Secrets de Serpentard (I) : La noble famille Black by mathvou1
Summary:

Couverture

 

Fanfic terminée !! Bonne lecture ! ❤️

Dispo en PDF ici : https://bit.ly/3Gkrs7c

 

Drago est seul. 

Une plume à la main, dans son grand manoir balayé par les courants d’air, il décide de dévoiler à son fils Scorpius les innombrables secrets qu’il lui cache depuis si longtemps. Pour cela, il doit remonter jusqu’à une époque lointaine, où le nom de Voldemort est encore inconnu, et où la famille Black occupe une place de choix dans le monde magique. Une époque où Sirius et Regulus partagent le même toit, et où Narcissa, Bellatrix et Andromeda mènent une vie paisible sur la Colline d’Émeraude, au milieu des plus belles demeures de sorciers au sang pur...

Jusqu’au jour où tout bascule.

Au gré de leurs rencontres avec Tom Jedusor, Lucius Malefoy, Ted Tonks, Severus Rogue et James Potter, entre le square Grimmaurd, l'école de magie de Poudlard et le superbe manoir des Malefoy, en passant par le bar sinistre du Serpent qui Fume et une mystérieuse librairie du Chemin de Traverse, découvrez comment tout a commencé...

 

****

 

 

Illustration réalisée par Benjamin Issenmann

 

****

 

Casting : puisque c'est la mode sur Wattpad, je me suis amusée à en faire un, et je dois dire que ça m'a bien plu.

Vous le trouverez ici, avec quelques citations en avant-première ❤️ :

https://w.tt/3SZuwtx


Categories: Enfances, Autres portraits de personnages Characters: Bellatrix Black, Drago Malefoy, Narcissa Black, Regulus Black, Severus Rogue, Sirius Black
Genres: Tragédie/Drame
Langue: Français
Warnings: Suicide
Challenges: Aucun
Series: Secrets de Serpentard
Chapters: 34 Completed: Oui Word count: 133347 Read: 15346 Published: 30/04/2022 Updated: 27/12/2022
Story Notes:

Couverture

 

Fanfic terminée !! Bonne lecture ! ❤️

Dispo en PDF ici : https://bit.ly/3Gkrs7c

 

Drago est seul.

Une plume à la main, dans son grand manoir balayé par les courants d’air, il décide de dévoiler à son fils Scorpius les innombrables secrets qu’il lui cache depuis si longtemps. Pour cela, il doit remonter jusqu’à une époque lointaine, où le nom de Voldemort est encore inconnu, et où la famille Black occupe une place de choix dans le monde magique. Une époque où Sirius et Regulus partagent le même toit, et où Narcissa, Bellatrix et Andromeda mènent une vie paisible sur la Colline d’Émeraude, au milieu des plus belles demeures de sorciers au sang pur...

Jusqu’au jour où tout bascule.



Au gré de leurs rencontres avec Tom Jedusor, Lucius Malefoy, Ted Tonks, Severus Rogue et James Potter, entre le square Grimmaurd, l'école de magie de Poudlard et le superbe manoir des Malefoy, en passant par le bar sinistre du Serpent qui Fume et une mystérieuse librairie du Chemin de Traverse, découvrez comment tout a commencé...

 

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Illustration réalisée par Benjamin Issenmann

 

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Casting : puisque c'est la mode sur Wattpad, je me suis amusée à en faire un, et je dois dire que ça m'a bien plu.

Vous le trouverez ici, avec quelques citations en avant-première :

 https://w.tt/3SZuwtx ! ❤️

 

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Cette fanfiction est mon premier projet d'écriture, un projet sur lequel je travaille depuis maintenant deux ans. Elle raconte l'enfance des cinq enfants Black : Narcissa, Bellatrix, Andromeda, Sirius et Regulus. Avec leurs rencontres, leurs aventures, leurs séparations. L'histoire se veut fidèle au canon, j'ai fait beaucoup de recherches pour essayer de m'en rapprocher le plus possible. On y parle de toute la famille Black évidemment, de Poudlard, de la montée en puissance de Lord Voldemort, des personnages cités ci-dessus, de romances...

 

C'est le fruit d'un long travail, j'espère que tout ça vous plaira ; n'hésitez pas à m'en faire part si c'est le cas !

 

L'écriture de ce premier tome est terminée, donc la publication ne sera pas interrompue. Je publie 1 ou 2 chapitre par semaine, en général le lundi et/ou le samedi (mais il y a des aléas en fonction du délai de validation des chapitres par les modérateurs !)

 

Bonne lecture ❤❤❤

1. Prologue by mathvou1

2. La Colline d'Émeraude by mathvou1

3. Croculus Sativus by mathvou1

4. Comité d'accueil by mathvou1

5. 12, square Grimmaurd by mathvou1

6. La douce et merveilleuse Walburga Black by mathvou1

7. Intermède : De nos jours by mathvou1

8. Insomnie by mathvou1

9. Le futur Ministre by mathvou1

10. La Chaumière aux Coquillages by mathvou1

11. Intermède (2) : De nos jours by mathvou1

12. Chemin de Traverse by mathvou1

13. Une rentrée mémorable by mathvou1

14. Tom Jedusor by mathvou1

15. Le sens du sacrifice by mathvou1

16. Intermède (3) : De nos jours by mathvou1

17. Les deux rivaux by mathvou1

18. Une rencontre intéressante by mathvou1

19. Le club de Slug by mathvou1

20. Une élève modèle by mathvou1

21. Le choix de Sirius by mathvou1

22. Au Chat qui souris by mathvou1

23. L'affaire du Collier d'Opale by mathvou1

24. Manigances by mathvou1

25. Cent potions pour dominer le monde by mathvou1

26. Le hibou silencieux by mathvou1

27. La victoire des Crabbe by mathvou1

28. Le bal des sœurs by mathvou1

29. Intermède (4) : De nos jours by mathvou1

30. Joyeux Noël by mathvou1

31. Celui qui reste by mathvou1

32. Trop tard by mathvou1

33. Un nouveau monde by mathvou1

34. Mrs Narcissa Malefoy by mathvou1

Prologue by mathvou1
Author's Notes:

Et voici le prologue de ce préquel de la saga Harry Potter.


Ce court chapitre a lieu à notre époque, avant de repartir des dizaines d'années plus tôt, à l'époque où les adultes présents dans Harry Potter ne sont encore que des enfants...

La nuit est tombée depuis longtemps sur le Wiltshire. C'est un des hivers les plus froids que ses habitants ont connu : le comté entier est recouvert de givre, et le manoir des Malefoy n'a pas été épargné.

 

En passant rapidement devant leur imposant portail en fer forgé, on pourrait croire le domaine inhabité : le jardin et les allées de graviers blancs, abandonnés depuis longtemps par les paons qui s'y pavanaient autrefois, sont ensevelis sous les ronces, et la façade, avec ses grandes fenêtres à croisillons, est assaillie par le lierre. Un peu plus loin, un bassin d'eau stagnante regrette la fontaine qui s'est tarie.

 

Le seul signe de vie est cette lumière vacillante, en haut d'une des innombrables tourelles du manoir, allumée sans discontinuer depuis plusieurs nuits. Derrière la neige bleutée qui s'accumule sur le rebord des fenêtres, malgré l'heure tardive et le calme de la campagne environnante, un homme s'affaire, le front soucieux.

 

Un désordre inimaginable règne dans la petite pièce calfeutrée. Sur les murs, les nombreux portraits ont été recouverts de draps, afin de neutraliser les bruyants personnages qu'ils représentaient. Le sol est jonché de boulettes de papier, toutes couvertes de la même écriture hésitante. Un homme aux cheveux blonds et au menton pointu est penché sur un grand bureau en bois sculpté, recouvert de lettres froissées, de photos jaunies et de vieux articles de journaux. Devant lui, une chandelle brûle depuis si longtemps que la cire déborde du bougeoir et commence à s'étaler sur le bureau, au milieu des nombreux documents qui s'y trouvent.

 

Pour la centième fois, toujours avec la même détermination, Drago réécrit les mêmes mots en haut d'une feuille blanche :

 

Mon cher Scorpius, mon cher fils,

 

Drago s'interrompt aussitôt. Il lève sa plume, et inspire profondément. Cette feuille fragile, qu'une brise légère pourrait emporter, c'est sa planche de salut, la dernière chance qu'il a de se réconcilier avec son fils unique. Il ne peut pas se permettre de la gâcher.

 

Mon cher Scorpius, mon cher fils,

 

Tu es peut-être curieux de découvrir ce que contient cet épais ouvrage, que je t'adresse après des années de silence. Ou bien, peut-être es-tu exaspéré, peut-être même n'as-tu tout simplement pas pris la peine de l'ouvrir et laissé mes mots se perdre dans l'oubli.

 

Mais si tu as réussi à surmonter ton aversion pour moi, si tu as su déchirer le paquet qui l'enrobait et ouvrir son épaisse couverture, si tu arrives à supporter la vision de mon écriture trop pointue, un peu tremblée à l'idée d'accrocher ton regard, je t'en prie, continue : ce que tu vois là est le fruit d'un long travail, entamé quelque temps après ton départ du manoir, qui m'a à la fois demandé beaucoup de courage et donné beaucoup d'espoir.

 

N'aie pas peur, cette lecture ne t'engage à rien. Je n'exigerai pas de toi que tu reviennes, ou que tu me pardonnes ; accueille simplement ceci comme un cadeau de départ qui se serait un peu égaré en chemin.

 

Oui, un cadeau, car s'il y a une chose que je te souhaite, c'est qu'après avoir lu ceci, aucun secret ne fasse plus peser sur toi le moindre doute, et que ta route soit dégagée de tout questionnement. Pour cela, il me faudra traiter d'un passé heureusement révolu, et c'est vrai, tu connais déjà un peu l'histoire dont je vais te parler, puisque c'est celle de notre famille ; mais on te l'a brossée si grossièrement, et en omettant tant de choses dont je suis aujourd'hui l'unique dépositaire, que j'ai voulu, pour toi, en éclairer les larges zones d'ombre.

 

Voilà donc, à peu près, à quoi ressemble ce récit : des secrets bien gardés, de longs combats intérieurs, de longues fuites, de la douleur et de la haine, qui creusent un interminable tunnel que je n'aurais pas souhaité te faire traverser si quelques victoires ne s'étaient pas tenues au bout de celui-ci.

 

Il ne me reste qu'à te souhaiter du courage, mon garçon, pour cette lecture à la fois instructive et vertigineuse ; et j'espère de tout cœur que tu en ressortiras aussi grandi que moi.

 

 

Drago se recule dans son siège, et relit la lettre d'un peu plus loin, comme si cela pouvait lui permettre de l'améliorer. Puis il hoche la tête, épuisé : celle-ci fera l'affaire. De toute manière, il ne fera pas mieux.

 

Il pose la lettre sur le manuscrit vierge, et passe la main sur l'imposante pile de feuilles blanches et lisses. Certes, il peut se féliciter d'avoir accompli la première étape : la machine rouillée s'est remise en marche. Mais maintenant, il faut que le résultat soit à la hauteur de ses promesses.

 

Avant de se laisser gagner par le découragement face à l'écrasante tâche qui l'attend, il s'octroie un petit somme : il croise les bras sur le bureau encombré, et y enfouit son visage. En quelques minutes, ses pensées s'envolent vers une époque lointaine, avant même sa propre naissance, et plus précisément vers un beau jour de juin, où les premiers ennuis ont commencé à s'abattre sur sa famille maternelle...

End Notes:

J'espère que ce prologue vous a plu, et que vous avez envie d'explorer les origines de la saga !

C'est par ici >>>

La Colline d'Émeraude by mathvou1
Author's Notes:

Bonne lecture de ce premier chapitre !

Et merci à Catie pour sa review du prologue :)

– Maman ! Andromeda ! Dépêchez-vous, on va être en retard !

 

Dans le hall d'entrée, Narcissa Black ne tenait pas en place : elle était attendue chez les Goyle pour célébrer son neuvième anniversaire, et elle avait déjà cinq minutes de retard. Afin de tromper son impatience, elle fit le tour de la pièce en sautillant sur les dalles du carrelage, puis admira une nouvelle fois son reflet dans le miroir qui trônait en face d'elle : sa sœur Andromeda lui avait fait deux jolies tresses blondes parfaitement symétriques, elle portait un bandeau pailleté, un petit sac à dos en forme de hibou, ses plus beaux souliers vernis, et surtout sa robe verte favorite, avec des volants qui ondoyaient à chacun de ses pas. 

 

À l'étage, Narcissa entendit sa sœur et sa mère se mouvoir avec une lenteur désespérante. Elle jeta un coup d'œil à l'horloge imposante qui trônait sur la cheminée et constata, catastrophée, que les aiguilles argentées sculptées en forme de plumes de corbeau indiquaient déjà quatorze heures dix : les invités allaient bientôt affluer chez les Goyle, et il fallait absolument que Narcissa arrive avant eux, car sinon, personne ne la remarquerait, et il n'y en aurait que pour son amie Daisy Goyle, qui était née le même jour qu'elle.

 

 Alors que Narcissa s’apprêtait à appeler de nouveau sa mère et sa sœur, un bruissement d’ailes et des sifflements furieux provenant du salon attirèrent son attention. Oubliant son impatience, elle traversa le vaste hall d’entrée et poussa la porte pour connaître l’origine du vacarme.

 

Le salon des Black était la pièce la plus lumineuse de la maison. Le soleil de ce début d’après-midi y pénétrait abondamment par les grandes fenêtres encadrées de rideaux de lin blanc, et semblait se répercuter à l’infini dans les miroirs et les meubles étincelants de propreté. Tout y était toujours parfaitement en ordre, depuis les chaises blanches qui entouraient l’immense table centrale jusqu’à la vaisselle en argent qui reposait tranquillement dans l’armoire au fond de la pièce. Sur les étagères vitrées qui couraient le long des murs, on pouvait voir une collection impressionnante de figurines en ivoire, représentant chacun des membres de la famille Black depuis plusieurs dizaines de générations.

 

– Oh ! Zangor !

 

Dans cet espace aussi ordonné, Narcissa identifia immédiatement ce qui troublait la tranquillité de leur maison : leur hibou grand-duc, Zangor, s’agitait furieusement dans sa cage pour faire fuir un deuxième hibou qui venait d’entrer par la fenêtre ouverte et qui essayait de picorer dans sa mangeoire. Narcissa ne connaissait pas le nouveau venu, mais vit qu’il tenait une enveloppe entre ses pattes ; elle accourut donc pour saisir l’enveloppe froissée et constellée de tâches d’encre noire, puis chassa le volatile tapageur qui l’avait apportée. Celui-ci s’envola par la fenêtre avec des piaillements vexés et le calme revint aussitôt dans la pièce. 

Après avoir redonné à manger à Zangor et caché sous la table les plumes grises qui jonchaient le sol, Narcissa constata avec bonheur que c’était son prénom qui était inscrit sur l’enveloppe et l'ouvrit précipitamment. À l’intérieur se trouvait un morceau de papier, manifestement déchiré dans un livre de sorcellerie, et couvert d’une écriture désordonnée. Le sourire de Narcissa s’élargit encore, car elle ne connaissait qu’une seule personne qui écrive de cette manière, et qui ne prenne jamais la peine d’utiliser un parchemin digne de ce nom.

 

Joyeux anniversaire Cissy ! Neuf ans, dis donc ! Je me souviens encore de toi quand tu faisais la taille d’un farfadet. Tu n’arrêtais pas de te baver dessus, c’était très amusant. J’espère que tu ne t’ennuies pas trop sans moi, avec cette idiote d’Andromeda. Ici, à Poudlard, les élèves sont toujours aussi bêtes et les professeurs sont encore pires qu’eux. Heureusement que mes copains sont là.

Bisous, amuse-toi bien avec Daisy, et ne mange pas trop de Croustifix cette fois-ci !

Bella

PS : tu me diras si ce satané hibou a réussi à t'apporter la lettre en temps et en heure. Si ça n’est pas le cas, je me ferais un plaisir de l’étriper.

 

Radieuse, Narcissa plia soigneusement le bout de papier et le glissa dans son petit sac à dos en forme de hibou. Bellatrix, sa sœur aînée, n’oubliait jamais son anniversaire, même depuis qu’elle était rentrée à Poudlard, deux ans auparavant, et même si, pour lui souhaiter, elle devait s’abaisser à utiliser les hiboux de l’école – leur père lui avait offert un hibou lors de sa première rentrée, mais Bellatrix s’en occupait si mal que l’oiseau s’était enfui pour trouver un propriétaire qui daigne lui donner à manger de temps en temps.

 

Narcissa revint dans l'entrée et constata, dépitée, que sa mère et sa sœur Andromeda n'étaient toujours pas descendues.

 

– Bon ! Je pars devant, vous me rejoignez là-bas ?

 

En haut de l'escalier, personne ne répondit. N'y tenant plus, Narcissa saisit sa poupée favorite qui l'attendait sagement sur la commode située à côté de la porte d'entrée, l'installa avec précaution dans son petit sac à dos, et sortit de la maison. Après tout, les Goyle habitaient à quelques minutes à peine, sa mère et Andromeda la rejoindraient vite.

 

En traversant le jardin, elle se retourna pour jeter un regard furtif vers les grandes fenêtres du premier étage, et aperçut Andromeda aider sa mère à se lever de son lit. L'humeur de Narcissa s'assombrit furtivement : depuis quelque temps, Druella Black, habituellement si radieuse, si sémillante, n'était pas dans son état normal. En effet, quelques semaines plus tôt, elle avait commencé à boitiller pendant leurs promenades, mais sans que Narcissa ne s'inquiète le moins du monde. Puis, elle s'était mise à s'allonger de plus en plus longtemps après les repas, et à s'essouffler loin derrière ses filles sur des trajets de plus en plus courts.

 

Leur père, Cygnus Black, n'y voyait rien, entièrement absorbé par son travail au Ministère. Il continuait, comme si de rien n'était, à leur tenir la chronique palpitante des affaires qui agitaient le monde des sorciers, sans remarquer que son épouse ne réagissait plus avec la même verve et quittait le salon de plus en plus tôt.

 

C'était Andromeda qui s'était alarmée la première – ce ne pouvait être qu'elle, toujours si attentive – et avait insisté à deux reprises pour que leur mère aille voir les guérisseurs de l'hôpital sorcier Sainte Mangouste, le plus réputé d'Angleterre.

 

– C'est seulement passager, ne t'en fais pas, lui avait distraitement répondu Cygnus Black, plongé dans La Gazette du Sorcier. Tu sais bien, c'est sans doute ce bracelet qu'elle a perdu, le mois dernier... Elle y tenait beaucoup, mais elle s'en remettra vite, j'en suis certain.

 

Cette phrase avait suffi pour étouffer les tracas naissants de Narcissa : son père ne pouvait qu'avoir raison, sa mère devait être très affectée par la perte de son bracelet préféré... Narcissa se promit de lui en trouver un nouveau, afin que tout rentre dans l'ordre le plus vite possible.

 

Elle franchit donc leur portail en sautillant avec entrain. En sortant de leur propriété, elle risqua un regard vers le bas de la rue, où une grille haute et menaçante marquait l’entrée de la Colline d’Émeraude. Des Moldus passaient devant sans la voir : pour eux, la Colline avait l’aspect d’une décharge abandonnée, dans laquelle il était interdit de s’aventurer. Comme chaque fois qu'elle entrait ou sortait de chez elle, Narcissa se demanda en secouant la tête comment des êtres humains pouvaient être aussi bêtes.

 

Puis elle se tourna vers le haut de la colline, où habitaient les Goyle, et se mit à gravir la rue pavée, bordées de haies plus hautes les unes que les autres, parfaitement entretenues. La Colline d’Émeraude n’avait jamais aussi bien porté son nom qu'en ce premier jour d'été, avec ses pelouses vertes étagées rendues éclatantes par les rayons du soleil. Narcissa Black était très fière d’y habiter : cette colline n’abritait que les plus riches familles de Sang-Pur, dans une dizaine de maisons spacieuses aux jardins luxuriants. Ce jour-là, les jardins étaient déserts, car toutes les familles étaient occupées à revêtir leurs plus belles tenues pour célébrer dignement le neuvième anniversaire de Narcissa Black et de Daisy Goyle. Mais habituellement, les habitants de la Colline d'Émeraude se prélassaient dans leurs jardins verdoyants et s'y réunissaient pour échanger les derniers potins qui agitaient le monde des sorciers.

 

Dans l'unique rue pavée qui serpentait jusqu'au sommet de la Colline d'Émeraude, chaque maison avait sa singularité, et reflétait les caractéristiques de ceux qui y habitaient. Celle des Black était située tout en bas de l’allée : c’était donc la première qu’on voyait en rentrant dans le domaine. Elle était immense, sobre, parfaitement proportionnée, et d’un blanc immaculé. Le jardin, lui aussi, était ordonné et harmonieux. Au-dessus de leur porte d’entrée étincelait la devise de leur famille – Toujours purs – inscrite en lettres argentées, assez grosses pour être lues par quiconque passait devant leur portail.

 

Tout en remontant la pente, Narcissa traversa la rue : elle allait passer devant la maison des Crabbe, et elle voulait marcher le plus loin possible des deux molosses au poil ras qui gardaient le perron. Cela ne manqua pas, dès qu'elle fut dans leur champ de vision, les deux pitbulls d'un mètre de haut se mirent à aboyer hargneusement, et Narcissa accéléra le pas, tendue : les chaînes qu'ils avaient autour du cou pour les empêcher de dévorer les passants paraissaient toujours trop minces, et l'anneau d'or qui les retenait au mur paraissait toujours sur le point de se briser.

 

Ces deux chiens, nommés Castor et Pollux, ressemblaient de façon troublante aux deux fils jumeaux de leurs propriétaires, Hector et Rascus Crabbe, deux brutes corpulentes qui, à dix ans, étaient forts comme s'ils en avaient quinze, et qui prenaient un malin plaisir à soulever les jupes des filles ou à leur tirer les cheveux.

 

Il y avait quelques années de ça, les deux garçons avaient mis du Gratopoil dans le cou de Narcissa, et elle s'était en effet grattée jusqu'au sang pendant plusieurs jours. Mais les deux Crabbe l'avaient rapidement regretté : depuis ce jour, Bellatrix faisait apparaître des mygales sur leur tête dès qu'elle les apercevait dans la rue, et les deux jumeaux s'enfuyaient en courant dès qu'ils voyaient sa tignasse noire approcher. De la même manière, lorsqu'elle était en public, Bellatrix s'amusait à inverser les prénoms des deux garçons avec ceux de leurs chiens, ou mieux, de les mélanger entre eux – Cactor, Poscus, les possibilités étaient infinies – avec une telle assurance que beaucoup d'enfants, et même certains adultes, l'imitaient parfois par inadvertance, pour le plus grand déplaisir de la famille Crabbe.

 

Lorsque Narcissa fut hors de portée, Castor et Pollux se turent, et elle se détendit un peu. Elle s’autorisa même à s’arrêter pour regarder derrière elle : enfin, Andromeda et sa mère étaient sorties de la maison. Elle leur fit un petit signe de la main, auquel sa mère répondit faiblement. Tout de même, pensa Narcissa, Maman est vraiment pâle… Et elle se tient trop courbée, on dirait une vieille femme…

 

Immédiatement, elle chassa au loin ses inquiétudes : aujourd’hui, c’était son anniversaire – neuf ans ! La journée ne pouvait être que formidable, il n’y avait aucune place pour les soucis.

 

Elle se remit donc en marche. Elle traversa le nuage de feuilles vertes et grasses qui s'envolaient de la haie des Parkinson, et passa devant leur maison, recouverte de miroirs aveuglants. Lorsqu’elle fut en face de l’un d’entre eux, Narcissa fit un tour sur elle-même pour faire tournoyer les volants de sa robe verte : tout le monde la complimenterait abondamment, elle en était absolument certaine.

 

Plus loin, il y avait aussi la maison des Rosier, les cousins de Narcissa, entourée de bosquets de roses plus somptueux les uns que les autres ; puis celle des Nott, dans un virage, brune et fripée comme la couverture d’un vieux livre ; la maison des Flint, où toutes les poignées des portes et des fenêtres avaient été remplacées par des Vifs d’or depuis que leur fils avait gagné la coupe de Quidditch de Poudlard quatre fois d’affilée ; et enfin, la maison des Selwyn, des musiciens qui avaient construit leur maison en forme de harpe, avec les parents d'un côté, les enfants de l'autre, et un petit escalier pour relier les deux.

 

Mais celle que Narcissa préférait, c’était la maison des Goyle, où elle se rendait d’un pas vif. Située au sommet de la colline, la maison biscornue et multicolore surplombait un immense jardin qui dévalait toute la pente sur le flanc de la colline. Leur terrain, dissimulé derrière des arbres touffus, abritait des spécimens des créatures les plus fantastiques du monde magique. C’était un secret bien gardé, car ces créatures avaient été, pour la plupart, acquises d’une manière qui n’aurait pas plu du tout au Ministère – braconnées, dérobées, enlevées. Mais peu importait à Narcissa : après tout, les Goyle en prenaient soin, ces créatures n’avaient pas l’air malheureuses, et elles faisaient la joie de tous les enfants qui habitaient la Colline d’Émeraude.

 

Narcissa accéléra le pas, toute excitée à l’idée de la fête grandiose qui se préparait en son honneur. Daisy Goyle et elle étaient nées à quelques minutes d’écart seulement, et tous les ans, les deux amies célébraient leur anniversaire ensemble, donnant ainsi le coup d’envoi des festivités estivales.

 

Narcissa était maintenant devant le portail des Goyle, tout aussi multicolore que leur maison. Une immense banderole flottait au-dessus d'elle, la même depuis neuf ans, si imposante et triomphale qu'on la remarquait depuis n’importe quel point de la Colline : Joyeux anniversaire à Daisy et à Narcissa, pouvait-on ainsi lire, où que l'on soit.

 

Dans le jardin, les quatre Goyle s’affairaient. Le père, Fergus, un homme trapu et de petite taille, arrosait les fleurs proches de leur maison à l'aide de sa baguette magique, tout en chantonnant. Les fleurs se trémoussaient sur leurs longues tiges, et l'eau ruisselait sur leurs pétales, qui changeaient de couleur au contact des gouttes.

 

– Voilà, mes chéries, vous allez être splendides ! assurait Fergus Goyle, qui avait l'habitude de s'adresser aux plantes et aux animaux comme s'ils le comprenaient mieux que quiconque.

 

Vera Goyle, son épouse, était une grande femme extravagante au visage constellé de taches de rousseur. Narcissa l'adorait, d'abord parce qu'elle était drôle, gaie, et qu'elle était l'amie d'enfance de sa mère ; mais surtout parce qu'elle était sa marraine, et la couvrait donc régulièrement de cadeaux fantastiques, comme le tipi géant qu'elle avait fait monter dans sa chambre pour son dernier anniversaire.

 

Ce jour-là, Vera Goyle portait une longue robe à bretelles, couverte d'énormes fleurs orange, assorties à son chapeau pointu et à ses chaussures à boucle. Dans son dos, une longue tresse de cheveux cuivrés, cerclée de rubans de couleurs vives, se balançait au rythme de ses mouvements. Vera faisait courir sa baguette le long des murs de la maison avec application, en y faisant apparaître des guirlandes vertes, oranges et violettes. Sa fille Daisy, qui lui ressemblait de façon surprenante, se tenait à côté d'elle, et la regardait faire avec émerveillement. Albert, un des innombrables animaux de compagnie des Goyle, un petit ravluk – qui ressemblait à un singe vert ailé – était perché sur l'épaule de Vera, et poussait des petits couinements excités. Ce fut lui qui aperçut Narcissa le premier, et il tira aussitôt sur la tresse cuivrée de sa maîtresse pour l'en avertir.

 

– Et voilà Narcissa ! lança joyeusement Vera Goyle en se retournant.
– Cissy ! s’exclama Daisy en faisant volte-face.

 

Daisy portait une superbe robe violette, qui faisait ressortir ses yeux verts et ses cheveux cuivrés. Elle s'élança vers Narcissa, ouvrit le portail et lui sauta au coup pour la serrer entre ses petits bras potelés.

 

– Tu vas voir, Maman a fait une commande géante chez Bertie Crochue… On va se régaler !

 

Et en effet, Edgar Goyle, le grand frère de Daisy, avait déjà commencé à engloutir des Chocogrenouille à pleines poignées.

 

À son tour, Vera Goyle s’approcha à grands pas pour accueillir Narcissa.

 

– Joyeux anniversaire, ma filleule chérie ! lui dit-elle avec un grand sourire, dévoilant des dents étincelantes de blancheur. Tu es en beauté, dis-moi ! Ta mère est en chemin ?


– Oui, juste derrière…

 

Un cri de détresse les interrompit. Toutes les trois se retournèrent vers la rue, et leurs sourires se figèrent au même instant. Andromeda était debout au milieu de la chaussée, les bras ballants. À ses pieds, sa mère s’était évanouie sur le pavé. Ses yeux étaient clos, et elle ne bougeait plus.

End Notes:

Merci d'avoir lu !

N'hésitez pas à me laisser votre avis sur ce premier chapitre :)

Et à samedi pour la suite...

Croculus Sativus by mathvou1
Author's Notes:

Hello hello !

Me revoilà pour un nouveau chapitre.

C'est l'occasion de revisiter l'Hôpital Sainte-Mangouste, un lieu malheureusement effacé de l'adaptation filmographique. Et l'occasion pour Narcissa de rencontrer des moldus pour la première fois...

Bonne lecture !

Après avoir administré un remontant à Druella Black, Vera Goyle les amena immédiatement à l'hôpital sorcier Sainte-Mangouste. Sans bien comprendre ce qui leur arrivait, Narcissa et Andromeda se retrouvèrent au milieu d'une rue bondée, bien loin de la tranquillité de la Colline d'Émeraude. Des Moldus grouillaient dans tous les sens, allant frénétiquement de boutique en boutique à la recherche des derniers articles soldés.

 

Narcissa tenait fermement la main d'Andromeda, bien décidée à ne pas la lâcher d'une semelle. C'était la première fois qu'elle voyait des Moldus d'aussi près. Son père les lui avait toujours présentés comme des êtres beaucoup moins intelligents que les sorciers, qui dépensaient toute leur énergie en activités futiles, gaspillaient à tout-va et répandaient la guerre et la famine sur la Terre. Toute cette cohue gloutonne lui donnait la nausée.

 

Vera s'arrêta devant un bâtiment de briques rouges qui abritait un grand magasin miteux, apparemment "Fermé pour rénovation". Des mannequins écaillés étaient disposés au hasard dans la vitrine, affublés de vêtements usés.

 

Vera Goyle frappa un coup sec sur la vitrine, et s'adressa à un mannequin un peu moins laid que les autres, avec une perruque posée de travers et un justaucorps au couleurs fanées.

 

– Ouvrez, et plus vite que ça, dit-elle à toute vitesse. Nous avons une urgence !

Une voix s'éleva derrière elles :

– Passez vot' chemin, c'est jamais ouvert, ici, grogna un homme avant de se fondre à nouveau dans la foule, les bras chargés de sacs.

 

Narcissa était tétanisée. Un Moldu venait de lui adresser la parole ! Leur père leur avait raconté qu'il n'y avait pas si longtemps, les Moldus mettaient les sorciers – et surtout les sorcières – sur des gros tas de bois et les faisaient brûler devant tout le monde. Et si ces Moldus-là découvraient leur véritable identité, que feraient-ils ? Certes, elles avaient des pouvoirs magiques que les Moldus ne soupçonnaient pas, mais ils étaient si nombreux...

 

Heureusement, le mannequin dans la vitrine hocha légèrement la tête et fit un petit signe de la main. Vera, qui soutenait Druella, fit signe à Narcissa et Andromeda. Toutes les quatre avancèrent à travers la vitrine, qui avait la consistance d'une brume glacée, et disparurent aux yeux des Moldus. Ceux-ci ne remarquèrent absolument pas que quatre personnes venaient de disparaître sous leur nez.

 

 

 

Elles étaient à présent dans un hall d'accueil tout aussi bondé que la rue, mais cette fois-ci, il s'agissait de sorciers et de sorcières, assis en rang d'oignon sur des chaises en bois branlantes. Narcissa fut saisie par le vacarme ambiant, qui mêlait des raclements de chaises, des discussions animées, mais aussi quelques bruits tout à fait insolites émis par certains sorciers. Au deuxième rang, par exemple, une sorcière émettait un vrombissement de voiture dès qu'elle ouvrait la bouche, et de la fumée noire s'échappait de son derrière. D'autres étaient silencieux, mais présentaient d'effroyables malformations. Une femme parlait à son voisin en désignant les trois nez qu'elle avait au milieu de la figure ; et, plus loin, une dizaine de sorciers et de sorcières en robe verte transportaient tant bien que mal un homme allongé dont la tête était éloignée du corps par un long cou de girafe.

 

De nombreuses affiches étaient placardées sur les murs, et portaient des slogans adressés aux sorciers : UN CHAUDRON BIEN ENTRETENU, POUR UNE VIE SANS IMPRÉVU ou bien ANTIDOTES NON CERTIFIÉS = CAMELOTE ASSURÉE.

 

Narcissa n’était jamais venue dans cet établissement. Elle avait été malade une seule fois, après avoir mangé un saladier entier de Croustifix pendant le dixième anniversaire de sa sœur Bellatrix, et une Magicomage s’était expressément déplacé pour elle jusqu'à la Colline d'Émeraude. Il avait suffi d'une petite fiole de Ventriglisse pour que tout rentre dans l'ordre. Elle était donc persuadée qu'il en serait de même pour sa mère : l'hôpital saurait la soigner très facilement, et ensuite, la vie pourrait reprendre son cours paisible. Cette expédition des plus pénibles n'était qu'une formalité, et bientôt, tout ça ne serait qu'un mauvais souvenir.

 

Narcissa reconnut les Magicomage à leurs robes vertes caractéristiques, avec un emblème brodé sur leur poitrine : une baguette magique et un os croisés. Les sorciers glissaient vers elles des regards intrigués : leur équipage attirait l'attention, avec leur allure huppée, leurs robes colorées et le ravluk vert ailé perché sur l'épaule de Vera.

 

Une Magicomage vint immédiatement à leur rencontre, visiblement alarmée par la mine grisâtre de Druella Black, qui était toujours au bord de l'inconscience.

 

– Nous allons l'emmener immédiatement, dit-elle en appelant plusieurs de ses collègues en renfort.

 

Druella Black fut allongée sur un brancard et emportée avec beaucoup de précautions, et les autres furent priées de patienter dans le hall. Vera, Andromeda et Narcissa prirent donc place sur des chaises. Leur voisine ne cessait de gonfler comme un ballon en écrasant Andromeda, puis, lorsqu'elle atteignait la taille limite, dégonflait en émettant un bruit vulgaire. Leur voisin de gauche, quant à lui, portait des antennes d'escargot et enrageait devant son incapacité à lire un journal avec ses mains dégoulinantes de bave.

 

L'attente fut interminable. Le père de Narcissa, Cygnus Black, que Vera avait fait chercher, était retenu au Ministère pour des affaires urgentes, et Bellatrix était à Poudlard, pour y terminer sa deuxième année. 

 

Narcissa, Vera et Andromeda virent défiler de nombreux sorciers. Certains restaient calmes malgré d'affreuses déformations, tandis que d'autres cédaient beaucoup plus rapidement à la panique. Vera fut même obligée d'intervenir lorsqu'un homme fit irruption en hurlant dans la salle d'attente de l'hôpital, montrant une sorte de limace phosphorescente accrochée à sa jambe, laquelle devenait progressivement phosphorescente à son tour, autour de l'endroit où la limace le mordait.

 

– RETIREZ-MOI ÇA ! ordonna immédiatement l'homme.

 

Mais malgré les instructions des Magicomage, l'homme refusait de patienter.

 

– Regardez ! Mais REGARDEZ ! Je suis sur le point de perdre ma jambe ! Faites quelque chose !

 

Alors qu'un Magicomage renfrogné s'arc-boutait sur la limace phosphorescente pour l'arracher de la jambe du sorcier, Vera échangea un regard entendu avec Albert, son ravluk vert ailé, et elle se leva pour s'approcher de l'attroupement qui s'était formé autour du nouveau venu, qui était bien moins mal en point que la plupart des sorciers présents dans la salle d'attente.

 

– Pas comme ça, pas comme ça ! dit-elle en se frayant un chemin parmi les Magicomages complètement dépassés.

 

En désespoir de cause, les Magicomage la laissèrent passer.

 

– VOUS ! Débarrassez-moi de cette horreur ! hurla le sorcier en pointant son index sur Vera.

 

Sur sa jambe, la tâche verte et phosphorescente s'étendait à toute vitesse.

 

– Ça n'est pas une horreur, c'est un Lumimord, dit doucement Vera en se penchant sur la jolie créature. Un superbe spécimen... Où l'avez-vous attrapé ?


– Re-ti-rez-moi-ça !


– Les Lumimords ne supportent pas le bruit, mentit Vera. Essayez de vous détendre...

 

Enfin, le sorcier consentit à se taire. Vera entortilla délicatement le Lumimord autour de son doigt, et lorsque celui-ci se détacha docilement, tout le monde poussa un soupir de soulagement et la remercia chaleureusement.

 

– Où est passée la créature ? s'enquit tout de même un Magicomage en considérant les mains vides de Vera.


– Il leur arrive de disparaître spontanément, assura-t-elle.

 

Personne n'osa contredire celle qui avait sauvé la situation, et Vera retourna auprès de Narcissa et Andromeda en posant une main sur la poche de sa robe, où brillait discrètement une jolie lumière verte et phosphorescente.

 

– Quelle chance incroyable, se réjouit Vera. Cela fait des années que je cherche à élever des Lumimords, sans réussir à mettre la main sur un seul d'entre eux ! 

 

Pour distraire Narcissa et Andromeda de leur attente anxieuse, et pour se détendre elle-même, Vera leur montra discrètement le Lumimord de plus près, et le fit jouer entre ses doigts, ce que Narcissa trouva très amusant. Albert se mit également en quatre pour les divertir, à grand renfort d'acrobaties et de grimaces.

 

Mais malheureusement, après une bonne heure d'attente, Vera Goyle reçut un hibou de son mari :

 

– Cet étourdi a ouvert un colis qui m'était destiné, pesta-t-elle en lisant la lettre. Je l'avais pourtant prévenu, mais il est tellement tête-en-l'air... Résultat, une vingtaine de lutins de Cornouailles sont entrain de saccager notre maison ! Je suis désolée, les filles, mais je dois vous laisser... Je ferai tout mon possible pour revenir au plus vite, je vous le promets.

 

Elle reposa son ravluk Albert sur son épaule, mit le Lumimord fluorescent dans sa poche et s'en fut. Et malheureusement, les lutins de Cornouailles durent lui donner du fil à retordre à Vera, car elle ne revint pas. Narcissa et Andromeda attendirent donc seules, blotties l'une contre l'autre. Beaucoup de monde s'affairaient autour d'elles, le plus souvent sans leur accorder le moindre regard, ce qui était pour elles très inhabituel. Et au fur et à mesure que la lumière déclinait, l'angoisse grandissait avec les ombres, et l'hôpital leur semblait de plus en plus hostile. Alors que la nuit tombait, Narcissa décida de sortir sa poupée de son petit sac à dos, et la serra contre elle.

 

– Oh, tu as amené Nymphadora, dit Andromeda en souriant.

 

C'était une jolie poupée de chiffon qu'Andromeda avait offerte à Narcissa pour ses six ans. Elle avait des joues roses, deux nattes toutes aussi roses et une robe bleue. Malgré les railleries de Bellatrix, Narcissa l'avait appelée Nymphadora – un prénom qu'elle avait inventé – et Andromeda avait aussitôt déclaré que c'était le plus joli prénom qu'elle ait jamais entendu.

 

– Comment va-t-elle ? demanda Andromeda en lissant les deux nattes de laine rose.

 

Narcissa regarda attentivement sa poupée, essayant de déceler ses propres angoisses sur le visage immobile.

 

– Je crois qu'elle a un peu peur, mais elle sait que Papa va tout arranger, dit Narcissa.

 

Puis elle appuya sa joue contre l'épaule d'Andromeda, et ferma les yeux pour ne plus voir les autres sorciers et leurs hideuses maladies.

 

 

À la tombée de la nuit, alors que leur père n'avait toujours pas donné signe de vie, un Magicomage vint enfin à leur rencontre. Il les invita à le suivre, et les deux sœurs lui emboitèrent le pas, trottinant derrière lui pour rattraper ses grandes enjambées. Elles le suivirent dans des couloirs faiblement éclairés, puis montèrent plusieurs volées de marches à sa suite. Elles passèrent devant plusieurs services – Morsures, Objets magiques, Maladies contagieuses, Explosions de chaudron, Court-circuits de baguettes – et s'arrêtèrent finalement au quatrième étage. Le Magicomage leur fit franchir une porte à double battants, flanquée de l'inscription PATHOLOGIES DES SORTILÈGES - Maléfices chroniques, ensorcellements, détournements de charmes, etc.

 

– Les meilleurs Magicomage d'Angleterre travaillent dans ce service, leur dit machinalement leur guide, l'air un peu absent.

 

Narcissa souriait naïvement, impatiente de revoir sa mère en pleine santé, pleine de confiance envers cette institution magique – son père répétait souvent que la magie avait toujours été, et serait toujours, une réponse efficace à tous les maux.

 

Devant la chambre de Druella, un petit attroupement était formé, où un vieux guérisseur s'adressait à trois de ses élèves :

 

– Ce cas est fascinant, fascinant... répétait le vieux guérisseur. Vous avez vu ce teint grisâtre ? Tout à fait caractéristique d'une Saviriose diffuse... Vous n'en verrez jamais une à un stade aussi avancé...

 

Le Magicomage qui les accompagnait toussota pour signaler leur présence. Le vieux guérisseur s'interrompit et les laissa passer, et une des élèves adressa un regard désolé à Narcissa.

 

Ils entrèrent dans une chambre petite et sinistre, où Druella Black paraissait plus abattue que jamais. Les deux sœurs se précipitèrent au chevet de leur mère, désemparées, et celle-ci leur sourit faiblement. 

 

Le Magicomage ne leur laissa pas une seconde de répit. Il se présenta à peine, et leur parla trop vite, avec des mots terriblement alambiqués, à tel point que Narcissa se demandait si lui-même saisissait le sens du torrent de phrases qu’il produisait.

 

Elle comprit tant bien que mal que sa mère était atteinte de la Saviriose, une maladie grave, rare et mystérieuse, même pour les Magicomages les plus prestigieux. Elle comprit aussi, sans imaginer une seule seconde tout ce que cela impliquerait, que cette maladie bizarre ne la quitterait jamais. Sa mère n'écoutait pas vraiment, caressant délicatement les deux tresses blondes de Narcissa, sans poser aucune question, se laissant bombarder par les explications savantes et inutiles du Magicomage. Andromeda lui tenait la main, de plus en plus crispée, et Narcissa s'agrippait au bras de sa grande sœur comme à une bouée de sauvetage. Depuis toute petite, Narcissa avait pris l'habitude d'épier sa sœur pour savoir comment réagir, et la voir aussi désespérée ne présageait rien de bon.

 

Pour conclure, le guérisseur fit cette annonce, en apparence anodine :

 

– Le seul moyen d'atténuer la fatigue, ce sont les infusions de Croculus Sativus, une plante très rare venant de loin, très loin d'ici... Heureusement, ajouta-t-il aussitôt, en tant que premier hôpital sorcier, nous en avons ici.

 

Mais l'expression faussement désolée du guérisseur discordait étrangement avec cette bonne nouvelle.

 

– C'est très bien, dit aussitôt Andromeda. Pouvez-vous en donner à notre mère... s'il vous plaît ?
– Oh ! Doucement, jeune fille... C'est que... Vous savez, c'est extrêmement coûteux.

 

Andromeda se tourna vers sa mère, dont les yeux s'étaient refermés.

 

– Nous pourrons payer, je vous promets, dit-elle d'une voix suppliante. Vous voyez bien que notre maman va très mal !

 

Le guérisseur se mit à osciller d'un pied sur l'autre.

 

– C'est vraiment très coûteux. Je ne doute pas de votre bonne foi, mademoiselle, mais... Nous ne pouvons pas nous permettre de vous délivrer ce traitement sans la preuve que vous aurez la capacité de le financer.


– C'est absurde, gémit Andromeda. Je suis sûre que vous connaissez notre famille, monsieur... Vous savez que nous pouvons payer...

 

Le guérisseur sembla très fier de les rebuter : 

 

– Oui, je connais bien votre noble famille, mademoiselle. Mais Black ou pas, il vous faudra attendre comme tout le monde. Ici, la pureté du sang ne compte pas !

 

Il se montra intraitable, et les deux sœurs durent attendre l'arrivée bien tardive de Cygnus Black pour que celui-ci délie sa bourse et que leur mère soit soulagée par une fiole de liquide rouge vif. 

 

En comptant avidement les pièces d'or, le guérisseur signala, faussement empathique, que le traitement ne serait efficace que s'il était pris toutes les semaines. 

 

– Sans cela, la situation ne fera qu'empirer, appuya-t-il en mettant les pièces dans sa poche. 

 

En voyant le regard ennuyé de son père, Narcissa comprit que cette somme hebdomadaire était largement au-dessus de leurs moyens.

 

Quand l'homme prit congé, Narcissa lui raconta, offusquée, la résistance inhabituelle qu'on leur avait opposée, mais son père ne s'en émut pas.

 

– Ces braves gens ne font que leur travail, murmura-t-il, soucieux. Allez, les filles, on s'en va.

 

Dans la voiture, Narcissa ne prononça pas un mot. Elle avait appuyé son front contre la fenêtre, serrait Nymphadora dans ses bras, et regardait pensivement au dehors. Elle était complètement chamboulée par ces refus et ces inquiétudes, malgré les propos rassurants que sa famille improvisait pour la tranquilliser. C'était bien la première fois qu'elle voyait quelqu'un résister à la famille Black. Elle avait l'impression de se retrouver face à une facette inhospitalière de la réalité, dont elle avait été soigneusement abritée, sans même avoir conscience de l'être.

 

En arrivant sur la Colline d'Émeraude, plongée dans l'obscurité, Narcissa constata que la banderole d'anniversaire qui flottait dans les airs quelques heures plus tôt avait été retirée. Et soudain, elle réalisa que son bandeau pailleté lui grattait la nuque, que sa belle robe verte la gênait horriblement, que ses souliers vernis lui faisaient mal, et qu’elle avait très envie de pleurer.

 

Sa mère, un peu ragaillardie, envoya ses filles se coucher en les embrassant de nombreuses fois, avec des gestes qu'elle voulait pleins d'assurance. Mais Narcissa n'était pas dupe : elle voyait bien l'air préoccupé de son père quand il se détournait, et la façon dont il regardait les bibelots hors de prix qui remplissaient les étagères de leur maison.

 

Ses parents eurent une longue conversation, ce soir-là. Narcissa voulut aller écouter à leur porte, mais Andromeda l'en empêcha. Elles s'allongèrent ensemble sur le grand lit de Narcissa, et Andromeda alla puiser dans les replis de son imagination pour raconter des histoires formidables à sa petite sœur. Mais pour la première fois, Narcissa n'arrivait pas à les apprécier, et regardait fixement le plafond, perdue dans ses pensées.

End Notes:

J'espère que ce chapitre vous a plu, n'hésitez pas à m'en faire part si c'est le cas !

Vous avez donc rencontré une bonne partie de la famille directe de Narcissa. Mais il nous manque un dernier élément, et pas des moindres...

Vous voyez sans doute de qui il s'agit : n'ayez crainte, Bellatrix débarque au prochain chapitre !

À mardi !

Comité d'accueil by mathvou1
Author's Notes:

Et voilà Bellatrix ! Et son arrivée va faire des étincelles...

Un véhicule rutilant s’approcha de la grille haute et menaçante qui barrait l’entrée de la Colline d’Émeraude. Malgré les pics acérés qui se dressaient devant elle, la voiture ne ralentit pas, et passa au travers de la grille comme si les barreaux de métal n'étaient qu'un écran de fumée. 

Elle s’arrêta seulement un peu plus loin, devant la maison immaculée de la famille Black. La portière s’ouvrit brusquement, et Bellatrix Black sauta sur la chaussée. Elle faillit bien se tordre la cheville : le véhicule était gigantesque, d’autant plus qu’il roulait en lévitant quelques centimètres au-dessus de la chaussée, pour le plus grand confort de ses passagers.

 

Bellatrix prit son énorme valise noire dans le coffre, marmonna quelques remerciements à la famille Nott et claqua la portière avec force.

 

Elle était d’humeur absolument massacrante. La touffeur qui régnait était insupportable, et elle ruisselait de sueur sous son épaisse chevelure noire. Comme si ça ne suffisait pas, sa famille n’avait même pas daigné venir la chercher à King’s Cross, et elle avait été obligée de supporter Damian Nott pendant toute la durée du trajet : cet imbécile n’avait rien trouvé de mieux à faire que de la bassiner avec les excellents résultats qu’il venait d’obtenir à ses BUSE. Selon Bellatrix, il fallait vraiment être un crétin de la dernière espèce pour se vanter d’être un aussi gentil petit élève docile.

 

Pendant quelques instants, elle fit mine de traîner sa valise sur les pavés, mais dès que la voiture des Nott eut disparu derrière le virage, elle regarda à droite, puis à gauche, et sortit sa baguette. 

Elle savait pertinemment qu’elle n’avait pas le droit d’utiliser la magie en dehors de l’école, mais elle ne faisait pas grand cas du règlement. Et puis, sur la Colline d’Émeraude, la densité magique était si forte que jamais le Ministère ne pourrait détecter qu’une deuxième année utilisait sa baguette de temps en temps. De toute manière, elle n'allait tout de même pas porter sa valise elle-même, comme une vulgaire moldue...

 

Elle rassembla sa concentration autour de sa baguette. Depuis quelques temps, elle essayait de ne plus prononcer les sortilèges qu’elle employait. Bien sûr, elle avait encore du mal, et n’avait réellement réussi que deux ou trois fois, pas plus, mais cela avait suffi à impressionner ses camarades : pour une deuxième année, c’était un véritable exploit.

 

Après plusieurs essais infructueux, elle se résolut à murmurer, le plus bas possible :

 

– Locomotor Malta…

Bellatrix sourit pour la première fois de la journée : sa valise se souleva docilement du sol, passa au-dessus du portail, et se posa tranquillement quelques mètres plus loin, sur le perron de sa maison.

 

Mais le sourire de Bellatrix s’évanouit lorsqu'elle aperçut le corbeau de pierre qui tenait leur courrier dans son bec, perché sur une des larges colonnes qui encadraient leur portail. La lettre que l’on voyait en premier était une lettre prioritaire. L'enveloppe était épaisse, faite d'un parchemin jauni, et frappée du sceau de Poudlard. Décidément, ces cornichons avaient été rapides... Bellatrix ne se faisait pas d’illusion, elle savait pertinemment de quoi il retournait. 

 

L’événement en question avait eu lieu la veille. Gryffondor avait gagné la coupe des quatre maisons, pour la première fois depuis des années – c'était généralement Serpentard qui l'emportait. La bataille avait été rude, et Gryffondor avait fini par les battre – de peu, certes, mais battus quand même.

 

Néanmoins, Bellatrix et ses acolytes ne l'entendaient pas de cette oreille. Au moment où Dumbledore avait annoncé les résultats, un petit groupe de Serpentard s'était levé, et avait crié en chœur, en brandissant leurs baguettes :

 

– Serpentini !

 

Et aussitôt, les étendards rouges et or avaient pris une vilaine couleur verte, s'étaient couverts d'écailles, pour finalement se désintégrer en une pluie de minuscules serpents qui s'était abattue sur les élèves.

 

Ça avait fait une sacrée pagaille : tout le monde criait, courait dans tous les sens, s'agitait pour sortir un serpent de sa chemise ou de sa chaussure. Les professeurs étaient restés sidérés quelques instants : même cette vieille chouette de McGonagall en avait perdu son chapeau. Puis, Dumbledore avait frappé trois fois dans ses mains, les serpents avaient disparu et les étendards rouges et or avaient repris leur place – mais plus personne n'y prêtait attention.

 

Plusieurs élèves saignaient du nez après avoir percuté un de leurs voisins. Toutes les petites pimbêches de Poudlard qui s'étaient mis sur leur trente-et-un pour le dernier jour étaient complètement ébouriffées, et suppliaient leurs amies de regarder si un serpent ne se baladait pas dans leurs cheveux. Bellatrix et ses amis étaient absolument ravis : le chahut n'avait pas duré, mais au moins, quand les élèves rentreraient chez eux, ils ne diraient pas que Gryffondor avait gagné, mais plutôt que Serpentard avait tout saboté.

 

Après un sermon collectif dans le bureau du professeur Dumbledore, pendant lequel ils avaient eu beaucoup de mal à ne pas éclater de rire, tous les amis de Bellatrix lui avaient tapé sur l'épaule, ravis : c'était elle qui avait trouvé le sortilège en feuilletant les ouvrages de la Réserve, et elle en retirait une immense fierté. Même Antonin Dolohov, un des préfets de Serpentard, lui avait adressé un long regard admiratif, sur le quai du Poudlard Express.

 

Néanmoins, maintenant qu'elle était de retour chez elle, les festivités étaient finies, et elle allait devoir assumer seule les conséquences de ce coup d'éclat – ce qui était nettement moins réjouissant. Les amis avec qui elle avait préparé ce mauvais coup ne craignaient rien : leurs familles n'accordaient aucune valeur aux dires des professeurs de Poudlard. Les parents de ses amis Rabastan et Rodolphus Lestrange avaient déjà fait plusieurs séjours à Azkaban, pour diverses raisons ; ceux de Corban Yaxley étaient fortement soupçonnés par le Ministère d'orchestrer un trafic de Fumobec, Piqu'plane et autres substances frauduleuses ; et ceux des Carrow, enfin, déménageaient tous les quatre matins pour semer les Aurors qui surveillaient leur domicile.

 

Bellatrix les enviait ouvertement. En recevant la lettre de Poudlard, les parents de ses amis éclateraient de rire, encourageraient leurs enfants à continuer dans cette voie, leur offriraient peut-être même une récompense : Bellatrix ne pouvait certainement pas en dire autant. Ses parents étaient de bons petits soldats, bien rangés, surtout son père qui passait son temps à cirer les bottes du Ministre, en espérant pouvoir un jour prendre sa place.

