A giddy gush of proud, parental love
*****************
You'll always be my pretty dancer
Spinning trails of fairy dust
Making moves like nobody else
On your own
If anybody needs a reason it's right here
J’ai le vertige, Rose. De là où je suis, c’est-à-dire sur la chaise où tu m’as vu la dernière fois que tu m’as regardée, il y a à peu près trois-quarts d’heure, je te regarde sur la piste de danse, ou plutôt, je t’admire. Les musiciens ont accéléré le rythme, et tu t’enivres de chaque note comme si c’était la dernière fois que tu dansais. Saisir ta chance, c’est une chose que tu sais bien faire. Je me souviens t’avoir emmenée à la boutique lorsque tu avais quatre ans, tu as voulu un Boursoufflet et j’ai refusé. Quelques jours plus tard, tu t’es cassée le bras en tombant derrière le canapé. Ça a été un choc pour moi, parce que j’étais persuadée que c’était le genre de situation où l’on aurait détecté la présence de magie en toi. J’avais tellement peur que tu n’aies pas de pouvoirs magiques, je suis allée te chercher le Boursoufflet que tu voulais tant, en espérant que le petit animal t’inspirerait à révéler la sorcière en toi. C’est idiot, je le sais parfaitement, mais tu n’es pas loin de découvrir ce qu’un parent est prêt à faire pour son enfant. A l’instant même, je suis en train de me demander si tu n’as pas fait exprès de te casser le bras pour avoir ce que tu voulais… Et maintenant encore tu réussis toujours à obtenir ce que tu veux, ma Rose. La preuve en est, aujourd’hui, tu te maries.
Te voir tournoyer ainsi, sur la piste, c’est une chose à laquelle je ne m’étais pas préparé du tout. Pourtant, j’avais anticipé beaucoup de choses pour cette journée si particulière pour toi. Ta mère m’y a aidée, tu la connais, après tout. Elle te soutient depuis le début dans cette aventure, alors que moi…
Tu es tellement belle, ma Rose. Tout le monde te regarde, beaucoup t’envient, parce que tu es devenue une très belle femme, ma fille. Et tandis que tu continues à danser, je décèle dans tes mouvements un petit grain de folie… Je soupçonne Luna, évidemment, mais ne lui dis rien, surtout. Néanmoins, tu demeures gracieuse, et plus je te regarde, plus j’ai l’impression de voir ta mère. Lorsque je la vois danser, je suis encore plus amoureux d’elle que d’habitude, parce qu’elle me fait rêver.
Je te revois lorsque tu avais six ans et que tu dansais au mariage de Luna. C’était ta mère qui t’avait confectionné ta robe et tu étais tellement fière des petits volants qu’elle avait ajoutés à ta demande que tu tournais sur toi-même jusqu’à ce que tu aies mal à la tête, courant jusqu’à moi pour que je te berce dans mes bras.
Je pense que tu as toujours été inspirée par les belles robes que tu portais pour danser. Celle que tu as choisie pour le bal de Noël, en sixième année, était particulièrement ravissante. Le temps qu’on a passé chez Mme Guipûre ! Tu soutenais que tu ne pourrais pas danser si tu n’avais pas une robe parfaite… Ce que tu as fini par trouver, même si bien sûr, elle n’égale pas la beauté de celle que tu portes ce soir.
Et pourtant, je ne peux m’empêcher de repenser que, lorsque tu étais plus jeune, tu n’avais pas besoin d’une robe pour danser. D’ailleurs tu n’avais pas besoin de raison du tout. Non, tu dansais quand tu en avais envie, et c’était tellement plus simple. Alors pourquoi, quand on grandit, a-t-on toujours besoin de raison pour agir ?
En tous cas, ce soir, si quelqu’un cherche une raison, c’est peut-être le bon moment…
Those magical mistakes
Sending shockwaves through my atmosphere
If anybody needs a reason it's right here
Mes sens sont en alerte, comme si chaque parcelle de mon corps était piquée par un millier d’aiguilles. Ces erreurs que j’ai faites, je les regrette tellement, ma Rose. Et je m’en rends de plus en plus compte, tandis que je te regarde danser, encore et encore, heureuse comme jamais.
Tu irradies de bonheur, et tu affectes n’importe qui se trouvant à trois kilomètres à la ronde. On dirait des ondes de choc, invisibles, qui dansent autour de chacun des invités, comme pour tenter d’assouvir leurs besoins vitaux. Mais moi, je les vois, ces ondes. Je les ressens, aussi. Lorsqu’elles arrivent sur moi, j’ai l’impression d’en recevoir plein la figure, et j’ai mal. J’ai mal, parce que j’ai honte de la souffrance que je t’ai fait subir. J’ai tellement honte que je ne pourrai jamais me pardonner. Et toi, tu ne devrais pas le faire non plus, jamais, parce que je ne le mérite pas.
