. A l'intérieur, une poudre grisâtre de l'aspect le plus ordinaire qui fût.
-- Regardez ! dit-elle en la brandissant sous le nez de Severus. Vous avez idée de tout ce que je peux faire avec ça ?
Elle croisa son regard et se vit dans son esprit. Son sourire émerveillé, la rougeur de ses joues, les étoiles qui brillaient dans ses yeux noirs…
-- Bien sûr, il n'y a encore qu'un échantillon de ce que tu seras amené à utiliser, remarqua le Maître de Potions après un coup d'oeil appréciateur, mais tu peux d'ores et déjà te mettre au travail. S'il te manque quoi que ce soit, n'hésite pas à venir puiser dans ma réserve !
Cela faisait des années qu'elle n’hésitait pas à puiser dans sa réserve. Mais inutile de le lui faire remarquer.
Une bulle chaleureuse flottait dans la poitrine d'Augusta tandis qu'elle sortait ses ingrédients les uns après les autres et les rangeait soigneusement à la place qu'elle leur avait réservée. Bien sûr, la grande étagère était encore peu fournie mais, bientôt…
Bientôt…

L'euphorie ressentie par Augusta à la constitution de son laboratoire retomba bien vite. L'infirmière avait besoin de tant de produits que la jeune diplômée passait ses journées à concocter des potions, souvent basiques et sans grand intérêt.
Son laboratoire, pour être aussi bien agencé, était un peu isolé et elle ne voyait âme qui vive de la journée, excepté aux heures de repas, quand elle rejoignait la Grande Salle. Elle n'avait alors même pas l'occasion de discuter avec Severus qui parlait généralement à voix basse avec Dumbledore ou McGonagall d'un air préoccupé. Le soir, il s'enfermait à double tour dans son appartement et refusait de voir quiconque. Augusta supposait qu'il supportait de plus en plus mal la surveillance constante de Maugrey et les avances curieuses de Karkaroff et qu'il ne souhaitait qu'un peu de tranquillité.
Tonks, de son côté, paraissait avoir énormément de travail. D'après elle, les anciens serviteurs de Voldemort s'agitaient beaucoup et les Aurors étaient surtout occupés à chercher à les prendre la main dans le sac. En tout cas, la jeune femme ne s'attardait plus après avoir ramené ses filleuls de l'école, les laissant généralement aux mains de Corly à la grille du domaine avant de repartir aussitôt.
Au final, pendant de longues semaines, la vie d'Augusta sembla ralentir, se transformer en une routine difficilement supportable. Cela lui rappelait le « métro-boulot-dodo » qu'elle avait tant craint dans son ancienne vie. Elle avait presque l'impression que son âge véritable la rattrapait. Le jour de ses trente-six ans – officiellement vingt-trois – elle ne prit même pas la peine de fêter son anniversaire. À quoi bon ? Les jumeaux étaient partis chez Charlie pour les vacances de Pâques, Tonks était en mission Dieu seul savait où, la pleine lune retenait Remus chez lui et Severus n'avait jamais été du genre à faire la fête.
Était-ce à cela que ressemblerait le reste de sa vie ?

Tonks fixait le fond de sa tasse vide avec insistance, sous le regard amusé d'Augusta. Elle connaissait bien ce comportement et attendait tranquillement que son amie amenât le sujet qui lui brûlait les lèvres.
Elles étaient assises toutes les deux dans le salon de la Salle Peu Commune un vendredi après-midi. Tonks ayant reçu un jour de congé, Augusta avait décidé de s'en octroyer un également et de passer la journée avec elle. Elles avaient papoté joyeusement jusqu'à l'heure du thé où le silence était tombé et Tonks avait commencé à regarder le fond de sa tasse.
-- Morgwen ?
-- Hmm ? fit l'interpellée.
Tonks avait enfin décidé de parler.
Alors elle réalisa.
-- D'où sors-tu ce nom ? demanda-t-elle, son sourire perdu.
Elle n'avait jamais donné son vrai nom à ses amis. Il n'avait même pas passé ses propres lèvres depuis près de douze ans. Elle faisait tout pour oublier cette autre vie qui avait été la sienne, cette vie de liberté. Ce n'était pas pour qu'elle lui fût ainsi brutalement rappelée !
Fusse par sa meilleure amie !
-- Qui t'a dit ce nom ? insista-t-elle, l'énervement la gagnant devant le mutisme de Tonks.
-- Il voulait pas… Il…
-- Qui ?
-- Ton hom…
-- Remus !
Évidemment ! Qui d'autre aurait pu lui en parler ?
-- Et qu'est-ce qu'il t'a dit d'autre ? Il t'a raconté comment on s'est connu ? Il t'a expliqué pourquoi il m'a abandonnée ?
-- Non ! Il… Je…
-- Vous parlez souvent de moi comme ça ?
Elle criait de colère à présent.
-- Il vient pleurer sur ton épaule et tu le réconfortes de ce que sa femme reste loin de lui ?
-- Gus ! Attends !
Mais Augusta ne voulait pas en entendre plus. Elle se leva brusquement, ouvrit la fenêtre et s'envola à l'extérieur avant que Tonks eût pu ajouter un mot.