 

C'était la quatrième lettre de l'année que Poudlard leur adressait à ce sujet. Bellatrix imaginait déjà la diatribe que son père allait lui servir en apprenant qu'elle avait une nouvelle fois semé le désordre : il lui parlerait de l'importance du respect des règles, lui commanderait de donner l'exemple devant ses cadettes, etc., etc. Et sa mère approuverait docilement, bien sûr, comme toujours...

 

Son seul espoir était de dissimuler la lettre, avant que son père ne rentre. Bellatrix tendit la main vers le bec du corbeau, et tira fermement sur l'enveloppe. 

 

– Allez, laisse-toi faire, marmonna-t-elle.

 

Mais, sans prévenir, le corbeau de pierre se cambra, et donna un coup de griffe sur la main de Bellatrix pour la tenir en respect.

 

– Sale bête ! glapit-elle en voyant trois stries rouges apparaître sur le dos de sa main.

 

Son père avait sûrement amélioré la sûreté de leur courrier, depuis la dernière fois. Bellatrix se résolut à laisser la lettre dans le bec du corbeau, remit sa tignasse noire en place et ouvrit le portail d'un coup de pied rageur.

 

En entrant dans le jardin, elle sentit immédiatement que quelque chose clochait. D’habitude, en cette saison, et surtout lorsque le soleil brillait comme il le faisait ce jour-là, ses deux sœurs se prélassaient dans la pelouse ou faisaient de la balançoire. Or, le jardin était désert et silencieux. Même les oiseaux chantaient avec moins d'entrain que d’habitude, et les fleurs piquaient du nez, comme si leur maison était entourée d’un sombre maléfice.

 

Bellatrix oublia aussitôt ses préoccupations à propos de Poudlard et de son père, et poussa lentement la porte de sa maison, qui était restée entrebâillée.

 

Le séjour, habituellement agréable et étincelant de propreté, était plongé dans l’obscurité, et semblait être à l'abandon depuis plusieurs jours. Les banquettes molletonnées et les étagères étaient recouvertes d'une fine pellicule de poussière, ce qui était tout à fait anormal. Dans la vaste cuisine, le petit palmier qui occupait l'espace central s'était affaissé sur lui-même, et de la vaisselle sale remplissait l’évier : la brosse magique censée s’en occuper flottait mollement dans les airs, effleurant de temps à autre une assiette ou un couvert, mais avec si peu d’énergie qu’elle n’avait aucune chance d’en retirer le moindre gramme de saleté. Bellatrix fut pétrifiée de retrouver sa maison dans un tel état de négligence.

 

– Ohé ! Il y a quelqu’un ?

 

Elle entendit des murmures affolés à l’étage, puis des pas précipités dans l’escalier. Sa sœur cadette, Andromeda, apparut dans l'encadrement de la porte.

 

Une fois de plus, Bellatrix eut l'impression furtive de se regarder dans un miroir. Toutes les deux avaient hérité des yeux gris argent et des cheveux noirs de leur père : à part ses traits plus doux et ses cheveux plus souples, Andromeda était le portrait craché de Bellatrix – et ce, malgré toutes leurs dissemblances de caractère.

 

– Tu es rentrée, dit Andromeda d'une voix étranglée.

 

– Ton sens de l'observation m'étonnera toujours, railla Bellatrix. Oui, je suis rentrée, et ça n'est pas grâce à vous ! Je sais que maman n'aime pas aller dans le centre de Londres, mais tout de même, elle aurait pu faire un effort... Et c'est quoi, tout ce bric-à-brac ? Pourquoi tous les volets sont fermés ?

 

Andromeda resta muette. Après le cataclysme qui avait eu lieu quelques jours plus tôt, la situation n'avait fait qu'aller de mal en pis. Le lendemain de leur expédition à Sainte-Mangouste, lorsque Narcissa et Andromeda s'étaient levées, elles avaient constaté – sans grande surprise – que leur père était retourné derechef travailler au Ministère. Druella s'affairait dans la cuisine comme si de rien n'était : elle avait expliqué à ses filles avec assurance que tout compte fait, elle saurait bien se débrouiller sans les conseils à la noix de l'Hôpital Sainte-Mangouste, que leurs remèdes de charlatan leur coûteraient une fortune, et qu'un peu de repos avec du jus de citrouille bien frais lui suffiraient amplement.

 

Mais à peine quelques jours plus tard, Druella avait refusé une invitation pour prendre le thé chez les Goyle, et avait poussé un cri quand Narcissa lui avait pris la main, tant ses articulations lui faisaient mal. 

 

– Ne dites rien à votre père, les avait-elle suppliées. Ses affaires au Ministère lui causent déjà assez de souci comme cela.

 

Et depuis, tout le monde agissait comme si tout allait bien, Cygnus Black le premier : il arrivait de plus en plus tard et partait de plus en plus tôt, et passait même parfois la nuit au Ministère pour des raisons obscures. Plus personne ne prenait soin de la maison, dont l'état se dégradait peu à peu, tout comme celui de Druella Black.

 

Face à Bellatrix, Andromeda ne savait pas par où commencer. Heureusement, derrière elle, Narcissa dévala les escaliers à son tour.

 

– Bella ! s'exclama-t-elle en courant à la rencontre de sa grande sœur.
– Cissy ! Dis donc, t'as sacrément grandi depuis Noël ! Viens là, que je te fasse un bisou !

 

Bellatrix embrassa tendrement Narcissa sur les deux joues. Elle souriait, mais en la regardant dans les yeux, Bellatrix remarqua que son regard était voilé par une inquiétude nouvelle. Elle fronça les sourcils.

 

– Qu'est-ce qu'il se passe, Cissy ? Qu'est-ce qui ne va pas ?

 

À son tour, Narcissa ne sut que répondre. Et en effet, comment lui expliquer les derniers bouleversements sans qu'elle ne sorte de ses gonds ?

 

– Où est maman ? demanda enfin Bellatrix.

 

Narcissa glissa un regard vers le plafond, et Bellatrix se rendit aussitôt à l'étage, malgré les protestations d'Andromeda.

 

Lorsqu'elle découvrit sa mère écrasée au fond de son lit, et qu'elle comprit que leur père refusait de financer le remède proposé par Sainte-Mangouste, Bellatrix eut envie de tout fracasser par terre. Cela lui arrivait souvent, et dans ces moments-là, une seule chose lui permettait de se défouler : utiliser la magie, et canaliser toute sa révolte autour d'un but précis.

 

– Il était temps que je rentre, déclara-t-elle en revenant dans le salon, la voix un peu enrouée.

Ses mains tremblaient un peu, et elle saisit celle de Narcissa pour se radoucir : s'il y avait bien une personne pour qui Bellatrix consentait à faire des efforts, c'était sans aucun doute pour sa petite sœur. 

 

– Tu vas voir, je vais tout remettre en ordre, promit-elle.

 

Elle sortit sa baguette, et à l'aide de plusieurs injonctions précises, ouvrit les volets un par un, tout en restant au milieu du salon. La lumière pénétra de nouveau dans le séjour, et remit un peu d'espoir dans la pièce.

 

– Tu ne devrais pas, dit Andromeda, sans trop y croire. Tu n'as pas le droit...


– Si tu crois que je vais laisser la maison dans un état pareil parce que des règles stupides me l'interdisent, tu te fourres le doigt dans l'œil jusqu'à l'omoplate, répliqua Bellatrix.

 

Et elle entreprit de ranger la salle de séjour. 

 

– Récurvite ! Ordonnate !

 

Toute la vaisselle fut propre en un instant, et les assiettes rejoignirent leur placard en sautillant dans les airs.

 

– Voilà qui est mieux, pas vrai, Cissy ? dit Bellatrix en remuant sa baguette dans les airs pour guider les verres en cristal jusqu'à la serviette qui attendait avec impatience de les essuyer.

 

Narcissa acquiesça avec émerveillement. À force de s'inquiéter de la réaction de Bellatrix lorsqu'elle apprendrait les récents évènements, elle en avait presque oublié à quel point sa grande sœur était douée. Depuis Noël, où elle avait cassé une bonne partie de la vaisselle lors de ses expériences, elle avait fait des progrès flagrants : désormais, les mouvements des objets qui lui obéissaient étaient plus fluides, et ils ne s’entrechoquaient plus du tout entre eux.

 

C'est ce moment précis que choisit Cygnus Black pour faire irruption dans la maison, en brandissant furieusement la lettre de Poudlard qu'il venait de recevoir. Lorsqu'il ouvrit la porte, Bellatrix sursauta si fort que tous les sorts qu'elle avait lancés s'interrompirent, et plusieurs verres en cristal se fracassèrent sur le sol.

 

– Bellatrix ! tonna son père en entrant. Qu'est-ce que je vois ? Je reçois une nouvelle lettre de Poudlard à propos de ton comportement mutin, et je constate que tu es à nouveau en train d'enfreindre les règles ?

 

Contrairement à son épouse, Cygnus Black avait toujours aussi fière allure. Il était plutôt bel homme, avec ses cheveux noirs et brillants, et ses yeux gris comme de l'acier, étincelants d’intelligence et d’ambition, cerclés de lunettes à la monture argentée. Très fier de son travail de juge au Magenmagot – le plus prestigieux qui existe, selon lui – il gardait sa longue robe rouge jusqu'au seuil de sa maison, pour que le voisinage puisse l'admirer. Il portait un couvre-chef assorti : autrefois, il le faisait porter à ses filles pour leur donner « le goût de l'ambition », disait-il.

 

Narcissa le trouvait très distingué, habillé de la sorte. Et puis, avec sa grande taille, son torse compact et sa voix de tonnerre, elle était persuadée qu'il impressionnait tous ceux qui se trouvaient sur son chemin...

 

Tous, sauf sa sœur Bellatrix. Une fois remise de sa frayeur, celle-ci se mit également à crier au scandale. Elle balaya l'accusation d'un revers de main, et prétexta des sujets plus urgents :

 

– Comment osez-vous me disputer à propos de choses aussi insignifiantes ! Notre mère est malade, et vous ne pensez qu'à satisfaire ces imbéciles de professeurs ? Vous êtes un irresponsable, il faut que nous payions ce traitement ! Vous n'avez pas honte de laisser dépérir notre mère, dans la plus puissante des familles de sorciers ?

 

Mouché, leur père fut enfin franc avec elles : la rémunération que lui dispensait le Ministère était certes coquette, mais largement insuffisante pour financer des fioles hebdomadaires de Croculus Sativus.

 

– Eh bien, changez donc de métier ! Il n'y a rien de plus facile ! Vous êtes dans les petits papiers du Ministère, ils sauront bien vous trouver un poste financièrement plus avantageux !


– Bellatrix, tu devrais avoir honte de ce que tu dis, gronda Cygnus Black. J'ai la chance d'être précisément à l'endroit où je peux être le plus influent, et protéger notre société des vices moldus qui la menacent, et dont mes confrères ne semblent pas se soucier. Si j'abandonne ma place, les Sang-Pur deviendront sous-représentés au Magenmagot : ce serait un désastre. Vous devriez plutôt me remercier, et m'encourager ! 

 

Comme Narcissa le craignait, Bellatrix explosa d'indignation, avec sa grandiloquence habituelle. Elle menaça mon père de tout raconter aux autres familles voisines, de venir jusqu'au Ministère pour l'humilier devant le Magenmagot, ou d'aller réclamer à ses employeurs la somme qu'il leur manquait – un chantage qui n'avait ni queue ni tête, mais qui suffit pour provoquer à son tour la susceptibilité paternelle.

 

– Qu'est-ce que tu crois, Bellatrix ? Que le Magenmagot va généreusement me proposer la somme astronomique d'argent dont nous avons besoin, alors que les caisses du Ministère sont vides ? Ou peut-être qu'avec tes idioties, tu cherches tout simplement à me nuire ?

 

Bellatrix, butée, ne décolérait pas :

 

– Le Ministère, le Ministère, vous n'avez que ce mot-là à la bouche ! Mais ils sont tous pervertis, là-bas, ils ne pensent qu'à abolir nos privilèges et à protéger ces satanés Moldus !

 

Narcissa était toujours impressionnée par son impertinence. Son père se dressa de toute sa hauteur, en serrant les poings, et fit trembler les murs de sa voix retentissante :

 

– Je me demande quel genre de fréquentations tu as, à Poudlard, pour oser proférer de telles absurdités ! As-tu seulement une idée, bon sang, de tous les sacrifices que j'ai fait pour arriver si haut placé ? Grâce à moi, la famille Black n'a jamais été aussi puissante ! Et je pourrais faire encore davantage, si vous arrêtiez de me mettre des bâtons dans les roues !

 

Mais malgré les remontrances et la stature impressionnante de son père, Bellatrix ne revint pas sur ses paroles.

 

– De toute manière vous êtes un esclave du Ministère, dit-elle encore. Et le pire, c'est que vous en êtes fier !

 

Leur père devint écarlate, sa moustache noire frémit, et Narcissa eut très peur qu'il ne sorte sa baguette pour la punir. Mais finalement, il prit une grande inspiration, se tourna vers ses trois filles, et déclara d'un ton aride :

 

– Je vois bien, mes chères filles, que votre petit confort est votre seule préoccupation, et que vous n'avez que faire de tous les combats que je mène au Ministère pour défendre, non seulement nos intérêts, mais ceux de tous les Sang-Purs d'Angleterre. Je me désole de ne pas avoir su vous inculquer l'importance de notre statut et la responsabilité qui en découle, mais soit, j'accepte de payer ce maudit traitement, puisque telle est votre volonté. Mais ayez bien conscience que cette somme sera dilapidée à vos propres dépens, car je n'abandonnerai jamais – vous m'entendez, jamais – ce poste que j'ai si durement obtenu.

 

Les trois sœurs allèrent se coucher, la tête basse. Narcissa ne l'avoua pas à ses deux sœurs, mais une part d'elle était du côté de son père : il était clair que son rôle au Magenmagot était absolument capital pour le peuple des sorciers, et Narcissa n'arrivait pas à lui en vouloir de s'entêter à y rester, coûte que coûte. La force avec laquelle il se battait pour ses convictions était quelque chose que Narcissa avait toujours profondément admiré chez lui, et elle n'arrivait pas à l'imaginer autrement que vêtu de sa superbe robe rouge, prêt à remuer le monde de leur grande influence.

 

– Je n'ai jamais entendu de telles idioties ! enrageait toujours Bellatrix. Ce sont tous des pourris, là-bas, ils lui ont retourné le cerveau ! Que diraient mes amis, s'ils entendaient ça...


– Au moins, Maman va être soignée, avança prudemment Andromeda.

 

Mais les sœurs Black ignoraient, ingénues, tout ce que cela allait impliquer.

 

Car si les jours suivants, leur mère se porta un peu mieux, certains objets de la maison commencèrent à disparaître. Au début, cela ne concerna que les objets du salon, un miroir enchanté par-ci, une statuette ensorcelée par-là. Puis, Andromeda déplora la perte d'une de ses broches en argent. Ensuite, ce fut le tour des bagues de Bellatrix, qui ne manqua pas d'en faire un esclandre. Narcissa cacha sous une latte de parquet l'objet de la maison auquel elle tenait le plus : Nymphadora, sa poupée de chiffon.

 

Mais, excepté cette précieuse poupée, tout fut vendu, la maison se vida progressivement de sa substance et de leurs souvenirs, et à la fin du mois de juillet, il ne restait qu'une coquille vide, envahie par leur impuissance.

 

Et ainsi, par une douce soirée d'été, Cygnus Black convoqua ses filles dans la cuisine, où de minuscules tabourets avaient désormais remplacé les fauteuils moelleux.

 

– Nous allons quitter cette maison, annonça-t-il.

 

Un lourd silence accueillit ses paroles.

 

– Ma sœur Walburga, dans sa grande générosité, m'a proposé de nous héberger pour quelque temps... En attendant des jours meilleurs.

 

Narcissa fouilla dans sa mémoire. Elle avait déjà vu sa tante, il y avait très longtemps, et elle en gardait un souvenir plutôt effrayant. Bellatrix s'indigna une nouvelle fois :

 

– Habiter au centre de Londres, au milieu des Moldus ? Mais quelle horreur ! Pourquoi on ne va pas chez les Rosier ? Ce sont nos cousins aussi, après tout ! Ou chez les Goyle ? C'est à deux pas, et leur maison est immense !


– Ne discute pas, Bellatrix. Les Rosier ne nous ont rien proposé, et les Goyle non plus...


– Normal ! Ils ne savent même pas ce que nous traversons ! Vous avez refusé de leur dire !


– ...Nous irons chez ma sœur, un point c'est tout. Comme ça, vous pourrez rencontrer vos petits cousins, Sirius et Regulus. Deux garçons charmants, paraît-il.


– Des morveux, râla Bellatrix.


– Et puis, sa maison est toute proche du Ministère... Il sera bien plus simple de m'y rendre.


– Ah ! Voilà donc la vraie raison !


– Montez faire vos valises, ordonna Cygnus Black pour couper court à toute discussion.

 

Les trois sœurs se dirigèrent vers l'étage. Juste avant de monter, Narcissa regarda par-dessus son épaule. Son père, les croyant parties, passa son doigt sur une étagère vide, et examina la poussière grise qu'il y avait ramassé.

 

– Je savais bien que fonder une famille me rendrait la vie impossible, soupira-t-il.

 

Il se tourna vers sa femme, qui avait écouté toute la conversation depuis son tabouret, accoudée sur la table, la tête entre ses mains.

 

– Bellatrix n'a pas tout à fait tort, dit faiblement Druella Black en se massant les tempes. Tout serait plus simple si...

– Je ne veux pas recevoir de leçons de ta part, Druella ! la coupa Cygnus Black d'une voix menaçante. Je t'avais bien dit qu'un jour, avoir une troisième enfant serait au-dessus de nos moyens ! Comment allons-nous financer la scolarité de Narcissa, alors que nous n'avons même pas de quoi payer la baguette d'Andromeda ? Tu vois, si nous nous étions contentés de nos deux premières filles, les choses auraient été bien plus simples... Sans compter que...

– Cygnus ! Silence, elles vont nous entendre !

 

Narcissa sursauta, comme si elle avait reçu une décharge électrique. Ses parents continuèrent de se disputer à voix basse ; elle n'entendait pas ce qu'ils disaient, mais elle resta tout de même pétrifiée dans les escaliers, la main crispée sur la rampe.

 

– Cissy, tu viens ? appela Andromeda en passant sa tête dans le couloir. Je vais t'aider à faire ta valise.

 

Narcissa acheva de monter les escaliers, la gorge serrée. Tout en faisant sa valise avec Andromeda, elle repensa à ce que son père venait de dire. Après quelques instants d'incompréhension, elle se promit de lui prouver le contraire : elle ferait tout pour qu'il soit fier d'elle, et pour lui prouver qu'elle n'avait pas eu tort d'exister. Et un jour, il se souviendrait de ce qu'il avait dit, dans ce salon dépouillé, il en aurait honte, et se confondrait en excuses.

 

Les trois sœurs emportèrent donc le peu d'affaires qu'il leur restait. Le tout fut entassé sans difficulté dans le véhicule ironiquement affrété par le Ministère, puisque leur propre véhicule avait été vendu. Et sans trop réaliser ce qui lui arrivait, Narcissa se retrouva serrée entre ses deux sœurs sur la banquette arrière, sa main blottie dans celle d'Andromeda, quittant leur maison bien-aimée et leur jardin fleuri pour s'enfoncer dans Londres, où la brume dissolvait la lumière et confondait les immeubles avec le ciel.

End Notes:

J'espère que ce chapitre vous a plu.

Et à très vite pour (re)découvrir le 12, square Grimmaurd !

12, square Grimmaurd by mathvou1
Author's Notes:

Les soeurs Black arrivent au 12, square Grimmaurd. Elles font la rencontre de Sirius et de sa charmante mère...

Bonne lecture !

TW : grossophobie

Lorsque la voiture s'arrêta, il faisait nuit noire. Narcissa avait un peu dormi, et mit quelques instants à se rappeler qu'elle venait de quitter sa maison pour toujours. En sortant, elle posa le pied sur un carré de pelouse à l'abandon, et regarda autour d'elle : ils étaient au milieu d'une petite place, que Narcissa trouva presque aussi inhospitalière que la rue bondée de l'Hôpital Sainte-Mangouste. Mais au moins, il n'y avait pas de moldu en vue.

 

Elle regarda tour à tour les maisons qui se dressaient autour d'elle, se demandant laquelle était celle de leur tante, mais aucune ne lui parut souhaitable. Les façades étaient toutes abîmées et crasseuses, ponctuées de fenêtres aux carreaux ternes. La peinture des portes s'écaillait et des tas d'ordures couvraient par endroit les marches des perrons. Aucun oiseau ne chantait, et l'air était saturé d'odeurs écœurantes. 

 

– C'est ici que j'ai grandi, déclara Cygnus Black. L'état du quartier s'est un peu dégradé, malheureusement... Mais vous verrez, vous vous y habituerez.

– Ça, ça m'étonnerait, marmonna Bellatrix dans son dos.

 

Narcissa pensa à son joli jardin, sur la Colline d'Émeraude, et sa vue se brouilla légèrement. Elle fit un tour sur elle-même, espérant trouver une maison moins hostile que les autres, et se retrouva de nouveau face au carré d'herbe jaunie.

 

Son cœur fit un bond : devant elle se dressait une maison qu'elle n'avait pas vue en arrivant. Elle était semblable à toutes les autres, mais la façade était bien entretenue, et le perron était parfaitement propre. Cependant, la maison n'en était pas moins effrayante : Narcissa avait l'impression que ses innombrables étages l'écrasaient de tout leur poids.

 

La porte d'entrée s'ouvrit, et Narcissa recula d'un pas. La femme qui venait d'ouvrir était l'incarnation humaine de sa propre maison : hautaine, étroite, obscure.

 

– Walburga, ma chère sœur, s'exclama Cygnus Black avec un peu trop d'enthousiasme.

 

L'intéressée ne fit pas un geste, se contentant de les toiser du haut des marches. Cygnus grimpa les escaliers jusqu'à elle, et ils s'embrassèrent sans chaleur, avec le même port de tête altier, les mêmes gestes excessivement maîtrisés et le même regard gris et acéré.

 

– Vous êtes en retard, dit Walburga Black en guise de bienvenue. Dépêchez-vous un peu : il ne faut pas que les voisins nous voient, ce sont de véritables fouines.

 

Les filles Black sortirent leurs affaires du coffre, et montèrent les escaliers avec difficulté, encombrées par leurs valises et par leur mère qu'il fallait aider à marcher. Narcissa poussa la porte, dont la poignée d'argent avait une forme de serpent, et une forte odeur de renfermé lui saisit les narines.

 

Ils se retrouvèrent tous les cinq alignés dans un long hall sinistre, éclairé par des lampes à gaz et par un petit lustre en cristal suspendu au plafond. Sur les murs, des portraits se succédaient, tous aussi austères les uns que les autres. Les protagonistes qui les occupaient les regardaient de la tête aux pieds, en murmurant entre eux :

 

– Qui est-ce ?
– Des cousines, paraît-il... Oui, des Sang-Pur, bien sûr, sinon jamais Walburga ne les aurait laissé entrer ici...
– Cet homme, là... N'est-ce pas ce cher Cygnus ?
– Mais si ! Ce petit chérubin, comme il a grandi !
– Oui, il a fière allure ! Quel beau costume !
– En revanche, son épouse a très mauvaise mine...
– Son épouse ? Ne me dites pas que cette femme...
– Mais si, mais si, je la reconnais ! C'est elle, c'est Druella !
– Elle semble être bien mal en point...
– C'est vrai ! Quel gâchis, Cygnus était pourtant le plus bel homme de la famille...

 

D'un geste sec, Walburga les fit taire. En se retrouvant face à sa tante, Narcissa fut de nouveau frappée par l'impression similaire que lui procuraient la maison et sa propriétaire, toutes deux à la fois très dignes et totalement inhospitalières. Walburga ne cessait de les observer, le regard sévère. Avec sa taille de guêpe, ses longs bras vêtus de dentelle noire et son chignon serré posé sur sa tête, Narcissa songea qu'elle ressemblait aux tarentules géantes que les Goyle collectionnaient dans leur salon.

 

Finalement, le regard perfide de Walburga Black s'arrêta sur Bellatrix, plus précisément sur sa poitrine et ses hanches que l'adolescence commençait à galber généreusement, et déclara d'une voix abrupte :

 

– Cygnus, tu me disais que vous manquiez de ressources, mais en ce qui concerne la nourriture, j'ai l'impression que ça n'est pas un problème, grimaça-t-elle. Je m'inquiétais pour votre santé, mais j'ai manifestement eu tort... Je n'ai jamais vu une Black aussi dodue !

 

Bellatrix devint aussi rouge qu'un Rapeltout, et en perdit son indéfectible répartie. Andromeda et Narcissa échangèrent un regard désespéré, et Cygnus eut un petit rire gêné.

 

Heureusement à ce moment-là, une bonne surprise vint à leur rencontre en sautillant, un grand sourire aux lèvres.

 

– Sirius, veux-tu te tenir correctement, le réprimanda Walburga. Tu devrais être couché, à cette heure !


– Bonjour, les cousines, dit Sirius sans l'écouter, manifestement enchanté de voir un peu d'animation s'introduire dans sa maison.

 

Narcissa lui sourit aimablement et lui fit un petit signe de la main, ravie de voir quelqu'un qui leur manifeste de la sympathie. Leur tante, sans leur laisser le temps de faire plus ample connaissance, leur fit signe de la suivre et passa derrière une porte noire, ornée d'une autre poignée en forme de serpent.

 

Dès que les adultes eurent le dos tourné, Sirius tira sur la robe de Narcissa :

 

– Psst ! T'as quel âge ?
– Neuf ans. Et toi ?

 

Il lui fit un grand sourire, déjà partiellement édenté, et brandit fièrement les cinq doigts de sa main droite.

 

– Presque cinq ! C'est toi la plus petite ?
– Oui.
– Moi, je suis le plus grand !

 

Son sourire s'élargit encore.

 

– Viens, je te montre ma maison, dit-il en la tirant par la main.

 

Narcissa se laissa guider avec joie, et se sentit un peu plus légère. Sirius avait également les cheveux noirs et bouclés, et des yeux gris, comme ses sœurs : grâce à lui, au moins, elle ne serait pas dépaysée.

 

Ils suivirent le reste de la troupe en passant derrière la porte noire. Narcissa découvrit un long corridor, où se trouvait un porte-parapluie en forme de jambe de troll.

 

– Attention, dit Sirius en contournant le porte-parapluie, ça, il ne faut pas toucher, sinon un vrai troll débarque dans la maison !

 

Soucieuse de ne pas s'attirer d'ennuis, et sans se demander une seule seconde si une telle mise en garde était plausible, Narcissa suivit son conseil avec soin en passant le plus loin possible du porte-parapluie. Voyant cela, Sirius éclata de rire.

 

– Tu m'as cru !

 

Et il sauta à pieds joints sur le porte-parapluie, qui se renversa et dispersa son contenu sur le sol avec un tintamarre retentissant.

 

– Sirius ! fit la voix stridente de Walburga dans la cage d'escalier. Qu'est-ce que c'est que ce vacarme ? Tu vas réveiller ton frère !


– Oui oui, M'man, tout va bien, je t'assure ! C'est Kreattur qui fait tout tomber !
– Je suis en haut, espèce de chenapan, répliqua une voix grinçante qui venait des étages supérieurs.

 

Sirius remit précipitamment les objets en place dans le porte-parapluie, et s'élança dans les escaliers obscurs. Au-dessus des premières marches, une statue de pierre dont le buste était fixé au mur regardait Narcissa avec insistance, et la suivit du regard pendant qu'elle s'engageait dans l'escalier.

 

Narcissa s'empressa de suivre Sirius, en se cramponnant à la rampe pour ne pas s'approcher du mur : celui-ci était orné de têtes d'elfes réduites, clouées à des plaques. Toutes avaient le même nez, semblable à un groin.

 

– C'est une tradition dans la famille, lui chuchota Sirius. Quand un elfe de maison devient trop vieux pour nous servir, on le met là... Dégueu, non ? Enfin, en tout cas, j'ai hâte que Kreattur connaisse le même sort...
– Qui est Kreattur ?
– Notre elfe de maison... Tu le reconnaîtras facilement, c'est un vieux truc tout fripé, avec le même nez que ses ancêtres, cette espèce de groin moche comme tout...

 

Au premier étage, ils passèrent devant un salon aux murs vert olive, des armoires vitrées remplies d'objets inquiétants et une grande tapisserie brodée de fils d'or qui portait le nom de leur famille :

 

 

La noble et très ancienne maison des Black

Toujours purs

 

 

D'innombrables portraits finement dessinés, affublés du nom des Black, recouvraient l'ensemble de la tapisserie. On voyait que la pièce était entretenue avec soin, et agencée de manière à ce que tous les sièges soient tournés vers la tapisserie. Cette vision réconforta quelque peu Narcissa : malgré la situation délicate dans laquelle elle se trouvait, son nom de famille serait toujours une inépuisable source de fierté.

 

Sur le palier, Walburga s'entretenait à voix basse avec Cygnus. Andromeda, Bellatrix et leur mère étaient arrêtées devant une chambre sinistre, aussi petite qu'elle était haute de plafond. En réalité, elle ressemblait davantage à un placard poussiéreux. Un matelas aux draps jaunis avait négligemment été disposé entre deux petits lits jumeaux, ne laissant aucune place pour les jeux ou la fantaisie.

 

– Là, c'est votre chambre, les cousines, dit Sirius en se faufilant entre elles. Pas terrible terrible, hein ? Bon, sinon, il y a une place avec moi dans mon lit, là-haut...

 

Ses yeux gris brillaient de malice. Alors que Druella lui adressait un sourire affectueux, Walburga s'approcha d'eux comme une ombre menaçante, et Narcissa se sentit soudain aussi minuscule qu'une petite souris.

 

– Mes chères petites nièces, énonça Walburga d'une voix glaciale, puisque vous allez vivre sous mon toit pendant une période indéterminée, je voudrais que les choses soient claires à propos de votre cousin.

 

Elle posa ses longs doigts osseux sur l'épaule de Sirius, qui fit une petite grimace.

 

– Sirius me cause déjà assez d'ennuis comme cela, je n'ai pas besoin que vous le distrayiez davantage. Au contraire, je compte sur vous pour lui montrer l'exemple, en vous montrant sages et disciplinées. Me suis-je bien faite comprendre ?

 

Et sans attendre la réponse, elle prit sèchement Sirius par le bras, et monta à l'étage avec Cygnus et Druella. Sirius se retourna, fit un clin d'œil à ses cousines, et articula en silence : à demain !

 

– Sages et disciplinées, répéta Bellatrix en ricanant. Elle n'a pas tiré le bon numéro...

 

Les trois sœurs rentrèrent dans la chambre-placard, et Narcissa s'allongea tout habillée sur le matelas posé par terre. La fatigue venait de lui tomber dessus comme une massue. Cela faisait plusieurs nuits qu'elle peinait à s'endormir, car elle se demandait anxieusement quels objets de la maison auraient disparu à son réveil. Leur nouveau foyer avait beau être épouvantable, au moins, celui-ci resterait en place pendant la nuit.

 

La porte se ferma doucement, et plongea la chambre dans l'obscurité. Ses deux sœurs déposèrent un baiser sur sa joue, chacune leur tour, et Narcissa sourit. Elle entendit à peine les grincements des ressorts lorsque ses sœurs s'allongèrent sur les deux lits voisins, avant de sombrer dans un profond sommeil.

End Notes:

J'espère que ce chapitre vous a plu !

À très vite pour le prochain !

La douce et merveilleuse Walburga Black by mathvou1
Author's Notes:

La maman de Sirius n'est vraiment pas commode, et les sœurs Black vont vite en faire les frais...

Bonne lecture, j'espère que vous allez apprécier ce chapitre !

Et merci à Bloo et Cachecoeur pour leurs reviews adorables sur les chapitres précédents !

– Cissy ! Andy ! DEBOUT !


Narcissa entrouvrit les yeux avec un grognement. Bellatrix se tenait devant elle, les poings sur les hanches, visiblement surexcitée. Narcissa rabattit son drap jauni sur sa tête, et retomba sur son oreiller, bien décidée à refaire un petit somme.


– Les filles ! Allez, réveillez-vous, bande de tire-au-flanc ! On a des tas de choses à faire !

– Encore un peu, marmonna Andromeda, la voix pâteuse.

– Debout, idiote ! J'essaie de te rendre service ! Tu as oublié ?

– Quoi ?

– LA RENTRÉE ! aboya Bellatrix en tirant d'un coup sec le drap de sa cadette. ANDROMEDA, TU RENTRES À POUDLARD DANS DIX JOURS ! Tu as peut-être perdu ton cerveau pendant la nuit ? Tu n'as même pas d'uniforme !


Andromeda se dressa d'un bond dans son lit, affolée, ses boucles brunes en bataille.


– Quel jour est-on ? Quelle heure est-il ?

– L'heure d'aller au Chemin de Traverse, et au galop ! Allez, debout, vous deux ! Nom d'une gargouille, comment a-t-on pu oublier ? Fleury & Bott va être en rupture de stock !


Narcissa imita ses deux sœurs et se leva comme un ressort. Bellatrix avait raison de s'indigner, comment avaient-elles pu oublier ce jour si important ? Andromeda et elle en avaient parlé durant toute l'année précédente ! Elles avaient même imaginé la forme de la future baguette d'Andromeda, et feuilleté les livres de Bellatrix pour essayer de deviner quelles seraient ses matières préférées – et après une longue enquête, Andromeda avait parié sur l'Histoire de la magie.


Andromeda était donc sur le point de faire son premier pas au cœur du monde magique, et d'obtenir sa baguette, la clé de tous les possibles ! Narcissa ressentait une pointe de jalousie, mais était surtout incroyablement excitée.


Bellatrix revêtit en vitesse une jupe noire, grossièrement fendue sur le côté par ses soins, un chemisier débraillé et fouilla dans le fatras de sa valise pour en extraire sa longue cape, noire et chiffonnée.


– Parfait ! s'exclama-t-elle en admirant dans le miroir son accoutrement singulier.


Andromeda s'habilla également – mais ses habits étaient bien en ordre dans son armoire, ce qui lui permit d'aller aussi vite que son aînée, et avec moins d'agitation.


Narcissa lui demanda conseil pour sa tenue. Cela faisait bientôt deux semaines qu'elles étaient arrivées au 12, square Grimmaurd, et elles n'avaient pas mis le nez dehors : pas question d'être mal vêtue pour la sortie du mois ! Andromeda lui prêta une robe que Narcissa lui enviait depuis des années, et lorsque Narcissa l'enfila, la robe s'ajusta naturellement autour de sa taille avec un joli bruissement de tissu.


Ainsi apprêtées, les trois sœurs montèrent au deuxième étage, et toquèrent timidement à la porte de la chambre de leurs parents. Évidemment, leur père était au Ministère, mais leur mère devait être là, si elle ne dormait pas, comme elle en avait l'habitude à cette heure...


Bellatrix entrouvrit la porte avec précaution : la chambre était plongée dans l'obscurité.


– Maman ?


Un gémissement discret leur répondit. Bellatrix s'avança dans l'obscurité, et marcha sur quelque chose de duveteux qui émit un petit couinement.


– Satanés Boursoufs, pesta Bellatrix à voix basse.

– Que se passe-t-il, mes chéries ? demanda la voix éteinte de Druella Black.


Les lampes à gaz accrochées au mur s'allumèrent avec un discret grésillement, et diffusèrent une lumière blafarde dans la pièce. La chambre de Druella et Cygnus était presque aussi exiguë que celle de leurs filles, et tout aussi lugubre.


Druella Black s'assit péniblement sur le bord de son lit, visiblement épuisée. Walburga avait commandé plusieurs fioles de Croculus Sativus à Sainte-Mangouste, mais elles tardaient à être livrées.


Bellatrix osa expliquer :


– Maman, comme tu le sais sans doute, c'est aujourd'hui l'ouverture du Chemin de Traverse...

– Attends une minute, la coupa Druella Black, presque inaudible.


Elle tituba, courbée, jusqu'à l'évier en forme de tête de corbeau, se passa de l'eau sur le visage et se rassit sur le lit, la tête entre ses mains.


– Je t'écoute, soupira-t-elle.

– Andromeda a besoin d'une baguette, résuma Bellatrix, elle entre à Poudlard dans une semaine : il faut que nous allions au Chemin de Traverse !


Druella Black mit quelques instants à réagir.


– Je ne peux pas vous accompagner, vous vous en rendez bien compte.

– Ça n'est pas un problème, s'enthousiasma Bellatrix, je connais le chemin ! Mais simplement, il nous faudrait un peu... Hum, eh bien, un peu d'argent.


Druella soupira, et sans rien dire, passa sa main sous son oreiller, puis autour du matelas, d'où elle tira deux misérables noises. Exaspérée, elle fouilla dans ses vêtements, puis eut un vertige, et se rassit ; et après avoir marqué un temps d'hésitation, son regard se posa sur un petit coffret posé sur le bureau.


Elle poussa un long soupir résigné, et s'empara du coffret – un coffret en velours suranné, serti de pierres précieuses et entouré par un long serpent qui en mordait le fermoir. Lorsqu'elle posa la main dessus, le serpent métallique se rétracta pour libérer le fermoir, et le coffret s'ouvrit en dégageant un petit nuage de poussière.


Druella Black en extirpa un magnifique collier. Les trois sœurs Black le connaissaient bien : c'était le préféré de leur mère, un Collier de Charme, ensorcelé pour amplifier la beauté de celle qui le portait. Lorsqu'il était au cou de Druella Black, il prenait la forme d'une grosse aigue-marine bleu clair, assortie à ses beaux yeux, et donc à ceux de Narcissa, qui avait les mêmes. Dès qu'elle l'avait à son cou, ses joues semblaient plus roses, et son regard plus pétillant. Le collier appartenait autrefois à Irma Black, la mère de Cygnus, de Walburga et de leur petit frère Alphard. Irma l'avait offert à sa belle-fille Druella en cadeau de mariage, en lui assurant qu'il avait toujours été destiné à la femme qui épouserait Cygnus, son fils favori. Et bien évidemment, Walburga en était verte de jalousie.


– Tiens, dit Druella en le glissant dans la main de Bellatrix. Allez à la bijouterie magique de Pemsley, juste à côté de chez Gringott’s. Vous en tirerez un bon prix, et vous aurez assez d’argent pour acheter tout ce dont Andromeda a besoin.


Bellatrix, Andromeda et Narcissa étaient embarrassées par cette proposition, car c'était un des derniers objets auquel leur mère tenait vraiment. Mais elles n'eurent pas l'occasion de prendre une décision, car la porte de la chambre pivota sur ses gonds, et leur tante Walburga apparut sur le palier.


– Qu'est-ce que vous mijotez, par ici ? s'enquit-elle en plissant les yeux avec méfiance.


Les trois filles se figèrent, et Walburga entreprit de les scanner de la tête aux pieds. Ses lèvres fines étaient pincées, et les ailes de son nez étroit frémissaient. Cette expression était déjà horriblement familière à Narcissa : c'était celle que prenait le visage de Walburga lorsqu'elle cherchait à déverser sa rancœur sur quelqu'un.


En effet, la remarque désobligeante que Walburga avait faite à Bellatrix à propos de ses rondeurs le jour de leur arrivée n'était qu'une sympathique mise en jambe, en comparaison avec ce qui avait suivi. Walburga Black avait un avis sur tout, et ne se gênait jamais pour le donner, surtout lorsque personne ne lui demandait. Depuis l'arrivée des sœurs Black dans sa maison, une douzaine de jours plus tôt, leur tante Walburga critiquait tout ce qu'elle pouvait avec aigreur, trouvait que ses nièces mangeaient trop et riaient trop fort, harcelait Bellatrix de sarcasmes sur les courbes de ses hanches – ce qui, Narcissa le voyait bien, lui faisait beaucoup de mal – et à chaque méchanceté qu'elle leur adressait, ne manquait pas d'en doubler la peine en accablant leur mère, l'accusant de les avoir mal éduquées, et se lamentant devant le chantier qu'elle allait devoir entreprendre afin de pallier leur manque de savoir-vivre.


C'est donc avec cette expression soupçonneuse qu'elle arpenta la pièce du regard, et huma profondément l'air ambiant, comme si les grains de poussière en suspension allaient lui souffler la réponse à sa question.


Son regard s’arrêta bien évidemment sur le coffret posé sur la table. En le voyant ouvert, et vide, puis en apercevant la fine chaîne qui dépassait de la main de Bellatrix, la liste de fournitures qu'Andromeda tenait dans sa main, et enfin les tenues soignées de Narcissa et Andromeda, elle comprit immédiatement ce que ses nièces avaient en tête.


– J’espère que vous ne comptez pas faire ce à quoi je pense, dit-elle en désignant le coffret du menton.


Bellatrix referma rapidement sa main et cacha le collier derrière son dos.


– Il faut bien qu’Andromeda s’achète une baguette, répliqua-t-elle.


Walburga tendit sa paume devant elle, implacable.


– Je peux m’en charger moi-même. Et pour me rembourser, Druella, tu n’as qu’à me donner ce collier. J’y perds au change, mais ça ne fait rien, je commence à m'y habituer.


Bellatrix chercha un soutien du côté de sa mère, mais celle-ci, très lasse, lui fit signe de se soumettre.


– Donne-lui, ma chérie.


Butée, Bellatrix ouvrit la main, et regarda la tante Walburga avec un sourire provocateur. Sa main était vide.


– Dommage, susurra Bellatrix. Il a dû partir en courant, en apprenant qui était sa nouvelle propriétaire...

– Bellatrix, ce sont des affaires de grandes personnes, gronda Walburga, qui commençait à perdre patience. Donne-le-moi immédiatement. De toute manière, il aurait dû me revenir depuis le début.


De mauvaise grâce, Bellatrix rouvrit le poing, où le collier se trouvait de nouveau, et le tendit à la tante Walburga, tout en dardant sur elle un long regard furieux.


Walburga lui prit sèchement et se plaça devant le miroir de la chambre pour le mettre à son cou, satisfaite. Le collier se métamorphosa immédiatement pour prendre la forme d’une grosse pierre opaque, gris anthracite. Ses traits aussi changèrent un peu. Cela la rendait plus belle, mais aussi, aux yeux de Narcissa, encore plus terrifiante.


Narcissa regarda sa mère, désespérée. Il fallait absolument qu'elle trouve un moyen de renverser la situation. Car sa mère n'aurait jamais dû être ainsi, elle n'aurait jamais dû ressembler à ce fantôme pâle et chancelant... Non, décidément, ça n'était pas elle, mais une image fausse, déformée par le filtre de la maladie ! Sa mère, la vraie, était cette femme resplendissante sur qui la malchance ne s'était pas encore abattue, une femme qui possédait encore sa beauté et ce collier, qui portait au cou cette pierre assortie à ses ravissants yeux bleus, et sa chevelure blonde resplendissait autour d'elle comme un beau soleil, avec ses gestes gracieux qui captivaient tous les regards et effaçaient sa tante Walburga, qui n'était alors qu'une vieille mégère, envieuse et mesquine.


Il fallait trouver une solution, à tout prix, Narcissa s'en fit la promesse.


Walburga se détourna du miroir, et tira Andromeda par le bras.


– Toi, viens avec moi, j’ai des tas de choses à faire aujourd'hui. Plus vite nous t’aurons acheté une baguette, plus vite je serai débarrassée de cette corvée.

– Je dois aussi acheter des livres, dit Bellatrix, qui mourait d'envie d'aller se promener.

– Il suffit que tu me donnes ta liste, j'achèterai le strict nécessaire. J'ai déjà assez d'une gamine sur le dos pour aller me promener dans cet endroit crasseux, grouillant de Sang-de-Bourbe et autres monstruosités. Et puis, je ne tiens pas à ce que tu te montres dans cet accoutrement, on te prendrait pour une traînée sortant tout droit de l'Allée des Embrumes...


Bellatrix en fut clouée sur place, comme si Walburga venait de lui tirer une flèche en plein cœur.


Impuissante, Narcissa dut se contenter de suivre sa tante Walburga jusqu'à la cheminée de la cuisine, pour faire un petit signe de la main à Andromeda lorsque celle-ci monta dans la cheminée aux côtés de sa tante.


Là, Walburga prononça de sa voix tranchante :


– Chemin de Traverse !


Et Andromeda disparut avec elle dans une explosion verte. 


Narcissa remonta les escaliers, le cœur lourd, et rejoignit Bellatrix dans leur chambre. Elle s'étendit sur le lit, découragée. Bellatrix, elle, se tenait devant le miroir terni qui était accroché à l'intérieur des battants de leur unique armoire, et examinait sa silhouette sous toutes les coutures, visiblement désappointée par la forme de celle-ci.


– Je la déteste, lâcha finalement Bellatrix.

– Moi aussi, approuva Narcissa.


Puis Bellatrix entreprit de s'installer à côté de sa petite sœur, sur son matelas jauni.


– Allez, pousse-toi...


Elle parlait toujours sèchement, mais depuis le temps, Narcissa avait appris à déceler un peu de douceur dans ses gestes. Elle laissa donc une place à Bellatrix sur son matelas, sans se formaliser.


– Elle ressemble aux tarentules géantes qu'il y avait dans le salon des Goyle, remarqua pensivement Narcissa.


Bellatrix rit de bon cœur. 


– Tu as raison ! Surtout quand elle met sa longue robe noire, avec ses bras interminables...


Elle mima les crochets des araignées avec ses doigts, en faisant une horrible grimace, et Narcissa éclata de rire. Puis Bellatrix imita la voix de Vera Goyle, quand elle leur présentait les innombrables bestioles qui peuplaient sa maison :


– Approchez, mes petites, cette tarentule est un spécimen très rare ! Pourquoi, à votre avis ? Bravo, Daisy, tu as deviné : elle n'a pas de cœur ! Oui, oui, vous m'avez bien entendu !


Narcissa rit à nouveau, mais à l'évocation des Goyle, l'amertume l'envahit.


– Daisy aura sûrement une plus belle baguette que moi, quand nous rentrerons à Poudlard, murmura-t-elle.


Bellatrix s'appuya sur son coude pour se tourner vers sa petite sœur, et replaça une de ses mèches blondes derrière son oreille.


– T'en fais pas, Cissy, dès que je retournerai à Poudlard, je trouverai un moyen pour vous sortir d'ici. Tu verras, je suis sûre que je pourrai guérir maman, et tout redeviendra comme avant !


Narcissa lui sourit en retour. Elle avait envie de la croire, mais elle savait que sa grande sœur s'emballait facilement. En effet, Bellatrix se vantait souvent d'être la plus douée de sa classe, alors qu’en réalité, le seul qui l’appréciait vraiment était son professeur de Potions, le professeur Horace Slughorn. Tous les autres s'accordaient pour dire que Bellatrix, par son refus d'obéissance, gâchait ses capacités hors du commun.


Andromeda rentra à peine une heure plus tard, les yeux rougis, et Bellatrix et Narcissa durent déployer des trésors d'enthousiasme pour lui redonner le sourire et la convaincre de leur montrer sa baguette, une ravissante pièce en bois de sorbier, lisse et cuivrée.


– Elle est très belle ! s'exclama Narcissa en caressant le bois impeccablement poli. Qu'est-ce qu'il y a à l'intérieur ?

– Du crin de licorne.

– Je préfère la mienne, dit Bellatrix en agitant sa baguette. Mais, la tienne est très chouette aussi, je suis sûre qu'elle te conviendra ! ajouta-t-elle immédiatement, voyant que les yeux d'Andromeda rougissaient de nouveau.


Narcissa avait d'autant plus de mal à s'extasier devant cette nouvelle acquisition qu'elle signifiait l'approche de l'échéance tant redoutée : dans quelques jours, Andromeda quitterait le 12, square Grimmaurd pour se rendre à Poudlard, et Narcissa se verrait, pour la première fois, séparée de ses deux sœurs adorées.

 

 

C'est donc ainsi que s'acheva l'été le plus désastreux de leur vie. 


Dix jours plus tard, Narcissa les accompagna à King's Cross, la mort dans l'âme. Avant de monter dans le Poudlard Express, Bellatrix la serra fermement dans ses bras en ébouriffant ses cheveux blonds, lui souhaita une bonne dose de courage pour l'année qui s'annonçait, l'embrassa sur le sommet de la tête et partit rejoindre une bande de garçons bruyants, qui l'accueillirent avec de grandes tapes sur l'épaule.


Andromeda embrassa sa petite sœur à son tour, puis voulut s'écarter d'elle, mais Narcissa refusait de la lâcher. Depuis toutes petites, les deux sœurs étaient inséparables, et ne s'étaient jamais quittées plus de quelques heures. Avec elle, Narcissa se sentait apaisée, reposée : bien, tout simplement. Tout, chez Andromeda, allait manquer à Narcissa : la douceur de sa voix, les histoires fantastiques qu'elle parvenait à inventer à partir de rien...


– J'ai un cadeau pour toi, lui murmura Andromeda.


Alors seulement, Narcissa consentit à desserrer son étreinte. Andromeda sortit de derrière son dos un paquet enrobé de ficelle et de papier parcheminé. Narcissa le déchira précipitamment, et découvrit un carnet rose et brillant, épais, absolument superbe. Il était verrouillé par un fermoir en forme de fleur, car Andromeda n'aimait pas beaucoup les serpents, contrairement au reste de sa famille.


– Tu pourras écrire dedans ce qui te tracasse, lui dit Andromeda. Il n'y a que toi qui peut l'ouvrir, comme ça, personne ne pourra y fourrer son nez ! Et puis, ça sera un peu comme si je t'écoutais... Tu vas me manquer, Cissy chérie !


Elles s'embrassèrent une dernière fois, et le Poudlard Express donna le signal du départ. Andromeda hissa sa valise dans le wagon, et fit un petit signe de la main à Narcissa avant la fermeture des portes.


Tout en serrant son nouveau carnet contre elle, Narcissa regarda longuement le Poudlard Express s'éloigner, un peu ragaillardie. Voilà pourquoi elle aimait autant Andromeda : sa grande sœur savait toujours comment la réconforter. Si Narcissa se cognait quelque part ou se cassait la figure en faisant de la balançoire, Andromeda savait toujours quels mots employer pour que Narcissa oublie sa douleur et recommence à jouer comme si de rien n'était. En serrant le carnet rose contre son coeur, Narcissa ressentit exactement la même chose que lorsqu'Andromeda la prenait dans ses bras pour qu'elle arrête de pleurer.


Le soir même, après le dîner, Narcissa monta s'allonger sur son matelas aux draps jauni. La petite chambre-placard était vide, mais Narcissa s'en fichait. Elle sortit son carnet rose de sous son oreiller, et inscrivit de grandes lettres soignées sur la couverture :

 

 

JOURNAL INTIME DE NARCISSA BLACK

Ne pas toucher, ne pas ouvrir, ne pas manger

Sous peine de représailles

 

 

Elle recula un peu pour observer la couverture, en espérant que cela intimiderait sa tante Walburga si elle finissait par dénicher son journal – sa tante avait la fâcheuse habitude de fouiller absolument partout, et d'examiner avidement les moindres objets personnels qui se trouvaient sur son chemin. Puis elle ouvrit son beau journal, décrivit des petits cercles sur sa joue avec l'extrémité souple de sa plume, et se décida à écrire avec application :

 

Cher journal, 


Si tu savais comme je suis contente de t'avoir ! Je t'entame par une belle journée, tout ensoleillée. Il n'y a pas trop longtemps, c'était mon anniversaire : neuf ans ! Alors, on va dire que tu es mon cadeau d'anniversaire, car je n'en ai pas eu d'autres. Tu m'as été offert par Andromeda, ma sœur adorée. Elle seule sait que depuis quelque temps, j'aime gribouiller mes pensées du soir sur des petits papiers que je cache sous mon matelas. Grâce à toi, ça sera plus commode ! Tu es très beau, tout brillant, assez grand pour tout ce que j'ai à te dire, et assez petit pour te cacher facilement où je le souhaite.


Je suis si excitée ! Il y a tellement de choses que je voudrais écrire que je ne sais pas par où commencer. 


Bon, allez, je me lance : de toute manière, je n'ai pas du tout sommeil.


Donc, je disais : avant de te parler de moi, je vais te parler de ma famille, et il y a vraiment beaucoup de choses à dire. Nous sommes cinq, et Père est le seul garçon. Après, il y a ma mère, mes deux grandes sœurs Bellatrix et Andromeda, et moi. Nous faisons partie de la grande famille Black, une famille de Sang-Pur : ça veut dire qu'on ne se marie qu'avec des sorciers, qui n'ont eux-mêmes que des ancêtres sorciers. Cela fait de nous une famille supérieure, puisque notre sang n'est pas mêlé à celui de Moldus.


Ça, c'est une histoire drôlement compliquée, mais laisse-moi t'expliquer rapidement. Les Moldus, c'est ceux qui ne sont pas comme nous : ils n'ont pas de pouvoirs magiques. Nous sommes très différents d'eux : ils sont stupides et dangereux, alors que nous, les sorciers, sommes sages et mesurés. C'est comme ça depuis la nuit des temps, et ça ne changera jamais, "un point c'est tout", comme dit souvent mon papa.


Nous pourrions vivre tranquillement entre sorciers, mais malheureusement, les Moldus sont beaucoup plus nombreux que nous, et même s'ils sont très bêtes, quand il s'agit de rejeter ce qui leur fait peur, ils sont très doués : il n'y a pas si longtemps, les sorciers étaient pourchassés sans arrêt, et parfois brûlés vivants, tu imagines un peu ?


Heureusement, un jour, quelques sorciers se sont rencontrés et ont réalisé qu'ils n'étaient pas tous seuls ; alors ils se sont rassemblés, et ont commencé à construire une vraie société magique, en créant le Conseil des Sorciers. Maintenant, ce Conseil s'appelle le Ministère de la Magie, et il est beaucoup plus grand, avec plein de Départements, qui sont si nombreux que je n'arrive pas à les compter. Grâce à ça, nous sommes tranquilles, nous avons des endroits spéciaux où nous pouvons faire de la magie, et les Moldus ne nous embêtent plus. En échange de ça, nous devons respecter une règle qui s'appelle le Code International du Secret Magique : nous devons être très discrets, et ne surtout pas exercer la magie devant les moldus, au risque d'être mis en prison. Le Ministère de la Magie est très à cheval sur ces règles, car ils ne veulent pas se disputer avec les moldus.


