Summary:
Le moment est venu pour Astoria de vider sa chambre. C'est alors qu'elle tombe sur un journal intime oublié, témoin privilégié de ses treize ans. Or, cela faisait bien sept ans qu'elle n'avait plus repensé à son sauveur-de-boue...
Participation au concours "Les associations improbables" lancé par Hazalhia, avec le couple Astoria/Neville.
3e place
Image libre de droit, montage par mes soins.
Fiction courte en 4 chapitres.
Categories: Romance (Het),
Tranches de vie,
Réponse aux défis Characters: Astoria Greengrass, Drago Malefoy, Neville Londubat
Genres: Epistolaire, Missing Moments, Romance/Amour
Langue: Français
Warnings: Aucun
Challenges: Aucun
Series: Les associations improbables : Here we go again!
Chapters: 4
Completed: Oui
Word count: 15507
Read: 3134
Published: 17/03/2021
Updated: 15/04/2021
Story Notes:
Participation au concours "Les associations improbables" lancé par Hazalhia, avec le couple Astoria/Neville.
Cette fiction est terminée.
Merci pour vos reviews présentes et futures !
1. Cher journal... by AleynaButterfly
2. La reprise de contact by AleynaButterfly
3. Le verre by AleynaButterfly
4. Le choix by AleynaButterfly
Cher journal... by AleynaButterfly
Author's Notes:
Bonjour !
C'est la première fic que j'écris depuis que j'ai terminé Le Temps, cet Inconnu et ça m'a fait du bien de passer à autre chose !
Il s'agit d'une fic courte, écrite dans le cadre du concours "Les associations improbables" organisé par Hazalhia.
Je me suis beaucoup amusée en l'écrivant, vous reconnaîtrez peut-être ma principale inspiration pour ce chapitre...
Bonne lecture !
La jeune femme balaya sa chambre d’un oeil nostalgique. La pièce avait été préservée par ses parents, telle qu’elle l’avait laissée au moment de son départ. Le bleu pastel des murs, inchangé depuis sa tendre enfance, et les peluches alignées sur l’étagère au-dessus du lit témoignaient du temps passé. Cette chambre lui avait toujours procuré un certain réconfort à chaque retour chez ses parents, ce qui n’arrivait plus qu’occasionnellement depuis qu’elle avait obtenu ses ASPICs.
Pourtant, elle avait toujours su qu’un jour viendrait, où il lui faudrait y mettre de l’ordre, effacer les vestiges du passé pour, en quelque sorte, rendre la pièce à ses parents. Après des mois de tergiversations, elle avait décrété que ce jour était enfin arrivé. Depuis précisément une semaine, Astoria Greengrass était une femme mariée.
— Tout va bien, ma chérie ? Tu es sûre que tu n’as pas besoin d’aide ?
— Non maman, ça ira… Merci.
Mrs Greengrass ne quitta pas l’encadrement de la porte, le visage soucieux.
— Tu n’es pas obligée de t’occuper de tout ça maintenant…
— Je sais.
La jeune brune se tourna vers sa mère, un sourire attendri aux lèvres. Elle savait très bien qu’il était difficile pour la quinquagénaire de la voir définitivement prendre son envol. Tant que cette chambre était là, Astoria restait la petite fille qui n’avait pas tout à fait quitté le nid.
— Mais je ne peux pas décemment venir ici avec Drago. Tu imagines un peu ?
La sorcière blonde étouffa un petit rire peu convaincant et croisa ses bras devant sa poitrine. Astoria déposa un baiser sur son front et sortit sa baguette. Grâce à quelques mouvements parfaitement exécutés, les peluches, les jeux et les livres trouvèrent refuge dans un grand carton destiné aux associations. Quant aux babioles, elles furent rassemblés dans une deuxième boîte plus petite intitulée « Souvenirs ». A l’intérieur de l’armoire, les vêtements accumulés au cours des années furent pliés et organisés dans une valise qui ferait sans doute aussi le bonheur de personnes défavorisées. Enfin, les quelques affiches au mur, témoignant de son affection passée pour les Bizzar’ Sisters, terminèrent sans cérémonie dans un sac poubelle. En un rien de temps, la pièce fut vidée de son essence.
Mère et fille restèrent silencieuses sur le pas de la porte. Plus tard, Mrs Greengrass s’occuperait de la nouvelle décoration, mais elle n’avait pas le coeur à ça, pas aujourd’hui. Elle fut d’ailleurs la première à s’éclipser, prétextant un gâteau oublié au four. La jeune brune allait quitter la pièce à son tour lorsque son regard vert pâle s’arrêta sur une lame du plancher en érable, au pied du lit. Se pourrait-il… ?
Cela faisait si longtemps qu’elle ne l’avait pas soulevée. Sept ans s’étaient écoulés, peut-être huit ? Après tout ce temps, elle ignorait si la cachette qui se trouvait en-dessous avait été vidée par ses soins. Astoria tomba à genoux, le coeur sautillant d’excitation, et glissa ses doigts entre les lames.
Deux carnets de taille moyenne se superposaient dans le petit espace ainsi découvert. Avec délicatesse, la jeune femme les saisit et examina les couvertures bleues écornées et tachées d’encre, dans un mélange de surprise et de dérision. Astoria était persuadée d’avoir brûlé ces témoignages de ses deux premières années à Poudlard depuis longtemps déjà. Assise en tailleur au pied du lit, elle ouvrit le premier d’entre eux sur une page au hasard, prête à rougir de honte devant les états d’âme de la petite fille qui voulait devenir romancière.
°OoO°OoO°
Mardi 15 novembre 1994
A 10h04, avant le cours de sortilèges
Cher journal,
Aujourd’hui j’ai treize ans et Daphné trouve encore le moyen de me traiter comme une gamine ! J’en ai marre… D’accord, au début j’ai trouvé ça cool d’avoir une grande soeur qui continue de prendre soin de moi. Mais franchement, venir me faire un bisou sur le front DEVANT TOUT LE MONDE ? Cette idiote d’Audrey m’a lancé un regard méprisant. Si elle croit que je ne l’ai pas vue… Je la déteste.
A 16h23, dans la salle commune
Cher journal,
Il faut ABSOLUMENT que je te raconte ce qu’il s’est passé tout à l’heure. Je n’ai pas eu le temps d’écrire plus tôt parce qu’après le cours de botanique, il a fallu que j’accompagne Grace à la bibliothèque. Au moins, comme elle a trouvé le livre qu’il lui fallait, elle est en train de le lire tranquillement et ne regarde pas ce que j’écris. Tant mieux. Je l’adore, mais elle ne comprend pas toujours. Parce qu’il s’est vraiment passé quelque chose de fou.
Donc. J’ai confronté Daphné ce midi pour lui parler de la honte qu’elle m’a mise ce matin. Evidemment, elle n’a pas compris. Elle avait les larmes aux yeux, et bien sûr, je me suis sentie coupable. Avec tout ça, j’étais presque en retard pour la botanique. Du coup, j’étais énervée et je courais à moitié, quand arriva ce qui devait arriver… j’ai trébuché. J’ai littéralement VOLÉ. Je me voyais déjà recouverte de boue, histoire de bien avoir la poisse pour mon anniversaire. Mais non. Quelqu’un m’a rattrapée. Je ne sais pas trop comment il s’est débrouillé mais il m’a littéralement SAUVÉE. J’étais trop gênée.
Il m’a demandé si ça allait, si je ne m’étais pas fait mal. J’ai dit non et je l’ai remercié mais je ne sais pas s’il pouvait comprendre ce que je disais. Après, il a essayé de faire un peu la conversation, il m’a demandé si j’allais en botanique et là je me suis souvenue que j’étais en retard. Alors je l’ai planté là. Je n’aurais pas dû. J’ai trop honte de ne pas lui avoir répondu comme il fallait, il avait l’air tellement gentil. Il faut que je sache qui c’est.
Je sais que :
- C’est un Gryffondor.
- Il a un ou deux ans de plus que moi.
- Il a les cheveux châtain clair, les yeux bleu et un visage un peu rond.
A 21h16, dans mon lit
Cher journal,
J’ai dû arrêter d’écrire tout à l’heure parce que Grace commençait à essayer de lire par dessus mon épaule et je ne voulais pas qu’elle se moque de moi. C’est ma meilleure amie, mais elle trouve que je m’emballe trop parfois. Elle n’a pas trouvé extraordinaire mon aventure de tout à l’heure mais c’est facile pour elle. Les garçons lui tournent autour. Quand par miracle, il y en a un qui vient me voir, c’est pour me demander de le présenter à elle ou Daphné. Je ne suis pas jalouse, parce que c’est pas de sa faute, mais bon. J’espère que je serai aussi belle que Daphné quand j’aurai son âge.
Pendant le repas, j’ai essayé de retrouver le garçon de tout à l’heure. Il n’était pas très loin de Harry Potter, j’imagine qu’il est en 4e année comme lui et Daphné. Je ne l’avais jamais remarqué avant. C’est vrai qu’il ne fait pas partie des plus beaux, mais ça ne me dérange pas. J’aime bien ceux qui sont gentils, discrets et un peu dans l’ombre. Comme moi, quoi. Il faudra que je regarde s’il a déjà une copine. J’espère que non.
Bon, il faut que j’aille dormir maintenant. C’était une intéressante journée d’anniversaire !
°OoO°OoO°
Mercredi 16 novembre 1994
A 18h37, à la bibliothèque
Cher journal,
Rogue me met vraiment mal à l’aise. Il me fiche la paix même si je suis à Serdaigle parce que Daphné est dans sa maison, mais le pauvre Shane n’a pas autant de chance. A chaque fois qu’il passe à côté de son chaudron, il fronce le nez comme si ça sentait mauvais. Il ne faut quand même pas exagérer et ce n’est pas comme si Shane était nul… Mais bon.
Concernant mon sauveur-de-boue (oui c’est comme ça que je l’appelle maintenant avec Grace, mais il faut qu’on trouve un meilleur surnom), je l’ai vu en arrivant à la bibliothèque. Il parlait avec une fille aux cheveux bouclés, mais il m’a souri quand je suis passée devant lui. J’ai pas osé lui sourire, c’est rageant. Il va penser que je suis une pimbêche coincée avec zéro reconnaissance. Je suis vraiment nulle. Il faut que je trouve un moyen de repasser devant et de me rattraper. Je ne sais pas si je vais oser…
°OoO°OoO°
Samedi 18 novembre 1994
A 10h09, dans la salle commune
Cher journal,
Je sais, ça fait quelques jours que je n’ai plus écrit. Je n’ai vraiment pas eu le temps. Les profs nous donnent trop de devoirs en ce moment et avec Grace, on a passé des heures à travailler dessus pour ne pas se retrouver à devoir tout faire ce week-end.
Concernant mon sauveur-de-boue, Grace s’est un peu renseignée discrètement et a appris qu’il s’appelait Neville Londubat et il est bien en 4e année. Elle m’a encouragée à demander plus d’infos auprès de Daphné, mais je n’ai pas envie qu’elle se mêle de ça ou qu’elle se moque de moi. En plus, j’ai l’impression qu’il m’aime bien. Quand je le vois dans les couloirs, il me sourit et ça me fait bizarre. Il faudrait que je trouve un prétexte pour lui parler…
°OoO°OoO°
Dimanche 19 novembre 1994
A 20h54, dans mon lit
Cher journal,
Il s’est passé tellement de choses ce week-end, je n’en reviens pas ! Ca va être un peu long, alors accroche-toi bien.
Tout a commencé hier, en début d’après-midi, quand Grace s’est éclipsée pour rejoindre Terry, son copain du moment. Il faisait beau, je n’avais plus très envie de me pencher sur les différents usages de la fleur d’hellébore en potions avec Alicia et Shane, alors j’ai décidé d’aller me promener dans le parc. Comme ça, sur un coup de tête.
Franchement, ça m’a fait du bien. Il faisait un peu froid, mais la neige n’est pas encore arrivée. J’ai hâte que ce soit le cas ! Au début, j’ai voulu faire le tour du lac mais j’ai vite changé d’avis. Des étudiants de Durmstrang avaient décidé de se baigner et un groupe de filles les regardait en gloussant. Pathétique. Je ne sais pas ce qu’elles leur trouvent… Je pense qu’il y avait Viktor Krum dans le lot. Je ne connais pas bien le Quidditch de toute façon. Du coup, je suis allée vers les serres à la place. J’aime bien l’odeur qui s’en dégage et il n’y a jamais personne dans le coin. Là, je me suis calée contre les parois vitrées et je t’ai sorti, pour écrire un peu. Mais comme tu le sais, je n’ai rien pu écrire. Parce qu’il y a eu une coïncidence incroyable.