Elle ne rentra que plusieurs heures plus tard.
Il lui avait fallu un long moment pour se calmer et un plus long encore pour comprendre que son excessive réaction avait été une simple crise de jalousie.
Jalouse de Tonks !
Elle ne l'aurait jamais deviné mais elle enviait Tonks qui pouvait passer autant de temps qu'elle le souhaitait avec Remus. Et qui ne s'en privait pas, d'ailleurs, puisque c'était Augusta elle-même qui le lui avait demandé.
Et une part de son esprit avait mal interprété l'amitié née entre eux, l'admiration que Tonks portait à Remus et ses reproches concernant les peurs d'Augusta.
Ridicule !
Il fallait qu'elle s'excusât auprès de son amie. Jamais elle n'aurait dû douter d'elle et jamais plus elle ne recommencerait.
Elle fut donc soulagée, en rentrant dans la Salle Peu Commune, de voir Tonks assise avec les jumeaux. Tous trois étaient absorbés dans un jeu mettant en scène certaines des innombrables peluches de dragon des garçons. Tonks en tenait une large de couleur mauve au-dessus de sa tête et émettait un mélange de grognements et de soufflements supposés imiter la terrible créature. Les enfants avaient chacun un dragon plus petit et tentaient de le rapprocher de celui de leur marraine pour l'attaquer. Ou peut-être lui faire des câlins.
Tonks avait l'apparence qu'elle prenait quand elle les accompagnait à l'école : elle ressemblait trait pour trait à Charlie et aurait pu passer pour la mère des jumeaux auprès de n'importe qui.
-- Mammig !
Augusta ne l'aurait pas juré mais elle l'avait l'impression qu'Arthur avait crié avant de tourner la tête vers elle. Il sauta sur ses pieds, aussitôt suivi par Denez, et les deux têtes rousses se ruèrent sur elle.
-- Bonsoir mes trésors ! Je vois que vous étiez sages avec Tonks.
Denez se lança alors dans un récit détaillé et un peu confus de leur jeu et Augusta, l'écoutant d'une oreille, leva les yeux vers son amie et lui sourit. Celle-ci, qui la regardait avec inquiétude, sourit à son tour.
Tout était pardonné.

En fait, Remus n'avait rien dit à Tonks.
Quelques temps plus tôt, alors que la jeune fille était chez lui, le prénom « Morgwen » lui avait échappé et, malgré son refus d'explications, son invitée avait rapidement déduit à qui le nom avait appartenu.
L'incident avait toutefois ouvert un monde de curiosité chez Tonks qui se retenait avec difficulté de poser une montagne de questions.
Augusta dut se contenter de lui répéter que ce secret ne lui appartenait pas mais résolut de demander à Dumbledore l'autorisation de tout révéler à son amie, ainsi qu'à Charlie.
Tous deux méritaient de savoir.
Et elle avait une confiance aveugle en eux.

Parler avec Dumbledore était plus facile à décider qu'à faire. Augusta avait l'impression que, même si elle avait cessé de travailler et monté la garde devant son bureau, le directeur n'aurait pas pris le temps de la recevoir. Il paraissait surchargé de soucis et de travail. Elle ne l'entrapercevait qu'aux heures de repas et, même alors, il ne profitait pas de ce moment pour se détendre. Il discutait avec un air sérieux avec Severus, McGonagall ou Maugrey et lançait de fréquents regards au jeune Potter qui, évidemment, ne se rendait compte de rien. L'approche de la dernière tâche du Tournoi ne pouvait pas être la seule raison du surmenage du vieux sorcier !
Augusta s'en ouvrit à Severus à la première occasion qui ne se présenta que le soir de la pleine lune de juin. Il était venu jusqu'à son laboratoire pour s'assurer qu'elle rentrerait bien chez elle et ne passerait pas une nouvelle fois la nuit à regarder la lune au milieu de ses chaudrons. Mais quand elle commença à l'interroger, il lui répondit sèchement de s'occuper de ses affaires et de ne pas se mêler de ce qui ne la regardait en rien.
Devant son air choqué, il se reprit.
-- Pardonne-moi Augusta, dit-il avec tant de lassitude dans la voix qu'elle oublia aussitôt son ton précédent. Mais j'ai l'impression de passer mon temps à tenir les gens loin de mes affaires. Entre cette journaliste à Pré-au-Lard, Maugrey qui me pose les questions les plus personnelles, Karkaroff qui veut mon soutien et Potter et son gang qui fouinent partout…
Évidemment ! Que serait une tirade de Severus sans Potter ?
-- … j'avoue être un peu nerveux ces temps-ci.
D'autant plus qu'il ne cessait de porter la main à son avant-bras, remarquait Augusta. Quoi que cela signifiât exactement, ça ne pouvait rien présager de bon.
-- Et Dumbledore a les mêmes soucis que vous ?
-- Entre autres. Mais je ne peux pas lire ses pensées et il est bien des choses dont le directeur ne parle à personne.
Il y eut un moment de silence pendant lequel Severus regardait distraitement les fioles de remède déposées sur le bureau. Il frottait lentement son avant-bras à travers le tissu de sa manche.
-- Severus ! dit Augusta d'une voix qu'elle espérait ferme. Montrez-moi votre bras !
-- Quoi ? répondit-il, encore plus sur la défensive qu'à l'habitude. Pourquoi ?
-- Vous n'arrêtez pas de vous gratter. Je veux vérifier que n'avez pas d'irritation.
Il la regarda un moment avec méfiance puis son regard se troubla et elle comprit qu'il réfléchissait à ce qu'il devait faire.
-- Soit, finit-il par lâcher en regardant ailleurs.
Comme il ne faisait aucun mouvement, toutefois, elle s'approcha de lui et lui attrapa le poignet d'une main.
De l'autre, elle remonta la manche noire.
Ce qui frappa ses yeux fut une tache sombre, juste sous le coude, nettement visible sur la peau blanchâtre de Severus. Elle avait déjà vu ses bras à plusieurs reprises et était certaine que cette tache n'existait pas auparavant.
Elle leva vers lui un regard interrogatif mais son visage était détourné.
Elle reprit donc son examen, frôlant cette anomalie du bout des doigts. La peau glaciale de Severus y était tiède, presque chaude…
Et cette tache avait un drôle d'aspect… Comme un tatouage vieilli par les ans, l'encre perdant de sa substance. En l'approchant de ses yeux, elle pouvait presque distinguer un dessin.
Une marque arrondie au milieu de l'avant-bras et un long ruban qui tournait au-dessus et venait mourir dans le creux du coude…
Où avait-elle déjà vu un tel graphisme ?
Elle approchait sa baguette du tatouage – si c'en était bien un – dans l'espoir de le faire mieux apparaître mais Severus lui saisit la main violemment.
-- Non ! dit-il avec urgence.
Elle croisa son regard et, soudain, elle fut ailleurs.