Au début, je ne comprenais pas pourquoi nous devions nous cacher alors que c'est nous qui avions quelque chose en plus ! Mais Père me dit que les Moldus ont des défauts très contagieux, et que si nous commençons à nous mélanger avec eux, ils risquent de manipuler les sorciers influençables en les appâtant avec tous leurs dévergondages – d'ailleurs, j'aime bien quand il dit ce mot, "dévergondage". C'est pourquoi il vaut mieux rester entre nous et ne pas s'ouvrir à eux, pour conserver précieusement notre pureté de sorciers.


Je disais donc, que notre famille avait un "sang pur" : il n'y a ni Moldu, ni Sang-de-Bourbe (ça, c'est ceux qui ont des pouvoirs magiques alors qu'ils sont nés dans une famille de Moldus), ni Sang-Mêlé – tous ceux qui n'ont pas un sang pur. Ainsi, nous sommes certains que les Moldus ne saliront pas notre descendance. Mon père dit que ceux qui ont un sang vraiment pur sont de plus en plus rares, et ça l'inquiète beaucoup : il dit que si on ne fait rien, la grandeur et la dignité des Sorciers sera "dissoute dans la masse boueuse de ces maudis Moldus", et il prend une voix vraiment terrible quand il dit ça. D'ailleurs, "Toujours purs", c'est la devise de notre famille : elle est écrite au-dessus de tous nos arbres généalogiques et sur notre blason, et nous sommes inscrits dans le Registre des Sang-Purs avec vingt-sept autres familles anglaises, dont la famille Rosier, qui est la famille de ma mère.

 

Narcissa relut les quelques pages qu'elle venait d'écrire, ravie. Son père serait fier d'elle : elle avait bien retenu sa leçon.

 

Mes deux parents se sont rencontrés à Poudlard, l'école où on apprend à faire de la magie, et se sont mariés très jeunes. Avec mes sœurs, nous leur demandons souvent de nous raconter comment ils sont tombés amoureux, mais ils ne sont pas très bavards sur ce sujet. Je pense qu'ils sont juste timides, et d'ailleurs, je ne les vois jamais s'embrasser. Mais je suis sûre qu'ils s'aiment beaucoup, parce qu'ils ont le même avis sur les Moldus et la pureté du sang, et il paraît que c'est ce qu'il y a de plus important pour fonder une famille.


Bon, maintenant que je dois te présenter un peu plus précisément les membres de ma famille, je me rends compte que c'est un peu difficile, parce que tout a été vraiment bousculé ces derniers temps. En fait, c'est comme si, au lieu d'avoir une seule famille comme les gens normaux, j'en avais deux : la famille d'avant mon neuvième anniversaire, et celle de maintenant, qui ne ressemble plus du tout à la première. 


Ce qui s'est passé entre les deux est très triste, mais je vais te le raconter quand même. Désolé si tu ne comprends pas tout, car tout s'est enchaîné très très vite, comme si j'avais voulu descendre en courant une pente un peu trop raide...

End Notes:

Et voilà, j'espère que ce chapitre vous a plu.

Au prochain chapitre, on revient dans le présent pour faire un petit coucou à Drago dans son grand manoir, avant de retrouver à nouveau notre chère famille Black.

N'hésitez pas à me dire si ce chapitre vous a plu, c'est toujours un plaisir de lire des mots gentils ❤

Intermède : De nos jours by mathvou1
Author's Notes:

Un chapitre plus court que les autres :)

Nous retrouverons notre chère famille Black au prochain, dans quelques jours...

Bonne lecture !

Le manoir des Malefoy est désormais recouvert d'un lourd manteau neigeux. Partout, les tuiles d'ardoise gémissent sous le poids de cette épaisseur glacée, et leur plainte résonne dans les couloirs humides et déserts. Drago regarde une énième fois par la fenêtre pour s'assurer que le toit ne s'est pas écroulé, mais l'obscurité impénétrable qui l'entoure et le givre qui recouvre les carreaux l'empêchent de voir correctement.


Avec un long soupir, il se remet au travail. Au milieu de la nuit, à la lumière d'une chandelle qui menace de s'éteindre, il feuillette pensivement le journal de sa mère. Le carnet rose est maintenant corné et tâché ; la mise en garde que la petite Narcissa Black a écrite en grandes lettres minutieuses sur la couverture est toujours bien lisible, même si le brillant a perdu de son éclat. Certaines pages sont soignées, d'autres écrites avec colère, d'autres encore portent des traces de larmes. C'est là, dans ce vieux carnet qui a traversé les années, que Drago puise tout le courage dont il a besoin. 


Que pensera son fils, se demande-t-il, lorsqu'il découvrira l'histoire de sa grand-mère paternelle et de sa famille ? Étant petit, Scorpius le bombardait de questions à propos d'elle : il avait déjà compris à quel point Narcissa Malefoy, née Black, était une femme hors du commun – pour le meilleur et pour le pire.


Drago lui-même est tombé de haut, le jour où ce journal a atterri entre ses mains. Sa mère, adulte, ne parlait jamais de son enfance, et encore moins de sa sœur Andromeda, de qui elle avait pourtant été si proche... Drago a toujours soupçonné, au fond de lui, que sa mère avait traversé des choses terribles, mais certainement pas à ce point-là.


Il passe une main sur son front, qui commence à se dégarnir sérieusement. Il n'a toujours rien écrit. Par où commencer ? Par cette maudite journée d'anniversaire, sur la Colline d'Émeraude ? Oui, après tout, c'est le point de départ de la dégringolade... Et puis, c'est ce qu'il y a de plus simple : sa mère a tout raconté dans son journal, avec une précision étonnante. Il lui suffit de reformuler, de rendre lisibles les mots enfantins de la petite Narcissa Black.


Drago se réjouit que le début de son travail soit facilité : cela lui donne de l'élan. Car, après cela, il n'aura plus de support, ce sera à lui de raconter... Rien qu'à cette idée, l'angoisse lui tord les entrailles. Des secrets, il en traîne un sacré lot derrière lui, au moins aussi pesants et aussi terribles que ceux de sa mère...


Mais il ne veut pas y penser, pas tout de suite, cela le paralyserait. D'abord, sa mère : et après, il n'aurait pas le choix, il ne pourrait plus abandonner, il faudrait finir ce travail si bien commencé.


Il écrit donc, avec autant d'application que la petite Cissy Black dans sa chambre-placard, il raconte à Scorpius la Colline d'Émeraude, l'Hôpital Sainte-Mangouste, et surtout le 12, square Grimmaurd, où d'autres drames se profilent insidieusement...

End Notes:

J'espère que ce petit intermède vous a plu.

À très bientôt pour la suite !

Insomnie by mathvou1
Author's Notes:

Me voilà de retour avec un chapitre où Narcissa nous parle du 12, square Grimmaurd et de ses petits cousins, Sirius et Regulus.

Bonne lecture ! ♥︎

– CRABOUILLE ! Arrête immédiatement !


Au 12, square Grimmaurd, tout était calme. Et pourtant, comme tous les soirs, Narcissa ne parvenait pas à trouver le sommeil. Un des Boursoufs qui habitaient la chambre – ces fameuses créatures duveteuses qui se nourrissaient de poussière et de crottes de nez – s'entêtait à venir lui léchouiller la figure avec sa langue d'une longueur exceptionnelle. Narcissa avait appelé celui-ci Crabouille, en raison de sa fourrure qui avait la couleur d'un animal écrabouillé.

 

Après s'être retournée une dizaine de fois dans ses draps jaunis, Narcissa s'assit dans son lit, et posa Crabouille sur ses genoux pour lui gratouiller la tête. Aussitôt, la petite boule de poils se mit à chantonner avec enthousiasme. Elle saisit également Nymphadora, sa poupée favorite offerte par Andromeda, et l'attira contre elle. Elle attendit une vingtaine de minutes que le sommeil vienne à elle, bercée par le son mélodieux émis par le Boursouf, mais sans succès. En désespoir de cause, Narcissa sortit machinalement son journal intime de sous son oreiller, et se contorsionna pour le placer dans la lumière blafarde de la Lune, qui filtrait à travers les carreaux encrassés par le temps et volontairement négligés par Kreattur.

 

Amusée, Narcissa feuilleta son journal, et relut les premières pages, qu'elle avait écrites presque deux ans auparavant, quelque temps après son arrivée au 12, square Grimmaurd.

 

 

Cher journal,

 

Heureusement que tu es là, car depuis que mes sœurs sont parties à Poudlard, je m'ennuie beaucoup. Toute la journée, je reste à la maison avec Sirius, qui a quatre ans et demi de moins que moi, et Regulus qui est encore plus petit. Je les aime beaucoup, tous les deux : Sirius est très drôle, même s'il fait plein de bêtises, et Regulus est très gentil, même s'il veut tout le temps être d'accord avec ma tante Walburga.

 

Notre principale occupation, ici, ce sont les leçons que le précepteur donne à Sirius et Regulus. Moi, j'ai déjà suivi des leçons avec mes sœurs, quand nous habitions sur la Colline d'Émeraude. Ce ne sont pas des leçons de magie, car nous devons attendre d'être à Poudlard pour cela. C'est plutôt pour apprendre à bien se comporter en société, pour être à la hauteur de notre statut de Sang-Pur (ça, c'est mon père qui me l'a dit). C'est drôle car les leçons des garçons sont un peu différentes de celles que nous avons suivies avec mes sœurs : nous, on nous apprend à nous coiffer et à nous habiller correctement, et à être des sorcières brillantes tout en restant discrètes, alors qu'ici, Sirius et Regulus apprennent à parler plus fort que les autres et à ne jamais pleurer.

 

Leur précepteur s'appelle Arantius, il est très grand et tout sec, à tel point que Bellatrix a dit en le voyant qu'il suffirait d'une étincelle pour qu'il s'embrase, ou d'un peu d'eau sur sa tête pour le faire gonfler. J'y pense souvent, et cela me fait rire d'imaginer Bellatrix arroser son crâne. Il arrive tous les matins à huit heures trente précises, avec un costume qui n'est pas très beau et une petite mallette noire. Son visage est tout fripé et ses yeux sont tellement enfoncés dans leurs orbites que je ne sais même pas de quelle couleur ils sont. Sa voix aussi fait toujours des gargouillis bizarres dans le fond de sa gorge. Quand Sirius fait des bêtises, Arantius ne dit rien et le laisse faire ; mais à la fin de la journée, il raconte tout à Walburga, et alors Sirius peut être sûr d'aller au lit sans dîner. Arantius fait partie de ces Sang-Pur qui ont été ruinés par la guerre des moldus, il y a vingt ans, parce qu'ils ont fait des choses terribles. Ses deux parents ont été enfermés à Azkaban à ce moment-là, alors il s'est débrouillé avec ce qu'il lui restait : son sang pur et son savoir-vivre. Il est très reconnaissant envers Walburga : quand elle est là, il fait beaucoup de manières et parle tout le temps de notre « illustre famille ». Avec son dos courbé et son corps trop grand pour lui, il a beaucoup de mal à s'occuper de Sirius, qui est très turbulent, alors je lui donne un coup de main : je sers de partenaire pour leurs cours de danse, j'essaie de le convaincre d'être sage et je vais le chercher quand il se cache dans son armoire pour éviter les leçons.

 

Certains jours, je vais prendre le thé avec ma tante Walburga et ses amies. Je ne sais pas pourquoi, elle tient absolument à ce que je l'accompagne partout, c'est un peu énervant. Avant de partir, elle me fait de belles coiffures, en me tirant fort les cheveux avec plein de pinces et de rubans. Ses amies me disent souvent que je suis une ravissante petite fille, très bien élevée, et ça me fait plaisir car c'est exactement ce que mes parents auraient souhaité entendre. Ce qui m'énerve, c'est que Walburga n'arrête pas de dire à tout le monde que c'est grâce à elle si je suis si bien élevée, et que maman est paresseuse, alors que c'est complètement faux, c'est juste qu'elle est trop fatiguée, malgré les traitements et tout ça.  Mais bon, je ne dis rien parce que je risquerais de m'attirer des ennuis.

 

Le reste du temps, je lis les livres qui sont dans la bibliothèque, même si je les ai tous déjà lus au moins une fois et que je n'y comprends pas grand-chose : la plupart des livres parle de magie noire, et c'est une science très compliquée, il n'y a que Bellatrix arrive à comprendre. Moi, mon préféré s'appelle Histoire des Sang-Pur à travers les siècles, mais je commence à le connaître par cœur.

 

Je joue aussi beaucoup avec Sirius. Son jeu préféré, c'est d'embêter Regulus et de lui piquer ses affaires, mais moi, je n'aime pas beaucoup ce jeu, et en plus, Regulus finit toujours par appeler sa mère qui nous gronde très fort. Alors, on essaie plutôt d'espionner Kreattur et ma tante Walburga, même s'ils ne font pas grand-chose d'intéressant à part ranger la maison et critiquer Maman, Sirius ou des tas d'autres gens. En fait, il n'y a que trois personnes que Walburga ne critique jamais : Regulus, bien sûr, mais aussi mon père, et Alphard, leur petit frère. Mon oncle Alphard, je ne l'ai jamais vu. Mon papa dit qu'il était très mauvais à l'école et qu'il posait beaucoup de problèmes, mais Walburga, elle, dit que c'étaient les professeurs qui étaient injustes avec lui, et qu'Alphard n'y était pour rien. Une fois, une amie de Walburga a dit qu'il était amoureux d'un homme, et Walburga s'est fâchée très fort en disant que c'était complètement faux. Je n'ai pas très bien compris pourquoi ça l'avait mise autant en colère, mais je n'ai pas osé demander et depuis, personne n'ose parler de mon oncle Alphard devant elle.

 

En général, j'essaie de me tenir loin de ma tante Walburga, car elle est vraiment très sévère, surtout avec Sirius. Elle n'arrête pas de le gronder et de lui crier des choses méchantes. Souvent, elle met les poings sur ses hanches et elle crie : « qu'est-ce que j'ai fait pour avoir un fils comme toi ? ». Une fois, elle lui a même dit qu'il était « le raté de la famille ». Parfois, quand Sirius est puni dans sa chambre, je l'entends pleurer et ça me fait beaucoup de peine, alors je vais le voir en cachette et j'essaie de le consoler. Le pire, c'est quand Sirius mouille ses draps pendant la nuit : tante Walburga fait de grosses colères, elle dit que Sirius le fait exprès, et qu'il n'ira pas à Poudlard si c'est comme ça.

 

Elle est aussi drôlement méchante avec Maman : elle n'arrête pas de dire qu'elle fait exprès de dormir tout le temps, et qu'après tout elle a bien mérité ce qui lui arrive. Walburga parle souvent de quelque chose que ma maman a fait quand elles étaient à Poudlard, mais je n'arrive pas à comprendre ce que c'est, et quand je demande, les adultes regardent par terre et ne me répondent pas.

 

Maman, elle, ne va pas bien du tout, malgré le Croculus Sativus que nous donne l'Hôpital Sainte-Mangouste. Parfois, elle arrive à se lever pendant la journée, et elle vient jouer avec Sirius et moi : ces jours-là, ce sont les meilleurs jours, car ma maman est très gentille et très douce, elle fait plein de câlins à Sirius et à moi et nous sommes tous les trois très contents. Mais malheureusement, c'est assez rare, car la plupart du temps, elle est très fatiguée, elle a très mal partout, et donc elle reste dans son lit toute la journée. J'essaie de la réconforter en lui apportant de l'eau et des biscuits et en lui faisant plein de baisers, mais ça ne marche pas très bien. Il y a des Magicomages qui viennent la voir de temps en temps, mais ils ne disent pas grand-chose, et moi j'ai l'impression qu'ils sont un peu perdus.

 

À part ça, quand Arantius n'est pas là et qu'on en a assez d'écouter Walburga et Kreattur, Sirius et moi, on va dans le grenier, d'où on a une jolie vue sur Londres : on ouvre la petite lucarne, et on regarde la pluie qui tombe toute la journée sur les passants pressés.


Narcissa ferma son journal en soupirant. Depuis qu'elle avait écrit ces mots, presque deux ans avaient passé, dans la monotonie la plus totale. Sur la dernière page de son carnet rose, elle avait dessiné un calendrier où, chaque soir, elle rayait les jours restants avant que ses sœurs ne rentrent de Poudlard. Celles-ci étaient sa seule bouffée d'air frais, et leurs visites lui faisaient toujours un bien fou. Bellatrix se montrait toujours aussi impétueuse et dissipée, d'autant plus que leur oncle Orion – un cousin de Cygnus et Walburga, qui appartenait donc également à la famille Black – n'était pas vraiment à cheval sur la discipline, contrairement à leur père, et encourageait donc ouvertement Bellatrix à semer la zizanie à Poudlard.

 

Andromeda, elle, poursuivait tranquillement sa scolarité au sein de la maison Serpentard, sans faire de vagues. Elle était adroite, sérieuse et discrète, fidèle à elle-même, en somme. À chaque fois qu'elle rentrait de Poudlard pour quelques vacances, Narcissa se sentait immédiatement happée par sa douceur et sa gentillesse, extirpée de toute la tension qui régnait au 12, square Grimmaurd.

 

En dehors de ces jours bénis où Narcissa retrouvait ses deux sœurs, la tante Walburga menait la vie dure à tous les habitants de la maison. Et ni Narcissa, ni ses parents ne pouvaient s'en plaindre, au risque de voir s'interrompre la livraison hebdomadaire des fioles de Croculus Sativus, que l'oncle Orion déposait chaque lundi dans l'entrée à l'intention de Druella Black, sans faire aucun commentaire.

 

Druella avait, dès leur arrivée, timidement demandé à obtenir le traitement de cette satanée Saviriose le vendredi, afin d'avoir la force de participer aux festivités qui avaient parfois lieu le week-end ; mais l'oncle Orion avait fait la sourde oreille, et Walburga avait continué de la remplacer aux réceptions, s'attribuant ainsi tout le mérite de l'éducation de Narcissa.

 

Mais malgré tout cela, depuis deux ans, Narcissa continuait de faire bonne figure. Elle souriait aimablement en toutes circonstances, même lorsque les grandes personnes lui pinçaient la joue ou lui tapotaient sur la tête avec condescendance, même lorsque sa tante Walburga se plaignait publiquement de l’inutilité de sa mère en lui demandant de confirmer ses dires. Narcissa avait même apprivoisé Kreattur : il était un peu grognon, et suivait toujours à la lettre les instructions de la tante Walburga, mais malgré tout, Narcissa l'aimait bien. Souvent, elle allait lui donner quelques friandises en cachette. Kreattur les prenait en maugréant, mais elle savait que cela lui faisait plaisir.

 

Si Narcissa faisait tout ça, c'est parce qu'elle n'avait jamais oublié la promesse qu'elle s'était faite, le soir où ils avaient quitté la Colline d'Émeraude, et où elle avait entendu son père dire qu'il regrettait de l'avoir mise au monde. Elle s'était promis de rendre à ses parents une vie digne de ce nom, et de tout faire pour que son père soit enfin fier d'elle. Et alors que son départ vers Poudlard approchait, elle avait au moins la satisfaction de se dire qu'elle avait fait tout ce qu'elle avait pu pour atteindre ce but.

 

En outre, une seule pensée lui donnait tout le courage nécessaire : bientôt, elle ne subirait plus ni l'errance de ces jours sans fin, ni les discours barbants du précepteur Arantius. Dans quelques semaines, Bellatrix et Andromeda rentreraient de Poudlard pour les vacances d'été, et Narcissa les retrouverait pour ne plus jamais les quitter.

 

Dans son lit, Narcissa frissonna d'excitation. La rentrée prochaine serait aussi la sienne ! Enfin, au lieu de rester sur le quai de la voie 9 3/4, elle prendrait le Poudlard Express avec elles, et pourrait découvrir l'univers dans lequel Bellatrix et Andromeda évoluaient sans elle depuis déjà deux ans. Narcissa pensa, avec un mélange d'effroi et d'impatience, qu'il lui faudrait se rendre à son tour sur le Chemin de Traverse, afin de s'acheter une baguette digne de ce nom. Et elle espérait de tout son cœur qu'après deux ans à tout faire pour amadouer sa tante Walburga, celle-ci serait dans de meilleures dispositions pour l'aider.

 

Soudain, Narcissa se dressa dans son lit, en faisant tomber Crabouille sur le sol : elle avait entendu la clochette de la porte d'entrée, au rez-de-chaussée. Son père venait de rentrer.

End Notes:

Et voilà, j'espère que ce chapitre vous a plu  ! ♥︎

Le prochain portera sur Sirius et Narcissa, et on y rencontrera également Orion, le charmant père de Sirius et Regulus...

À très vite ♥︎

Le futur Ministre by mathvou1
Author's Notes:

Narcissa console le petit Sirius, pendant que leurs pères respectifs s'écharpent sur leur vision de la lutte contre les Moldus...

Bonne lecture !

Cygnus Black franchit en sifflotant le seuil du 12, square Grimmaurd. Il consulta sa montre : onze heures du soir. Une fois de plus, il s'était attardé au Ministère, mais cette fois-ci, ce temps avait été investi de la meilleure des façons – et c'était d'ailleurs la raison pour laquelle il était d'excellente humeur.


Quatre ans auparavant, un Sang-de-Bourbe – ou Né-Moldu, comme il fallait désormais les appeler, au grand dam de Cygnus Black – avait été élu Ministre de la Magie. Cygnus l'avait encore en travers de la gorge : il était alors le candidat adverse, et avait bien failli l'emporter, à quelques voix près. Tout ça parce que cet imbécile d'Ignatius Tuft, le Ministre sortant, s'était prononcé en faveur de cet imposteur... Les juges hésitants avaient basculé du côté de Nobby Leach – nom du fameux Ministre actuel, que Cygnus Black détestait tant – et lui avaient accordé la victoire.


Un Sang-de-Bourbe à la tête du monde magique britannique, c'était une première, évidemment, et Cygnus Black était bien décidé à tout faire pour que ce soit aussi la dernière. Comment cet homme pouvait-il comprendre toutes les problématiques d'un monde dans lequel il n'avait pas grandi ? Comment pouvait-il prendre les bonnes décisions pour le peuple sorcier, peuple auquel il n'appartenait que par erreur ? Et surtout, comment avait-il pu l'emporter face à Cygnus Black, dont le sang était pur comme une perle nacrée ? Comment le Magenmagot avait-il pu tourner le dos aux siècles d'Histoire que représentait Cygnus Black et son illustre famille ?


Non, décidément, Cygnus Black ne comprenait toujours pas. Et pourtant, Nobby Leach était devenu plutôt populaire, notamment à cause des lois dites tolérantes qu'il avait fait voter au Magenmagot. L'égalité de tous les sorciers, sans distinction aucune à propos de la pureté du sang, était devenue son cheval de bataille. Et dire que certains considéraient cela comme un progrès... Si le Ministère voulait se débarrasser des Sang-Pur, il ne s'y prendrait pas autrement, bougonnait intérieurement Cygnus Black. Mais il était hors de question de le laisser faire.


En songeant à la conversation qu'il avait eu une heure plus tôt avec son ami Abraxas Malefoy, Cygnus retrouva le sourire. Lors de l'élection de Nobby Leach, la plupart des partisans de Cygnus avaient démissionné, furieux que leur candidat soit débouté. Ce dernier les avait pourtant suppliés de rester, mais rien n'y avait fait, ils avaient tous claqué la porte, persuadés que le Magenmagot s'écroulerait sans eux. Résultat, les sorciers de Sang-Pur s'étaient drastiquement raréfiés au Ministère, et il était de plus en plus difficile pour Cygnus de faire peser ses arguments dans les décisions du Magenmagot. Mais il devait se battre, coûte que coûte, pour lutter contre la menace permanente que les Moldus faisaient peser sur le monde des sorciers...


Et justement, dans cette lutte acharnée, Abraxas Malefoy était un allié de choix. Rusé, informé, fortuné, influent, et surtout dénué de tout scrupule, Abraxas fourmillait d'idées pour chasser Nobby Leach du trône. Il venait d'en faire part à Cygnus, qui jubilait devant cette éventualité. Au départ, Cygnus s'était montré assez réticent à comploter de cette manière : il ne voulait pas d'une victoire ternie par la tricherie, ni par la violence. Mais il s'était laissé convaincre par Abraxas Malefoy : Leach était en train de déstructurer tous les fondements de la société des sorciers, il y avait urgence.


Bientôt, le Ministre tomberait malade, Abraxas le lui avait promis. Ça n'était qu'une question de mois. Abraxas avait mis au point le poison parfait : incolore, inodore, un subtil mélange de venin de serpent et de gouttes de trompettes des anges... Il avait déjà soudoyé les personnes qui lui permettraient de l'administrer au Ministre, chaque jour, sans qu'il ne s'en aperçoive. Nobby Leach tomberait malade, progressivement, afin que personne ne soupçonne l'empoisonnement, et il serait obligé de démissionner. Et ensuite, la voie serait libre pour lui, Cygnus Black... 


Cygnus s'imaginait parfaitement en Ministre de la Magie. Il serait sévère, mais juste, intransigeant avec ceux qui fricotaient avec les Moldus. Et puis, sa vie en serait métamorphosée : il aurait un logement de fonction, et tous les Magicomages de Sainte-Mangouste se battraient pour soigner son épouse... En pensant à Druella, Cygnus se sentit légèrement coupable : elle n'était pas heureuse au 12, square Grimmaurd, Cygnus en avait bien conscience. Sa chère sœur Walburga était loin d'être commode. Cygnus en était désolé pour sa femme, mais après tout, Walburga les hébergeait, et elle payait le remède de cette satanée maladie, Cygnus ne pouvait donc pas se permettre de lui faire des remarques. Et puis, après tout, Druella était loin d'être irréprochable, elle aussi...


Cygnus Black accrocha sa splendide robe de juge à une patère dans le hall d'entrée. Il salua les personnages qui se trouvaient encadrés dans les portraits du hall, et ceux-ci s'inclinèrent respectueusement sur son passage. Cygnus se souvint avec nostalgie à quel point il était idolâtré, entre ces murs, dans sa plus tendre enfance. Il était le fils aîné, le fils prodige, celui que tous admiraient...


Il se dirigea vers la salle à manger, pensant prendre un repos bien mérité ; mais en ouvrant la porte, il constata, mécontent, que son beau-frère et cousin Orion était installé à table, en train de dîner et de lire Le Hibou Jacasseur, un journal satirique qui se plaisait beaucoup à faire de l'ombre à La Gazette du Sorcier et à tourner en dérision tout ce qui passait par la tête de ses rédacteurs. Bien évidemment, comme pour tout ce qui attrayait au rire et à la distraction, Cygnus trouvait ce journal tout aussi méprisable que ceux qui le lisaient.


Les deux hommes ne se côtoyaient pas autant que leurs épouses respectives, mais se détestaient tout autant, si ce n'est davantage. Orion travaillait à Gringott's, la banque des Gobelins, et il lui arrivait également de rentrer tardivement, pour le plus grand déplaisir de Cygnus, qui détestait dîner face à cette espèce de gougnafier mal léché, avec qui il n'avait de commun que le nom de famille.


– Mon cher beau-frère, l'accueillit froidement Orion, la bouche pleine. La journée a été bonne ? On a encore fait des courbettes à ce cher Nobby Leach ?


Lassé d'entendre une énième fois les sarcasmes qu'Orion ne manquait jamais de lui adresser, Cygnus ne put s'empêcher de fanfaronner :


– Oui, ce cher Nobby Leach... Eh bien je t'apprendrai, mon cher Orion, qu'il n'est plus Ministre pour longtemps.


Orion lui lança un regard dubitatif, auquel Cygnus répondit en claironnant :


­– Malheureusement, je ne peux pas en dire plus... Mais, sache que tu as devant toi le futur Ministre de la Magie.


Orion pouffa, propulsant des miettes de nourriture sur la nappe.


– Sacré Cygnus. Tu n'as toujours pas lâché l'affaire, hein ? Haha ! Franchement, c'est dingue. Walburga et toi, vous êtes vraiment deux têtes de mule, c'est terrible ! D'un côté, Walburga qui refuse catégoriquement de quitter cette vieille bicoque, sous prétexte qu'il s'agit de votre demeure familiale... Peuh ! Tous ces meubles grinçants, ces voisins moldus, et toutes ces odeurs accumulées par les siècles, ça me donne la nausée ! Mais que veux-tu, je n'ai jamais réussi à la convaincre de partir, tu la connais mieux que moi... Quant à toi, mon cher beau-frère, pour une raison que je n'explique pas, tu sembles irrémédiablement attaché à l'idée de prendre la tête de ce gouvernement d'incapables...


Cygnus observa Orion avec un mélange d'agacement et de pitié. Il n'avait absolument aucune estime pour son beau-frère, et aimait penser qu'Orion était une copie fanée de lui-même. D'ailleurs, la plupart des gens à qui il faisait part de cette réflexion ne pouvaient qu'être d'accord avec lui : ils avaient un air de famille, mais Orion était petit et boiteux ; il avait des cheveux noirs, plus ternes et plus clairsemés que ceux de Cygnus ; la moustache qu'il essayait d'entretenir au-dessus de sa lèvre supérieure était totalement inconsistante, contrairement à celle de Cygnus qui était bien fournie et toujours parfaitement taillée ; les yeux d'Orion étaient gris, comme ceux de Walburga et de Cygnus, mais les siens brillaient d'un éclat retors et avide qui les privait de toute beauté. 


Et bien sûr, l'attitude d'Orion jouait un rôle certain dans la répugnance que Cygnus éprouvait à son égard. Lorsqu'il mangeait, de la graisse dégoulinait sur son menton et sur ses doigts ornés de chevalières, sans qu'Orion n'y trouve le moindre inconvénient ; au lieu de lire l'éminente Gazette du Sorcier, il préférait se délecter des articles satiriques et des caricatures insultantes du journal concurrent, Le Hibou Jacasseur ; et puis, il se remplissait les poches en collaborant secrètement avec les pires escrocs du monde sorcier, ce que Cygnus trouvait passablement dégradant, malgré les énormes bénéfices qu'Orion en retirait.


– Je suis d'accord avec toi sur ce point-là, c'est bien un gouvernement d'incapables, approuva Cygnus avec suffisance. Mais en tant que Ministre, je pourrai changer ça, et rebâtir une société digne de ce que sont les sorciers.


Ils avaient déjà eu cette conversation une centaine de fois, mais comme aucun d'eux n'arrivait à convaincre l'adversaire, ils remirent leurs arguments sur le tapis.


– Allons, allons, s'indigna Orion, tu sais bien que ce sont des idioties. Le Ministère est gangrené par ses satanés Sang-de-Bourbe, et ils fourrent leur nez partout ! Crois-moi, le seul moyen de changer ça, ce serait un bon coup de Bombarda Maxima au Magenmagot... Oui, bon, évidemment, je plaisante. Mais il faut t'y résoudre, Cygnus : nous, les Sang-Pur, sommes devenus les parias de la société des sorciers ! Ces imbéciles préfèrent se tourner vers les Moldus, les mêmes qui nous persécutaient il n'y a encore pas si longtemps ! Et pour lutter contre ce fléau qui envahit le Ministère, emprunter la voie traditionnelle, comme tu dis, ce ne sont que des coups d'épées dans l'eau. Non, il faut s'y prendre différemment, et agir dans leur dos, pas en leur mangeant sagement dans la main comme tu le fais !


– Je ne suis pas le seul à agir de la sorte. Nous sommes plusieurs, au Ministère...


– Sauf ton respect, Cygnus, tu es le seul à croire vraiment au retour pacifique de nos privilèges. Oui, c'est vrai, tu as quelques sorciers respectables de ton côté, dont ce cher Abraxas, je le concède... Mais la seule raison pour laquelle ce vieux bougre met encore les pieds au Ministère, c'est par ennui, et non par conviction ! Non, crois-moi, tu ferais mieux de prendre part à mes affaires, les recettes y sont plus alléchantes... Et tu serais surpris de l'influence qu'on peut avoir, même sans robe rouge, même en agissant dans l'ombre...


– Orion, je veux croire au monde sorcier dans lequel nous vivons. Il est certes imparfait et menacé, mais cela reste un socle sur lequel nous pouvons nous appuyer. Je ne veux pas le voir sombrer dans le chaos, même si cela implique quelques compromis !


Orion ricana en suçotant son os de poulet.


– Pourtant, tu sais, le chaos est plein d'opportunités... Pour ceux qui y sont bien préparés.


Puis il baissa ses petits yeux gris et mornes, et essuya ses mains poisseuses sur sa chemise verte satinée, ponctuée de petits boutons carrés.


 


Juste derrière la porte, Narcissa écoutait leur conversation, captivée. Presque tous les soirs, elle entendait Orion revenir à la charge pour rallier son père à ses activités frauduleuses : au début, Narcissa s'attendait donc à voir son père céder à l'appât du gain, et quitter son poste au Ministère pour travailler à la solde d'Orion. Mais cela n'arriva pas, et Narcissa en fut d'autant plus admirative à son égard : elle espérait qu'il continuerait de résister à son oncle, aussi longtemps qu'il le faudrait.


Quand Narcissa avait vu Orion pour la première fois, elle avait été très surprise par sa petite taille : même s'il était toujours représenté plus grand que Walburga sur les portraits qui décoraient la maison, Orion était nettement plus petit qu'elle, et surtout, bien plus petit que son père, ce dont Narcissa tirait une immense satisfaction.


Orion avançait en boitant méchamment : sa jambe gauche traînait toujours derrière l'autre, trop raide. Narcissa aurait aimé savoir pourquoi, mais les adultes n'en parlaient jamais, comme s'ils ne remarquaient pas. Sirius et Regulus n'avaient jamais cherché à le savoir, Bellatrix s'en fichait, et Andromeda et elle avaient trop peur de poser la question à quelqu'un d'autre. À part ça, il avait toujours les mains jointes derrière le dos, le regard toujours en mouvement. Bref, Narcissa avait beau chercher, à part la jalousie, elle ne voyait pas ce qui pouvait pousser Orion à détester son père à ce point. Et ce soir-là, Narcissa comprit : son père allait être Ministre de la Magie ! Voilà à quoi rimaient tous ces sacrifices, depuis le début ! Elle sentit sa poitrine se gonfler d'espoir. Son père, Ministre ! Quel triomphe !


Soudain, Narcissa entendit un sanglot discret derrière elle : elle sursauta, et fit volte-face pour découvrir son cousin Sirius, débraillé dans son pyjama rayé, les joues inondées de larmes. En regardant mieux, Narcissa s'aperçut qu'il avait une large tâche humide au niveau de son bas de pyjama.


Sirius avait toujours eu un sommeil capricieux et ce genre d'incident arrivait de temps à autre, surtout quand Orion et Cygnus se disputaient aussi bruyamment. Et si Walburga avait le malheur de s'en apercevoir, cela déchaînait de véritables drames dans la maison, car elle ne supportait pas l'idée que son fils soit imparfait, et puisse mouiller ses draps pendant la nuit. Une fois, Walburga l'avait menacé de lui interdire d'aller à Poudlard si cela continuait, pour éviter qu'il ne « répande la honte sur la famille Black ». Mais ces menaces n'avaient pas eu l'effet escompté, car depuis ce jour, les incidents étaient encore plus fréquents.


Dans la salle à manger, la dispute de leurs pères s'envenimait sérieusement, et Narcissa eut peur que son père ne les découvre en train d'écouter. Narcissa prit la main de Sirius et mit un doigt sur sa bouche pour le faire taire, puis l'entraîna vers sa chambre, pensant revenir écouter une fois que Sirius serait consolé. Ils montèrent les escaliers en prenant garde à ne pas faire de bruit – heureusement pour eux, Narcissa connaissait par cœur chaque marche et où poser le pied pour éviter qu'elles ne craquent, à droite, puis au fond à gauche, puis tout au bord, et ainsi de suite – jusqu'au dernier étage, où se trouvaient les chambres de ses deux petits cousins. 


Narcissa lui tint la main jusque dans sa chambre, où elle découvrit les couvertures ouvertes sur une autre tâche humide. À la vue du spectacle, Sirius se remit à pleurer.


– Ne t'en fais pas, je vais t'aider, chuchota Narcissa. Tu verras, personne ne remarquera rien.


En faisant le moins de bruit possible, elle retira les draps, les roula en boule et les fit disparaître dans le fond de l'armoire. Soudain, Sirius lui fit un signe, et elle s'interrompit : un craquement dans le couloir leur signala que Kreattur faisait la ronde, à l'affût du moindre bruit.


– Maudit garnement, grommelait Kreattur, toujours en train de causer du souci à sa mère... Pauvre maîtresse, qu'a-t-elle fait pour mériter un fils pareil...


Ils attendirent, figés sur place, pendant plusieurs secondes : puis Sirius, l'oreille collée à la porte, leva son pouce en l'air, et Narcissa acheva de remplacer les draps. De son côté, Sirius s'empressa de changer de pyjama.


– Et voilà ! se félicita Narcissa lorsqu'elle eut fini, en nage. Même Kreattur n'y verra que du feu !


– Cette crotte de nez ambulante, renifla Sirius en s'installant dans son lit.


Narcissa remonta les draps propres jusqu'à son menton, et s'allongea à côté de lui.


– Pourquoi nos papas se disputent ? murmura Sirius. Est-ce que vous allez devoir partir de la maison ?


– Mais non, bien sûr que non, le rassura Narcissa en caressant ses cheveux bouclés. Tu verras, demain tout sera oublié.


– Alors, quand je me réveillerai, tu seras toujours là ?


– Bien sûr !


– Et on jouera à cache-cache ?


– Oui, exactement !


– Promis ?


– Promis.


Sirius parut satisfait, et se tourna sur le côté, appuyant sa joue ronde sur les oreillers.


– Tu sais ce que j'ai vu, cet après-midi ?


– Quoi donc ?


– Une grosse moto rouge est passée devant la maison. Elle faisait plein de bruit, c'était drôlement chouette !


– Ta mère ne serait pas contente, si elle t'entendait, remarqua Narcissa.


– Et alors ? On s'en fiche, non ?


Narcissa se sentit légèrement mal à l'aise, car son père aussi désapprouvait l'intérêt que manifestait Sirius pour ces engins bruyants ; mais elle n'eut pas le courage de le réprimander.


– Je ne veux pas que tu partes à Poudlard l'an prochain, murmura Sirius, luttant déjà contre Morphée. On s'amuse bien, avec Arantius, non ?


– Tu vas me manquer aussi. Mais tu ne seras pas tout seul, il y aura Regulus aussi, et...


– Berk ! Regulus, c'est un gros fayot, un vrai naze, murmura-t-il de plus en plus doucement.


Et il s'endormit.


Après deux années de solitude partagée dans cette grande maison, Sirius et Narcissa s'étaient pris d'affection l'un pour l'autre. Même s'ils ne discutaient pas pendant des heures comme Narcissa pouvait le faire avec Andromeda, Sirius était vraiment attachant, certes réfractaire à toute forme d'autorité mais excellent camarade de jeu.


Renonçant à retourner écouter la dispute qui avait lieu quatre étages plus bas, Narcissa s'allongea à côté de son cousin assoupi, et se perdit dans la contemplation de sa chambre. Contrairement à la chambre-placard de Narcissa, au premier étage, celle-ci était spacieuse et de la soie argentée masquait les murs de plâtre. Il y avait des rideaux de velours, et une grande armoire en bois verni où Sirius se cachait souvent pour faire enrager leur professeur, assortie au cadre sculpté du lit.


Mais surtout, et c'était ce que Narcissa lui enviait le plus, il y avait ce petit lustre en cristal attaché au plafond, qui surplombait et sublimait l'ensemble avec élégance, et qui, lorsque la tante Walburga écartait sèchement les rideaux de velours pour réveiller Sirius, disséminait mille diamants de lumière à travers la pièce. Narcissa adorait cet objet, fascinée par le miroitement des prismes et la pureté des cristaux.


À côté d'elle, la respiration de Sirius était devenue profonde et régulière. Narcissa songeait, rêveuse, à ce que pourrait redevenir sa vie si son père devenait Ministre de la Magie. Ils auraient à nouveau leur propre maison, dont Druella serait l'unique maîtresse. Narcissa obtiendrait sans doute facilement un lustre dans sa chambre, encore plus grand et plus scintillant que celui-ci, et elle veillerait bien à ce qu'aucun grain de poussière ne vienne en ternir l'éclat. Et en se réveillant tous les matins, la première chose que Narcissa ferait serait d'ouvrir les rideaux et d'admirer le soleil qui se répercuterait dans chacun des cristaux étincelants. 


Oui, c'est certain, pensa Narcissa en s'endormant à son tour, je ne pourrais plus jamais être malheureuse si chacune de mes journées commençait ainsi, avec un joli lustre au-dessus de ma tête, plutôt que d'être réveillée en sursaut par le tintamarre des chaudrons et des casseroles, dans la lumière blafarde du jour qui se lève...

End Notes:

Alors ? Orion est-il encore plus odieux que son beau-frère Cygnus ? Et à votre avis, pourquoi boite-t-il ? Je suis curieuse de savoir ce que vous en pensez !

Quoiqu'il en soit, au prochain chapitre, on s'évadera un peu du 12, square Grimmaurd... On prend le large avec les cinq enfants Black ! Comme ça, vous en saurez un peu plus sur les relations qui existent entre les soeurs Black et leurs deux petits cousins.

À très vite donc <3

La Chaumière aux Coquillages by mathvou1
Author's Notes:

Bonjour à toutes et à tous !

J'espère que cette histoire vous plaît, et que vous trouvez ce point de vue sur la famille Black cohérent et convaincant.

Merci à Bloo pour ses reviews sur les chapitres précédents, je vous recommande au passage ses textes féministes percutants et très bien faits !

Dans ce nouveau chapitre, les cinq enfants Black s'échappent loin du 12, square Grimmaurd, vers un endroit que vous connaissez déjà...

Bonne lecture, une petite annonce vous attend à la fin du chapitre ❤️

Un mois plus tard, dans la chaleur étouffante du salon, Narcissa et ses sœurs s'éventaient comme elles le pouvaient avec de gros grimoires. Bellatrix agitait De la création à la destruction : tout savoir sur les Inferi devant son visage, espérant créer une petite brise ; Andromeda faisait de même avec un livre qui partait en lambeaux, intitulé Magie Noire : apprenez à punir et tuer vos ennemis comme il se doit et Narcissa, en nage, avait abandonné le Manuel de nécromancie réservé aux sorciers expérimentés sur ses genoux, et se rafraîchissait avec sa lettre d'admission à Poudlard – ce qui était moins fatiguant, mais aussi moins efficace.


Andromeda et Bellatrix étaient rentrées de Poudlard deux semaines plus tôt, et depuis, le soleil brillait sans discontinuer, rendant la vie de la maison particulièrement difficile à supporter. Pour couronner le tout, la tante Walburga venait de passer sa tête dans le salon. Elle s'approcha d'elles, leur arracha les grimoires un par un, malgré leurs protestations, et les reposa sèchement sur les étagères, bien à leur place.


– Orion et moi partons en week-end au bord de la mer, avec nos chers amis, les Crabbe. Nous emmenons Kreattur, vous devrez donc vous débrouiller pour les repas. Les Goyle seront là aussi, c'est dommage que vous ne soyez pas invités... En tout cas, je compte sur vous pour être sages, pour surveiller Sirius, et surtout, ajouta-t-elle en désignant les grimoires, pour ne toucher à rien.


Et elle sortit en faisant claquer les talons de ses bottines sur le parquet, et en allongeant le cou comme un cygne noir. Dès que son chignon brun eut disparu, Bellatrix poussa un soupir déchirant.


– Encore un week-end d'ennui mortel en perspective ! Bon, au moins, je pourrai utiliser ma baguette sans me faire enguirlander... 


Narcissa, quant à elle, pensait à autre chose. Lorsqu'ils habitaient sur la Colline d'Émeraude, Vera Goyle et sa mère étaient inséparables, comme Narcissa l'était avec Daisy. Mais, depuis qu'elles étaient parties, elles n'avaient plus eu aucune nouvelle, et Walburga ne manquait jamais de narguer sa belle-sœur en racontant à quel point Vera Goyle et elle étaient devenues de proches amies.


Mais ses sombres pensées furent rapidement interrompues. 


– Qu'est-ce que je vois ? Vous avez une triste mine, mes chéries !


En se tournant vers la porte, Narcissa crut halluciner. Sa mère se tenait devant elle, fraîche comme un bouton de rose.


– Maman ?


– Allez préparer quelques affaires ! Nous partons en week-end, nous aussi, avec vos cousins !


Sa mère était pourtant particulièrement fatiguée, lors des dernières semaines. Devant leur expression interloquée, Druella leur expliqua qu'elle avait conservé les fioles précédentes, sans les consommer, et venait de boire cinq doses de Croculus Sativus d'affilée, ce qui expliquait pourquoi elle était dans une forme éblouissante.


– Je tenais beaucoup à cette petite excursion, j'y pensais depuis longtemps, ajouta Druella Black. Je voudrais vous montrer un endroit qui me tient beaucoup à cœur. Et puis, vous aussi, vous avez le droit de vous amuser, n'est-ce pas ?


Andromeda fut, comme toujours, la plus réticente à enfreindre les règles.


– Papa ne va pas se demander où nous sommes parties ?


– Nous trouverons bien une explication, répondit Druella Black. Ne t'en fais pas, je suis sûre qu'il ne remarquera même pas notre absence !


Malgré la chaleur, Bellatrix, Andromeda, Narcissa, Sirius et Regulus firent leurs sacs en un clin d'œil. Druella les entraîna tous les cinq dans la cuisine, radieuse.


– Venez par ici, les enfants... Nous allons utiliser la poudre de cheminette. Je sais, Regulus, tu n'aimes pas beaucoup ça, mais c'est ce qu'il y a de plus rapide, et nous ne devons pas perdre une miette de ce formidable week-end en famille, n'est-ce pas ?


Regulus fit la moue. Leur petit cousin, alors âgé de six ans, empruntait souvent la voie des Cheminettes avec sa mère, et il n'était pas friand de tout ce vacarme et de cette grande explosion verte.


– Quelle poule mouillée, se moqua Sirius.


– Sirius, ce n'est pas la peine d'en rajouter, le réprimanda gentiment Druella. Allez, viens par-là, Regulus, mon chéri... Monte avec Bellatrix, elle sait s'y prendre.


Bellatrix, toute fière de la confiance qu'on lui accordait, prit fermement la main de Regulus. Celui-ci, malgré son appréhension, regardait Bellatrix avec une profonde admiration, et ses yeux gris brillaient d'excitation à l'idée de partir à l'aventure avec les grands.


– Tiens, prends une grosse poignée, dit Druella à Bellatrix en lui tendant le sac.


– Qu'est-ce que je dois dire ?


– J'y viens... Fais attention, il faut bien articuler : l'endroit s'appelle...


Les joues de Druella rosirent légèrement.


– La Chaumière aux Coquillages.


– D'accord, dit Bellatrix, très concentrée. Regulus, tu es bien accroché ?


Regulus hocha la tête, s'agrippa fermement à la taille de Bellatrix, et ferma étroitement ses paupières.


– La Chaumière aux Coquillages ! s'exclama Bellatrix d'une voix forte.


Et tous les deux disparurent dans un nuage de fumée verte. 


– Pff, gloussa Sirius. Vous avez vu la tête de Regulus ? Un vrai trouillard...


– Monte dans la cheminée, au lieu de faire le malin, le taquina Druella Black.


– Tout seul ? demanda Sirius, plein d'espoir.


– Non, avec Andromeda. Tu es encore trop petit.


– Bon, d'accord, ronchonna-t-il. Mais je peux dire la phrase, alors ? Qu'est-ce que c'est, déjà, la Bicoque aux Bulots ?


– Non, Sirius, pas encore, rit Druella. Je ne veux pas que vous vous retrouviez tous les deux à l'autre bout du pays. Vas-y, Andromeda.


– Maman, tu es sûre que...


– Tu vas y arriver, Andromeda. Tu rentres bientôt en troisième année, tu es une grande fille, maintenant.


Andromeda hésita, tout en caressant les cheveux bouclés de Sirius pour se donner du courage. 


– Allez ! s'impatienta gentiment Sirius en tirant sa cousine vers la cheminée.


La main tremblante, Andromeda prit la poignée de poudre, la jeta dans l'âtre de la cheminée, et lança d'une voix distincte :


– Chaumière aux Coquillages !


Et ils disparurent à leur tour.


Druella et Narcissa se retrouvèrent seules dans la cuisine. Le cœur de Narcissa battait à mille à l'heure. Dans cette maison surpeuplée, les moments d'intimité étaient rares, et la plupart du temps, sa mère se reposait, ou bien se terrait dans sa chambre pour éviter Walburga. Et voilà qu'elles étaient toutes les deux, libres, tranquilles, comme avant...


Avant de monter dans la cheminée, Druella s'accroupit pour se mettre à la hauteur de Narcissa, et lui caressa la joue.


– Avant de rejoindre les autres, ma chérie, je tenais à te dire que c'est à toi, plus particulièrement, que je tenais à offrir cette petite escapade, dit-elle.


Aussitôt, Narcissa sentit une onde de chaleur intense naître dans sa poitrine. Elle battit des cils, et ouvrit grand ses oreilles.


– Tu ne peux pas savoir à quel point je suis fière de toi, mon petit ange... Je me rends bien compte à quel point il est difficile pour toi de vivre ici... Et malgré tout, pendant ces deux longues années, tu as été un véritable soleil. Je te remercie infiniment pour cela.


Narcissa sentit des fourmillements de bonheur lui parcourir le corps, sourit de toutes ses dents, et sauta au coup de sa mère.


– Ma petite Cissy, tu es mon trésor le plus précieux, dit Druella en la couvrant de baisers. N'oublie jamais cela.


Narcissa acquiesça, remplie d'une force nouvelle.


– Alors, on y va ?


Elles montèrent dans la cheminée, main dans la main. Narcissa pensa qu'elle aurait préféré que le réseau des cheminettes tombe en panne, et qu'elle reste coincée dans la maison avec sa mère, tout le week-end durant.


 


Lorsqu'elle arriva dans la cheminée de la Chaumière aux Coquillages, Narcissa faillit bien se cogner : la cheminée était absolument minuscule, et sa mère dut s'agenouiller pour s'en extirper.


La première chose que Narcissa ressentit fut une odeur puissante et salée, qui lui donna encore plus d'énergie qu'elle n'en avait déjà. Ensuite, elle prit conscience de l'humidité qui régnait dans l'air : mais c'était une humidité fraîche et sauvage, qui n'avait rien à voir avec la moiteur étouffante du square Grimmaurd.


Elle fit un pas en dehors de la cheminée. Elles se trouvaient dans un petit salon aux murs couverts de coquillages blancs. Un tapis duveteux, tout aussi blanc, était étalé sur le sol, et tous les meubles étaient en bois flotté, ce qui leur donnait un aspect clair et irrégulier.


– On dirait la maison d'un ange, murmura Narcissa.


Soudain, elle entendit un bruit étrange, un grondement majestueux, qui allait et venait, comme le ronflement d'une gigantesque créature. Narcissa courut à la fenêtre, et fut prise de vertige. Au-dessus d'elle, le ciel comme elle ne l'avait jamais vu, immense, interminable... Et ce ciel se reflétait dans une immense étendue mouvante et toute aussi bleue, couverte d'écailles brillantes.


– Cissy ! Regarde, c'est la mer !


Ses sœurs et ses cousins étaient dehors, en train d'admirer le spectacle. Bellatrix dévalait déjà la pente de la falaise pour aller voir la mer de plus près.


Narcissa regardait partout autour d'elle, ébahie. Partout, à perte de vue, elle ne voyait personne, aucune autre habitation que celle-ci. En bas, sur la plage, Sirius retira ses vêtements, et courut dans l'eau avec enthousiasme.


– Venez, les cousines ! Waouh !


Bellatrix commença à enlever sa robe, mais se ravisa et courut dans l'eau tout habillée. Elle plongea la tête la première dans les vagues, pataugea pendant quelques secondes, puis se retourna pour héler son petit cousin :


– Reggie ! Viens !


Mais Regulus était resté tétanisé à quelques mètres du bord de l'eau, effrayé par le vacarme des vagues pourtant inoffensives qui se brisaient sur le sable.


– Hé ! Le trouillard ! lui cria Sirius en faisant une pirouette dans une vague.


Sirius battit des pieds à la surface de l'eau, et envoya une gerbe d'éclaboussures en direction de son frère. Vexé et apeuré, Regulus recula, le visage écarlate. 


Dans l'eau, non loin de Sirius, Bellatrix fit un petit geste de la main dans sa direction, et aussitôt, une énorme vague se dressa derrière lui, l'engloutit et le fit rouler sur le rivage, où il se redressa en toussant et en crachant.


– Bella ! s'indigna Andromeda, qui se précipita pour aller aider Sirius à se relever.


– Ça lui apprendra à se moquer de Reggie, rétorqua Bellatrix en sortant de l'eau, ruisselante dans sa longue robe noire qui lui collait à la peau. 


– Même... Kof ! Même pas mal ! prétendit Sirius, qui se releva en titubant.


Il secoua sa crinière brune et bouclée en propulsant des gouttelettes d'eau partout autour de lui, et replongea dans la mer, plus sagement, en gardant un œil attentif sur Bellatrix. Sa cousine, elle, rejeta sa lourde chevelure noire en arrière, l'essora soigneusement, et s'approcha de Regulus, qui prit soin de s'abriter derrière elle.


– Allez, viens ! Tu vas voir, je vais te porter.


Regulus accepta de s'accrocher au cou de Bellatrix, qui le porta dans ses bras jusqu'à ce que tous les deux aient de l'eau jusqu'à la taille.


Narcissa tenait toujours la main de sa mère, et les observait depuis le haut de la falaise, amusée et émerveillée.


– Regarde, Maman, il y a des oiseaux blancs ! Comme ils sont beaux !


– Ce sont des mouettes, ma chérie, l'informa Druella.


Narcissa remarqua que la voix de sa mère était différente, troublée...


Druella, en effet, semblait perdue dans ses pensées, et ses yeux brillants parcouraient le bord de l'eau, comme si elle suivait quelqu'un du regard.


