Quand je me lève le matin, il y a une demi-seconde de calme. Je ne me souviens plus de rien, je navigue entre rêves et réalité, je ne sais plus vraiment où je me trouve. Puis, je me réveille dans ce grand lit froid, sans toi. Et la douleur m’assaille. C’est comme si une centaine de poignards me transperçaient de toutes parts et je ne suis plus que douleur et peine. J’ai du mal à respirer, je suffoque et pourtant, je ne pleure pas. Je n’arrive pas à pleurer, pourtant, ce n’est pas l’envie qui me manque. Ca ne sort pas, comme si quelque chose en moi était brisé. Et c’est ce que je suis, brisé.
Ton absence me pèse, je crois sans cesse que tu vas arriver, que tu vas franchir la porte, que tu vas me parler à nouveau, me dire que tout ceci n’était qu’une très mauvaise blague. Et alors, on rirait tous les deux, comme deux gamins. Tu me dirais que par moments, je ne suis vraiment pas sérieux, je te répondrais que c’est pour ça que tu m’aimes. Mais tu n’es plus là. Et chaque jour, chaque minute, chaque seconde de veille est une torture.
Alors, je serre le drap de toutes mes forces, je me retourne et je crie, la tête enfouie dans mon oreiller. Je crie à m’en casser la voix, pourtant, personne ne m’entend. Je prends garde à cela. Personne ne le sait. C’est la dernière chose qui subsiste entre toi et moi, notre seul moment encore tous les deux, notre instant rien qu’à nous, même si tu n’es plus là.
Et je me lève. Parce qu’il faut bien se lever, parce qu’il faut bien quelqu’un pour veiller sur les enfants. Ils sont grands tu me diras, peut-être n’ont-ils plus réellement besoin de nous, de moi. Albus et Lily vont encore à Poudlard, ils m’écrivent souvent. James est parti s’installer avec son amie, il y a quelques semaines. Je suis sûr que tu serais contente de le savoir heureux. Il l’est. Je ne sais pas si tu peux le voir de là où tu es, alors je préfère te le dire.
Depuis son départ, la maison est très silencieuse, affreusement calme. Ca ne me dérange pas. Je n’aspirais d’ailleurs qu’à ça. Le silence, enfin… Loin de tous ces regards en coin, de ces mines peinées, de ces regards inquisiteurs qui se demandent si je ne vais pas m’effondrer devant eux et qui aimeraient bien que je le fasse. Tu le vois comme moi ce gros titre :
Depuis le temps qu’ils l’attendent ce moment… Rassures-toi, je n’en ferai rien. Pour tous, je vais aussi bien que l’on puisse aller. Je ne les laisserai pas utiliser ta disparition, soit tranquille.
Il y a aussi ceux qui me disent qu’avec le temps, la douleur finira par s’estomper. Je ne sais pas. Je n’ai jamais eu autant mal de toute ma vie. Même quand Sirius est mort, même quand la Grande Salle n’était plus qu’une morgue, ce n’était pas pareil. Peut-être parce que je savais que tu étais là, pas très loin. Tu l’avais toujours été. Et dans un sens, tu l’es toujours.
J’ai toujours une photo de toi sur moi. Avant, je la laissais dans mon bureau, avec celles des enfants. De cette façon, tu étais à l’abri de tous les criminels que mon travail m’obligeait à côtoyer. Maintenant, je ne peux plus te protéger. Tu es partie, ils ne pourront plus jamais t’atteindre ma Ginny. Et moi, j’ai besoin de toi. J’ai l’impression que tu es auprès de moi, que tu ne m’abandonneras pas.
Quand je me sens seul, je la ressors et je m’accroche à ton image. Il paraît que ce n’est pas sain, que je devrais tourner la page, mais je ne peux pas. Je continue à espérer que tu es toujours quelque part et que je finirai par te retrouver au moment où je m’y attendrais le moins. Mais ce n’est jamais arrivé. Je le sais pourtant, tu seras toujours absente et rien ne pourra jamais te faire revenir. C’est juste une partie de moi qui n’arrive pas à accepter ton départ.
J’ai pensé à retourner dans la forêt interdite pour utiliser la Pierre de résurrection. C’est stupide, je le sais. Pour l’avoir utilisée, je sais bien qu’elle ne fait pas vraiment revenir de l’au-delà, que l’on ne voit qu’une image de l’esprit des disparus. Mais l’espérance, ça ne se contrôle pas.