Oui, je suis sûre que tu as déjà deviné. Mon sauveur-de-boue (argh, il faut vraiment que je trouve un meilleur surnom ! Je note d’en parler à Grace, elle est super forte pour ça) est passé au même moment, avec une plante bleue dans les mains. Cette fois, je ne me suis pas démontée et je lui ai dit « Bonjour ». Il a sursauté, un peu surpris et quand il m’a reconnue, il s’est détendu. Je retranscris la conversation telle que je m’en souviens :
« Oh, bonjour !
— Je ne t’ai jamais vraiment remercié pour la dernière fois… (je me suis levée et je lui ai tendu la main) Moi c’est Astoria Greengrass. Et toi ? (Je n’allais pas passer pour une psychopathe et lui dire que je connaissais déjà son nom !)
— Neville Londubat. Greengrass ? Tu… tu es de la famille de Daphné, à Serpentard ?
— Oui (j’étais trop déçue). C’est ma grande soeur.
— Tu ne lui ressembles pas du tout, je ne l’aurais pas deviné… (Je devais tirer une sacrée tête à ce moment-là car il a bredouillé des phrases que je n’ai pas comprises, puis ça :) Je veux dire que tu as l’air beaucoup plus gentille. (Il était tout gêné, c’était trop mignon.)
— Oh, merci. Cette plante, qu’est-ce que c’est ?
— C’est une plante à Pipaillons, le professeur Chourave m’a demandé de m’en occuper pour elle. Elle était mal en point, la pauvre… (Comment il la regardait, cette plante, il y avait tellement de tendresse en lui !)
— Je ne connaissais pas… Mais c’est super joli (non, c’est faux, mais bon). Tu dois être vraiment bon en botanique pour que le professeur Chourave te fasse confiance.
— (Il rougit) Je suppose que… (il bégaie un peu, en regardant ses chaussures) Je suppose que oui. Tu es très gentille.
— Merci (c’est à mon tour de rougir) »
Et là, Chourave est arrivée. J’étais un peu déçue mais au moins, j’avais tenu une conversation complète. Ce n’est pas rien !
Quand j’ai raconté ça à Grace, elle s’est gentiment moquée de moi. Bon, c’est vrai qu’elle ne comprend pas ce que je lui trouve. Comme c’est ma meilleure amie, elle respecte, mais cette histoire la fait rire quand même. En même temps, elle a plus d’expérience avec les garçons, ce qui n’est pas mon cas. Elle m’a juste dit « C’est mignon ».
C’est vrai qu’à côté de Grace et de Daphné, je fais pâle figure. Grace a la peau mate, de grands yeux bruns et de longs cheveux noirs soyeux. Elle a déjà des formes, comme Daphné. Ma soeur est aussi blonde que je suis châtain clair, et même si on a les mêmes yeux vert pâle, les siens sont davantage mis en valeur. Pourtant je ne suis pas moche, enfin je crois. On dirait juste une pâle copie, comme si mes parents avaient raté un sort de Duplication.
Bon, il est dix heures passées et mes copines de dortoir dorment déjà profondément, alors je vais arrêter là.
°OoO°OoO°
— Astoria, ma chérie ?
La voix de Mrs Greengrass, provenant de l’escalier, tira la jeune femme de sa lecture. Elle referma précipitamment son journal et le cacha derrière son dos alors que sa mère apparaissait dans l’encadrement de la porte. Celle-ci lui lança un regard interloqué mais ne fit aucune remarque.
— Tout va bien, maman, j’arrive !
La jeune femme attendit que les pas s’éloignent dans l’escalier pour lancer un sort d’attraction et récupérer son sac à main, dans lequel elle glissa les deux carnets. Puis, elle descendit à son tour, un léger sourire sur les lèvres. Astoria avait complètement oublié cette histoire. Elle se souvenait bien avoir eu ce qu’on appelle un coeur d’artichaut aux débuts de son adolescence. Les divagations de la petite fille qu’elle avait été la faisaient rire autant qu’elle la mortifiaient.
Neville Londubat… En y repensant, elle plongea dans la nostalgie. Certes, il n’était pas le plus bel homme de Poudlard, mais il était très courageux. Elle avait entendu ce qu’il avait fait lors de la Bataille de Poudlard. Grace, qui s’était gentiment moquée d’elle à l’époque, devait avoir changé d’avis à présent ! Astoria se promit de lui envoyer un hibou pour en reparler, cela la ferait bien rire.
Au bas des escaliers de la maison familiale, un grand homme blond l’attendait. Le coeur de la jeune femme sautilla aussitôt de joie à la vision de son mari, dont elle était profondément amoureuse.
— Drago ! Quelle surprise !
L’ex-Serdaigle dévala les dernières marches pour se jeter dans ses bras, ce qui arracha un petit rire au jeune homme.
— J’ai quitté le travail plus tôt et je me suis dit que tu aurais peut-être besoin de soutien moral.
Astoria rougit. La veille au soir, elle s’était longuement épanchée sur la difficulté de la tâche qui l’attendait. Il devait sans doute y avoir eu une exagération ou deux…
— Tout est prêt ?
Elle acquiesça et le couple se dirigea dans le salon familial pour prendre le thé avec Mrs Greengrass. Après une bonne demi-heure de discussions à bâtons rompus, ils prirent congé, laissant le soin à Tipsy, l’elfe de maison des Greengrass, de transporter les cartons aux destinations prévues.
A l’extérieur, le soleil illuminait le jardin familial. Astoria s’arrêta un instant pour respirer l’air frais à plein poumons. Son regard se perdit dans la végétation.
— D’ailleurs… Ne te moque pas de moi, s’il te plaît.
Drago arqua un sourcil, surpris de voir son épouse rougir de gêne.
— Pourquoi le ferais-je ?
— Non, c’est stupide, je ferais mieux de ne rien te dire.
Malgré ses promesses, Astoria resta inflexible et ils regagnèrent leur domicile. L’ex-Serpentard était perplexe. De quoi s’agissait-il ? Avait-elle décidé d’emmener des peluches ? Si c’était le cas, il aurait sans doute fait une petite remarque narquoise mais rien de méchant. Elle le savait très bien…
Ce ne fut qu’au moment du dîner que la jeune femme changea d’avis. Ils étaient attablés en face l’un de l’autre avec un verre de vin rouge, dégustant un délicieux magret de canard, éclairés par les chandelles fixées aux mur. L’atmosphère était tendre, propice à véhiculer toute confidence entre les jeunes époux.
— J’ai retrouvé des carnets où j’écrivais quand j’étais plus jeune, à Poudlard.
— C’est ça que tu ne voulais pas me dire tout à l’heure ?
Elle acquiesça silencieusement. Il prit garde de ne pas montrer le moindre signe d’hilarité, de peur que sa femme se referme à nouveau. A présent qu’il y songeait, il se souvenait qu’Astoria était toujours sensible lorsque cela touchait à son talent d’écrivain. Un jour, elle lui avait confié qu’elle rêvait de devenir romancière. Il l’avait alors encouragée à montrer ses écrits, mais elle avait refusé en bloc. Drago eut alors le malheur de dire que c’était le comble pour une romancière de ne pas partager ses histoires, un sourire en coin. Astoria n’avait pas apprécié. Pas du tout, même.
— Pendant mes deux premières années à Poudlard, j’ai tenu une sorte de journal intime…
Peu sûre d’elle-même, elle leva les yeux vers son mari, prête à y déceler la moindre étincelle de sarcasme. Mais il n’y avait rien. Il l’écoutait avec attention, sirotant de temps à autre dans son verre de vin. Les joues cuisantes, elle reprit une gorgée de vin supplémentaire pour l’aider à délier sa langue.
— J’ai retrouvé les carnets cet après-midi en débarrassant ma chambre. Ils étaient dans une trappe au sol, j’avais complètement oublié qu’ils étaient là. Je pensais les avoir brûlé depuis longtemps… En tout cas, je suis retombée dessus et c’était si drôle ! Je ne me souvenais pas d’avoir été aussi mièvre à treize ans.
Astoria poussa un soupir indulgent, les yeux perdus dans le vague, un sourire fleurissant sur ses lèvres.
— Je parie que tu fantasmais déjà sur moi à l’époque, déclara Drago, encouragé par son enthousiasme grandissant.
— Oh si tu savais… Je n’étais même pas au courant de ton existence !
Elle éclata de rire devant la mine déconfite de ton époux.
— Tu étais dans la promo de ma soeur, donc oui, je t’avais déjà vu, mais je n’avais pas une très belle image de toi.
— C’est vrai que je n’étais pas un enfant de choeur, concéda-t-il.
— J’étais quand même un vrai coeur d’artichaut. Je suis tombée sur un passage où j’avais le béguin pour un Gryffondor. Je ne me souvenais même plus de cette histoire.
— Un Gryffondor ? Pas Potter j’espère… Ou pire, Weasley…
— Non, non. Neville Londubat.
Un jet de vin rouge traversa la table constellant la nappe de taches grandissantes. Drago s’étouffa dans une quinte de toux, inquiétant son épouse qui se précipita auprès de lui et lui tapota le dos.
— Tu as avalé de travers, mon coeur ?
— C’est une blague ? Londubat ? réussit-il à articuler, les yeux baignés de larmes.
Londubat ? Sa magnifique et douce épouse avait eu le béguin pour Neville Londubat ? Il ne pouvait y croire. Lors de leurs premières années à Poudlard, Londubat était un garçon joufflu et pataud, le souffre-douleur des Serpentard. Il ne savait s’il devait en rire ou en pleurer. Astoria en fut fortement vexée.
— J’avais treize ans… Au moins, c’est une bonne personne.
Le silence s’installa entre eux, à peine troublé par les toussotements de Drago, qui se remettait toujours de sa réaction. Astoria se dit qu’elle aurait mieux fait de se taire. Elle n’avait absolument pas anticipé une telle réaction de son mari. Visiblement, il connaissait Neville lui aussi, mais leur relation ne devait pas avoir été au beau fixe. Décidant de laisser le passé où il était, elle débarrassa la table et apporta le dessert.
— Sinon, tout est prêt pour notre voyage de noces ?
Le lendemain matin, Astoria profita de l’absence de Drago pour ouvrir à nouveau le petit carnet. Certes, elle n’avait plus abordé le sujet avec Drago, mais la curiosité était plus forte. Elle ne se souvenait plus de la raison pour laquelle elle avait cessé de s’intéresser à Neville. S’étaient-ils disputés ? S’était-elle simplement lassée ? Ou alors, avait-elle soudainement jeté son dévolu sur quelqu’un d’autre ? Impossible de s’en rappeler.
Sans plus attendre, elle feuilleta le journal, le lisant en diagonale et s’arrêtant uniquement sur les passages qui l’intéressaient.
°OoO°OoO°
Lundi 5 décembre 1994
A 12h05, dans un couloir
Cher journal,
Flitwick nous a annoncé une grande nouvelle ! Il y aura un bal à Poudlard pour les vacances de Noël ! Seuls les élèves de quatrième année et plus peuvent y aller. Ca tombe bien, Neville est en quatrième année ! J’espère qu’il m’invitera…
Un bal ! J’adore ça ! Maman en organise un tous les ans, pour récolter de l’argent pour des associations. C’est l’occasion d’être bien habillée, bien coiffée, bien maquillée, comme une princesse… Bon c’est vrai que jusqu’à présent, je devais être au lit super tôt, avant même que la fête ne commence vraiment. Cette fois, c’est ma chance !
°OoO°OoO°
Mercredi 7 décembre 1994
A 17h28, à la bibliothèque
Cher journal,
J’ai croisé Neville. Comme tous les soirs, j’étudie une petite heure à la bibliothèque sur une table pas très loin de la sienne. Quand il n’est pas avec ses amis, on échange quelques phrases. Donc là, comme d’habitude, il me demande si je vais bien et on papote un peu. Il est toujours aussi timide, mais moins sur la retenue, ce qui me fait plaisir. Il me plaît de plus en plus, et j’espère qu’il ressent la même chose.
Du coup, j’ai lancé mon plan infaillible et ultra-secret. Je t’explique :
1) Sortir, par pur hasard (évidemment), mon devoir de botanique, placé bien en évidence sur la table.
2) Soupirer théâtralement, le regard perdu, jusqu’à attirer l’attention de N.
3) Se plaindre de la difficulté du devoir lorsqu’il demande ce qui ne va pas.
4) Accepter son aide avec beaucoup de reconnaissance, mais en insistant ne pas vouloir le déranger.
5) Prévoir un moment dans la semaine pour travailler sur le devoir.
6) Lui parler du bal de Noël, avec beaucoup d’enthousiasme, en expliquant à quel point je rêve d’y aller.
7) Lui dire que j’ai deux personnes qui m’ont proposé d’y aller ensemble, mais que je préférerais y aller avec quelqu’un que j’apprécie vraiment.
