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Le soleil tapait fort sur toute l’Angleterre cet été là, et le Terrier ne faisait pas exception. Toute la famille s’était rassemblée pour fêter les anniversaires de Ginny, Fred et Lily. Une grande table avait été dressée dans le jardin, et entre deux éclats de rire, Teddy proposa une petite partie de Quidditch entre les enfants les plus âgés. Victoire, Dominique, Roxane, James, Albus et lui-même se levèrent, et alors que Rose allait les imiter, son père attrapa son poignet.
— Où tu crois aller comme ça, Rosie ?
— Je vais jouer au Quidditch, répondit-elle d’une voix qui en disait long sur ce qu’elle pensait des capacités d’observation de son père.
Les traits de Ron se durcirent.
— Non.
— Pardon ?
— Tu ne vas pas jouer au Quidditch.
— Mais… pourquoi ?
Rose était abasourdie. Pourquoi son père, qui d’ordinaire ne lui refusait jamais rien et cédait à tous ses caprices un peu trop facilement, était-il aussi catégoriquement opposé à ce que Rose joue au Quidditch avec ses cousins ?
— Tu es trop petite, tu vas te faire mal.
Rose eut envie de rire : c’était surement une blague, non ?
— Papa, j’ai déjà sept ans, je ne suis plus un bébé quand même !
— Oh si, tu es encore mon petit bébé et il est hors de question que tu montes sur un balai, tu n’as que sept ans.
Rose commençait à trouver tout ça franchement injuste.
— Mais Al il a le droit ! Et il a le même âge que moi !
— Oui, mais Al il a aussi un père différent du tien. Si Oncle Harry se fiche qu’Albus se fasse mal, c’est son problème, mais toi, tu ne monteras pas sur un balai. Tu n’es jamais montée sur un balai, et il est hors de question que la première fois soit pour un match de Quidditch. Je ne tiens pas à finir l’après-midi à Sainte Mangouste.
— Mais…
— Non, c’est non, Rose.
Rose était tout simplement estomaquée. Le ton et le regard de son père étaient sans appel. Il refusait catégoriquement que elle aussi joue au Quidditch, et il n’y aurait aucune argumentation de possible. Enervée, elle dégagea son poignet de l’étreinte de son père et se précipita à l’intérieur, des larmes de frustration s’écoulant sur ses joues. Elle se jeta sur le fauteuil préféré de son père et entreprit de lui donner de grands coups de pieds.
— Ce n’est pas en massacrant les meubles que tu monteras sur un balai, Rosie.
Elle tourna la tête vers Ginny, qui l’avait suivie à l’intérieure. Rose arrêta aussitôt de maltraiter le fauteuil et elle se sentit rougir, honteuse d’avoir été attrapée à faire une bêtise, mais Ginny ne semblait pas être venue pour la gronder puisqu’elle souriait légèrement.
— C’est parce que papa ne veut pas que je joue au Quidditch, ressentit-elle pourtant le besoin de s’expliquer.
— Evidemment, il pense que tu es en sucre et que tu vas te faire mal.
— Mais je suis grande maintenant, j’ai eu sept ans il y a deux mois !
Ginny sourit de plus belle.
— Tu sais, même quand j’avais dix ans, Ron et mes autres frères ne me laissaient pas voler. J’étais obligée de fracturer la porte de la remise à balais la nuit. C’est les Weasley, ça. Tous adorables mais malheureusement un peu machos et persuadés qu’une fille ne peut pas voler correctement.
— C’est injuste, répliqua Rose.
— Je ne te dirai pas le contraire, ma chérie…
Son sourire s’agrandit encore tandis qu’elle sortit sa baguette magique et murmura « Accio Etoile Filante ». Une ou deux minutes plus tard, un vieux balai filait tout droit vers elle.
— C’est le tout premier balai sur lequel je suis montée, il y a plus de trente ans, expliqua-t-elle en l’attrapant. Il est surement un peu vieux après toutes ces années passées dans le grenier, mais je pense qu’il fera l’affaire pour que tu fasses un tour avec.
Les yeux de Rose s’écarquillèrent.
— Un tour ? répéta-t-elle sans comprendre.
— Si tu en as toujours envie, bien sûr.
— Mais… Et papa ?
— N’a pas besoin de savoir, si tu restes devant la maison, répondit Ginny avec un clin d’œil. Et puis ta marraine va te surveiller, alors tout va bien, non ?
Elle lui tendit le balai avec un nouveau clin d’œil et un sourire complice.
— C’est toi qui décide, Rosie. On y va, ou pas ?
Rose ne dit pas un mot alors qu’elle arrachait le balai des bras de sa tante et se précipitait vers la porte d’entrée, Ginny sur les talons. Et là, à l’abri de la vue de tous ceux qui étaient encore dans le jardin, Rose écouta sa tante lui expliquer le fonctionnement de base de ce balai avec attention. Heureusement pour elle, Rose avait une excellente mémoire et retenait tout très vite et très facilement, et après seulement quelques minutes d’explication, Ginny la jugea prête à s’envoler.
Rose se plaça au dessus de son balai, lui cria « Debout ! » d’une manière ferme, et dès qu’il se mit à flotter, elle l’enjamba avec tout de même un peu d’appréhension. Elle jeta un regard un peu nerveux à sa tante qui lui dit qu’elle pourrait y aller quand elle le voudrait, et elle se décida alors à taper son pied sur le sol pour prendre de l’élan et s’envoler. Le vieux balai, quoi qu’un peu lent au décollage, remplit son office en s’élevant dans les airs. Cramponnée au manche du balai, Rose ne se rendit compte qu’elle avait fermé les yeux que quand le balai s’arrêta. Elle les ouvrit avec appréhension, et constata qu’elle n’était pas très haut dans le ciel, deux ou trois mètres tout au plus. Elle n’était pas très haut et pourtant Rose se sentait aussi excitée que si elle avait été à cinquante mètres au dessus du sol. Les sentiments affluaient en elle, de l’excitation à la joie, en passant par cette sensation étrange d’être enfin à sa place, tandis que la petite brise du mois d’août chatouillait ses joues et s’amusait avec ses courts cheveux, roux comme ceux de son père.
Elle ne put s’empêcher de se sentir un peu coupable : pour la première fois de sa vie, son père lui avait refusé quelque chose, et, en contrepartie, elle avait désobéi. Mais alors qu’elle ordonnait à son balai de faire des loopings et d’avancer dans les airs, alors que le vent frais emplissait ses poumons et que ses lèvres étaient retroussées dans un sourire étincelant, Rose se dit que désobéir de temps en temps à son père valait surement la peine.