Une pièce sombre, aux rideaux tirés.
Un feu mourant dans la cheminée laissait entrevoir la silhouette d'un homme agenouillé devant elle. Son visage était baissé mais elle ressentait ses émotions comme si c'était les siennes : sa peur, son dégoût, sa colère…
Il releva la tête et elle reconnut Severus. Mais un Severus aussi jeune que lorsqu'elle l'avait rencontré. Plus jeune même. Il ne devait pas avoir plus de vingt ans.
Et ses traits ne reflétaient que l'obéissance et l'admiration.
Pourtant, ces sentiments étrangers de révolte et d'horreur étaient toujours présents.
-- Maître, souffla-t-il, d'une voix neutre.
Il lui présenta son bras à la manche relevée et la lueur des flammes y tomba.
Le tatouage était noir comme la nuit et le dessin était net : un crâne humain de la bouche duquel s'élevait un serpent qui finissait la gueule ouverte pour dévorer.
Mais Severus ne la regardait pas. Il regardait derrière elle.
Elle se retourna juste à temps pour éviter de se faire bousculer par un homme qui s'approchait lentement de son ami sans la voir.
Un homme ?
Non, celui qui se tenait devant elle ne pouvait pas être un homme !
Sa robe noire ne suffisait pas à cacher sa maigreur, ni la couleur spectrale de sa peau.
Et son visage…
Sans relief, il rayonnait de cruauté. Le sourire satisfait qu'il adressait à Severus était plein de menace. Et le feu rouge qui brillait dans ses yeux entrait comme une brûlure dans l'âme du jeune homme. Augusta sentit son dégoût et sa peur se mêler à ceux de Severus.
Un instant, elle avait cru être en présence d'un détraqueur mais la créature tenait une baguette entre ses longs doigts blêmes. Elle la pressa d'ailleurs sur le tatouage de Severus et la marque sembla prendre vie. Augusta voyait nettement le serpent remuer et sortir lentement de la peau du sorcier.
Mais la créature ôta sa baguette et Severus rabattit sa manche.
L'être malfaisant éclata alors d'un rire qui glaça le sang des deux spectateurs.
Severus baissa les yeux et la pièce disparut.

Augusta était à nouveau dans son laboratoire, son poignet emprisonné par la main du Maître de Potions.
Elle se dégagea vivement.
-- Qu'est-ce que c'était ?
Il eut un petit sourire triste.
-- J'ai toujours su que tu avais des capacités pour la légilimencie…
Il rabaissait sa manche sur la marque à nouveau effacée.
-- Répondez-moi, Severus !
-- Tu viens de vivre un de mes souvenirs, ramené bien involontairement par l'approche de ta baguette de la Marque des Ténèbres.
-- Vous voulez dire que cette vision… Ça s'est vraiment passé ? Que cette… chose existe vraiment ?
-- Existait, corrigea-t-il, sans grande conviction toutefois.
Un déclic se fit dans l'esprit de la sorcière.
-- Voldemort ? C'était Voldemort ?
Il acquiesça du menton, négligeant de la reprendre sur le nom, contrairement à son habitude.
Alors c'était ça Lord Voldemort ? En un instant, tous les griefs qu'elle pouvait avoir contre Dumbledore qui la retenait prisonnière ici s'envolèrent. Non, jamais on ne pouvait prendre le risque que cet être revienne à la vie !
-- Mais… ajouta-t-elle. Vous l'avez appelé…
-- Maître, oui, termina Severus.
Severus, un serviteur de Voldemort ?
Impossible !
Un sentiment d'horreur, de trahison monta en elle et elle recula de plusieurs pas.
Il fit un mouvement pour la retenir mais se reprit et se soupira.
-- Oui, j'étais un serviteur du Seigneur des Ténèbres et, non, je ne le suis plus. Dans le cas contraire, j'aurais eu mille fois l'occasion de le ramener grâce à toi.
L'argument simple suffit.
Elle le croyait.
Mais elle voulait en savoir plus.
-- Pourquoi ? demanda-t-elle, sans trop savoir quelle était sa question.
Pourquoi avait-il rejoint Voldemort ?
Pourquoi l'avait-il quitté ?
Pourquoi lui disait-il aujourd'hui ?
-- Tu dois savoir qu'enfant, j'avais de bonnes raisons de haïr les moldus. Je ne te raconterai pas mes années avant de rentrer à Poudlard mais, en arrivant ici, j'étais déjà prêt à suivre les idéaux du Seigneur des Ténèbres. Et je n'étais pas le seul ! En sept ans, j'ai eu le temps d'être endoctriné par tous ceux qui sont devenus mangemorts par la suite. J'ai donc rejoint Ses rangs sitôt ma sortie de l'école. Et je L'ai servi avec fierté et fidélité.
Il s'interrompit un moment et la regarda.
Tant de douleur et de regrets !
-- Mais il y a des moyens que même la fin de justifie pas, reprit-il. Un jour, j'ai surpris une conversation de Dumbledore et l'ai répétée à mon Maître. Et cette conversation a mené à la tentative de meurtre de Potter et la chute du Seigneur des Ténèbres.
Augusta ne comprenait pas bien ce point. Elle ouvrit la bouche pour poser une question mais Severus n'avait pas terminé.
-- Mais avant d'assassiner Potter, Il choisit d’éliminer ses parents. Je n’ai jamais caché que la mort de James Potter me réjouissait mais… elle…
Il déglutit et détourna le regard.
Si une seule larme devait un jour venir aux yeux de Severus Rogue, il ne la remercierait par d'en être témoin.
-- Quand il a affronté les Potter la première fois, elle a failli y passer. Un de nos espions à l'hôpital Sainte Mangouste m'a dit qu'elle était restée inconsciente pendant douze jours, se battant avec la mort. Ce furent les douze plus longues journées de ma vie ! Quand elle s'est réveillée le treizième, j'ai compris que je pouvais plus le servir. Je suis allé trouver Dumbledore et suis devenu un agent double.
Son histoire était terminée.