8) Accepter son invitation.
Et voilà ! D’une simplicité enfantine, n’est-ce pas ? Pour l’instant, tout se déroule sans accroc, j’en suis à la phase 5, et il m’aidera vendredi après les cours. J’ai hâte !
°OoO°OoO°
Vendredi 9 décembre 1994
A 11h05, dans la salle commune
Cher journal,
Je suis en pleine panique. Et si tout ne se passait pas aussi bien que je l’ai prévu ? Et s’il se moquait de moi et racontait à tout le monde que j’ai le béguin pour lui ?
Il faut que je me ressaisisse. Ce n’est pas son genre. C’est plus ce que ferait quelqu’un comme Drago Malefoy par exemple, mais pas Neville. Il n’est pas comme ça. Je dois me calmer. Tout va bien se passer.
Dans quelle galère me suis-je embarquée ???
A 19h05, dans la salle commune
Bon, mon plan infaillible ne fonctionne pas si bien que ça.
Pourtant, tout avait bien commencé. A 17h tapantes, je suis entrée dans la bibliothèque, très très nerveuse. Neville m’a vue arriver de loin et m’a fait un petit signe qui m’a instantanément calmée. Encore une fois, je me suis excusée de le déranger ainsi, mais il m’a fait signe que c’était rien. Ca lui faisait même plaisir de m’être utile, il me l’a assuré avec un aplomb surprenant.
Après quelques minutes, j’ai commencé à parler du bal. Je ne sais pas si j’ai réussi à être aussi enthousiaste que je l’aurais voulu, car je me suis sentie intimidée. En tout cas, il m’a répondu qu’il avait hâte lui aussi, mais qu’il devait encore trouver une cavalière. Alors que j’allais passer à la phase 7 de mon plan, il a soupiré : « Il y a quelqu’un que j’aimerais bien inviter, mais je ne sais pas comment elle va réagir… Ca m’étonnerait qu’elle accepte… »
Tu penses bien que j’ai tout de suite imaginé qu’il parlait de moi ! Alors, je me suis légèrement rapprochée et je lui ai chuchoté (parce qu’à la bibliothèque, je ne peux pas trop faire autrement) : « Qui ne tente rien n’a rien ! Tu pourrais être surpris. » Puis je lui ai offert mon plus beau sourire. Il a répondu : « Tu as sûrement raison, mais je ne sais pas si je vais oser… » Avec un clin d’oeil, je lui ai rappelé qu’il était à Gryffondor, n’est-ce pas censé être la maison des plus courageux ? Avec un petit rire, il a acquiescé. Puis il a réfléchi et s’est tourné vers moi avec un grand sourire : « Tu as tout à fait raison, Astoria ».
Est-ce qu’il m’a proposé d’y aller avec lui ? Non.
Il s’est levé et s’est dirigé vers une table un peu plus loin, où son amie aux cheveux bouclés était assise, entourée d’impressionnantes piles de livres. Je l’ai regardé se tordre les doigts et bégayer des mots que je ne pouvais pas entendre. La fille a rougi puis lui a offert un regard désolé. Il est revenu, penaud : « Elle y va déjà avec quelqu’un. »
Je me suis seulement entendue répondre, d’une voix blanche : « Ne t’inquiète pas. Il y en a sûrement d’autres qui n’attendent que ça, que tu les invites. » Il a haussé les épaules, dubitatif et s’est replongé dans ses explications.
C’était affreux. Est-ce que je me suis plantée sur toute la ligne ? Sûrement… Je devrais sans doute laisser tomber.
°OoO°OoO°
Samedi 10 décembre 1994
A 10h55, dans la salle commune
Cher journal,
J’ai finalement parlé de mon plan à Grace hier soir. Je pense qu’elle a dû voir que je n’allais pas très bien car elle n’a pas ri une seule fois. Elle s’est contentée de soupirer et de me rappeler que la subtilité et les hommes, ça fait deux. Elle m’a encouragée à lui demander carrément de m’accompagner au bal.
Mais elle est folle, je ne pourrai jamais faire une chose pareille !
A 14h10, dans un couloir vide
Cher journal,
Je pense que Grace a raison. Qu’ai-je à perdre ? Pourquoi se moquerait-il de moi alors que je l’avais vu essuyer un refus ? Peut-être qu’il pense que je ne m’intéresse pas à lui et que c’est pour cette raison qu’il ne m’a pas invitée ?
Cette histoire de bal commence sérieusement à m’obséder…
°OoO°OoO°
Mardi 13 décembre 1994
J’ai laissé passer ma chance. Grace m’a annoncé qu’il y allait avec une autre fille, une Weasley. Clairement, je me suis trompée sur toute la ligne. Ca ne m’arrivera plus.
Personne ne m’aimera jamais.
Je déteste ma vie.
°OoO°OoO°
Astoria feuilleta les pages suivantes, mais il ne fut plus jamais question de Neville Londubat. Un sourire ému sur les lèvres, elle cueillit une larme naissante du revers de la main. Elle s’en souvenait à présent, de cette humiliation secrète. A l’époque, elle avait cessé d’écrire pendant des semaines, accusant intérieurement son journal d’avoir alimenté ses illusions. Daphné était restée pour le bal de Noël et Astoria était retournée chez ses parents.
Comme elle aimerait pouvoir rassurer la petite fille qu’elle était ! Bien sûr qu’elle serait aimée, et ce par un homme merveilleux qui n’avait d’yeux que pour elle. Son époux la comblait plus qu’elle n’aurait jamais osé l’espérer à treize ans. Et il était probable que le pauvre Neville n’avait probablement aucune idée de ce qu’il s’était passé entre eux en cette fin d’année 1994… La petite Astoria pensait avoir été transparente, mais à présent, elle doutait qu’il ait soupçonné quoique ce soit.
Saisie d’une inspiration soudaine, elle se rendit vers son bureau et attrapa sa plus belle plume aux reflets mordorés. Avec un sourire amusé, elle trempa la pointe dans l’encre et commença à écrire sur un parchemin vierge.
Cher Neville…
End Notes:
Alors, qu'est-ce qu'Astoria va bien pouvoir lui écrire ? Auriez-vous réagi comme Drago en l'apprenant ?
Avez-vous reconnu l'inspiration qui m'a guidée dans l'écriture de ce chapitre ?
Merci d'avoir lu jusqu'au bout et n'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé !
Je vous invite également à aller lire les autres participations ! :D
La reprise de contact by AleynaButterfly
Author's Notes:
Bonjour !
Oui, je sais, j'avais dit que c'était un one shot pour ce concours... Mais en vérité, j'étais restée un peu sur ma faim avec ce premier chapitre. Avais-je tout donné pour ce pairing ? Qu'est-ce qu'Astoria a écrit à Neville ? Quelle serait la réaction de ce dernier ? Ces questions me turlupinaient et j'ai décidé d'écrire la suite. Il y aura sûrement un seul prochain chapitre.
Je remercie du fond du coeur ChrisJedusor et MadameGuipure pour leurs adorables reviews.
Je m'excuse par avance pour la police d'écriture qui a changé. Je viens de découvrir l'éditeur tinyMCE (après tout ce temps ? je sais...) et ça a donné ça en copiant. Je reviendrai éditer le premier chapitre pour harmoniser le tout.
Bonne lecture !
L’entretien s’était si bien déroulé que Neville aurait pu en sauter de joie. Seuls des résidus de timidité l’en empêchèrent. Il se contenta donc de réajuster fièrement sa cape. Quand Hannah allait l’apprendre… Les galères de ces dernières années touchaient finalement à leur fin, relégués au rang de simples mauvais souvenirs.
L’après-guerre avait été particulièrement difficile pour Neville Londubat. Sa septième année ayant été particulièrement perturbée, le jeune homme avait fait le choix de la redoubler, avec quelques camarades, afin de préparer les ASPICs dans les meilleures conditions. Mais tout n’avait pas été aussi tranquille qu’il aurait pu l’espérer.
Quatre mois après son retour à Poudlard, peu avant Noël, Augusta Londubat était tombée gravement malade. La dragoncelle foudroyante ne lui avait laissé aucune chance. Jusqu’au bout, elle y avait cru, arguant que même Voldemort et ses sbires n’avaient pas pu la mettre à terre, alors ce n’était pas un virus qui allait lui faire peur ! Pourtant, la veille de la nouvelle année, elle quitta ce monde, laissant le jeune homme inconsolable.
Il manqua deux semaines de cours pour gérer l’administratif et il lui fut impossible de rattraper le retard accumulé. A cette époque, c’était le cadet de ses soucis, malgré toute l’aide que lui apporta généreusement Hermione. Cela le conduisit à n’obtenir que deux ASPICs, en botanique et en défense contre les forces du mal. Grâce à son rôle dans la résistance de l’école face aux Carrow et à ses exploits lors de la Bataille de Poudlard, il intégra le Bureau des Aurors quelques mois après ses études, dans le cadre d’une procédure accélérée, tout comme Harry Potter avant lui. Mais, il décida de quitter le métier au bout de trois ans, lassé de se battre.
Ce furent d’ailleurs ses retrouvailles avec Hannah qui le décidèrent à se reconvertir et revenir à son premier amour, la botanique. Il avait tellement hâte de lui raconter comment s’était passé l’entretien. Neville poussa la porte du Chaudron Baveur et passa derrière le bar pour rejoindre sa compagne. Il attrapa un torchon et commença à essuyer les verres mouillés alors qu’elle servait un client. Etrangement, elle ne sourit pas à son entrée, l’ignorant superbement. Elle ne leva les yeux vers lui qu’au dernier moment et, avec un sourire crispé, elle lui lança :
— Il y a une lettre d’une certaine A. G. qui t’attend à l’étage.
Puis elle refusa de répondre à son regard interloqué et repartit avec trois chopes de Bièraubeurre. A.G. ? Il ne connaissait personne portant ces initiales, en tout cas, personne qui ne lui vienne à l’esprit. Blessé par l’attitude d’Hannah, il reposa avec soin le torchon sur son crochet et s’éclipsa à l’étage où ils vivaient depuis un an. Quand Hannah avait repris le Chaudron Baveur à la mort de son oncle, elle avait cessé l’activité hôtellerie et décidé d’aménager l’étage pour le rendre entièrement habitable.
Sur la console de l’entrée, il découvrit une enveloppe adressée à son nom d’une écriture ronde et soignée, inconnue à ses yeux. Hannah avait dû supposer qu’il s’agissait d’une femme. Il la retourna pour découvrir le cachet à la cire bleue scellant l’ouverture. Dessus, un tampon avait dessiné les lettres A et G en majuscules.
— Alors qu’est-ce que tu attends pour l’ouvrir ?
Hannah était montée à son tour et le dévisageait, les poings sur les hanches. Neville reposa le courrier et ouvrit ses mains en signe d’apaisement.
— Pas maintenant, il n’y a rien qui presse. Je n’attendais aucun courrier particulier. Je voulais te raconter…
— Neville, tu crois que je ne sais pas à quoi correspond la cire bleue ?
Stupéfait, le jeune homme dévisagea sa compagne, ne comprenant strictement rien à la situation.
— La couleur de Serdaigle, peut-être ? suggéra-t-il, hésitant.
— Tu ne sais vraiment pas ? lui demanda-t-elle, moins sûre d’elle-même tout à coup.
— Non… Je devrais, ma chérie ?
Elle baissa légèrement la tête, penaude.
— Je crois que je me suis emballée pour rien, désolée… J’ai… J’ai cru…
Elle se tut, les yeux à présent baignés de larmes. Toujours aussi confus, l’ex-Gryffondor s’approcha d’elle et la prit dans ses bras, attendant la suite.
— Mon père était professeur d’histoire, tu te souviens ? Un jour, il m’a expliqué la signification des différentes couleurs de cire et le bleu… Le bleu représente la passion. C’est pour ça qu’on ne reçoit jamais de lettre officielle avec cette couleur. Alors j’ai cru…
Neville ne répondit pas et étreignit Hannah un peu plus fort. C’était la première fois que la jeune femme laissait transparaître de la jalousie, ce qui le toucha malgré l’injustice de la situation. Il caressa ses longs cheveux blonds attachés en un chignon lâche et sourit.
— Je peux te raconter mon entretien maintenant ?
Les joues de l’ex-Poufsouffle se teintèrent d’un rouge délicat et elle acquiesça, contrite.
°OoO°OoO°
Alors là… S’il s’était attendu à ça… Assis dans son fauteuil, Neville n’en croyait pas ses yeux. Entre ses mains, la lettre reçue un peu plus tôt dans la journée le narguait. Il la relut une troisième fois.
Cher Neville,
J’ignore si tu te souviens de moi. Les années se sont écoulées à une telle vitesse ! Tu dois te demander pourquoi je t’écris aujourd’hui.
