Story Notes:
Cette fiction est une réponse au concours de Violety qui se nomme Portraits de jeunes sorcières en feu dont voici les contraintes :
- Votre texte doit avoir pour thème centrale une romance entre deux ou plusieurs femmes et/ou personnes non-binaires. Vous pouvez également raconter un amour non-réciproque.
- Votre histoire doit utiliser un "trope" classique de la fanfiction, choisi dans la liste ci-dessous, ou choisi par vous-même car je peux en avoir oublié (mais ce doit être réellement un "trope", c'est à dire un motif scénaristique récurrent dans les fanfictions).
- Les OCs sont autorisées, mais au moins l'une des deux (ou plus) personnages impliquées dans la romance doit être une femme ou une personne non-binaire de l'univers d'Harry Potter. Vous pouvez bien entendu décider qu'un personnage considéré comme masculin dans le canon est, dans votre histoire, une femme trans ou une personne non-binaire se reconnaissant dans le genre féminin. Dans ce cas, faites attention à être respectueux.se des identités et des vécus trans et NB.
- Votre texte doit faire minimum 1000 mots. Il n’y a pas de maximum, mais vous devez avoir publié au moins 50 % de l’histoire avant le début des votes.
En ce qui me concerne, les personnages que j'ai choisis sont Pansy Parkinson ( que tout le monde connaît normalement) et Morag MacDougal (une élève de Serdaigle seulement mentionnée dans la promotion de Harry). Comme habituellement, cette fiction s'incrit dans la lignée de mes autres fictions sur Pansy (dans l'ordre : Les affranchis, Loterie, Haunted, The Shadows of the past) (celle-ci se situe juste après Loterie), et le One-Shot que j'ai écrit sur Morag MacDougal à l'occasion d'un autre concours (Plus loin que nos jours). De la même façon, je continue d'écrire sur les traumatismes après-guerre à travers l'histoire de ces deux femmes et de ce femslash.
Le mois de février venait à peine de commencer, revêtant son glacial manteau blanc. Quelques flocons virevoltaient dans le vent, se posant gracieusement sur les toits enneigés, redescendant sur les tuiles glissantes, jusqu’à venir s’écraser sur les bonnets des riverains pressés en cette froide matinée. Pansy resserra sa cape sur ses épaules frêles mais cela n’empêcha malheureusement pas la bise mordante de se frayer un chemin jusqu’à sa poitrine. Son coeur exécuta un soubresaut désastreux et elle trembla un peu plus tandis qu’elle se hâtait dans les rues du Londres moldu.
Ce n’était pourtant pas la première fois qu’elle parcourait ces rues, mais elle avait toujours l’impression de se perdre entre ces allées qui se ressemblaient toutes, de dériver malgré elle et de subir les regards malsains des passants qu’elle rencontrait au gré de ses tergiversations, de ses pérégrinations. C’était sa propre culpabilité qui rejaillissait, ses propres remords qui l’assaillaient et créaient une douce folie, une lente paranoïa dans son esprit. Ils la jugeaient, ils savaient forcément qui elle était, ce qu’elle avait fait, personne ne pouvait plus l’ignorer. C’était toujours les mêmes pensées qui la traversaient, les mêmes cauchemars qui se succédaient, les mêmes souvenirs qui la hantaient.
Alors, Pansy se hâtait dans les rues du Londres Moldu, la tête baissée sur ses bottines noires et usées qui s’enfonçaient dans la poudreuse et lui glaçaient les pieds, sa cape resserrée sur ses épaules maigres, la capuche lui cachant presque la totalité de son visage émacié. Plus vite aurait-elle atteint sa destination, plus vite elle obtiendrait ce dont elle avait tant besoin depuis deux ans et pourrait retourner se terrer dans l’anonymat le plus complet, au fond de l’Allée des Embrumes, dans une vieille auberge mal famé où elle travaillait depuis peu. La fierté, déjà salement amochée, de la jeune femme la poussait à raconter qu’elle avait choisi son exil de la société, qu’elle s’en accommodait très bien.
