- Comment t’appelles-tu ? J’ai mal entendu lorsque tu as été appelée, me demande mon voisin de droite, un garçon plus grand que moi.
- Aslinn, je réponds timidement.
- C’est un joli prénom, me dit-il gentiment, sans doute pour essayer de me mettre à l’aise. Il est de quelle origine ?
- Irlandaise. Ca veut dire « rêve », je précise avant de me concentrer sur mes pommes de terre, évitant le sourire pourtant aimable de mon voisin.
- Hey ne te cache pas ! proteste-t-il vigoureusement.
- Arrête de faire peur aux premières années Ernie, tu es insupportable ! s’exclame la fille assise en face de moi.
- Mais Hannah, je n’ai rien fait, proteste ledit Ernie en mettant en évidence les paumes vides de ses mains.
- Ce n’est pas un mauvais cerbère tu sais, même s’il a l’air un peu comme ça, dit la fille aux nattes blondes en se penchant par-dessus la table pour me parler, comme s’il s’agit d’une confidence.
Ernie se met à bouder et détourne la tête. Je ne peux retenir un petit éclat de rire qui semble ravir Hannah. Poudlard commence à me plaire.
La première fois que je t’ai vu, je sortais d’un cours d’enchantements. Je t’ai croisé dans un couloir, rapidement, et mon cœur a raté un battement. Je me suis retournée après t’avoir dépassé, regardant tes cheveux et ton dos alors que tu t’éloignais. Dans ma tête, j’essayais de graver tes traits dans ma mémoire pour ne pas les oublier. Je t’avais trouvé beau, grand, sûr de toi. C’était vivace, mais c’était là.
- Aslinn, tu viens ? s’impatienta Asteria à côté de moi.
- Oui, oui, me repris-je assez vite en me remettant en marche vers la grande salle.
- Tu as vu un beau garçon ? s’enthousiasma-t-elle, son visage s’éclairant.
Avec Barbara, elle avait déjà établi une liste des plus beaux garçons de notre maison et Derek s’était offensé en constatant qu’il n’appartenait pas au top 10.
- Tu es trop petit et immature pour être comparé au top 10, avait répliqué Asteria, le nez en l’air, les mains sur les hanches.
- J’ai le même âge que toi, avait rétorqué Derek. Et je suis largement plus charmant que vos vieux.
- Les vieux ce sont les sixième et les septième années, avait relevé Barbara.
- Or dans notre top 10, il n’y a que des troisième et quatrième années, avait enchaîné Asteria.
- C’est ce que je disais, des vieux, avait bougonné Derek.
- De toute manière, c’est nous qui décidons, avait tranché Asteria.
Après un tel épisode, je n’aurai donc pas dû être surprise qu’elle me pose une telle question et pourtant ce fut le cas, elle me prit totalement au dépourvu. Je sentis mes joues me brûler alors que le sourire sur le visage de ma camarade s’élargissait.
- Alors ? Qui ?
- Le garçon qui nous a dépassé tout à l’heure, je souffle en jetant des coups d’œil inquiets autour de nous.
- Quoi le rouquin ? s’exclama Asteria sans prendre le ton de baisser la voix.
- Chut ! lui intimai-je. Non, l’autre. Il avait les cheveux noirs et des lunettes.
- Ne me dis pas que tu parles d’Harry Potter ?
J’ai cru que mon cœur faisait un saut périlleux dans ma poitrine. Nous venions de croiser Harry Potter ? Le Harry Potter ! Je me sentais totalement idiote de ne pas l’avoir reconnu mais Asteria ne me prêtait plus attention, récitant la liste de toutes les raisons pour lesquelles Harry n’était pas un « beau garçon ».
Depuis ce jour, je te cherchais dans la Grande Salle, te guettais au détour de chaque couloir. Quand quelqu’un de brun et de ta taille me tournait le dos, je me demandais s’il ne pouvait pas s’agir de toi et mon cœur battait un peu plus vite, mes mains devenaient plus moites. Je t’entendais rire parfois avec tes amis et je me mettais à chercher ma respiration. Tu avais des yeux fascinants, vert comme l’émeraude. Halloween est passé sans que je m’en rende compte et lorsqu’on m’a appris pétrification de Miss Teigne, la chatte du concierge, j’ai pensé qu’il ne s’agissait que d’une mauvaise farce et n’y ai pas prêté attention.