Pourtant il faut bien continuer à vivre : on ne peut pas passer le restant de notre vie à faire comme si de rien n’était, mais sans pouvoir oublier, comme un refrain, l’amertume de mes paroles et la tristesse de ton visage, habituellement si radieux, comme ce soir.
Trouverons-nous une bonne raison pour laisser le passé derrière nous, et repartir sur de bonnes bases pour un avenir meilleur ? Je l’ignore.
Mais je pense que s’il faut une raison, on peut la trouver ce soir.
Maybe I would see the world in different light
You wear that smile like nobody else
On your own
If ever I need a reason you’re right here
J’ai toujours vu la situation sous un mauvais angle, parce que je suis comme je suis, Rose. Crois-tu que si tu m’aidais à la regarder comme tu le fais, je verrais les choses autrement, et j’aurais une opinion différente de tout cela ? Cette question que je me pose, peut-être est-il déjà trop tard pour y répondre… Mais si je ne le fais pas, nous le regretterons tous les deux.
Tu es si souriante, profitant de chaque seconde. Comme tu as raison ! Tu as su faire fi des obstacles qui se sont dressés sur ton chemin… Que j’ai dressé sur ton chemin. Quel idiot je suis, Rose. Moi, ton père, persuadé que je ne voulais que ton bonheur, j’ai essayé de te l’enlever.
Puis tu me regardes. Tu me tends la main, le sourire aux lèvres, toujours. Je t’avais dit que je ne voulais pas danser, mais tu insistes. Ce caractère, on se demande de qui tu le tiens. D’ailleurs, ta mère attire mon attention, elle me fait signe de te rejoindre. Ce n’est pas que je n’en ai pas envie, Rose. Au contraire, je lutte depuis le début de la soirée de bondir de ma chaise pour une danse avec toi, mais la honte, toujours elle, me retient. Je ne crois pas être digne d’être ton père, ce soir. C’est cruel, parce que c’est peut-être le jour où tu avais le plus besoin de moi.
Tu t’es arrêtée de danser, et tu restes sur la piste, immobile, attendant un geste de ma part. Et moi, stupide que je suis, j’hésite encore. J’ai l’impression de lire dans ton geste un pardon, celui que tu es prête à m’accorder, mais c’est trop simple pour moi, je ne mérite pas une telle facilité.
De l’autre côté de la piste, Harry et Ginny observent la scène, et je lis dans leurs yeux qu’ils me poussent à y aller, eux aussi. Mais pourquoi suis-je aussi entêté ?
Je réalise que si j’ai besoin d’une raison, tu es là, juste là.
Those magical mistakes
You’re sending shockwaves through my atmosphere
If anybody needs a reason it's right here
Mais ton sourire se transforme. Il devient subitement forcé. Tu as baissé le bras et détourné la tête, non sans me lancer un dernier regard.
Ce regard, je ne le connais que trop bien, et je reçois un sacré choc en réalisant ce que cela signifie. Ma Rose, je sais que je ne suis qu’une tête de mule. A chaque fois que ta mère me le reproche, je me dis que je devrais faire des efforts, mais j’ai l’impression que c’est impossible parce que je suis trop borné pour cela.
Tu t’apprêtes à faire demi-tour et continuer à danser, seule.
Et j’ai beau chercher, je ne comprends pas la raison pour laquelle je cherche toujours à compliquer la situation. Et d’ailleurs, pourquoi chercherais-je une bonne raison pour me faire pardonner, si tes bras sont tournés vers moi ?
Keep your balance on the tightrope
Chasing after
My pretty dancer
Je finis par me lever. Tiens bon, ma Rose, j’arrive. Ton père arrive pour te faire danser. Je te courrai après s’il le faut, mais j’y arriverai. C’est vrai, quoi. Après tout, un père se doit de danser avec sa fille le jour de son mariage, non ? Si ce n’est pas une bonne raison pour le faire, ça ! Alors, me voilà.
Tu es allée te réfugier dans les bras de ton mari tout neuf. Il est attentionné, il a placé tes mains dans les siennes et soutient ton regard d’un air radieux, comme pour tenter d’effacer ta tristesse par la force de son sourire. C’est un homme bien. Oui, tu as bien entendu. Scorpius Malfoy est un homme bien. Et je regrette de l’avoir jugé sans le connaître.
Il m’a vu et t’incite à te retourner pour que tu puisses me voir. Tu as retrouvé le sourire, celui qui me donne le vertige depuis tout à l’heure. Et pour ne rien laisser paraître, j’adresse un clin d’œil à mon désormais gendre. S’il est surpris, il n’en paraît pas, et toi non plus. Mais toi, tu le savais. Tu étais sûre que ça finirait par arriver, n’est-ce pas ? Je te connais, Rose.
Il viendra un temps où nous pourrons enfin discuter de tout cela, posément. Mais pour l’heure, nous avons quelque chose de plus important à faire.
Tu as tout de même fini par m’arracher un sourire, et tandis que je te prends la main, nous entamons notre danse, celle d’un père et de sa fille.