En réalité, elle refusait encore d’admettre sa déchéance. En verité, elle n’avait pas su faire face aux retombées de son procès à la fin de la guerre, elle s’était brisée et ses parents l’avaient simplement reniée. Son existence dorée s’était effondrée, emportant avec elle tout ce qu’elle avait été. Sa seule victoire, à ce jour, était d’avoir survécu à sa chute, une agonie insupportable aux relans d’orgueil bafoué, d’amertume viscérale et de rage incommensurable contre l’univers tout entier.
Ceci était, à n’en pas douter, une véritable aubaine pour le psychomage qu’elle voyait dernièrement, un affable homme douteux qu’elle considérait comme un ignoble charlatan, celui-là même qu’elle se pressait de rencontrer pour récupérer la seule chose qui lui importait actuellement : son ordonnance. Une ordonnance qui lui donnerait accès aux potions de sommeil, potions dont elle était incapable de se passer, rongée par les insomnies et les souffrances de ses mauvais songes.
Enfin, au bout d’une rue comme toutes les autres qu’elle finit pourtant par reconnaître avec un soupir de soulagement, Pansy s'arrêta devant une vieille bâtisse qui portait le numéro 20. Rien ne semblait indiquer qu’un psychomage dispensait des séances de magico-thérapie en ces lieux, et aucune plaque ne portait son nom. Il suffisait seulement de grimper quelques marches, de décliner son identité puis de frapper une série de quatre coups brefs suivis de trois coups plus marqués, pour que la porte s’ouvre d’elle-même sur son visiteur comme si elle avait été animée d’une vie propre.
Lorsqu’elle s’ouvrait, elle laissait place à une pièce relativement petite où quelques fauteuils plus ou moins confortables étaient installés, ainsi que quelques guéridons en bois sur lesquels on avait disposé des magazines et journaux sorciers. Les murs, d’un blanc trop neutre, étaient recouverts d’affiches criardes où s’illuminaient des slogans agressifs vantant les mérites des produits pharmaceutiques émis par l’hôpital Sainte-Mangouste. Sur la droite de l’entrée, une porte menait au cabinet du psychomage dont le nom était cette fois affiché en grosses lettres d’or : D. Warren. Le simple fait d’entrer dans cet endroit donnait à Pansy une irrépressible envie de fuir, tout comme la sirupeuse bienveillance de l’homme qui s’érigeait en maître de la psychanalyse sorcière lui donnait envie de vomir.
Un détail, cependant, capta son attention ce jour-là. Quelqu’un d’autre était présent dans cette salle d’attente. Pour la toute première fois depuis le commencement de ses visites, Pansy n’était pas seule dans cette pièce. Une femme se tenait debout, près de la porte du cabinet du psychomage. Ses traits fins étaient tirés sous une épaisse tignasse de cheveux roux bouclés, et ses grands yeux bleus étaient fixés sur ses doigts qu’elle tordait dans tous les sens. Elle marmonnait, à un rythme rapide, une salve de mots incompréhensibles.
Pansy haussa un sourcil suspicieux et, comme chaque fois qu’elle venait, alla s’asseoir sur le fauteuil le plus éloigné de la porte. Ce dernier, qui n’était plus de toute première jeunesse, grinça dangereusement et la jeune femme serra nerveusement les dents. Ce n’était qu’un mauvais moment à passer. Un très mauvais moment, rien de plus. Ensuite, elle aurait ce qu’elle voulait. Et ce soir, elle pourrait dormir sans que rien ne vienne la perturber. Sans que les cauchemars, les doutes perpétuels et ses sempiternels pêchés ne viennent l’étouffer dans son sommeil. Forte de cette pensée, elle ferma un instant les yeux mais, lorsqu’elle rouvrit les paupières, elle eut la désagréable surprise de voir que l’inconnue la fixait étrangement.
