Mais il pensait qu’aujourd’hui tout serait différent. Et puis, comment résister à la tentation du jeu quand c’est la jolie Louise, qu’il trouve si belle avec ses longues mèches brunes, qui vient lui proposer ? Il avait accepté, bien sur, tout fier de montrer combien il courrait vite. Il avait aisément échappé aux premiers Loups et puis le malheur était tombé sur lui comme la foudre. Et comme toujours, il s’appelait Ryan. Il l’avait touché et s’était écrié gaiement :
– C’est toi le loup !
Et tout s’était figé. Impossible pour lui de faire un mouvement, de parler et encore moins de courir. Il était le Loup et ses parents lui avaient bien expliqué que s’il était le loup, il ne devait pas approcher qui que ce soit. Et il ne pouvait pas désobéir à ses parents.
Comme il ne bougeait pas et que du coup, plus personne ne pouvait jouer, la jolie Louise s’approcha de lui et lui demanda gentiment :
– Ca ne va pas Remus ?
Il releva la tête. Non, ça n’allait pas. Il avait bien envie de lui expliquer, de tout lui dire mais il connaissait déjà sa réaction. Si jamais il lui venait l’idée farfelue de lui parler de sa condition, son joli minois se tordrait de dégoût et jamais plus elle ne lui adresserait la parole comme elle venait de le faire si gentiment. Ou alors, elle se moquerait de lui et le considérerait comme un minable.
Alors Remus regarda Louise et vit très bien arriver derrière elle Ryan, un sourire moqueur sur les lèvres.
– Laissez tomber les gars, ce crétin n’est pas capable de jouer sans faire des trucs bizarres, lâcha-t-il d’un ton suffisant.
Un à un, les élèves qui entouraient Remus quittèrent le cercle, s’éparpillant dans la cour. Louise fut la seule à rester, avec Ryan. Elle regarda Remus d’un air un peu triste et suivit les autres sous son regard brillant. Ryan remarqua bien le garçon, s’approcha de lui et, croisant les bras sur sa poitrine, il lui dit d’un ton menaçant :
– Ne t’avise pas de la regarder de trop près, morveux. Elle est bien trop jolie pour toi.
Et il partit en le laissant planté là, tout seul.
Remus y pensa tout le reste de la journée. Sur le chemin pour rentrer de l’école, en prenant son goûter, en faisant ses devoirs et le soir aussi, en enfilant son pyjama bleu. Après cette opération, et comme tout les soirs, il jeta un coup d’œil machinal sur le calendrier accroché au dessus de son lit et grimaça en voyant la lune blanche dessinée sur le jour d’aujourd’hui. Il dévala alors les escaliers à toute vitesse et couru jusqu’à la cuisine, où son père faisait la vaisselle tout en discutant avec sa mère qui fumait sur le pas de la porte.
– Que t’arrive-t-il, mon bonheur ? demanda-t-elle en le voyant tout essoufflé.
– Aujourd’hui… Pleine… Lune, bégaya-t-il.
Un grand silence tomba sur la petite cuisine. Puis tout le monde s’affaira. La mère de Remus écrasa sa cigarette du bout de sa chaussure, son père se sécha les mains et attrapa une petite clé rouillée sur son crochet et tout trois se dirigèrent vers la cave.
Les larmes jaillirent des yeux de sa mère quand son père ferma la porte de la cave derrière lui. Il s’approcha de lui et attrapa son bras pour l’entraîner jusqu’à la cage qui occupait tout le centre de la pièce. Sa mère le serra très fort dans ses bras en lui chuchotant à l’oreille :
– Honey, tu peux affronter ce monstre. Tu es fort mon Remus, bien plus fort que lui. Résiste. Pour moi. S’il te plaît.
Remus regarda sa mère de ses grands yeux tristes, posa un léger baiser sur sa joue puis recula jusqu’à la cage d’un pas résigné.
Au-dessus de lui, son père regardait loin devant lui. Il lui dit sans le voir :
– Je suis désolé mon garçon. Je fais ça pour ton bien, tu sais. Je t’aime tellement.
Et il ferma la porte de la cage sur son fils unique. Il accrocha le verrou et enroula soigneusement les chaînes autour de la porte puis recula jusqu’à sa femme qui versait un torrent de larmes.
Soudain, Remus poussa un grand cri et tomba à genoux sur le sol de béton. Quand il releva la tête, ses yeux habituellement marrons clairs étaient désormais jaunes et brillants. Son corps fut alors secoué de tremblements violents et une bosse jaillit sur son dos. Ses ongles poussèrent brusquement, de longs poils sortirent sur son visage, ses mains et ses bras. Ses vêtements craquèrent sous la pression et découvrirent un corps poilu et de longs membres fins et musclés. Son visage s’allongea et ses oreilles devinrent pointues. Remus était devenu un loup-garou.
Ils se releva alors sur ses pattes de derrière et apercevant ses parents de l’autre côté de la grille, il se jeta sur eux. Il ne put évidemment les atteindre et commença à mordre et à tenter d’arracher les barreaux.
Son père entraîna sa femme loin de son fils et ils gravirent rapidement les marches qui menaient à l’étage.
Le loup-garou poussa un cri de rage en voyant ses proies lui échapper.
Tout en haut dans le ciel noir d’encre, brillait la pleine lune.
Alors ?