– J'ai vécu des moments incroyables, ici... 


Sans y prendre garde, Narcissa serra la main de sa mère dans la sienne, et retint sa respiration. Peut-être était-ce là que ses parents s'étaient rencontrés ?


– Mais c'est une histoire triste, se reprit soudain Druella, et aujourd'hui, il faut s'amuser ! Allez, mon trésor, on y va !


Narcissa oublia aussitôt cet instant d'égarement. Toute les deux s'élancèrent vers la mer, où Andromeda essayait d'empêcher Sirius de nager vers le large, et Bellatrix portait toujours Regulus dans ses bras pour qu'il accepte de s'éloigner du rivage. Celle-ci, d'un geste de la main, cassait les vagues devant elle pour éviter les remous et les éclaboussures, et montrait à Regulus comment s'y prendre pour faire de même. Narcissa poussa un petit cri de surprise quand la première vague lui fouetta les jambes, puis plongea à son tour dans le vaste tumulte de la mer.


 


Pendant deux jours, les cinq enfants Black vécurent dans la joie la plus totale. Ils s'émerveillèrent des vagues inépuisables, de l'écume blanche qui les coiffait et qui s'éparpillait dans le vent, et se baignèrent pendant des heures dans les grondements de la Manche. Le premier soir, ils s'enrobèrent tous les six dans de grosses couvertures de laine et admirèrent le spectacle des ondulations roses et dorées dessinées sur le sable, caressées par le soleil de fin de journée. Ils inventèrent des formes aux nuages jusqu'à la nuit tombée, puis s'entassèrent tous les six sur le tapis duveteux du salon, et s'endormirent au coin du feu, le sourire aux lèvres et les cheveux asséchés par le sel.


Le deuxième jour fut tout aussi fantastique que le premier. Le souffle de la mer rendait les voix plus douces, et le sommeil plus facile. Comme ils se sentaient vivants ! Comme Druella était belle, soudain, quand le souffle de la mer lui rosissait les joues, quand elle se réveilla après cette nuit enfin longue et silencieuse ! 


Le deuxième et dernier soir, Druella coucha Sirius et Regulus sur le premier canapé, elle s'étendit sur le deuxième, et les trois sœurs Black s'allongèrent sur le tapis clair et duveteux, face aux flammes qui bondissaient et crépitaient dans la cheminée blanche.


– Qui habitait ici, d'après vous ? demanda Narcissa à ses sœurs à voix basse, une fois que leur mère fut endormie.


– Personne, répondit Andromeda. Je pense que c'est un abri... Une cachette, pour ceux qui en ont besoin...


– Pourquoi se cacher ? Tu penses que Maman a fait quelque chose d'interdit ?


– Pas forcément... Parfois, on a besoin de s'abriter du monde, et de son agitation perpétuelle...


Narcissa approuva, soulagée. Elle préférait ça.


– Et à ton avis, de quoi rêve-t-elle ? demanda encore Narcissa.


Andromeda hésita, et regarda leur mère qui souriait dans son sommeil, paisible.


– Peut-être de quelqu'un qu'elle a beaucoup aimé...


Bellatrix se moqua aussitôt :


– Ridicule !


Et à son tour, elle se mit à regarder leur mère, à la recherche d'une meilleure explication.


– Non, dit-elle en secouant résolument la tête, vu son sourire, je dirais qu'elle rêve d'un gros gâteau à la crème...


Dans son sommeil, Druella remua sur le canapé, comme si quelqu'un l'avait embrassée dans le cou.


– Vous voyez ? se réjouit Bellatrix, comme si ce mouvement délicat venait confirmer sa supposition.


– Tu en penses quoi, toi ? chuchota Andromeda à Narcissa.


Narcissa ferma les yeux et sourit, déjà sur le point de s'assoupir.


– J'espère qu'elle rêve de nous trois... 

End Notes:

J'espère que ce chapitre vous a plu !


 


Pour info, je suis actuellement en lien avec la formidable Alixe (autrice de la quadrilogie Harry Potter 7 3/4, que je vous recommande chaleureusement si vous ne l'avez pas déjà lue) pour faire imprimer cette fanfiction (j'y tenais beaucoup, notamment pour mes proches qui n'aiment pas lire sur des écrans).


 


Pour la remercier de son aide précieuse, et aussi parce qu'elle est super sympa, je l'accompagnerai à la Japan Expo, où elle tiendra un stand pendant les 4 jours. Pour ma part, je ne serai présente sur ce stand que le 14 juillet, mais si jamais certains d'entre vous sont dans le coin, passez nous faire un petit coucou, ce sera un plaisir de pouvoir échanger avec vous en vrai ! Et peut-être... Peut-être que quelques exemplaires papier des Secrets de Serpentard se cacheront au milieu des livres d'Alixe... O:)


 


Dans tous les cas, il y aura un petit intermède avec Drago publié dans quelques jours, et un autre chapitre dans une semaine !


 


À très bientôt ❤️


 


Mathilde

Intermède (2) : De nos jours by mathvou1
Author's Notes:

Bonjour à tous !

Voici un deuxième intermède qui traite à nouveau de Drago !

Ce chapitre est très court ; et comme les chapitres de moins de 500 mots ne sont pas acceptés, j'ai dû faire un peu de gymnastique pour en faire un double-drabble (200 mots).

La suite arrivera dans quelques jours, en fonction de la quantité de travail de nos chères modératrices !

Bonne lectuuure ❤

J'espère qu'elle rêve de nous trois...


Drago lève sa plume, et le crissement de la pointe sur le papier s'évanouit aussitôt dans le silence du manoir. Puis, il la repose dans l'encrier. Juste une minute, avant que tout bascule. 


Dans le carnet de sa mère, les deux jours passés au bord de la mer sont décrits avec une précision inégalée. Chaque plaisanterie est transcrite, chaque moment de complicité est immortalisé. Et pourtant, Drago ne parvient pas à ressentir l'insouciance si bien racontée sur les pages du vieux carnet rose. Peut-être parce que lui-même a oublié depuis longtemps ce qu'était l'insouciance ; ou peut-être parce que, contrairement à la petite Cissy, alors âgée de onze ans, il sait parfaitement ce qui attend chacun des cinq enfants Black.


Car à cette époque lointaine et toujours bénie, tous les cinq pensaient naïvement avoir retrouvé un équilibre. Ils étaient loin de se douter que, peu de temps après, une certaine rencontre allait tout faire chavirer. Et Narcissa était encore plus loin de soupçonner que, quinze ans plus tard, tous ceux qui dormaient à côté d'elle au coin du feu seraient, au choix, honnis de la famille Black, emprisonnés à Azkaban, ou bien disparus à jamais...

End Notes:

Merci d'avoir lu ce chapitre ! Vous l'aurez deviné, j'aime bien les petits teasings ;)

En tout cas, en voyant le nombre de vues augmenter progressivement, j'ai l'impression que vous êtes au moins quelques-uns à suivre la publication de près et ça me fait extrêmement plaisir.

Le prochain chapitre s'appelle Chemin de Traverse ! À votre avis, de quelle rencontre Drago parle-t-il ? O:)

À très vite, passez nous faire un coucou sur le stand d'Alixe si vous venez à la Japan Expo, on aura plein de fanfic imprimées et des goodies en tout genre ❤❤

Chemin de Traverse by mathvou1
Author's Notes:

Narcissa, Bellatrix et Andromeda préparent leur rentrée à Poudlard, et tout ne se passe pas tout à fait comme prévu...

Bonne lecture ! J'ai beaucoup aimé écrire ce chapitre, j'espère qu'il vous plaira tout autant ❤️

– Je peux savoir ce que c'est que ÇA ?


Quelques jours après leur escapade au bord de la mer, Narcissa et ses sœurs bavardaient tranquillement avec Sirius dans leur chambre quand la tante Walburga fit irruption dans la pièce, furibonde, et leur mit sous le nez un dessin enfantin, dont Narcissa ne comprit pas tout de suite la signification.


Le dessin les représentait tous les cinq, au bord de la mer, avec Druella en arrière-plan. Les traits étaient maladroits, mais la couleur de leurs cheveux et leurs sourires réjouis ne laissaient aucune place à l'incertitude. 


Derrière Walburga, Regulus glissa sa tête dans l'entrebâillement de la porte, tout penaud, les joues rouge écarlate.


– J'attends une explication, exigea sèchement leur tante.


– Ben quoi ? geignit Bellatrix. Je lui ai parlé de la mer, il y a quelques jours. Il a dessiné ce qu'il imaginait, voilà tout.


Mais malheureusement, la tante Walburga n'était pas du genre à se laisser berner aussi facilement.


– Druella ! appela-t-elle de sa voix stridente. Viens ici tout de suite !


Quand celle-ci arriva, inquiète, Walburga lui désigna la petite maison en pierre que Regulus avait soigneusement dessiné à côté d'elle, en haut d'une falaise, en arrière-plan.


– Je reconnais cet endroit, siffla-t-elle. Tu as osé les emmener là-bas ?


Druella examina le dessin avec une perplexité admirablement feinte.


– Je ne vois pas de quoi tu parles, dit-elle.


Les narines de Walburga frémirent, et ses yeux gris se mirent à lancer des éclairs de fureur.


– Tu es une honte pour notre famille, Druella. Je l'ai toujours dit : une honte. Si tes filles savaient... Dire que tu les as fait dormir dans cet endroit souillé, et avec mes fils par-dessus le marché ! Ah ! Je ne veux même pas y penser ! Je me tue à les éduquer correctement, tout ça pour que tu viennes tout gâcher ! 


– Walburga, calme-toi, tempéra Druella Black.


Elle fit un pas vers Walburga, mais une de ses chevilles lui faisait mal, et elle s'arrêta, grimaçant de douleur.


– Regarde-toi, poursuivit Walburga, avec cette maladie que tu traînes comme une fatalité... Si tu veux mon avis, rien n'arrive par hasard : cela doit avoir un lien avec toutes tes immondes fautes ! Si mes parents savaient, lorsque tu as épousé Cygnus ! Et tout ça parce que tu étais belle !


Walburga avait craché ces mots comme du poison. Les cinq enfants Black étaient médusés.


Druella se tourna vers eux, inquiète.


– Oh, ne t'en fais pas, Druella, je ne leur dirai rien. Je ne tiens pas à déshonorer ma maison. Mais, j'en fais la promesse : si tu continues à dévoyer mes enfants de la sorte, je te chasse d'ici, et tu finiras seule, reniée de tous, comme tu aurais dû l'être depuis bien longtemps !


Les enfants, heureusement, ne comprirent pas la portée de tous ces sous-entendus. Et, malgré leur importance cruciale, Narcissa occulta temporairement ces paroles de sa mémoire, car quand Walburga en eut terminé avec sa belle-sœur, elle se mit à toiser les enfants un par un, et déclara :


– Vraiment, c'est dommage, c'était le jour idéal pour nous rendre au Chemin de Traverse... Je comptais vous emmener, tous les cinq. Nous aurions certainement passé un bon moment, avec les Goyle, qui y sont en ce moment, et nous aurions offert à Narcissa une jolie baguette. Mais puisque vous prenez un malin plaisir à conspirer contre moi, tant pis pour vous : vous resterez ici, et Narcissa ira faire ses courses dans quelques jours, ou peut-être plus tard... Quand j'aurai du temps à lui consacrer. 


À ces mots, Sirius sortit de ses gonds. Il attrapa Regulus, qui était à côté de lui, et lui asséna une tape violente derrière la tête :


– Toi, t'es rien qu'un cafard ! On aurait dû te laisser ici !


– Sirius ! le gronda Andromeda, choquée.


Et Regulus se réfugia dans les jupons de sa mère, contrit, encore plus écarlate qu'auparavant.


– Sirius, monte immédiatement dans ta chambre, ordonna Walburga d'une voix menaçante. Viens, Regulus. Tu as eu tout à fait raison de me prévenir. Allons nous promener, et laissons tes cousines méditer leur punition.


Quand Walburga claqua la porte, Narcissa se tourna vers ses sœurs. Tout ce qu'avait dit Walburga à sa mère avait été balayé par une seule interrogation, bien plus importante à ses yeux : qui allait l'emmener au Chemin de Traverse, désormais ? Le jour de la rentrée se rapprochait dangereusement. Tous les livres neufs allaient être pris, et il ne lui resterait que ceux qui étaient abîmés, habituellement distribués aux jeunes sorciers disposant de peu de moyens... Sa rentrée à Poudlard était déjà un désastre.


– Pourquoi vous ne m'avez pas défendue ? explosa-t-elle à l'intention de ses deux sœurs.


Andromeda baissa les yeux. Narcissa le savait déjà, elle avait beaucoup de mal à défier l'autorité. Bellatrix, en revanche, ne semblait nullement affectée par ce qui venait de se passer, et affichait même un petit sourire canaille.


– Sèche tes larmes, Cissy, j'ai une idée. Non seulement tu auras ta baguette à la fin de la journée, mais en plus, on va se venger de cette vipère ! se réjouit-elle.


Elle les entraîna vers les escaliers, radieuse.


– Qu'est-ce que tu fabriques ?


– Fais-moi confiance !


Bellatrix monta jusqu'au dernier étage, et se dirigea droit vers la porte de la grande chambre matrimoniale d'Orion et de Walburga.


– Non, Bella ! protesta Andromeda. On n'a pas le droit ! Et puis, c'est sûr qu'il y a de la magie noire, là-dedans...


– Oh, mais quelle effarouchée ! chuchota Bellatrix, excédée. Tu veux que Cissy ait une baguette digne de ce nom, oui ou non ?


À cette idée, Narcissa sentit les larmes lui monter aux yeux, et Andromeda eut l'air de se sentir coupable.


– Bon... Qu'est-ce que tu comptes faire ?


– L'autre jour, Orion parlait de magie noire avec son ami, vous savez, celui qui est tout défiguré...


– Piscus Crabbe ?


– Oui, voilà. Orion lui parle de beaucoup de choses, mais cette fois-ci, il parlait d'un objet qui nous intéresse tout particulièrement.


– Lequel ?


– Une châsse en cristal. On dit qu'un certain sorcier y a mis son cœur, autrefois, pour ne pas être affaibli par ses sentiments...


– Quelle horreur !


– Et son cœur est devenu tout ratatiné, couvert de longs poils noirs !


– Bella !


– Depuis, le coffret est doté de puissants pouvoirs. Pour détruire une personne, il faut placer dans le coffret un objet lui appartenant, et elle sera maudite jusqu'à ce que mort s'ensuive...


– Mais c'est horrible ! s'indigna Andromeda.


– Nous n'allons pas nous en servir, triple idiote ! Même si je ne serais pas contre lancer une petite malédiction sur cette vieille mégère de Walburga, dit-elle pensivement.


– Bella !


– Je plaisante, je plaisante... Non, outre ses grands pouvoirs, ce coffret peut nous rapporter beaucoup, beaucoup d'argent !


– Mais... Nous ne pouvons pas le voler à Orion ! Il s'en rendrait compte !


– Non, il l'a caché dans une trappe, sous leur lit, et il n'y regarde jamais, car il pense que personne – à part Crabbe, donc – ne connaît son existence. Il disait que même Walburga serait effrayée par cet objet, donc il le lui cache. Et comme elle fouille partout, il ne le sort pas à tout bout de champ.


– Bon... Et après ?


– Orion a dit à Crabbe où il l'avait acheté... Eh bien, je vais l'y revendre.


– Et où est-ce ?


– C'est pas bientôt fini, ton petit interrogatoire ? Je t'assure que je sais ce que je fais ! L'endroit est juste à côté du Chemin de Traverse. Tout ira bien, je te dis ! Venez, suivez-moi !


Et pour couper court à d'autres protestations, elle poussa la porte de la chambre. Narcissa n'était jamais entrée, car tous les enfants en avaient l'interdiction formelle. Un immense lit à baldaquin trônait au centre de la pièce, avec un cadre en bois sculpté, semblable à ceux de leurs deux enfants. Les murs étaient recouverts de soie noire, où les armoiries des Black étaient brodées de fils d'argent. Sur les étagères, Narcissa aperçut plusieurs couteaux effilés et des récipients couverts de runes anciennes.


– Attention, dit Bellatrix, ne vous approchez pas trop du tapis, il est ensorcelé.


Et en effet, le tapis, coincé sous le lit, s'était mis en mouvement. Il se souleva légèrement du sol, comme s'il se réveillait : sans doute essayait-il de déterminer si les nouveaux venus étaient ses maîtres, ou bien des pillards. Après quelques secondes, il s'ébroua, et émit une sorte de crachotement furieux. Puis, il tendit toutes ses fibres vers les intruses, avec une énergie hallucinante. Il semblait n'avoir qu'une idée en tête : les attraper. Lorsque Bellatrix fit un pas dans la chambre, le tapis se dressa face à elle, ses franges en laine se déployèrent comme des tentacules menaçants, et Bellatrix dut reculer pour se retrouver hors de sa portée.


– C'est un Tapis Vorace ! Faites diversion pendant que j'attrape le coffret... Il faut lui donner quelque chose à manger !


Andromeda déglutit avec difficulté, et regarda Narcissa pour se donner du courage. Puis, elle attrapa précautionneusement un tabouret qui se trouvait à sa droite, et le lança de l'autre côté de la chambre. Aussitôt, le tapis fit le tour du lit pour se précipiter dessus. Il enroula ses brins de laine autour du tabouret, et, dans un nuage de fumée noire, se mit à le déchiqueter en copeaux de bois, dans un vacarme épouvantable.


Bellatrix se précipita à l'opposé de la chambre, tâtonna sur le parquet, puis, après plusieurs secondes, souleva plusieurs lattes. 


– Bella... Dépêche-toi !


Bellatrix ne répondait pas, le bras entier plongé dans le parquet. Quant au tapis, il avait quasiment achevé la destruction du tabouret.


– Je l'ai !


Elle brandit un coffret en cristal, remit les lattes de parquet en place, et se précipita vers la sortie, au moment où le Tapis Vorace s'apprêtait à l'engloutir de ses tentacules laineux. Avant qu'elle ne ferme la porte, Narcissa contempla la chambre, désespérée : le tapis, à force de tirer furieusement vers la porte, avait quasiment arraché le cadre du lit, et tout le mobilier était recouvert de copeaux de bois.


– On va se faire massacrer, gémit Andromeda une fois que la porte fut fermée.


– Dis-moi, tu as déjà passé une journée sans chouiner ? la rabroua Bellatrix. Allez, ne t’en fais pas, Walburga ne connaît même pas l'existence de ce coffret, elle ne risque pas de remarquer. Et puis, Orion m'a confié que le tapis pouvait s'emballer accidentellement. Il voudrait s'en débarrasser, d'ailleurs, même si Walburga s'y oppose. Il préférerait un moyen de protection plus fiable. 


– Tu parles beaucoup avec Orion, dis donc...


– J'ai plutôt appris à écouter aux portes... À Poudlard, mes copains adorent la magie noire, il faut bien que je reste au niveau ! Bon, en tout cas, on a notre pactole, dit Bellatrix en donnant un petit coup sur le coffre en cristal. 


À ce moment-là, toutes les trois entendirent un tintement très distinct à l'intérieur du coffre.


– Oh-oh, dit Bellatrix. Qu'est-ce qu'il y a dedans, à votre avis ?


Elle secoua le coffret près de son oreille, et le tintement résonna à nouveau dans les entrailles de l'objet.


– S'il y a quelque chose, c'est qu'Orion a ensorcelé quelqu'un, frissonna Andromeda.


– Orion, ou son ancien propriétaire... Justement, Orion voulait l'ouvrir à tout prix : c'est pour cela qu'il en a parlé à Crabbe, d'ailleurs. Il était absolument furieux. À mon avis, il s'est fait rouler : le coffre ne s'ouvrira que le jour où la cible choisie aura rendu l'âme... En attendant, ce coffret est inutile.


Et en effet, le coffret était couvert de traces et de marques brûlées, prouvant que de puissants sortilèges avaient été lancés contre le fermoir afin de le faire céder – mais sans succès.


Au moment où elle se penchait sur le coffret avec ses sœurs, Narcissa s'en écarta, mal à l'aise. Elle avait brusquement froid, se sentait triste et en colère, sans aucune explication valable.


– Cissy, ça va ? s'inquiéta Bellatrix. Ah, ce doit être le coffret qui te fait cet effet-là... Ne t'en fais pas, je vais l'emballer.


Depuis qu'elle était arrivée au square Grimmaurd, Narcissa évitait de s'approcher des amulettes ensorcelées et des potions maléfiques qu'adorait collectionner Orion ; celles-ci dégageaient une aura désagréable, qui donnaient à Narcissa des migraines et des pensées malveillantes.


Lorsqu'elle avait interrogé Bellatrix, celle-ci avait dégainé son livre préféré, intitulé Secrets les plus sombres de la magie noire, et lui avait expliqué avec un ton docte que certaines personnes étaient plus sensibles que d'autres aux forces obscures, et à l'aura menaçante qui émanait de certains objets ensorcelés. Elle avait déclaré que Narcissa devait s'estimer chanceuse de savoir détecter aisément les marques laissées par cette noble science, mais Narcissa ne partageait pas son avis. Être à la merci des ondes destructrices qui se répandaient autour des objets en question n'avait strictement rien d'appréciable.


En l'occurrence, le coffret était entouré d'une aura de malfaisance pure, difficilement supportable, plus puissante que toutes les autres babioles d'Orion réunies. Rien qu'en le regardant, Narcissa pouvait faire l'expérience de la haine et de la cruauté ressentie par ceux qui s'en étaient servis. Même les marques de brûlures autour du fermoir semblaient suinter de rage et de désespoir.


– Allons-y vite, proposa Bellatrix en écartant le coffret de Narcissa. Plus vite on en sera débarrassées, mieux ce sera.


Narcissa se souvint soudainement de la raison pour laquelle Bellatrix tenait le coffret dans ses mains, et retrouva un peu d'enthousiasme à l'idée d'aller se promener avec ses deux sœurs. Bellatrix enveloppa le coffret dans un balluchon, et elles descendirent à la cuisine à la file indienne. Narcissa et Bellatrix montèrent dans la cheminée, mais Andromeda hésitait encore.


– Allez, arrête un peu, lui lança Bellatrix, agacée.


Narcissa serrait fort le bras de Bellatrix, qui tenait dans sa main une pleine poignée de poudre de cheminette.


– Alors ? Tu viens, ou pas ? insista Bellatrix.


Andromeda regarda derrière elle, comme si la tante Walburga allait surgir d'un instant à l'autre.


– Chemin... commença Bellatrix, impatiente.


Andromeda croisa le regard suppliant de Narcissa, et se précipita enfin dans la cheminée pour saisir l'autre bras de Bellatrix, qui afficha aussitôt un sourire triomphant.


– Et voilà, gloussa-t-elle. À nous le Chemin de Traverse !


 


En arrivant sur place, Narcissa se sentit submergée par les souvenirs. Elle était venue deux fois, accompagné de ses sœurs et de sa mère, pour les deux premières rentrées de Bellatrix. Elle retrouva avec bonheur les magasins, les étals, l'effervescence joyeuse, les gens qui faisaient leurs courses et pestaient contre le prix du foie de dragon, toutes ses choses qui lui rappelaient que bientôt, son univers s'élargirait bien au-delà des murs sinistres du 12, square Grimmaurd.


– Attendez-moi là ! s'exclama soudain Bellatrix.


– Où vas-tu ?


– Le magasin est par là. Pas la peine de m'accompagner, je me débrouillerai !


Bellatrix leur désigna une allée miteuse perpendiculaire au Chemin de Traverse. Narcissa frissonna : la ruelle était sombre, sinueuse, et elle y distinguait des silhouettes peu amènes.


– L'Allée des Embrumes ? Bella, tu es sûre que...


Mais Bellatrix s'éloignait déjà entre les boutiques biscornues, zigzagant avec entrain entre les mendiants et les flaques douteuses, avec le baluchon qui contenait le coffret en cristal serré contre elle.


– Attendons-la ici, dit Andromeda en retenant Narcissa qui s'élançait à sa suite. 


Narcissa vit Bellatrix s'enfoncer dans les volutes de brumes, puis disparaître. Elle commençait à sentir la panique la gagner, lorsqu'elle entendit une voix fluette dans son dos :


– Cissy !


Narcissa fit volte-face, et écarquilla les yeux. Son amie d'enfance, Daisy Goyle, se tenait devant elle. En deux ans, elle n'avait quasiment pas changé : ses beaux yeux verts pétillaient intensément, et pour la sortie, elle avait joliment apprêté ses cheveux, dont l'éclat cuivré s'était accentué avec le temps.


Sans laisser à Narcissa le temps de réagir, elle lui sauta au cou. 


– Je suis trop contente de te voir ! Tu te rends compte, l'an prochain, on pourra passer toutes nos journées ensemble ! C'est génial, non ?


– Euh, oui, génial, bafouilla Narcissa, qui lorgnait toutes les fournitures neuves de Daisy avec envie. Alors, tu... Tu as acheté ta baguette ?


– Oui, c'est Maman qui l'a gardée ! Maman ! appela Daisy. Viens ici, regarde, Cissy est là !


Vera Goyle, qui examinait à la loupe un tas de graines bleues sur un étalage de l'apothicaire, releva la tête et s'approcha d'elles à grands pas. Elle non plus n'avait pas changé depuis l'époque bénie où les sœurs Black habitaient encore la Colline d'Émeraude. Ses taches de rousseur étaient toujours bien en place, et sa longue tresse aux reflets cuivrés se balançait entre ses omoplates, imperturbable. Elle portait un long manteau en cuir violet, et un chapeau orange ; et comme d'habitude, son petit ravluk, Albert, qui ressemblait à un singe vert ailé, était perché sur son épaule, et faisait des grimaces amusantes aux passants.


– Bonjour, mes chéries ! s'exclama joyeusement Vera Goyle. Quelle joie de vous voir ! Comment allez-vous ? Votre mère n'est pas avec vous ?


– Non...


– Vous lui direz de répondre à mes lettres, quand vous la verrez ? dit Vera sur un ton taquin.


Andromeda et Narcissa échangèrent un regard, surprises. Des lettres ?


– Mais... Maman n'a reçu aucune lettre...


Le sourire de Vera s'évanouit, et elle fronça les sourcils.


– J'espère que vous plaisantez... J'en donne à Walburga, chaque fois que je la vois ! Elle est censée lui transmettre ! C'est d'ailleurs l'unique raison pour laquelle je me coltine cette vieille mégère à longueur de temps !


Toutes les trois comprirent en même temps que Walburga n'avait jamais eu l'intention de donner la moindre lettre à Druella. Elle avait dû les cacher, ou les détruire.


– Cissy, tu... Elle t'a donné tes cadeaux d'anniversaire, n'est-ce pas ? L'appareil photo, l'an dernier ? Et cette année, une chaîne en argent ?


Narcissa secoua la tête, consternée.


– Elle les a gardés, murmura-t-elle, la gorge serrée.


Un an plus tôt, à peu près au moment de l'anniversaire de Narcissa, Regulus avait reçu de sa mère un superbe appareil photo dont Narcissa avait été très jalouse ; et cette année, Walburga avait acquis récemment une splendide chaîne en argent qu'elle portait au cou en même temps que le Collier de Charme qu'elle avait usurpé à Druella quelques jours après leur arrivée au 12, square Grimmaurd.


– Je vois que je vais avoir quelques comptes à régler avec votre tante, dit Vera avec colère.


Sur son épaule, Albert fit mine d'étrangler quelqu'un, et Narcissa retrouva son sourire en imaginant Albert en train d'étrangler la tante Walburga.


– Mais puisque vous êtes là, ajouta Vera, vous pourrez donner ça à Lulu ?


Vera sortit de sa poche intérieure une enveloppe violette, où elle avait inscrit "Lulu" en grandes lettres vert émeraude – c'était le surnom que Vera donnait à Druella depuis qu'elles se connaissaient, c'est-à-dire à peu près depuis le berceau. Andromeda la glissa dans sa poche avec précaution, comme si c'était désormais la chose la plus précieuse qu'elle possédait.


Soudain, une fille brune du même âge que Narcissa surgit à côté de Daisy. Elle regarda Narcissa avec suspicion, et celle-ci le lui rendit bien.


– Ah, Carla ! s'exclama Daisy avec enthousiasme. Je te présente Narcissa... 


La dénommée Carla haussa un sourcil, circonspecte.


– Mais si, tu sais bien, insista Daisy, je t'en parle tout le temps !


Puis Daisy se tourna vers Narcissa, ingénue.


– C'est Carla et sa famille qui ont emménagé dans votre maison, quand vous êtes partis !


Daisy pensait sans doute naïvement que cela créerait une connivence entre ses deux amies, et que cela les rapprocherait. Mais évidemment, cela eut l'effet inverse : car immédiatement, Narcissa l'imagina, prenant ses aises dans la maison que les Black avaient été contraints d'abandonner, se prélassant dans son ancienne chambre, s'appropriant chaque recoin du jardin. Et, alors que Carla n'avait pas encore prononcé le moindre mot, Narcissa décida qu'elle la détesterait de tout son être.


– Carla Avery, dit la fille brune en tendant une main mollassonne à Narcissa. La maison est vraiment chouette, non ? Enfin, si tu t'en souviens, bien sûr... On a eu du mal à retirer vos lettres en argent au-dessus de la porte d'entrée, mais on a fini par réussir, et maintenant, il n'y en a plus aucune trace.


Carla avait un visage inexpressif, avec des petits yeux noirs, des pommettes saillantes et un front extraordinairement large, ce qui lui donnait un air particulièrement sournois. Narcissa n'avait aucune envie de lui serrer la main, mais heureusement, Bellatrix reparut à ce moment précis.


– Tadaaa ! triompha-t-elle en tendant à bout de bras une énorme bourse en velours.


Tout le monde la regarda avec un drôle d'air. Elle était complètement décoiffée, avait perdu une chaussure, et le bas de son chemisier était déchiré.


– Bella ! Tu as eu des ennuis !


– Rôôh, tout de suite les grands mots ! Disons qu'un passant s'est intéressé à moi d'un peu trop près. Heureusement, un monsieur qui se trouvait chez Barjow et Beurk m'a tirée de là ! Il était très charmant, d'ailleurs, et très impressionné par ce que j'avais à vendre ! Et regardez ce qu'on m'a donné, en échange du coffret !


Elle agita devant leurs yeux une bourse volumineuse, tellement remplie de pièces qu'elle semblait prête à éclater.


– Bon, je vois que vous avez appris à vous débrouiller toutes seules, remarqua Vera Goyle avec amusement.


– S'il vous plaît, ne dites rien à notre tante ! la supplia immédiatement Andromeda.


Vera Goyle remit son chapeau orange en place, et adressa aux trois sœurs un grand sourire rassurant.


– Je ne sais pas ce que vous complotez, mais d'accord, je veux bien vous rendre ce petit service. Je vous offre une glace chez Fortarôme, pour fêter nos retrouvailles ?


– Plus tard, Vera, crâna Bellatrix, nous avons à faire ! Il faut acheter toutes les fournitures de Cissy !


Bellatrix prit très fièrement ses deux sœurs par le bras, et s'éloigna à grands pas.


– Au revoir, Vera ! Daisy, on se voit à Poudlard ! lança Narcissa, sans adresser un mot à Carla Avery.


– Tournée générale pour tout le monde ! s'exclama Bellatrix en s'élançant entre les boutiques.


Et toute l'après-midi, les trois sœurs sillonnèrent avec entrain le Chemin de Traverse, leurs listes de fournitures en main. Elles achetèrent donc un chaudron en étain non pliable pour Narcissa, trois uniformes neufs – un pour chacune – des robes de travail et un chapeau pointu chez Mme Guipure, une paire de gants protecteurs vert foncé, une cargaison entière de livres neufs chez Fleury & Bott, des parchemins, de l'encre qui changeait de couleur en écrivant, une grande plume d'oie, des fioles en cristal, un télescope, une balance en cuivre...


Dans chaque boutique, Bellatrix les abreuvait de multiples anecdotes : la fois où elle avait projeté de la Potion d'Enflure sur les préfets de Gryffondor ; une autre où elle avait caché un pétard du Dr Flibuste dans la dinde de Noël ; et surtout la fois où, en troisième année, le professeur Slughorn l'avait conviée à un cours destiné aux cinquième année, pour que le Polynectar qu'elle avait confectionné en cachette leur serve d'exemple.


À la fin de l'après-midi, Narcissa avait l'impression de posséder le plus grand des trésors, malgré tous les élèves qui se promenaient autour d'elle avec un chariot semblable au sien. Elle trépignait d'impatience à l'idée de commencer à lire les livres qui s'accumulaient dans ses bras, et espérait devenir aussi douée que Bellatrix, tout en restant aussi disciplinée qu'Andromeda.


– Bon, allons chercher ta baguette, décida Bellatrix.


Et elles se dirigèrent vers la boutique étroite et délabrée, au-dessus de laquelle des lettres d'or écaillées indiquaient : "Ollivander – Fabricants de baguettes magiques depuis 382 avant J.-C."


Alors qu'elles n'avaient cessé de piailler avec enthousiasme depuis le début de leur expédition, dès qu'elles eurent franchi le seuil de la porte, les trois sœurs Black ne dirent plus un mot. L'endroit était austère et rempli d'une aura mystérieuse, que Narcissa avait peur de perturber dès qu'elle faisait le moindre mouvement.


– Bonjour, mesdemoiselles, dit une voix douce.


– C'est lui, souffla Andromeda à l'oreille de Narcissa en désignant l'homme qui se tenait dans un coin de la pièce.


Narcissa avait peur de croiser le regard de Mr Ollivander. Ses yeux pâles brillaient comme des lunes dans la pénombre de la boutique, et il scrutait chacune des sœurs attentivement, comme s'il cherchait à déceler leurs secrets les plus intimes.


– Miss Bellatrix Black, dit-il finalement en sortant de la pénombre, tout en hochant imperceptiblement la tête. Bois d'acacia et plume d'Oiseau-Tonnerre, 27,5 centimètres... Très rigide... Une baguette extrêmement puissante, difficile à manier. Je vous l'ai déjà dit, vous ferez de grandes choses, miss Black, de grandes choses...


Bellatrix rosit de fierté, et s'approcha un peu de Mr Ollivander, pour l'inciter à continuer à parler de la sorte. Mais celui-ci se tourna vers Andromeda, et Bellatrix fit la moue, déçue que ce moment de gloire ait si peu duré.


– Miss Andromeda Black... Oui, je me souviens, j'ai eu beaucoup de mal à dénicher la baguette qui vous conviendrait, et la présence de votre tante n'a pas facilité les choses. Mais enfin, nous l'avons trouvée, ou plus précisément, c'est elle qui vous a trouvée... Une baguette en bois de sorbier, conçue principalement pour la défense et la protection... Crin de licorne, 28 centimètres, très souple... Idéale pour une sorcière à l'esprit clair et au cœur pur, sourit Mr Ollivander.


Contrairement à Bellatrix, Andromeda piqua du nez, se tordit les mains, et eut l'air de vouloir disparaître sous terre. Heureusement, Mr Ollivander se mit aussitôt à inspecter Narcissa.


– Et je suppose que vous êtes avec votre petite sœur... Narcissa, c'est bien cela ?


Toutes les trois approuvèrent en chœur. 


– Alors, miss Narcissa Black, vous connaissez la procédure, je présume ?


Narcissa jeta un coup d'œil à ses deux sœurs, inquiète. Elle ne voyait absolument pas de quelle procédure Mr Ollivander voulait parler. Mais avant que celles-ci aient fait le moindre geste, Ollivander sortit de sa poche un mètre ruban avec des marques en argent, et se mit à mesurer les bras de Narcissa, de l'épaule jusqu'au bout des doigts, puis du poignet jusqu'au coude, puis la hauteur de l'épaule jusqu'aux pieds, puis du genou à l'aisselle.


Narcissa était un peu raide, mais lorsque Bellatrix lui adressa un clin d'œil, elle se détendit et se laissa faire.


Mr Ollivander lui présenta de nombreuses baguettes. Bois d'érable, bois d'orme, bois de laurier, souple, rigide, résistante, idéale pour la métamorphose, les sorciers énergiques, indépendants, curieux... Narcissa en avait le tournis, et aucune ne semblait convenir : à chaque fois que Narcissa les saisissait, elle avait l'impression de tenir un bout de bois inerte. Au bout d'un long moment, Narcissa fut saisie d'une crainte subite : et si aucune baguette ne lui convenait ? Et si la baguette qui aurait dû la choisir, ne la voyant pas arriver, s'était tournée vers un autre sorcier ? Que se passait-il, dans ces cas-là ? Serait-elle acceptée à Poudlard ?


Mais Mr Ollivander ne se décourageait pas. Il attrapa une boîte rectangulaire parmi tant d'autres, et dit :


– Ah... Voilà une belle baguette, en bois de frêne et crin de licorne. Plutôt rigide, 26,5 centimètres. C'est une baguette très fidèle et entêtée, qui ne fonctionnera jamais aussi bien qu'avec le sorcier qu'elle a choisi...


Narcissa releva la tête, de nouveau attentive : c'était exactement ce qu'il lui fallait. Une baguette qui resterait toujours à ses côtés, et se rebellerait si quelqu'un d'autre essayait de s'en emparer... Intérieurement, elle supplia la baguette de la choisir.


À sa grande joie, lorsqu'elle saisit la baguette, elle sentit aussitôt une étrange chaleur se répandre dans ses doigts. Immédiatement, la magie qui sommeillait en elle parut se réveiller, et s'acheminer le long de son bras, comme si Narcissa lui avait ouvert la voie vers le monde extérieur. Des étincelles bleues et rouges jaillirent de sa baguette, tournèrent autour d'elle en faisant voler sa robe, allèrent chatouiller les chevelures de ses sœurs, puis disparurent en projetant sur le mur des lueurs mouvantes. Narcissa éclata d'un rire joyeux, et ses deux sœurs applaudirent avec enthousiasme.


– Les Black ont toujours été des clients difficiles, commenta Mr Ollivander. Peut-être parce que vous êtes tous destinés à faire de grandes choses, chacun à votre manière. Mes baguettes pourraient avoir peur de ne pas être à la hauteur...


Cette explication plut beaucoup à Bellatrix, qui salua Mr Ollivander avec enthousiasme et faillit oublier de payer.


En sortant finalement de chez Ollivanders, Narcissa cramponnée à sa jolie baguette, il leur restait encore deux gallions.


– Ces deux gallions sont pour toi, Cissy ! décida Bellatrix. Qu'est-ce que tu voudrais acheter ?


Bellatrix proposa d'acheter un hibou, mais en rentrant dans la boutique du Royaume des Hiboux, un grand-duc leur froua dessus en battant des ailes, et Narcissa ressortit immédiatement en décrétant que c'était une très mauvaise idée.


En revanche, au milieu du Chemin de Traverse, un marchand ambulant vendait à la criée toutes sortes de babioles.


– Approchez, approchez ! Peignes Démêltout, Chaussures Accélérantes, Plumes Tricheuses... N'ayez plus de doute, j'ai forcément ce que vous recherchez !


Un monceau d'objets recouvrait une table, qui bougeait devant le marchand au fur et à mesure qu'il progressait à travers la foule. Narcissa s'aperçut qu'Andromeda lorgnait sur les peignes Démêltout : elle en avait possédé un, autrefois, le seul qui arrivait à dompter sa chevelure épaisse. Malheureusement, le bel objet avait été vendu avant qu'ils ne quittent la Colline d'Émeraude, et depuis, Andromeda devait se démener matin et soir pour ne pas ressembler à un balai-brosse.


Narcissa se pencha avec elle sur l'étalage, et dénicha un superbe peigne qui lui plaisait beaucoup, avec de longues dents argentées et un manche incrusté d'émeraudes.


– Allez-y, mademoiselle, essayez-le, lança le marchand, un homme jovial au ventre proéminent. Vous verrez, c'est de la qualité, de l'authentique Démêltout ! Vous ne trouverez pas mieux ailleurs, c'est moi qui vous l'dit !


Narcissa passa le peigne dans les cheveux d'Andromeda. En effet, l'objet était miraculeux : sur son passage, les nœuds disparaissaient, et en quelques instants, la chevelure d'Andromeda fut plus souple que jamais.


– Génial, dit Andromeda en passant ses doigts dans ses cheveux avec ravissement.


Soudain, un sorcier chauve et râblé passa à côté d'elles, lui arracha le peigne des mains, et s'enfuit à toutes jambes à travers les passants.


– Oh non !


Étonnée, Narcissa vit le marchand ambulant hausser les épaules, et fouiller les monceaux d'objets qui recouvraient sa table sans prêter attention au voleur qui s'enfuyait.


– Monsieur... Le peigne ! Il l'a volé !


Le marchand éclata de rire, sans cesser de fouiller sur sa table ambulante.


– Vous croyez que je me promènerais avec autant d'objets précieux, à la portée de n'importe quel passant ? Non, cette table est équipée d'un puissant Sortilège d'Antivol... Quand le voleur aura cessé de courir, il réalisera que ses poches sont vides ! Ah, tenez, le voilà !


Stupéfaite, Narcissa vit le marchand extirper d'un tas de babioles le peigne qu'on lui avait arraché des mains, quelques secondes plus tôt, et elle le trouva encore plus ravissant qu'auparavant.


– On le prend ! déclara-t-elle, radieuse.


Bellatrix ne le vit pas d'un bon œil. 


– Cissy, j'ai dit que c'était pour toi !


– Eh bien, c'est ça qui me fait plaisir ! rétorqua Narcissa. Andromeda te le prêtera !


– Jamais de la vie, protesta Bellatrix. J'aurais l'air d'un caniche, si on me retirait mes nœuds !


Renfrognée, elle finit par tendre les deux gallions à l'homme aux bibelots, et Narcissa donna fièrement son nouveau peigne à Andromeda.


– Et voilà !


– Félicitations pour ce bel achat, mesdemoiselles ! Puis-je vous offrir une photo souvenir, pour fêter cette belle journée ?


Narcissa accepta, et prit la pose avec enthousiasme. Andromeda et elle se postèrent devant la boutique de Mr Ollivanders, et brandirent leur baguette devant elles en riant.


– Allez, Bella, viens !


– Sûrement pas...


– Allez !


Narcissa tira Bellatrix par le bras ; celle-ci se décrispa légèrement, grimaça un sourire et les trois sœurs furent immortalisées côte à côte. Le marchand leur donna à chacune un exemplaire de la photo, et s'éloigna en continuant de crier les bienfaits de ses bibelots.


Bellatrix retrouva rapidement son véritable sourire, et les trois sœurs s'en retournèrent chez elles, main dans la main. Le soir, Walburga les soupçonna ouvertement de lui avoir volé quelque chose, au vu de tous leurs achats et de la transformation de sa chambre en champ de bataille. Mais les trois sœurs nièrent en bloc, dénoncèrent la trop grande susceptibilité du Tapis Vorace, expliquèrent que c'était Vera Goyle qui leur avait prêté l'argent, et lorsqu'elles posèrent sur la table l'enveloppe violette destinée à Druella Black, Walburga se renfrogna et fila dans sa chambre en marmonnant des injures.


 


La veille de la rentrée, l'excitation atteignit son paroxysme au 12, square Grimmaurd. Narcissa, bien sûr, trépignait à l'idée de découvrir l'univers merveilleux de Poudlard ; mais ses deux sœurs n'étaient pas en reste, car leurs nerfs avaient été rudement éprouvés par ce mois d'août plus monotone que jamais.


Bellatrix rentrait en cinquième année, et avait reçu quelques jours plus tôt une nouvelle des plus excitantes : Dumbledore lui avait accordé sa confiance pour endosser le rôle de préfète. D'après la lettre qui accompagnait l'insigne brillant que Bellatrix avait reçu, Dumbledore espérait vivement que Bellatrix interprèterait cette marque de confiance comme une incitation à se tenir tranquille, et à faire fructifier ses capacités hors du commun en cessant de semer la zizanie. Andromeda, elle, entrait en troisième année, à Serpentard également, sans autre ambition que de revoir ses bons amis, et ravie à l'idée de voir ses deux sœurs réunies auprès d'elle.


Elles passèrent la soirée enfermées dans la salle de bain, bien décidées à tout faire pour resplendir le lendemain. Après un long bain et un nettoyage minutieux, des serviettes nouées autour de la poitrine et munies de paires de ciseaux, elles rafraîchirent mutuellement leurs chevelures. Narcissa avait du mal à contenir sa joie : que c'était bon de faire enfin partie des grands, de participer à ce rituel qu'elle leur avait tant envié pendant les années précédentes !


Sans pouvoir l'expliquer, Narcissa pressentait à quel point cet instant était précieux, et s'appliquait à inscrire dans sa mémoire autant de détails que possible – tous les mots qui fusaient, tous les regards qui s'échangeaient, la lumière qui se déposait sur elles et les odeurs qui les assaillaient.


Émerveillée, elle se percha sur un petit escabeau, et partit à l'attaque de l'indomptable crinière de sa sœur aînée.


– Dis donc, t'en as une tignasse !


– Tu verras, toutes les filles de Poudlard en sont très jalouses, crâna-t-elle en secouant la tête en arrière pour l'éclabousser.


– Tu parles, rit Andromeda en peignant sa propre chevelure avec son nouveau peigne Démêltout. Plutôt mourir que de porter sur la tête ton sac de nœuds !


Bellatrix esquissa un mouvement vers elle, mais Narcissa la retint.


– Reste là, c'est déjà assez dur de démêler tout ça !


– Mais dépêche-toi un peu, j'ai froid !


– Tu vas avoir besoin de renforts, sourit Andromeda avant d'abandonner son nouveau peigne pour s'approcher d'elles.


Alors que les boucles de jais dégringolaient sur la pierre brute et inondée de la salle de bains, Narcissa fixa le miroir et savoura à nouveau ce spectacle d'une grande complicité. Les murs sans fenêtre formaient une petite capsule calfeutrée, qui s'échappait loin de leur quotidien morose. La buée opacifiait le miroir et faisait disparaître toutes leurs dissemblances. Elle se sentait fière, là, dans la vapeur étouffante qui s'élevait de la baignoire, surplombant ses deux sœurs sur son petit escabeau, toutes trois délicatement parfumées et vêtues des mêmes serviettes incolores.


Quand elles eurent fini avec Bellatrix, Andromeda se plaça devant Narcissa et lui offrit le spectacle ravissant de sa chevelure bouclée et, grâce au peigne Démêltout, parfaitement disciplinée.


– Coupe quelques centimètres, pas plus, dit-elle en désignant les cheveux qui lui encadraient le visage.


Bellatrix, sans remercier ses sœurs, fit un geste nonchalant vers le miroir pour en effacer la buée, et examina sous tous les angles le résultat de leur travail. Elle haussa les épaules avec une moue indifférente, puis elle s'assit sur un petit tabouret dans un coin de la pièce, s'accouda sur l'évier et se mit à les observer en silence, tout en jouant du bout des doigts avec les volutes de vapeur, auxquelles elle faisait prendre des formes amusantes.


– Tu ne nous aides pas ?


– Je ne sais pas m'y prendre.


– Mais si, allez !


– Je préfère surveiller Cissy !


– Pour quoi faire ? Tu es contente de ta coupe, au moins ?


Elle haussa à nouveau les épaules.


– Je me sens plus légère, mais je ne vois aucune différence.


Habituées à sa rudesse de caractère, ses sœurs n'insistèrent pas et la laissèrent se perdre dans la contemplation des volutes de vapeur. Distraite, Narcissa lui jetait des regards de biais et s'étonna une fois de plus de voir à quel point ses deux sœurs étaient semblables, et pourtant diamétralement opposées. Mêmes yeux, mêmes cheveux, même teint pâle. Et pourtant, Bellatrix dégageait une beauté fière, immédiate, écrasante ; alors qu'Andromeda, elle, s'inscrivait dans chaque décor avec harmonie et douceur, comme une caresse délicate qu'on voudrait toujours pouvoir regarder.


– Tu ne coupes pas droit ! glapit Bellatrix en se levant comme un ressort.


– Hein ? Quoi ?


– Comment ça ? Ça se voit ? s'affola Andromeda.


– Mais non, ne t'inquiètes pas, assura Narcissa, peu convaincante.


– Bien sûr que si !


Bellatrix se faisait une joie d'alimenter la panique naissante.


– Tu n'as qu'à regarder ton reflet...


– ARGH ! Quelle horreur ! Cissy, qu'est-ce que tu as fabriqué ?


Dans le reflet du miroir, les cheveux d'Andromeda étaient coupés complètement de travers, ébouriffés, hideux... Une catastrophe absolue. Mais Narcissa réalisa rapidement que le miroir ne reflétait absolument la réalité.


– Bella ! s'insurgea-t-elle. Tu as changé le reflet !


Dans le coin de la pièce, Bellatrix était pliée de rire.


– Tu devrais voir ta tête, Andy...Quelle horreur ! l'imita-t-elle avec une voix aiguë.


Elle claqua des doigts, et le reflet redevint conforme à la réalité. Narcissa avait coupé une mèche un peu trop courte, mais au milieu des boucles noires d'Andromeda, la bévue était pratiquement invisible.


– Mais quelle chipie ! fit Andromeda en se ruant sur Bellatrix. Tu vas voir ce que tu vas voir...


– Allez-y, essayez un peu, répliqua Bellatrix, ravie de la tournure que prenait la situation. 


Narcissa se joignit à Andromeda, et se jeta sur Bellatrix pour lui faire des chatouilles. Les trois sœurs se battirent pendant quelques instants, puis, à la suite d'un faux mouvement, basculèrent toutes les trois dans la baignoire, en soulevant de grandes gerbes d'eau.


– On a tout inondé ! s'exclama Andromeda, le visage couvert d'eau savonneuse.


– Tant mieux, ça fera enrager la vieille harpie ! s'exclama Bellatrix, ravie. Tiens, regarde !


Et sous les yeux ébahis de Narcissa, l'eau qui remplissait la baignoire se mit à bouillonner autour d'elles, puis à se mouvoir, et s'éleva dans les airs, formant un gros plafond d'eau au-dessus de leurs têtes.


– Qu'est-ce que vous faites, les cousines ?


Sirius venait de faire irruption dans la salle de bain. Bellatrix poussa un cri strident, et cessa de fixer la grosse bulle d'eau pour réajuster sa serviette autour de sa poitrine. Aussitôt, les dizaines de litres d'eau qui se trouvaient en lévitation au-dessus d'eux retombèrent brutalement sur leurs têtes, inondant non seulement la salle de bains, mais également le reste de l'étage et la cage d'escalier.


– Oups !


Devant l'air hagard de Sirius, trempé de la tête au pied, Narcissa éclata de rire, rapidement imitée par ses deux sœurs, puis par leur cousin. 


À peine quelques instants plus tard, elles entendirent la voix de la tante Walburga dans les escaliers :


– Qu'est-ce que c'est que ce vacarme ? 


Andromeda cessa immédiatement de rire, mais les autres ne pouvaient plus s'arrêter.


– Je vous préviens, pestait Walburga en montant l'escalier, si je dois élever la voix... 


Bellatrix fit une horrible grimace, et Narcissa rit de plus belle, bien malgré elle. Alors que Walburga arrivait à leur hauteur, on frappa trois coups violents sur la porte d'entrée, et Walburga interrompit sa progression.


– Allons donc ! Qui peut bien avoir l'impolitesse de nous rendre visite, à une heure pareille ?


Quelques secondes plus tard, la voix de Vera Goyle retentit à travers la porte :


– Walburga ! Viens m'ouvrir la porte, espèce de vieille bique !


Walburga regarda vers le haut de l'escalier, puis vers le bas.


– J'aurais dû m'en douter, marmonna-t-elle.


– Tu ne m'empêcheras pas de voir Lulu ! cria Vera à travers la porte. Laisse-moi rentrer, ou je réécris toutes mes lettres que tu as détruites, et je te les fais manger !


À côté de Narcissa, Sirius éclata de rire – la vision de sa mère étouffée par des enveloppes semblait lui procurer beaucoup de joie.


Tout en maugréant, Walburga renonça à monter jusqu'à la salle de bains, et alla ouvrir la porte d'entrée.


– Je te préviens, Vera, tu...


– Écarte-toi de mon chemin, la coupa immédiatement Vera en pointant sa baguette sur elle. Où est Lulu ?


Walburga ne bougea pas d'un pouce.


– Deux ans que tu me racontes des salades ! Tout ça pour me séparer d'elle ! Comment peux-tu être aussi sournoise ?


Après deux battements de cils impassibles, Walburga accepta sa défaite et s'écarta avec lenteur.


– Druella est au deuxième étage, dit-elle de sa voix monocorde.


Narcissa entendit des claquements de talons dans le hall, puis dans l'escalier, et sa marraine apparut sur le palier du premier étage, radieuse, avec son ravluk Albert perché sur son épaule.


– Bonjour, tout le monde ! Je vois que vous étiez en pleine bataille d'eau ? Quelle belle idée ! Oh, bonjour, mon petit ! dit-elle en ébouriffant les cheveux trempés de Sirius.


Celui-ci la regardait avec un grand sourire, béat d'admiration devant l'inconnue qui venait de défier sa mère. Vera éclata de rire, puis sortit de son manteau deux paquets cadeaux, et les tendit à Narcissa, qui venait de sortir de la baignoire, encore dégoulinante d'eau savonneuse.


– Cissy, voilà les deux cadeaux que je te devais, dit-elle. J'ai racheté un appareil photo dernier cri, les mouvements des photos sont particulièrement fluides... Il peut faire des acquisitions de vingt secondes, un record ! Et voilà la chaîne en argent... J'espère qu'elle te conviendra.


Narcissa balbutia des remerciements.


– Bon, je vous laisse, Lulu et moi devons rattraper le temps perdu !


Et elle tourna les talons, faisant tournoyer sa longue robe violette et sa tresse de cheveux cuivrés.


– Où te caches-tu, Lulu ? Ma parole, quelle maison sinistre ! pesta Vera dans l'escalier qui menait au deuxième étage.


Narcissa entendit à nouveau le claquement de ses talons sur le plancher du deuxième étage, puis le bruit d'une porte qui s'ouvrait.


– Ma chérie ! Viens là, que je t'embrasse ! Dis donc, les murs sont parfumés à l'ennui, ici ! Je vais être obligée d'arranger ça...