Un long silence suivit. Severus était assis sur le bord du bureau et son regard se perdait dans le vide devant lui, plongé dans des souvenirs douloureux.
Augusta le regardait.
Elle essayait d'ajuster ce qu'elle venait d'apprendre avec tous ces souvenirs intrigants qu'elle avait de lui. Et elle réalisait que l'homme qui se tenait abattu devant elle était celui qu'elle avait toujours connu, l'homme en qui elle avait le plus confiance au monde.
Et il avait si mal…
Elle se rapprocha et fit quelque chose qu'elle n'aurait jamais osé en d'autres circonstances.
Elle le prit dans ses bras.
Et Severus revint dans le monde présent. Il s'accrocha à elle de toute la force de sa douleur mais aucune larme ne vint.
La nuit était tombée et la pleine lune les éclairait d'une lumière fantomatique.
Il finit par se dégager pour s'avancer vers la porte d'un pas raide. Il sortit sans un mot.
Il n'avait pas besoin de parler.
End Notes:
Vous savez, j'ai écrit ce chapitre avant la sortie du tome 7. J'avais dès le départ envie d'insinuer que Severus était amoureux de Lily. Mais je n'aurais jamais imaginé que ce serait du canon et j'ai été vraiment surprise à la sortie des Reliques de la Mort. Du coup, toutes mes petites insinuations discrètes qui amenaient à cette grande révélation tombaient à l'eau puisque les lecteurs, eux, le savaient déjà.
Chapitre trente-six by Morgwen
Le temps était radieux et Augusta avait décidé d'abandonner ses potions et de profiter de ce début de soirée en emmenant ses fils faire une balade autour du lac. Elle avait effectivement décidé – sur les supplications de Charlie – de les envoyer en vacances chez leur père avant la fin de l'année scolaire. Tonks avait obtenu deux semaines de congé exceptionnel et les accompagnerait en Roumanie le prochain week-end. Augusta espérait que la dernière tâche du Tournoi, la semaine suivante, et toutes les célébrations qui suivraient suffiraient à occuper ses heures creuses.
L'été serait long, elle le sentait…
En attendant, autant passer le plus de temps possible avec les jumeaux.
D'ailleurs, en parlant de jumeaux !
-- Arthur ! Denez !
Les deux enfants ainsi interpellés lâchèrent la main de leur mère pour courir vers leurs oncles qui venaient de faire leur apparition au tournant du chemin.
-- Salut Gus ! lança aimablement George pendant que Fred s'accroupissait pour frotter les deux petites têtes rousses devant lui.
-- Bonsoir, répondit Augusta. Je croyais qu'il n'y avait pas d'entraînement de quidditch cette année ?
Les jumeaux étaient effectivement vêtus de leurs robes de sport, un balai dans une main, une batte dans l'autre.
-- Il faut bien qu'on garde la main, expliqua tranquillement Fred. Sinon comment on fera pour mettre la vermine de Serpentard à genoux l'an prochain ?
-- Et ces petits entraînements se passent tout à fait dans le cadre des règles de l'école, n'est-ce pas ?
-- Bien sûr, Madame-l'Ancienne-Préfète-en-Chef ! Est-ce qu'on est du genre à ne pas suivre le règlement ?
Augusta sourit. Ne voyant aucun d'eux transporter de balle, elle préféra ne pas leur demander sur quoi il s'entraînaient mais fit une note « ne pas voler en animagus près des jumeaux » qu'elle rangea dans le tiroir « à-ne-jamais-oublier » de son esprit.
-- Ce qui est dommage, reprit George, c'est qu'on ne puisse plus utiliser le stade ! Voler au-dessus du parc est sympa mais c'est quand même pas pareil.
-- Pourquoi vous n'utilisez plus le stade ?
Ils échangèrent un bref regard.
-- On va te montrer, c'est le plus simple !

