Le Terrier n’avait pas changé, finalement… Harry et Ginny arrivaient main dans la main à hauteur de la maison d’Arthur et Molly Weasley, échangeant des souvenirs qui n’appartenaient qu’à eux. Dans les bras de son père, Lily, un minuscule bébé, était invisible sous les plis de ses vêtements d’hiver et dune couverture de voyage à carreaux…
« Vous croyez que tonton Ron est arrivé… ? s’enquit James, l’aîné des enfants Potter
— Ta tante Hermione n’aime pas être en retard, répondit Ginny. Je suis certaine qu’ils sont tous là »
Et aussitôt, les visages réjouis de Rose et de Hugo apparurent au carreau de la cuisine. La porte d’entrée s’ouvrit à la volée et la silhouette légèrement voutée d’Arthur Weasley se dessina, bientôt masquée par George, Angelina, Charlie et Percy.
« Nom d’une chouette, lança Charlie en pointant le jeune James de l’index, c’est le portrait craché de son père ! »
L’adolescent passa une main dans les cheveux en bataille qui lui tombaient sur le front mais Ginny remarqua qu’il avait l’air très satisfait de la comparaison… Hermione sortit à son tour sur le perron pour embrasser ses neveux et ses nièces. Alors que les conversations et les accolades se poursuivaient dans l’entrée de la vieille maison, Albus Severus Potter se faufila vers la cuisine. Sa grand-mère Molly lui glissa plusieurs sablés dans la poche :
« Ne dis rien à tes cousins et à ton frère, implora-t-elle, j’ai à peine le temps de faire cuire une fournée qu’ils ont déjà tout dévoré ! »
Albus acquiesça mollement et rejoignit le salon où la vieille radio diffusait des chants de Noël démodés. Pourquoi fallait-il passer les fêtes ici et rassembler la famille au grand complet ? Il préférait le cercle réduit de ses parents, de son frère et de sa petite sœur. Il préférait sa petite maison confortable, sa chambre bien rangée, ses affaires soigneusement ordonnées… D’ailleurs cette année, c’était encore pire que les dernières fois :
« Vous êtes contents d’aller en France ?! lança joyeusement Rose à James et Fred II tandis qu’ils s’abandonnaient tous les trois sur le canapé.
— Moi je suis super content de revoir Dominique et Louis, lança James en glissant négligemment un bras derrière sa tête. J’espère que Victoire me présentera ses copines. Je compte bien me marier avec une française, plus tard… »
Rose esquissa un sourire timide tandis que Hugo et Fred pâlissaient d’admiration devant l’aisance naturelle de leur cousin. Albus ne put réprimer une grimace de dégoût.
« Quelqu’un veut faire une partie d’échecs version sorcier ? tenta-t-il bravement »
Fred, James, Rose et Hugo tournèrent la tête. Molly II, la fille aînée de Percy entra au même moment dans le salon :
« Hé ! Venez tous, papy va nous aider à faire un bonhomme de neige comme les moldus ! »
Tout le monde sauta sur ses jambes. Hugo paraissait ravi et, même s’ils essayaient de garder un air plus dégagé, Rose, James et Fred ne parvenaient pas tout à fait à cacher leur enthousiasme. En une seconde, tout ce petit monde disparut dans le jardin…
Albus se retrouva seul dans un coin du salon, la voix de la vieille Celestina Moldubec grésillant dans le poste de radio derrière lui…
La neige s’était mise à tomber en petits flocons cotonneux qui augmentaient l’épais tapis blanc sur la pelouse du jardin. Hermione et Harry s’éloignèrent du groupe d’adultes, absorbés par les préparatifs du voyage.
« Il faudra se lever aux aurores pour ne pas rater le portoloin, indiqua la sorcière.
— Pas de problème, fit Harry d’un ton dégagé. On se couchera de bonne heure.
— Et Arthur m’a demandé de jeter les sortilèges de protection sur la maison. Je pensais m’en occuper ce soir, si tu veux bien m’aider, Harry »
Harry lui lança un regard amusé. Il était bien placé pour savoir qu’Hermione était la personne la plus douée en sortilège dans toute la maison !
« Si ça peut te faire plaisir… souffla-t-il.
— Molly m’a dit que la maison sera coupée du réseau de cheminette demain après notre départ… »
Harry haussa les épaules : depuis quelques années, les sorciers prenaient cette précaution pour éviter les cambriolages. D’après lui, c’était sinon complètement inutile au moins totalement excessif. Même pendant la guerre, on n’en faisait pas autant !
« Qui aurait l’idée de venir cambrioler le Terrier ?! lança-t-il en secouant la tête.
— Tu l’ignores peut-être, Harry, commença Hermione de sa voix la plus condescendante, mais tous les objets ayant un lien proche ou lointain avec toi se vendent à prix d’or au marché noir ! Ce ne serait pas étonnant du tout que quelqu’un de mal intentionné… »
Mais la fin de la phrase d’Hermione se noya dans une boule de neige qui la frappa en plein visage ! Les éclats de rire s’interrompirent aussitôt pour repartir de plus belle tandis que Ron accourait en s’excusant !
A quelques pas derrière un massif d’edelweiss enchantées, un bonhomme de neige rutilant, coiffé d’un chapeau de sorcier rapiécé, tendait ses bras de branches vers le soleil couchant. Toute la famille se lança alors dans une bataille de boules de neige improvisée !