 


C'était la plus belle soirée que Narcissa avait vécue depuis bien longtemps. Après avoir découvert son parquet ciré et son escalier inondés par de l'eau savonneuse, Walburga adressa des remontrances acerbes à tous les enfants, mais elle n'osa pas élever la voix, de peur de provoquer à nouveau la colère de Vera, et elle ne parvint pas à troubler la félicité des trois sœurs. 


Le dîner fut fantastique. La présence de Vera donna à Druella assez d'énergie pour descendre s'attabler avec tout le monde. Dans un premier temps, Walburga refusa de leur ouvrir la porte du garde-manger, mais Albert réussit à lui subtiliser la clé, et Vera leur cuisina un ragoût rempli d'épices délicieuses, qu'elle avait ramenées de pays lointains.


Elle ouvrit également une bouteille de jus de citrouille, et en distribua à tous les enfants, y compris Sirius, malgré les protestations de Walburga. Albert amusa tout le monde en faisant des acrobaties sur les casseroles et en jonglant avec les pommes qui se trouvaient dans le cellier ; mais Narcissa n'y prêta pas grande attention, car elle était trop occupée à regarder sa mère rire aux éclats dans les bras de Vera.


Après le dîner, qui dura jusque tard dans la nuit, Narcissa se coucha dans son lit, sèche et propre, au comble du bonheur, fin prête à affronter l'inconnu. Tout en entendant de temps à autre Vera Goyle et sa mère glousser comme des adolescentes dans la chambre du deuxième étage, elle se dépêcha de tout raconter dans son journal, désireuse d'immortaliser le moindre détail de tous ces fabuleux souvenirs. Le bonheur de Narcissa était si grand qu'il lui paraissait à la fois inépuisable et indestructible. Elle s'imaginait déjà devenir, avec ses deux sœurs, des sorcières puissantes et respectées, ne reculer devant rien, conquérir le monde pour, enfin, le déposer aux pieds de leurs deux parents ; et puis, une fois leurs destins accomplis, vieillir lentement et apaisées, soupirant devant l'ampleur du chemin qu'elles auraient parcouru, et se remémorant avec délice leur si précieuse complicité, ces piailleries et ces rires innocents, ces mèches d'or et de jais qui jonchaient le sol inondé de la salle de bains.

End Notes:

Et voilà !!

J'espère que ce chapitre vous a plu, et que ces trois soeurs très unies (pour l'instant) vous plaisent.

Le prochain chapitre s'appelle Une rentrée mémorable...

À très vite ! ❤️

Une rentrée mémorable by mathvou1
Author's Notes:

Tout est dans le titre !

Bonne lecture ❤️

Les premières heures que Narcissa passa à Poudlard se passèrent tout à fait normalement. Dans le Poudlard Express, elle ne vit pas le temps passer, émerveillée par l'effervescence qui y régnait, par les banquettes moelleuses et confortables, et par la vendeuse de bonbons attentionnée qui leur offrit quelques friandises. Daisy Goyle et elle s'installèrent ensemble dans un compartiment, et rattrapèrent le temps perdu en se racontant les deux années qu'elles avaient vécues séparément. Narcissa fut surprise – et, malgré elle, quelque peu soulagée – d'entendre qu'après leur départ, Daisy s'était beaucoup ennuyée sur la Colline d'Émeraude. Elle restait parfois avec Carla, mais sa compagnie était nettement moins agréable que celle de Narcissa ; elle passait donc le plus clair de son temps avec ses parents, à s'occuper des animaux magiques qui peuplaient leur jardin, et même si cette activité n'était pas désagréable, Narcissa lui avait tout de même beaucoup manqué.


Les deux amis se remémorèrent en riant les aventures qu'elles avaient vécues ensemble dans le fabuleux jardin des Goyle – la fois où Daisy était tombée dans un des trois étangs en voulant nourrir les Ronflaks, celle où une licorne avait confondu les cheveux de Narcissa avec de la paille comestible... Puis, Narcissa raconta à Daisy la méchanceté de la tante Walburga, fit l'éloge de son cousin Sirius, imita Arantius avec sa voix bizarre, et plus elle parlait de ce qu'elle avait vécu au 12, square Grimmaurd, plus elle se sentait soulagée d'avoir abandonné cette horrible maison.


À leur arrivée, Andromeda les guida jusqu'à Ogg, le garde-chasse, qui les emmena avec les autres première année au bord du lac. Là, vêtues de leurs robes de sorcière flambant neuves, Narcissa et Daisy montèrent dans une petite barque, avec deux autres élèves à qui elles n'accordèrent pas un regard, toutes à leur joie de se retrouver. Lorsque la barque quitta le rivage, Narcissa et Daisy se serrèrent l'une contre l'autre en poussant des gloussements d'excitation, et lorsque le château de Poudlard se découpa dans le ciel nocturne, dressé au-dessus de la colline, Narcissa se sentit libérée d'un énorme poids, enveloppée par une euphorie inexprimable. Le château était exactement comme elle l'avait imaginé lorsque sa sœur Andromeda le lui avait décrit : superbe, chaleureux, accueillant. Dans ce château aux innombrables fenêtres, aucun malheur ne pourrait lui arriver, Narcissa en était persuadée.


La cérémonie de répartition se déroula également sans encombre : le Choixpeau avait à peine effleuré ses cheveux blonds que le nom de Serpentard résonna dans toute la Grande Salle. Narcissa alla donc joyeusement s'asseoir à la table de sa nouvelle maison, accueillie par un tonnerre d'applaudissements.


Elle s'installa à côté d'Andromeda, et Daisy les rejoignit quelques minutes plus tard. Le banquet fut somptueux, et le Baron Sanglant – le fantôme attitré des Serpentard – vint la féliciter en personne, ravi de compter une Black de plus dans sa maison. La seule chose qui contraria Narcissa fut la présence de Carla Avery en face d'elle, ainsi que celle d'une de ses anciennes connaissances, Juliet Selwyn – une jolie petite fille blonde qui habitait une maison en forme de harpe sur la Colline d'Émeraude, mais qui, à l'époque, ne voulait jamais jouer avec Daisy et Narcissa car elle trouvait leurs jeux trop enfantins, les animaux trop répugnants, et préférait prendre le thé avec les adultes. Carla et Juliet avaient l'air de s'entendre à merveille, et faisaient de nombreuses réflexions dégoûtées à propos de la nourriture, que Narcissa essayait d'ignorer tant bien que mal.


En regardant autour d'elle, Narcissa réalisa avec soulagement qu'elle reconnaissait la majorité des élèves présents à la table des Serpentard. La petite bande de Bellatrix en occupait une bonne partie : elle reconnut Corban Yaxley, un grand blond au sourire mauvais, dont les traits grossiers semblaient taillés dans un bloc de pierre ; Rabastan et Rodolphus Lestrange, deux frères trapus aux cheveux noirs comme du charbon ; Amycus Carrow, un garçon massif au regard oblique, et sa sœur Alecto Carrow, qui lui ressemblait de façon terrifiante, avec des cheveux filasses qui lui tombaient devant les yeux ; Thorfinn Rowle, un autre blond à la gigantesque carrure ; et encore d'autres élèves, à l'allure tout aussi peu recommandable. Ensemble, ils faisaient plus de bruit que le reste de la salle, et Bellatrix n'y était pas pour rien : elle parlait bien plus fort que d'habitude, et riait de façon exagérée.


Plus près d'elle, Narcissa reconnut Edgar Goyle, le grand frère de Daisy, qui s'empiffrait de tarte à la mélasse. En face de lui, siégeaient les deux jumeaux Crabbe, Hector et Rascus, encore plus imposants et patibulaires que dans son souvenir. Tous deux encadraient un garçon pâle, au menton pointu et aux yeux gris clair, dont les cheveux étaient d'un blond presque translucide. Narcissa s'attarda un peu sur lui : c'était un des seuls qu'elle ne connaissait pas. Il lui parut bien plus distingué que ses voisins, et malgré son jeune âge, il dégageait une assurance étonnante. En effet, alors que l'écrasante majorité des élèves assis à la table des Serpentard huaient et sifflaient tous ceux qui étaient répartis dans les autres maisons, et plus particulièrement à Gryffondor, le garçon blond se contentait de les suivre du regard avec le plus grand mépris, sans bouger le petit doigt. L'autre chose qui intriguait Narcissa était l'attitude des jumeaux Crabbe à son égard : tous les deux lui obéissaient sagement, remplissaient son verre et le servaient maladroitement en nourriture, ce qui ne concordait pas vraiment avec leurs habitudes de brutes épaisses.


– Qui est-ce ? demanda-t-elle à Andromeda en désignant le garçon aussi discrètement que possible.


– Il s'appelle Lucius Malefoy, répondit Andromeda à voix basse. Il est en deuxième année, et...


– Il est très intelligent, la coupa Carla Avery. Apparemment, c'est grâce à lui que Serpentard a gagné la Coupe des Quatre Maisons l'an dernier. Il paraît qu'il a raflé un nombre de points considérable.


– Oui, je crois que tous les professeurs l'adorent, renchérit Juliet en entortillant une mèche de ses cheveux blonds autour de son doigt. Mes parents disent que c'est un bon parti...


– À part ça, il prend tout le monde de haut, répliqua Andromeda, un peu pincée. Et il n'est pas très sympathique.


– Moi, je le trouve plutôt mignon, roucoula Daisy en parlant légèrement trop fort. Il paraît aussi qu'il est très riche...


– Qui te l'a dit ? demanda Narcissa, un peu trop vivement.


– Mes parents. D'après eux, son père, Abraxas Malefoy, est sans aucun doute l'homme le plus puissant du monde sorcier... Même Nobby Leach, le Ministre, en aurait peur !


Lucius Malefoy, qui observait l'ensemble des élèves avec flegme, posa son regard sur elles, et les cinq filles piquèrent du nez dans leur assiette.


– Cissy, il t'a regardée ! pouffa Daisy.


– N'importe quoi, bougonna Juliet Selwyn en face d'elles.


Narcissa sentit que ses joues prenaient une couleur cerise, et fut prise d'une passion soudaine pour le gâteau de riz qui se trouvait devant elle.


Les choses commencèrent à aller de travers alors que Dumbledore s'apprêtait à faire son discours de bienvenue. Un petit homme vêtu de noir, aux jambes anormalement courtes, fit irruption dans la salle par la porte latérale, et trottina jusqu'à Dumbledore. Il lui parla longuement à l'oreille, et le visage de Dumbledore s'assombrit au fur et à mesure de leur échange.


– Nous ferons ce qui est nécessaire, assura Dumbledore lorsque l'homme eut terminé.


Dumbledore murmura quelques mots à sa voisine, Minerva McGonagall, dont les traits joyeux se transformèrent brutalement. Avec une mine soucieuse et consternée, elle posa son regard sur l'extrémité de la table de Serpentard, où Bellatrix et ses amis s'amusaient à lancer des bouts de nourriture sur les première année des autres maisons.


Narcissa, inquiète, vit le professeur McGonagall se lever, et marcher droit vers leur table. Elle passa à côté de Narcissa, Daisy et Andromeda, sans leur accorder le moindre regard, et s'arrêta au niveau de Bellatrix et de sa petite bande.


– Miss Bellatrix Black, veuillez me suivre, dit le professeur McGonagall d'une voix glaciale.


Dans la Grande Salle, le silence s'installa progressivement.


– Pourquoi ? rétorqua Bellatrix.


– À moins que vous ne souhaitiez que je vous fasse l'annonce devant tout le monde ?


– Quelle annonce ? demanda Bellatrix avec un air de défi.


– Ouais, quelle annonce ? renchérit Corban Yaxley à côté d'elle.


– Bellatrix reste avec nous, déclara Rodolphus Lestrange en mettant sa main sur l'épaule de celle-ci. Si vous avez quelque chose à lui dire, dites-le-lui maintenant.


Mc Gonagall fixa un par un les comparses de Bellatrix, qui se massaient autour d'elle en signe de soutien.


– Je vois que votre impertinence ne s'est pas améliorée avec la saison estivale, jeunes gens. Il en coûtera cinq points à Serpentard, pour chacun de vous. Et surveillez vos manières, si vous voulez finir l'année entre ces murs. Me suis-je bien fait comprendre ?


Sans attendre de réponse, elle reporta son attention sur Bellatrix.


– Quant à vous, miss Black, je vous informe que vous avez été aperçue par un Auror, le 10 août dernier, seule dans l'Allée des Embrumes. Après une enquête du Ministère, il semblerait que vous ayez vendu un objet d'une rare dangerosité à une certaine boutique, déjà connue pour ses activités illicites. Nous allons donc procéder à une fouille complète de vos bagages, et je vais vous demander de me remettre votre baguette, afin que nous puissions l'étudier et y rechercher des traces de magie noire.


Narcissa et Andromeda échangèrent un regard catastrophé. Bellatrix avait passé l'été à essayer des sortilèges de magie noire dans leur chambre, se croyant abritée de la surveillance du Ministère par les sortilèges de Protection installés par Orion. Et pour arranger le tout, sa valise contenait deux amulettes ensorcelées, qu'elle avait piquées à leur oncle pour frimer auprès de ses amis. Elle ne comptait pas s'en servir, mais Dumbledore ne ferait certainement aucune différence.


McGonagall tendit la main, afin de récupérer la baguette de Bellatrix.


– Combien... Combien de temps... articula Bellatrix, qui avait le plus grand mal à se séparer de sa baguette.


– Le temps qu'il faudra, déclara McGonagall en lui arrachant des mains. Bien entendu, il est évident que, le temps de cette enquête, vous ne pourrez pas continuer à assurer le poste de préfète.


McGonagall pointa sa baguette sur la poitrine de Bellatrix. Le superbe insigne brillant en forme de P se détacha de son uniforme de Poudlard, et atterrit docilement dans la main du professeur McGonagall.


– Vous pourrez assister aux cours, mais votre baguette ne vous sera rendue que lorsque l'analyse sera terminée. Et estimez-vous heureuse que le Ministère n'engage pas de poursuites à votre encontre... Il semblerait d'ailleurs que votre père y soit pour quelque chose.


Un concert de protestations accueillit toutes ces nouvelles. Sans s'en soucier, McGonagall tourna les talons et s'éloigna.


– Vieille chouette, marmonna Corban Yaxley.


McGonagall se retourna pour lui lancer un regard cuisant.


– Yaxley, vous viendrez en retenue demain matin, dans mon bureau, huit heures. Je trouverai bien une corvée pour vous. À demain, donc.


À la fin du banquet, les autres préfets de Serpentard eurent le plus grand mal à acheminer les élèves de leur maison vers les dortoirs, car la bande de Bellatrix ne faisait qu'à sa tête, et les autres élèves n'étaient absolument pas d'humeur à aller se coucher.


Au bout d'un moment, les préfets décidèrent d'accompagner rapidement les plus jeunes qui sommeillaient dans leur coin, pour revenir ensuite chercher les autres élèves de leur maison, moins disciplinés. Dès que les préfets furent partis, Bellatrix se leva, pâle comme un linge, et sortit de la Grande Salle à grands pas.


– Bellatrix, où vas-tu ?


– Reste avec nous, Bella ! la suppliaient ses amis.


Tous la suivirent, et ses deux sœurs les imitèrent, un peu inquiètes.


Bellatrix errait dans les couloirs, sans but, pâle comme un linge. Elle tremblait de tous ses membres. Ses amis et ses sœurs la talonnaient et tentaient de la rassurer, de diverses manières.


– On va pas les laisser faire, t'en fais pas, lui assura Rodolphus Lestrange.


– Papa saura sûrement faire quelque chose, renchérit Andromeda. Je suis sûre que tout va s'arranger.


Un bruit de conversation attira l'attention de Narcissa. Au bout du couloir, une fille et un garçon, probablement en sixième ou septième année, discutaient joyeusement. 


– Ce petit Macmillan me rendra fou, riait le garçon, un grand dadais à lunettes, aux cheveux roux flamboyants. 


Son amie, bien plus petite que lui, mais avec des cheveux de la même couleur carotte, acquiesça avec entrain.


– Tous les ans, il se perd dans les couloirs !


– Heureusement qu'on l'a retrouvé avant qu'il ne se fasse attraper par Picott...


– C'est toi qui l'a retrouvé, Arthur, roucoula la fille.


Narcissa tira la manche d'Andromeda.


– Qui est-ce ?


Andromeda se retourna, et fronça les sourcils.


– Ce sont des amis de Bellatrix ?


– Oh non, certainement pas, dit Andromeda. Ce sont deux préfets de Gryffondor, Molly Prewett et Arthur Weasley...


Narcissa continua de les observer, intriguée, et constata que tous les deux avaient l'air parfaitement heureux d'être ensemble, et formaient un couple très harmonieux. Elle songea, avec un léger malaise, que ses parents ne s'étaient jamais parlé avec une telle chaleur, et n'avaient jamais manifesté une telle attirance mutuelle.


– Heureusement que tu étais là, dit Arthur Weasley à Molly Prewett. Je ne me souviens jamais si le mot de passe est Canari boiteux ou Patate sauteuse. Les Moldus doivent avoir des astuces pour se souvenir de ces choses-là, je vais me renseigner...


Lorsqu'ils s'approchèrent de Narcissa, la dénommée Molly la salua gentiment, et Narcissa réalisa que le petit groupe qui suivait Bellatrix s'était un peu éloigné, et qu'elle se trouvait seule au milieu du couloir.


– Eh bien, tu t'es perdue ? Je m'appelle Molly. Dans quelle maison es-tu ?


Sans répondre, Narcissa se tourna vers le petit groupe de Serpentard, qui était à quelques dizaines de mètres.


– Tu ne devrais pas suivre ces gens-là, ils ne sont pas...


– ÉLOIGNE-TOI DE MA SŒUR, LA ROUQUINE !


Molly sursauta, et s'écarta de Narcissa. Un peu plus loin, Bellatrix était sortie de sa torpeur, et venait de rugir sur Molly Prewett, écartant ses amis pour fondre sur elle à grands pas.


– Viens, Molly, partons, dit Arthur Weasley, soudain inquiet.


Et soudain, tout s'accéléra. Bellatrix pris la baguette de son voisin, Thorfinn Rowle, et la pointa sur Molly Prewett, qui leva les mains en signe d'apaisement.


– Du calme, dit celle-ci, tandis qu'Arthur Weasley s'interposait. Je ne voulais pas...


– TAIS-TOI !


– Bella, on s'en va, supplia Narcissa en essayant de lui prendre la main.


Bellatrix était dans un état de grande détresse. Sa poitrine se soulevait et s'abaissait à toute vitesse, et ses yeux exorbités allaient d'Arthur Weasley à Molly Prewett, comme si elle réfléchissait auquel des deux elle allait tuer en premier.


– Bella...


CORPUS FATALIA ! hurla Bellatrix en direction de Molly Prewett.


Une boule noire jaillit à l'extrémité de sa baguette, et atteignit Molly Prewett en pleine poitrine. Il y eut un moment de flottement, pendant lequel tout le monde eut les yeux rivés sur Molly. À l'endroit où le sortilège l'avait touchée, une tache noire venait de naître, et s'élargissait sur sa peau à une vitesse invraisemblable. Molly Prewett s'effondra sur le sol, et Arthur Weasley se mit à crier :


– Molly ! MOLLY ! AU SECOURS !


Plusieurs professeurs accoururent en même temps. Le Professeur McGonagall se pencha sur Molly Prewett, et prononça plusieurs formulent qui stoppèrent la progression de la tache obscure.


– Il faut l'emmener à Sainte-Mangouste, de toute urgence, dit-elle d'une voix sourde.


Arthur Weasley semblait sur le point de défaillir, et McGonagall l'autorisa à les accompagner à Sainte-Mangouste. Dumbledore décida de s'entretenir immédiatement avec Bellatrix, et au vu des frémissements de colère qui parcouraient sa barbe argentée, ça n'était certainement pas une bonne nouvelle. Le reste des professeurs encercla le petit groupe de Serpentard, et les somma de regagner immédiatement leur dortoir. 


Les élèves, encore sous le choc, regardèrent Bellatrix s'éloigner avec un mélange de crainte et d'admiration.


– Elle a appris ça où ? demanda Rodolphus Lestrange à Andromeda, visiblement envieux.


– Balèze, dis donc, renchérit Rabastan Lestrange, son petit frère.


– Elle l'a bien calmée, la rouquine !


– Tais-toi, Yaxley, on va t'entendre !


Ils regagnèrent leur salle commune, escortés par le professeur Slughorn, qui conseilla vivement aux jeunes Serpentard de rester dans leurs dortoirs – contrairement à leurs habitudes. Ils franchirent une porte de pierre découpée dans un mur nu et humide, et pénétrèrent dans une longue pièce souterraine aux murs et aux plafonds de pierre brute. Des lampes rondes et verdâtres étaient suspendues à des chaînes et un feu brûlait dans une cheminée au manteau gravé de figures compliquées.


Narcissa et Andromeda se séparèrent du reste du groupe pour rejoindre le dortoir des filles. Elles montèrent un petit escalier en colimaçon, étroit et glissant, et entrèrent dans une grande pièce confortable, remplie de lits à baldaquins tendus de velours vert émeraude. Sur l'un d'eux, Carla Avery et Juliet Selwyn étaient lancées dans une grande discussion dans laquelle il était question de Lucius Malefoy et du fait qu'il avait presque souri à Juliet Selwyn au moment où elle faisait semblant de tomber dans les escaliers pour attirer son attention.


À côté d'elles, Daisy essayait de participer à la conversation, mais Carla et Juliet ne lui laissaient jamais le temps de dire quelque chose.


– Cissy ! s'exclama joyeusement Daisy en les voyant arriver, ravie de se soustraire aux discussions futiles de Carla et Juliet.


Mais son sourire se figea dès qu'elle aperçut les mines défaites d'Andromeda et de Narcissa.


– Oh... Tout va bien, les filles ? Où est Bellatrix ?


Au bord des larmes, Narcissa lui raconta ce qu'il venait de se passer. Daisy et Andromeda aidèrent Narcissa à ranger ses affaires, et elles s'installèrent autour d'elle sur son lit, en déployant des efforts considérables pour la rassurer. Elles veillèrent jusque tard dans la nuit pour attendre Bellatrix, qui rentra dans le dortoir vers deux heures du matin. Elle ressemblait à un fantôme, complètement abattue.


– Cette fois, c'est fichu, dit Bellatrix en s'asseyant mécaniquement entre ses deux sœurs. Je suis renvoyée. C'est fini.


 


Le lendemain, Dumbledore réunit tous les élèves dans la Grande Salle, afin de les informer de sa décision. Il commença par annoncer que Molly Prewett était tirée d'affaire, ce qui provoqua des soupirs de soulagement bien au-delà de la table des Gryffondor, puis il déclara avec gravité :


– Poudlard est une école de tolérance et de savoir-vivre, dans laquelle tous les élèves doivent se sentir en sécurité. Hier, Bellatrix Black a gravement agressé une autre élève, mettant les jours de celle-ci en danger. Ce comportement n'a pas sa place entre ses murs. C'est donc le cœur lourd que j'ordonne son renvoi définitif de Poudlard, ainsi que la destruction de sa baguette.


Il était rare qu'une année à Poudlard commence de façon aussi sinistre. Même Arthur Weasley ne montrait aucune satisfaction de ce qu'il se passait.


Ceux qui souhaitaient dire au revoir à Bellatrix la suivirent jusqu'à la sortie, où Dumbledore lui remit les deux morceaux de sa baguette. Lorsque Bellatrix regarda les deux morceaux de bois, devenus inutiles, des larmes brillèrent aux coins de ses yeux. Narcissa se sentait écrasée par la culpabilité : c'était pour elle que Bellatrix s'était mise en danger, en allant dans l'Allée des Embrumes. C'était à cause d'elle que Bellatrix avait agressé Molly Prewett. C'était à cause d'elle que tout ça arrivait.


– La maison de Serpentard va te regretter, lui souffla Antonin Dolohov, l'un des préfets, un garçon au visage tordu et à la réputation douteuse. On te vengera, un de ces quatre, c'est promis.


Andromeda et Narcissa l'embrassèrent avec effusion, les larmes aux yeux, en la priant de prendre soin d'elle. Mais rien de tout ça ne rendit le sourire à Bellatrix. Elle ne réagit ni aux embrassades, ni aux encouragements, ni aux recommandations, et se contenta de traîner sa valise vers la sortie, comme si elle marchait vers l'échafaud.


Alors qu'elle regardait Bellatrix s'éloigner, Narcissa aperçut Dumbledore se mettre un peu en retrait pour empêcher quelqu'un de rentrer dans l'école.


L'interlocuteur de Dumbledore était un homme que Narcissa n'avait jamais vu, qui devait avoir à peine quarante ans, vêtu élégamment, assez séduisant. Ils étaient loin, mais le silence total qui régnait permettait à Narcissa de distinguer quelques-unes des phrases qu'ils s'échangeaient.


– Tom, tu vois bien que ce n'est pas le moment ! grondait Dumbledore. Tu n'as absolument pas le droit de rentrer dans le château !


– Professeur, je voulais simplement retourner sur les lieux de mon enfance... Rencontrer quelques élèves...


L'inconnu parlait d'une voix doucereuse, que Narcissa trouva assez désagréable.


– Non, Tom. Tu sais pertinemment que les personnes extérieures ne peuvent pas rentrer dans l'école... Et surtout par un jour comme celui-ci.


Dumbledore était très calme, mais dégageait pourtant une autorité impressionnante.


– Je ne vous pensais pas aussi ingrat, professeur... Après tout ce que j'ai fait pour cette école... Je n'en ai pas pour très longtemps, je serai de retour dans un instant...


– Combien de fois devrais-je te le répéter, Tom ? Si tu veux que nous discutions, je t'invite à m'adresser un courrier. Tu ne peux pas te présenter ici, à l'improviste... Et changer de visage n'y remédiera pas. Maintenant, va-t’en, s'il te plaît. Je ne voudrais pas avoir à demander à Picott de te raccompagner vers la sortie.


Narcissa fut distraite de leur querelle par Andromeda qui la tirait par la manche.


– Narcissa, regarde, le professeur Slughorn ! Allons le voir, il pourra sûrement faire quelque chose pour Bellatrix !


– Andromeda, c'est trop tard...


Mais déjà, elle s'élançait avec candeur au-devant du professeur, qui observait la scène avec accablement, assis sur un muret.


– Professeur Slughorn !


Ce dernier leur accorda à peine un regard, dévasté.


– Oui, mademoiselle... Vous êtes ?


– Andromeda Black, mais...


– Ah, oui... Mais malheureusement, vous n'êtes pas aussi douée que votre sœur, ce serait trop beau... Comment vais-je retrouver une prodige pareille ?


Andromeda fit mine de ne pas être vexée.


– Non, justement, je...


– Quel malheur, ce renvoi ! Les élèves comme votre sœur se font rares, vous savez ?


– Justement ! bondit Andromeda. Vous ne pouvez rien faire pour éviter ça ?


– Si seulement ! pesta Slughorn. Ma pauvre petite, si vous saviez comme j'ai plaidé sa cause auprès des autres professeurs ! Une petite entourloupe comme celle-là, ça arrive à tout le monde, non ? Bellatrix a toujours été fragile, ils auraient pu faire preuve de compréhension ! Enfin, il semblerait que la parole de Minerva ait eu plus de poids que la mienne dans cette histoire...


Alors qu'Andromeda s'apprêtait à insister, l'inconnu qui se disputait avec Dumbledore quelques instants plus tôt se présenta devant le professeur Slughorn et éclipsa les deux sœurs Black à sa vue.


– Professeur Slughorn, il faut que vous m'aidiez, déclara-t-il d'une voix rauque.


– Tom ! Quelle bonne surprise ! Tu es dans une forme éblouissante, par rapport à la dernière fois ! Alors, j'ai appris que tu ne travaillais plus chez Barjow et Beurk ? J'en suis ravi, c'était une idée saugrenue... Ah, te voir me console un peu, en ce triste jour...


– Professeur...


– Mais qu'avez-vous tous, aujourd'hui, à venir quémander mon aide ? s'exclama Slughorn, soudain enjoué. Je sais que je suis un professeur influent, mais tout de même...


– Je dois rentrer dans le château, dit l'inconnu. Je dois... Je dois vérifier quelque chose.


En effet, l'homme avait le teint pâle et semblait anxieux.


– J'ai bien peur que ce ne soit pas possible, Tom, dit le professeur Slughorn, embarrassé. Tu sais bien que Dumbledore...


Le dénommé Tom serra les dents, exaspéré.


– J'aurais espéré un peu plus de volonté de votre part, professeur.


– Oh, allons, Tom, tu sais très bien que j'ai tout fait pour convaincre Armando, à l'époque ! Je sais à quel point les élèves de Poudlard auraient profité de ton enseignement. Malheureusement, Dumbledore n'apprécie pas les fortes têtes... Regarde, celle qui s'en va, c'est une de mes meilleures élèves... Quel gâchis...


Tom regarda par-dessus son épaule, et fixa Bellatrix qui traînait rageusement sa valise derrière elle.


– Tiens, mais je l'ai déjà rencontrée... Oui, c'est bien cela, il y a à peine quelques jours, dans l'Allée des Embrumes... Qu'a-t-elle fait ?


– Elle s'est battue avec une autre élève... Avec le sortilège Corpus Fatalia... Sa pauvre adversaire a failli y passer ! Comme c'est malheureux... Tu en connais, toi, des élèves de cinquième année qui maîtrisent des sortilèges d'une telle puissance ? Oh, ma pauvre Bellatrix, elle aurait pu faire des choses fabuleuses... Je ne sais pas pour quel motif elles se sont disputées, mais elle a lancé le sortilège avec tellement de hargne que même le professeur McGonagall a eu du mal à y remédier, et la petite a dû être transportée à Sainte-Mangouste de toute urgence...


– Intéressant, commenta l'inconnu à voix basse. Comment s'appelle-t-elle ?


– Bellatrix Black. Oh, vraiment, cela me désespère de la voir partir. Si vive, si brillante ! J'étais le seul à avoir vraiment conscience de son génie ! Elle me ferait presque penser à toi. Elle t'aurait plu, tu sais, quand tu avais son âge.


L'inconnu continuait de fixer Bellatrix, pensif, jusqu'à ce que Slughorn l'interrompe dans sa réflexion.


– Oh, tiens, Picott arrive par ici... Tu ferais mieux de déguerpir, Tom. Bon courage mon garçon, les temps sont durs pour les sorciers talentueux ! N'hésite pas à me tenir au courant de tes affaires, d'accord ?


Les deux hommes échangèrent une poignée de main furtive, et le dénommé Tom s'éloigna à grandes enjambées. Tout en se dirigeant vers la sortie, il gardait son regard fixé sur Bellatrix qui s'éloignait, la tête basse.


Narcissa et Andromeda avaient écouté toute leur conversation sans qu'ils ne leur accordent la moindre attention.


– Qui est-ce, professeur ? demanda timidement Andromeda, lorsque l'inconnu fut hors de portée de voix.


– Le meilleur élève que j'aie jamais eu, répondit rêveusement le professeur Slughorn. Il s'appelle – oh, il déteste ce nom, mais comment l'appeler autrement ? Il s'appelle Tom Jedusor.

End Notes:

TADAMMMM !

J'espère que ce chapitre vous a plu. N'hésitez pas à me dire si vous voyez des choses à améliorer.

Sans surprise, le prochain s'appellera : Tom Jedusor...

À très vite ❤️

Tom Jedusor by mathvou1
Author's Notes:

Dans le Poudlard Express, Bellatrix fait la rencontre qui va bouleverser sa vie... Voici les premiers échanges entre elle et celui qui la mènera tout droit à sa perte.

Bonne lecture à tous ❤️

Bellatrix traîna sa valise, horriblement lourde, jusqu'à Pré-au-Lard, où le Poudlard Express l'attendait. Sa tête était vide, stérile. Elle n'arrivait à penser à rien, à part ceci : elle ne pourrait plus jamais exercer la magie.


Elle ne ressentait aucun remords à propos de ce qu'elle avait fait à Molly Prewett, bien au contraire. Quitte à être renvoyée, elle aurait dû aller jusqu'au bout. Au moins, elle serait en route vers Azkaban, qui était une destination mille fois préférable au 12, square Grimmaurd, où l'attendaient ses parents et la tante Walburga. Et puis, dans sa cellule, personne ne serait venu la narguer avec une baguette. Maintenant, elle allait devoir supporter la vision de ses sœurs qui progressaient, la surpasseraient même, tandis qu'elle stagnerait chez elle comme une vulgaire Cracmol...


À cette pensée, l'estomac de Bellatrix se tordit violemment, et elle eut l'impression que sa tête allait se fendre en deux. Sa vie, sans la magie, était absolument inenvisageable. Elle trouverait un moyen de retrouver une baguette, ou bien elle se jetterait par la fenêtre.


Une fois cette décision prise, elle se sentit un peu mieux. Oui, il devait sûrement y avoir une solution... Peut-être qu'Orion pourrait l'aider. Après tout, il collaborait avec les plus grands malfaiteurs de leur époque, il savait sûrement comment déjouer les lois du monde sorcier.


Distraite, elle hissa son énorme valise dans le Poudlard Express, en pestant contre le poids de celle-ci. Si seulement elle pouvait utiliser la magie, rien que pour la soulever de quelques centimètres... Elle la traîna entre les sièges de velours rouge, mais une anse en cuir se coinça dans un des accoudoirs. D'un geste rageur, elle tira fermement sur sa valise pour la dégager, mais une des coutures se déchira et une partie de ses affaires se déversa sur le sol. En voyant sa valise ainsi éventrée, et ses livres de magie qui s'échappaient par le trou béant, Bellatrix se laissa à nouveau gagner par la fureur.


– C'est pas vrai, mais c'est pas vrai ! Foutue valise, fichue école ! Je les déteste, je les DÉTESTE ! rugit-elle.


Elle frappa du pied contre sa valise, et envoya valser des livres et des vêtements à travers le wagon. Sa colère était si forte que les vitres s'assombrirent, et une des lampes à gaz éclata à côté d'elle, projetant des morceaux de verre sur les banquettes moelleuses qui se trouvaient dans le wagon.


– Besoin d'aide, jeune fille ?


Bellatrix fit volte-face, le cœur battant à tout rompre. Elle était persuadée que le Poudlard Express serait complètement vide, et elle était tellement plongée dans ses ruminations venimeuses à propos de Poudlard et de Molly Prewett qu'elle n'avait pas remarqué cet homme d'une quarantaine d'années, à l'apparence soignée, qui venait à sa rencontre. 


– Oh, excuse-moi, je ne voulais pas te faire peur, dit l'homme avec courtoisie.


– Ce n'est rien, se rattrapa Bellatrix en se tamponnant précipitamment le coin des yeux. Je... Je pensais que j'étais seule.


L'homme désigna sa valise avec amabilité.


– Un coup de main, peut-être ?


Bellatrix considéra le fatras de vêtements et de livres qui encombrait le couloir du train. Elle hocha très légèrement la tête, et l'homme sortit aussitôt sa baguette. Sans qu'il ait prononcé le moindre mot, ni esquissé le moindre geste, les affaires reprirent place dans la valise, qui retrouva aussitôt son intégrité, et qui monta dans le compartiment à bagages. Les bouts de verre, également, se rassemblèrent à nouveau autour de la lampe à gaz, qui se ralluma tout naturellement.


Bellatrix sourit pour la première fois de la journée. L'inconnu lut l'étiquette de la valise, qui pendait à hauteur de ses yeux.


Black... Ton nom m'est familier... Tu viens d'une très noble famille, n'est-ce pas ?


– Oui, tout à fait...


– Et ton prénom est... ?


– Bellatrix. Bellatrix Black.


L'inconnu hocha la tête avec une admiration un peu exagérée.


– Ça sonne bien.


– Oui, je trouve aussi.


Il désigna les deux sièges les plus proches.


– Je t'en prie, Bellatrix, assieds-toi.


Surprise par autant de galanterie, Bellatrix s'installa sur un des sièges. Satisfait, l'inconnu prit place à côté d'elle, tout en la regardant avec une étrange insistance.


– Nous nous sommes déjà rencontrés, je crois...


Bellatrix en profita pour détailler son visage parfaitement sculpté. Malgré son âge, il était très agréable à regarder, avec des pommettes bien dessinées et de grands yeux sombres.


– Chez Barjow & Beurk, répondit-elle, le cœur battant. Je venais y vendre le coffret du Sorcier au Cœur Velu.


L'inconnu fit mine de réfléchir un instant.


– Ah ! Mais oui, je me souviens ! J'étais très admiratif qu'une personne aussi jeune que toi s'intéresse d'aussi près à la magie noire. Quel âge as-tu, au juste ?


– Quinze ans.


– Quinze ans ! Alors tu es encore plus brillante que je ne le pensais.


Bellatrix rosit de fierté.


– Eh bien, Bellatrix, je suis enchanté de faire ta connaissance. Je m'appelle Tom. Tom Jedusor.


Bellatrix lui serra la main, ravie. Ce n'était pas habituel qu'un adulte s'adresse à elle sur un pied d'égalité.


– Pourquoi retournes-tu à Londres ? Il est rare de rencontrer des élèves dans ce train, à cette période de l'année.


– Oh, euh... Une petite urgence familiale, rien de plus...


– Tu dois être contente, de quitter cette école si détestable.


Bellatrix crut avoir mal entendu. À part son oncle Orion, rares étaient les adultes qui critiquaient l'école de sorcellerie.


– Si détestable... ?


– Ne me dis pas que tu t'y plais ? Sinon, tu ne serais pas dans ce train, je me trompe ?


– En fait, je viens d'être renvoyée, avoua Bellatrix.


Contre toute attente, Tom Jedusor n'eut pas l'air surpris, ni choqué le moins du monde par cette révélation.


– Ça ne m'étonne pas.


– Comment ça ?


– Tu sais, le professeur Slughorn m'a beaucoup parlé de toi, ce matin. Tu as l'air d'être vraiment douée...


Il laissa sa phrase en suspens, pour donner de l'effet à sa flatterie.


– Tu ne trouves pas que les cours qu'on donne à Poudlard sont d'une simplicité effarante ? poursuivit-il. Que les professeurs récompensent toujours de petits moutons médiocres, au détriment de ceux qui, comme nous, ont vraiment du talent ? Tu n'as pas l'impression que personne, à Poudlard, ne t'apprécie à ta juste valeur ?


Bellatrix hésita à répondre franchement. Et si c'était Dumbledore qui avait envoyé cet homme, pour qu'elle avoue tout le mal qu'elle pensait de cette école ?


– Le professeur Slughorn est intéressant.


– Oui, c'est bien le seul qui m'ait appris des choses... Mais tu sais, pour les gens comme nous, Poudlard ne fait que restreindre nos capacités ! Il y a tellement de choses passionnantes à apprendre en magie, et que Poudlard veut nous cacher...


Les yeux de Bellatrix brillaient. On ne lui avait jamais fait autant de compliments, ni parlé de choses aussi excitantes.


– La magie noire, par exemple ? osa-t-elle.


– Surtout la magie noire ! Tu n'as pas idée de ce que tu serais capable de faire, seulement avec ta baguette. Franchement, c'était dans l'intérêt de Dumbledore de te renvoyer. Je suis sûr qu'il avait peur de toi. 


Ils furent interrompus par l'ouverture de la porte du wagon, suivi du tintement d'une clochette.


– Ah, tiens, voilà cette vieille folle qui vend des bonbons, toujours la même ! Tu aimes ça, les friandises ?


Bellatrix se mordit la lèvre. Peut-être trouverait-il cela puéril, si elle lui avouait à quel point elle adorait se goinfrer de Chocogrenouilles.


– Bonjour, mes trésors, dit la petite dame replète. Vous prendrez bien une sucrerie ?


– On prend tout, déclara Tom Jedusor.


Bellatrix écarquilla les yeux avec gourmandise.


– Oh ! Très bien, ça fera douze gallions, déclara la dame au chariot, sans se départir de son sourire.


Alors que Bellatrix s'attendait à voir Jedusor sortir la somme d'argent de sa poche, le visage de celui-ci changea. Ses prunelles s'obscurcirent, ses traits se durcirent, sa mâchoire se resserra, et il parla d'une voix qui semblait venir d'outre-tombe :


– Nous n'allons rien payer. Tu vas nous donner tout le contenu de ce chariot, sans rien nous demander en échange.


Les traits de la vieille dame se figèrent, et tout son corps se raidit.


– Oui, Maître, bien sûr, Maître, dit-elle avec une voix mécanique.


Elle déversa une montagne de confiseries sur la table, et remporta son chariot vide, avec une démarche anormalement saccadée. Les traits de Tom Jedusor reprirent leur aspect séduisant, et il se tourna vers Bellatrix avec fierté.


– Alors ?


– C'est un Sortilège Impardonnable, constata Bellatrix, impressionnée. Le sortilège Imperium.


– Décidément, tu en sais des choses... Ça te fait peur ?


– Oh non ! Au contraire !


– Je peux t'apprendre, si tu le souhaites.


Bellatrix n'en croyait pas ses oreilles.


– Vraiment ?


– Ça, et bien d'autres choses, confirma Tom Jedusor avec un sourire envoûtant.


Soudain, Bellatrix s'assombrit.


– De toute manière, ça ne servirait à rien. Je n'ai même plus de baguette.


– Une baguette peut être réparée, assura Tom Jedusor. Je peux jeter un coup d'œil à la tienne, je suis certain que ça ne sera pas difficile.


– C'est vrai ? Vous... Vous feriez ça ?


– Bien sûr, Bellatrix, bien sûr...


Le reste du trajet passa à toute vitesse. Tout en se délectant de leurs acquisitions gourmandes, Bellatrix lui raconta la cohabitation difficile au 12, square Grimmaurd, son expédition dans l'Allée des Embrumes, et enfin, le duel avec Molly Prewett et comment elle avait été injustement renvoyée. Tom Jedusor l'écoutait attentivement, et ne l’interrompait que pour abonder dans son sens, ou pour s’extasier devant son courage, sa dextérité et son sens de l'initiative.


Alors que le train s'approchait de Londres, il lui donna rendez-vous dans un des établissements de l'Allée des Embrumes, tout en lui donnant des recommandations sur la manière de camoufler son visage, et les horaires de surveillance des Aurors, afin qu'elle passe inaperçue. Bellatrix s'empressa d'accepter, aux anges.


Au moment de le quitter, elle osa lui demander :


– Excusez-moi, Mr Jedusor, je me demandais... D'où vient votre nom ? Je ne l'avais jamais entendu auparavant.


Tom Jedusor eut l'air froissé, puis se ressaisit.


– Ce nom n'est pas digne de moi. Mais ne t'en fais pas, j'aurai bientôt un autre nom ; et celui-ci, tout le monde le connaîtra... À demain, Bellatrix Black !


À l'arrivée du train, personne n'était venu la chercher, et elle avait mal au cœur à cause de toutes les friandises qu'elle avait ingurgité. Mais Bellatrix s'en fichait : elle avait passé une excellente journée.


 


Le lendemain, Bellatrix retourna dans l'Allée des Embrumes. Cette fois-ci, elle était munie d'une longue cape noire, et un épais capuchon recouvrait son visage et ses cheveux. Elle était folle d'excitation : elle s'était échappée de la maison, alors que tout le monde dormait, enfreignant ainsi un nombre considérable de règles.


Elle se fraya un chemin entre les flaques visqueuses et les mendiants éborgnés qui s'amoncelaient dans l'obscurité, en prenant bien soin de se tourner vers le mur lorsqu'elle croisait des passants à l'allure trop proprette. Dans les vitrines, elle vit des bocaux remplis d'ongles humains ou d'araignées vivantes, de la bouse de dragon en pot, ou encore des têtes humaines réduites. Elle déchiffra tant bien que mal les enseignes inscrites au-dessus des devantures : Barjow & Beurk, bien sûr, où elle avait vendu le coffret du Sorcier au Cœur Velu ; et les suivantes, Le Cerveau Flou, À La Corne Rouge, ou encore Cingus & Barbefolle, où son ami Thorfinn Rowle avait un jour acheté un Bathynome Chevelu – qui avait fini écrasé sous la chaussure de Corban Yaxley, mais c'était une autre histoire.


Bellatrix s'arrêta devant une devanture aux vitres si épaisses qu'on voyait à peine ce qui se passait à l'intérieur. Au-dessus de la vitrine, on pouvait déchiffrer des inscriptions mal entretenues : Au Serpent qui fume. Le tout était souligné par un long serpent vert, grossièrement gravé dans le bois, et une fumée opaque s'échappait par un petit trou au niveau de la langue fourchue du serpent.


Elle entra en poussant la petite porte grinçante. Le bar était désert, à l'exception d'un petit homme courbé, qui devait être le patron de l'établissement. Celui-ci, accoudé à un comptoir crasseux, d'une couleur indéterminée, remplissait des chopes d'un liquide vert et phosphorescent. Derrière lui étaient alignés des dizaines de tonneaux fendillés, d'où gouttaient différentes boissons non identifiables. En l'apercevant, l'homme lui adressa un sourire édenté :


– Bienvenue, ma jolie. Prends un verre, le Maître ne va pas tarder à arriver.


Impressionnée par cette appellation, Bellatrix prit place au comptoir et prit le verre que lui tendait le barman. Le contenu était un peu épais, mouvant, et de temps à autre, une bulle verte remontait à la surface et éclatait en éclaboussant les rebords du verre.


– Qu'est-ce que c'est ?


– Du Bigoliard, grogna le barman. Ça, t'en trouveras jamais au Chaudron Baveur, je peux te l'assurer...


Bellatrix n'en avait jamais entendu parler, ce qui attisa encore davantage sa curiosité. Elle trempa ses lèvres dans le liquide phosphorescent, et en prit une minuscule gorgée : la boisson lui brûla les lèvres, la bouche et l'œsophage, et elle dut s'ébrouer pour se débarrasser de cette horrible sensation.


– Ça fait toujours bizarre, la première fois, ricana le barman. Mais tu verras, on s'habitue vite. Le Maître m'a dit que tu n'avais pas froid aux yeux.


Bellatrix acquiesça, rayonnante. Tom Jedusor lui avait donc parlé d'elle ! Elle reprit une gorgée, qui lui sembla déjà un peu moins désagréable.


– Quand arrivera-t-il ?


– Oh, avec lui, on ne sait jamais vraiment. Mais ne t'en fais pas, il avait l'air d'avoir très envie de te voir...


L'impatience de Bellatrix augmenta encore d'un cran. Elle eut beaucoup de mal à rester assise, et pour se distraire, elle se mit à lire les noms des différentes boissons, inscrits sur les fûts : le Brulator, le Têtournis, le Décroche-panse... Les liquides que le barman manipulait étaient tous de la même texture visqueuse, mouvante et effervescente.


Sur les murs qui n'étaient pas recouverts de barriques, des tableaux s'alignaient, tous plus macabres les uns que les autres. Bellatrix reconnut des représentations d'Inferi, avec leurs yeux blancs au regard flou, enfoncés dans leurs orbites. Il y avait également un portrait de Salazar Serpentard qui dormait en ronflant légèrement, et un autre de Sylis Parkinson, l'auteure du livre Magie Noire : apprenez à punir et à tuer vos ennemis comme il se doit, que Bellatrix avait lu de multiples fois lors de ses vacances au 12, square Grimmaurd – au grand désespoir de son père, évidemment.


 


Tard dans la nuit, alors que Bellatrix avait commencé à somnoler, la porte d'entrée grinça et Tom Jedusor entra, sans se presser. Bellatrix avait fini de boire son verre de Bigoliard, et la tête lui tournait un peu, mais elle vit très nettement le sourire enjôleur qui se dessina sur les lèvres de Tom Jedusor lorsque celui-ci s'approcha d'elle.


– Ah, Bellatrix, je suis si heureux de te voir, dit-il en posant une main sur son épaule. J'avais très peur que tu ne viennes pas.


Toute la fatigue de Bellatrix s'envola aussitôt. Le patron du bar s'inclina devant Tom Jedusor, et plaça un verre de liquide rouge sombre devant lui. Celui-ci ne lui adressa pas un mot, et n'avait manifestement aucune intention de s'excuser, ni d'expliquer son retard.


– Alors, tu as bien réfléchi ? demanda-t-il à Bellatrix.


Elle fronça les sourcils, perplexe.


– Réfléchi ? À quoi donc ?


Tom Jedusor but une gorgée de son verre, et le recracha aussi sec.


– Burton ! Qu'est-ce que c'est que cette horreur ?


Le barman se précipita, manifestement affolé à l'idée d'avoir pu froisser Jedusor.


– Qu'y a-t-il, Maître ?


– Ce Brulator est infect ! rugit Tom Jedusor. Comment oses-tu me servir cette infamie ?


Un instant, Bellatrix crut voir un éclat rouge briller dans ses yeux, mais elle se dit que ce devait être un reflet du contenu de son verre. Le barman se répandit en excuses, et plaça un nouveau verre devant Jedusor, en se tenant le plus loin possible de celui-ci.


Jedusor porta le verre à ses lèvres, sous le regard anxieux du barman.


– Ça ira, dit-il après avoir dégluti.


Burton poussa un soupir de soulagement, et se détourna en marmonnant :


– Ces satanés Yaxley m'ont encore roulé... Ils vont m'entendre, ces gredins...


Jedusor reprit une expression aimable et détendue, et s'adressa de nouveau à Bellatrix.


– Excuse-moi, Bellatrix... Où en étions-nous ? Ah, oui, je disais donc...


Il se cala confortablement sur son siège, et s'approcha encore un peu d'elle.


– Je suis prêt à t'apprendre beaucoup de choses, comme je te l'ai déjà dit. Mais auparavant... Je dois connaître tes motivations.


– Mes motivations ?


– J'ai besoin de savoir pourquoi tu es là. Je veux savoir à quoi tu emploieras tout ce que je vais t'apprendre.


Bellatrix fut décontenancée par cette question. Elle n'avait jamais vraiment réfléchi au sens qu'elle souhaitait donner à sa vie. L'idée de puissance la galvanisait, c'était une certitude, mais elle ne s'était jamais interrogée sur la manière dont elle souhaitait l'utiliser.


– Que penses-tu des Moldus ? demanda Jedusor.


– Des... Des Moldus ?


– Vas-tu répéter bêtement tout ce que je te dis ? siffla soudain Jedusor en tapant du poing sur la table.


Bellatrix sursauta. En un instant, les yeux de son interlocuteur étaient devenus rouge vif, ses traits s'étaient brouillés et sa peau avait pris une teinte cireuse inquiétante. Soudain secoué de tremblements, il sortit une fiole rouge de sa poche, et la but d'un trait.


– Excuse-moi, se rattrapa-t-il en reprenant son apparence initiale. Je ne voulais pas te faire peur.


– Je n'ai pas peur, rétorqua Bellatrix, plus intriguée qu'effrayée.


Toute trace de colère disparut sur le visage de Tom Jedusor, aussi soudainement qu'elle était apparue. 


– Reprenons, dit-il en souriant de nouveau. Tu étais dans la maison Serpentard, il me semble ?


– Oui, répondit Bellatrix, soulagée d'entendre une question à laquelle il était facile de répondre.


– Bien. Et si je te disais que j'étais le dernier descendant de Salazar Serpentard... Et que j'avais la ferme intention de réaliser son vœu le plus cher, à savoir éradiquer tous les Moldus et leurs apparentés de la surface de la Terre ?


– Érad...


Bellatrix se mordit la langue pour ne pas commettre une nouvelle bévue. Elle prit quelques secondes pour assimiler ce que Jedusor venait de dire.


– Je n'ai jamais imaginé que c'était possible, souffla-t-elle.


– Et pourtant, tu as tort... Car bientôt, le monde que nous connaissons va s'écrouler. Je vais le détruire... Nous allons le détruire, le débarrasser de tous les êtres indignes qui nous oppressent... Et reconstruire un monde nouveau, à notre image, un monde pur, où plus aucune goutte de cet immonde sang moldu ne coulera dans les veines de notre descendance...


Les lèvres de Tom Jedusor bougeaient à peine. Bellatrix buvait ses paroles, enveloppée par son regard brûlant. Elle n'avait jamais osé rêver entendre de telles choses. Elle avait l'impression que le monde entier s'était tu autour d'eux, que Burton et tout le reste avait été avalé par la Terre, que plus rien n'existait à l'exception de Tom Jedusor. Elle pensait avoir rencontré un simple professeur de magie noire, et voilà que celui-ci venait d'abattre devant elle les limites du possible, et de lui proposer d'atteindre avec lui la domination du monde.


– Je reformule ma question : en échange de tout ce que je vais t'apprendre, acceptes-tu de m'assister dans cette noble tâche ?


Bellatrix revint brutalement à la réalité. L'espace de quelques instants, elle avait visualisé le monde dont Tom Jedusor parlait, et celui-ci lui semblait infiniment plus exaltant que l'existence étroite et médiocre qu'elle avait vécu jusqu'ici.


– Oh, oui, murmura-t-elle avec émotion.


Tom Jedusor l'observa quelques instants.


– Je dois te prévenir, Bellatrix, dit-il d'une voix douce. J'ai déjà eu de nombreux... amis, par le passé, et aucun d'entre eux ne s'est montré à la hauteur de mes attentes...


– Moi, je le serai ! bondit Bellatrix.


Elle avait haussé la voix, poussée par l'émotion. Tom Jedusor fit une moue satisfaite, et héla Burton qui s'affairait un peu plus loin.


– Serviteur ! Je crois que ma nouvelle élève est prête. Viens, Bellatrix, suis-moi.


Ils passèrent derrière le comptoir. Tom Jedusor ouvrit le robinet d'un des tonneaux, sur lequel figurait l'inscription Trapouvert, et un fluide noir épais se répandit sur le sol. Sous les yeux stupéfaits de Bellatrix, celui-ci prit la forme d'un large rectangle, et s'évapora progressivement en larges volutes noires, qui obscurcirent momentanément la vision de Bellatrix. Lorsque les volutes se dissipèrent, elle écarquilla les yeux : une trappe venait de se découper dans le plancher.


Tom Jedusor fit un geste de la main, et la trappe s'ouvrit, découvrant un escalier en pierre noire, qui s'enfonçait dans les profondeurs de la Terre.


– Après toi, Bellatrix, lui dit-il avec un geste galant.


Bellatrix descendit avec assurance, malgré l'humidité glaciale qui la saisit dès les premières marches, et l'odeur âcre qui lui chatouilla désagréablement les narines. Au fur et à mesure qu'elle progressait, des torches s'allumaient le long des murs suintants. En bas de l'escalier, elle se retrouva face à un rideau constitué de dents en collier, qu'elle traversa d'un pas résolu.