Le week-end arriva sans qu'Augusta eût trouvé l'occasion de parler avec Dumbledore. Elle ne put donc pas contenter la curiosité naturelle de Tonks quand celle-ci se présenta pour emmener les jumeaux.
Les deux femmes emmenèrent les garçons pique-niquer à leur endroit favori, au bord de la Foret Interdite. Augusta avait évité cet endroit autant que possible dans l'année. Il lui rappelait trop à quel point elle avait été bernée et utilisée par Sirius Black.
Mais Denez avait insisté.
Elle essayait donc d'effacer de ses pensées l'image du large chien noir pour profiter des derniers moments avec ses fils qu'elle ne verrait pas de l'été. Elle les regardait tendrement, s'emplissant de leur image.
Deux mois sans eux…
Denez babillait avec Tonks, riant aux éclats, se levant et se rasseyant toutes les trois minutes. Il parlait des bébés dragon que son père avait promis de leur montrer, arrachait une plante proche de ses petites mains, la ramenait en courant pour en connaître le nom, l'oubliait et se remettait à rire.
Arthur, comme à son habitude, restait calme et silencieux. Il regardait tout ce qui l'entourait tranquillement, comme s'il ne devait plus les revoir et voulait les graver dans sa mémoire. En croisant le regard de sa mère, il lui sourit et s'approcha pour venir se serrer dans ses bras. Comment ce garçon pouvait-il avoir l'air à la fois si fort et si fragile ?
Et comment ses fils pouvaient-ils être si différents l'un de l'autre ?
Quand elle dut leur dire au revoir à la grille du château, le coeur d'Augusta se serra. Jamais ils n'avaient passé plus de quinze jours séparés !
-- T'inquiète pas ! la rassura Tonks. Si c'est trop dur pour eux ou pour toi Charlie et moi on te les ramène illico !
-- Merci. Ça ira. Charlie devrait pouvoir passer tout ce temps avec ses fils.
Elle serra alors les jumeaux contre elle.
-- Embrassez votre Tadig pour moi ! Soyez bien sage avec lui et Tonks ! Tonton Severus a dit qu'il passerait vous voir.
-- Au revoir Mammig ! dit Denez joyeusement quand Augusta les relâcha.
-- Kenavo Mammig ! dit Arthur de cet air grave qui seyait si peu à ses quatre ans et demi.
Il déposa un baiser humide sur sa joue, lança un long regard sur le château derrière elle puis attrapa la main que Tonks lui tendait.

Le mercredi suivant, Augusta eut la surprise de sa vie quand, au moment d'entrer dans la Grande Salle pour le petit-déjeuner, elle tomba nez à nez avec nul autre que Bill Weasley.
-- Bill ? Mrs Weasley ?
Elle venait de remarquer sa mère, juste derrière lui.
-- Mais qu'est-ce que vous faites ici ?
-- Bonjour Augusta, répondit Mrs Weasley. Nous sommes ici pour la troisième tâche, bien sûr. Nous sommes ce qui se rapproche le plus d'une famille pour le pauvre Harry, après tout.
Il fallu une bonne minute à Augusta pour ajuster ce qu'elle venait d'entendre. Les Weasley, la famille de Harry Potter ? Elle avait oublié que le plus jeune fils était le meilleur ami du garçon. Il était vrai que sa propre vision de la famille concernait plus les deux aînés et les jumeaux.
-- Vous avez déjeuné ? demanda-t-elle un peu abruptement.
Sur leur négative, elle les invita à prendre le petit-déjeuner dans son appartement, ce qu'ils acceptèrent avec curiosité.
Au moment où Gwalchmeï les laissait passer, elle se félicita de ce que Denez et Arthur fussent absents du château. Elle supposait que Mrs Weasley ignorait toujours son statut de grand-mère – son comportement avec elle aurait été bien différent dans le cas contraire – et elle n'aurait pas voulu qu'elle l'apprît en tombant nez à nez avec deux portraits crachés de son fils.
Elle les abandonna dans le salon quelques minutes pour préparer le repas et ne fut pas surprise en revenant de voir Bill debout et regardant la pièce avec un petit sourire en coin.
Lui savait et voyait la trace des enfants partout.
-- C"est nouveau, ce truc à ton oreille ? demanda Augusta pour distraire l'attention de sa mère qui commençait à regarder d'un oeil curieux une peluche de dragon qui traînait sur un fauteuil.
La diversion marcha mieux qu'elle eût pu espérer. Mrs Weasley paraissait avoir cette étrange boucle d'oreille en aversion et, à l'expression de Bill, devait tenter de le convaincre de l'abandonner depuis un bout de temps.
Quand ils eurent couvert la boucle d'oreille de Bill, ses cheveux longs et son style vestimentaire, celui-ci regarda brièvement sa montre avant de s'adresser à sa mère.
-- M'man, il faudrait qu'on y aille !
-- Oui, tu as raison. Ne faisons pas attendre Harry !
-- Il ne nous attend pas, M'man, puisque c'est une surprise.
Mrs Weasley ignora cette dernière réplique.
-- Augusta, merci beaucoup.
-- Mais de rien ! Ça m'a fait très plaisir de vous revoir.
-- Viens donc nous voir cet été, avec ton amie Tonks !
Augusta sourit sans répondre, se promettant de transmettre l'invitation à son amie.
-- Tonks est en Roumanie, M'man. Avec Charlie.
-- Celui-là alors… Il me dit qu'il meurt d'envie de voir la troisième tâche mais qu'il a trop de choses à faire pour le moment. Et il trouve le temps d'inviter une amie !
-- Je suis sûr qu'il a largement de quoi s'occuper ! Et la présence de Tonks ne peut que le soulager, dit Bill avec un sourire furtif à Augusta.
Puis, devant l'expression que prenait sa mère, il ajouta :
-- Et non, il n'y a rien entre eux deux, M'man ! Ne commence pas !
Mrs Weasley eut un petit rire mais ne releva pas tandis que Bill roulait les yeux au ciel.
-- Bon, Gus, on doit vraiment filer, lui dit-il. Tu diras à Tonks que ça me ferait vraiment plaisir de la voir à la maison dans l'été ?
Augusta acquiesça, son instinct matrimonial réveillé à ces mots. Tout espoir n'était pas encore perdu de voir sa meilleure amie entrer un jour dans la famille Weasley.

