Author's Notes:
Le poète Charles Baudelaire a laissé des « plans et projets de romans et nouvelles » qu’il n’a malheureusement pas pu écrire avant de mourir. Aidez Monsieur Baudelaire à sécher ses larmes et réalisez pour lui un de ses plans secrets !
♥ Votre nouvelle devra avoir comme titre l'un des projets ci-dessus, et s'en inspirer.
♥ Vous devrez insérer dans votre texte une citation d'un auteur contemporain de Baudelaire -> Merci de bien noter la référence (oeuvre, auteur, etc.) en note de fin ou dans votre note d'auteur.
♥ Votre texte comprendra au moins une référence à un oiseau.
♥ Votre texte devra contenir CINQ mots par sens, soit 5 mots pour l'odorat, 5 mots pour l' ouïe etc. Cinq sens, cinq mots donc 25 mots. Merci de mettre en évidence les 25 mots choisis (gras, soulignés) !
♥ Contrainte de mots : 800 mots minimum
* Exceptionnellement, il est possible d'écrire moins que la limite de mots minimum imposée, mais pour être juste envers ceux qui respectent la règle et qui ont déjà écrit 800 mots minimum, le point de participation ne sera pas accordé.
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Petite note de l'autrice :
-> Ce chapitre a failli se nommer Le Marquis Invisible. Mais finalement non.
-> Il n'est en aucun cas la suite du chapitre précédent. Pardon.
-> C'est très alambiqué d'un point de vue stylistique, mais j'espère que ce court OS trouvera malgré tout grâce à vos yeux.
Merci ! :)
Mon frère était un prince auréolé d’une couronne charbonnée. Il était de ces hommes qui se savent beaux, écroués dans une prétention assumée, accablés par leur arrogance. Il était empereur de ce monde qui l’admirait, qui le convoitait, qui le désirait. Il était le futur roi, héritier des propriétés et des biens de notre grande dynastie, dauphin de la richesse et de la prospérité de notre nom. Il était également déserteur, parjure, renié.
Marquis invisible et discret jusqu’à sa défection, jamais je n’avais eu l'ambition d’accéder à son rayonnement. J’étais son antonymie, celui qui lui permettait de briller. Mais il m’avait fallu monter sur la première marche, écraser mon ainé. Pour père. Pour mère. Marqué à vie par ce désaveu, pour racheter les fautes de ce noble fou. Et puis il y avait eu ce jour où j’avais perçu l’évidence, ouvert mon esprit.
Et me voilà donc aux portes de mon égarement.
Perdu quelque part sur les côtes de Grande-Bretagne. Le vent rugit sur la plaine, tel un loup qui hurle sur l’astre au front d’argent. Il couvre les croassements des corbeaux. Le ciel est de cuivre, sans lueur aucune. On croirait voir vivre et mourir la Lune. Il y a ici, au pied des falaises, un antre monstrueux et carnivore. La caverne est une large anfractuosité obscure, étouffante et oppressante. Sa paroi est sombre, abrupte, escarpée. Je lève les yeux vers son plafond voilé. Il s’étend en ces lieux un lac sans fin, lisse comme du cristal pur. Pas un souffle. Pas un bruit. Pas une odeur. Rien pour troubler la quiétude de la grotte. J’aperçois simplement au milieu de ce souterrain un brasillement verdâtre qui éclaire un maigre îlot.
Le médaillon est là. Il transparait au travers de la mixture émeraude vaporeuse. Il pourrait suffire de tendre la main et de s’en emparer. Rien ne sera si facile. Je songe au prince renié. Sourd, je n’avais pas saisi la vérité qu’il me criait pourtant aux oreilles. Un jour quelqu’un aura la force et la conviction de s’élever face au Seigneur des Ténèbres. Un homme ou une femme capable de défier cette créature immonde. Si le sacrifice de mon insignifiante existence peut permettre à ce martyr de vaincre alors je n’ai droit à aucune hésitation.
Mon serviteur me dévisage tandis que je lui ordonne de me donner la coupe. Le liquide est brûlant sur ma langue. Je m’engouffre dans la spirale infernale de la géhenne. Un serpent remonte au travers de mes entrailles, dégustant mes viscères, me laissant agoniser dans l’indifférence. Le désespoir au bord des lèvres, j’ai envie de vomir, de recracher ce breuvage infâme qui me consume, qui s’infiltre dans mes artères, dans mes veines, jusqu’à mon cœur assombri.
Mes genoux noueux tombent sur le sol. Écorché vif. Je ne le sens pas. Ma bouche est emplie des cendres de ma terreur, de toutes ces horreurs. J’inspire un mélange nauséabond, fétide. Un parfum mortel. Je me traine jusqu’à l’eau, jusqu’à mon répit. Point de fin avec honneur. Une tenaille squelettique à la peau émaciée, blafarde, sort du lac. Elle est ferme sur le col de ma chemise. Des cris résonnent vaguement tandis que je plonge. Je me fais engloutir par le lac, comme je me suis fait engloutir par la noirceur.
Je glisse dans l’eau. Le froid m’apaise. Dehors, les nuages ont recouvert la lune. Il me semble entendre le fracas des vagues contre les falaises anglaises. Mon esprit s’envole dans les bourrasques.
Déserteur, me souffle le vent.
End Notes:
-> La citation que vous retrouverez en italique dans le texte est une citation de Paul Verlaine - Dans l'interminable ennui de la plaine. Autant dire que le reste de mes mots fait pâle figure à côté, mais tant pis.
-> Concernant les champs lexicaux, cette contrainte étant relativement subjective en fonction du contexte de chaque mot, j'ai fais au mieux. Voici le résumé :
VUE : Invisible, voir, yeux, aperçois, dévisage
OUIE : Perçu, Bruit, sourd, oreilles, entendre
GOUT : brûlant, langue, dégustant, lèvres, bouche
ODORAT : Odeur, inspire, nauséabond, fétide, parfum
TOUCHE : Main, emparer, sens, froid, peau
-> Concernant la référence à un oiseau, il s'agit des corbeaux du troisième paragraphe.