Je t’ai vu jouer au quidditch, j’ai eu peur pour toi quand le cognard s’est mis à te poursuivre à travers tout le terrain, j’ai retenu mon souffle lorsque tu as attrapé le vif d’or sous le nez de l’attrapeur de Serpentard et j’ai hurlé de joie avec mes condisciples de Poufsouffle. Même Asteria, toujours digne, prenait part à l’enthousiasme général qui nous avait saisis.
- Si ça avait été un concours de charme, il ne fait toutefois aucun doute que ça aurait été Malefoy qui aurait gagné, avait-elle déclaré tout en applaudissant la victoire de Gryffondor.
Je me suis demandée qui était Malefoy. Peut-être l’autre attrapeur ? A vrai dire je m’en moquais, je n’avais d’yeux que pour toi. A travers la pluie, je distinguais ta silhouette allongée sur l’herbe. J’étais soucieuse ; tu étais tombée de ton balai en attrapant le vif d’or.
- Viens Aslinn, on rentre vite se mettre à l’abri au château, m’appela Barbara.
- Mais vous croyez qu’Harry va bien ? me suis-je inquiétée.
- Potter ? avait lancé Asteria. Ne t’en fais pas, le professeur Lockart est auprès de lui. S’il le faut, ils n’auront même pas besoin de le transporter à l’infirmerie.
Cela m’a rassurée, on pouvait faire confiance à notre professeur de Défense Contre les Forces du Mal.
J’ai appris le nom de tes amis, Hermione et Ron. Dans ma salle commune, quand on parlait de toi, je tendais l’oreille. Après le premier match de duel organisé par le professeur Lockart, j’ai entendu dire que tu parlais Fourchelang, que tu étais peut-être l’héritier de Serpentard, celui qui avait ouvert la Chambre des Secrets. Ce n’est qu’à ce moment-là que j’ai compris l’inquiétude des professeurs, mais surtout le danger qui planait sur les élèves, comme moi, nés d’un ou plusieurs parents moldus.
J’entendais Ernie dire qu’à son avis, tu étais l’agresseur de Miss Teigne et Justin, mais je ne le croyais pas. Pour avoir passé des heures à t’observer, j’avais l’impression d’une certaine manière de te connaître. J’étais sûre que tu n’aurais jamais pu faire cela, sûre de ton innocence. Tu me paraissais gentil, joyeux, courageux, et dans le même temps entouré d’une part de mystère.
Il paraît que l’an dernier, tu as fait remporter la coupe des quatre maisons à Gryffondor et t’est battu contre Voldemort. Il paraît que tu as affronté des épreuves terribles et que tu en ressorti vainqueur. Il paraît que dès ta rentrée à l’école, tu avais battu un troll, des zombies, un vampire, une harpie et une horde de vélanes déchaînées, d’après Colin Crivey. Je me doute un peu qu’il est impossible qu’autant de créatures aient pu attaquer l’école, mais je suis également certaine que si ça avait été le cas, tu les aurais battues.
Et j’avais raison, n’est-ce pas ? A la fin de l’année, tu as tué un basilic et sauvé Ginny Weasley.
- Tu sais, la rouquine qui est avec nous en cours, à Gryffondor, m’avait décrit Derek en me racontant les faits, de l’excitation dans la voix.
Mais il n’avait pas besoin de me la décrire, je savais qui était Ginny. C’était celle qui t’avait envoyé un poème, pour la St Valentin. T’aimait-elle ? La question n’était que rhétorique, bien entendu que oui. Elle était la petite sœur de ton meilleur ami, tu devais la voir souvent. Elle était la princesse à sauver et tu étais son vaillant prince.
C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que je n’étais pas la seule à te dévisager dans les couloirs. A partir de la St Valentin jusqu’à la fin de l’année, toutes les filles qui se retournaient sur ton passage me rendaient folle. Je les apercevais et voulais qu’elles arrêtent, toi tu ne les remarquais pas. Tu ne me remarquais pas. Je n’étais qu’une petite de première année, il n’y avait pas de raison pour que tu me vois.
Sont venues les vacances d’été et j’ai réalisé une nouvelle chose à ton sujet, que tu me manquais. Est-ce normal, quand je regarde les nuages, que je croie y reconnaître ton visage ? Est-ce normal qu’à chaque objet vert que je vois, je le compare à tes yeux et trouve ces derniers plus beaux, plus ensorcelants ? Est-ce normal que je rêve de toi la nuit ? Que je me sente bien en t’imaginant me prendre dans tes bras et brisée quand l’image de Ginny s’impose à mon esprit ?