Il n'y avait pas un nuage dans le ciel mais Augusta savait que la nuit serait sombre. La lune n'était qu'un mince ruban de lumière qui n'éclairerait rien. Elle regardait le crépuscule, suivant le cortège d'élèves vers le stade de Quidditch et se demandait si, cette fois, elle verrait quoi que ce fût de l'épreuve.
Devant elle se dressait le labyrinthe que lui avaient montré les jumeaux une semaine plus tôt. Une lumière diffuse en provenait, éclairant vaguement les gradins qui l'entouraient.
Elle s'arrêta soudain.
Du coin de l'oeil, elle avait cru voir…
Non ! Elle avait du rêver ! La lumière du couchant était trompeuse et les ombres n'étaient pas ce qu'elles semblaient être.
Tout de même, cela ne coûtait rien de vérifier…
Longeant les gradins, elle avança vers la Forêt Interdite. Elle prit sa baguette en main et le sort d'éclairage qu'elle conjura lui révéla la forme qu'elle n'avait fait qu'entrapercevoir.
Le grand chien noir !
Ses griefs envers cet homme remontèrent à la surface à la vitesse d'un bouchon de champagne qui exploserait.
Le côté festif en moins.
-- Black… cracha-t-elle.
Et sa voix, froide, ressemblait étrangement à celle de Severus.
Le chien regarda rapidement autour de lui et, tout à coup, un homme se tenait à sa place. Un homme maigre, aux cheveux sombres et sales, au teint maladif, au regard effrayant.
Une fois croisé ce regard, on ne voyait plus rien d'autre.
Il s'y reflétait les douze années qu'il avait passées en prison. Les douze années en compagnie de ces horribles créatures.
-- Augusta, c'est bien ça ? Enchanté.
Elle fut surprise de son ton cordial. Il lui présentait un sourire tranquille, un rien moqueur, comme s'il n'y avait rien de plus naturel que cette rencontre.
Comme elle ne répondait pas, il reprit.
-- Lunard a amélioré ses goûts, je dois dire.
L'étincelle moqueuse se propagea à son regard et elle se souvint avec acuité de ces moments de liberté avec Remus, sous l'oeil de ce qu'elle n'avait cru être qu'un animal.
-- Que faites-vous ici ?
Son ton était digne d'une ère glacière et le sorcier perdit un peu de sa nonchalance.
-- Cela ne vous regarde pas, il me semble. Mais je suis là pour veiller sur mon filleul.
Son filleul ? Potter…
-- Dumbledore ne…
-- Je suis ici à l'invitation de Dumbledore, coupa-t-il.
Puis, après un moment de silence.
-- Ça ne vous ferait rien de baisser votre baguette ? demanda-t-il d'un ton plus léger. Je n'ai pas pour habitude d'agresser les jeunes filles. Surtout les femmes de mes meilleurs amis !
Elle hésita une seconde puis obtempéra. Elle avait beau vouloir l'étriper, elle savait qu'elle ne risquait rien avec lui. D'autant qu'il n'avait pas l'air d'avoir de baguette.
-- Maintenant, si vous voulez bien m'excuser, je suis attendu ailleurs.
Avant qu'elle eût pu répondre, Black avait disparu et le chien noir s'éloignait tranquillement en direction de la cabane de Hagrid.
-- Oh non ! Tu va pas t'en tirer comme ça, marmonna Augusta derrière lui.
Rangeant sa baguette dans la poche de sa robe, elle se transforma à son tour et s'envola à sa suite. Elle le rejoignit rapidement mais il ne réalisa pas qui était le minuscule oiseau qui volait à son côté.

