Janvier 2026, Londres – Royaume-Uni.
Je fis tourner la sphère de bois dans ma main. Il semblait n’y avoir aucune ouverture. Pas même une indication ou un message. Je la jetai d’une main à l’autre. Elle devait peser moins d’une demi-livre. Je la secouai. Rien, elle était surement vide. Je la tapai un peu contre la boite où je l’avais trouvée. Elle sonnait creuse. Je relus la lettre pour la énième fois et évidement, je ne découvris rien de plus que ce qu’elle ne m’avait déjà appris. Je m’impatientais. Voilà bien un quart d’heure que je cherchais et toujours rien. Pourtant il devait bien y avoir un moyen d’ouvrir cette fichue carte ! Irrité, je m’affalai sur le lit. Je pris la boite, posée par terre. Peut-être y que la solution s’y trouvait ? Les Forces étaient surement contre moi car il n’y avait rien dans cette boite, si ce n’était la lettre, froissée à force d’être lue et relue. A cran, j’envoyai valdinguer la foutue sphère à l’autre bout de la pièce. Elle s’abattit violemment contre le mur mais ne se brisa pas. Je soufflai bruyamment. Cette histoire de carte m’avait gavé. Parce que, bien entendu, c’était trop beau pour être vrai. Je n’aurais pas dû m’emballer aussi vite. Une boule de bois trouvée dans une boite paumée et je me voyais déjà riche. Fallait que je redescende sur Terre.
Mais l’enjeu à la clé était bien trop attrayant, pour ne pas tenter une dernière fois. Je sortis ma baguette.
— Accio Carte !
Elle vola rapidement pour atterrir entre mes mains. Oui, je suis un sorcier fainéant qui se sert de la magie au moindre besoin. Et alors ?
J’examinai la sphère, encore une fois, passant mes ongles dans les sillons du bois. Il devait y avoir une ouverture. Ma main s’arrêta net, il me semblait reconnaitre quelque chose de trop régulier pour être naturel.
— Speculo !
Il se forma une image entre moi et la carte. Une loupe. J’avais été trop con. Grossis, ce que j’avais pris plus tôt pour des sillons correspondaient en réalité à des mots, taillés finement dans le bois. Une phrase, la même inscrite sur toute la surface de l’objet, plusieurs fois et dans toutes les directions.
Une énigme ? Peut être bien. Mais je n’avais aucune idée de ce que ça pouvait signifier. Je brassai dans le vide pour faire disparaitre l’image virtuelle formée par le sortilège. L’âme pure… Je me levai et allai chercher la boite. L’extérieur était simple, sans artifice. Elle ne possédait même pas un fermoir ou une serrure. Et probablement aucune protection magique. De toute évidence, c’était une boite sans aucune valeur. A l’intérieur, il n’y avait qu’on petit linge blanc. Je pensai aux conditions dans lesquelles j’avais trouvé la carte, un peu plus tôt. Le coffre était sous le lit, sous une planche du parquet. Je l’avais ouvert, lu la lettre, et prit la sphère enroulée dans le tissu. Merde… une fois de plus j’avais été bête. Si R.A.B. avait mis la carte dans un tissu c’était bien pour éviter qu’elle n’entre en contact avec la peau. J’étais fixé maintenant. Si j’avais été l’âme pure, la carte se serait ouverte d’elle-même.
Je filai un coup de pied dans la boite qui partit s’écraser contre le mur du fond, et qui, à la différence de la sphère, se brisa.
— Qu’est-ce qui se passe là-haut ? cria ma mère, alertée par le bruit.
Je ne lui répondis pas. D’ailleurs, elle posait probablement cette question par simple habitude. Depuis quelques temps qu’elle était devenue coach des Harpies en plus de son travail à la Gazette, nous étions devenus le dernier de ses soucis. Ou bien, c’était peut-être parce que James et moi aurions déjà dû avoir rejoint la vie active à notre âge. Al, pourquoi tu ne travailles pas ? Al, pourquoi est-ce que tu vis encore chez tes parents ? Qu’ils aillent tous se faire voir avec leurs questions ! Je ne travaillais pas parce que je ne supportais pas la subordination, point. Et je vivais encore chez mes vieux pour des raisons financières. Le célèbre, le grand, le juste Harry Potter n’était en fait qu’un radin. Al… L’argent a une valeur. Ce n’est pas une chose qui tombe du ciel. Et vous devez l’apprendre par vous-même.
