Filius Flitwick adorait Halloween. Depuis qu’il avait onze ans, le 31 octobre était devenu sa journée préférée dans l’année. Il s’émerveillait de la magie qu’utilisaient ses professeurs pour enchanter les citrouilles et les chauves-souris en papier mâché qui décoraient la Grande Salle, et il rêvait de pouvoir un jour lancer des sortilèges avec autant de perfection. Le cours d’Enchantements était de loin son préféré. Non pas qu’il se désintéressait des autres matières, au contraire. Il aimait aussi beaucoup le cours de Défense contre les Forces du Mal et développait une profonde affection pour ses professeurs. Ça lui brisait le cœur quand ils quittaient Poudlard, et il haïssait la malédiction qui planait sur le poste.

En revanche, l’ambiance lugubre d’Halloween le fascinait. Il adorait les frissons qu’il éprouvait en entendant ses camarades pousser de sinistres ricanements, se faire peur les uns les autres au tournant d’un couloir, ou encore placer des araignées sur les tables de classe quand quelqu’un avait le dos tourné. Chaque année, Filius se perfectionnait en sortilèges, et n’en demeurait pas moins un élève discret, et surtout sérieux. Il n’était pas question pour lui de décevoir ses parents, et avait un comportement exemplaire tout au long de l’année.

Mais il décida dès sa deuxième année que le jour d’Halloween serait une exception. Il accepta de prendre part à une embuscade pour faire peur aux élèves de première année, et l’excitation l’enivra immédiatement, à tel point qu’il se dit qu’un jour dans l’année pour se détendre et penser à autre chose qu’aux études, ça n’était pas si dramatique que cela. Et depuis, chaque année, il attendait Halloween avec impatience, se perfectionnant en sortilèges et devenant très vite l’élève le plus redoutable en termes de farces pour cette journée fatidique.

Une fois Halloween passé, Filius redevenait un élève sérieux. Il fut nommé Préfet, puis Préfet-en-Chef, mais cela ne l’empêchait pas de continuer de faire des farces un jour par an. Il quitta Poudlard avec grand regret pour continuer de progresser en sortilèges, mais espérait bien revenir plus tard pour enseigner. Son vœu fut exaucé en 1971 lorsque Dumbledore le nomma professeur. Il lui avait proposé le poste de professeur de Défense contre les Forces du Mal, mais Filius refusa, superstitieux qu’il était à l’idée qu’il puisse lui arriver quelque chose de grave à cause de la malédiction. Sa première année en tant qu’enseignant coïncida avec l’arrivée en première année de James Potter, et bien qu’il n’ait pas été envoyé dans sa maison, Filius avait de l’affection pour lui. Dans un sens, James avait toute l’année le comportement que Filius se réservait pour Halloween. Ses farces l’amusaient beaucoup pendant les cours et il avait beaucoup de mal à lui donner des punitions même quand il dépassait vraiment les bornes.

Cette année-là, il avait hâte d’être à Halloween afin de savoir ce qu’il allait inventer comme sinistre farce. Mais au matin du 31 octobre, James arriva en cours de Sortilèges avec une tête d’enterrement. Filius décida alors de changer son programme et entreprit d’enseigner à ses élèves à faire voler des objets, ce qui sans aucun doute égayerait le garçon dont la mine s’assombrissait de minute en minute. Mais rien n’y fit : pas un sourire ne se dessina sur son visage, même lorsque Bertram Aubrey fit exploser sa plume. Curieux de savoir ce qui tracassait James au point qu’il ait un jour d’avance sur le calendrier, Filius le retint à la fin de l’heure et lui proposa de lui confier ce qui le tracassait.

« J’ai perdu ma Grand-mère à Halloween l’année dernière, » annonça le jeune élève au bord des larmes, « alors c’est une journée triste pour moi. »

Filius lui adressa un sourire compatissant, pensant qu’aucune parole ne pouvait réconforter plus qu’un sourire.

« Merci de nous avoir appris à faire voler les objets aujourd’hui, professeur, » lui confia-t-il en esquissant enfin un semblant de sourire, « je m’entraînerai sur une citrouille ce soir au banquet… »

Et il tint sa promesse, même si, naturellement, il s’était retenu de dire qu’il lâcherait la citrouille juste au-dessus de la tête de Severus Snape… Filius eut beaucoup de mal à se retenir d’éclater de rire, surtout lorsque James tenta de faire croire à Minerva qu’il ne l’avait pas fait exprès, qu’il ne maîtrisait pas encore le sortilège et que c’était parce qu’il avait senti une violente douleur dans le bras qu’il l’avait lâchée. Une fois que Minerva eut le dos tourné, l’élève adressa un clin d’œil à son professeur de Sortilèges qui en fut tout ému.