Je suis allée à la librairie Calligraphie aujourd’hui, y acheter une nouvelle plume comme cadeau d’anniversaire pour ma mère ; j’y ai croisé Seamus Finnigan. La boutique n’a que des sorciers pour clients mais jusqu’à présent je n’y avais jamais rencontré quelqu’un de mon âge. Seamus a un an de plus que moi et est à Gryffondor. J’ai tout de suite fait le rapprochement avec toi. Il était dans ta maison, il dormait dans ton dortoir. Est-ce normal d’être jalouse d’un garçon ? Je crois que je deviens folle.
Nous avons discuté, un peu de tout, un peu de rien. J’ai commencé à me sentir mal et me suis dépêchée de rentrer dès que j’eus acheté la plume d’aigle et que le vendeur me l’eût emballée. Je suis allée la cacher dans mon armoire, pour ne pas que ma mère la trouve, et me suis allongée sur mon lit, les larmes aux yeux, l’estomac en vrac. Mon père dit que je suis malade, qu’il ferait mieux d’appeler un docteur car on ne peut pas faire confiance aux médicomages. Pour une fois ma mère ne pousse pas un soupir exaspéré mais vient me voir. D’après elle, la maladie dont je souffre porte un nom : l’amour.
Aurais-je pu tomber amoureuse sans t’avoir jamais parlé ? Je crois te connaître, mais est-ce réellement le cas ? La seule chose de sûre, c’est qu’à tes yeux je n’existe pas. Cependant au cours du mois d’août, quand j’ai cessé de dévorer toutes les biographies à ton sujet empruntées chez Calligraphie, je me suis sentie mieux, j’ai moins pensé à toi. J’ai cru être guérie de cette maladie, je me trompais.
Cet homme, Sirius Black, s’est échappé d’Azkaban. Mes parents m’ont raconté brièvement, sans doute car ils me jugeaient encore jeune, les conditions de son incarcération. Je me suis fait du souci pour toi, mais ils m’ont rassurée. La dernière semaine, j’ai réussi à t’oublier. Sur la voie neuf trois-quart, je ne pensais plus à toi. Lorsque je t’ai aperçu passer devant mon wagon dans le Poudlard Express, c’est à peine si j’ai trembloté. Je m’étais libérée de cette fascination qui me liait à toi. Ce n’était pas de l’amour, c’était de l’admiration. L’année passée je ne te regardais pas, je t’espionnais. Ces filles qui se retournaient sur ton passage, je les avais imaginées. Cette pseudo-jalousie pour Ginny, c’était du manque de confiance en moi. Non je ne devais plus penser à toi, mon état de santé ne devait pas dépendre de toi.
Que de belles paroles bien vite envolées !
Il est forcément arrivé que je te croise dans les couloirs, bien que j’essaye de t’éviter. Asteria s’en est aperçue et ça la faisait bien rire. A chaque fois, j’avais ce pincement au cœur désagréable que je chassais aussi vite qu’il apparaissait. Je ne voulais plus rien avoir à faire avec toi. En vérité, il n’y avait jamais rien eu entre nous, du moins de consenti ou de réciproque. Pourtant j’avais l’impression d’une certaine manière d’être prisonnière. Je continuais de rêver de toi la nuit et il était bien plus difficile de te chasser de mes pensées que de te laisser les envahir, bien plus doux de rêver à tes étreintes qu’à ton indifférence.
Ce soir, Sirius Black s’est introduit dans le château, pour forcer le passage menant à la salle commune des Gryffondor. Nous avons été tirés de nos lits pour nous rendre dans la Grande Salle. Je ne suis pas totalement réveillée alors je m’installe dans un duvet, à côté d’Hannah, et m’enfouis dessous. Je bâille, m’apprête à fermer les yeux et sursaute violemment. Tu es à quelques centimètres de moi, de dos. Je reconnais ta voix alors que tu chuchotes quelque chose à Ron dont j’aperçois la chevelure rousse. Hermione ne doit pas être loin non plus.
Je n’arrive plus à détacher mon regard de ta chevelure de jais. Si je tendais la main, je pourrais passer mes doigts dans tes cheveux. Le sentiment qui s’empare de moi est horrible, une véritable torture. Mon cœur et mon cerveau me dictent deux choses totalement contraires, j’ai l’impression de me déchirer à l’intérieur.