Le pire des avares, je disais.
Il ne nous aidait pas, James et moi. Et ce depuis qu’on avait quitté Poudlard. James avait tenu une semaine avant de se faire virer de la place que mon père lui avait trouvée à la Poste Nationale Magique. Et ça m’étonnait même qu’ils aient pu tenir si longtemps. Les gens de la Poste, je veux dire. Quant à moi, je n’avais même pas cherché de boulot. Je me connaissais, je n’étais pas fait pour ça. Le travail, l’effort, et surtout la hiérarchie c’était pour les autres. Moi, j’étais libre. Moi, je rêvais d’argent qui tombe du ciel, justement. Cela faisait plus de deux ans que j’avais fini mes études à Poudlard et exceptée une « affaire » de revente d’objets magiques, je ne m’étais pas intéressé à beaucoup de choses. Mais je ne m’en portais pas plus mal. Et puis aujourd’hui, j’avais découvert une carte au trésor. Imaginez-moi. C’est tout ce à quoi j’avais vocation. Trouver un coffre rempli de Galions d'or et me la couler douce le restant de mes jours. Mais bien sur, ça aurait été trop simple. J’avais juste trouvé une carte fermée dans une boite et je ne pouvais pas l’ouvrir. Parce que je n’avais pas « l’âme pure ». Non, moi je n’étais que le fils raté d’Harry Potter.
Je regardai encore la sphère. Je t’en foutrai de la pureté ! Je redonnai un coup de pied dans la carte et elle alla une fois de plus s’abattre contre le mur.
— Incendio !
Elle prit feu puis se reteignit lentement. Mais elle était toujours intacte.
Je me laissai tomber sur lit et me mis à fixer les arabesques du plafond. J’avais haï cette maison dès que mes parents avaient décidé de s'y installer, il y a cinq ans. Ces vielles chambres abandonnées, ces couloirs sombres, ces portraits d’étrangers que mon père refusait d’enlever. La Noble et Très Ancienne Maison des Black. Si on ne vivait pas ici, je n'aurais jamais trouvé cette carte, et je n’aurais pas été si frustré à l’heure qui l’était. Je fermai les yeux, faisant disparaître le plafond hideux. Je restai comme ça un moment. Jusqu’à sentir une présence. Il y avait quelqu’un dans la pièce. Je rouvris les yeux et me relevai rapidement. Il était là, appuyé contre l’encadrement de la porte. Le Mal en personne.
— Tu m’as l’air encore plus crispé que d’habitude.
Je tournai la tête. Son petit sourire narquois m’insupportait.
— C’est surement parce que t’es en train de respirer le même air que moi.
James sourit plus largement et vint s’assoir à coté de moi sur le lit. Je me décalai un peu. Il venait probablement de rentrer car il portait encore sa cape et ses gants. Habillé comme un prince alors qu’il était aussi fauché que moi.
— Qu’est-ce que tu fais dans la Chambre du Repentir ?
La Chambre du Repentir, c’était celle de feu Regulus Black. On l’avait baptisée ainsi depuis qu’on était petits. Au début, c’était jute pour se moquer de notre père, quand il commençait à radoter. « Les enfants, Regulus Black était un mangemort…. Mais il s’est repenti, et l’a payé de sa vie blablabla… » Mais le nom était resté et depuis, toute la famille l’appelait comme ça.
— Qu’est-ce que t’en as à carrer de ce que je fiche ici ?
— Tu cherches l’aide spirituelle du Repenti ?
— Tu cherches la merde ?
James resta silencieux un moment, ses yeux vagabondant dans la pièce. Et avant que je puisse réagir, il les avait posés sur la boite fracassée à l’autre bout de la chambre. Nous nous levions en même temps, mais il me poussa et je retombai sur le lit. En une seconde, il s’était emparé de la boite. Je me relevai et essayai de la lui reprendre. Il la tint en hauteur, à bout de bras. Depuis que j’étais gamin, je détestais quand il faisait ça.
— Que caches-tu de si mystérieux Albus-chéri ?
— Rend-moi ça, James !
Il sortit sa baguette et m’immobilisa d'un petrificus totalus, avant même que je ne puisse dire "ouf". Ou quelque chose de plus vulgaire. Pourquoi est-ce que je me laissais toujours avoir ?
— Voyons ça… murmura-t-il en prenant la lettre.