C’est une histoire assez amusante en vérité. J’ai été amenée récemment à repenser à mes premières années à Poudlard. Le jour de mes treize ans, en novembre 1994, j’ai failli tomber dans une flaque de boue, ce qui aurait pu me gâcher la journée complète. Mais tu étais là et tu m’as rattrapée. J’ai été très reconnaissante et j’ai cherché à te connaître davantage. C’est bête, n’est-ce pas ? Ce jour-là, je t’ai remarqué. Est-ce que tu te souviens de la petite Greengrass qui a passé plus de temps que jamais à la bibliothèque dans l’espoir de te croiser et d’attirer ton attention ? Celle qui espérait que tu l’emmènerais au bal de Noël ?
C’est bien beau tout ça, mais pourquoi est-ce que je t’écris aujourd’hui, te demanderas-tu, après toutes ces années ?
Je ne sais pas vraiment. Je pense que j’ai besoin de réponses, pour satisfaire ma curiosité. Je ne suis pas Serdaigle pour rien, j’imagine.
Alors, est-ce que tu le savais à l’époque ? Est-ce que tu savais que j’avais le béguin pour toi pendant quelques semaines ?
Amitiés,
Astoria.
Oui, il se souvenait bien d’elle, très bien même. Comme lui, elle était si jeune à cette époque, si innocente. Pendant quelques semaines, elle lui parlait régulièrement, lui accordait de l’attention. Il s’était senti utile, valorisé même, ce qui ne lui arrivait que très rarement lors de ses premières années à Poudlard. Mais c’était une Greengrass, la soeur de Daphné d’autant plus. Alors non, l’idée de quelque chose de plus ne lui avait jamais traversé l’esprit à ce moment-là. Ce n’était pas de l’ordre du possible.
Mais s’il avait su ce qu’elle ressentait, est-ce que cela aurait changé quelque chose ? Elle disait même qu’elle aurait voulu qu’il l’emmène au bal… A présent qu’il y songeait, une conversation lui revint en mémoire. Elle lui expliquait à quel point elle rêvait d’y assister et il était allé voir Hermione pour lui proposer de s’y rendre avec lui. Quel idiot… Il posa une main sur son visage, dépité.
Dans son esprit, Hannah avait été la première femme à vouloir réellement le fréquenter. Apprendre qu’Astoria Greengrass avait eu le béguin pour lui, avant même qu’il ait mûri et fait ses preuves, cela le chamboulait bien plus qu’il ne le comprenait lui-même. Pourtant, il aimait Hannah, ses yeux bruns et sa douceur. Malgré lui, cependant, les yeux verts clair d’Astoria s’imposèrent dans son esprit.
— Chéri ? Peux-tu venir m’aider ?
Neville sursauta et replia honteusement le courrier qu’il fourra à la hâte dans sa poche.
— J’arrive !
°OoO°OoO°
— Au final, la lettre de la dernière fois… C’était pour quoi ?
Quelques jours s’étaient écoulés depuis l’arrivée du courrier. Confortablement installée dans le canapé, un plaid sur les genoux, Hannah ne le regardait pas mais son anxiété était palpable. Pour qu’elle en parle maintenant, le sujet avait dû la tracasser pendant des jours. Neville hésita.
— Oh, ça ! C’était Anthony Goldstein. Il… Il voulait des nouvelles. Il était avec nous à Serdaigle et à l’A.D., tu te souviens ?
— Ah oui, je vois qui c’est. Il n’est pas parti aux Etats-Unis, lui ? demanda Hannah, un peu plus détendue.
— Oui, oui. Il avait deux-trois questions à me poser sur le Bureau des Aurors, mais je lui ai dit que je n’y travaillais plus.
— Eh oui ! Puisque tu seras le nouveau professeur de botanique de Poudlard, fit-elle avec un clin d’oeil. Pas trop stressé pour la rentrée, d’ailleurs ? Plus que trois semaines !
Neville s’engouffra dans la brèche afin de dévier la conversation loin de cette maudite lettre. Malgré le contenu plutôt innocent, elle avait éveillé en lui un questionnement dangereux. Il était stupide, se morigénait-il. Elle ne faisait que mentionner une vieille histoire, une histoire qui n’en était pas une d’ailleurs, puisqu’elle n’avait pas eu lieu. Alors pourquoi s’obsédait-il avec ces souvenirs ?
Et surtout, il était stupide de mentir ainsi à Hannah. Mais, se disait-il, s’il lui disait la vérité, elle ne le lâcherait plus. Elle angoisserait pendant des semaines, élaborant des scénarios dans son esprit. Il le savait car elle était comme ça. Il l’aimait, mais elle était anxieuse, beaucoup trop pour son propre bien. Alors plutôt que de la mettre dans cet état, il préférait se taire. Pour son bien à elle.
Bien entendu, le jeune homme n’était pas à l’aise avec ça… Mais il n’avait pas le choix, se répétait-il. Dans une poche intérieure de sa valise, il avait caché la lettre, là où il était sûr qu’elle ne tomberait jamais dessus. Tout se passerait bien… Il n’y avait pas de raison, non ?
Et il ne lui dit pas non plus qu’il avait répondu à Astoria, l’enjoignant de le contacter plutôt à Poudlard, où il prendrait ses quartiers dans un peu plus de deux semaines. Il ne lui avait pas expliqué pourquoi, simplement inventé une excuse de départ en vacances lointain… Et surtout, il n’avait pas mentionné l’existence d’Hannah dans sa lettre.
°OoO°OoO°
La réponse de Neville arriva la veille du départ en voyage de noces. Astoria la décacheta immédiatement, faisant une pause dans ses préparatifs. Le coeur battant, ce qui était totalement idiot, elle déplia avec nervosité le morceau de parchemin. Elle regrettait à présent de lui avoir envoyé ce courrier. Allait-il s’imaginer qu’elle était toujours éprise de lui ? Cette idée de lui écrire, qui lui semblait amusante quelques jours plus tôt, lui donnait à présent des contractions d’estomac. Oh, qu’avait-elle fait ?
Chère Astoria,
Je dois avouer que j’ai été très surpris de recevoir une lettre de ta part, surtout après toutes ces années. Bien sûr que je me souviens de toi ! Mais je dois t’avouer à ma plus grande honte que je n’avais pas imaginé un seul instant que tu puisses avoir le béguin pour quelqu’un comme moi, surtout à l’époque… N’oublie pas qui tu étais, une jolie fille de sang pur dont la soeur était dans ma promotion à Serpentard. Comment aurais-je pu le concevoir ?
Je me souviens, par contre, pour quel idiot j’ai dû passer auprès de toi ! Est-ce pour cette raison que tu as cessé de me parler ? J’appréciais nos conversations, mais j’ai supposé après coup que tu t’étais lassée de moi…
Alors, que deviens-tu après toutes ces années ?
De mon côté, je viens d’être embauché comme professeur de botanique à Poudlard, et je pars en vacances à l’étranger pour deux semaines, avant la rentrée. Donc, si tu veux me répondre, je te suggère d’attendre jusque là, pour ton hibou ne me rate pas !
Amitiés,
Neville.
Astoria se laissa tomber sur le lit. Ainsi, il n’avait jamais su. Et il ne se moquait pas d’elle non plus. Se pourrait-il, si elle avait été moins subtile, que les choses fussent différentes ? Elle posa la lettre à ses côtés, et reprit ses préparatifs avec des gestes lents. Pourquoi attachait-elle tant d’importance à sa réponse ? Elle se leva brusquement, saisit le parchemin et le fourra dans le tiroir de sa table de nuit. Puis, elle termina sa malle et la posa devant la porte, où Drago pourrait la récupérer à son retour.
Elle allait quitter la pièce, lorsqu’elle s’en abstint au dernier moment, la main posée sur l’encadrement de la porte. Et si Drago tombait sur cette lettre ? Comment réagirait-il ? La jeune femme se mordit la lèvre, indécise. Il n’y avait rien de mal dans ce qu’avait écrit Neville, après tout. Et pourtant, elle ne voulait pas s’engager dans une telle conversation. Alors elle décida finalement de garder cette correspondance pour elle, récupéra le courrier et le cacha dans un des livres de la bibliothèque. Là au moins, son mari ne tomberait jamais dessus par accident. Satisfaite, elle referma la porte de la chambre.
°OoO°OoO°
Le voyage de noces lui avait fait un bien fou. Avec Drago, ils avaient sillonné les Etats-Unis pendant leurs trois semaines de liberté. Le soleil avait été au rendez-vous, l’amour aussi. Les tourtereaux s’étaient rapprochés plus que jamais pendant ce voyage, au grand ravissement d’Astoria. Alors, elle avait complètement relégué cette histoire de lettre au fond de son esprit.
Ce ne fut qu’un samedi matin d’octobre, alors qu’elle rangeait sa bibliothèque qu’elle retomba dessus. En saisissant le livre pour le déplacer, le parchemin voleta hors de sa prison et se laissa tomber au sol, à ses pieds. Elle avait oublié de répondre à Neville… Aussitôt, elle se précipita dans le bureau, saisit sa plume et écrivit à toute vitesse, les mots coulant naturellement sur le papier.
Très cher Neville (ou devrais-je désormais t’appeler Professeur Londubat ?),
Je suis vraiment vraiment désolée. J’étais résolue à attendre les deux semaines avant de te répondre et puis… la vie s’en est mêlée comme on dit. Excuse-moi… C’est aussi impoli de ma part que le jour où j’ai cessé de te parler par dépit. A l’époque j’avais l’excuse d’avoir treize ans, pas aujourd’hui. Mais… mieux vaut tard que jamais, non ?
Je ne devais pas être aussi transparente que je le pensais, si tu ne t’es douté de rien ! Tu n’as pas à avoir honte, la faute était entièrement la mienne. Rêveuse comme je l’étais, j’imaginais que le monde tournait autour de moi… Ta réponse satisfait la petite fille de treize ans que j’étais, alors je te remercie. Tu es aussi adorable aujourd’hui que par le passé ! Il semblerait que le succès ne te soit pas monté à la tête. Bravo, cela ne te distingue-t-il pas, parmi les alumni de Gryffondor ?
Après mes ASPICs, j’ai suivi une formation de Guérisseuse. Mais ça ne me plaisait pas tant que ça alors j’ai arrêté au bout d’un an. En ce moment, je travaille pour le Ministère, en tant que rédactrice pour le département de la Justice Magique. C’est très intéressant, je pense suivre une vraie formation de droit dans quelques mois pour évoluer.
Et pour toi, du coup, comment cela se passe-t-il à Poudlard ? Au fait, félicitations pour ton poste ! Tu vois que j’avais raison de te demander conseil en botanique, j’aurais dû continuer à le faire, ça m’aurait évité d’avoir qu’un A dans cette épreuve de BUSE ! Le château a-t-il changé ? Comment sont les élèves ? Qui reste-t-il comme professeur ?
Je suis tellement désolée de te bombarder de questions, je suis véritablement curieuse ! Serdaigle, un jour, Serdaigle toujours !
Amitiés (et encore désolée !),
Astoria.
Elle ne se posa aucune question et appela Artemis, sa chouette de Tengmalm. A son arrivée, celle-ci leva obligeamment sa patte et pinça affectueusement le dos de sa main.
— C’est pour le professeur Londubat à Poudlard, d’accord ? Bon voyage ma choupette.
Et elle s’accouda à la fenêtre, observant les battements d’aile de son émissaire. Neville allait-il lui répondre ? Elle se disait qu’elle s’en fichait, mais au fond, elle l’espérait.
End Notes:
Je vous remercie d'avoir lu jusqu'au bout !
Alors, dans quel jeu dangereux s'engagent Neville et Astoria ? Est-ce une bonne idée de mentir à leurs conjoints au sujet de cette correspondance ?
Connaissiez-vous les différentes significations des couleurs de cire ?
N'hésitez pas à me faire part de vos remarques, elles sont toujours bonnes à prendre. :) Pour un auteur, une review est une trace de votre passage toujours appréciable !
Et n'hésitez pas non plus à aller lire les autres participations au concours des associations improbables !
A bientôt, je l'espère.
Le verre by AleynaButterfly
Author's Notes:
Bonjour,
Je remercie vivement Calixto, Spiritos et Juliette54 pour leurs adorables reviews ! Cela me pousse à terminer.
Je vous annonce avec plaisir que la fanfic est désormais terminée, et que je posterai le dernier chapitre dans le courant de la semaine prochaine.
En attendant, bonne lecture !