Finalement je n’ai pas beaucoup dormi, cette nuit-là. Je devais être dans un état de semi-somnolence. Eveillée ou endormie, tu m’obsédais. Que je te voie de face en rêve ou de dos en vrai, tu étais toujours là. Toi, l’aura que tu dégageais, ta chaleur, tes exploits. J’ai entendu Hannah bouger dans son sommeil et lorsque j’ai tourné la tête vers elle, je l’ai enviée. Elle au moins dormait du sommeil du juste.
Tu sembles habitué aux coups durs et tu n’en es sans doute pas à ta première chute de quidditch, mais lorsque je te vois glisser de ton balai, je pousse un grand cri. Tu tombes d’une hauteur vertigineuse à mes yeux. Une lumière t’entoure, sans doute un professeur t’ayant jeté un sort mais je n’ai pas vu lequel. Mes yeux restent braqués sur toi. Je ne comprends même pas comment cela a pu t’arriver, tu es pourtant adroit sur un balai, malgré la pluie. Ce n’est que lorsque tu t’approches dangereusement du sol que je m’aperçois de la présence des détraqueurs.
Asteria m’agrippe violemment le poignet et je me rends compte que je continue de crier. Je m’arrête quand j’aperçois le professeur Dumbledore près de toi, j’ai confiance en lui. Il chasse les détraqueurs à grands coups de baguette magique et aussitôt après, tous se sont volatilisés. Même de loin, je peux m’apercevoir qu’il est très en colère.
- Viens, m’intime Asteria.
Je la suis comme dans un rêve. Je ne fais pas attention aux gens et aux voix autour de moi, j’ai peur pour toi. Ce n’est qu’en atteignant la salle commune que je comprends que Poufsouffle a gagné le match car c’est Cédric qui a attrapé le vif d’or. Mais je m’en moque, mes pensées restent focalisées sur toi. Que m’as-tu fait pour me plonger dans cet état ?
Barbara s’assoit en gloussant à côté de nous et Asteria fronce les sourcils.
- Dis-nous tout, ordonne-t-elle.
Notre camarade ne se fait pas prier.
- C’est Derek, il m’a dit que je lui plaisais, avoua-t-elle en baissant les yeux. Après le cours de potions, il m’a entraîné sous les colonnes de pierre près de notre salle commune et il m’a fait tout un tas de compliments. C’était trop mignon, il était tout rouge.
- Mais c’est beaucoup trop tôt, nous ne sommes qu’en deuxième année, avait protesté Asteria qui, bien que s’amusant comme une folle dès qu’il s’agissait de parler de garçons, classait comme totalement impossible de concrétiser quoique ce soit avant au moins la sixième année.
« On commence une relation vers seize ans pour se marier en sortant de Poudlard », expliquait-elle avec aplomb. On sentait le discours dit et répété de ses parents derrière chacun de ses mots et je la plaignais un peu dans ces cas-là. Son aînée Daphné, qui était à Serpentard, ne semblait pas s’embarrasser de tels préceptes, elle.
- Et alors ? répliqua Barbara sans cesser de glousser.
- En plus ce n’est pas du tout romantique, s’agaça Asteria. Ma sœur m’a raconté que Lee Jordan lui, quand il avait demandé à l’une de ses amies de Serdaigle de sortir avec lui, il l’avait amenée aux cuisines où les elfes avaient cuisiné une immense pièce montée avec écrit « Je t’aime ».
- Lee est en cinquième année et sait où se trouvent les cuisines, pas Derek, répondit Barbara avec acidité. Pourquoi ne me demandes-tu pas ce que j’ai répondu ?
- Mais je m’en moque de ce que tu as répondu, répliqua Asteria, les joues roses.
- Tu t’en moques ?
Barbara s’était levée, les poings serrés. Je ne savais plus où me mettre, mon regard passant successivement de l’une à l’autre de mes meilleures amies.
- Et bien tu as raison, moque-t-en, s’exclama-t-elle en enjambant le banc, furieuse.
- Tu deviens totalement hystérique, commenta Asteria.
- Et toi jalouse, rétorqua Barbara avec un regard féroce.
