Dans ce petit village, habitent des gens bien étranges ainsi qu’une bande de personnes qui cassent pas mal de sucre sur le dos d’une famille en particulier.
La famille en question habite dans cette petite maison, au fond d’une impasse.
Le portail est fracassé bien que rien de dramatique ne se soit passé ici. La famille est composée des deux parents Jane et William.
William est brun et a une drôle de dégaine due au fait qu’il s’habille toujours comme en 1930.
Jane est le prototype même de la mère aimante, ses yeux brillent d’une lueur étrange lorsqu’elle voit ses enfants réunis autour d’elle.
Les enfants de la famille sont Marine et Cléo, ses filles ainsi que Théo, le petit dernier.
Théo, le seul qui reste à la maison alors que ses sœurs sont à l’école.
Théo, le petit préféré de sa mère.
Théo adore les jeux auxquels lui et son père s’adonnent lorsqu’ils attendent l’heure du dîner.
Son père rentre tôt du travail, Théo adore le voir apparaitre dans le salon.
Et même s’il voit ce spectacle tous les jours, il ne peut s’empêcher d’applaudir. Il s’asseoit sur le fauteuil et fixe l’horloge avec insistance, il ne reste plus que sept minutes avant que son père apparaisse juste devant le porte-manteau. Théo balance ses pieds et regarde sa mère coudre. Il ne remarque pas la légère marque qu’elle a entre les sourcils. Sa mère est inquiète et ça se remarque sur son visage.
Théo regarde les différents cadres accrochés dans la pièce. Il y en a beaucoup où il figure à côté de ses sœurs. Cependant, au centre de toutes ces photos, il y en a une qui attire sans arrêt son regard. Son père est habillé tout en noir et sa mère tout en blanc. Théo regarde la cadre d’un air absent en se demandant pourquoi ils sont habillés comme ça.
Sa mère se lève et vient lui caresser les cheveux, elle passe ensuite devant lui et d’un coup de baguette, elle allume le feu sous la bouilloire.
Théo se lève et tire la lourde chaise en bois qui lui est attitrée. Il ferme les yeux lorsqu’il se rend compte que le frottement du pied de la chaise et du sol produit un bruit agaçant. Il s’asseoit ensuite et attend que sa mère lui apporte son goûter. Ses grandes sœurs lui manquent, il aimerait bien aller dans la même école qu’elles. Il sait qu’il ira, un jour, quand il sera plus grand. C’est Marine qui le lui a dit. Il se met à imaginer cette école à partir des descriptions que ses sœurs lui ont faites. Il pense alors à un château, comme ceux qu’il a vus sur le livre que sa maman lui a montré, l’été dernier. Devant ce château, il y a un dragon qui veille à la sécurité de ses sœurs, un dragon qui n’a pas peur de la personne dont on ne dit pas le nom.
Théo se demande pourquoi on ne peut pas dire le nom de cette personne, c’est idiot. « Toutes les choses ont un nom » lui a un jour dit Cléo. Son père a ajouté qu’il ne fallait pas dire « truc » ni « machin » lorsqu’on connaissait le nom de la chose dont on voulait parler.
Bref, Théo ne comprend pas pourquoi ses parents utilisent ces mots alors qu’ils lui ont interdit de le faire.
Sa mère pose une tasse de chocolat et deux tartines de confiture de citrouille devant lui. Il la remercie et lui demande pourquoi ses yeux brillent. Sa mère répond que ce n’est rien et elle part s’asseoir à côté de la fenêtre. Théo ne cherche pas à comprendre et boit son chocolat avant qu’il ne soit froid. Il porte alors son attention sur l’horloge, son père est en retard de deux traits. Lorsqu’il le fait remarquer à sa mère, celle-ci se met à pleurer. Théo abandonne donc ses tartines qu’il n’a même pas touché et part se poster devant la cheminée. Lorsque son père finit par apparaitre, il ne prend pas Théo dans ses bras comme d’habitude. Il lui demande d’aller dans sa chambre en fixant sa femme. Alors que Théo disparait dans l’encadrement de la porte, sa mère tombe dans les bras de son père. Il entend la voix qui l’a bercé murmurer des milliers de pardons. Il se demande pourquoi sa mère tient tant à se faire pardonner par son père.
Assis depuis bientôt un quart d’heure à la table familiale, Théo regarde ses parents. Ils ont tous deux l’air triste. Il reporte son regard sur son assiette remplie de brocolis. Il a horreur des brocolis, il a l’impression d’être un géant et de manger des arbres. Et Théo a peur des géants.
Il ne comprend pas pourquoi sa mère répète qu’elle aurait dû parler.
Il ne voit pas de quoi elle veut parler, et bientôt, il n’écoute plus la conversation.
Jouant à écraser ses brocolis avec le dos de sa fourchette, il n’entend pas ses parents parler de malheur.
Une fois le contenu de son assiette réduit en bouillie. Théo pose ses coudes sur la table et met sa tête dans ses mains.
Il demande à son père s’il peut aller jouer dehors, son paternel interroge alors sa mère du regard. Faut il qu’il informe Théo du danger qui plane sur leur famille ?
Son père hoche la tête et dit à Théo de se couvrir et de ne pas trop s’éloigner.
Théo fronce les sourcils pour regarder le petit parc qu’il y a en face de chez lui. Son père lui a dit de ne pas aller trop loin, mais ce parc n’est pas trop loin n’est-ce pas?
Alors que Théo fait un énième tour de toboggan, il décide de se diriger vers les balançoires.
Une fois assis dessus, il entend un arbre souffler. Théo se met à sourire, son papa fait souvent parler les objets inanimés. Il saute donc de la balançoire quand celle-ci ralentit et court vers les quelques arbres à côté du banc. Théo n’y voit pas très clair, la lune est masquée par une épaisse couche de nuages. Théo s’arrête alors quelques instants pour la regarder, elle est ronde. Il trouve ça joli, ça ressemble au collier que Marine porte l’été.
Théo se rappelle alors de l’arbre qui respirait, il se dirige alors en riant vers lui.
Il ne distingue pas grand-chose à coté des arbres, le brouillard épais l’empêchant de voir la silhouette qui se tient entre deux pins.
Théo ouvre la bouche pour parler à son père, mais il la referme sans attendre. Ce n’est pas son père qui se tient à côté de l’arbre et qui le fait respirer. L’arbre ne respire pas, c’est la bête à côté qui fait ce bruit. Théo se met alors à crier, ce qui ne sert à rien, dans cette région de l’Angleterre le brouillard est tel qu’on croit entendre des cris lorsque la nature est silencieuse. Théo ferme alors les yeux, de toute façon il n’arrive pas à voir autre chose que le monstre, les balançoires sont masquées par la brume, sa maison n’est même plus distinguable.
Il sent alors que la bête bouge et vient vers lui. Théo se décide donc à courir tout en gardant les yeux fermés. Il sait que s’il revoit le monstre il aura tellement peur qu’il ne pourra plus bouger. Il entend alors les pas feutrés de l’horrible bête s’approcher.
A cet instant précis, Théo entend son père hurler et sa mère le supplier de rentrer. Il s’apprête à hurler qu’il est là et qu’il les entend, lorsque le corps du monstre tombe sur le sien, l’empêchant de bouger.
Alors que les crocs du monstre entrent dans la peau de Théo, il ouvre les yeux. Il regarde alors une dernière fois le parc couvert de brouillard sans le voir.