Cette lettre, je la connaissais par cœur à force de la relire :
Qui que ce soit,
Si vous trouvez cette boite, c’est que j’ai échoué. Je n’ai pas trouvé le trésor de Lazar Amenkov.
— Le trésor de Lazar Amenkov, c’est…
James ne finit pas sa phrase. Bien sur, il connaissait cette histoire. Ma mère nous la racontait quand on était petits. Amenkov, un mage noir de l’Est, avait trouvé le moyen de décupler l’argent, à partir d’une seule pièce. L’histoire disait qu’il avait ensorcelé un coffre dans lequel il suffisait de mettre une seule pièce avant qu’elle ne se multiplie par dix : le Coffre sans Fond. Celui qui le possédait détenait alors un trésor inépuisable. Mais bien sur, Amenkov s’était fait assassiner par d’autres sorciers voulant mettre la main sur son Coffre. Et personne ne l'avait jamais plus retrouvé. Morale de l’histoire ? On ne gagne pas à vouloir l’argent. Je le redis : mes parents sont des radins de première classe.
En effet, vous, l’inconnu à qui je m’adresse, venez de trouver la carte menant au Coffre sans Fond. La richesse de toute une Histoire s’offre à vous. Enfin... encore faut-il que vous réussissiez à ouvrir la carte. Et j’ai l’espoir que vous n’y parviendrez pas. Toutefois, je laisse ce message dans le but que, peut être, vous serez l’âme pure.
R.A.B.
— L’âme pure… la carte. Où est la carte ? Finite ! ajouta-t-il pour me libérer du sortilège. Albus, la carte, où est-ce qu’elle est ?
Le pauvre, s’il croyait que j’allais le lui dire !
— T’es stupide ou quoi ? Le Coffre sans Fond… ah ! Ce n’est qu’un conte, abruti !
— La ferme ! Si tu n’y crois pas pourquoi est-ce que ça t’énervait tant que je puisse lire cette lettre ? Pour la dernière fois Al, ou est la carte ?
Je gardai le silence et croisai les bras. Bêtement.
— Très bien…
James sortit sa baguette et prononça le sort d’appel, à peine avais-je eu le temps de prendre la mienne.
— Accio carte !
La sphère et vint se poser dans les mains gantées de mon frère. Et celui-ci me réduisit à l’immobilité aussi sec. Pourquoi j’étais si lent à réagir ?
— Ça ne ressemble pas trop à une carte, fit-il en examinant la sphère. Peut être que... – il la secoua comme je l’avais fait précédent – non, elle ne contient rien... On dirait que les indications sont gravées à la surface...
Comme moi, il se stoppa quand il comprit qu’il était inscrit quelque chose dans le bois. Sauf qu’il avait été beaucoup plus rapide que moi. James a toujours été le plus doué de nous deux. Il lut le message et fronça les sourcils. Si j’avais pu bouger, j’aurais souri à l’idée même que James puisse croire qu’il était cette âme pure. Il releva la tête et me fixa un moment. Après quoi, il enleva le gant de la main qui ne tenait pas la carte. Il attendit un moment et prit la sphère dans sa main nue.
Aussitôt avait-elle touché sa peau, que la carte se déplia. La sphère s’ouvrit, devant un cercle de bois fin. Elle avait l’air si rigide tout à l’heure, mais dépliée elle n’était pas plus épaisse qu’un parchemin.
Je n’y croyais pas. James. James Sirius, mon abominable frère, était « l’âme pure » ? C’était impossible. C’était la personne la plus mauvaise, la plus vicieuse que je connaissais. Comment pouvait-il y avoir ne serait-ce qu’une once de pureté en lui ?
Soudain, James lâcha la carte. Elle se referma et atteint le sol sous sa forme initiale.
— Finite ! fit-il pour mettre fin au sort qui m’emprisonnait. Prépare tes bagages, Al. On part en Russie !
Je fronçai les sourcils.
— Je t’avoue que je m’attendais à une réaction moins contrôlée. Pas à ce que tu me sautes dans les bras et que tu me dises que tu m’aimes mais…
— La ferme. Pourquoi je partirai en Russie avec toi ?
— Ben… on part chercher le coffre d’Amenkov ! Nous deux…
— Il n’y a pas de « nous », James. On a cessé d’être frères quand…
— On ne peut pas cesser d’être frère, Al, c’est ridicule.
— Bien sur que si. T’es peux être mon frangin par le sang, mais jamais je te considérerai comme tel, t’entends ?
— Al, écoute…commença-t-il en posant la main sur mon épaule.
