Comme tous les parents qui ne veulent pas inquiéter leurs enfants de quoi que ce soit, Monsieur Hagrid regarda son fils avec un sourire. Les enfants ressentent certainement les choses à leur façon mais un enfant, même s’il ne comprend pas vraiment les évènements qui l’entoure doit rester heureux et insouciant, en dehors des problèmes qu’ont les plus grands.
C’est pourquoi Monsieur Hagrid fit semblant de rien alors que la question lui rappelait que sa femme les avait quittés depuis un mois. La soupe à la citrouille, c’était elle qui la préparait et personne d’autre. Il n’avait jamais le droit de toucher à la casserole quand elle en cuisinait. Après quelques secondes d’hésitation, il ébouriffa les cheveux du petit Rubeus.
─ Oui… Oui, bien-sûr, mon fils. Va donc te laver et te mettre en pyjama, je vais t’en préparer.
Rubeus se mit en marche et laissa son père. Pris au dépourvu, il regarda s’il restait des morceaux de citrouilles quelque part. En effet, Fridulva en avait conservé. Une larme coula le long de sa joue. Le goût de la soupe à la citrouille ne serait plus le même, on pouvait en être sûr. Il exécuta ses gestes comme un automate pour cuisiner.
La demande du petit garçon dissimulait une question plus évidente, celle de savoir où était sa maman et quand elle reviendrait parmi eux.
Monsieur Hagrid avait bien sûr expliqué les choses de manière simple à son fils. Sa maman les aimait très fort mais elle avait dû partir car elle ne pouvait plus rester ici, chez les sorciers. Ou du moins, c’était elle qui avait voulu rejoindre sa communauté comme elle le lui avait dit. Mais il n’avait pas répété exactement cela à son fils, pour ne pas le perturber.
Monsieur Hagrid savait bien que leur relation était très compliquée et ils avaient affronté ensemble le regard des autres. Puis, ils avaient eu Hagrid et formaient une petite famille, ce qui rendait les autres sorciers encore plus critiques. Ils étaient préparés à ce que ce soit difficile mais ils y faisaient face. Et pendant quatre ans, c’est ce qui s'était passé. Jamais ils n’avaient permis aux autres de juger leur famille. C’était aussi dans la nature de Fridulva et c’était comme ça qu’ils s’étaient rencontrés car elle avait mené un combat pour faire accepter les géants. Combat qu’elle avait voulu arrêter depuis peu de temps car elle semblait ne plus vouloir continuer. Elle ne se sentait plus à sa place et Monsieur Hagrid savait qu’elle ne reviendrait pas, non.
Le lendemain, le petit Rubeus jouait dans le jardin, il y passait souvent des heures à observer des escargots ou autres insectes, allongé sur le ventre et le visage dans les mains. Des fois, il voyait des rongeurs, ça dépendait.
Malencontreusement, il écrasait quelques fourmis avec ses doigts en voulant les prendre, il était déjà fort pour son âge. Ça l’amusait de sentir le chatouillis qu’elles provoquaient en courant sur ses mains qu’ils retournaient selon où elles allaient.
Quand il fut las de ces petites bêtes, il alla grimper dans son arbre favori, celui qui surplombait le potager, dont il avait déjà cassé quelques branches en s’agrippant dessus.
Là-haut, il voyait auparavant sa mère replanter des fruits et légumes et il hurlait de rire quand elle se remettait soudainement debout et que son visage était à la hauteur du sien. Sa maman était comme ça des fois… Mais c’était plutôt rare. C’était plutôt son papa qui lui lisait des histoires avant de s’endormir et qui lui expliquait les choses.
Il savait que sa maman n’était pas pareille que les autres mamans qu’il avait vues. Et que son papa était tout petit par rapport à elle mais ça, il ne comprenait pas encore bien pourquoi. Il savait aussi qu’il était un peu plus grand lui aussi comparé aux autres enfants qu’il avait rencontré. C’était comme ça, parce qu’il était fort, comme sa maman. C’était ce qu’elle lui disait quand on se moquait de lui et elle se fâchait quand on l’embêtait avec ça.