— Vous pouvez y aller. N’oubliez pas, pour la prochaine fois…
Mais le reste de ses mots furent noyés dans le brouhaha des étudiants quittant la serre. Neville avait encore oublié une règle fondamentale de l’enseignement, une de celles que les vétérans répètent aux nouveaux. Ne jamais rien dire après « Vous pouvez y aller ». Il soupira, amusé, mais surtout épuisé. Il adorait son nouveau métier, être de retour à Poudlard était encore mieux que prévu. Le vieux château n’avait pas changé, ce qui avait un côté réconfortant. Le jeune homme rassembla ses affaires et jeta un dernier regard dans la serre, afin de s’assurer qu’il n’avait rien oublié.
Ce fut à ce moment-là qu’une petite chouette d’une espèce inconnue s’engouffra dans les lieux. Ce n’était pas celle d’Hannah. Le petit volatile se posa sur son bureau et tendit sa patte, la tête légèrement penchée sur le côté. Neville détacha délicatement le courrier et s’excusa auprès de la chouette : il n’avait rien à lui offrir. Il ignorait si les oiseaux comprenaient l’anglais, mais il ne pouvait pas s’en empêcher malgré tout. Elle poussa un ululement joyeux et s’envola à tire-d’aile à l’extérieur, en direction de la volière. Visiblement, elle connaissait Poudlard.
Il reconnut aussitôt l’écriture ronde d’Astoria et, de surprise, son coeur s’arrêta un bref instant. Il s’était demandé, à plusieurs reprises ces derniers temps, si elle lui répondrait. La première semaine de son arrivée, il fut déçu de ne recevoir aucun signe d’elle. Sans doute, s’était-il dit, qu’elle ne comptait pas donner suite à sa lettre, à présent que sa curiosité avait été satisfaite. Et puis, il s’était raisonné. Pourquoi lui attachait-il tant d’importance ? Il ne savait même pas à quoi elle ressemblait aujourd’hui, quelle était sa vie. Et puis surtout, il aimait Hannah, n’est-ce pas ? Et au bout d’un moment, il avait tout simplement cessé d’y penser, toute cette histoire lui causant des noeuds au cerveau.
Et pourtant, c’est avec nervosité qu’il décacheta la lettre d’Astoria. Ses doigts tremblants durent s’y reprendre à plusieurs fois pour la déplier correctement. Au fur et à mesure de sa lecture, un sourire idiot naquit spontanément sur ses lèvres, sans qu’il ne le réalise vraiment.
— Professeur ?
Neville sursauta comme un gamin pris en faute et cacha la lettre derrière son dos. Il ne s’agissait que d’Alberto, un troisième année de Serdaigle. Il avait eu sa classe un peu plus tôt dans la journée.
— Excusez-moi de vous déranger… J’ai oublié mon livre de cours tout à l’heure, je venais le récupérer.
— Oui, bien sûr, entre Alberto. Je te l’ai mis de côté.
Il tendit le livre en question au troisième année de Serdaigle, tentant de reprendre une attitude professionnelle. L’étudiant s’éclipsa sans demander son reste. Neville se laissa tomber sur sa chaise et prit sa tête entre les mains. Ses réactions étaient décidément navrantes… Il décida de replier la lettre et de la mettre précautionneusement dans sa poche. Il déciderait plus tard ce qu’il en ferait.
°OoO°OoO°
Chère Astoria
Pour le moment, il n’y avait que ces deux mots qu’il avait réussi à coucher sur le parchemin. Depuis une semaine, Neville séchait sur la rédaction de sa réponse à la jeune femme. Il avait commencé cinq lettres différentes, qui avaient toutes fini dans la cheminée de ses appartements privés. Il se mettait dans une position où il perdait toute spontanéité et s’inquiétait de la manière dont elle interpréterait le courrier.
Et puis, il prit une décision. Il était nécessaire de crever l’abcès, de briser l’illusion qu’il entretenait dangereusement dans son esprit. Ce n’était pas bon, ni pour lui, ni pour elle, ni pour Hannah. Déterminé, il trempa sa plume dans l’encrier et écrivit la suite du courrier.
Professeur Londubat ? Merci pour le coup de vieux ! En tout cas, tu n’as pas à t’excuser pour ton délai de réponse, nous n’avons aucun engagement l’un envers l’autre. Cela me fait plaisir d’avoir de tes nouvelles et de savoir un peu ce que tu deviens. Bravo pour ta reconversion, je sais que ce n’est pas facile d’admettre qu’un métier ne nous correspond pas… J’étais Auror avant de me lancer dans l’enseignement et je ne regrette pas mon choix une seule seconde.
Poudlard est toujours le même, c’est très réconfortant mais aussi un peu intimidant… Les étudiants sont plus turbulents que de notre temps je trouve, mais les collègues m’ont dit que c’était une fausse impression. Au moins, je n’ai pas affaire à des successeurs de Fred et George Weasley cette année… Et tu as raison de poser la question, il y a pas mal de nouvelles têtes parmi les profs. Par exemple, le professeur McGonagall est directrice, elle est remplacée en métamorphose par Mrs Nosy, qui travaillait au Ministère jusqu’à présent. Par contre, Flitwick, Sinistra, Slughorn, Trelawney et Hagrid sont toujours là. J’espère que je n’oublie personne !
Neville leva sa plume et se mordit la lèvre avant d’écrire la suite. Il avait peur de dépasser les limites.
Si tu es disponible un de ces jours, nous pourrions prendre une Bièraubeurre à Pré-au-Lard après ma classe, en souvenir du bon vieux temps. Cela me ferait plaisir de retrouver une ancienne camarade ! Si tu le veux, bien entendu.
Amitiés,
Neville
°OoO°OoO°
— Rappelle-moi, c’est bien ce soir que tu sors ?
Astoria se retourna vers Drago. D’un oeil critique dans le miroir, il ajustait sa longue robe de sorcier verte émeraude, afin qu’elle ne comporte aucun pli.
— Oui, je dois retrouver des amis à Pré-au-Lard après le travail.
Elle ignorait pourquoi elle ne lui disait pas simplement la vérité, qu’elle allait boire une Bièraubeurre avec Neville Londubat. Cela n’avait aucune conséquence, n’est-ce pas ?
— Très bien. Amuse-toi bien !
Et il lui planta un baiser sur les lèvres avant de transplaner vers ses locaux. La jeune femme laissa échapper un soupir de soulagement. Il n’avait posé aucune question. Heureusement, car elle n’aurait pas su lui mentir les yeux dans les yeux. Une partie d’elle était même déçue qu’il ne l’aie pas fait. Ne tenait-il pas à elle ? Mais elle étouffa rapidement cette petite voix mesquine, probablement issue d’une trop importante tendance à lire des romans sentimentaux.
A son tour, elle lissa avec un soin tout particulier les pans de la robe bleue nuit qu’elle avait revêtu pour cette longue journée. La brunette s’était assurée de ne paraître ni trop apprêtée, ni trop négligée. Puis, contrairement à son mari, elle prit le temps de sortir respirer l’air frais du jardin avant de transplaner vers le Ministère.
La journée parut interminable. Astoria surveillait l’heure avec nervosité, les mains tremblantes, incapable de se concentrer. Les mots, jetés sur le parchemin, semblaient danser devant ses yeux, vidés de leur sens. Et pourtant, on lui avait confié une tâche importante. En effet, elle travaillait sur un communiqué de presse concernant le très médiatique procès posthume de Severus Rogue. Le dossier avait traîné pendant des années dans les cartons du Département, certainement un peu embarrassé sur la position à tenir. Depuis l’arrivée d’Hermione Granger, l’amie à qui Neville avait proposé sans succès de l’accompagner au bal, les choses s’étaient accélérées. En deux mois, elle avait pris en main les rênes de leur service avec un enthousiasme contagieux. Elle palliait avec efficacité aux lenteurs et lacunes de Mr Carmichael, leur chef de service.
L’ex-Serdaigle se demandait encore si c’était une bonne idée d’avoir répondu par l’affirmative à l’invitation de Neville. Ils allaient juste boire un verre, comme deux vieux camarades, n’est-ce pas ? Il n’y avait aucune intention cachée là-dessous, aucune malice. Alors pourquoi stressait-elle comme s’il s’agissait d’un premier rencard ?
— Astoria, tu as une minute ? demanda Hermione, la faisant sursauter. Oh, je t’ai fait peur ? Désolée, ce n’était pas mon intention…
— Oh ce n’est rien, répondit-elle avec empressement. Oui bien sûr, que puis-je faire pour toi ?
— Le chef m’a parlé de ton intention de reprendre tes études… Où en es-tu à ce sujet ?
— Il n’y a rien qui presse, c’était juste une idée en l’air. Vous pouvez encore compter sur moi…
— Au contraire, je trouve que c’est une excellente idée ! J’ai épluché tous les travaux des employés ici et ton travail m’a sauté aux yeux. Tu as une belle plume, particulièrement rigoureuse. Tu ferais une excellente greffière. Mais peut-être as-tu un autre projet ?
Rougissante, Astoria bégaya de remerciements et lui assura que non, c’était exactement ce qu’elle envisageait de faire.
— Parfait ! Je t’enverrai le dossier d’inscription à la formation demain, n’hésite pas à me solliciter si tu as besoin d’aide pour le remplir.
Et Hermione s’en fut, telle une tornade brune. Astoria était un peu déboussolée. Auparavant, elle avait soigneusement évité l’ex-Gryffondor, persuadée que celle-ci lui tiendrait rigueur de son mariage avec Drago Malefoy. Son mari lui avait d’ailleurs conseillé de l’éviter autant que possible. Et puis, c’était une amie de Neville aussi. En quelques secondes de conversation, Hermione Granger avait fait voler tous ses préjugés en éclats.
°OoO°OoO°
Finalement, Astoria serait en retard. Sa nervosité avait atteint des sommets au moment de quitter le Ministère, si bien qu’elle transplana plus loin que prévu, pour marcher jusqu’aux Trois Balais et prendre le temps de se calmer. Dans le froid de ce mois d’octobre, elle regretta un peu son choix. Et s’il quittait les lieux avant même qu’elle arrive, exaspéré par son retard ? Non, cela ne ressemblait pas à Neville…
Mais finalement, que savait-elle de lui ? Ne lui créait-elle pas une image loin de la réalité, qui la poussait à cacher leur correspondance auprès de Drago, qu’elle avait pourtant épousé de son plein gré ? Si elle devait être parfaitement honnête avec elle-même, Astoria n’avait pas la conscience tranquille. Il était encore temps de faire demi-tour, de transplaner au manoir et d’arguer que la sortie prévue avait tourné court. Mais non, l’envie et la curiosité furent plus fortes.
Sa montre affichait dix-huit heures quinze lorsqu’elle franchit le seuil de l’auberge, le coeur battant à tout rompre, les membres légèrement engourdis par la nervosité. Les yeux rivés au sol, elle se défit lentement de son écharpe et tapota ses pieds sur le tapis de l’entrée. Tétanisée, elle en venait presque à espérer son absence.
— Astoria ? Par ici !
Elle reconnut sa voix entre mille et ses yeux se posèrent sur un homme à peine plus âgé qu’elle. Installé dans un coin tranquille, près d’une fenêtre, il lui fit un petit signe de la main. Les lieux étaient presque vides et les seules personnes présentes ne leur prêtaient aucune attention.
Neville Londubat avait encore changé depuis la dernière fois qu’elle l’avait vu, lors de sa dernière année à Poudlard. Certes, son béguin lui était passé à ce moment-là, mais elle aurait été aveugle pour ne pas voir l’évolution qui s’était opérée chez lui. Ses rondeurs d’enfant s’étaient évanouies, laissant place à une mâchoire saillante, désormais mangée par une barbe naissante. Ses cheveux châtain clair, coupés court, mettaient en valeur ses yeux d’un bleu brillant. Un grand sourire illuminait son visage. Malgré lui, le coeur d’Astoria rata un battement. La jeune femme s’avança timidement vers sa table, les jambes tremblantes.
— Ah, enfin ! Le pauvre, ça fait bien une demi-heure qu’il t’attend, intervint Madame Rosmerta.
Neville et Astoria rougirent brusquement, comme un seul homme.
— Ne… Ne l’écoute pas, elle dit des bêtises, bégaya Neville d’un ton rieur.
— Je suis désolée du retard, vraiment. J’ai mal évalué la distance à marcher à partir de mon point de transplanage…
— Ne t’inquiète pas, c’est très bien, répliqua-t-il d’un ton rassurant.
— Alors, qu’est-ce que je vous sers les jeunes ?
Madame Rosmerta n’avait que peu changé. Tout au plus, des filaments argentés apparaissaient dans sa longue chevelure blonde, son beau visage à peine marqué par le temps. Admirative, Astoria rêvait de vieillir comme elle. Neville prit sa commande.
— Une Bièraubeurre, s’il te plaît. Et toi, Astoria ?
— Moi aussi, merci.