Ron, Harry et Hermione se servaient de sorts de catapultage pour riposter aux habiles lévitations de Charlie et Ginny. Percy était affecté au stock et à la confection de projectiles pour Rose, Hugo et James. Molly, entourés de Fred II, Angelina et Audrey, organisait une opération de sabotage en bonne et due forme !
Albus se glissa derrière son frère pour se joindre à l’action mais James ne le remarqua pas et sortit de la poche de sa cape sa baguette magique dont il ne s’était plus séparé depuis le jour où il l’avait achetée sur le Chemin de traverse.
« Tu n’as pas le droit de t’en servir ! siffla Albus dans le dos de son frère. Ne fais pas ça…
— La ferme, Al’ ! Je t’ai rien demandé »
James avait à présent les doigts serrés sur sa baguette et Albus eut sincèrement l’impression que son frère allait enfreindre la loi des sorciers :
« NON ! s’écria-t-il en se jetant sur James pour retenir son geste »
Les deux garçons tombèrent dans la neige et roulèrent en se débattant. Ginny bondit hors de son poste de bataille :
« Nom d’une chouette, qu’est-ce qui vous prend ?!
— Il veut se servir de la magie ! cria Albus en repoussant James en arrière.
— Mais non ! rugit James, écarlate, Je l’aurais jamais fait ! Maman !
— Stop ! intervint Harry »
Le bras levé, il demanda à tout le monde de mettre fin à la bataille de boules de neige et aida ses fils à se relever :
« Papa… geignit Albus avec l’intention de s’expliquer.
— Tu n’es qu’un sale petit cafeteur ! l’interrompit James d’un ton assassin. Le Choipeau t’enverra à Serpentard, c’est sûr et certain !
— James, ça suffit ! coupa sèchement Harry. Je ne veux plus vous entendre, ni l’un ni l’autre !
— Non je n’irai pas à Serpentard ! rugit Albus, le rose lui montant aux joues »
Ce fut le mot de trop. Harry rattrapa par le col James qui s’échappait vers la cuisine et empoigna le bras d’Albus. Ginny, Hermione, Ron et Charlie essayaient de faire rentrer les autres enfants dans la maison, mais Molly II, Rose et Hugo luttaient pour voir la scène :
« On ne peut pas vous faire confiance ! gronda Harry. Puisque vous ne savez pas vous amuser, vous aller passer le reste de votre temps libre à dégnomer le jardin et vous irez directement vous coucher après le diner.
— Quoi ?! s’étouffa James.
— Parfaitement ! trancha encore son père, péremptoire. Peut-être que travailler ensemble vous rendra un peu plus fraternels… »
Mais il n’en fut rien. Et l’ambiance était même devenue glaciale entre les deux frères lorsque leur grand-mère les appela pour venir manger. Rose, Hugo, Fred et Molly les accueillirent à la table des enfants avec de petits sourires timides.
« Il y avait beaucoup de gnomes… ? essaya Rose pour briser le silence.
— Il y en avait au moins un gros… souffla James entre ses dents avec un coup d’œil mauvais à son cadet »
Hugo ne put s’empêcher de pouffer de rire. Rose eut un sourire indulgent et Fred soupira :
« Faut pas vous fâcher juste avant Noël les gars, ça va gâcher la fête !
— La fête ?! persiffla Albus. Laisse-moi rire ! On va passer Noël loin de chez nous. On ne parle même pas français, on ne va rien comprendre ! »
Hugo et Rose échangèrent un regard interloqué et Molly parut tout à coup un peu inquiète.
« Tu peux pas la fermer, non ?! s’emporta James. T’es jamais content de rien, toi ! T’as qu’à aller vivre chez les moldus, on sera plus tranquilles sans toi ! »
Albus se redressa en renversant son verre d’eau et la corbeille à pain. Molly poussa un cri suraigu ! Ginny et Hermione arrivèrent en courant. La voix de Ron lança depuis la table des adultes :
« Qu’est-ce qui se passe, là-bas ? »
Albus ramassa le pain et tenta d’éponger l’eau renversée avec sa serviette mais trop tard : son père arrivait à grandes enjambées…
« C’est James qui m’agresse ! se défendit aussitôt Albus »
Mais la dénonciation n’était pas le mode opérateur préféré de Harry et il avait toujours du mal à supporter qu’un de ses fils accuse l’autre pour se disculper. Ses poings se serrèrent malgré lui et il lança :
« Cette fois tu as gagné, Albus !»
Le garçon parut moins impressionné que furieux mais les autres enfants baissèrent le nez dans leurs assiettes. Même James ne fit aucun commentaire. Harry tira Albus par le bras pour l’entrainer dans l’escalier.
« Harry… essaya vainement Ginny, mais elle ne se leva pas pour intervenir.
— Allons, allons Harry, fit Arthur dans une ultime tentative pour apaiser les choses, Albus n’est pas un mauvais garçon… »
Mais Harry fit mine de ne pas l’entendre :
« Dis bonsoir, Albus, ordonna-t-il à son fils »
Et sans plus dissimuler ni sa colère, ni son insolence, le garçon répéta : bonsoir Albus !