Il y a toujours eu dans la vie de Dominique des questions auxquelles elle n’avait pas su répondre. Des questions de sa grand-mère qui voulait vérifier qu’elle avait bien appris ses leçons de français, à celle de son père qui la taquinait à propos d’un potentiel petit ami, la réponse n’était jamais évidente. Parfois, il lui fallait improviser et faire comme si de rien était. Inventer, mentir, avancer c’était sa manière de fonctionner. Elle aurait aimé faire autrement, mais il faut croire qu’elle avait perdu cette spontanéité qu’ont les enfants, après tout elle n’en était plus vraiment une désormais. Elle était encore jeune, juste plus assez pour qu’on la regarde avec la bienveillance et l’attendrissement que l’on réserve à l’enfance, plus assez pour échapper au poids des responsabilités. Dominique s’en serait bien passé, elle avait à peine un quart de siècle derrière elle, mais faisait partie de ces gens qui avaient déjà trop vécu.
Longtemps, elle avait collectionné les hommes, car c’était toujours plus facile que de s’attacher. Ils restaient à peine le temps d’une nuit, de quelques caresses et de fausses promesses. Ils n’étaient pas de ceux destinés à s’aimer toujours. Ces hommes n’avaient aucun nom et aucun visage, rien auquel elle aurait pu se rattacher. C’est mieux ainsi, qu’elle disait. Elle ne prenait pas non plus la peine de donner son nom, acte trop intime et trop personnel ; si elle le leur avait donné, ils se seraient souvenu d’elle, quand elle ne voulait plus que s’oublier elle-même. Peut-être que l’un d’eux avait un jour compté à ses yeux, elle ne s’en rappelait plus alors ça ne devait être qu’un stupide béguin d’adolescente. Ça ne devait pas être si important et elle n’avait plus le cœur à se battre pour des futilités. Enfin, c’est ce qu’elle voulait croire. Elle voulait juste oublier, oublier qu’elle avait aimé un jour parce que cela faisait trop mal pour qu’elle s’en souvienne.
Dominique avait fait des erreurs, elle s’était souvent perdue en chemin à n’en plus savoir qui elle était vraiment. Oh bien sûr, elle n’avait pas à se plaindre, il y avait toujours quelqu’un pour le lui rappeler à coup de « comment va cette chère Fleur », « ce bon vieux Bill », « la charmante Victoire » ou « l’adorable Louis ». Personne ne mettait jamais de qualificatif devant son nom, de toute manière il était déjà bien assez long, ça compensait. Même si parfois cela lui aurait plu, comme si ce simple ajout la faisait exister dans les yeux d’un étranger et lui donnait l’impression de pouvoir soutenir la comparaison au moins une fois. Evidemment elle était fière de sa famille, mais elle aurait voulu vivre par elle-même et pour elle-même pas et non pas suivre la route que d’autres avaient choisie pour elle. Et tant pis si elle se trompait, elle n’était plus à ça près.
« Dommy Dom. »
On l’appelle, mais Dominique ne réagit pas de suite, elle n’est plus habituée. Sa famille et ses amis avaient beaucoup utilisé ce surnom lorsqu’elle était plus jeune, mais en grandissant il avait fini par la lasser et par les lasser, si bien qu’il avait disparu un jour sans que personne ne sache trop pourquoi. Peut-être parce que Dommy respirait l’insouciance et la joie de vivre, quand Dominique n’était que sérieux et pragmatisme. Elle ne supportait pas ce diminutif, mais elle faisait mine de rien et se contentait de sourire et de répondre gentiment quand on s’adressait à elle ainsi. Et parfois, elle préférait se taire, car c’était l’annonce d’une conversation qu’elle ne voulait pas avoir.