Les deux animagi atteignirent le champ de citrouilles alors qu'un coup de sifflet retentissait au milieu des gradins.
C'était le troisième.
Le garde-chasse accueillit le chien noir d'une brusque caresse sur le crâne tandis que son propre chien, Crockdur, gardait ses distances.
-- Maintenant que tu es là, toutou, je peux aller encourager Harry, dit-il à Black, du soulagement dans la voix. J'aimerais bien savoir pourquoi Dumbledore voulait que je t'attende mais bon. Il a une bonne raison. Il a toujours des bonnes raisons. C’t un grand homme, Dumbledore !
Donc Hagrid ne sait pas qui est ce chien, songea Augusta en se posant sur la barrière. Le géant l'aperçut et lui sourit.
-- Bonsoir Augusta ! Tu n'es pas dans les gradins ?
Black tourna vivement la tête vers elle et elle sentit un brin de satisfaction la parcourir alors qu'elle reprenait sa forme originelle.
Chacun son tour d'être dupé !
-- Je surveille ce chien, répondit-elle à Hagrid. Vous pouvez y aller.
Il ne se le fit pas dire deux fois.
Black attendit que le géant ait disparu avant de se transformer.
-- Je suppose que Remus ne vous avait pas dit ça, lui dit-elle ironiquement.
-- Remus ne m'a rien dit, en ce qui vous concerne, répondit-il. Il n'a jamais été très communicatif mais là, il était carrément muet !
Son incrédulité devait être visible car il reprit.
-- Non, c'est vrai ! Tout ce que je sais de vous, je l'ai appris ici, l'an dernier.
-- Quand vous vous serviez de moi !
-- Non ! commença-t-il. Enfin… si, un peu… Mais j'aurais vraiment pu vous utiliser si j'avais voulu…
-- Ce n'est pas comme ça que vous me ferez vous pardonner.
-- Oh là ! Calmez-vous Augusta ! Vu les circonstances, je serais probablement mort de faim sans votre aide alors ne me demandez pas de regretter ce que j'ai fait !
Des exclamations de triomphe montèrent des gradins mais ni l'un ni l'autre ne prit garde aux « Poudlard ! Poudlard ! » qui parvenaient jusqu’à eux.
-- Vous auriez pu aller voir Dumbledore. Ou Remus.
Il ne la regardait pas. Elle avait raison et il le savait.
-- Et prendre le risque qu'ils ne me croient pas et me remettent aux mains des détraqueurs ?
-- Ils vous auraient écouté. Ils vous auraient donné votre chance.
Il ne répondait pas. Elle poussa son avantage.
-- De toute manière, jamais vous n'auriez dû vous comporter avec moi comme vous l'avez fait !
-- Qu'est-ce que je pouvais faire d'autre ? s'insurgea-t-il. C'est vous qui cherchiez à me caresser, non ?
-- Vous pouviez refuser !
-- C'est ce que j'ai fait !
-- Au début seulement !
-- Je… Vous… Vous ne pouvez pas comprendre ! Douze ans qu'aucune femme ne m'avait approché…
Oh, si, cela, elle pouvait le comprendre. Mais pour rien au monde elle ne lui aurait avoué !
-- Et vous êtes plutôt attirante, en plus ! continuait-il. Si vous n'étiez pas la femme de Remus…
-- Parlons-en de Remus ! Vous lui avez dit que vous le regardiez s'envoyer en l'air avec sa femme ?
Elle le vit se mordre les lèvres et allait continuer quand de nouveaux hurlements jaillirent des gradins.

En un battement de cil, Augusta avait sorti sa baguette, en position défensive.
-- Je ne sais pas ce qui se passe mais ce n'est pas une célébration…
La voix de Black était claire, précise. Les poings fermés, il paraissait prêt à faire face à toute forme de danger.
Et il avait raison : les clameurs de triomphe avaient laissé la place à des cris d'horreur. Il s'était passé quelque chose d'imprévu. Et grave !
Il fit quelques pas en avant mais s'arrêta dès qu'il passa la barrière.
-- Dumbledore m'a dit de rester ici. Quoi qu'il arrive… grogna-t-il.
Tout son corps était tendu vers les cris mais une volonté plus grande que la sienne le maintenait dans le champ de citrouilles.
Augusta sentait que ce qui se passait était bien plus important que leur dispute ; elle compatissait de le voir obéissant quand il voulait se jeter à l'aide de son filleul. S'approchant, elle posa une main légère sur son épaule.
-- Je vais aux nouvelles, murmura-t-elle de ce ton apaisant qu'elle utilisait avec ses fils.
Et, après un bref sourire qu'elle voulait réconfortant, elle s'élança.

Il lui fallu quelques minutes pour arriver aux gradins et, quand elle les atteignit, elle se heurta à la foule qui refluait en désordre. Apercevant Severus, elle joua des coudes jusqu'à lui.
-- Diggory est mort ! lui annonça-t-il avant qu'elle eût pu poser une question. Potter et lui sont apparus à la sortie du labyrinthe. Lui mort, Potter blessé. Et Potter dit qu'Il est revenu !
-- Il… Voldemort ? balbutia-t-elle.
Severus ne la regardait déjà plus. Il parcourait la foule des yeux.
-- Severus ! insista Augusta. Voldemort est de retour ?
Sans baisser son regard vers elle, il souleva a manche de sa robe et révéla son avant-bras.
La Marque des Ténèbres était noire comme le jais et elle sentait sa chaleur irradier.
Elle n'eut pas le temps de poser une autre question car Severus la quitta brusquement et elle le vit rejoindre Dumbledore qui se dégageait de la foule. Elle les suivit des yeux jusqu'à ce qu'ils atteignissent le château puis fit demi-tour et repartit vers la cabane de Hagrid.

À peine avait-elle eu le temps de répéter à Black ce qu'elle avait appris qu'un bruit de pas précipité leur parvint, s'approchant rapidement. Un instant plus tard, le professeur McGonagall arrivait en courant – Minerva McGonagall courait ! – pour se trouver face à face avec un grand chien noir et une petite hirondelle bleue et blanche.
La stricte sorcière reprit son souffle un moment, une main posée sur la barrière, l'autre sur son coeur. Elle regardait Black avec curiosité mais ne lui dit pas un mot. Apparemment, elle n'avait pas vu Augusta dont elle connaissait bien la forme animale. Elle finit par poser une main sur la nuque du chien et le pousser doucement en direction du château. Celui-ci, comprenant qu'il devait la suivre tel qu'il était, se mit en marche sans un regard en arrière. Il devait être impatient de savoir ce qui était arrivé à Potter.
Augusta hésita une seconde avant de s'envoler pour les suivre.
Elle n'avait pas eu le temps de réfléchir à ce qui s'était passé mais elle sentait que sa vie était sur le point de basculer. Tandis qu'ils avançaient, elle ne voyait que le tatouage noir sur la peau blême de Severus…
Avant qu'elle eût pu reconnaître le chemin, ils montaient l'escalier tournant qui menait au bureau du directeur. McGonagall ouvrit la porte et Black entra dans la pièce sans hésiter. Augusta eut tout juste le temps de s'introduire dans l'entrebaillement avant que la sorcière ne refermât sur eux.