La propriétaire du pub s’éclipsa et Astoria reporta son attention sur le jeune homme en face d’elle. La jeune brune avait espéré qu’au moment où elle arriverait sur place, toute sa nervosité s’envolerait, le mythe s’écroulerait. Perdu. Ses doigts tremblaient sous la table, elle peinait à sourire de manière naturelle. Pourquoi diable réagissait-elle ainsi ? Elle était mariée ! Neville se cala au fond de sa chaise et brisa la glace.
— C’est gentil d’être venue jusqu’ici. Ca te fait un bout depuis Londres, non ?
— Je ne m’en plains pas, ça me fait un peu changer d’air, répondit-elle, rassurée de constater que sa voix, elle, ne tremblait pas. Et je ne suis pas si fatiguée. Ce n’est pas moi qui ai passé la journée dans une serre remplie de gamins !
Il éclata de rire et l’ex-Serdaigle plaça ses mains sur ses joues, les coudes sur la table, afin de masquer son rougissement. Elle ne put s’empêcher de le suivre d’un rire léger.
— Alors, c’est vraiment mieux que d’être Auror ?, reprit-elle.
— Tu n’as pas idée. D’accord, je suis épuisé le soir, c’est vrai. Mais c’est tellement enrichissant ! Et puis, je peux m’occuper de plantes toute la journée, ce n’est pas un métier de rêve, ça ?
— Je trouve ça fou, vraiment… Depuis qu’on est jeunes, on nous dit que le Graal des métiers de sorciers, c’est l’Auror, va savoir pourquoi. C’est génial de voir quelqu’un démentir cette conception. Qu’est-ce qui t’a décidé ?
— J’en avais assez de me battre.
Cette phrase, prononcée d’un ton sérieux, la plongea dans les souvenirs traumatisants de la guerre. Bien qu’elle n’ait jamais été en première ligne, Astoria se souvenait de la peur permanente qu’elle éprouvait pour sa famille à l’époque. Les Greengrass ne faisaient pas partie des clans ayant fait allégeance à Vous-Savez-Qui, alors la Serdaigle craignait qu’à un moment ou à un autre, il leur force la main. Cela n’arriva heureusement jamais. D’ailleurs, ce ne fut qu’après Poudlard qu’Astoria finit par répondre aux avances de Drago, qui fit des pieds et des mains pour prouver qu’il n’était pas un des leurs. Elle n’accepta un premier rendez-vous qu’après son procès, où le témoignage d’Harry Potter fut capital pour les Malefoy. Et aujourd’hui, elle ne regrettait pas son choix.
Le bruit sourd que firent les chopes de Bièraubeurre sur la table la tira de ses pensées et elle reporta son attention sur Neville. Son charme aussi avait changé avec les années, il était devenu intimidant. Par Merlin, dans quoi s’était-elle fourrée ? Le visage de Drago s’imposa dans son esprit. Elle lutta contre elle-même pour ne pas établir de comparaisons. Drago était son mari, point.
— Et toi, reprit-il d’une voix douce, qu’est-ce qui t’a décidé à arrêter les études de Guérisseur ?
— Ce n’est pas aussi noble que toi… Disons que je m’étais fait de fausses idées sur ce métier. La pression, l’adrénaline… Ce n’est pas pour moi. Du coup, je travaille à la Justice magique maintenant. Avec une de tes amies d’ailleurs, maintenant que j’y pense. Hermione Granger.
— Oh, quelle coïncidence ! C’est vraiment une chic fille.
— Malheureusement, je ne la connais pas très bien… Mais elle a l’air sympathique. D’ailleurs, on a un peu discuté aujourd’hui !
Neville se raidit imperceptiblement, ses jointures blanchirent autour de son verre. Non, elle se faisait certainement des idées, car son visage conservait une expression enjouée.
— Ah oui ? Et tu… Tu lui as dit qu’on se voyait ce soir ?
Astoria se mordit la lèvre, coupable. Délirait-elle ou est-ce que Neville ne voulait pas non plus que leur pseudo-relation se sache ? Quelle relation, d’ailleurs ?, se réprimanda-t-elle. Il n’y avait que de l’amitié tout au plus, n’est-ce pas ?
— Non, ce n’est pas du tout venu dans la conversation, répondit-elle précipitamment avant d’avaler une longue gorgée de Bièraubeurre. Elle voulait en savoir plus sur mes projets de formation, ceux dont je t’ai parlé dans une lettre.
— Ah oui, s’enthousiasma-t-il, un peu plus détendu. C’est une super idée d’ailleurs ! Et où est-ce que cela se passerait ?
— Au Ministère, il y a des salles prévues pour ça, c’est assez pratique d’ailleurs. Mais ce n’est qu’un projet pour le moment.
°OoO°OoO°
Ils discutèrent ainsi durant une bonne heure, la gêne des débuts laissant progressivement place à l’enthousiasme et à la familiarité. Leurs nombreux éclats de rire leur firent du bien à tous les deux après cette longue journée et cette attente.
Neville avait appréhendé ces retrouvailles, même s’il en était l’initiateur. Au départ, son intention avait été de démystifier Astoria. En effet, ses principaux souvenirs d’elle remontaient à de nombreuses années et ils étaient très flatteurs pour la jeune femme. Il fallait qu’il la voie, qu’il lui parle, pour se la sortir de la tête, et rendre à Hannah la place qui lui revenait de plein droit.
Malheureusement, l’opération était pour le moment un échec. Lorsqu’il l’avait vue arriver, les espoirs, qu’il avait soigneusement cultivés, avaient volé en éclats. Elle était d’une beauté discrète, avec sa longue chevelure brune qui tombait en cascades dans son dos et ses grands yeux verts en amande. Malgré l’affection que Neville éprouvait pour elle, Hannah ne soutenait pas la comparaison. Il se morigéna aussitôt pour ces pensées peu amènes et se calma : il était impossible qu’elle n’ait pas quelqu’un dans sa vie. Et il avait raison. A l’annulaire d’Astoria, brillait un anneau en or blanc et une bague sertie d’un diamant de belle taille. Et pourtant, pas une seule fois, Astoria ne mentionna son mari, dont il ignorait jusqu’au nom.
Après une conversation particulièrement passionnée, le jeune professeur s’interrompit et l’observa, un petit sourire en coin.
— Quoi ? fit-elle, presque sur la défensive, les mains autour de sa boisson désormais vide.
— Tu sais, je me demandais un peu à quoi m’attendre. Si tu avais changé depuis que… comment tu dis déjà ? Depuis que je t’ai sauvé d’une flaque de boue. Je ne suis pas déçu.
Les joues de la brunette se teintèrent d’un rouge délicat et ses yeux vert le fuirent, soudainement focalisés sur l’escalier des Trois Balais. Il rassembla alors tout son courage.
— Dis-moi… Qui est l’heureux élu ? demanda-t-il, son index désignant les bijoux sur la main gauche d’Astoria.
Il ne s’était pas attendu à une telle réaction de sa part. Elle sursauta comme une gamine prise la main dans le sac et observa ses bagues comme si elle les voyait pour la première fois. Avec une moue triste, elle consentit à répondre.
— Drago. Drago Malefoy.
Le choc dut se lire sur le visage de Neville, car elle rassembla ses affaires, avec un discret reniflement. Puis, sans le regarder, elle lui souhaita une bonne soirée et le remercia pour l’invitation, tout en déposant quelques mornilles sur la table. D’un geste gracieux, elle se leva et quitta précipitamment les lieux.
Drago Malefoy. Cet arrogant Mangemort, quoiqu’en dise la justice, s’en sortait décidément bien. Blanchi, aucune peine de prison, aucun remords pour ses années à rudoyer Neville à Poudlard et maintenant, il apprenait qu’il avait les faveurs d’Astoria Greengrass. Les imaginer ensemble lui donna la nausée. Neville avait été prêt à accueillir n’importe quel nom avec grâce, même un Cormac McLaggen. Mais Malefoy ? Ce petit tyran, autoproclamé prince des Serpentard ? Avec elle ? Si douce, si intelligente, si…
Et après la colère, vint la culpabilité. Hannah ne méritait pas ça.
End Notes:
Oups, comment est-ce que cela va bien pouvoir se terminer ? La pente est glissante...
Comprenez-vous la réaction de Neville ? La fuite d'Astoria ? Est-ce que ce rendez-vous était finalement une bonne idée ? Je veux tout savoir !
Merci de m'avoir lue, n'hésitez pas à me laisser un petit mot (ou un long paragraphe au choix) pour me dire si ça vous a plu.
A bientôt pour le dernier chapitre !
Le choix by AleynaButterfly
Author's Notes:
Bonjour,
Je remercie à nouveau Calixto et Juliette54 pour leurs reviews ! Vous êtes adorables, les filles.
Voici le chapitre final de cette mini-fic. Cela m'a fait très plaisir de l'écrire, dans le cadre du concours des associations improbables. Je remercie Hazalhia de l'avoir organisé. Je suis également heureuse de le finir dans les temps.
J'espère que cette fin vous plaira.
Bonne lecture !
— Astoria ! Tu viens ? Nous allons être en retard chez ta sœur.
— Je t’ai déjà dit trois fois que j’arrivais, ça ne sert à rien d’en rajouter !
Exaspérée, la jeune femme claqua la porte de la salle de bain avec un peu plus de violence qu’elle ne l’aurait voulu. Il était pourtant hors de question de s’en excuser. Le menton levé, elle passa devant son mari, saisit son manteau et franchit la porte d’entrée. Puis, elle se retourna, consciente d’être un peu mesquine :
— Bon, tu te dépêches ?
— Mon coeur, je ne sais pas ce que tu as en ce moment, mais ton attitude commence à me taper sérieusement sur les nerfs, souffla Drago, les sourcils froncés.
— Oh, excuse-moi de ne pas être une précieuse poupée docile…
— Mais pourquoi tu dis ça ? Tu n’as pas l’impression d’exagérer un peu ?
Depuis quelques jours, en effet, Astoria Malefoy vivait dans une colère permanente. Rien de ce que son mari disait ou faisait ne lui convenait. Quand il rentrait tôt du bureau et la sollicitait pour faire une promenade ou voir des amis, elle s’énervait parce qu’elle voudrait plus de temps pour elle après sa journée de travail. Mais quand il rentrait tard, elle se plaignait qu’il la délaisse. Quand il la laissait lire tranquille, elle se sentait mal aimée, et quand il s’approchait d’elle, elle avait l’impression d’étouffer.
Astoria était parfaitement consciente de ces paradoxes, mais elle ne pouvait s’empêcher de ressentir une vive rancoeur envers Drago, directement liée à sa culpabilité. En somme, elle n’avait pas l’esprit tranquille.
Ils se rendirent à pied chez Théo et Daphné. Le couple vivait à dix minutes de chez eux, facilitant les dîners en famille. Habituellement, cela leur permettait de profiter de l’air frais et du paysage féérique de la campagne. Mais ce soir, entre les jeunes mariés, l’ambiance était électrique. Astoria savait parfaitement qu’elle avait tort, mais elle n’avait aucune envie d’arranger les choses entre eux, pas pour le moment.
Un regard vers le ciel et au lieu de s’extasier sur les étoiles, elle se demanda si elle aurait des nouvelles de Neville ou si quelque chose s’était définitivement brisé entre eux. Le regard du jeune homme la hantait. Tout se passait si bien pourtant, ils avaient surmonté leur gêne initiale, et voilà qu’il lui demandait avec qui elle était mariée ! Qu’est-ce que ça pouvait bien lui faire, d’abord ? Ils avaient cet accord tacite, celui de ne pas parler de leur vie sentimentale et il était venu tout gâcher. Pire, il la jugeait. Les yeux bleu du jeune homme s’étaient assombris, voilés par une colère incompréhensible. De quel droit Neville Londubat se permettait-il de la juger ?
— Théo, ils sont là !
Daphné se précipita vers eux dans une tornade blonde et enlaça Astoria comme si elle ne l’avait pas vue depuis une éternité. Puis, elle pressa la main de Drago et emmena sa sœur à l’écart, dans leur petit jardin, comme à leur habitude. La brunette eut à peine le temps d’adresser un signe de la main à Théodore Nott. Drago, un sourire triste au coin des lèvres, la regardait s’éloigner. Cette vision la frappa en plein cœur et la culpabilité monta encore d’un cran. Elle ignorait que c’était possible.
Alors, sous le regard ébahi de sa grande sœur, Astoria se mit à pleurer. Affolée, Daphné l’entraîna sur un banc en pierre, à l’abri des regards. D’un geste maternel, elle enlaça sa petite sœur et lui caressa tendrement les cheveux. Les deux sœurs s’étaient considérablement rapprochées depuis la fin de la guerre.
— Je… Je… Je…
Sa voix tressautait, les mots peinaient à sortir de sa gorge, les larmes ruisselant en cascade le long de ses joues blafardes. Elle se sentait si mal à présent, le cœur broyé par un étau invisible. Oh, elle en suffoquait !