Je la dégageai d’un geste violent. J'ai toujours détesté qu'on m'appelle Al.
— Ne me touche pas, connard.
Je récupérai la carte et sortait de la pièce. Arrivé dans le couloir, je reçu un grand coup dans le dos qui m’envoya sur les dernières marches de l’escalier.
— La prochaine fois que tu m’insultes, ça sera bien pire. Je te l'assure.
Je me relevai et allait lui rendre sa droite. A ce moment là, je le haïssais presque autant que lorsque j’avais appris pour lui et Mirage.
Ma mère arriva, moins d’une minute plus tard, et nous sépara par la magie. Elle avait l’air furieuse. Merde, j’aurai du assourdir la pièce avant de frapper cet abruti.
— C’est quoi votre problème, hein ?
Question de pure rhétorique, surement.
— Pourquoi tous les gens de votre âge on fait quelque chose de leur vie et pas vous ? Pourquoi vous vous entretuez comme ça ? Par Merlin, grandissez un peu ! Prenez votre avenir en main au lieu de vous battre comme si vous aviez encore dix ans !
— Dis moi, M’man, pourquoi t’irais pas t’occuper du plan d’attaque de ton prochain match ? demandai-je. Ce n’est pas comme si nos vies t’intéressaient plus que ça.
Ma mère me lança un regard noir.
— Ton père a tort, Albus. Tu es irrécupérable.
Je baissai la tête, plus par colère que par honte, rassurez-vous. Ma mère redescendit enfin.
— Et que je ne vous entende plus ! ajouta-t-elle arrivée à la moitié des escaliers. J’ai assez supporté ça quand vous étiez petits. Si vous voulez encore en venir aux mains, sortez de cette maison !
Je relevai la tête. James me fixait les bras croisés.
— Tu as besoin de moi.
— Oh non, répliquai-je, la voix empreinte d’une rage sourde, tout ce dont j’ai besoin en ce moment, c’est que tu te casses de ma vie !
— QU’EST-CE QUE JE VIENS DE DIRE ? cria ma mère d’en bas.
— De toute façon, repris-je en baissant la voix, on n’est même pas sûrs qu’il existe ce coffre. Je ne vais pas me lancer dans une chasse au trésor avec toi sous prétexte que le Repenti ait laissé un message.
— Bien sur qu’on sait qu’il existe vu qu’on a la carte qui y mène. Al, reprit-il plus sérieux, je ne te demande pas de me pardonner...
J’espère bien. Surtout que c’était impossible. Jamais je n’oublierai ce qu’il m’a fait.
— ...mais juste de me faire confiance sur ce coup là. Je ne veux pas le trésor, rajouta-il après une brève hésitation.
— Quoi ?
James sourit. De ce sourire si répugnant que je lui connaissais. Ce sourire manipulateur qui le caractérisait si bien.
— Un accord entre nous : si on trouve le trésor, tu le gardes. Par contre, tu diras que c’est moi qui ai mis la main dessus.
Évidement. La reconnaissance. C’était tout ce qui comptait pour James. Il fallait que les gens sachent que c’était lui qui réussissait et pas un autre. C’était comme ça que je le connaissais. Depuis notre plus jeune âge, il avait été un m’as-tu-vu. Mais même en ayant conscience de la véritable nature de mon frère, est-ce que je pouvais le croire ? Au fond, il pouvait très bien se barrer avec le butin si on arrivait un jour à le trouver.
— Je te le promets, Albus.
Je jaugeai la situation. Je ne pouvais pas accepter. M’associer avec lui c’était lui pardonner ce qu’il m’avait fait. Et ça je m’y refusais. Mais d’un autre côté, je ne pouvais rien faire sans lui. J’étais coincé.
— Un petit Serment Inviolable te rendrait-il plus coopératif ?
Je lui fis un geste obscène du bras.
— Aucun serment, James. On ne m’y reprendra pas deux fois. Mais j’accepte ton marché.
Je m’étais décidé. Car après tout, quand les gens apprendront que c'est James qui a trouvé le trésor, le monde entier sera à ses trousses. Et je serais débarrassé de lui. Puisqu'il voulait la célébrité, j'allais la lui servir sur un plateau. J’allais lui faire payer sa trahison, enfin.
— Parfait ! s’exclama James, le sourire s’étirant jusqu’aux oreilles. Alors, tiens-toi prêt pour demain, à l’aube. Russie : nous voilà !