Ils avaient tous deux repris forme humaine mais ni l'un ni l'autre ne songeait à renouer leur dispute.
Augusta était assise au fond d'un fauteuil, les jambes repliées contre sa poitrine et entourées de ses bras. Devant elle, Black tournait en rond en silence.
Les minutes s'écoulaient comme des heures.
Voldemort avait-il vraiment ressuscité ? Oui, cette marque brûlante ne pouvait rien signifier d'autre. Elle se souvenait de sa vision, le souvenir de Severus. Elle avait ressenti la peur de son ami face à cet homme. Elle avait connu comme un fait indéniable la cruauté du sorcier et les horreurs qu'il ne craignait pas de commettre.
Elle avait peu entendu parler de cette guerre qui s'était déroulé avant sa découverte du monde sorcier mais ce peu était suffisant. L'homme qui faisait les cent pas devant elle avait combattu et elle sentait sa peur autant que son impatience.
Soudain, des pas dans l'escalier !
Black et Augusta échangèrent un regard et elle se transforma pour s'envoler.
La porte s'ouvrit au moment où elle se posait sur le perchoir de l'oiseau rouge et or.
Dumbledore et Potter entrèrent dans le bureau et Black se précipita sur son filleul. Il l'assit sur une chaise tandis que Dumbledore faisait le tour de son bureau pour s'installer dans son fauteuil. Alors que le garçon piquait du nez, le directeur expliqua à Black que Maugrey n'était en fait pas Maugrey mais un mangemort qui avait usurpé son identité. Il avait alors fait entrer Potter dans le Tournoi dans le seul but de le faire gagner, ce qui lui permettrait de l'attirer vers son maître.
Augusta n'avait pas bien suivi les explications mais n'osait pas révéler sa présence pour en apprendre plus.
À la fin du récit, l'oiseau à son côté quitta le perchoir et vint se poser sur les genoux de Potter. Son mouvement attira l'attention de Dumbledore qui réalisa la présence d'Augusta. Il se contenta d'un léger mouvement de tête dan sa direction et reporta son regard sur le jeune garçon.
-- Bonjour Fumseck murmurait celui-ci.
Il était tellement épuisé que le coeur de guérisseuse d'Augusta saignait à le voir ainsi.
-- Laissons-le dormir. Il a besoin de repos, disait Black, une main sur son épaule, et Augusta était de tout coeur avec lui.
Mais Dumbledore ne l'entendait pas de cette oreille et Potter dut parler.

Quand Potter eût fini son récit, le doute n'était plus permis.
Lord Voldemort était revenu.
Dumbledore se leva pour accompagner le garçon à l'infirmerie avec Black qui avait repris son apparence de chien. Augusta voulut les suivre mais, sur le seuil, le directeur lui lança un bref regard qui lui demandait clairement de demeurer où elle se trouvait.
Il ne fut pas absent longtemps et elle ne prit même pas la peine de se transformer en attendant. Elle restait sur le perchoir du phénix, contemplant la créature en se demandant comment elle avait fait pour ne pas réaliser plus tôt sa nature.
Tout sauf penser à ce qu'elle venait d'entendre…
Lorsque Dumbledore revint, il lui présenta un siège de la main dans lequel elle s'assit en même temps qu'elle reprenait sa forme humaine.
-- Augusta, je n'ai que très peu de temps à vous consacrer.
Pas de réponse.
Elle attendait.
-- Vous l'avez entendu : Lord Voldemort est de retour.
Silence.
-- Depuis douze ans, vous avez interdiction de sortir de ce domaine de peur que votre sang ne puisse servir à ce qui s'est passé ce soir.
Le silence se chargea d'espoir.
-- Je n'ai donc plus de raison de vous retenir ici. Mais sachez-le, Poudlard sera toujours votre foyer si vous le souhaitez.
-- Je suis libre ? murmura Augusta, plus pour elle-même que pour le vieux sorcier en face d'elle.
Un léger sourire apparut sur les lèvres de Dumbledore.
-- Oui. Maintenant, Augusta, je dois vous laisser. Fumseck vous guidera où vous souhaitez aller.
Il se leva et la guida à la porte.
Lentement, comme dans un rêve, Augusta retraversa le château jusqu'à la porte principale.
Libre…
Elle marcha lentement jusqu'aux grilles et s'y arrêta.
Le phénix l'attendait, la tête inclinée.
Là où elle souhaitait aller…
Elle sourit et fit un pas en dehors de l'enceinte de Poudlard.
Rien ne se passa.
Le phénix la regarda un moment puis s'envola.
Son sourire s'agrandit.
Suivant l'oiseau des yeux, elle étendit les bras et s'envola à sa suite.

Vers la liberté…

Vers Remus…
End Notes:
Et voilà la conclusion de cette histoire.
Je suis encore en train de chapitrer le début de l'histoire suivante mais vous devriez la découvrir très bientôt. ;)
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