Asteria ne sut pas quoi répondre et Barbara nous quitta d’un air digne. Je me contentai de finir mon plat, dévisageant du coin de l’œil Asteria qui semblait s’étouffer.
- Jalouse ? Moi ? répétait-elle, choquée. Comme si je souhaitais que n’importe quel garçon vienne m’annoncer de telles choses. C’est totalement ridicule ! s’exclama-t-elle.
Moi je ne trouvais pas ça ridicule. Bien malgré moi, je ne pouvais m’empêcher de m’imaginer à la place de Barbara, avec Harry à la place de Derek. Mes joues rougirent et je baissai la tête pour les masquer. Comment Asteria pouvait-elle trouver cela ridicule ? Barbara devait avoir raison, Asteria était jalouse.
- Tu veux du jus de citrouille ? lui proposai-je d’une petite voix, de peur de la mettre en colère.
Elle me jaugea du regard avant d’hocher la tête.
- Merci, répondit-elle, les yeux dans le vague.
Barbara et Asteria ne se sont pas réconciliées tout de suite et le froid entre elles était très inconfortable. Barbara passait son temps avec Derek, Asteria à aller voir sa sœur ou à travailler, enfermée dans son humeur maussade et ses bougonnements. Dans ces cas-là, je me rendais à la bibliothèque où je croisais souvent Hermione, exténuée, avec d’immenses cernes sous les yeux. J’aurai aimé que tu sois avec elle, ça m’aurait réchauffé le cœur et puis peut-être aurais-je osé te parler… Non, il ne fallait pas exagérer.
Barbara et Derek sont restés une semaine ensemble, à se tenir la main en allant en cours et à parler encore et toujours des mêmes choses, projetant de visiter Pré-au-Lard ensemble, l’année suivante. Dimanche, Barbara annonça à Derek qu’entre eux il n’y aurait sans doute jamais rien de plus que de l’amitié. C’est moi qui ai informé Asteria de la nouvelle et j’ai ainsi pu voir fleurir un sourire radieux sur ses lèvres. Une heure plus tard, elle était réconciliée avec Barbara et avait retrouvé sa bonne humeur habituelle. Finalement, je me demande si, bien que Derek n’ait jamais fait parti de son top 10 des plus beaux garçons de Poufsouffle, elle n’aurait pas un petit faible pour lui.
- Gryffondor mène de quatre-vingt points à zéro et regardez un peu les performances de l’Eclair de Feu ! Potter arrive à lui faire faire ce qu’il veut, maintenant. Vous avez vu comment il prend ses virages ? Le Comète de Chang ne fait pas le poids.
Un violent hurlement provenant du professeur McGonagall rabroua Lee Jordan et je partageais assez son avis, ce pour deux raisons. La première, c’était qu’Harry en lui-même était bien plus impressionnant que son balai, la seconde que si Lee attirait trop l’attention sur lui, les autres filles allaient lui tourner autour.
Quand j’ai réalisé ce que j’avais pensé, je grimaçai. Mon obsession pour Harry était revenue, encore plus violente qu’auparavant. Je regarde Harry s’arrêter brutalement en face de Cho Chang et je fronce les sourcils. Il n’est tout de même pas sous son charme ? Je secoue brusquement la tête. Je dois arrêter de voir le mal partout, d’être jalouse de tout le monde. La jalousie, j’ai vu les dégâts ravageurs qu’elle pouvait causer, lors de la dispute entre Barbara et Asteria.
J’ai pris conscience d’une chose importante à la fin de l’année, c’est que malgré tous les efforts que j’avais pu faire pour t’ignorer, j’avais échoué. Les vacances m’ont parues très longues et le jour de la rentrée, je t’ai frénétiquement cherché sur le quai de la gare. Lorsque je t’ai aperçu tu étais entouré de jeunes gens roux, dont Ron et Ginny. Encore une fois je trouvais qu’elle avait de la chance de pouvoir t’approcher, te parler. Visiblement elle avait passé un bout des vacances avec toi et cette idée me rendait étrangement amère. Cette année je devais prendre de bonnes résolutions, j’allais te parler.