— Est-ce que mon visage vous déplaît ?
Pansy n’était peut-être plus cette princesse qu’on lui avait longtemps permis d’être, mais il n’en restait pas moins qu’elle en avait conservé les manières. Sa réplique, pernicieuse, laissait poindre un soupçon de supériorité fortement appuyé par son attitude. Les lèvres pincées et le menton levé, elle dévisageait à présent farouchement la femme en face d’elle. Celle-ci, loin de s’en trouver ébranlée, parut soudainement se désintéresser d’elle et contempla longuement ses mains entrelacées avant de relever les yeux vers le vide à sa gauche.
— On l’a déjà vue, j’en suis sûre. Si t’étais là, tu saurais qui c’est, fit-elle d’une voix attristée.
C’était presque comme si elle parlait à quelqu’un. Une troisième personne que l’inconnue était la seule à percevoir. La scène, dérangeante, arracha un frisson à Pansy qui ne put s’empêcher de vouloir attirer l’attention de la jeune femme sur elle. Claquant des doigts dans sa direction, elle y parvint. Les yeux bleus revinrent se poser une nouvelle fois sur elle.
— Est-ce que c’est de moi dont vous parlez ?
— Bien sûr. De qui d’autre je parlerais ?
— Eh bien, vous sembliez parler à… répondit-elle en désignant la droite de la jeune femme rousse.
— Nous ne sommes que deux dans cette pièce.
Tout à coup, l’anxiété mue par la tristesse qu’elle avait cru lire dans la posture et la voix de la jeune femme s’était transformée en une colère froide, comme si elle s’était immiscée dans une intimité où elle n’était pas la bienvenue. Le ton, aussi glacial que le vent à l’extérieur de la bâtisse, figea la brune qui ne sut plus que répondre.
Si elle la détrompait en certifiant l’avoir vue s’adresser au vide, c’était elle qui passerait pour une folle furieuse ; mais, si elle allait dans son sens, ce serait similaire puisque l’autre s’était arrangée pour que ce soit elle qui ait l’air de divaguer. La seule solution, dans le cas présent, était le repli. Si, lors de son adolescence, Pansy aurait été incapable de déclarer forfait dans ce genre de conversation, elle avait fini par comprendre qu’il était parfois nécessaire de ravaler sa fierté si on ne voulait pas l’abîmer davantage dans un combat perdu d’avance. D’autant que la pente était relativement glissante…
— Comme vous voudrez, abdiqua-t-elle dans un haussement d’épaules las.
Pansy ne savait pas pourquoi cette femme se trouvait ici, dans cette pièce, à attendre le Docteur D. Warren et elle ne voulait certainement pas le savoir. Sans qu’elle ne le veuille, l’apparence de l’inconnue semblait lui hurler qu’elles avaient le même âge, qu’elles s’étaient sans doute croisées à Poudlard, qu’elle aussi avait vécu la guerre d’une façon ou d’une autre, qu’elle n’était pas seule à en garder des séquelles. Elle ne savait pas pourquoi cette femme était ici, et elle ne voulait pas le savoir. Il n’était pas question de porter un autre fardeau que le sien. Les autres ne l’avaient jamais intéressée, et ce n’était pas près de changer. Tout ce qu’elle voulait, c’était son ordonnance.
— Il n’est pas déplaisant.
— Pardon ? s’étonna Pansy sans comprendre.
— Votre visage. Il n’est pas déplaisant.
Pour la seconde fois, Pansy ne répliqua pas. Peut-être parce que les changements d’humeur de l’inconnue étaient si rapides qu’elle n’avait pas le temps de la suivre. Peut-être que la jeune femme avait l’air tellement sincère qu’elle fut incapable de mettre sa parole en doute. Ou alors, peut-être était-ce parce que ses grands yeux, d’un bleu trop clair, rivés sur elle la troublaient brusquement un peu trop pour qu’elle trouve quelque chose à dire.