Les années passèrent, et James battait des records en termes de farces, surtout le jour d’Halloween. Autant que faire se pouvait, Filius lui donnait un coup de pouce sans qu’il le sache, lui enseignant en classe des sortilèges dont il était sûr que James les réutiliserait pour ses facéties, ou glissant des manuels tels que Sept Leçons pour piéger vos amis dans sa sacoche. Il continua à enseigner le sortilège de lévitation aux première année tous les ans à Halloween, comme un rituel indispensable à sa vie au château. Il se chargeait également de décorer les couloirs et la Grande Salle avec des citrouilles de plus en plus effrayantes, et trouvait toujours de nouvelles idées pour faire peurs aux élèves qui se baladaient dans le château. Sa plus grande trouvaille fut d’ensorceler les armures, bien que l’idée ne fût pas entièrement de son ressort : il devait admettre que Minerva l’avait grandement inspiré à ce propos.

Le départ de James se fit grandement ressentir à Poudlard, plus encore à Halloween, mais Filius redoublait d’efforts pour égayer la journée de tous. Pendant quatre ans, il se lâcha complètement sur les farces, mais toujours en restant dans l’ombre. Il ne fallait pas que les élèves connaissent cette facette de leur professeur, et puis c’en était d’autant plus amusant pour Filius de garder l’anonymat.

Au lendemain du quatrième Halloween depuis que James avait quitté Poudlard, pourtant, la vie de Filius prit un tournant dramatique. James et sa femme, Lily, furent tués par Celui-dont-on-ne-devait-pas-prononcer-le-nom. Le professeur de Sortilèges pleura beaucoup ce jour-là, et il n’arrivait même pas à se réjouir du fait que le monde était débarrassé du plus grand Mage Noir de tous les temps. Minerva affichait une mine triste, elle aussi. James et Lily avaient tous deux été à Gryffondor après tout.

Mais la vie continuait, et il fallait faire avec. Halloween à Poudlard devint un hommage pour Filius qui reproduisait les farces inventées par James… Il avait un peu honte de le dire, mais il prit un malin plaisir à faire s’écraser une citrouille sur la tête du professeur Snape, alors que celui-ci était sur le point de mettre deux élèves de Serdaigle en retenue. Les années 80 furent égayées par l’arrivée de Bill et Charlie Weasley, puis de leurs frères, les jumeaux Fred et George. Mais celui que Filius attendait avec impatience était le fils de James lui-même. Il se demandait souvent si Harry serait aussi farceur que son père, et s’il pourrait mener à bien des farces aussi lugubres et terrifiantes que James.

La première année de Harry à Poudlard, Filius fit son traditionnel cours sur le sortilège pour faire voler les objets. Il demanda au jeune garçon de se mettre avec un autre élève de sa classe, à qui il distribua une plume piégée qui, comme il l’avait prévu, s’enflamma brusquement. Filius devait se retenir de rire en voyant Harry tenter d’éteindre le feu avec son chapeau. Malheureusement, les années qui suivirent ne furent pas tellement propices aux farces. Filius tentait d’égayer tout de même cette période sombre pendant laquelle la fête d’Halloween connut quelques épreuves, mais au fil des années, il sentait que l’excitation le quittait peu à peu. Il n’arrivait plus à inventer de nouvelles farces. Et puis, de toute évidence, pendant l’année de la terreur, Halloween n’était plus une priorité dans le quotidien de Poudlard. Severus avait annoncé l’annulation de « cette fête idiote » et Filius dut se retenir de toutes ses forces de ne pas lui envoyer une citrouille dans la figure à la seule force de ses bras.

Et enfin, quelques mois plus tard, le monde fut libéré à tout jamais de l’emprise de Voldemort. La vie reprit son cours, avec beaucoup de pertes, mais avec le retour d’Halloween grâce à Minerva, devenue directrice, qui fit des pieds et des mains pour que le 31 octobre 1998 soit la plus belle fête que Poudlard n’ait jamais connue. Filius se surpassa pour l’organisation, et beaucoup d’élèves et professeurs firent les frais de son ingéniosité. Pourtant, personne ne le prit la main dans le sac, cette année-là pas plus que les suivantes, d’ailleurs. Filius se sentait rajeunir année après année, et s’amusait comme un fou en cette journée spéciale.

Mais, aussi impatiemment qu’il avait attendu l’arrivée du fils de James Potter à Poudlard, il attendit celles de la génération suivante. Le 1er septembre 2015, il fit la connaissance de James Sirius, et il sut immédiatement que, même s’il ne ressemblait pas autant à son père et son grand-père que son frère cadet, il n’en demeurerait pas moins un farceur hors-pair.

Filius se réjouissait d’avance en pensant aux sept années à venir qui s’annonçait sous d’excellents auspices pour la fête d’Halloween. C’était son petit secret à lui, et il était fier d’avoir pu le conserver aussi longtemps. Il espérait que ça durerait encore longtemps, parce qu’il ne se lassait pas de faire rire les élèves en cachette.

Il ne lui restait plus qu’une chose à régler : décider qui recevrait la citrouille à la place de Severus…