Lorsque ton nom est sorti de la coupe de feu, j’ai tremblé pour toi. Tu étais sans doute le plus qualifié pour participer en raison de tout ce que tu avais déjà affronté mais je ne pouvais pas croire que tu ais réellement voulu participer, pas quand l’expression incrédule que je te connais bien s’est affichée sur ton visage. Les jours suivants, je me suis faite toute petite. Autour de moi, d’Asteria à Ernie, tous t’en voulaient d’avoir été sélectionné comme champion de Poudlard. Ils considèrent que tu voles la vedette à Cédric. Une nouvelle fois c’est quelque chose dont je me fiche un peu. Oui Cédric est beau et Asteria réfléchit à l’inscrire dans sa nouvelle édition de son top 10 mais ce n’est tout de même pas ta faute si tu te retrouves mêlé à ce tournoi contre ta volonté !
Les semaines qui ont suivi ont rempli mon cœur de doute. Ron n’était plus avec toi, tu étais toujours seul en compagnie d’Hermione et vous paraissiez plus proches que jamais.
- Daphné m’a dit que Pansy les appelait « le PPC, Pitoyable Petit Couple », avait déclaré Asteria en leur jetant un regard moqueur alors qu’ils traversaient le parc.
Je me suis sentie mal et mon amie dut s’en apercevoir car elle se mordit la lèvre inférieure, comme lorsqu’elle répondait mal à la question d’un professeur, et m’attira loin de la fenêtre à travers laquelle nous pouvions les apercevoir. Etait-ce pour cela que Ron n’était plus avec eux ? Car ils étaient ensemble ? Cela n’avait rien d’étonnant, je n’étais moi-même pas restée avec Barbara lorsqu’elle était sortie avec Derek, bien que nous ne nous soyons pas disputées.
Le malaise a perduré. Ernie me répète qu’il me trouve renfermée et Hannah ne cesse de me demander si je vais bien. Je crois qu’ils ont endossé le rôle du grand-frère et de la grande-sœur protecteurs et le prennent un peu trop à cœur. En tout cas, nul doute qu’ils feront d’excellents préfets tous les deux, s’ils sont désignés l’an prochain.
- Tu viens te balader avec nous à Pré-au-Lard ? me lança Asteria d’une voix enjouée à la sortie du cours d’Astronomie.
J’hésite, refuse d’un mouvement de tête. Je n’y suis encore jamais allée depuis la rentrée, ça ne m’attire pas. Barbara ne cesse de trouver que j’ai maigri. C’est plutôt une bonne chose, non ? Je crois qu’elles sont inquiètes pour moi, mais elles ne devraient pas. Ca finira bien par passer.
Je m’étais promis d’aller te parler, de tout t’avouer, je ne peux plus. Désormais que tu sors avec Hermione, toute discussion avec toi m’est interdite. J’aurai dû aller te voir plus tôt, j’ai été idiote. A trop attendre, j’ai perdu toute chance. Pourquoi n’ai-je pas essayé de sympathiser avec toi en première année ? J’étais trop intimidée. Pourquoi n’ai-je pas non plus essayé en seconde année ? J’ai cherché à te fuir. Je me trouve un peu pitoyable. En fait, j’ai l’impression de vivre une histoire d’amour toute seule, avec juste une chimère. Je pense à nous mais il n’y a pas de nous, il n’y a que toi, moi je n’existe pas.
Tu restes un rêve à mon esprit, un rêve qui fait mal car lorsque j’ai vu le dragon que tu devrais affronter, j’ai cru passer par mille morts. Je m’étais cachée les yeux pour Cédric car j’avais eu peur, mais pour toi je suis incapable de bouger, mon corps fond lentement sur mon banc alors que mon visage se décompose. Ne meurs pas, s’il te plaît ne meurs pas. Je ne sais pas si je pourrai vivre sans toi.
Mais encore une fois je suis ridicule. Je peux vivre sans toi, c’est ce que je fais chaque jour car tu n’es pas avec moi. Quant à ce dragon, ce n’est pas plus effrayant qu’un troll, un vampire, des vélanes ou un basilic. Je savais que tu réussirais, j’ai foi en toi, mais je n’ai pas pu m’empêcher d’avoir peur pour ta vie.
Finalement vous êtes de nouveau tous les trois, Ron, Hermione et toi. Vous ne devez plus sortir ensemble, à condition que cela ait bien été le cas un jour. Ce matin, le professeur McGonagall nous a annoncé qu’il y aurait un bal pour Noël. Elle a aussi indiqué que seuls les quatrième, cinquième, sixième et septième année pourraient y participer, provoquant une véritable huée de mécontentement dans la classe.