— Chut, tout va bien ma puce, murmura Daphné, dans sa patience infinie. Je suis là.
— Tu ne comprends pas…, hoqueta sa cadette. Je suis un monstre.
— Je suis sûre que non, Astie. Et si c’est Drago qui a dit ça, je vais aller lui dire gentiment ce que j’en pense, ajouta-t-elle d’un ton menaçant.
Mais Astoria ne se dérida pas. Elle prit quelques minutes pour se calmer, dans les bras de sa sœur, puis se redressa lentement. Essuyant ses larmes du revers de la manche de son long manteau, elle lui raconta tout, n’omit rien. La découverte du journal, les lettres, le rendez-vous coupable. Daphné l’écouta avec attention, ne l’interrompant à aucun instant, essuyant même de temps à autre les larmes qui s’échappaient des yeux d’Astoria.
— Tu vois, je suis horrible. Je fais payer Drago pour quelque chose qu’il n’a pas fait et je n’arrive pas à me sortir Neville de la tête, alors même qu’il n’y a rien entre nous.
— Déjà, je vais t’apprendre une chose que tu ne sais pas : Hannah Abbott, qui a repris le Chaudron Baveur à Londres, est la compagne de Neville. Il me semble que c’est une information qu’il n’a pas jugé utile de te confier. Il n’est pas tout blanc non plus, Astie.
Prise au dépourvu, l’ex-Serdaigle regarda sa sœur avec des yeux ronds. Effectivement, elle ne le savait pas, dans son esprit, il était célibataire. Il se comportait comme tel, en tout cas. Ainsi, elle n’était pas la seule à délibérément cacher l’existence de la personne qui partage sa vie. D’abord, elle lui trouva des excuses : ce n’était pas venu dans la conversation, il ne lui avait fait aucune avance franche, mais tout de même… S’il avait été honnête, il l’aurait mentionnée.
— Le mariage, c’est une sacrée étape dans une vie, tu enchaînes ta vie avec celle d’une autre personne, pour le meilleur comme pour le pire. Tu n’as pas eu beaucoup de petit-amis, ce n’est pas anormal que tu te demandes si avec un autre, les choses en iraient autrement. Mais je crois que tu idéalises beaucoup ce Neville. Que sais-tu de lui, finalement ?
Les paroles rationnelles et bienveillantes de Daphné Nott agirent comme un baume sur son cœur. Non, ce n’était pas exactement ce qu’elle voulait entendre, mais sans conteste, ce fut ce qu’elle avait besoin d’entendre. Comme depuis toujours, Daphné était la plus mature des deux, la plus posée et la voix de la raison. Aux yeux admiratifs de sa petite sœur, Théodore avait une chance de dingue. Belle, intelligente, calme et gentille comme un cœur, il n’aurait pu trouver meilleur parti.
— Merci Daf, tu es un ange, tu le sais ça ?
— Il fallait bien qu’on t’attribue un ange gardien avec tout ce qui t’arrive, ma pauvre chérie, répondit-elle en riant. Qu’est-ce que tu penses faire maintenant ? A propos de Neville ?
— Je…, hésita-t-elle un instant. Je pense que le plus raisonnable est de cesser de lui écrire, de ne pas le relancer. Mais, demanda-t-elle d’une petite voix, tu ne crois pas que je passe à côté de quelque chose ?
Daphné éclata d’un rire cristallin, faisant rougir sa petite sœur.
— Rappelle-toi à quel point tu as fais suer Drago Malefoy sang et eau pour un simple dîner avec toi ! Pour Neville, il a suffi de souvenirs nostalgiques et de quelques lettres pour que tu sois prête à tomber dans ses bras, sans même savoir que son cœur était supposément déjà pris ! Et puis ma chérie… Je sais que celui que tu aimes vraiment, c’est Drago. Ce que tu ressens avec Neville, c’est de la passion, le frisson de l’inconnu, des premières fois. Ce n’est pas ce qui fait un couple.
La brune acquiesça, rouge de honte. Bien sûr, Daphné avait complètement raison, sur toute la ligne. Elle avait pris le temps d’apprendre à connaître Drago, s’assurer qu’il n’était pas un vil Mangemort comme on voulait le dépeindre par ailleurs et qu’il était véritablement prêt à renier ses principes dépassés sur la pureté du sang. Au fur et à mesure, une vraie tendresse s’était installée entre eux, remplaçant la fougue des débuts. Et Neville… Il n’était qu’un fantasme, voilà tout. Certes, cela la faisait rêver, mais c’est dans la réalité qu’on construit une relation, une vie.
— On rentre ? Il commence à faire vraiment froid.
°OoO°OoO°
Il épousseta la neige, collée à sa lourde cape lors du trajet, puis tapa des pieds pour nettoyer ses chaussures, recouvertes de boue.
— Bonsoir Neville ! Ta table habituelle ? demanda Madame Rosmerta, passant devant lui.
— Oui, c’est parf… Tu sais quoi ? Non, je vais changer un peu. Surprends-moi. Nous serons quatre.
La serveuse lui lança un drôle de regard mais n’ajouta rien. D’un coup de baguette, elle prépara une table près de l’escalier massif qui menait à l’étage, bien loin de son emplacement favori près de la fenêtre. Il ne se sentait pas prêt à y retourner. Il entendait toujours l’ombre des rires d’Astoria qui subsistait entre ces murs,. C’était parfaitement idiot, mais suffisamment réel. Depuis ce rendez-vous, il n’était pas retourné au Chaudron Baveur. Pendant un mois, il avait esquivé les questions, de plus en plus inquiètes, d’Hannah. Toutes sortes d’excuses furent inventées. Un week-end il ne pouvait pas rentrer car il y avait conseil de classe, puis ce fut un séminaire, ou encore une oreillongoules très contagieuse. Il commençait à être à court d’imagination, mais il ne se sentait pas prêt à rentrer. Comment pourrait-il regarder Hannah dans les yeux désormais, maintenant qu’il n’était plus si sûr de son amour pour elle ?
La porte de l’auberge s’ouvrit à nouveau et ses amies entrèrent les unes à la suite des autres, toutes droit venues de Londres. Hermione fut la première. D’un grand geste, elle sécha le petit groupe, faisant évaporer la neige. Puis elle nettoya d’un second coup de baguette leurs chaussures maculées de boue.
— Merci Miss Granger ! Si tous les clients étaient aussi attentifs que toi, ce serait bien moins fatigant à entretenir, s’exclama Madame Rosmerta avec un clin d’œil.
La jeune femme sourit avec amusement et s’avança vers Neville d’un pas décidé. Elle tira la chaise face à lui. Ses cheveux bouclés et désordonnés étaient rassemblés en un chignon lâche qui mettait en valeur l’ovale de son visage. Visiblement, elle était directement venue du bureau. Luna, derrière elle, regardait les lieux d’un air nostalgique et soupira d’aise en s’installant à la droite d’Hermione. Ginny, quant à elle, ébouriffa les cheveux de Neville, qui ne put l’esquiver, et s’assit à côté de lui. Le quatuor terrible de leur septième année commune à Poudlard fut reformé le temps d’une soirée, sur une proposition enthousiaste de Ginny.
— Hannah nous a dit de te dire bonjour. Elle pense que tu es atteint de disparition pathologique, commença Luna, d’une voix douce, en guise de préambule.
Embarrassé, Neville bredouilla un vague « Elle exagère » et balaya le sujet en leur demandant d’une voix forte comment elles allaient.
— Je crois que je vais bientôt prendre ma retraite sportive. Pas tout de suite, je vais au moins aller au bout de la saison, ajouta-t-elle devant le regard stupéfait de ses amis. Mais il est bientôt temps de raccrocher le balai. Parce que…
Elle retira finalement ses gants et présenta sa main gauche, sur laquelle brillait un rubis entouré de diamants.
— Oh, il s’est ENFIN décidé ! Félicitations Gin’, c’est génial ! s’exclama Hermione, qui battait les mains d’excitation. Tu n’es pas obligée d’arrêter ta carrière pour ça, non ?
— Oh, je sais bien, répondit Ginny, un sourire éclatant. C’est mon choix. Et puis, annoncer ça n’était qu’un prétexte pour vous montrer cette bague.
Ils éclatèrent de rire. Luna et Neville la félicitèrent à leur tour, ce dernier ressentant une contraction d’estomac. La bague d’Astoria s’imposa dans son esprit ainsi que ses dernières paroles : Drago. Drago Malefoy. Il avala une gorgée de sa chope pendant que les jeunes femmes discutaient des noces à venir. Il profita d’un temps de pause pour demander à Hermione :
— Et toi ? Ton nouveau travail te plaît ?
Les regards se tournèrent vers la brune qui leur expliqua en quoi consistaient ses nouvelles fonctions. Pour être honnête, Neville n’en avait cure. Il n’attendait que l’occasion de poser sa question suivante.
— Et du coup, il y a des gens qu’on connaît dans ton service ?
— Non, la plupart sont sortis de Poudlard bien avant qu’on y soit… Ah si, il y a cette femme, Astoria Malefoy. Je ne me souvenais pas d’elle, par contre, elle était plus jeune que nous.
Neville resta silencieux. Pourquoi avait-il voulu qu’Hermione en parle ? Pour s’assurer qu’Astoria disait bien la vérité ? Ou alors, pour le plaisir masochiste d’entendre son nom ?
— Oh ma pauvre, ricana Ginny. Une Malefoy ! Alors, est-ce qu’elle est aussi désagréable que les… spécimens qu’on connaît ?
— En fait non, réagit Hermione d’un ton sérieux. Je ne la fréquente pas vraiment pour l’instant, mais elle est gentille et très compétente, de ce que j’en sais.
— Neville, ça va ?
L’interrogation de Luna provoqua un gros blanc dans leur conversation. Le jeune homme ne s’était pas aperçu qu’il avait serré les poings. Il regardait fixement son verre pour ne trahir aucune émotion, ce qui était loin d’être une mince affaire pour lui. Mais le regard acéré de Luna n’avait rien manqué de ces changements.
— Oui, oui. Excusez-moi les filles, je vais aller prendre l’air. Je suis un peu fatigué ce soir.
Sans attendre de réponse, il se leva et quitta le Chaudron Baveur. Il était ridicule. Il avait besoin de parler d’elle, mais en même temps, il savait qu’il n’en avait pas le droit. Comment pourrait-il l’exorciser désormais ? Le jeune homme soupira et regarda la neige tomber à ses pieds.
Il se faisait honte à lui-même. N’était-il pas quelqu’un de droit, d’honnête ? Celui qui avait toujours recherché la justice au détriment de son sort personnel ? Alors pourquoi perdait-il ainsi la tête ? Il ne connaissait pas Astoria, pas réellement. Ah, si seulement elle n’avait jamais envoyé cette lettre ! Sans nul doute, il serait actuellement auprès d’Hannah… Mais en cet instant, il ne savait pas, il ne savait plus.
Des pas crissèrent dans la neige derrière lui. Sans se retourner, il sut qu’il s’agissait d’Hermione. Il imagina sans peine le débat qui avait animé les trois filles, Ginny voulant le suivre immédiatement, Luna lui conseillant plutôt de le laisser tranquille pour le moment et Hermione se levant d’un air sérieux et murmurant « Je vais voir ce qu’il se passe. »
— Neville ? Est-ce que je te dérange ?
— Non, lui répondit-il, le cœur lourd. Je suis désolé pour…
— Ne t’inquiète pas. Elles sont reparties sur le mariage de Ginny, on est tranquilles pour un petit bout de temps. Tu veux marcher un peu ?
Il acquiesça et suivit les boucles désordonnées de son amie alors qu’elle menait le chemin. Une fois qu’ils furent à distance, Hermione reprit :
— Je dois t’avouer une chose. Je m’inquiète pour toi depuis quelques semaines déjà. Oui, insista-t-elle devant le regard surpris de son ancien camarade. Tes lettres sont… différentes. Et Hannah m’a appelée en pleurs, il y a quelques jours, persuadée que tu allais la quitter.
Cela lui fit l’effet d’un coup de poing au cœur. Sous le choc, Neville s’arrêta net. Le ton d’Hermione était loin d’être accusateur, mais la culpabilité l’enflammait de l’intérieur.
— Non… souffla-t-il, mal à l’aise. Je l’ignorais.
— Je ne te juge pas, Neville. Tu es mon ami et surtout, quelqu’un de bien. Je veux juste que tu saches que je suis là pour toi. Ginny et Luna, aussi.
— J’ai besoin de dire la vérité à quelqu’un, je ne peux plus garder ça pour moi, murmura-t-il en retour, la voix cassée.