Des torches s'allumèrent le long des murs. La pièce qui se trouvait de l'autre côté était immense et ponctuée de piliers en pierre, auxquels d'autres torches ardentes étaient accrochées. Au milieu de la pièce trônait une immense console en marbre noir ; dans un recoin, Bellatrix aperçut des marmites où bouillonnaient toutes sortes de philtres et de décoctions ; un peu plus loin, elle pouvait voir des bocaux remplis d'ossements, des objets ensanglantés et des inscriptions en runes anciennes qui recouvraient les murs. Elle sourit de façon incontrôlable en imaginant la tête de ses camarades de Poudlard, lorsqu'elle leur raconterait la journée qu'elle venait de passer.


Tom Jedusor apparut à sa suite, et embrassa la salle du regard. Dès qu'il entra, la surface de la console en marbre qui se trouvait au centre de la pièce prit feu, et un immense brasier éclaira la pièce jusque dans ses moindres recoins.


– Ici, je t'apprendrai à maîtriser la magie noire mieux que personne, dit Tom Jedusor. Toi, tu n'auras qu'une chose à faire...


Un fin sourire étira ses lèvres.


– Te montrer à la hauteur de la confiance que je t'accorde.


Bellatrix fit un pas vers lui, les yeux embués. À cet instant, c'était la chose qu'elle désirait le plus au monde.


– Mr Jedusor...


– NE M'APPELLE PLUS AINSI !


Il avait hurlé. Tout en fixant Bellatrix de ses yeux sombres, dans lesquels dansait le reflet des flammes, il rabattit son capuchon noir sur sa tête, et reprit d'une voix doucereuse :


– Ce nom est un faux, Bellatrix. Celui qu'on appelait Tom Jedusor est mort depuis bien longtemps. Mon véritable nom est celui-ci...


Il saisit sa baguette, dont l'extrémité devint rouge comme de la braise, et dessina des lettres qui s'inscrivirent dans les airs, devant les yeux de Bellatrix.


– Lord Voldemort, lut-elle à voix haute.


Et aussitôt qu'elle l'eut prononcé, un frisson désagréable parcourut son corps.


– Je suis Lord Voldemort, le Seigneur des Ténèbres, dit-il d'une voix sépulcrale. Ne m'appelle plus jamais Tom Jedusor, Bellatrix. Tu dois oublier ce nom. Est-ce que tu m'as bien compris ?


Bellatrix hocha la tête avec conviction.


Oui, Maître, dicta Voldemort.


– Oui, Maître, répéta docilement Bellatrix.


– Nous en avons terminé pour aujourd'hui. Ton apprentissage commencera demain... Rendez-vous ici, même heure. À demain, Bellatrix.


– À demain, Mr Je... À demain, Maître.


 


Lorsque Bellatrix fut partie, Voldemort revint s'accouder au comptoir.


– Elle est bien, non ? demanda-t-il à Burton, comme si son avis lui importait.


– Si le Maître en est satisfait, c'est l'essentiel, dit Burton en s'inclinant plus bas que terre. Le serviteur espère simplement qu'elle vous servira mieux que les précédents... Et qu'elle ne sera pas effrayée, lorsque le Maître lui montrera son vrai visage.


Voldemort reprit une gorgée de son breuvage et sourit. L'effet de la Potion de Charme qu'il buvait habituellement pour ne pas effrayer ses interlocuteurs s'était totalement dissipé. Sous son capuchon, ses cheveux bouclés n'étaient plus qu'un fin duvet noir ; sa peau avait repris son aspect cireux, et, à certains endroits, semblait recouverte d'écailles ; ses yeux étaient injectés de sang, et ses pupilles rougeoyaient d'un éclat malveillant.


 

End Notes:

J'espère que ce chapitre vous a plu et que vous trouvez le personnage de Voldemort convaincant !

Merci à AnthusPratensis pour avoir pris le temps de me laisser une review sur le chapitre précédent, c'est toujours très appréciable et encourageant. 

Et merci à vous tous qui me lisez, car je viens de dépasser les 1000 vues :) pour une première histoire, ça me parait déjà fou !

À très bientôt pour la suite, et bonnes vacances à ceux qui me lisent depuis la plage ❤️

Le sens du sacrifice by mathvou1
Author's Notes:

Un chapitre un peu dur, peut-être un peu effrayant pour les plus jeunes d'entre nous. 

Profitez des vacances pour le lire !

Pendant les semaines qui suivirent, Bellatrix baigna dans l'allégresse la plus absolue. Peu lui importaient les réprimandes acerbes de son père, l'inquiétude de sa mère, ou les regards inquisiteurs de sa tante : elle passait la journée à dormir et à rêver de son nouveau professeur, puis se réveillait le soir pour se rendre en secret au Serpent qui fume.


En quelques semaines, Bellatrix avait appris bien plus de choses qu'en quatre années de scolarité à Poudlard. Elle s'était jetée à corps perdu dans l'univers défendu de la magie noire, et avait déjà absorbé un nombre de connaissances absolument faramineux.


Un soir, après avoir descendu les marches en pierre brute qui menait au sous-sol du Serpent qui Fume et traversé le rideau de dents qui la séparaient de Lord Voldemort, Bellatrix eut la surprise de voir le corps d'un homme étendu sur la grande console en marbre. À en croire sa peau verdâtre et son immobilité parfaite, il était mort depuis quelque temps. 


Voldemort se tenait juste à côté de la console, et regardait le cadavre avec attention. Quand Bellatrix entra, il leva les yeux, et la fixa pendant un long moment, comme pour évaluer à quel point elle était digne de sa confiance. Bellatrix se concentra pour que son attitude se rapproche le plus de celle que Voldemort souhaitait voir – celle d'une élève ingénieuse, intrépide, et surtout obéissante.


Finalement, Voldemort prit la parole, avec l'air lui faire une immense faveur :


– Bellatrix... Te souviens-tu de ce que je t'ai expliqué ces dernières semaines, sur la création d'Inferi ?


Bellatrix acquiesça avec ferveur.


– Eh bien, nous allons avoir l'occasion de le vérifier, dit Voldemort. Je reviens dans quelques heures. D'ici là, c'est à toi de faire le nécessaire.


D'un signe de tête, il désigna le cadavre, et lorsque Bellatrix comprit ce qu'il attendait d'elle, elle fit de son mieux pour empêcher l'excitation de lui monter à la tête. Créer un Inferius était un exploit que peu de mages noirs pouvaient se vanter d'avoir accompli, et voilà que Voldemort lui proposait d'essayer. Elle ne s'était jamais sentie aussi valorisée.


Dès que Voldemort eut disparu, Bellatrix s'attela à sa tâche. Elle se souvenait parfaitement de la procédure, d'autant plus précisément qu'elle avait demandé à son cousin Regulus de lui faire réciter les différentes incantations le matin même.


En examinant le matériel dont elle disposait, Bellatrix fut confrontée au premier obstacle : elle disposait d'un chaudron rempli de sang, mais malheureusement, celui-ci était déjà un peu coagulé. Or, le procédé de création d'un Inferius exigeait que les pentacles et les runes soient dessinées avec du sang frais...


Elle savait pertinemment que la magie noire ne tolérait aucune approximation, et que ceux qui osaient s'aventurer sur ce terrain glissant sans en connaître les règles ne survivaient jamais bien longtemps, car la moindre erreur, si petite soit-elle, mettait les sorciers à la merci des forces obscures qu'ils avaient invoquées.


En pensant aux dessins effrayants qui illustraient cette explication dans les innombrables livres de magie noire qu'elle avait lu, Bellatrix prit un des petits poignards rouillés qui se trouvaient dans un des coffres rangés contre le mur, fit une profonde entaille dans la paume de sa main gauche, y plongea deux doigts de la main droite, et commença à dessiner le premier pentacle sur la console, autour du cadavre.


Elle ne connaissait pas l'homme dont il s'agissait, mais à en juger par les haillons qu'il portait, sa vie avait peu d'importance. Son visage était déformé par son dernier cri, mais Bellatrix ne ressentit aucune pitié pour lui. Si le Seigneur des Ténèbres lui avait ôté la vie, il devait y avoir une bonne raison, Bellatrix lui faisait confiance pour cela.


Elle s'appliqua donc à dessiner avec son propre sang les courbes et les runes anciennes qui constituaient le pentacle et les sceaux nécessaire à la création d'un Inferius.


Puis, elle fit sept pas vers un des murs de la pièce, et commença à dessiner un deuxième pentacle, plus petit que le premier. « Je réalise le souhait du Seigneur des Ténèbres », se répétait-elle avec excitation, tout en complétant ses inscriptions.


Ensuite, elle disposa des bougies aux endroits adéquats – quatre dans chaque coin de la pièce, et sept autour de chaque pentacle. Elle vérifia une dernière fois toutes les runes qu'elle avait inscrites, la géométrie irréprochable des courbes qu'elle avait dessinées sur la pierre, puis alla se placer au milieu du deuxième pentacle, en prenant bien soin de ne pas dépasser d'un millimètre.


Elle regarda avec convoitise le cadavre qui était étendu au milieu du grand pentacle. Bientôt, celui-ci serait son esclave, et lui obéirait sans réfléchir. Elle se demanda furtivement ce qu'elle pourrait lui demander de faire, mais elle choisit de se concentrer sur les prochaines étapes, afin d'être certaine de ne commettre aucune erreur. Elle balaya la pièce du regard, afin de s'assurer qu'aucun détail n'avait échappé à sa vigilance, puis se concentra intensément sur le cadavre qui se trouvait devant elle. Elle répéta intérieurement la première incantation, et la prononça d'une traite, en articulant soigneusement.


Aussitôt, la température ambiante chuta d'un coup. Une pellicule de givre tapissa le sol, le sang frais étendu sur la pierre, les cheveux bouclés de Bellatrix et ceux du macchabée. Toutes les bougies s'éteignirent simultanément. Une violente bourrasque fit cliqueter le rideau de dents, et la trappe en bois qui se trouvait en haut de l'escalier s'arqua vers l'intérieur de la cave dans un sinistre grincement métallique. Dans la pénombre de la pièce, une vapeur obscure se détacha du sol ; des bruits de pas émis par des pieds invisibles montèrent du sol de pierre, et des murmures inintelligibles mais incontestablement malveillants sifflèrent aux oreilles de Bellatrix, semblant provenir de tous les endroits à la fois.


Bellatrix sourit : les forces du Mal étaient présentes, prêtes à obéir à ses ordres, ou bien à la terrasser si elle avait la malchance de faire le moindre vice de formule dans la suite du procédé. Elle prononça la deuxième incantation, indifférente à la buée qui s'échappait de ses lèvres. La vapeur obscure ondula lentement, avec réticence, s'achemina le long des lignes de sang tracées par Bellatrix, tout en sécrétant de fins tentacules sifflants qui traquaient avidement la moindre faille dans les sceaux que Bellatrix avait dessinés. Puis la vapeur obscure s'agrégea autour du corps, et pénétra en lui par tous les orifices disponibles ; et progressivement, les bruits de pas et les murmures malveillants s'évanouirent. Et, après un court silence, le corps s'arqua brutalement, sa poitrine inerte aimantée vers le plafond, la tête basculée en arrière, et plusieurs voix aiguës poussèrent un long cri glaçant et assourdissant. Bellatrix sursauta, mais resta bien en place : elle s'attendait à des tentatives de déstabilisation, et savait qu'on l'inciterait à mettre un pied hors de son pentacle – ce qui signerait très certainement son arrêt de mort.


Sans se soucier d'être entendue par-dessus les hurlements atroces qui lui vrillaient les oreilles, Bellatrix prononça distinctement la troisième et dernière incantation, et le corps de l'inconnu retomba comme une masse sur la pierre de la console. Des flammes vertes vinrent lécher la bordure intérieure du grand pentacle, puis du plus petit, où se trouvait Bellatrix. Et, enfin, tout se tut.


Bellatrix reprit sa respiration. Elle avait le tournis, mais elle le mit sur le compte de l'excitation, plutôt que sur la quantité de sang qu'elle avait utilisée pour dessiner les pentacles et les sceaux.


– Lève-toi, dit-elle d'une voix sourde.


Elle dut réprimer un cri de joie quand elle vit le cadavre s'animer, et se redresser pour lui faire face. Ses yeux étaient entièrement blancs, enfoncés dans ses orbites, dépourvus de vie : elle avait réussi.


– C'est très bien, Bellatrix, dit une voix douce derrière elle.


Bellatrix fit volte-face, rayonnante. Voldemort l'observait avec un intérêt beaucoup plus authentique que celui qu'il lui avait montrée dans le Poudlard Express. Jamais Bellatrix ne s'était sentie aussi fière.


– Je te félicite. Maintenant, dis-lui de m'obéir définitivement, énonça Voldemort.


Bellatrix obéit, et Voldemort regarda les yeux vides de l'Inferius avec satisfaction.


– Assieds-toi dans un coin, et ne bouge plus, dit Voldemort.


Bellatrix esquissa un geste avant de réaliser que Voldemort parlait à l'Inferius et non à elle. Elle se figea, terrorisée à l'idée que Voldemort ne remarque son erreur.


Mais celui-ci observa sans ciller l'Inferius marcher avec empressement vers un coin de la pièce, avant de s'y recroqueviller docilement, son visage mort dénué de toute expression.


– Je crois qu'il est temps, murmura Voldemort pour lui-même. Oui, c'est le bon moment... Dis-moi, Bellatrix, poursuivit-il en haussant la voix. Aurais-tu, par hasard, emmené ton ancienne baguette avec toi ?


Bellatrix écarquilla les yeux, au comble du bonheur.


Voldemort lui avait prêté, pour ses premiers essais pratiques, une baguette en noyer, qui ne lui convenait pas vraiment, mais qu'elle avait tout de même réussi à utiliser. Chaque nuit, Bellatrix emportait avec elle les deux morceaux de sa baguette en acacia, espérant secrètement qu'un jour, si elle réussissait une prouesse particulièrement difficile, Voldemort lui accorderait comme récompense de réparer cette baguette, si chère à ses yeux.


Et ce soir, lorsque Voldemort lui posa cette question, elle crut naïvement que le moment était venu, et s'empressa de sortir de sa poche les deux morceaux de sa précieuse baguette.


– Absolument ! Regardez, la voilà ! s'exclama-t-elle, radieuse. Vous m'aviez promis de la réparer, mais je n'osais pas vous demander... Vous... Vous pensez que vous pourrez le faire en une nuit ?


Voldemort considéra avec amusement les deux morceaux de baguette, et éluda la question.


– Tu y tiens beaucoup, je présume ?


– Oh oui, énormément !


À nouveau, Bellatrix crut voir une lueur rougeoyer dans les yeux de Lord Voldemort ; mais, tout comme la première fois qu'elle l'avait aperçue, elle se dit que c'était un effet de son imagination.


– Très bien. Dans ce cas, jette-la dans le feu.


Bellatrix s'arrêta aussitôt de sourire. Était-ce une plaisanterie ?


– Mais... elle ne sera plus utilisable, remarqua-t-elle d'une voix faible.


– Je le sais bien.


Bellatrix resta interdite. Cette baguette était l'objet auquel elle tenait le plus – le seul auquel elle tenait vraiment, en réalité. Voyant cela, Voldemort se leva, et s'approcha d'elle à pas feutrés.


– Je pensais que tu n'avais peur de rien, Bellatrix, dit Voldemort d'une voix douce.


Il la prit délicatement par les épaules, et Bellatrix sentit le trouble se répandre dans tout son corps.


– Dis-moi un peu... À ton avis, qu'est-ce qui te différencie de moi ?


– De... De vous ?


– Nous sommes tous les deux talentueux, brillants... Mais à ton avis, de quoi me suis-je débarrassé, pour devenir aussi puissant ?


Bellatrix pensa à de nombreuses choses : la lâcheté, la paresse... Mais elle se doutait bien que ça n'était pas la réponse que Tom Jedusor attendait.


– Du doute, dit-il finalement. Cette petite chose infernale, qui retiendra ta baguette au moment fatidique, et qui t'empêchera d'atteindre le sommet de ta puissance. À partir de maintenant, Bellatrix, je vais te demander une chose difficile : celle de me faire confiance, aveuglément. Est-ce que tu en es capable ?


– Oui, oui, assura précipitamment Bellatrix, qui ne voyait pas bien le rapport avec sa baguette.


– Qu'est-ce qui pourrait te faire douter, à ton avis ? Eh bien, tous ces liens qui t'entravent, toutes ces choses auxquelles tu accordes de l'importance... Ce ne sont que des obstacles. Une seule chose doit compter, désormais : notre quête vers le pouvoir. Il faut te débarrasser du reste. Si je te demande de faire cela, c'est pour être certain que tu seras prête à tout me sacrifier.


– Mais... Maître, cette baguette...


– Quoi, Bellatrix ? Tu y tiens ? Elle a une valeur sentimentale, elle te comprend mieux que personne ? Oui, je le sais. Mais je suis certain que l'autre te conviendra mieux, tu dois me faire confiance. Cette décision ne te rendra que plus forte.


La mort dans l'âme, Bellatrix regarda les deux morceaux de bois qu'elle avait dans la main. Voldemort descendit ses doigts le long du bras de Bellatrix, et prit sa main couverte de sang séché qui tenait la baguette brisée.


– Faisons-le, murmura-t-il. Ensemble.


Guidée par Voldemort, Bellatrix avança lentement sa main vers les flammes qui dansaient à hauteur de ses yeux, et, la gorge serrée, y jeta les deux morceaux de sa baguette. Voldemort dut la tirer vers l'arrière pour esquiver la déflagration que produisit le cœur de la baguette en se désintégrant.


– Tiens, dit Voldemort en posant un objet allongé au creux de sa main.


Bellatrix eut beaucoup de mal à détacher son regard du feu qui crépitait au milieu de la pièce, mais finit par regarder ce que Voldemort lui donnait.


– Baguette de noyer et ventricule de dragon, 31,8 centimètres, dit-il en imitant le ton de Mr Ollivander. Elle te conviendra parfaitement, désormais. Elle doit te convenir.


En refermant ses doigts autour de la baguette en noyer, Bellatrix sentit quelque chose bouger, sans savoir si le mouvement avait lieu dans la baguette ou bien en son for intérieur. Puis, elle eut la surprise de ressentir une chaleur intense dans ses doigts, et de voir des étincelles vertes jaillir à son extrémité. La baguette avait fini par s'incliner, et par s'aligner sur les désirs de son maître – ou bien, peut-être était-ce Bellatrix qui avait plié ?


– Je te laisse, dit Voldemort en partant. Tu as bien mérité le droit de t'entraîner avec ta nouvelle arme.


Cette nuit-là, Bellatrix resta longuement devant le brasier, sa nouvelle baguette en main, à contempler les deux morceaux de bois gémir et se consumer.

End Notes:

Merci d'avoir lu ce chapitre, j'espère que vous ne l'avez pas trouvé trop (trop) sombre.

Si j'ai réussi à vous faire ressentir un peu d'empathie pour la jeune Bellatrix, c'était l'effet escompté.

Prochain chapitre la semaine prochaine !

À bientôt ❤️

Intermède (3) : De nos jours by mathvou1
Author's Notes:

Un chapitre assez court, dans le présent, où Drago poursuit le travail qu'il a entrepris pour son fils Scorpius.

Je profite de ce chapitre pour tous vous remercier, car j'ai récemment dépassé les 1000 vues ! Ça me paraît déjà fou. Et merci également à ceux qui ont mis cette fics dans leurs favoris, ça me fait très plaisir de voir que vous souhaitez suivre la publication de près ! ❤️

Je vous souhaite une bonne lecture !

Drago se réveille en sursaut. Il s’est encore endormi sur le petit bureau. Il masse sa nuque endolorie, se frotte les yeux, et regarde autour de lui pour s’assurer qu’il est bien chez lui, dans le bureau calfeutré de la tourelle Est, et non dans le sous-sol du Serpent qui Fume, devant le feu qui consume la baguette de Bellatrix.


Une aube farouche se lève sur le jardin envahi par les ronces. Maudit rêve ! Quelle idée, aussi, de raconter cet épisode juste avant de s’endormir…


Il se lève, et se casse la figure par terre. Ses jambes ne répondent plus, engourdies après plusieurs heures de compression sur la chaise. Il attend une minute que le sang revienne jusqu’au bout de ses orteils, puis marche tant bien que mal jusqu’à la porte malgré les picotements douloureux qui lui parcourent les mollets. Tous les matins, c’est la même histoire, râle-t-il intérieurement en descendant une volée de marches en colimaçon pour rentrer dans la salle de bain.


Il fait un brin de toilette, puis revient à son poste de travail. Depuis combien de temps n’est-il pas sorti de la tourelle Est ? Il n’en a aucune idée. La neige continue de tomber, mais quel jour est-on ? Quel mois ? Drago ne sait plus, mais après tout, qu’importe ? Les jours se suivent et se ressemblent, Drago avance dans son travail, et c’est bien la seule chose qui compte.


Drago revient au journal de sa mère. Il éprouve un certain malaise en lisant les premiers passages qui concernent Bellatrix. Lui ne l'a connue que des années plus tard, après quatorze ans de captivité à Azkaban, et elle était déjà devenue folle à lier : inconsciemment, dans l'imagination de Drago, Bellatrix avait toujours été ainsi. Il a donc été assez perturbé en découvrant, dans le journal de sa mère, une jeune fille qui, certes, était particulièrement séduite par les idées dominatrices de son entourage et ne vivait que pour défier l’autorité, mais qui était aussi fragile, gourmande et prête à se mettre en quatre pour défendre sa petite sœur.


Quoiqu'il en soit, c'est un véritable soulagement pour Drago d’en avoir fini avec cet épisode : c'est un des plus glaçants, à son avis. La rencontre de Bellatrix et Voldemort avait eu des conséquences terribles ; certaines que tout le monde connaissait bien, puisqu'elles avaient touché l'intégralité du monde des sorciers, mais il y en avait encore d'autres, dont Scorpius n'avait jamais été averti, et qui, pourtant, le touchaient de très près...


Quant à Narcissa, à l'époque des faits, elle ne s'était doutée de rien, et poursuivait sa scolarité à Poudlard. Elle se sentait toujours coupable du renvoi de Bellatrix, et prenait donc souvent de ses nouvelles. Sa grande sœur l'avait immédiatement rassurée en lui racontant la rencontre inespérée qu'elle avait fait dans le train, puis avait évoqué des leçons de magie dans un endroit secret. Bellatrix lui écrivait qu'elle ne s'était jamais sentie aussi heureuse, et Narcissa avait décidé de la croire. Elle ne soupçonnait donc absolument pas ni l'ampleur de ce qui se tramait, ni l’emprise que Voldemort commençait à avoir sur sa sœur ainée. Elle ne réaliserait cela que plus tard – trop tard… Tout comme la manière dont la baguette en acacia avait été détruite, qu'on n'apprendrait que des années après...


Pendant ses quatre premières années de scolarité à Poudlard, Narcissa a peu écrit, prise dans le tourbillon des cours et des découvertes. Dans son journal, elle évoquait son amitié avec Daisy, sa rivalité avec Carla Avery et Juliet Selwyn, ses succès dans l'ensemble des matières à l'exception des Potions...


En tournant la page, Drago sourit, et oublie, pour un temps, l'existence de Bellatrix et de Voldemort. Car ça y est, il arrive bientôt au passage qu'il préfère...


 

End Notes:

Et voilà !

Le prochain chapitre s'appelle Les deux rivaux.

À très bientôt !

Les deux rivaux by mathvou1
Author's Notes:

À votre avis, pourquoi Orion et Cygnus se disputent-ils autant ?

Un chapitre un peu à part, avant de reprendre la route avec les enfants Black.

Les gloussements réjouis d'Orion Black retentissaient jusqu'au dernier étage du 12, square Grimmaurd. Devant lui, sur la table du salon, trônaient une assiette mal terminée et un exemplaire de La Gazette du sorcier datant de quelques jours, et qui titrait, à la une :

 

Atteint d'une mystérieuse maladie,

le Ministre de la Magie Nobby Leach démissionne

 

C'est avec émotion que nous apprenons aujourd'hui la démission de notre bien-aimé Ministre, Nobby Leach. Il était le premier Né-Moldu à prendre la tête du Ministère, ce qui était une grande fierté pour nombre de citoyens, dans un monde où les sorciers d'origine moldue restent tristement sous-représentés dans la plupart des gouvernements. Après une longue durée de convalescence, en raison de problèmes de santé d'origine mystérieuse, il a déclaré ce matin "ne plus être capable d'assurer correctement le commandement du Ministère", et s'en remet ainsi à l'assemblée du Magenmagot pour désigner celui ou celle qui lui succédera.

 

Il aura donc passé six années courageuses à la direction de notre Ministère, et nous nous souviendrons toujours de la détermination avec laquelle il a lutté pour faire disparaître les discriminations de toutes sortes, autant au sein du Ministère que dans le reste du pays.

 

 

 

Malgré la bonne nouvelle que cette démission représentait pour la communauté des Sang-Pur, Orion l'avait accueillie de mauvaise grâce, car celle-ci donnait raison aux vantardises de son beau-frère et cousin Cygnus Black. Celui-ci prédisait la démission de Nobby Leach depuis des mois, et lorsque la nouvelle avait éclaté, Cygnus était fièrement venu agiter l'article sous les yeux d'Orion, ce qui lui avait passé l'envie de célébrer l'évènement.

Et ce soir-là, l'article qui causait tant de joie à Orion était celui qu'il tenait dans ses mains, taché de graisse, et qui datait du jour même :

 

 

 

Eugenia Jenkins élue Ministre de la Magie

 

Il y a quelques jours, nous déplorions la démission de notre Ministre Nobby Leach. Pour lui succéder, deux candidats se sont présentés devant l'assemblée du Magenmagot : Cygnus Black, défenseur des valeurs traditionnelles et partisan de « l'intégration prudente » des sorciers Nés-Moldus, et Eugenia Jenkins, qui dirigeait jusqu'ici le Département de la justice magique.


Les délibérations pour départager les deux candidats ont duré plusieurs jours, et le verdict est tombé ce matin : Eugenia Jenkins a été choisie par le Magenmagot, avec une écrasante majorité des votes. Nul doute que le soutien publiquement apporté à Eugenia Jenkins par Nobby Leach d'une part, et Albus Dumbledore d'autre part, ont largement joué en sa faveur. Il faut ajouter également que plusieurs rumeurs accusent Cygnus Black d'avoir comploté avec Abraxas Malefoy pour chasser Nobby Leach de son poste de Ministre. Ce qui, vous vous en doutez, n'a pas manqué de refroidir la sympathie du Magenmagot à l'égard de Cygnus Black.

 

Celui-ci a eu beaucoup de mal à retenir sa colère lors de l'annonce des résultats. Nous rappelons à notre aimable lecteur que celui-ci avait été débouté une première fois par le Magenmagot, il y a six ans de cela, face à Nobby Leach ; et déjà, à l'époque, Cygnus Black avait eu du mal à digérer sa défaite...

 

 

 

Orion exultait. Cela faisait des semaines que Cygnus lui rebattait les oreilles avec son avènement imminent au poste de Ministre de la Magie, et Orion trépignait d'impatience à l'idée de le remettre à sa place. Il était prêt à attendre jusqu'au bout de la nuit pour le voir rentrer, les épaules affaissées, la mine dépitée. Afin de l'accueillir dans les meilleures conditions, il avait même exposé en évidence sur la table l'article de La Gazette du Sorcier, ainsi que la caricature grotesque que Le Hibou Jacasseur avait fait de lui à l'occasion de sa défaite, avec une tête énorme et des chevilles enflées à éclater. 

 

Orion détestait beaucoup de choses et beaucoup de gens – la plupart de ceux qu'il connaissait, en réalité – mais rien ni personne n'égalait son beau-frère. Depuis leur jeunesse, il avait toujours détesté ce cousin éloigné, ce coq d'une arrogance insupportable, devant qui tout le monde se mettait à genoux. Mais la véritable raison de la haine féroce qui animait Orion, c'était que Cygnus avait fini par épouser Druella Rosier, la femme qu'il avait convoitée pendant des années, la seule personne qu'il eût réellement aimée...

 

Car Orion avait aimé Druella, de tout son être. Il l'avait courtisée, durant toute leur scolarité à Poudlard, malgré un sale Sang-de-Bourbe qui lui tournait autour et que Druella semblait beaucoup trop apprécier. Orion avait surmonté son vertige pour s'engager dans l'équipe de Quidditch de Serpentard, simplement pour que Druella le remarque. Et puis, comme Druella ne pouvait décemment pas épouser le Sang-de-Bourbe qu'elle fréquentait à l'époque, Orion avait bien failli réussir à l'obliger à l'épouser. Et il aurait sans doute réussi, s'il n'y avait pas eu cette bécasse de Vera Goyle pour l'en empêcher. Alors, après un petit arrangement, les Rosier avaient accordé la main de leur fille à Cygnus, et on avait prié Orion de se contenter de Walburga. Et rien, pas même les montagnes d'or accumulées dans les trois coffres qu'Orion possédait à Gringott's, n'avait jamais réussi à guérir les blessures d'amour et d'orgueil que Druella Rosier avait laissées derrière elle.

 

Dans ses rêves, Orion tuait son beau-frère chaque nuit ; puis, le jour venu, il se contentait de prendre son mal en patience, et attendait avidement le moment où il pourrait l'humilier publiquement, et le voir soumis à ses ordres. Car ce jour-là, cela ne faisait aucun doute, Druella regretterait amèrement d'avoir choisi Cygnus, et malgré tout le mal qu'Orion lui avait fait, elle viendrait enfin s'agenouiller devant lui pour lui demander pardon...

End Notes:

Vous l'aurez deviné, il ne s'agit pas (encore) du moment que Drago apprécie tant.

Ce sera pour le prochain chapitre (Donnez-moi un L, donnez-moi un U...), qui sera publié vendredi prochain !

Et sinon, merci à AnthusPratensis d'avoir pris le temps de m'écrire des petites reviews, ça me fait vraiment très plaisir !

À très bientôt,

Mathilde ❤️

Une rencontre intéressante by mathvou1
Author's Notes:

À nouveau, tout est dans le titre !

Lucissa, nous voilà O:)

Bonne lecture ❤️

Narcissa était désormais en quatrième année, et commençait à se demander si elle connaîtrait une seule année de sérénité à Poudlard.


Pendant ses deux premières années, elle s'était fait du souci pour sa mère, évidemment : le Croculus Sativus avait lentement perdu en efficacité, et la mère de Narcissa n'avait pas trouvé de remède alternatif qui puisse soulager ses crises fulgurantes de douleurs articulaires et de migraines. De plus, d'autres Magicomage s'étaient penchés sur son cas, et avaient exprimé leur désaccord sur le diagnostic initial de Saviriose, ce qui ajoutait encore à la confusion et au désarroi de la famille Black.


Narcissa s'était également inquiétée à propos de Bellatrix. Elles avaient échangé de nombreuses lettres, et Bellatrix répondait toujours de manière vague, même lorsque Narcissa lui réclamait des détails. Narcissa savait simplement qu'elle avait rencontré dans le Poudlard Express un homme extrêmement ingénieux, qui lui avait tendu la main alors qu'elle était au plus bas, qui lui avait généreusement procuré une nouvelle baguette, et qui l'aidait désormais à perfectionner sa pratique de la magie.


Narcissa, préoccupée par la facilité avec laquelle Bellatrix se faisait parfois embobiner, avait immédiatement souhaité connaître l'identité de cet instructeur mystérieux. Bellatrix avait refusé de lui donner son nom, mais elle lui avait promis que bientôt, elle lui ferait rencontrer ce professeur si talentueux, auquel elle vouait une profonde admiration. Et puis, le temps avait passé, la situation s'était stabilisée, et à force de réassurance, Narcissa avait fini par croire que ses leçons de magie nocturnes lui étaient profitables.


Mais le répit avait été de courte durée : à peine Narcissa avait-elle été rassurée sur le sort de Bellatrix, que son père essuyait une défaite cuisante face à Eugenia Jenkins, pour l'obtention du poste de Ministre de la Magie. Depuis, il était plus irascible que jamais, ce qui n'améliorait guère la situation au 12, square Grimmaurd. Narcissa avait essayé d'arranger les choses, mais son père s'était montré hermétique à toute tentative de réconfort : elle s'était donc résignée à le regarder maronner dans son coin, et à laisser la situation évoluer d'elle-même.


Et à présent, Narcissa se faisait du souci pour son autre sœur, Andromeda. Depuis la rentrée, Narcissa la trouvait plus anxieuse, distante ; elle qui avait l'habitude de venir l'embrasser le soir avant de se coucher, elle oubliait de plus en plus souvent. Et ce jour-là, Daisy lui avait appris qu'Andromeda avait pleuré toute l'après-midi dans les toilettes.


Le soir venu, dans le dortoir des Serpentard, Narcissa alla se glisser à côté d'Andromeda, sans faire de bruit. Quand elle écarta les rideaux, Andromeda se dressa d'un bloc dans son lit, affolée, haletante.


– Ce n'est que moi, lui dit doucement Narcissa.


– Cissy ! Tu m'as fait peur...


– Ah ? Désolée, mais... Qui d'autre voulais-tu que ce soit ?


Andromeda s'épongea le front, et reprit son souffle, nerveuse.


– Andy, tu... Tu es sûre que ça va ? s'inquiéta Narcissa, sourcils froncés.


Sa grande sœur lui faisait penser à une biche traquée par un prédateur. Quelques-unes de ses boucles brunes lui tombaient devant le visage, et jetaient une ombre inquiétante sur ses traits délicats. Elle avait les bras croisés sur sa poitrine, et était légèrement recroquevillée sur elle-même comme si elle voulait se protéger de quelque chose – ou de quelqu'un.


Narcissa ouvrit les rideaux un peu plus largement, se pencha vers l'avant, et monta sur le matelas pour s'asseoir sur le lit à côté de sa sœur.


– Dis-moi ce qui ne va pas, lui dit Narcissa à voix basse.


Andromeda avait les yeux brillants, et Narcissa se blottit un peu plus contre elle. Malgré l'inquiétude que celle-ci ressentait, elle fut immédiatement apaisée par le contact de la peau de sa sœur et par son parfum réconfortant. Au cours des dernières années, la complicité des deux sœurs n'avait rien perdu de son éclat ; elles passaient beaucoup de temps ensemble, avec Daisy, et venaient souvent chercher refuge dans les bras de l'autre, surtout quand leur mère n'allait pas bien.


– Allez, dis-moi, insista Narcissa. Tu sais bien que tu peux tout me dire.


Andromeda haussa les épaules, et secoua la tête. 


– Non, c'est idiot... Ce n'est rien.


– Daisy m'a dit que tu avais pleuré tout l'après-midi, dit Narcissa. Quelle qu'en soit la raison, je suis certaine que c'est loin d'être quelque chose d'idiot.


Après quelques secondes de silence, Andromeda dit d'une voix étranglée :


– Tu... Tu vois bien qui est Hector Crabbe ?


– Un des deux jumeaux ? Oui, évidemment... 


Andromeda lui raconta qu'à la rentrée, Hector Crabbe lui avait fait des avances répétées, et que malgré les protestations d'Andromeda, celui-ci continuait de la suivre partout en la regardant fixement. Andromeda n'en pouvait plus, elle en faisait même des cauchemars.


– Andy, tu ne dois pas te laisser faire ! s'indigna Narcissa après l'avoir écoutée.


– Je lui ai déjà demandé d'arrêter ! protesta Andromeda. À chaque fois, il continue de me fixer en rigolant. Et ceux à qui j'en ai parlé trouvent que j'exagère... 


– Eh bien, dans ce cas, il faut en parler au professeur Slughorn ! Il punira Hector, j'en suis sûre !


– Chhht ! siffla quelqu'un dans le dortoir.


Narcissa se retourna, excédée, et entrouvrit les rideaux du lit à baldaquin pour identifier la personne qui venait de les intimer au silence.


– Encore cette idiote de Carla, j'en suis sûre, chuchota-t-elle tout bas. Enfin, passons... Bon, écoute, il faut que demain, tu ailles en parler à Slughorn, d'accord ? Je t'accompagnerai.


Andromeda secoua la tête.


– Je lui en ai déjà parlé, avoua-t-elle.


– Ah ! C'est bien ! Et alors ?


– Il s'en fiche... Il m'a dit de ne pas faire attention. Il m'a même dit que je devrais être flattée...


Narcissa écarquilla les yeux, de plus en plus révoltée.


– Si seulement Bellatrix était là, soupira-t-elle. Elle aurait fait passer un mauvais quart d'heure à ce mufle de Hector Crabbe...


– Ça, je n'en doute pas, dit Andromeda avec un pâle sourire.


– Bon... Demain, je t'accompagnerai à tous tes cours, promit Narcissa. S'il ose se montrer, il verra de quel bois je me chauffe !


Andromeda sourit plus franchement, et Narcissa l'embrassa sur la joue, très fière de sa déclaration.


– Tu aurais dû m'en parler avant, lui reprocha-t-elle gentiment.


– Tu as raison, répondit Andromeda, qui respirait déjà un peu plus librement.


Narcissa ouvrit les couvertures, et les deux sœurs s'y glissèrent côte à côte, comme elles avaient l'habitude de le faire de temps en temps. Narcissa posa sa tête sur l'épaule d'Andromeda et s'endormit auprès d'elle, bercée par sa respiration qui se calmait lentement et baignée dans son parfum délicat et rassurant.


 


Le lendemain, comme elle l'avait promis, Narcissa escorta Andromeda à tous ses cours de la journée, ce qui la mit en retard à son cours de Potions et lui valut quelques plaisanteries du professeur Slughorn qui lui donnèrent envie de lui faire manger sa moustache. Durant la journée, Hector Crabbe ne se manifesta pas, jusqu'au soir, lorsque les deux sœurs se mirent tranquillement en route vers les dortoirs de Serpentard. En effet, au détour d'un couloir, Andromeda tressaillit, livide : Hector Crabbe s'était mis sur son chemin, et la lorgnait avec insistance, tout en mâchouillant une confiserie.


Même si Hector Crabbe semblait ne pas l'avoir remarquée, Narcissa le foudroya du regard. Comment avait-elle pu ne pas remarquer que ce mastodonte talonnait sa sœur depuis le début de l'année ? À côté d'elle, Andromeda fit aussitôt demi-tour, effrayée.


– Viens, Cissy, passons par l'autre côté...


– Hors de question ! C'est à lui de s'écarter, objecta Narcissa en continuant d'avancer.


– Cissy, reviens ! la supplia Andromeda. Ne fais pas comme Bellatrix...


Andromeda avait été assez choquée par l'agression de Molly Prewett – qui se portait désormais comme un charme, et avait d'épousé Arthur Weasley quelques mois plus tôt.


– Ne t'en fais pas, je vais juste le remettre à sa place, la rassura Narcissa. Rentre au dortoir. Tout va bien, je te rejoins ! Je ne toucherai pas à ma baguette, c'est promis !


Sur ces mots, Narcissa marcha droit vers Hector Crabbe. Au fur et à mesure qu'elle s'approchait, son adversaire lui parut de plus en plus imposant et menaçant ; à chaque pas, son assurance s'amenuisait, et ses enjambées rétrécissaient.


Ce n'est pas le moment de se dégonfler, gronda-t-elle intérieurement. Sans la voir, Hector Crabbe se mit à suivre Andromeda, ce qui procura à Narcissa le courage nécessaire pour s'interposer.


– Hé, toi ! lança-t-elle en se mettant en travers de sa route.


Hector Crabbe baissa la tête, interloqué, et un petit rire s'échappa de ses lèvres charnues. Narcissa était grande pour son âge, certes, mais le garçon la dépassait d'une bonne tête, et était large comme une armoire. Avec son nez épaté et ses yeux semblables à ceux d'une grenouille, semblables à ceux de son frère jumeau Rascus, il était encore plus repoussant de près. 


– Tu vas laisser ma sœur tranquille, dit Narcissa en pointant sur lui un index menaçant. Sinon... Sinon, gare à toi !


Sa voix avait un peu tremblé. Narcissa n'avait absolument pas réfléchi au moyen d'éloigner ce lourdaud d'Andromeda. La seule chose qu'elle savait, c'est qu'elle était terriblement en colère contre lui.


Avant que Crabbe ne trouve de quoi répliquer, un garçon blond surgit à côté de lui, et posa sa main sur son énorme épaule. Narcissa le reconnut immédiatement : il s'agissait de Lucius Malefoy, le garçon qui dirigeait les deux Crabbe à la baguette. En un éclair, Narcissa détailla de nouveau son visage mince au menton pointu, son allure élancée et impeccablement soignée, ses gestes élégants et les chevalières qui brillaient autour de ses longs doigts fins.


– Un problème, Crabbe ? demanda le nouveau venu avec désinvolture.


– Cette discussion ne te regarde pas, l'arrêta sèchement Narcissa, de plus en plus agacée.


Lucius eut un petit sourire en coin, puis exhiba un insigne rutilant épinglé sur sa veste brodée.


– Au cas où cela t'aurait échappé, je suis le préfet de Serpentard, et mon rôle est de veiller à ce que les élèves de ma maison ne s'étripent pas entre eux. Or, arrête-moi si je me trompe, mais il me semble que votre discussion ne relève pas de la plus grande courtoisie...


– Nous pouvons régler nos différends nous-même, merci bien.


Lucius se détourna et interrogea Hector Crabbe du regard.


– C'est la p'tite dernière des Black, dit ce dernier sur un ton méprisant. Elle est venue m'agresser, parce que, paraît-il, je fais peur à sa sœur.


– Oh ! Je vois, je vois... Et dis-moi, petite, ta sœur n'est-elle pas assez grande pour venir se défendre toute seule ?


Petite ? Quel toupet ! pensa Narcissa. Il avait seulement un an de plus qu'elle !


– Hors de question, répliqua Narcissa, je ne l'aurais certainement pas laissée s'abaisser à ça ! Ce serait plutôt à cet imbécile de ramper devant elle pour lui présenter ses excuses. 


Le préfet haussa un sourcil et échangea un regard moqueur avec Crabbe.


– Oui, les sœurs Black, ça me revient, murmura-t-il en la toisant du haut de sa grande taille. Narcissa, c'est bien ça ?


Elle ne répondit pas.


– Dis-moi, je te trouve un peu prétentieuse pour quelqu'un dont la famille ne possède même pas son propre toit...


Crabbe eut un petit rire gras ; Narcissa, quant à elle, sentit ses oreilles devenir rouge cerise.


Mais plutôt que de perdre la face devant la sournoiserie de cette remarque, Narcissa eut aussitôt le réflexe de penser à sa tante Walburga, et à l'attitude qu'elle adopterait si quelqu'un lui manquait de respect de cette manière. Car en effet, au cours des innombrables réceptions auxquelles Narcissa avait assisté aux côtés de sa tante, elle avait eu tout le loisir d'observer ses manières méprisantes et ses réparties cinglantes.


Voyons... Une voix glaciale, supérieure... Oui, elle redresserait la tête, exactement comme ça, en pinçant ses lèvres, en faisant frémir ses narines...


– Monsieur le préfet... répondit Narcissa en imitant l'intonation présomptueuse de Lucius. Quelque chose m'échappe, peut-être allez-vous pouvoir m'éclairer sur ce point... Voilà, arrêtez-moi si je me trompe, mais quelqu'un m'a dit récemment que le rôle d'un préfet était "de veiller à ce que les membres de sa maison ne s'étripent pas entre eux"...


Lucius Malefoy hocha la tête, amusé et confiant.


– Mais dans ce cas, poursuivit Narcissa, à qui faut-il s'adresser si le préfet lui-même s'avère être encore plus puéril que ses camarades, et ne fait qu'envenimer les situations au lieu d'y remédier ? À qui faut-il faire part de son incompétence ?


Au fur et à mesure qu'elle parlait, Narcissa se laissa emporter par sa propre colère.


– Et enfin, qui faut-il avertir que sa mère ne lui a visiblement pas appris à prêter aux filles le respect qu'on leur doit ?


Alors que Narcissa prononçait cette dernière phrase, le préfet ouvrit grand les yeux, déconcerté ; Hector Crabbe fit une petite moue embarrassée, en glissant un regard furtif vers Lucius ; et Narcissa comprit qu'elle avait visé juste.


– Bien, continua-t-elle, j'ai l'impression que je vais devoir me débrouiller seule ; peut-être que le professeur Slughorn, là-bas, saura mieux me renseigner.


Narcissa tourna les talons, et s'éloigna rapidement sans cesser de fulminer. Au moment où elle allait bifurquer dans le couloir, elle entendit des pas pressés derrière elle, et on l'arrêta en la retenant par le bras.


– Attends une minute !


C'était Lucius Malefoy. Narcissa se retourna vers lui, le cœur battant à tout rompre, et soutint son regard, qui était d'un gris singulièrement pâle.


– Je... J'ai bien peur qu'il y ait eu un léger malentendu, dit-il de sa voix légèrement traînante. Et j'en suis... vraiment désolé. J'ai bien réfléchi, et finalement, je suis ravi d'avoir fait ta connaissance. Nous sommes partis d'un mauvais élan, je crois... Mais nous pouvons certainement arranger ça.


Narcissa essaya de masquer son étonnement, et de conserver son attitude dédaigneuse. Hector Crabbe arriva en trottinant derrière son comparse, essoufflé et rougeaud.


– Pour être honnête, j'en doute sérieusement, répliqua froidement Narcissa.


Lucius lui lâcha le bras, et lui présenta sa main tendue.


– Je m'appelle Lucius. Lucius Malefoy. Mais, on t'a sûrement déjà parlé de moi, pas vrai ?


Son sourire était redevenu confiant et moqueur. Narcissa regarda sa main, et ses longs doigts ornés de chevalières. "Quelqu'un dont la famille ne possède même pas son propre toit", vraiment ?


– Seulement pour me mettre en garde à propos d'un imbécile de préfet, mentit Narcissa. Écoute, si tu tiens tellement à "arranger ça", assure-toi seulement que ton ami laisse ma sœur tranquille, d'accord ? Vous savez, j'ai mieux à faire que de calmer les ardeurs d'un... d'un bouledogue pré-pubère !


Narcissa eut juste le temps d'apercevoir un éclair de surprise dans leurs deux paires d'yeux, puis elle leur tourna le dos, laissant la main tendue de Lucius Malefoy se replier dans le vide. Et elle s'éloigna en serrant étroitement son livre de Potions contre elle, afin que personne ne voie ses mains trembler.


Non sans fierté, elle entendit derrière elle les deux garçons échanger quelques mots :


– Qu'est-ce qui t'a pris, Lucius ? ronchonna Hector Crabbe. Je t'avais bien dit, que c'était une vraie peste !


– Certes, certes... Mais je dois l'admettre, c'était une belle riposte, tu ne trouves pas ?


 


Le soir même, Narcissa fit à Daisy et Andromeda le récit détaillé de sa rencontre avec Lucius Malefoy, en omettant volontairement le moment où il s'était moqué d'elle. L'histoire fit sensation auprès de sa sœur et de son amie d'enfance, qui étaient ravies d'entendre que Narcissa avait traité Hector Crabbe de bouledogue pré-pubère dans un couloir bondé d'élèves.


– Malefoy n'est sûrement pas habitué à ce genre de contre-attaque, supposa Daisy quand Narcissa eut terminé. Ça a dû lui faire tout drôle...


– Oui, il voulait sûrement te faire du charme pour te dissuader de raconter l'histoire à tout le monde, renchérit Andromeda.


Narcissa se surprit à espérer furtivement que ce changement d'attitude avait une autre explication, mais se laissa vite emporter par l'enthousiasme de Daisy et d'Andromeda.


– Au moins, il se souviendra de toi, conclut joyeusement Daisy.


Et cette prédiction plut beaucoup à Narcissa – bien plus qu'elle ne voulait l'admettre.


 


Le lendemain soir, Andromeda vint voir sa petite sœur, de nouveau rayonnante.


– J'ai croisé Hector Crabbe, tout à l'heure, raconta Andromeda.


– Alors ?


– Quand il m'a vue, il s'est enfui en courant !


Narcissa rit joyeusement à l'idée d'avoir pu impressionner ce malotru.


– Tu es trop forte, la félicita Andromeda en l'embrassant sur la joue. Merci pour tout.


– Je t'en prie.


Narcissa essayait de rester modeste, mais en réalité, elle était extrêmement fière d'elle.


 

End Notes:

Woohoo !

On se voit au prochain chapitre pour plus d'échanges malicieux O:)

À la semaine prochaine !

Le club de Slug by mathvou1
Author's Notes:

Les échanges malicieux continuent entre nos petits Serpentard. O:)

Je profite de ce chapitre pour vous présenter un petit casting que je me suis amusée à faire sur la plateforme Wattpad (il y a beaucoup d'auteurs.rices qui le font sur ce site, l'idée m'a plu alors je me suis lancée !)

Vous le trouverez ici : https://w.tt/3SZuwtx

Vous verrez qu'il y a certains personnages qui n'apparaissent pas encore dans les chapitres déjà publiés. Vous y trouverez donc quelques citations inédites, en avant-goût des prochains chapitres... O:)

Et voilà, bonne lecture ! ❤️

Le lendemain, Narcissa se rendit à la bibliothèque, radieuse. Elle salua même poliment Madame Pince, la bibliothécaire, ce qui n'était pas du tout dans ses habitudes – en général, elle passait devant elle sans même la remarquer, et laissait à Daisy le soin de dire bonjour.


Elle s'installa tranquillement à sa table préférée, dans un coin, là où personne ne viendrait l'importuner, et se plongea avec détermination dans son manuel d'Arithmancie. Les calculs compliqués lui donnaient du fil à retordre, mais elle finissait toujours par en venir à bout, ce qui lui procurait une immense satisfaction, d'autant plus savoureuse que Carla Avery et Juliet Selwyn étaient d'une incompétence rare dans cette matière.


Au bout de quelques minutes, elle entendit une chaise racler le sol à côté d'elle, et pesta contre l'élève qui venait troubler sa tranquillité. Exaspérée, elle sentit que quelqu'un s'asseyait à la table voisine. Elle se tourna donc, prête à faire remarquer à son voisin qu'il y avait de nombreuses tables disponibles, et tomba nez-à-nez avec Lucius Malefoy.


– Salut, lui dit celui-ci avec un sourire réjoui.


– Tu ne vas pas t'y mettre, toi aussi, siffla Narcissa. Qu'est-ce que tu me veux ?


– Oh, rien d'important, simplement... Je tenais à te faire remarquer que j'avais tenu ma promesse.


– Ta promesse ?


– Hector Crabbe a arrêté d'importuner ta sœur, non ?


Narcissa haussa les épaules, indifférente.


– Tu n'as pas compris ? insista-t-il. C'est moi qui lui ai ordonné de le faire.


En apprenant ceci, Narcissa fut presque déçue. En réalité, Hector n'avait pas eu peur d'elle, mais de son propre camarade.


– Si tu espérais que je te remercie, c'est raté, dit-elle sèchement.


Lucius s'accouda sur son bureau, de plus en plus réjoui.


– En fait, je suis surtout venu pour te complimenter.


Narcissa continuait à écrire des inepties sur sa feuille afin de se donner une contenance, et Lucius se renversa sur le dossier de sa chaise, rêveur.


– Je ne sais pas, je... Voilà, je t'ai trouvée brillante, l'autre jour. Je ne sais pas ce que tu en penses, mais moi, j'en ai assez de tous ces benêts, ici, qui se laissent marcher sur les pieds, et qui bredouillent dès que je leur adresse la parole... J'ai envie de les secouer, qu'ils se réveillent un peu, bon sang !


Narcissa garda le silence, mais comme Lucius, il lui arrivait fréquemment de ressentir du mépris pour ses camarades. Leurs préoccupations lui paraissaient souvent futiles, surtout lorsqu'elle rentrait de vacances au 12, square Grimmaurd, et avait passé tout son temps au chevet de sa mère. Le récit des vacances insouciantes des autres élèves lui donnait l'impression désagréable de se trouver sur une autre planète qu'eux, et elle ne pouvait s'empêcher de leur en vouloir, comme s'ils avaient une part de responsabilité dans ce qui lui arrivait.


– Alors que toi ! Tu m'as bien renvoyé la balle, poursuivit Lucius en riant. Je me suis senti complètement nigaud, en face... Ça ne m'était jamais arrivé, donc forcément, tu as éveillé mon intérêt. 


Il parlait à Narcissa avec suffisance, comme si lui adresser la parole constituait déjà une immense faveur.


– Bon, juste une chose, ajouta Lucius : me parler de ma mère, je dois dire que c'était assez cruel.


– Je ne trouve pas, rétorqua sèchement Narcissa. C'était un juste retour des choses.


Lucius prit un air embêté, et sa bouche se tordit.


– Ah, tu n'es pas au courant...


– Au courant de quoi ?


– En réalité, tu avais raison : elle ne m'a jamais appris à me comporter convenablement. En fait, elle ne m'a rien appris du tout.


Le ton de sa voix devenait de plus en plus sérieux.


– Ma mère est morte quelques heures après ma naissance, dit-il, les larmes aux yeux. Je ne connais même pas le son de sa voix.


Narcissa se sentit immédiatement devenir rouge écarlate. Quelle gaffe !


– Oh, je suis... Je suis désolée, bafouilla-t-elle.


Elle se détourna de son livre pour regarder Lucius, affreusement gênée. Mais soudain, elle remarqua un léger tressaillement au coin de ses lèvres : il se retenait de sourire.


– Je rêve ! s'exclama-t-elle, incrédule. Tu mens !


Lucius éclata de rire, et essuya ses larmes factices.


– Tu devrais voir ta tête !


– C’est pas possible, tu n’as vraiment aucune morale !


Autour d'eux, quelques élèves leur lancèrent des regards courroucés, mais ni l'un ni l'autre n'y fit attention. Lucius leva les mains en signe de défense :


– Je ne t’ai pas menti, tout est vrai ! Ma mère est morte en me mettant au monde. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé pendant l’accouchement, mais les Magicomages n’ont rien pu faire.


– Et tu trouves ça drôle ?


– En soi, non, mais cette petite parade marche à tous les coups, quand il s'agit de mettre quelqu'un dans l'embarras...


Narcissa secoua la tête, encore estomaquée par autant de cynisme.


– C’est la première fois que quelqu’un arrive à me berner comme ça, grommela-t-elle.