- Cependant, vous pourrez vous y rendre si vous êtes accompagnés d’un élève plus âgé, avait déclaré la sous-directrice en ramenant l’ordre d’un regard sévère sur l’assistance.
Je n’ai plus rien à perdre à aller te voir. Si tu acceptes je serai comblée, si tu refuses il ne me restera plus qu’à écrire à mes parents pour leur annoncer que je ne passerai pas Noël à Poudlard. J’ai essayé de calmer les battements frénétiques de mon cœur et ai repris mon souffle.
- Ne me dis rien, déclara Asteria à côté de moi, j’ai deviné. Dis-toi juste que si c’est non, ce n’est pas grave, tu n’auras qu’à venir passer quelques jours à la maison pendant les vacances.
- Tu ne restes pas pour le bal, me suis-je étonnée.
- Il faudrait qu’on m’y invite, soupira mon amie avec désespoir. J’aurai voulu y aller avec Derek mais nous n’avons pas l’âge. Enfin, si Malefoy m’avait demandé je n’aurai pas refusé non plus, mais ma sœur m’a dit qu’il y allait avec Pansy.
- Ah, répondis-je, ne trouvant rien de plus intelligent, tout en pensant que décidemment, elle lui en disait des choses, Daphné.
Je t’ai abordé au détour d’un couloir quelques jours à peine après l’annonce du professeur McGonagall. Je savais que je ne devais pas attendre ou il y aurait un risque pour qu’une autre te demande avant moi. Depuis que tu avais battu le dragon, l’hostilité des élèves s’était envolée et les filles gloussaient sur ton passage. Normal, tu étais l’un des champions de Poudlard.
Il y avait Ron, un élève de ta classe et, à mon grand malheur, Seamus avec toi. Ce dernier semblait avoir compris la raison de ma présence et m’a adressé un grand sourire, comme pour m’encourager, et ça m’a un peu rassurée. Un peu, un tout petit peu et encore, c’est un euphémisme. Ma gorge était sèche, mes mains nouées dans mon dos, mon ventre entortillé, mes jambes en coton.
- Harry ? l’ai-je interpelé d’une petite voix.
- Heu… oui ?
Il m’a dévisagé de ses grands yeux verts et j’ai compris à quel point j’étais inexistante pour lui. Cela semblait être la première fois qu’il me voyait réellement. Toutefois je ne me suis pas démontée, sachant que je le regretterai sinon. Et puis de toute manière, comme le disait ma grand-mère maternelle, quand la bierraubeurre est tirée, il faut la boire jusqu’au bout.
- Je voulais te demander si tu voulais aller au bal avec moi, récitai-je très vite.
- Non.
Quelque chose s’est cassée en moi. J’ai gardé la tête droite, évité le regard compatissant de Seamus, ignoré les rires étouffés de Ron et de l’autre garçon et ait tourné les talons. J’aurai peut-être dû lui dire que ce n’était pas grave mais je ne le pouvais pas. Je sentais que si j’essayais de parler, j’aurai sangloté, et que si j’avais continué à lui faire face, j’aurai pleuré. Je me forçais à garder un visage impassible, peut-être un peu crispé, peut-être un peu trop digne. Je devais avoir l’air vexée mais je n’avais pas suffisamment de sang-froid pour le démentir.
J’ai marché d’un pas raide jusqu’à l’angle du couloir et, dès que je fus certaine que j’étais hors de sa vue, me suis mise à courir sans m’arrêter, sans réfléchir.
- Mais c’est interdit de courir dans les couloirs, je vais prévenir Rusard ! s’était exclamé Peeves lorsque je l’avais dépassé.
Je m’en moquais, il pouvait faire ce qu’il voulait, je m’en moquais.
J’ai claqué la porte des toilettes derrière moi et me suis effondrée dans une cabine, les joues humides. Depuis quand n’avais-je plus réussi à retenir mes larmes ? Je ne sais pas, je ne veux pas savoir. Au fond j’aurai dû être satisfaite, maintenant j’allais peut-être enfin être libérée de cette obsession que j’éprouvais pour lui. Peut-être seulement. Avec qui irait-il au bal ? Cho, Hermione, Ginny ? Je m’en moquais, je m’en moquais.
J’ai enfoui mon visage dans mes bras, mes cheveux bouclés me tombant sur les genoux, et me suis mordue les lèvres. J’avais mal en dedans. Mes rêves étaient détruits, mon cœur brisé.