Tu as pris l’un des trains. C’est fini, on ne te reverra jamais. J’ai eu du mal à l’accepter au début, je t’en ai presque voulu de ne pas être restée sous la forme d’un fantôme, mais ça ne te ressemblerait tellement pas. Tu es courageuse Ginny, tu n’aurais jamais reculé. C’est ce que tu as fait. L’au-delà est-il vraiment tel que je te l’ai décrit ? Ou bien était-ce moi qui délirait lorsque j’étais à la merci des Mangemorts ? Ne t’inquiète pas, je ne ferai rien d’inconsidéré pour te rejoindre et vérifier par moi-même si j’ai rêvé ou non. Je ne laisserai pas les enfants.
Pourtant, tu me manques parfois tellement que je me dis que ce serait plus simple si je tendais le bras et prononçais les mots honnis. Je n’ose pas. Tu m’en voudrais. Je te vois déjà à la porte du paradis, les mains sur les hanches, me défiant du regard et me lançant avec un air de reproche:
- Tu es complètement fou.
Oui, je suis fou. Fou à lier même. Qui ne le penserait pas en voyant toutes les lettres que je t’ai écrites depuis ta mort ? Elles sont pourtant là, dans le secrétaire du salon du premier étage, celui où l’on jouait avec les enfants, tu te souviens ?
Si tu savais à quel point il est désert aujourd’hui. Plus de rires, plus d’enfants, plus de jeux. Missy le nettoie tous les jours pour que la poussière ne s’accumule pas, mais c’est tout. A part moi qui de temps en temps viens m’asseoir sur cette chaise pour t’écrire, personne n’entre plus. Même les enfants évitent cette pièce quand ils reviennent. Peut-être parce que nous y avons vécu trop de moments heureux, je ne sais pas.
Je ne sais plus Ginny. Je n’arrive plus à réfléchir. Je fais les choses, par automatisme. Comme si on m’avait endormi, comme si je n’étais plus vraiment là. Je te l’ai dit, je suis cassé, je m’accroche désespérément à chaque bribe qui me reste de toi. C’est pour ça que je t’écris, pour ça que je passe tous les jours déposer une rose sur ta tombe.
Quand la nuit commence à tomber et que tout le monde déserte le cimetière, je m’allonge sur la dalle de marbre blanc et je reste ainsi jusqu’à ce que le froid se fasse mordant. Tout pour être à tes côtés.
Merlin Ginny, tu me manques comme jamais personne ne m’a manqué. Quand je passe par le chemin de traverse, il m’arrive encore de m’arrêter devant une boutique en me disant que ce serait un beau cadeau, que tu l’aimerais. Puis, je me souviens et me traite mentalement d’idiot.
Quand nous étions jeunes, nous avions fait des tas de projets. Nous avions prévu de vieillir côte à côte. Nous ne le pourrons plus, c’est fini. Quand je suis arrivé à l’hôpital, le médicomage m’a gentiment demandé de m’asseoir avant de m’annoncer l’inconcevable. Puis, il a ajouté, comme si cela pouvait changer quelque chose :
- Elle n’a pas souffert vous savez.
Qu’est-ce qu’il en sait ? Tu n’es plus là pour le dire. Alors, chaque jour, je me demande si tu as mal, si tu as eu le temps de voir la mort venir, à quoi tu as pensé juste avant… J’aimerais tant avoir des réponses à ces questions. J’aimerais tant ne plus y penser. Pourtant, dès que je m’endors, je te vois. Tu hurles, tu me demandes de t’aider. Mais je ne peux rien faire, je reste immobile. Puis il y a cette demi-seconde et je me réveille avec ces questions qui tournent dans ma tête, sans s’arrêter, jusqu’à me faire crier de douleur.
Hermione me dit qu’il faudrait maintenant que je te dise adieu. Mais c’est impossible. On ne peut pas dire adieu à la femme qu’on aime. Et je sais que tu ne voulais pas partir. Alors pourquoi te dire adieu alors que je t’aime ? Je crois que je ne le pourrai jamais.
Alors, je te dis à bientôt ma Ginny, à ma prochaine lettre, à ma prochaine visite au cimetière. Je t’aime.