– Oh, dans ce cas j’en suis d’autant plus fier, répondit Lucius en mimant une petite révérence. Bon, on peut dire qu’on est quittes ?


Il lui présenta sa main tendue pour la deuxième fois.


– Allez, faisons la paix, insista-t-il, voyant que Narcissa hésitait. Tu me trouves sûrement détestable, mais au moins je suis un peu plus divertissant que tes amies Carla et Juliet, non ?


Narcissa chatouilla son menton avec le bout de sa plume, comme lorsqu'elle hésitait pendant les examens. Elle espérait le mettre mal à l'aise, mais finalement, voyant qu'il ne se démontait pas, elle se résolut à lui serrer la main, encore renfrognée. 


– Bon, voilà une bonne chose de faite, dit Lucius tout naturellement, très satisfait de son petit effet. 


Il fit mine de se lever, puis se ravisa.


– Ah, une dernière chose... J'imagine que tu connais le Club de Slug ?


– Tout le monde connait le Club de Slug, répondit sèchement Narcissa.


– Eh bien, enchaîna Lucius, Slughorn donne une fête, pour Noël, où ne sont conviés que les membres de son Club – accompagnés, bien sûr, d'un ou une partenaire de leur choix...


Narcissa fouilla dans sa mémoire : Bellatrix lui avait souvent parlé de cette fête de Noël, lui décrivant avec enthousiasme les tables croulant sous les petits fours.


En face d'elle, Lucius pris une grande inspiration.


– Il se trouve qu'en plus d'être préfet, je fais aussi partie de ce club, très sélectif... Enfin, passons, je me disais que nous aurions pu y aller ensemble ? Comme ça, nous pourrions signaler au professeur Slughorn ce fameux préfet incompétent et puéril dont tu me parlais l'autre jour ?


Et tout en parlant, il regardait Narcissa avec un petit air de défi qui lui plaisait beaucoup.


 


Narcissa attendit la fête de Noël organisée par Slughorn avec une impatience inavouée. L'année précédente, Carla y avait été invitée par Edgar Goyle, qui en pinçait sérieusement pour elle, et n'avait cessé de s'en vanter auprès de Narcissa pendant des semaines. Narcissa avait donc fortement apprécié le spectacle lorsqu'elle avait annoncé à Carla qu'elle irait elle aussi, mais avec Lucius Malefoy : Carla donnait alors l'impression d'avoir avalé un verre entier de mucus de Veracrasse.


– L'an dernier, il a invité Juliet, et il a été tellement odieux avec elle qu'elle ne veut plus lui adresser la parole, avait remarqué Carla lorsqu'elle s'était remise de ses émotions, pour tempérer l'enthousiasme de Daisy à l'annonce de la nouvelle. 


– Je suis sûre que Cissy ne se laissera pas faire. Et puis, ce sera l'occasion de goûter la fameuse tarte de Noël de Slughorn ! Tu me raconteras tout, pas vrai Cissy ?


 


Lorsque le jour fatidique arriva, Narcissa réalisa avec horreur que sa robe verte favorite était devenue bien trop petite pour elle.


– Alors, Narcissa, comment vas-tu t'habiller ? lui demanda sournoisement Carla, qui avait de nouveau été invitée par Edgar Goyle, et arborait une splendide robe rouge.


– Je ne sais pas encore, répondit vaguement Narcissa. Tiens, tu mets celle-ci ? Drôle de choix.


Piquée au vif, Carla regarda aussitôt son reflet dans le miroir, suspicieuse.


– Pourquoi donc ?


– Je ne sais pas... On dirait qu'elle est un peu juste au niveau des épaules. Tu en penses quoi, Daisy ?


– Moi, je la trouve très bien, assura Daisy sans lever les yeux, affalée sur son lit dans son pyjama à fleurs, plongée dans le dernier tome de Sorcières à tout prix.


Carla se regarda dans le miroir pendant de longues minutes, puis changea de tenue.


– Elle est un peu courte, non ? suggéra Narcissa lorsqu'elle eut enfilé une robe violette à volants.


Malgré les protestations de Daisy, Narcissa s'en donna à cœur joie. Carla était tellement obsédée par son apparence que la moindre critique suffisait à la déstabiliser. Et ainsi, Carla essaya une dizaine de robes, et chaque fois, Narcissa la convainquit qu'elle ne conviendrait pas. 


– Je ne vais pas y aller, à cette fichue fête ! déclara finalement Carla en allant se coucher.


Et, sous le regard désapprobateur de Daisy, Narcissa s'empara de la jolie robe rouge et l'enfila : celle-ci lui allait comme un gant.


Elle rejoignit Lucius avec un léger retard. Celui-ci était encore plus séduisant que d'habitude, et en prenant son bras habillé de velours noir, Narcissa se fit la réflexion qu'elle ne l'avait jamais vu deux fois porter les mêmes vêtements – et ça n'était pas faute de l'avoir observé.


– Tu es ravissante, lui dit Lucius sur le ton de la conversation, et Narcissa fit semblant de ne pas s'en émouvoir.


En arrivant sur les lieux de la fête, ils furent accueillis par le professeur Slughorn, qui se tenait devant la porte de son bureau. 


Les invités étaient nombreux, mais à en juger par l'accueil enthousiaste de Slughorn, Lucius était celui qu'il attendait avec le plus d'impatience.


– Ah, Lucius, te voilà, roucoula le professeur Slughorn en les voyant arriver.


– Bonsoir, professeur.


Narcissa ne put s'empêcher de regarder son ventre absolument énorme, qui menaçait de faire sauter les boutons dorés de sa veste en velours. Chaque fois qu'il passait près d'elle lors du cours de Potions, elle se serrait contre Daisy, de peur d'être écrasée.


– Oh, mais je vois que tu es accompagnée d'une charmante jeune fille... 


– Je vous présente Narcissa Black, elle...


– Black ? le coupa Slughorn. Black comme...


– Oui, comme Bellatrix, confirma Narcissa. Je suis sa sœur.


– Tiens donc ! C'est drôle, j'oublie toujours qu'elle a des sœurs. Enfin ! Mais pourquoi ne faites-vous pas partie de mon club, vous aussi ? Vous avez le profil idéal !


– Il n'est pas trop tard, glissa Lucius.


– Mais oui ! Venez donc à la prochaine réunion, d'accord ? Je verrai si vous méritez de rester parmi nous, gloussa-t-il.


Narcissa accepta volontiers, évitant soigneusement de lui rappeler qu'elle avait fait fondre au moins trois de ses chaudrons depuis le début de l'année – les Potions n'étaient pas vraiment sa matière forte.


– Et comment va cette chère Bellatrix ? Si vous saviez comme je la regrette ! Les élèves sont de moins en moins brillants, à Poudlard, se désola Slughorn. Oh, sauf quelques-uns, bien entendu, comme toi, Lucius...


– Elle va bien, je crois, répondit Narcissa. Elle ne passe pas beaucoup de temps à la maison, à vrai dire...


– Bon, eh bien tant mieux, conclut le professeur, qui n'avait pas écouté un mot de sa réponse. Allez, mes enfants, amusez-vous ! Il y a de la tarte de Noël aux figues, et des Croustiflambi...


Lucius et Narcissa entrèrent dans le bureau du professeur Slughorn, qui était beaucoup plus grand que ceux des autres professeurs. Le plafond et les murs étaient drapés de tentures émeraudes, auxquelles étaient accrochées de nombreux tableaux, des planisphères et des photos de Slughorn en train de serrer la main à des sorciers célèbres. La pièce bondée, étouffante, baignait dans la lumière rouge que diffusait une lampe d’or ouvragée accrochée au milieu du plafond et dans laquelle voletaient des points de lumière étincelante. En apercevant l'objet, Narcissa pensa au lustre dans la chambre de Sirius, et se dit que cette lampe d'or élégante ferait tout aussi bien l'affaire – si un jour elle venait à avoir une chambre à elle, évidemment.


– Ce sont des fées, l'informa Lucius, ayant remarqué l'intérêt de Narcissa pour la lampe d'or et ses points étincelants.


– Vraiment ?


– Oui. Nous en avons trois à la maison, du même fabricant... Plus grosses que celle-ci, évidemment.


Dans le coin opposé, quelques sorciers au teint rougeaud chantaient, des bouteilles d'hydromel à la main, accompagnés par ce qui ressemblait à des mandolines. Un peu plus loin, de la fumée de pipe flottait comme une brume au-dessus d’un groupe de vieux sorciers absorbés dans une grande conversation, et des elfes de maison se faufilaient en couinant entre les genoux des invités, cachés par de lourds plateaux d’argent portés à bout de bras, qui leur donnaient l’air de petites tables ambulantes. Les élèves de Poudlard étaient, pour la plupart, rassemblés autour du banquet, et semblaient mal à l'aise, contrairement à Lucius, qui observait l'ensemble avec suffisance.


Lucius et Narcissa se dirigèrent vers le banquet, et Narcissa remarqua aussitôt de nombreux regards envieux se poser sur elle. Elle ne put s'empêcher de sourire, et raffermit sa prise sur le bras de Lucius sans y faire attention : décidément, la soirée s'annonçait bien. Lucius jeta un coup d'œil à son bras, celui auquel Narcissa se cramponnait, et son sourire confiant s'élargit.


Plusieurs sorciers adultes à l'air important alpaguèrent Lucius pour lui demander des nouvelles de son père.


– Il n'a pas pu venir, malheureusement, les informa Lucius. Oui, la Dragoncelle, c'est cela... Merci, merci, je lui transmettrai votre soutien.


Lorsque Lucius leur présenta Narcissa, la plupart d'entre eux poussèrent des exclamations admiratives, et lui firent promettre de communiquer leur plus profond respect à son père, et leurs félicitations pour la jolie jeune fille que Narcissa était devenue.


Entre deux conversations mondaines, Lucius et Narcissa furent approchés par Edgar Goyle, qui tenait un fondant au chocolat dans chaque main. Celui-ci, contrairement à sa petite sœur Daisy, n'avait pas hérité des cheveux cuivrés, des yeux verts et du physique élancé de leur mère, mais des cheveux bruns, des épaules larges et des bras trop longs de leur père Fergus.


– Narcissa, tu n'as pas vu Carla ? demanda-t-il, affolé. Je l'attends depuis tout à l'heure !


– Oh, mince, elle ne t'a pas prévenu, dit Narcissa, faussement désolée. Elle ne viendra pas... Elle est indisposée.


Lucius lui jeta un regard de biais, mi-suspicieux, mi-amusé. Edgar Goyle fit une moue déçue, et Lucius lui proposa gentiment mais fermement d'aller leur chercher des verres de jus de kumquat – tout en sachant pertinemment que le pauvre Edgar mettrait des heures à en trouver, puisque Slughorn avait une sainte horreur du kumquat.


Lorsque Edgar Goyle eut disparu, Lucius se pencha vers Narcissa, radieux.


– Tu as fait en sorte que cette chère Carla ne vienne pas, devina Lucius. Je me trompe ?


Narcissa fut décontenancée par une telle lucidité.


– Elle m'agaçait, avoua-t-elle.


Un grand sourire éclaira le visage de Lucius, alors qu'il portait son verre à ses lèvres.


– Décidément, je sens qu'on va bien s'amuser, tous les deux, dit-il avec un clin d'œil.


Étonnée qu'il approuve ses manigances, Narcissa se détendit un peu. Mais Lucius ajouta perfidement :


– À ce propos, tu as eu raison de lui emprunter une de ses robes... Elle te va vraiment à merveille.


Aussitôt, Narcissa sentit le feu lui monter aux joues, et piqua du nez dans son verre.


– Elle est à moi, répondit-elle distraitement.


– Ah oui ? Au temps pour moi. Alors tu dois vraiment être une amie fidèle, pour broder ses initiales dans le dos de ta robe...


– QUOI ? C'est vrai ?


En la voyant tâtonner anxieusement le long de sa colonne vertébrale, Lucius éclata de rire, et Narcissa comprit qu'il la faisait marcher.


– Je vais t'étrangler ! menaça-t-elle entre ses dents, tout en s'efforçant de garder une apparence calme. Tu as de la chance qu'il y ait du monde, sinon ce verre d'hydromel serait déjà étalé sur ta veste !


– Hé ! Je voulais simplement en avoir le cœur net... Cette robe est ravissante, mais il me semblait bien avoir vu Carla la porter, au bal de l'an dernier...


– Ça suffit ! Si tu continues à me tendre des pièges, je te promets que tu vas le regretter !


Elle lui pinça le bras avec force, mais Lucius ne se départait pas de son rire moqueur.


– Très bien, j'ai hâte de savoir comment tu comptes te venger... Aïe ! Attention, tu me chatouilles...


Le professeur Slughorn, qui allait d'élèves en élèves avec une grande satisfaction, s'approcha d'eux en titubant un peu.


– Tout va bien, mes chers enfants ? Vous avez tout ce dont vous avez besoin ? Tenez, prenez un peu de tarte, dit-il en en donnant une énorme part à Lucius. Ah, quelle belle soirée, n'est-ce pas ?


– Comme chaque année, professeur, assura Lucius en jetant discrètement la part de tarte derrière les rideaux verts.


– Quel dommage que cela ne dure que quelques heures... Tiens, il est déjà minuit ? Je risque de ne pas être très en forme demain... Et pourtant, il faudra que je me lève très tôt : je dois récolter des fleurs de Lune dans la Forêt Interdite. Elles ne s'ouvrent qu'une heure par mois... Il fallait que ça tombe demain matin, à six heures ! se lamenta-t-il.


– Pourquoi ne demandez-vous pas à Ogg de le faire à votre place ? suggéra Lucius. C'est un domestique, il est là pour ça, après tout. Ce genre de corvée ne devrait pas incomber aux professeurs.


– À Ogg, le garde-chasse ? s'indigna Slughorn. Lui confier une tâche aussi délicate ? Lucius, enfin, tu n'y songes pas ! Il réduirait ces jolies fleurs en bouillie, et j'en ai impérativement besoin pour la semaine prochaine !


Lucius haussa les épaules, et le professeur Slughorn se fit alpaguer par deux autres sorciers. Lorsqu'il fut un peu éloigné, Lucius glissa à l'oreille de Narcissa :


– Franchement, quelle indignité... Tu imagines un peu, se lever à six heures pour faire la cueillette dans la boue gelée ? Si un jour j'en étais réduit à faire ça, je pense que je préfèrerais sauter par la fenêtre. 


Une pensée inconfortable sembla le traverser, et il déclara, amer :


– Je suis sûr qu'à Durmstrang, il existe du personnel qualifié pour alléger le travail des professeurs. Cette école est tellement meilleure qu'ici, à tous les égards ! On y apprend la magie noire – le rêve ! Et surtout, ils n'acceptent que les sorciers issus de familles de sorciers... Tu le savais ? Au moins, eux, ils restent entre personnes convenables...


– Le frère de ma mère est allé à Durmstrang, et mon cousin Evan aussi, dit pensivement Narcissa, qui commençait à comprendre la décision de Juliet Selwyn.


– Oui, j'aurais dû y aller aussi, crâna Lucius. Mon père en avait fait la demande, mais le stupide volatile qui devait m'apporter ma lettre d'admission l'a perdue ! Quand ils ont découvert que nous ne l'avions pas reçue, j'étais déjà inscrit ici, à Poudlard. La direction de Durmstrang s'est répandue en excuses, évidemment, et a tout fait pour convaincre mon père de revenir sur sa décision, mais rien n'y a fait...


Narcissa se contenta de hocher la tête, tout en pensant que Lucius serait bien capable d'inventer cette histoire farfelue pour camoufler un refus de la part de Durmstrang. Mais en même temps, cette école de magie noire n'avait aucune raison de refuser la candidature de quelqu'un comme lui.


– Voilà comment je me suis retrouvé dans cette école médiocre, continuait Lucius, qui n'avait pas remarqué que Narcissa ne l'écoutait plus.


En effet, alors qu'elle observait le reflet des lumignons sur le crâne du professeur Slughorn, une idée venait de germer dans son esprit. Et si elle arrivait à la mettre en œuvre, Lucius ne tarderait pas à regretter de s'être moqué d'elle.


– Mais, Lucius, pourquoi n'en as-tu pas parlé au professeur Slughorn ? s'exclama-t-elle d'une voix claire, sans préambule.


Comme elle l'avait prévu, le professeur se rapprocha aussitôt d'eux, tout frétillant. Lucius fronça les sourcils, interloqué, et Narcissa s'éclaircit la gorge.


– On parle de moi, jeunes gens ?


– Oui, Professeur, dit Narcissa d'une voix candide, nous parlions de ces fameuses Fleurs de Lune... Lucius m'expliquait à quel point leur éclat était ravissant.


– Il l'est, affirma Slughorn avec verve.


– Et justement, Lucius me confiait qu'il rêvait de vous accompagner demain matin, mais... Il n'osait pas vous demander la permission.


Lucius devint aussitôt raide comme un piquet, tout surpris.


– Euh... C'est que...


– Vraiment ? s'enthousiasma le professeur Slughorn. Mais, Lucius, je ne savais pas que tu te passionnais pour ce genre d'ingrédient ! Bien sûr, tu peux m'accompagner, rien ne pouvait me faire plus plaisir.


Comme Lucius ne répondait pas, Narcissa lui donna un petit coup de coude, en lui adressant un sourire éclatant. 


– Ce serait l'occasion parfaite, n'est-ce pas, Lucius ? Il paraît justement que tu adores rendre service.


Lucius chercha une excuse pour refuser poliment, sans perdre l'estime du professeur Slughorn ; mais il n'en trouva pas, et opta pour une autre stratégie.


– Eh bien... Oui, alors, pourquoi pas... Dans ce cas, permettez-vous que Narcissa nous accompagne également ? Nous ne serons pas trop de trois pour cette tâche...


– Oh non non non, certainement pas ! Enfin... Ne le prenez pas mal, miss Black, mais la Forêt Interdite n'est pas un endroit pour les jeunes filles de bonne famille.


– Oui, je comprends, répondit Narcissa en affichant une mine faussement déçue.


– Ne m'en voulez pas, je ne voudrais pas m'attirer les foudres de la famille Black en vous entraînant là-bas... Alors, Lucius, c'est d'accord ? Demain matin, six heures !


Il s'éloigna de quelques pas, puis, illuminé par une pensée fulgurante, il se retourna. Il désigna la tenue luxueuse de Lucius, abondamment agrémentée de motifs brodés et de boutons argentés, et lança d'une voix sonore :


– Ah oui, et pour demain, n'oublie pas de retirer toutes ces petites fanfreluches, d'accord ? La Forêt Interdite est terriblement boueuse, en ce moment !


Et il s'éloigna vers un autre groupe, extrêmement satisfait de lui-même. Plusieurs élèves gloussèrent en regardant l'habit de Lucius, dont le teint avait pris la même couleur que les tranches de roastbeef exposées sur la table. Narcissa, quant à elle, se mordait les joues pour ne pas exploser de rire. Lucius inspira profondément, à plusieurs reprises – il avait visiblement du mal à garder son calme.


– D'accord, c'est bien joué, admit-il à regret, d'une voix difficilement maîtrisée. Non, vraiment, je n'aurais pas fait mieux. Je n'ai plus qu'à t'offrir une robe digne de ce nom pour me faire pardonner...


– Volontiers. Mais alors, attention, pas trop de fanfreluches...


Lucius retrouva le sourire, finalement ravi d'avoir trouvé une adversaire à sa mesure. Il jeta un œil à sa montre de gousset, puis au buffet qui s'était dramatiquement vidé.


– Bon, je crois que nous avons épuisé le potentiel divertissant de cette soirée. On s'en va ?


– Quel dommage, je commençais justement à m'amuser... Enfin, puisqu'il ne te reste que quelques heures de sommeil, je veux bien te raccompagner.


– Ça va, n'en rajoute pas, rit Lucius en l'entraînant vers la sortie.


 


Le lendemain, Narcissa se rendit à la bibliothèque, et reprit sa place favorite. Cependant, elle eut beaucoup de mal à se concentrer sur ses cours d'Astronomie, car elle ne pouvait s'empêcher de lever la tête dès que la porte de la bibliothèque s'ouvrait.


Lucius mit un certain temps à apparaître, et lorsqu'il franchit la porte, il ne vint pas tout de suite vers Narcissa, ce qui l'ennuya beaucoup. Elle se demanda s'il l'avait vue, et si oui, s'il lui en voulait pour le mauvais tour qu'elle lui avait joué... Elle y était peut-être allée un peu fort, après tout.


Au moment où elle s'apprêtait à se lever pour voir ce qu'il fabriquait, Lucius apparut à côté d'elle, et elle fit mine d'écrire avec assiduité sur son parchemin.


– Alors, cette petite cueillette matinale ? demanda-t-elle sans lever les yeux.


– Quand tu auras fini d'écrire des absurdités sur ton parchemin pour faire semblant d'être occupée, je te raconterai peut-être.


Prise en flagrant délit, Narcissa s'interrompit, les lèvres pincées, et reposa sa plume dans son encrier.


– La forêt n'était pas trop boueuse ?


–  Si, horriblement. J'ai fichu en l'air mon pantalon, et ma veste en cachemire... Mais peu importe : grâce à toi, je suis officiellement l'élève favori de Slughorn ! Il est en train de chanter mes louanges auprès de tous les professeurs de Poudlard, et a donné cinquante points à notre maison. Les Gryffondor doivent être verts de rage.


– Oh, je suis contente que tu aies passé un bon moment. Si tu veux, je pourrai te rendre d'autres services de ce genre. Ça tombe bien, j'ai entendu l'autre jour que Mme Pomfresh cherchait des volontaires pour nettoyer l'infirmerie avant les vacances.


– Intéressant, je lui proposerai peut-être ta candidature... Après tout, contrairement à la Forêt Interdite, c'est un lieu parfaitement adéquat pour les jeunes filles de bonne famille.


Narcissa ne put s'empêcher de rire.


– Tiens, tu as quelque chose dans les cheveux, remarqua Lucius avec un sourire mesquin que Narcissa commençait à reconnaître.


– Tes petites plaisanteries ne fonctionnent plus, répliqua Narcissa. Je ne me laisserai pas avoir encore une fois.


Lucius glissa furtivement sa main derrière l'oreille de Narcissa, qui ne chercha pas à l'esquiver. Lorsqu'il rouvrit ses doigts, une ravissante fleur de Lune s'y trouvait, avec de longs pétales irisés en forme d'étoile.


– Le plus vieux tour de magie du monde, commenta Narcissa, feignant l'indifférence.


– J'ai eu du mal à la cacher au Professeur Slughorn, mais ça en valait la peine. Elle est ravissante, tu ne trouves pas ?


Narcissa haussa les épaules, mais elle n'arrivait pas à détacher son regard de la corolle argentée qui pivotait délicatement dans la main de Lucius.


– Tiens, je te la laisse, dit-il en posant la fleur sur le cahier de Narcissa. Étudie-la bien, nous en parlerons sans doute à la prochaine réunion du club de Slughorn... Où tu es chaleureusement conviée, je te le rappelle.


Narcissa écarquilla les yeux, catastrophée. Elle avait totalement oublié ce détail de la soirée de la veille.


– Bon sang... Quand est-ce ? Je vais passer pour une idiote, ça va être un massacre absolu... J'en suis encore à confondre les propriétés des sisymbres et du polygonum, je n'ai même pas le niveau d'une deuxième année en Potions !


Lucius sourit et bomba légèrement le torse.


– À mon avis, c'est simplement parce que personne ne t'a jamais expliqué correctement...


Narcissa vit Lucius glisser une main vers son sac, et remarqua qu'il avait rempli celui-ci de tous les manuels de Potions, depuis la première année. Et ces manuels ne pouvaient lui servir qu'à une chose, à lui qui était en cinquième année, et qui n'avait certainement pas besoin de perdre son temps à réviser les fondamentaux...


Narcissa leva les yeux au ciel, à la fois épatée et exaspérée.


– Quand est-ce que tu as eu l'idée brillante de me donner des cours particuliers ?


Lucius ne chercha nullement à s'en cacher.


– Tu sais, je suis quelqu'un de très serviable. Et quand on m'a parlé de tes exploits en cours de Potions, je me suis dit que j'allais généreusement voler à ton secours.


– Quelqu'un t'en a parlé ?


Tout le monde m'en a parlé. Ne leur en veux pas, ça n'est pas tous les jours que la salle des Potions se transforme en gigantesque bain moussant.


Narcissa fit une grimace. Cette préparation de Potion Aiguise-Méninges avait déjà mal commencé lorsqu'elle avait confondu la poudre de scarabée et les racines de gingembre. Mais ensuite, elle avait essayé de rattraper le coup à sa manière, et c'est là que la situation avait viré à la catastrophe... Les murs de la salle de Potions portaient encore la marque de l'écume violette qui avait abondamment jailli de son chaudron pour inonder le sol.


Le problème était là : les Potions ne toléraient aucune approximation, et demandaient une patience que Narcissa ne possédait pas. Dans les autres matières, elle n'avait rencontré aucun problème : sa baguette la comprenait parfaitement, même si elle prononçait la formule de travers, car sa volonté intérieure était toujours extrêmement claire. À l'inverse, elle avait l'impression que les ingrédients des potions voulaient constamment lui jouer des tours, et elle avait en horreur tout ce qui lui résistait.


– Tu as toujours un coup d'avance, pas vrai ?


– Sauf quand tu me prends par surprise, sourit Lucius.


Il sortit légèrement un des livres de son sac, puis interrompit son geste, attendant l'approbation de Narcissa pour le poser sur la table.


– Bon, j'accepte ta proposition si charitable, capitula Narcissa. Je te préviens, tu risques de t'arracher les cheveux, je suis un cas désespéré.


– Très bien, j'ai hâte de relever le défi...


Derrière l'épaule de Lucius, Narcissa aperçut Carla Avery et Juliet Selwyn qui les observaient avec des regards de niffleurs enragés. Pendant que Lucius étalait sur la table quatre volumineux livres de Potions, Narcissa s'installa confortablement dans son fauteuil, et regarda le soleil qui filtrait timidement à travers les fenêtres. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas été aussi heureuse.

End Notes:

Et voilà ! J'espère que tout ça vous a plu, pour ma part je me suis beaucoup amusée à écrire ce chapitre (ça doit se ressentir).

Merci à AnthusPratensis pour ses chouettes reviews, et merci aux quelques personnes qui se sont abonnées à cette histoire, ça me fait très plaisir de voir la liste de vos pseudos s'allonger !

J'attends chaque week-end avec impatience pour vous faire découvrir de nouveaux chapitres :)

À la semaine prochaine ! ❤️

Une élève modèle by mathvou1
Author's Notes:

Hello !!

Ma rentrée étant assez mouvementée, j'ai dû espacer un peu les publications. Je m'en excuse, je ferai au mieux pour les prochains !

Voici donc un nouveau chapitre sur Bellatrix, assez sombre.

On y croise également son petit cousin Regulus, plus connu sous le nom de R.A.B. dans notre saga préférée (mais le jeune homme qui a renié les Mangemorts pour venger son elfe de maison n'est, pour l'instant, encore qu'un petit garçon) ; et Sirius, qui n'est pas vraiment en phase avec tout ce qu'il se passe...

Bonne lecture, j'espère que votre rentrée à vous se passe bien ❤️

Il était près de minuit, et malgré la pluie, la fête battait son plein dans le Nord-Est de Londres. Pour la énième fois de la soirée, le DJ du bar Le Movaway lança un des derniers tubes à la mode, et dès les premières notes, des hurlements de joie firent trembler les vitres embuées.


Devant le bar, les quelques clients qui souhaitaient reprendre leur respiration et discuter plus calmement s'entassaient sous l'auvent, qui les abritaient tant bien que mal de la pluie diluvienne qui s'abattait sur la ville.


– Tu as entendu ? lança une étudiante éméchée à son voisin, assez fort pour couvrir le brouhaha ambiant.


– De quoi ?


– Il y a eu un craquement, là, tout près...


Les deux jeunes gens tendirent le cou, au risque de s'exposer aux seaux de pluie qui tombaient du ciel et s'acheminaient dans la rigole, au centre de la ruelle. Mais en dehors des devantures des pubs, où se massaient quelques débauchés, la rue était parfaitement calme.


– T'es bourrée, Julia, rit son ami en jetant sa cigarette sur le pavé. Allez viens, on rentre, j'suis trempé.


Alors qu'ils refermaient la porte derrière eux pour retourner dans la moiteur du bar, deux silhouettes encapuchonnées se détachèrent du mur voisin.


– Sales moldus, dit l'une d'entre elles en crachant par terre, en direction de l'endroit où les deux étudiants se trouvaient quelques secondes plus tôt.


La deuxième silhouette lui fit un geste autoritaire, et ils remontèrent la rue à grands pas. Tout en marchant, Bellatrix observait avec dégoût les pubs et les clubs où se déhanchaient des moldus de la pire espèce. Comment pouvaient-ils être aussi bêtes ? se demanda-t-elle en les voyant se trémousser sur une musique sauvage. Des parasites, voilà tout ce qu'ils étaient. Mais bientôt, toute trace d'eux aurait disparu, et les derniers survivants seraient soumis aux ordres des sorciers, se dit Bellatrix pour se rassurer.


À côté d'elle se tenait Lord Voldemort, celui qui lui avait tout appris. Celui-ci maintenait son regard fixé vers le sol, et son capuchon fermement enfoncé sur sa tête, pour ne pas montrer aux passants sa peau cireuse et ses yeux injectés de sang. Voldemort lui avait montré son vrai visage quelques semaines après leur rencontre, et comme prévu, Bellatrix n'avait pas été effrayée. Au contraire, elle s'était sentie honorée par cette révélation, et même soulagée, car elle avait bien senti que quelque chose clochait dans le joli minois que Voldemort lui avait initialement montré.


En repensant avec émotion au jour de leur rencontre, Bellatrix essaya de se remémorer le nom sous lequel il s'était initialement présenté. Mais elle ne s'en souvenait plus. Voldemort lui avait demandé de l'oublier, et Bellatrix avait obéi.


Après quelques minutes, ils bifurquèrent dans une ruelle encore plus étroite. La pluie était devenue si dense que leur visibilité était réduite, mais ils distinguaient tout de même quelques silhouettes à la démarche incertaine, à quelques mètres de là.


– Vas-y, ordonna Lord Voldemort en les désignant de son menton pâle et décharné.


Bellatrix attendait ce moment depuis des mois. Elle avait écouté son Maître avec la plus grande application et le plus grand sérieux. Elle s'était entraînée, chez elle, avec Regulus, et dans le sous-sol du Serpent qui fume. Elle avait admirablement dompté la puissance bouillonnante qui l'habitait, l'avait nourrie de rancœur et de soif de domination, et l'avait sentie s'accroître en elle de façon enivrante. Et ce soir, elle allait enfin pouvoir mettre en application les capacités destructrices qu'elle avait engrangées.


D'un pas assuré, elle alla à la rencontre des badauds qui rôdaient dans la ruelle, sans faire attention aux emballages et aux seringues qui jonchaient le sol, ni aux rats qui détalaient sur son passage. Bellatrix n'appréhendait absolument pas l'acte qu'elle allait commettre. Elle avait toujours méprisé les Moldus et autres Sang-Impur, mais depuis quelque temps, elle ne les considérait même plus comme des êtres humains. Les tuer ne lui causerait aucun remords, ce serait comme écraser des insectes.


– Alors, ma jolie, on se promène ?


L'homme qui lui adressa la parole était sale, édenté, et dégageait une odeur repoussante d'alcool et de fumée.


– Viens un peu par-là, que je voie mieux, dit le deuxième en titubant.


– Sacré morceau, dit un troisième en s'humectant les lèvres. C'est quoi, ton p'tit nom ?


Bellatrix retira sa capuche, et leur adressa un charmant sourire. Elle sentait le regard de Voldemort sans sa nuque, et elle était bien décidée à lui montrer qu'elle était à la hauteur de l'enseignement qu'il lui avait si généreusement délivré.


Un des hommes tendit sa main vers la poitrine généreuse de Bellatrix, enveloppée dans un corsage noir et serré.


Poussière tu étais, et poussière tu redeviendras, dit Bellatrix à voix basse, en pointant discrètement sa baguette sur l'individu en question.


– T'as dit quoi ? l'exhorta-t-il en lui postillonnant à la figure.


Le sourire de Bellatrix s'élargit encore. Avant qu'il ne la touche, la main de l'homme s'obscurcit, prit subitement la consistance du sable, et coula sur le sol sous les yeux terrifiés de son propriétaire.


– Qu'est-ce que...


Bellatrix se concentra un peu plus intensément. Le processus se répandit le long de son bras, puis sur son corps, de plus en plus vite. Rapidement, ses bras et ses jambes tombèrent en poussière, et il chuta sur le bitume. Son cri d'épouvante mourut dans sa gorge lorsque le sortilège atteignit son visage, et quelques secondes plus tard, il ne restait de lui qu'un petit monticule de poussière au milieu de vêtements rapiécés.


Bellatrix vit une lueur de panique s'allumer dans les yeux des autres. Mais il était trop tard pour eux, bien trop tard.


Aqua strangulare, dit Bellatrix en sortant sa baguette aux yeux de tous.


Une des flaques d'eau croupie qui se trouvait à ses pieds se mit à bouillonner, et à se mouvoir comme une araignée. La forme obscure et visqueuse ainsi formée grimpa le long de la jambe d'un des hommes, et lui enserra le cou et le visage. Celui-ci poussa un gémissement rapidement étranglé, se contorsionna sur le sol pendant quelques secondes, puis s'arrêta de bouger.


– Serpentes viscus, dit encore Bellatrix en pointant sa baguette sur un troisième.


Dans un premier temps, rien ne se passa, puis l'homme écarquilla les yeux, horrifié, arracha les boutons de sa chemise sale, et se frappa la poitrine comme s'il cherchait à en extirper son cœur. Puis il bascula en arrière, les yeux révulsés, le corps parcouru de secousses violentes, et un liquide sombre jaillit de sa bouche, rapidement suivi par un serpent noir et luisant.


Il ne restait qu'un survivant, le plus jeune et le moins vilain de la bande. Il tourna le dos à Bellatrix, et se mit à courir dans la direction opposée. Au bout de trois enjambées, il se heurta de plein fouet à un mur invisible, et tomba sur le sol, le nez en sang. Il donna un coup de poing dans le vide, heurta à nouveau l'obstacle insaisissable, et gémit de douleur.


– Pitié, dit l'homme en se ratatinant contre la paroi invisible.


Bellatrix hésita un court instant, et repensa à ce que Voldemort lui avait dit, quelques heures plus tôt. « C'est ce que nous allons faire, Bellatrix. Ensemble. Purger ce monde de tous ceux qui le détruisent, et en rebâtir un nouveau, à notre image. Et nous commençons aujourd'hui. »


Comme Lord Voldemort le lui avait appris, Bellatrix se laissa envahir par la haine. Elle chassa de son esprit toute pensée heureuse, toute personne pour qui elle ressentait de l'affection : Cissy, bien sûr, mais aussi son petit cousin Regulus, qu'elle avait beaucoup côtoyé au cours des derniers mois. Leurs visages souriants disparurent de l'esprit de Bellatrix, afin de laisser sa rage et sa haine occuper tout son espace intérieur. Avec délectation, elle sentit la puissance magique contenue en elle enfler, se distendre, puis, une fois que celle-ci fut prête à exploser, Bellatrix hurla :


– Avada Kedavra !


Une impressionnante déflagration d'énergie se libéra en elle. Bellatrix n'avait jamais rien éprouvé de semblable. Elle se sentit soudain invincible, toute-puissante, presque surhumaine ; elle avait l'impression de tout dominer, y compris ses propres peines, qui lui paraissaient lointaines et insignifiantes. Et cette déflagration se propagea le long de son bras, puis de sa baguette en noyer. Il y eut un bruit semblable à une violente rafale de vent, un éclair vert illumina la ruelle, et le jeune homme qui lui faisait face s'affaissa sur le sol, sans vie.


Bellatrix contempla les quatre cadavres qui se massaient à ses pieds, frémissante, électrisée. Elle savait que derrière son dos, Voldemort l'observait déjà avec satisfaction. Cependant, le spectacle qu'elle lui réservait n'était pas encore fini.


Elle pointa sa baguette vers le ciel. Une étincelle verte en jaillit, et se démultiplia rapidement pour en former d'autres, qui décrivirent chacune une courbe précise et dessinèrent le motif que Bellatrix avait pris beaucoup de plaisir à imaginer dans ses moindres détails. Une énorme tête de mort prit forme dans le ciel, puis une dernière étincelle se dégagea du dessin, sortit de sa bouche comme une langue, et dessina un long serpent qui descendit vers Bellatrix. Lorsque les crochets du serpent étincelèrent dans la nuit, elle sourit béatement dans la lumière verdâtre de sa nouvelle signature.


Les quelques fêtards qui accoururent, attirés par les cris et par la figure sinistre qui flottait dans le ciel, ne virent que deux silhouettes noires disparaître à l'extrémité de la rue, laissant dans leur sillage un rire de jeune femme, aigu et abominable.


 


Quelques heures plus tard, au lever du soleil, Bellatrix se retrouva devant les marches du 12, square Grimmaurd sans savoir comment elle était arrivée là. Elle était incapable de dire si elle avait transplané, emprunté la voie des Cheminettes ou erré dans les rues de Londres jusqu’à ce qu’elle échoue devant chez elle. Elle essaya de se remémorer ses exploits nocturnes, afin de reconstituer le cours de sa nuit ; mais ses souvenirs étaient flous, brouillés, désordonnés, comme si elle n’avait fait que rêver de ce qui s’était passé. Elle se souvenait des murs suintants et du pavé humide de la ruelle où elle avait tué les quatre hommes ; mais comment était-elle arrivée dans cette ruelle ? Avait-elle tourné à droite, à gauche ? Qui avait-elle tué en premier ? Celui qui était édenté ? Ou bien l’autre, dont les ongles noirs avaient presque touché sa poitrine ? Elle ne savait plus.


Le jour était déjà levé, et quelques moldus se promenaient aux alentours. En voyant l’un d’eux fouiller dans une poubelle, elle se fit la réflexion que cette vision aurait dû lui inspirer un profond sentiment de dégoût, mais qu’au contraire, elle y était totalement indifférente. En réalité, elle était étrangement engourdie, comme anesthésiée ; et ce qui se passait autour d’elle lui procurait la même impression nébuleuse que ses souvenirs de l’agression, comme si elle se trouvait dans un rêve, en dehors de la triste réalité.


Elle resta au milieu de la place pendant de longues minutes, hébétée. Cette sensation d'engourdissement n'était pas du tout désagréable, au contraire : elle se sentait calme, apaisée, comme elle l'avait rarement été. Ses pensées, au lieu de s'entrechoquer dans sa tête avec fracas comme elles le faisaient d'habitude, flottaient paresseusement autour d'elle, sans l'atteindre.


Au bout d'un long moment, Bellatrix se mit à avoir froid. Alors, afin de rentrer chez elle sans être vue, elle sortit discrètement sa baguette, et la pointa successivement sur les différents moldus qui se trouvaient sur la place. Le vieil homme qui fouillait dans la poubelle se mit à regarder tout au fond de celle-ci, comme s’il s’y passait quelque chose de tout à fait passionnant. Un peu plus loin, le petit dernier d’une famille qui sortait de chez elle chuta dans l’escalier, et ses deux parents accoururent vers lui, en tournant le dos à Bellatrix. Une jeune femme qui s’apprêtait à passer à côté d’elle se mit à fouiller dans son sac, l’air affolé, et fit aussitôt demi-tour au pas de course en se reprochant d’avoir oublié quelque chose chez elle.


Lorsque Bellatrix fut certaine que plus personne ne prêtait attention à elle, elle se tourna vers les deux sinistres bâtisses qui portaient le numéro 11 et le numéro 13, et se concentra avec intensité. Les deux immeubles s’ébranlèrent alors silencieusement, et glissèrent l’un sur l’autre comme des tiroirs, découvrant la maison austère qui portait le numéro 12. Bellatrix s'avança, et monta les marches du perron d'un pas mécanique, avec l'impression qu'elle flottait au-dessus de celles-ci. Puis elle entra, faisant retentir la cloche suspendue au-dessus de la porte, et monta directement au dernier étage de la maison, impatiente de retrouver son petit cousin Regulus. Arrivée en haut de l'escalier, elle fit une petite grimace en entendant la voix de Sirius sortir de sa chambre.


– Pourquoi tu n'as pas dit que c'était Kreattur qui avait cassé l'assiette ? l'exhortait Sirius, l'air mauvais. Tu l'as vu, pourtant ! Tu savais qu'il mentait, quand il m'a accusé !


Bellatrix passa sa tête dans la chambre, et vit que Sirius avait coincé son petit frère dans un coin de la pièce. Regulus était recroquevillé contre le mur, au bord des larmes. Sirius se tenait face à lui, les bras tendus, et l'empêchait de s'enfuir en lui barrant le passage dès qu'il esquissait un mouvement pour s'échapper.


– Alors ? insista Sirius avec agressivité. Réponds !


– Je ne voulais pas que Kreattur soit puni, gémit la petite voix de Regulus.


Furieux, Sirius le frappa à l'arrière de la tête, et Regulus se protégea de ses bras.


– À cause de toi, je vais encore être privé de dîner ! poursuivit Sirius avec colère.


– Oh, tu risques de ne pas survivre jusque-là, déclara Bellatrix en entrant dans la chambre.


Sirius se retourna, et Regulus en profita pour s'échapper du recoin où il était acculé, pour aller se réfugier à côté de Bellatrix et lui saisir fermement la main.


– Va-t'en, Sirius, dit Bellatrix d'une voix sourde.


Sirius sembla hésiter, l'air un peu effrayé ; puis il lança un regard menaçant à Regulus, et sortit de la chambre en passant nonchalamment sa main dans ses cheveux bouclés. Bellatrix claqua la porte derrière lui, et se tourna vers Regulus. Contrairement à son frère, il était habillé avec soin, et il avait discipliné ses cheveux ondulés en les peignant soigneusement. Dès que Sirius eut disparu, un large sourire éclaira son visage pâle.


– Merci beaucoup, dit-il à Bellatrix, reconnaissant. Vivement l'année prochaine, il sera enfin à Poudlard...


Il désigna son lit à baldaquin, couvert d'édredons moelleux.


– Tu veux t'allonger avec moi ?


– Bien sûr, dit Bellatrix.


Elle retira ses chaussures, et s'étendit avec plaisir sur l'immense lit à baldaquin de Regulus. C'était un endroit bien plus propice au sommeil que la chambre-placard du premier étage, où tous les bruits et toutes les odeurs de la maison venaient s'accumuler du matin au soir, sans interruption. Et de plus, se réfugier au dernier étage lui évitait de croiser sa mère, qui était de plus en plus maigre et de plus en plus faible, et dont la vision donnait à Bellatrix l'envie de s'enfuir, le plus loin possible, de repousser cette image qui lui coupait le souffle et les jambes...


Évidemment, Walburga n'appréciait pas beaucoup de voir Bellatrix se prélasser tout le jour durant dans le lit luxueux qu'elle réservait à son fils, mais lorsque celui-ci avait avancé que cela dissuadait Sirius de venir le tourmenter, Walburga avait renoncé à chasser sa nièce. Bellatrix y passait donc toutes ses journées, et quand elle ne dormait pas, elle racontait à Regulus tout ce qu'elle apprenait auprès du Seigneur des Ténèbres, vantant les mérites de ce professeur si charismatique et si talentueux. Regulus l'écoutait toujours avec passion, en ouvrant grand ses yeux gris, étincelants d'admiration et d'intelligence. 


En apprenant que Bellatrix avait tué quatre personnes au cours de la nuit, Regulus fut d'abord horrifié.


– Mais... Ils sont vraiment morts ? murmura-t-il, comme si Bellatrix était susceptible de plaisanter.


– Évidemment, se vanta sa cousine.


Regulus se doutait bien qu'il s'agissait d'un crime atroce, mais il avait tellement entendu son père parler des Moldus comme s'il s'agissait de simples parasites qu'il n'en mesura pas toute la gravité. Et finalement, la curiosité l'emporta sur l'épouvante : comment faisait-on, pour tuer des gens d'un coup de baguette magique ?


Fasciné, Regulus écouta Bellatrix lui faire le compte-rendu détaillé de ses crimes, sans remarquer les multiples incohérences et approximations qui ponctuaient son récit. Pendant des heures, il but les paroles de sa cousine, accoudée avec désinvolture sur son oreiller ; et lorsqu'elle s'assoupit, il resta allongé à côté d'elle, et se mit à rêver d'un futur qu'il espérait proche, où il la rejoindrait pour se battre à ses côtés, où il deviendrait aussi puissant qu'elle, et où plus personne n'oserait le coincer dans un recoin de sa chambre pour lui asséner des tapes humiliantes sur la tête, comme Sirius aimait tant le faire...


Au cours de la journée, après un sommeil agité et entrecoupé de cauchemars, Bellatrix sentit son hébétude se dissiper, et ses nombreuses préoccupations retrouvèrent progressivement l'emprise qu'elles avaient sur elle. Malgré ce que Bellatrix avait fait, et malgré la fierté qu'elle en tirait, sa vie était toujours la même : son père était toujours un idiot, sa mère était toujours gravement malade, et elle était toujours contrainte d'exercer la magie en cachette. La présence rassurante de Regulus à ses côtés ne parvint pas à l'apaiser : l'esprit de Bellatrix, qui avait été si dégagé, si léger tout au long de la journée, fut de nouveau assombri par la rancœur et les frustrations.


Et le soir, en allant de nouveau rejoindre Lord Voldemort au Serpent qui Fume, Bellatrix n'avait plus qu'une idée en tête : recommencer à tuer.

End Notes:

Le prochain chapitre s'intitulera Le choix de Sirius... À vos suggestions ! ❤️

Le choix de Sirius by mathvou1
Author's Notes:

J'allais dire que c'est un de mes chapitres préférés, mais en fait, je crois que c'est le cas pour beaucoup trop de chapitres hihi (ce n'est pas lié à leur qualité plus ou moins bonne mais plutôt à l'affect que j'y ai mis).

Quoiqu'il en soit, le chapitre qui va suivre est un chapitre assez long, que j'aime beaucoup. Parce qu'on y voit Sirius, qu'on y rencontre James, qu'on fait plus ample connaissance avec Andromeda, mais aussi avec Lucius et Narcissa ; et parce qu'on y découvre un endroit que j'ai pris beaucoup de plaisir à imaginer.

Bref, vous l'aurez compris, j'espère qu'il vous plaira aussi, malgré les disputes qui y éclatent et les routes qui se séparent...

Dans la gare de King's Cross bondée, Narcissa s'élança d'un pas rapide vers le mur qui séparait la voie 9 de la voie 10, et redécouvrit avec plaisir le spectacle immuable des embrassades et des retrouvailles qui se tenait sur le quai du Poudlard Express.


Pour la première fois, Narcissa se rendait seule à Poudlard, sans aucune de ses sœurs. Elle allait y entamer sa sixième année, et était plus impatiente que jamais. En effet, après avoir rencontré Lucius, sa scolarité était devenue nettement plus agréable. Ils se pavanaient tous les deux dans les couloirs, se moquaient à voix basse des autres élèves et révisaient leurs cours en riant à la bibliothèque. Malgré le fait qu'ils ne s'étaient jamais embrassés, tout le monde les soupçonnait d'être ensemble, et Narcissa était toujours au cœur des conversations, ce qu'elle trouvait extrêmement appréciable. De plus, l'année précédente, Narcissa était devenue préfète à son tour, ce qui avait contribué à alimenter leurs vantardises et décuplé la proportion de temps qu'elle passait avec Lucius, au détriment de son amitié avec Daisy.


Sur le quai, Narcissa retrouva Sirius, qui se tenait aussi éloigné de sa mère que la largeur du quai le lui permettait, et qui scrutait la foule avec un peu d'appréhension. Les jours précédents, il était si excité qu'il ne tenait pas en place, et harcelait Narcissa de questions, auxquelles elle répondait de bon cœur.


– Je suis sûre que ça va aller, lui dit-elle en l'embrassant. Je te laisse, je dois rejoindre Lucius dans le wagon des préfets ! On se revoit au banquet !


Narcissa longea le Poudlard Express et salua rapidement Daisy qui se trouvait là, en train de tenir la chandelle entre son frère et Carla Avery, comme d'habitude. Ses yeux pétillaient moins depuis que Narcissa la délaissait, mais Narcissa avait fait le choix de ne pas y penser. Elle continua donc sa route en chantonnant, et monta en tête de train, dans le wagon des préfets, où Lucius avait déjà réservé un compartiment entier, rien que pour eux deux.


Lucius arrivait toujours seul, et avec une avance démesurée. Il avait expliqué à Narcissa que, lorsque son père avait concocté le poison destiné à leur ancien Ministre de la Magie, Nobby Leach, il s'était accidentellement contaminé avec du venin de serpent, et était depuis dramatiquement affaibli. Il avait fait passer cette faiblesse pour une Dragoncelle, une maladie courante chez les personnes âgées, et personne n'avait osé se montrer soupçonneux. Depuis, son père restait cloîtré dans leur manoir, envoyait Lucius faire des mondanités à droite et à gauche et se contentait de lui donner des consignes pour entretenir l'influence qu'il avait sur les décisions du Ministère. Lucius s'absentait donc souvent de Poudlard en prétextant une visite indispensable à son père souffrant, alors qu'en réalité, il se rendait à des fêtes splendides, afin que la famille Malefoy reste dans les petits papiers des notables du Ministère.


– Ah, te voilà, dit Lucius, rayonnant, en poussant ses affaires pour laisser Narcissa s'installer à côté de lui.


Narcissa s'assit contre lui, et l'embrassa rapidement sur la joue. 


– Alors, comment s'est passé ton été ? demanda Narcissa.


– Horriblement ennuyeux, comme d'habitude, dit Lucius en haussant les épaules. J'ai pensé à toi tout le temps.


Narcissa fit un effort pour ne pas rougir. Lucius prenait un malin plaisir à lui faire des compliments au détour de n'importe quelle conversation, et à observer discrètement sa réaction, l'air de rien.


– Et toi ? enchaîna-t-il avec désinvolture.


Le sourire de Narcissa s'évanouit aussitôt. Chaque fois que Lucius lui posait des questions sur ce qui se passait chez elle, elle se trouvait totalement prise au dépourvu. En effet, là-bas, tout le monde était trop préoccupé par l'état de sa mère ou par les sorties nocturnes de Bellatrix pour lui demander à elle, Narcissa, ce qu'elle ressentait. Les moments où elle pouvait se confier étaient donc restreints aux soirées qu'elle passait avec Andromeda, mais les deux sœurs préféraient discuter d'autre chose et s'échapper ensemble des murs sinistres du 12, square Grimmaurd, plutôt que de ressasser leurs inquiétudes à propos de l'état de santé de leur mère.


En outre, de façon générale, Narcissa avait terriblement honte de tout ce qui se passait chez elle. Si Lucius apprenait qu'elle passait ses journées au chevet de sa mère, désemparée, à essayer de soulager ces douleurs interminables qui la clouaient au lit, il estimerait peut-être que ça n'était pas une activité digne d'une jeune fille de bonne famille...


– Ça allait, dit-elle en grimaçant un sourire.


Mais Lucius n'était pas dupe.


– Je voulais te parler de quelque chose, dit-il avec douceur. Tu sais, mon père est malade aussi, et tous les guérisseurs les plus savants défilent sans arrêt à son chevet, venus du monde entier... Bon, pour l'instant, ils n'ont pas trouvé de remède à son affection, mais tout de même, je me demandais... Enfin, je veux dire... Nous pourrions peut-être vous en faire profiter.


Narcissa fronça les sourcils, interloquée.


– C'est-à-dire ?


– C'est-à-dire qu'en allongeant un peu la somme que nous leur donnons, je pense que ces guérisseurs accepteraient de faire un détour par chez vous, dit Lucius. Peut-être qu'ils trouveraient quelque chose pour soulager ta maman...


Narcissa sentit ses joues devenir rouge cerise. Elle avait vaguement expliqué la situation à Lucius, mais il semblait toujours être informé bien au-delà des quelques réponses imprécises que Narcissa avait daigné lui donner, ce qui était parfois très désagréable.


– Tu sais, nos pères se connaissent bien, dit Lucius pour expliquer le fait qu'il en savait autant. Ils ont beaucoup collaboré, au Ministère, avant que mon père ne tombe malade. Ils continuent à correspondre, et j'ai réussi à convaincre mon père de lui proposer son aide... Mais je voulais t'en parler avant.


– C'est peine perdue, soupira Narcissa en secouant la tête. Les Goyle et la famille de ma mère ont déjà déboursé des fortunes pour que les Magicomages les plus renommés du monde sorcier viennent l'examiner. Ils ont proposé d'autres remèdes, à des prix exorbitants, mais aucun n'a été efficace. En fait, ils ne sont pas du tout d'accord à propos du diagnostic, et pensent qu'il s'agit plutôt d'un Struptus ou d'une Cauchemardia... D'autres affirment qu'il s'agit plutôt d'une nouvelle maladie, qu'ils ont baptisé la Druellose... Un médecin a même eu le culot de publier un article sur son cas dans la revue Maléfices rares et irrécupérables.


– Oh, je ne savais pas, dit Lucius.


En voyant son air embarrassé, Narcissa le remercia chaleureusement pour sa proposition et l'embrassa à nouveau sur la joue. En deux mois, elle avait oublié à quel point il était agréable de se sentir soutenue. Alors qu'elle regardait pensivement par la fenêtre, la joue posée sur l'épaule de Lucius, la sonnette du Poudlard Express retentit, le train s'ébranla, et quitta le quai dans un grand vacarme d'adieux et d'exclamations excitées.


– As-tu réfléchi à tes choix d'ASPIC[1] ? demanda Lucius lorsque le paysage devint verdoyant. J'espère que tu vas choisir les Potions, il ne faudrait pas t'arrêter en si bon chemin...


Il eut un sourire gentiment moqueur, et Narcissa lui donna une petite tape sur la main. Grâce à lui, elle avait obtenu un Acceptable en Potions, l'année précédente, mais elle n'appréciait pas la matière au point de la choisir comme ASPIC. Au contraire, elle se réjouissait de ne plus avoir affaire à Slughorn et à son énorme moustache de morse.