Silencieuse, Hermione le prit par le coude et ils reprirent leur marche. Et il lui avoua tout. La première lettre, les souvenirs du passé, la correspondance, jusqu’au rendez-vous et puis son nom marital. Malefoy.
— … Je crois que je l’ai vexée. J’étais stupéfait. Qu’elle soit mariée, ça ne me choque pas, elle a tellement de qualités. Mais avec Malefoy ! Tu réalises un peu ? Celui qui nous a harcelés pendant des années ! Ca ne te semble pas étrange, injuste même ?
Les sourcils froncés, le yeux perdus vers l’horizon, Hermione prit son temps pour répondre. Neville l’observait nerveusement, se demandant s’il avait dépassé les limites. Il se persuada que oui. Par Merlin, pourquoi n’avait-il pas su se taire ?
— Les années ont passé, tu sais… Malefoy a certainement changé, reprit-elle d’une voix posée. Il ne faisait pas le fier les dernières fois que je l’ai vu. De toute façon, c’est entre elle et lui, nous n’avons pas à juger leur couple, tu ne crois pas ?
Elle avait raison, bien sûr. Comme toujours.
— Et puis Neville… Qu’espères-tu exactement ? Elle est mariée, tu as Hannah. Si tu veux vraiment être avec Astoria, il faudrait que tu penses à Hannah, la situation n’est pas juste pour elle. Tu as le droit de ne plus l’aimer, mais tu ne peux plus continuer à agir derrière son dos… Ça te détruit de l’intérieur et elle ne mérite pas ça non plus.
Être avec Astoria. Etrangement, ces mots furent les seuls sur lesquels il bloqua. Il ne se l’était jamais dit. Il ne voulait pas vraiment être à ses côtés… N’est-ce pas ? Il rougit furieusement en imaginant sa main se glisser dans la sienne, ses yeux vert pâle se plonger dans les siens. Il s’enfonça dans sa cape, bénissant la nuit de masquer ses états d’âme aux regards indiscrets.
— Neville ?
— Oui, tu as raison. Je dois prendre une décision. Merci Hermione.
Hermione hocha la tête, son inquiétude pas tout à fait dissipée. Neville, lui, était déterminé. Il devait revoir Hannah et s’éclaircir les idées. Au fond, il savait qu’il devait oublier Astoria. Et de toute manière, n’était-elle pas trop bien pour lui ?
°OoO°OoO°
Les pavés du Chemin de Traverse luisaient sous le soleil implacable de ce mois d’août. Le thermomètre battait tous les records et ce n’était pas la brise suffocante qui allait alléger l’atmosphère. Au cœur de l’après-midi, rares étaient les courageux qui s’aventuraient dans les rues caniculaires de Londres. La plupart des sorciers avaient préféré s’envoler vers les plages ou les parcs ombragés du pays. Les courses scolaires et le shopping pouvaient bien attendre un jour plus clément.
Mais Astoria et Daphné n’en avaient cure. C’était ce jour qu’elles avaient prévu pour se retrouver et pas un autre, alors qu’importait si elles devaient user d’un sortilège de confort pour se rafraîchir ? Les deux femmes marchaient bras dessus bras dessous, vêtues de leurs atours les plus estivaux.
— C’était bien sympa aujourd’hui. Je suis contente qu’on ait passé la journée ensemble, ça faisait longtemps.
— Oh oui, à peine deux semaines, ironisa Astoria avec un sourire radieux. N’empêche, j’ai un peu soif quand même.
— Allons se prendre un verre de citronnade pimentée avant de rentrer, ça fait teeellement longtemps que je n’en ai pas bu !
— Trois semaines ? s’écria la cadette, revêtant une expression faussement choquée.
Daphné éclata de rire et fit mine de frapper sa sœur, qui esquiva élégamment le geste, un sourire narquois.
— Je te trouve bien insolente aujourd’hui, Astie. Viens !
Astoria se figea soudain en voyant la destination vers laquelle sa grande sœur l’entraînait. Non. Pas le Chaudron Baveur.
— Ce n’est pas une bonne idée, Daf…
— Astie… Ca fait presque un an maintenant. Il ne sera sûrement pas là, en plus. Viens.
Presque un an… Plutôt dix mois. Astoria avait certes pris sa décision et n’avait pas recontacté Neville. De toute façon, il ne lui avait pas donné de nouvelle non plus, la confortant dans son choix. En conséquence, l’attitude de la jeune femme envers Drago s’était grandement améliorée et ils avaient retrouvé une certaine complicité. Malgré tout, certaines nuits, l’image de Neville Londubat la tenait éveillée. Même à sa sœur, sa plus grande confidente, Astoria ne l’avait pas avoué, préférant bannir son nom de toute conversation.
Le cœur tambourinant dans sa poitrine, elle entra dans le bar à la suite de Daphné. Il faisait si frais à l’intérieur, comparativement à la rue ensoleillée, si bien que les deux sœurs frissonnèrent l’espace d’un instant, le temps de se réhabituer à des températures acceptables. Astoria lança un regard circulaire autour d’elle. Il y avait du monde aujourd’hui, beaucoup avaient choisi de se réfugier dans ce bar plein de vie. Une femme blonde, sans doute la fameuse Hannah, leur adressa un signe de main à leur entrée. Astoria lui répondit d’un sourire timide, ignorant la culpabilité qui lui remuait les entrailles. Neville n’était nulle part en vue. Etait-elle déçue ou rassurée ?
— Ne t’inquiète pas. Assieds-toi ici, chuchota sa grande sœur, l’entraînant dans un coin, près d’un grand escalier.
— Daphné ! Comment vas-tu ? lança Hannah, s’approchant d’elles, les mains sur les hanches.
Elle avait un beau visage, remarqua-t-elle. Ses longs cheveux blonds tressés en couronne autour de sa tête le mettaient en valeur. Ses yeux chaleureux se posèrent sur Astoria, qui baissa aussitôt la tête, soudainement très intéressée par un pli de sa robe.
— Je te présente ma petite sœur, Astoria. Excuse-la, elle n’a pas l’habitude de la foule…
La jeune brune retint de justesse un regard meurtrier et salua la patronne avec courtoisie.
— Je te laisse passer la commande, Daf. Je suis désolée, pourrais-je savoir où se situent les toilettes ?
Hannah lui indiqua un étroit couloir qu’elle n’avait pas remarqué en entrant, et expliqua leur emplacement. L’ex-Serdaigle en profita pour fuir sans demander son reste. Elle ressentait le besoin de s’asperger le visage pour s’éclaircir les idées et passer à autre chose. Les émotions se bousculaient en elle, si bien qu’en longeant le couloir vers la dernière porte, elle ne fit pas attention à la personne qui sortait justement d’une pièce à ce moment-là. Evidemment, elle percuta de plein fouet l’homme, qui la retint en glissant une main derrière son dos. Neville. Sous le choc, elle l’observa les yeux écarquillés, la main posée sur son torse.
Des mèches châtain s’échappaient sur ses yeux bleu, alors qu’il la regardait avec stupeur. Suffisamment près pour sentir son parfum discret de cèdre et de terre fraîchement retournée, Astoria observa sa mâchoire bien dessinée, jusqu’à ses lèvres fines légèrement entrouvertes. Réalisant ce qu’elle faisait, ses joues se teintèrent de rouge vif, brûlées d’embarras.
Un bruit de verre brisé provenant de la salle de bar les fit sursauter tous les deux. Neville jeta un regard autour de lui, s’assura qu’ils étaient seuls et entraîna la jeune femme dans la pièce qu’ils venait tout juste de quitter. Il s’agissait d’une réserve, dont l’odeur de poussière et de carton agressèrent les narines d’Astoria, peu habituée à ce type d’environnement. Mais en cet instant, elle s’en fichait éperdument. Il était là, devant elle. Le monde n’existait plus. Il n’y avait plus de clients, plus de Daphné, plus d’Hannah, plus de Drago. Seuls comptaient son visage, ses yeux, ses lèvres.
— Neville, je suis déso…
Son chuchotement fut brusquement interrompu par les lèvres de Neville sur les siennes. Astoria avait tort. Le monde n’avait pas disparu, puisqu’il venait d’exploser tout autour d’elle. Elle répondit ardemment au baiser, les jambes flageolantes, les bras glissés autour du cou de Neville. Il n’y avait plus qu’eux, perdus dans ce moment volé, hors du temps. Il fut le premier à briser le contact, à regret.
Il la contempla longuement, les yeux voilés de tristesse dans la pénombre ambiante. Seule une faible lueur tremblotante les éclairait. Ils se comprirent aussitôt. Ils avaient honteusement cédé à la tentation, mais cela ne signifiait pas qu’ils avaient eu raison. Les mots de Daphné lui revinrent en mémoire, porteurs d’une sagesse bienvenue : Ce que tu ressens avec Neville, c’est de la passion, le frisson de l’inconnu, des premières fois. Ce n’est pas ce qui fait un couple.
— Si seulement les choses étaient différentes, soupira-t-il.
— Oui, répondit-elle à regret. Ça ne doit pas se reproduire.
Il acquiesça péniblement. Ils étaient sur la même longueur d’ondes. La réalité frappait à leur porte. Quand ils quitteraient cette pièce, tout devrait à nouveau suivre l’ordre établi. Astoria fut la première à poser une main sur la poignée. Incapable de lever les yeux vers lui, elle articula à mi-voix :
— Adieu Neville. Sois heureux.
— Je te le souhaite aussi, Astoria. Même si c’est avec Drago Malefoy, ajouta-t-il avec un sourire peiné.
Et elle le laissa là, avec un dernier sourire, prête à affronter le monde extérieur. A chaque pas, un pan de la réalité la giflait. Qu’avait-elle fait ? Le regrettait-elle, de s’être laissée entraîner ? Non, se répétait-elle. Cela n’a rien à voir avec Drago. Cela n’a rien à voir avec Hannah. La passion les avait saisis, ils devaient solder cette occasion manquée. Mais à quoi bon ? lui soufflait sa conscience, celle qui avait une ressemblance troublante avec la voix de Daphné ? C’était nécessaire. Maintenant, je peux tourner la page. Drôle de façon de le faire… Elle retourna face à sa sœur, qui sut immédiatement que quelque chose est arrivé.
— Buvons, et partons, se contenta de répondre Astoria au regard inquisiteur de l’aînée.
Non, elle n’était pas fière d’elle. Non, ce n’était pas dans ses habitudes. Mais maintenant, elle savait ce que ressentait son sauveur de boue, elle savait que son béguin était partagé, elle savait qu’ils étaient parvenus à la même conclusion, et avaient simplement volé ce souvenir, celui de leurs lèvres entremêlées. Un souvenir qu’elle chérirait, mais qui ne la tiendrait plus éveillée la nuit. Cela, elle en avait la certitude.
Pourtant, à un aucun moment, elle ne croisa le regard d’Hannah. Jamais plus, elle ne remettrait les pieds au Chaudron Baveur, quoiqu’en dise Daphné. Sa vie auprès de Drago pouvait reprendre, sereinement cette fois. Elle réalisa qu’elle l’avait choisi, depuis le début. Et tant pis si elle devait vivre avec cette faute.
°OoO°OoO°
— Neville ?
Hannah s’avança dans le salon. Neville, un sourire nostalgique sur les lèvres observait la cheminée dont le feu ronflait, diffusant une chaleur infernale dans l’appartement.
— Un feu de cheminée pendant la journée la plus chaude de l’année ? Tu ne cesseras jamais de m’étonner mon chéri.
Pour simple réponse, il rit. Elle ne vit pas la peine et la honte lutter dans son esprit. Il méritait de brûler lui aussi, pour ce qu’il lui avait fait. Pourtant, d’un coup de baguette, le jeune homme éteignit le feu. Seules quelques flammes survécurent, hypnotisantes.
— Oh tu n’étais pas obligé…
— Je sais, répliqua-t-il d’un ton grave.
Il embrassa Hannah sur le front et l’entraîna vers le couloir. Derrière lui, les cendres continuaient à voleter. Seul un petit bout de parchemin subsistait, léché par les flammes. Avant qu’il ne se consume tout à fait, on put distinguer un seul mot : Astoria.
End Notes:
Et voilà, c'est sur cette fin mi-figue mi-raisin que je termine leur histoire éphémère. Aviez-vous deviné que cela se finirait ainsi ?
J'adore Daphné en grande soeur... C'est un personnage qui mériterait que je l'explore aussi à l'occasion.
Je rappelle quand même que je ne cautionne pas la tricherie envers son partenaire (nope nope) ! Mais il n'empêche que je me suis bien amusée en mettant ces personnages dans cette situation, loin des habituels bourreaux des coeurs. Bref, ça me change un peu.
N'hésitez pas à lire les autres participations et à aller voter sur le forum !
Merci de m'avoir lue et une review, même minuscule, fait toujours (beaucoup) (énormément) plaisir.
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