Le potager n’était plus comme avant. Plus Rubeus le regardait de jour en jour, plus il voyait de la mauvaise herbe pousser et il n’y avait plus de fruits. Son père en avait bien pris quelques uns mais le reste pourrissait.
Rubeus regarda le potager et sentit comme quelque de chose de bizarre au fond de sa gorge. Tous les jours, il espérait qu’en remontant dans cet arbre, sa mère serait là, comme d’habitude. Qu’en clignant des yeux, il reverrait son visage en les rouvrant. Alors il pleura et pleura, roulé en boule.
Son père le rejoignit mais Rubeus ne l’entendit pas. A quatre ans, son fils était plus fragile qu’il n’y paraissait et triste du départ de sa mère. Mais que pouvait-on espérer de mieux alors qu’il l’avait vue faire ses valises…
Tête levée, il appela doucement son petit Rubeus qui continuait à sangloter.
─ Allez, viens, Rubeus, tu vas finir par attraper froid, ici.
Il le prit dans ses bras et le souleva de l’arbre. Rubeus resta accroché à son papa pendant qu’il se calmait. Quand sa respiration devint apaisée, Monsieur Hagrid le reposa à terre. Son fils le dépassait déjà d’une bonne tête alors qu’il s’était accroupi face à lui.
─ Même si ta maman n’est plus là, elle est quand même avec toi tant que tu penseras à elle, dit-il en lui mettant une main sur le cœur.
Rubeus hocha faiblement la tête mais il regardait maintenant le potager. Encore. Son papa ne dit rien pour ne pas déranger son fils dans ses pensées. Ils restèrent quelques secondes.
Rubeus sentit soudain une petite démangeaison dans sa main et pendant un instant, il crut qu’une fourmi était revenue s’y balader. Mais il sentit aussi comme si ses pleurs avaient disparu pour se concentrer dans sa main. Il ne connaissait pas ça, que lui arrivait-il ? Il leva la tête vers son père qui ne remarquait pas ce qu’il avait dans son bras. Est-ce que c’était parce qu’il avait pleuré et qu’il n’aurait pas dû ? Mais il vit les yeux de son père qui s’agrandissaient et sa bouche qui s’ouvrait d’étonnement.
─ Regarde, Rubeus, regarde ! dit-il en montrant du doigt.
Il vit alors quelque chose dans le potager. La plupart des mauvaises herbes se raccourcissaient doucement pour disparaître sous le sol, comme si on les voyait pousser mais en marche arrière et deux ou trois petites citrouilles sortaient de terre en grossissant au fur et à mesure pour atteindre la taille d’un cognard. Le potager avait repris un peu de son éclat. Il chercha sa maman mais elle n’était pas là.
─ C’est toi, Rubeus. C’est toi qui as fait ça, dit son père, alors qu’il sentait que son fils était déçu et faisait la moue.
─ C’est maman qui s’occupe du potager, alors pourquoi elle est pas là…
─ Parce que tu viens de réaliser ton premier sort, mon fils, dit-il d’une voix presque solennelle. D’une certaine manière, elle est avec toi, vois-tu ?
Rubeus n’arrivait pas à se réjouir même s’il avait réalisé sa toute première magie. A quoi bon avoir fait pousser des citrouilles si sa maman ne revenait pas… Et qu’en plus, elle n’était même pas là pour voir ce qu’il avait fait.
Les bras croisés, il se remit à regarder le potager sans rien dire. Et une fois de plus, son père se tut en restant à ses côtés.
─ Alors tu me feras plein de soupe à la citrouille, maintenant, hein ? demanda Rubeus en se remettant presque à pleurer.
─ Autant que tu voudras, mon fils.
Monsieur Hagrid le prit par la main et ils retournèrent à la maison créer une nouvelle recette de soupe à la citrouille. Leur recette à tous les deux et rien qu’à eux.
J'espère que cette histoire vous a plu et si non, j'aimerais savoir pourquoi. Enfin, si cela vous a plu, vous pouvez me le dire aussi.