Et soudain, en admirant rêveusement la veste flambant neuve et parfaitement coupée de Lucius, elle s'aperçut que son insigne de préfet était encore plus brillant que l'année passée. Son étonnement n'échappa pas à Lucius, qui se tourna vers elle en bombant légèrement le torse.


– Ah, je savais que tu remarquerais, dit-il en tapotant fièrement son insigne.


– Ne me dis pas que...


– Eh si, exulta Lucius. Tu as devant toi le nouveau Préfet-en-Chef ! Bon, ça n'a pas été facile, Dumbledore était assez réticent, mais Slughorn a fini par le convaincre... Après tout, ça fait au moins dix ans que le Préfet-en-Chef est de Gryffondor, ça commençait à devenir louche.


– J'en étais sûre ! s'exclama Narcissa, au comble de l'excitation. Oh, Lucius, c'est formidable !


Narcissa s'imaginait déjà en train de se pavaner dans Poudlard, au bras du Préfet-en-Chef : l'année ne pouvait pas mieux commencer.


– Et qui est la Préfète-en-Chef ?


– Cassandra Wiscrisp... Une Poufsouffle, dit Lucius avec dédain.


– Tiens, ça me fait penser... J'ai oublié de mettre le mien...


Elle sortit de son sac son propre insigne de préfète, rouge et brillant, et voulu l'épingler à son tour, mais dans la précipitation, elle se piqua le doigt.


– Aïe ! cria-t-elle en voyant une goutte de sang rouge vif perler au bout de son doigt.


– Attends, laisse-moi faire, dit Lucius en avançant sa main vers l'insigne de Narcissa.


Narcissa consentit à lâcher son insigne, et tendit le tissu de sa veste pour faciliter la tâche à Lucius. Leurs doigts s'effleurèrent, et Lucius, faussement concentré sur l'épingle de l'insigne, rapprocha délibérément son visage de celui de Narcissa, à tel point, qu'elle pouvait sentir son souffle léger sur ses mains et son parfum agréablement familier.


– Et voilà, dit Lucius en se redressant, comme si de rien n'était.


Il tapota fièrement l'insigne de Narcissa, et tous les deux échangèrent un sourire entendu : ils savaient pertinemment que leur attirance était partagée, et ce petit jeu de séduction leur plaisait beaucoup.


Toc ! Toc ! Toc !


Au grand désespoir de Narcissa, la porte du compartiment s'ouvrit, et un garçon passa sa tête dans l'entrebâillement. Il était très pâle, ce qui lui donnait l'air faible et malade. Narcissa devina à sa robe de sorcier vêtue à l'envers qu'il était en première année, et lui adressa un sourire compatissant. Le garçon s'apprêta à parler, mais Lucius ne lui en laissa pas le temps.


– C'est le wagon des préfets, ici, dit-il sèchement en désignant l'écriteau qui était accroché dans le couloir. Tu ne sais pas lire ?


Le garçon devint encore plus blême qu'auparavant, et s'enfuit sans répondre.


– Le pauvre, il était sûrement en première année, le gronda gentiment Narcissa.


– Tu as raison, admit Lucius. Il ne sait pas encore qui commande à Poudlard... Mais franchement, tu as vu sa robe ? Je n'en ai jamais vu d'aussi miteuse...


Toc ! Toc ! Toc !


La porte s'ouvrit à nouveau sur Cassandra Wiscrisp, la nouvelle Préfète-en-Chef. C'était une fille à la peau brune, de taille moyenne, dont la carrure impressionnante en disait long sur ses années passées à la tête de l'équipe de Quidditch de Poufsouffle. À en juger par son air furieux, elle venait sans doute de croiser le petit garçon qui avait frappé à leur porte quelques instants plus tôt.


– Ah, Malefoy, je te cherchais, dit-elle, l'air renfrogné. Je vais faire un petit tour dans le train, pour vérifier que les première année sont bien installés... Tu viens ?


Lucius et Narcissa échangèrent un sourire narquois. Le jour où on les verrait remplir leurs obligations de préfets n'était pas encore venu...


– Il faut que tu viennes avec moi, c'est notre rôle, en tant que Préfets-en-Chef, insista Cassandra. Et Narcissa, je te signale que c'est le rôle des préfets aussi ! Vous feriez mieux de me suivre, au lieu de terroriser les première année qui se sont perdus !


– Je suis sûr que tu te débrouilleras très bien toute seule, répondit Lucius en posant ses pieds bottés de cuir sur la banquette rouge et moelleuse qui se trouvait en face de lui.


Wiscrisp contempla le reste du compartiment, où Lucius et Narcissa avaient consciencieusement étalé leurs affaires afin que personne d'autre ne vienne s'asseoir à côté d'eux.


– Tu es vraiment irrécupérable, Malefoy, dit-elle en secouant la tête. Quand je pense que tu as été nommé Préfet-en-Chef...


– Si ça ne te convient pas, tu n'as qu'à aller te plaindre au professeur Slughorn, rétorqua Narcissa.


Wiscrisp les regarda l'un après l'autre, et leva les yeux au ciel.


– Non, mais vraiment... Pas un pour rattraper l'autre, grommela-t-elle en quittant le compartiment des préfets.


Aussitôt la porte refermée, Lucius et Narcissa éclatèrent de rire.


– Quelle idiote, soupira Lucius. Ah, si seulement nous pouvions gagner à nouveau la Coupe des Quatre Maisons, cette année... Si c'est le cas, je n'aurais pas connu une seule défaite ! Cela dit, Gryffondor n'était pas loin de nous surpasser, l'an dernier, et je n'aimerais pas que cela se produise pendant ma dernière année à Poudlard...


Narcissa reposa sa tête sur son épaule.


– Je suis sûre que nous allons encore gagner. Mon cousin Sirius rentre à Poudlard cette année, tu te souviens ?


– Bien sûr que je me souviens.


Le sourire de Narcissa s'élargit encore davantage.


– Il est si intelligent, tu verras ! s'enthousiasma-t-elle. S'il ne fait pas trop de bêtises, il va nous ramasser un nombre de points considérable ! Face à nous tous réunis, Gryffondor n'a aucune chance...


 


À l'arrière du train, seul dans son compartiment, Sirius regardait par la fenêtre avec nervosité. Il avait attendu ce jour depuis tant d'années ! Et les derniers mois au 12, square Grimmaurd avaient été particulièrement difficiles à supporter. Bellatrix passait son temps avec Regulus, et tous les deux n'arrêtaient pas de chuchoter des choses étranges, tout en ayant l'air de conspirer constamment contre Sirius.


Assis sur la banquette, il ébouriffait soigneusement ses cheveux bouclés, que sa mère s'était pourtant obstinée à discipliner, des heures durant, afin de « limiter les dégâts », avait-elle dit. Sirius était monté dans le train dès que les portes s'étaient ouvertes, sans adresser un regard à sa mère. Il était déjà soulagé de ne plus sentir son regard sur lui. 


Sur le quai, les familles s'embrassaient, se donnaient les dernières recommandations pour l'année à venir. Il entendit du bruit dans le couloir du train :


– Allez, amuse-toi bien, mon chéri...


– M'man !! M'appelle pas comme ça ici, c'est la honte !


– Et prends soin de tes affaires, d'accord ? 


– Pour quoi faire ? On peut les réparer !


– James, enfin, ça n'est pas comme ça que tu dois réfléchir !


– Je plaisante, m'man... Allez, c'est bon, vous pouvez descendre, maintenant !


– Pas si vite, mon Jamichou, dit une voix masculine et cordiale. Je veux être sûr que tu sois bien installé !


Jamichou ? répéta la voix d'enfant, catastrophée. Pitié, papa !


La porte du compartiment s'ouvrit, et un homme d'une quarantaine d'années entra, accompagné d'une femme au regard très doux.


– Regarde, mon chéri, ici tu seras très bien ! Oh, bonjour, mon garçon ! lança aimablement l'homme à Sirius.


– Bonjour monsieur, répondit Sirius, comme sa mère le lui avait appris.


Un garçon mince aux cheveux noirs particulièrement ébouriffés, qui ressemblait à son père comme deux gouttes d'eau, entra à leur suite, et lança un regard désespéré à Sirius.


Après quelques embrassades et de multiples recommandations, les parents du dénommé James sortirent. Ils se postèrent sur le quai, de l'autre côté de la vitre, et continuèrent d'adresser des signes à leur fils, avec le même sourire béat.


– Désolé, mes parents ont vraiment un grain, dit James en répondant aux signes enthousiastes de ses parents avec un petit geste de la main embarrassé. Au fait, moi c'est James. James Potter.


– Ah bon ? J'avais cru comprendre que c'était Jamichou.


James le scruta quelques instants, essayant de décrypter si la boutade était malveillante ou non.


– Je plaisante ! Je m'appelle Sirius. Moi aussi, mes parents ont un vrai grain, ajouta-t-il en souriant.


James eut l'air soulagé. Il lui rendit son sourire, et se laissa tomber sur la banquette à côté de lui. Puis le train s'ébranla, et se mit en route. Deux autres enfants entrèrent dans le wagon, mais Sirius ne leur prêta aucune attention. James lui offrit des petits hiboux en sucre d'orge qui voletaient dans sa bouche en lui chatouillant la langue, et les deux jeunes garçons discutèrent avec enthousiasme.


– Tu as eu quoi, comme baguette ?


– De l'acajou...


– Sans blague ? Moi aussi ! Ollivander m'a dit que c'était très efficace pour la métamorphose. Fais voir ?


Alors que Sirius cherchait sa baguette, il entendit une bribe de la conversation de leurs deux voisins :


– .... Il vaut mieux être à Serpentard...


– Serpentard ?


James avait bondi, interrompant la conversation entre les deux autres élèves – un garçon aux cheveux noirs et gras, et une fille aux yeux verts en amande, et aux cheveux roux foncés.


– Qui a envie d'être un Serpentard ? Moi, je préférerais quitter l'école, pas toi ? dit-il en prenant Sirius à parti avec un sourire railleur.


Sirius se sentit pâlir. Si James savait...


– Toute ma famille était à Serpentard, réussit-il à articuler.


Mais, au grand soulagement de Sirius, le sourire de James fut loin de se dissiper :


– Nom de nom ! Et moi qui croyais que tu étais quelqu'un de bien !


James lui tapa sur l'épaule en riant, et Sirius lui sourit en retour. Que ce soit à Serpentard ou ailleurs, désormais, Sirius ne désirait plus qu'une chose : devenir l'ami de James.


– Peut-être que je ferai une entorse à la tradition, concéda Sirius. Où veux-tu être, si tu as le choix ?


James souleva une épée invisible.


Si vous allez à Gryffondor, vous rejoindrez les courageux ! Comme mon père.


Leur voisin d'en face émit un petit ricanement, et Sirius et James reportèrent leur attention sur lui. Sirius le détailla un peu mieux : il était maigre et noueux, et était habillé comme un épouvantail. Son allure maladroite lui faisait penser à son petit frère.


– Ça te pose un problème ? lui lança James.


– Non... Si tu préfères le biceps à l'intellect... dit le garçon efflanqué avec un petit rictus méprisant.


Ce mépris, Sirius ne le connaissait que trop bien, car il l'avait vu défiler sur les visages de tous les membres de sa famille. Et, après onze années à le supporter, il en avait plus qu'assez.


– Et toi, où comptes-tu aller, étant donné que tu n'as ni l'un ni l'autre ?


La réplique avait glissé entre ses lèvres, spontanément. James éclata de rire, et Sirius se sentit plus euphorique que jamais.


 


Les années précédentes, Narcissa avait beaucoup apprécié le moment du Choixpeau, car elle revivait à travers l'excitation des première année celle qu'elle avait ressentie, elle aussi, en entrant dans ce lieu mystique sous le regard attentif des élèves et des professeurs. 


Quand les première année entrèrent dans la Grande Salle, le scintillement des milliers de chandelles qui flottaient dans les airs s'intensifia. Ils étaient une petite trentaine, encore soudés pour quelques instants avant d'être éparpillés dans les quatre maisons. Narcissa aperçut Sirius qui parlait avec animation avec un garçon ébouriffé et malicieux, et s'attendrit de le voir, lui aussi, goûter au plaisir des amitiés nouvelles. Il ne me semblait pas le moins du monde intimidé par la foule d'élèves environnante, avançant le front haut sous ses boucles brillantes. Narcissa chercha à intercepter son regard, mais il semblait absorbé tout entier par la conversation qu'il menait avec son voisin.


– Voilà Sirius ! Tu reconnais l'autre garçon ?


Lucius tendit le cou.


– Non, je ne crois pas.


Ils présidaient tous les deux la table des Serpentard, fidèles à leur rôle de préfets. Narcissa continuait d'annoncer autour d'elle l'arrivée de Sirius, et ordonnait aux élèves qui se trouvaient autour d'elle de faire bon accueil à son cousin lorsqu'il s'installerait à leur table.


– Abbot, Tony ! appela le Professeur McGonagall après le discours habituel.


– Les Abbot vont toujours à Poufsouffle, dit Lucius à l'oreille de Narcissa.


Et en effet, à peine le Choixpeau avait-il effleuré les cheveux du jeune garçon qu'il beugla :


– POUFSOUFFLE !


– Tu vois, triompha Lucius.


– Avery, Liam !


Narcissa devina qu'il s'agissait du petit frère de Carla, non seulement grâce à son nom de famille, mais également à son air idiot et au regard féroce qu'ils avaient en commun. Le garçon à la mâchoire proéminente s'avança, et McGonagall posa le Choixpeau sur sa tête.


– SERPENTARD !


– Il n'a pas l'air commode, commenta Lucius en applaudissant à pleines mains.


Mais Narcissa ne l'écoutait plus, car Sirius venait d'être appelé à son tour. En entendant son nom, d'autres Serpentard échangèrent des regards entendus. Il était reconnu et attendu ; Narcissa se redressa, fière comme un paon, toute prête à entendre le verdict, et joignit ses mains pour applaudir la première.


À côté du professeur McGonagall, Sirius sentit le Choixpeau se poser sur ses cheveux. Il était trop grand, et tombait un peu sur ses yeux.


– Ah ! Encore un Black !


La petite voix nasillarde qu'il entendit à son oreille le fit à peine sursauter.


– Si je voulais économiser mon énergie, continua la voix, je t'enverrais à Serpentard, comme le reste de ta famille... Mais je sens que ton cœur désire autre chose... Et du courage, oui, décidément, je vois beaucoup de courage...


Sirius repensa à James et à son épée invisible, puis au garçon efflanqué, avec son rictus méprisant. Son choix était fait.


 


Dans la Grande Salle, l'exclamation qui sortit de la bouche du Choixpeau arrêta Narcissa dans son élan, et claqua comme un coup de fouet au-dessus du brouhaha ambiant :


– GRYFFONDOR !


Pendant quelques secondes, Narcissa ne comprit pas ce qui se passait. Pourquoi le Choixpeau s'était-il trompé ? Pourquoi Sirius allait-il s'installer sur une autre table que la sienne ? Pourquoi les Gryffondor applaudissaient-ils ainsi alors que ça n'était qu'une lamentable erreur ?


Puis elle perçut le murmure de déception qui se répandait sous les étendards verts, et vit un Gryffondor lui faire un pied de nez. Et soudain, le feu lui monta aux joues, sa vue se brouilla, elle se planta les ongles dans ses cuisses et se retint d'aller chercher Sirius par la peau du cou.


Elle n'écouta plus aucune des affiliations, les yeux rivés sur Sirius. Les autres Serpentard étaient écœurés d'avoir été privés de celui qu'ils convoitaient ; et ils applaudirent du bout des doigts, comme une bien faible compensation, l'arrivée d'un petit garçon appelé Severus Rogue, qui ressemblait davantage à un épouvantail en porcelaine, avec son teint d'une pâleur maladive et ses cheveux gras. Celui-ci, d'ailleurs, regardait déjà la tablée des Gryffondor avec envie. Personne ne se déplaça pour lui laisser une place, et Lucius dut lui faire signe de s'asseoir à côté de lui. Il passa le dîner à présenter à Severus Rogue leur maison avec fierté, tout en jetant à Narcissa des regards de côté.


Ainsi Sirius, par son désir stupide de se distinguer, s'était détourné d'elle. Narcissa fulmina durant toute la durée du repas, enfermée dans une étouffante bulle de colère, voyant que Sirius ne manifestait absolument aucun regret, et que lui et son nouvel ami étaient déjà au centre de l'attention. Elle enrageait de le voir s'intégrer avec autant d'aisance dans cet univers qu'elle lui avait si passionnément raconté.


Aussitôt le banquet terminé, Narcissa quitta la Salle Commune sans adresser un mot à ses camarades de Serpentard, et en évitant leurs regards gênés ou teintés de reproche. Elle alla se réfugier dans son lit, avec son dépit pour seule compagnie. C'était la première fois qu'elle recevait un affront aussi sévère, et il lui était d'autant plus difficile à supporter qu'il lui venait de Sirius, que jusqu'ici elle chérissait beaucoup. Le terme de « trahison » lui vint à l'esprit, aussitôt associé à celui de « vengeance ». Et c'était précisément cette idée de vengeance qui lui faisait le plus mal, le fait qu'elle ne pourrait plus se montrer affectueuse avec lui, au risque de perdre la face devant toute l'école, et au risque qu'il croie être pardonné et autorisé à la blesser de nouveau.


La partie encore lucide de son esprit lui suggéra qu'il s'agissait d'un simple concours de circonstances. Elle savait, au fond d'elle, qu'elle devait aller le voir, lui parler calmement, et l'écouter à son tour ; mais elle avait trop mal, elle ne pouvait pas s'empêcher de fulminer, de penser aux instants qu'elle avait imaginé partager avec lui dans la Salle Commune et qu'ils ne vivraient jamais, à toute cette complicité manquée, et la colère qu'elle ressentait était incapable de s'écouler sagement.


Narcissa s'endormit avec l'espoir infime que Sirius trouverait un moyen de se faire pardonner, et que malgré l'aspect irréversible de la distance qu'il venait de mettre entre eux, ils connaîtraient d'autres moments de complicité. Elle espérait ainsi ne jamais avoir à reprendre tout ce qu'elle lui avait donné. Elle espérait qu'elle ne serait jamais contrainte d'oublier ces après-midis où, tous les deux, ils combattaient l'ennui avec enthousiasme, et tous ces soirs où elle l'avait rassuré, câliné et regardé s'endormir.


Mais hélas, comme trop souvent, la colère et l'incompréhension l'emportèrent sur la raison.


 


***


 


Le lendemain, Andromeda, de son côté, marchait d'un pas vif le long du chemin de traverse. En effet, quelques jours plus tôt, en accompagnant Narcissa acheter ses fournitures pour sa sixième année, Andromeda avait remarqué pour la première fois une minuscule librairie, écrasée par l'énorme enseigne de Mr Ollivander. Intriguée, elle s'était approchée : la devanture n'était pas beaucoup plus large que la porte, et à travers la vitrine, on pouvait voir des rangées de livres anciens. Au-dessus de l'entrée figurait un écriteau minuscule, aux inscriptions à peine lisibles : Le Chat qui souris, librairie et voyages.


Intriguée par cette appellation, elle s'était promis de revenir. Elle longea donc la rue encombrée de sorciers affairés, jusqu'à la minuscule librairie, et poussa la porte, dont la poignée était couverte de cuir usé, poli par le temps. Elle fut aussitôt accueillie par les notes cristallines d'un carillon constitué de tubes argentés, situé au-dessus du linteau de la porte d'entrée. Aussitôt la porte refermée derrière elle, la rumeur du Chemin de Traverse s'évanouit, et la petite librairie replongea dans le silence.


L'endroit, pour Andromeda, se rapprochait de l'idée qu'elle se faisait du paradis. La pièce était immensément longue, et s'élargissait au fur et à mesure, à tel point qu'Andromeda n'en voyait pas le bout. Plusieurs plafonniers diffusaient une lueur douce, comme s'ils avaient peur de déranger les ouvrages paisiblement endormis. Des livres anciens, aux couvertures soigneusement reliées, s'alignaient sur les étagères en bois irrégulier. En s'approchant des tranches des livres, Andromeda fut surprise de constater qu'elle connaissait la plupart des titres : Le bal des elfes, La sorcière prodigieuse, Bonnie contre les géants, En attendant Merlin, Les contes de Beedle le barde... Un peu plus loin, elle s'aperçut avec ravissement que la librairie comportait des livres moldus : Notre-Dame de Paris, Les Milles et Une Nuits, Don Quichotte de la Manche, Le petit Prince, Dix Petits Nègres... Autant de livres que sa famille aurait immédiatement jeté aux ordures, mais dans lesquels Andromeda mourait d'envie de se plonger.


– Bonjour, belle demoiselle !


Avec un « pop » sonore, une minuscule petite femme apparut devant elle. Elle devait avoir du sang de lutin dans les veines, car sa tête arrivait à peine à la hauteur de la taille d'Andromeda. Ses longs cheveux argentés ondulaient jusqu'à sa taille, ses volumineuses boucles d'oreilles et ses innombrables bracelets cliquetaient au moindre de ses mouvements, et ses nombreuses rides dessinaient des soleils autour de ses yeux lorsqu'elle souriait.


– Bienvenue dans la librairie voyageuse ! Je suis Mrs Painswick, la propriétaire de l'établissement ! C'est la première fois que je vous vois, il me semble ? J'ai une excellente mémoire visuelle. Vous connaissez le principe des Livres Voyageurs ?


Andromeda n'avait jamais entendu parler d'une telle chose, mais l'idée d'associer les livres et les voyages lui plaisait déjà.


– Bonjour madame, je... Je m'appelle Andromeda. Non, je ne connais pas...


Le sourire de Mrs Painswick s'élargit encore.


– Alors, je vous montre ?


– Oui, avec joie.


Mrs Painswick frémit d'excitation, et se mit à parcourir les étagères.


– Voilà Le Petit Prince ! s'exclama-t-elle en saisissant un livre minuscule coincé entre deux grimoires. Allez-y, lisez !


Andromeda parcourut quelques pages, intriguée. J'ai ainsi vécu seul, sans personne avec qui parler véritablement, jusqu'à une panne dans le désert du Sahara... Elle fronça les sourcils. Ce livre n'avait rien de magique. En revanche, elle se mit à avoir très chaud, et une odeur désagréable lui fit froncer le nez. En levant la tête pour interroger Mrs Painswick, Andromeda sursauta : la vieille dame avait disparu, et la librairie entière avec elle. Autour d'Andromeda, il n'y avait qu'une étendue dorée et onduleuse, à perte de vue, sous un ciel d'un bleu impitoyable. Il n'y avait pas âme qui vive, à l'exception d'un homme d'une quarantaine d'années qui ne prêtait aucune attention à Andromeda, plongé dans le ventre d'une étrange machine métallique. Andromeda fit un pas vers lui, et constata qu'elle ne marchait plus sur du parquet, mais sur de minuscules grains qui formaient une surface instable et brûlante. Elle se baissa, prit une poignée de grains dorés, qui étaient chauds et presque aussi fins que de la poussière ; elle les fit couler entre ses doigts, et trouva cela agréable. Elle se souvint de la plage des Cornouailles où elle s'était rendue avec sa mère, ses sœurs et ses cousins, près de la Chaumière aux Coquillages, et se souvint du nom de cette étrange matière : le sable. Puis elle reporta son attention sur l'homme qui se trouvait à quelques mètres d'elle, et s'approcha de lui prenant garde à ne pas se tordre la cheville sur le sable.


– Bonjour, dit Andromeda. Bonjour ! Monsieur ? Pouvez-vous me dire où nous sommes ?


L'homme ne répondit pas, mais lorsqu'il remua ses mains couvertes d'un liquide huileux, l'odeur désagréable devint encore plus forte. Machinalement, Andromeda referma le livre, et le décor, la chaleur et l'odeur désagréable s'effacèrent, remplacé par Mrs Painswick qui l'observait, toute souriante. Andromeda regarda ses pieds, puis sa main, et constata qu'ils ne contenaient pas le moindre grain de sable.


– Alors ? Qu'est-ce que tu as vu ?


– Que s'est-il passé ? Il y avait une grande étendue de... De sable, je crois, et un homme qui avait l'air soucieux...


Mrs Painswick l'observa avec des yeux brillants.


– Tu as réussi ! s'exclama-t-elle. C'est formidable ! En général, la première fois, les gens n'arrivent pas à lâcher prise, et ont simplement des espèces de visions...


Mrs Painswick referma les doigts d'Andromeda autour du livre.


– Garde-le, si tu veux, je te l'offre ! C'est ce qui s'appelle un Livre Voyageur, et c'est un objet très précieux. Assieds-toi, je vais tout t'expliquer...


Deux petits tabourets en bois vernis apparurent à côté d'elles. Andromeda prit place sur le plus grand, et Mrs Painswick sauta pour s'installer sur le plus petit, ses mollets minuscules se balançant dans le vide.


– Le principe est à peu près le même qu'avec une Pensine, expliqua-t-elle. Pour donner ce résultat, le lecteur initial doit imaginer la scène, de la façon la plus réaliste et la plus précise possible, comme si c'était un de ses propres souvenirs... Puis, il extrait les souvenirs de son esprit, et les dépose dans une sorte de Pensine un peu modifiée. Et enfin, il faut imprégner les pages de toutes ces scènes imaginées... Et voilà le travail ! Les lecteurs suivants peuvent se plonger dans les décors, ressentir à leur tour les textures et les odeurs, et observer les personnages dialoguer entre eux.


– Mais, alors... De cette manière, on ne lit plus vraiment ?


– Oh, bien sûr, tout le monde n'apprécie pas cette façon de faire ! Mais il suffit de retirer cette couverture en cuir, et le livre redeviendra tout à fait normal. Moi-même, j'aime beaucoup alterner les deux ! Quoiqu'il en soit, c'est une forme de magie très ancienne... Depuis la nuit des temps, vois-tu, les Hommes imaginent, racontent, écoutent, se transmettent... Alors il faut respecter certains codes. Ce sont ces vieilles couvertures qui leur permettent de nous faire voyager.


– Mais pourquoi est-ce si méconnu ?


– Pour plusieurs raisons, ma petite. Premièrement, c'est un travail extrêmement fastidieux, et exigeant ! Pour donner corps à l'histoire, il faut imaginer tous les détails, se mettre complètement dans la peau des personnages, et tout voir, tout sentir à travers leurs yeux ! Nous manquons donc de sorciers qui soient assez poétiques et créatifs, et ça ne s'arrange pas ! Sans compter la restauration des dorures, des mors et des nerfs du livre, qui sont absolument essentiels pour empêcher la magie de s'en échapper... Deuxièmement, certains considèrent ces objets comme dangereux, et à juste titre ! Des sorciers se sont perdus dans leurs mondes imaginaires, en oubliant de refermer leur livre, en refusant de revenir à la réalité, qu'ils jugeaient trop fade...


Andromeda essaya de digérer toutes les informations que Mrs Painswick lui avait données.


– Cet endroit, dans le livre...


– C'était un désert


– Un désert, répéta Andromeda, charmée. Il y avait aussi une odeur assez désagréable...


– Oh, tu as aussi senti l'odeur ? Mais c'est formidable !


– Qu'est-ce que c'était ?


– Dans ce chapitre, le personnage répare un moteur. Ce que tu as senti, c'est de l'essence, ce qui fait fonctionner les machines moldues.


Andromeda hocha la tête, ravie d'apprendre quelque chose de nouveau sur les moldus.


– Ce doit être un travail fastidieux, en effet... Combien de temps met-on pour faire un tel livre ?


– Oh, cela dépend de la longueur, de la vitesse de lecture, de l'expérience du lecteur qui décide de s'en occuper... Pour ce livre, mon employé n'a mis que quelques jours... Mais tiens, j'y pense, puisque tu es intéressée par la littérature voyageuse, voudrais-tu visiter l'atelier ?


– Oui, bien sûr !


Mrs Painswick l'entraîna au fond de la boutique, enjouée. Tout le long des murs couraient des enfilades interminables de livres, de toutes les couleurs, de toutes les tailles, de toutes les langues, mais toujours avec cette même reliure mate, en vieux cuir souple. À intervalles réguliers, des petits miroirs rectangulaires interrompaient la bibliothèque, et en regardant son reflet dans l'un d'entre eux, Andromeda constata qu'elle s'était mise à sourire sans même s'en rendre compte.


– Et ces miroirs, pour quoi est-ce fait ?


– Ah ! Oui ! Plusieurs de mes fidèles clients m'en ont fait la demande. C'est pour être sûr d'être bel et bien revenu dans la réalité, vois-tu ! Car dans les Livres Voyageurs, on ne peut pas se regarder dans un miroir, le lecteur ne verrait rien...


Au fur et à mesure qu'Andromeda avançait, elle entendit une sorte de ronronnement, et en s'approchant, elle comprit que c'était tout simplement le bruit familier et réconfortant de feuilles qui se tournaient et de dizaines de plumes qui grattaient contre le papier. Ledit atelier se trouvait derrière une porte vitrée, et dès qu'Andromeda entra, elle sut qu'elle voulait passer tout son temps dans ce lieu magique. La pièce faisait la taille d'une grande salle de classe et était baignée d'une lumière agréable, chaleureuse, confortable. Les murs étaient couverts de tableaux, représentant des paysages sublimes des quatre coins du monde. Il régnait une odeur de cuir et de vieux papier. Juste devant Andromeda, plusieurs pupitres en bois vernis soutenaient une demi-douzaine de livres, au-dessus desquelles de longues plumes bleues s'agitaient, infatigables.


– Ce sont des Plumes Interprètes, l'informa Mrs Painswick. Ici, je reçois des livres du monde entier. Je les traduis, je restaure les originaux, je les convertis parfois en Livre Voyageur selon l'envie du propriétaire ; puis je les renvoie dans leurs pays d'origine...


Dans le fond de la pièce, on voyait plusieurs fauteuils confortables, destinés à la lecture. Mrs Painswick s'en approcha, et désigna les marmites argentées qui scintillaient juste à côté des fauteuils, dans chacune desquelles trempaient une page de livre. Andromeda se pencha sur le contenu des deux bassines la plus proche : autour des pages flottaient des volutes argentées, ni liquides, ni gazeuses, qui correspondaient sans aucun doute aux différents passages du même livre. Certaines volutes crépitaient ou émettaient des étincelles, tandis que d'autres ronronnaient gentiment. Les volutes s'approchaient de la page qui trempait au centre de la bassine, parfois sans la toucher ; mais il arrivait qu'une volute traverse la page, et l'imprègne de sa lueur argentée.


– La clé d'un bon Livre Voyageur, c'est le temps de trempage, expliqua Mrs Painswick en plongeant sa main dans une des marmites. 


Elle remua légèrement la main, laissant filer entre ses doigts les volutes argentées.


– S'il est trop court, tout est flou, continua Mrs Painswick ; et s'il est trop long, les sons risquent d'être trop forts, et les odeurs trop puissantes...


La vieille dame regarda l'ensemble de l'atelier, et son visage enthousiaste se voila brusquement de nostalgie.


– Malheureusement, je manque de main-d’œuvre... Je n'ai qu'un employé, et nous avons un travail considérable, mais le poste n'est pas très attractif... Le salaire n'est pas très conséquent, et les jeunes préfèrent les métiers d'avenir... Tout comme vous, j'imagine ?


Lorsqu'Andromeda exprima son souhait de se joindre à eux, Mrs Painswick faillit bien pleurer de joie.


 


Pour son premier jour de travail, Andromeda se changea une bonne dizaine de fois, finit par opter pour la tenue la plus sobre qu'elle avait trouvée, et se rendit à la librairie au pas de course. Elle aurait difficilement pu rêver mieux comme travail : un environnement calme, loin des tensions qui étouffaient le 12, square Grimmaurd, au cœur des livres qu'elle avait toujours adorés. Elle trépignait d'impatience à l'idée de découvrir les innombrables univers qui s'ouvraient devant elle.


Elle arriva devant le Chat qui souris avec quelques minutes d'avance. Elle poussa la porte, et dès que les premières notes du carillon argenté retentirent, Mrs Painswick se matérialisa devant elle avec un « pop » sonore.


– Andromeda ! Ah, quel bonheur ! J'avais si peur que tu ne viennes pas !


Elle saisit la main d'Andromeda dans la sienne, ridée et réconfortante, et Andromeda sentit l'angoisse desserrer son étreinte autour de sa poitrine. Tout se passerait bien. Elle aperçut son reflet dans une des vitrines : quelques mèches de ses cheveux bruns étaient collées sur son front, et son chemisier s'était froissé lors du trajet.


– Tu as fait bon voyage ? demanda Mrs Painswick, comme si Andromeda arrivait d'un pays lointain. Viens, suis-moi ! Je vais te présenter l'autre garçon, il était en congé l'autre jour. Il est un peu sauvage, mais je suis sûre que vous vous entendrez très bien !


Elle se tourna vers le fond l'atelier, où régnait un désordre indescriptible.


– Ted ? Où te caches-tu ?


Un jeune homme sortit de derrière un rayonnage, derrière lequel il semblait se cacher. Il avait des cheveux blonds, une chemise mal boutonnée, et une attitude étrangement farouche.


– Voilà ! dit Mrs Painswick, très fière. Ma petite Andromeda, je te présente Ted Tonks !


 


***


 


Quelques jours après la rentrée, alors que Narcissa marchait dans les couloirs, accompagnée de Daisy, de Carla et de Juliet, la voix fluette de Sirius l'interpella :


– Hé, Cissy !


Il agita sa main et courut vers Narcissa, avec un sourire désarmant. Celle-ci fit un signe de tête à ses trois camarades, qui continuèrent d'avancer à contrecœur.


– On compte sur toi pour lui faire regretter son choix, glissa Carla en s'éloignant.


Narcissa n'avait aucune envie de faire plaisir à Carla Avery, mais cette petite remarque la rendit encore plus irritable. Et quand Sirius s'approcha d'elle, elle fut incapable de se calmer.


– C'est trop bien, ici, s'exclama Sirius avec entrain. Tout est comme tu me l'as décrit, mais en mieux !


Narcissa resta muette, les poings serrés, et Sirius continua de s'extasier avec une assurance naïve. Il lui parla de ses cours de magie passionnants, de la liberté d'aller et venir sans avoir au-dessus de lui les remarques sèches et strictes de sa mère, et surtout de ses trois nouveaux amis : James, Remus et Peter.


Si Narcissa avait eu la sagesse de s'adoucir, elle aurait sûrement compris son désir de s'émanciper de cette famille qui l'avait toujours muselé. Mais alors que Sirius lui chantait les louanges de ses amis avec un enthousiasme qu'elle ne lui avait jamais connu, elle se mit en tête que leurs jeux partagés n'avaient été pour lui qu'une triste consolation, et que tous les détails qu'elle lui avait rapportés sur Poudlard ne lui avaient servi qu'à rêver d'un monde où il pourrait s'éloigner d'elle autant que possible.


Alors que Sirius achevait le récit de ses premiers pas à Poudlard, James Potter jaillit derrière lui, comme pour appuyer ses propos. Sirius les présenta mutuellement ; James adressa un sourire insolent à Narcissa, et lui tendit la main avec un air arrogant qui n'avait rien d'avenant.


Narcissa serra les poings encore plus étroitement. Elle ignora délibérément James, et se tourna vers son cousin :


– Sirius, je ne comprends pas, commença-t-elle. Pourquoi... Pourquoi tu as fait ça ?


Elle avait parlé froidement, en essayant tant bien que mal de dissimuler sa tristesse et sa déception. En face d'elle, toujours enthousiaste, Sirius semblait ne pas comprendre.


– De quoi tu parles, Cissy ?


Narcissa sentit ses joues prendre une teinte plus soutenue.


– À ton avis ? De ça, évidemment, dit-elle en désignant avec dégoût l'écharpe rouge et jaune de Sirius.


Sirius écarquilla les yeux, surpris.


– Eh bien ? Qu'est-ce que ça fait ? D'accord, on se voit moins souvent, c'est vrai... Mais de toute façon, tu es avec tes copines, non ?


Narcissa prit un air outré.


– Tu as trahi toute notre famille, dit-elle froidement.


Sirius recula légèrement. Il semblait seulement réaliser à quel point Narcissa était furieuse.


– Alors, pourquoi ? insista Narcissa. Pour te faire remarquer, comme d'habitude ?


Sa propre colère la submergeait à mesure qu'ils parlaient, éperonnée par le sourire de James qui ne se dissipait pas. Sirius, lui, semblait sincèrement déconfit.


– Cissy, tu me fais peur, dit-il aussitôt en fronçant les sourcils. Là, sérieusement... Tu parles comme ma mère !


Narcissa fut piquée au vif.


– Comme ta mère ? Justement, tu sais très bien comment elle va réagir ! Et à cause de toi, la maison va être invivable ! Elle va forcément trouver un moyen d'être encore plus méchante avec nous, comme toujours !


Le visage de Sirius se décomposa : visiblement, il n'avait absolument pas envisagé ce genre de conséquences.


– Mais... Ce n'est pas ce que je voulais, Cissy, je t'assure... C'est juste que...


Il fit un effort manifeste pour retrouver une contenance.


– Je ne voulais pas aller à Serpentard ! résuma-t-il, comme un cri du cœur. Le Choixpeau me l'a dit lui-même, je serai beaucoup mieux à Gryffondor ! Il a dit que j'étais courageux !


Narcissa devina que Sirius avait espéré son approbation ; mais loin de s'apitoyer, elle se sentit encore plus furieuse.


– Ah oui ? Eh bien moi, je trouve que c'est complètement égoïste, et ingrat, de provoquer toutes ces disputes autour de toi !


À côté de Sirius, James gloussa bruyamment, et Narcissa reporta son attention sur lui.


– N'importe quoi, gloussa James. Il faut te calmer, hein... Je t'avais dit, Sirius, les Serpentard sont tous des causes perdues.


Furieuse, Narcissa les observa tous les deux. Sirius se rapprocha de James, et leur complicité évidente donna à Narcissa l'envie d'être méchante.


– De toute façon, je perds mon temps, cracha Narcissa. Vous n'êtes que deux petits morveux irresponsables. En tout cas, Sirius, j'espère que tes nouveaux amis si géniaux sauront te consoler, quand tu viendras les réveiller au milieu de la nuit parce que tu as mouillé ton lit !


Elle avait un peu haussé la voix, et quelques élèves se tournèrent vers eux, intrigués. James, enfin, s'arrêta de sourire ; et Sirius écarquilla les yeux, pétrifié.


Narcissa tourna les talons avant qu'il ne trouve de quoi répliquer, et s'éloigna à grand pas, la gorge serrée. Ses mains tremblèrent quand elle entendit James s'exclamer :


– Mon pauvre Sirius, décidément ! Ils sont tous complètement tarés, dans ta famille !


 


Narcissa resta de méchante humeur pendant les semaines suivantes : seule la compagnie de Lucius arrivait à l'apaiser et à lui changer les idées.


– Tu n'as pas besoin de lui, lui dit Lucius pour la centième fois, par un long jour de pluie.


Ils étaient tous les deux dans la salle de bains des préfets. Lucius se prélassait au milieu de la mousse multicolore, et Narcissa était assise sur le bord de l'immense baignoire. Maussade, elle dessinait des petits ronds dans l'eau avec ses pieds.


– Allez, insista Lucius en se rapprochant d'elle. Tu l'oublieras vite, ce n'est qu'un garnement, après tout... Je sais que tu l'aimais bien, mais c'était surtout quand vous étiez petits, non ?


Narcissa haussa les épaules. Comme toujours, Lucius avait deviné la raison de sa tristesse. Et elle savait pertinemment qu'il ne la laisserait pas tranquille avant qu'elle ne retrouve le sourire.


– De toute manière, tu n'allais pas fréquenter ses amis, dit Lucius avec dédain. Sérieusement... James Potter est déjà aussi arrogant que leur imbécile de préfet... Ce Petigrow m'a l'air idiot comme un Veracrasse, je suis sûr qu'il n'arrive pas à aligner trois mots...  


Lucius imita brillamment le regard vide de Peter Petigrow, et Narcissa lui répondit par une ébauche de sourire.


– Et Lupin ? Tu aurais peut-être aimé être amie avec Remus Lupin ?


Narcissa eut un petit rire. Elle, la muse du Préfet-en-Chef, saluer ce garçon pâle et chétif, aux vêtements toujours rapiécés et miteux ? Non, décidément, poursuivre son amitié avec Sirius n'aurait servi qu'à ternir sa réputation ; cette affirmation n'atténuait pas sa tristesse, mais avait au moins le mérite de la conforter dans sa décision.


– Tu as raison, dit résolument Narcissa. N'y pensons plus.


Et elle rejoignit Lucius dans l'eau brûlante, au milieu des bulles multicolores qui s'envolaient autour d'eux.


 


Quant à Sirius, s'il avait pu ressentir de l'affection pour sa cousine, la découvrir dans l'environnement de Poudlard lui fit passer l'envie de lui pardonner : elle passait son temps à se pavaner au bras de Lucius Malefoy, qui, d'après des Gryffondor plus âgés, n'était qu'un imbécile arrogant, manifestement persuadé que son nom de famille faisait de lui un être supérieur. Tous deux regardaient de haut l'ensemble des autres élèves, et Sirius ne tarda pas à approuver vigoureusement les critiques acerbes que les Gryffondor faisaient à leur égard.


Cette dispute fut pour Sirius la confirmation de ce qu'il avait toujours pressenti : tous ceux qui méprisaient les Moldus, de quelque manière que ce soit, n'étaient absolument pas dignes de confiance, et devaient être évités à tout prix. Le désir d'être apprécié par sa propre famille, qu'il avait parfois ressenti de manière fugace, disparut complètement, remplacé par l'envie féroce de tout mettre en œuvre pour leur déplaire.


Il voulut correspondre à ce sujet avec sa cousine Andromeda, qui avait secrètement le même avis que lui, même si elle n'arrivait pas à se défaire de l'affection qu'elle éprouvait pour sa mère et sa petite sœur ; mais les réponses d'Andromeda étaient étrangement vagues et évasives.


Et pour cause, Andromeda avait l'esprit ailleurs...

End Notes:

Vous vous en doutez, le prochain chapitre parlera de Ted et d'Andromeda. Il s'intitule Au chat qui souris et sera publié la semaine prochaine !


 


En attendant, je me permets de partager avec vous mes deux énormes coups de cœurs littéraires de l'été (je ne sais pas si c'est bienvenu ou pas, ça n'a rien à voir avec cette fanfic mais j'ai tellement adoré ces bouquins, et l'un d'entre eux est assez peu connu, donc bon...)


 


La petite fille sur la banquise d'Adélaïde Bon : je l'avais déjà lu, mais je l'ai relu, parce que c'est terrible, parce que c'est beau, parce que la première fois ça m'a tellement sidérée que je n'en ai pas assez profité. Peut-être pas le livre idéal si vous avez du mal à encaisser la rentrée, c'est une lecture vraiment dure qui parle de pédophilie, mais c'est aussi le récit d'une guérison, et je trouve qu'on comprend tellement mieux après. Pas assez connu, je l'ai recommandé à plein de gens et il a été très apprécié. Foncez !


 


La Horde du Contrevent d'Alain Damasio : dans un tout autre registre ; vous le connaissez peut-être, il est en lice pour le prochain palmarès des 50 livres préférés des français. Un livre polyphonique (23 points de vue !) extraordinairement bien écrit et construit je trouve, avec tout un univers fantasy de vent, de voiles, de poésie. Les personnages sont tout simplement incroyables et on se demande vraiment ce qu'il va leur arriver pendant tout le bouquin. Sans doute le meilleur livre de fantasy pour adulte que j'aie lu, et de loin !


 


Le seul inconvénient de ces deux bouquins, c'est qu'après, notre vocabulaire nous semble pauvre et notre syntaxe maladroite à pleurer. Mais le plaisir de les lire l'emporte !


 


Fin de l'interlude " conseils de lecture" hihihi


 


À très bientôt, et portez-vous bien !


 


Mathilde

Au Chat qui souris by mathvou1
Author's Notes:

Quand Andromeda Black rencontre Ted Tonks dans une librairie voyageuse...

– Tu t’appelles Ted, c’est bien ça ?


– Edward. Mes amis m’appellent Ted.


– Oh... D'accord. Edward. Bon, très bien. Et tu... Tu travailles ici depuis longtemps ?


– Oui.


– Et ça te plaît ?


– Oui.


Dans l'atelier du Chat qui souris, Andromeda essayait désespérément d'engager la conversation avec Ted Tonks, son nouveau collègue, occupé à graver des runes sur une couverture de cuir ; mais celui-ci s’obstinait à lui répondre par des monosyllabes, et elle commençait à être en panne d'inspiration.


Autour d'eux, les paysages des quatre coins du monde affichés sur les murs donnaient une impression d'immensité ; les souvenirs imaginaires créés par Ted et Mrs Painswick tournoyaient et crépitaient dans les bassines, imprégnant peu à peu les pages des futurs Livres Voyageurs qui y trempaient ; les Plumes Interprètes grattaient en chœur les grimoires aux couvertures de cuir, dont les pages parcheminées se tournaient de temps à autre, projetant quelques volutes de poussière dans la lumière chaleureuse qui éclairait l'atelier.


– Cet endroit est vraiment fantastique, dit Andromeda en regardant autour d'elle pour se donner une contenance.


– Oui, tu l'as déjà dit, fit sèchement remarquer Ted.


Andromeda pinça les lèvres, et se sentit affreusement mal à l'aise. Ted sembla le remarquer, car il lui jeta un regard sévère, et déclara :


– Tu sais, tu n'es pas obligée faire semblant... Je sais parfaitement que tu me méprises. Épargne-moi toute ta petite comédie, c'est complètement hypocrite.


Ses doigts étaient crispés autour de la pointe en métal qui lui permettait de graver les runes sur la couverture de son Livre Voyageur. À vrai dire, il était un peu effrayant.


– Pardon ? répéta Andromeda, désarçonnée. Mais... nous allons passer nos journées ensemble, c'est normal que je m'intéresse à toi !


Ted secoua la tête en haussant les sourcils, comme s'il était estomaqué par son outrecuidance.


– Bien sûr, railla-t-il. Comme si les gens comme toi s'intéressaient aux gens de mon espèce... Vraiment, c'est pathétique.


– Que veux-tu dire ?


Ted lui lança un long regard noir.


– Ne me dis pas que tu n'es pas au courant... Tu ne t'es pas renseignée sur moi, avant de t'engager ici ?


Andromeda fronça les sourcils, de plus en plus confuse.


– Je ne comprends pas, avoua-t-elle.


– Je veux dire que nous ne sommes pas du même monde, tous les deux. C’est comme ça.


Alors qu'Andromeda attendait davantage d'explications, Ted finit par lui demander :


– Tu étais à Serpentard, n'est-ce pas ?


Les épaules d’Andromeda s’affaissèrent. Le Choixpeau voulait l'envoyer à Poufsouffle, mais en arrivant à Poudlard, sa mère venait de tomber malade, et sa famille était au bord de l'explosion : elle ne voulait donc surtout pas faire de vagues, et avait tant supplié le Choixpeau qu'il avait fini par l'envoyer dans la même maison que le reste de sa famille. Et heureusement, à ce moment-là, Bellatrix était trop occupée à semer le désordre pour remarquer la longue hésitation du Choixpeau...


– Oui, j’étais à Serpentard, en effet, soupira Andromeda.


Ted eut un regard qui voulait dire quelque chose comme « et voilà, c'est exactement ce que je pensais », et ajouta :


– En tout cas, si tu racontais à ta petite famille avec qui tu travaillais, je peux t'assurer qu'ils viendraient tous me jeter dehors... Si ce n'est pire.


Andromeda mit une fraction de seconde à comprendre le sens de ces sous-entendus.


– Ça y est, tu as compris ? lança hargneusement Ted. Je suis un Né-Moldu... Enfin, un Sang-de-Bourbe, si tu préfères. C'est comme ça que vous les appelez, non, les gens comme moi ?


– Arrête ça immédiatement, répliqua Andromeda. Je me fiche complètement de ce que pense ma famille. Je trouve toutes ces idées absolument insensées, je t'assure.


– Ah oui ? Pourquoi est-ce que tu veux absolument me prendre ma place, alors ? Ça vous titille, qu'un Sang-de-Bourbe travaille dans une des boutiques du Chemin de Traverse ? Peut-être que c'est eux qui t'ont envoyée ici pour me chasser ?


Face à des accusations aussi invraisemblables, Andromeda resta initialement sans voix.


– Ce travail, c'est toute ma vie, d'accord ? poursuivit Ted. J'ai eu un mal fou à trouver un endroit qui veuille bien de moi. Le patron de Fleury & Bott m'aimait bien, mais il avait peur d'entacher la réputation de sa librairie en me prenant comme employé, ou de se faire attaquer par ces fous furieux qui assassinent des Moldus en pleine rue...


– Mais je n'ai aucune envie de te remplacer, enfin ! protesta Andromeda. Tu te fais des idées ! C'est Mrs Painswick qui m'a dit qu'elle recherchait un deuxième employé !


– Eh bien, je ne sais pas pourquoi elle a dit ça. Je me débrouille très bien tout seul.


– Très bien ? Tu as vu toutes les commandes qui s'accumulent ? s'indigna Andromeda en désignant la quantité astronomique de parchemins accumulés sur le bureau destiné aux commandes. C'est un travail monstre, même pour deux !


Mais Ted refusait d'admettre ses torts.


– Si c'est un travail monstre, pourquoi est-ce que tu es venue travailler ici ? J'imagine que ta famille si parfaite aurait pu t'obtenir un poste plus gratifiant et plus rémunérateur, au Ministère, ou à Gringott's...


– Ne me parle pas de famille parfaite ! cria Andromeda.


Ted écarquilla les yeux, surpris par cette agressivité soudaine. Face à lui, Andromeda était tout aussi surprise de s'entendre crier. Dans ses oreilles, les battements de son cœur avaient fait taire le bruissement des Plumes Interprètes et les crépitements de leurs souvenirs imaginaires qui tournoyaient dans les bassines.


– Tu sais quoi ? poursuivit-elle, incapable de se contrôler. Ma mère est gravement malade, nous vivons entassés chez nos cousins car nous sommes ruinés, ma grande sœur ne vient à la maison que pour dormir toute la journée et refuse de me dire ce qu'elle fait de ses nuits... Et mon père est tellement obsédé par le poste de Ministre de la Magie qu'il ne remarque même pas que notre famille est en train de voler en éclats ! Tu trouves que c'est une famille parfaite, toi ?


Les joues de Ted rosirent légèrement, et, l'espace d'un instant, il parut regretter ses paroles ; puis il secoua la tête, haussa les épaules, et il se replongea dans son travail. Hors d'elle, Andromeda se leva brutalement et sortit de l'atelier pour se calmer un peu.


Dans la boutique, elle se plaça face à une étagère et fit mine de ranger les livres, mais sa vue brouillée l'empêchait de déchiffrer les inscriptions gravées sur les tranches des grimoires. Elle ne parvint qu’à prendre brusquement un livre et à le remettre à sa place d'origine, déboussolée. Près de la porte d'entrée, Mrs Painswick conseillait un client qui hésitait entre plusieurs ouvrages :


– Si vous aimez les interprétations précises, celle-ci est très réussie... Oui, le lecteur que j'ai engagé a un vrai sens du détail, il maîtrise parfaitement la littérature voyageuse ! Il a donné un visage très convaincant à l'héroïne, ce qui la rend d'autant plus attachante...


En l'entendant vanter les mérites de Ted, Andromeda se remit à bouillonner. Elle resta debout, les yeux fixés sur les étagères, incapable de se débarrasser de la colère qui l'habitait. Elle ne se reconnaissait pas. Habituellement, elle était un modèle de patience et de douceur. Elle faisait toujours le dos rond, même face aux idées scandaleuses de Bellatrix, ou à la tyrannie de sa tante Walburga ; mais cette fois-ci, elle n'avait pas pu s'empêcher d'exploser. Elle avait mis tant d'espoir dans cette librairie, dans ce Ted... Elle désirait si ardemment découvrir le plaisir des amitiés sincères, dans un monde où la réputation et le nom de famille n'avaient pas d'importance... L'hostilité de Ted lui donnait l'impression de se cogner à un mur de glace alors qu'elle s'engageait sur un chemin qu'elle désirait emprunter depuis longtemps, et cela lui causait une immense déception, encore plus douloureuse que toutes celles qu'elle avait déjà subies au cours de sa vie.


– Sois patiente, ma petite, dit la voix de Mrs Painswick, toute proche.


Andromeda sursauta. Le client à qui Mrs Painswick était parti, emportant le livre que Ted avait fait, et la petite dame s'était approchée d'elle sans qu'Andromeda ne s'en aperçoive.


– Tu sais, Ted n'a pas eu une vie facile, poursuivit Mrs Painswick. Dès que quelqu'un est aimable avec lui, il ne peut pas s'empêcher de trouver ça louche.


Andromeda hocha faiblement la tête.


– Je voulais simplement...


Elle ne parvint pas à aller jusqu'au bout de sa phrase. Sa voix se bloqua dans sa gorge, et elle sentit ses yeux se remplir de larmes.


– Laisse-lui un peu de temps, dit Mrs Painswick en lui tendant un mouchoir brodé de motifs multicolores. Rentre donc chez toi, et repose-toi un peu, d'accord ? Demain est un autre jour.


Andromeda acquiesça, prit le mouchoir en reniflant, et quitta la librairie à petits pas, le cœur serré. Dès qu'elle eut claqué la porte, Mrs Painswick soupira, remonta les manches de son chemisier bariolé, et alla droit vers l'atelier, bien décidée à remettre Ted à sa place.


 


Le lendemain, lorsqu'Andromeda revint au Chat qui souris, la boule au ventre, Ted faisait les cent pas au milieu de la bibliothèque en se rongeant les ongles. Ses cheveux blonds étaient encore plus ébouriffés que la veille, et il portait un col roulé trop grand, en laine verte et rouge.


– Ah... Tu es là, dit Ted en la voyant arriver.


– Tu es très observateur, dit Andromeda.


Elle sourit discrètement en pensant que c'était un des sarcasmes préférés de Bellatrix : celle-ci le lançait dès que quelqu'un disait quelque chose d'évident.


– Tu aurais sûrement préféré que je ne revienne pas, mais malheureusement pour toi, je compte bien rester travailler ici, continua Andromeda. Je ne compte pas te chasser, mais tu vas devoir me supporter.


Et elle s'avança vers lui pour le contourner.


– Attends ! l'arrêta Ted.