La jeune fille enfonça un peu plus ses pieds nus dans le sable mouillé et les recouvrit d’un petit tas de grains épais. Elle observa la maison familiale en contrebas et sa mère qui marchait, tranquillement les pieds dans l’eau, fermement accrochée au bras de Louis. Tout va mal Dominique, si mal. Lentement, elle leva les yeux vers son père qui était venu la rejoindre en haut de la dune où elle avait l’habitude de se réfugier quand elle avait besoin d’être seule.
« Comment ça va, Dommy Dom ?
— Bien, fit-elle simplement. Je vais bien. »
Un mensonge, encore. Elle n’avait pas le droit d’aller mal de toute façon, alors à quoi bon s’étendre. Bill ne répondit rien malgré le mensonge évident qu’elle lui servait et se contenta de s’asseoir à ses côtés. Dominique était probablement l’enfant qu’il avait le plus de mal à comprendre, avec Victoire et Louis tout lui paraissait plus simple. Il n’avait qu’à leur porter une oreille attentive et leur parler avec franchise pour que les choses s’éclairent, mais sa fille cadette ne semblait pas répondre à la même logique. Il voulait l’écouter quand elle ne lui disait rien, il voulait la soutenir quand elle le repoussait toujours plus loin et, en dépit de tous les efforts qu’il faisait pour combler le vide qui grandissait entre eux, il devait se résoudre à l’idée que Dominique lui devenait toujours plus inconnue à chaque jour qui passait. Ce n’était plus qu’une inconnue qui vivait sous son toit.
Souvent, Bill aurait aimé lui demander ce qui n’allait pas chez elle, ce qui la rendait si différente de son frère et de sa sœur, mais il anticipait déjà sa réaction et savait pertinemment qu’elle se refermerait, encore un peu plus sur elle-même, s’il la poussait ainsi. Alors il ne faisait rien et restait là, assis, juste pour qu’elle sache que quoiqu’il arrive il serait là. L’attitude froide et introvertie de sa fille lui faisait mal même s’il n’en disait rien. Il n’empêche qu’il avait toujours cette désagréable impression que quelque chose ne s’était pas fait entre eux, que le lien d’un père à sa fille ne s’était pas créé et il avait beau ne rien laisser paraitre, cela le tuait de l’intérieur. Il tentait bien de se rappeler de tous les moments heureux qu’ils avaient eus ensemble, tous ces jeux d’enfants et ces histoires du soir, cependant plus il s’y essayait moins il avait l’impression que sa fille avait été un jour heureuse. Un peu comme si elle avait toujours trainé ses yeux tristes et ses fantômes derrière elle, sans qu’il ne s’aperçoive jamais de rien ou comme s’il n’avait jamais rien voulu voir.
« Tu penses encore à elle de temps en temps ? »
Dominique fronça les sourcils et se mit machinalement à dessiner un soleil dans le sable humide. Elle n’aimait pas cette question et son père se pinça les lèvres aussitôt qu’il eut réalisé que la voix qui avait parlé était la sienne. C’était tellement stupide comme demande, bien sûr qu’elle pensait à elle, tous les jours même. Une dizaine d’années était passée, bientôt vingt, depuis qu’on lui avait appris le décès de sa grand-mère, mais la blessure était toujours aussi vive et douloureuse. L’annonce était tombée tel un couperet, de manière si soudaine et si inattendue que la jeune fille n’avait jamais réussi à refermer la plaie. Elle avait dix ans, ça n’aurait pas dû être si important. Elle était encore petite, mais c’était le début d’une grande histoire, une grande histoire qui n’avait jamais vraiment pu voir le jour.
Bill murmura une vague excuse, il savait que le sujet était sensible pour elle néanmoins, il ne pouvait s’empêcher de l’aborder. Il avait vu la force de la relation entre Dominique et sa grand-mère maternelle se nouer très tôt, il l’avait vu grandir dans ses pas et s’épanouir dans ce monde à la française. C’était une belle connexion, une belle filiation. Et quand Apolline Delacour était morte, ils s’étaient tous attendus à gérer une Dominique effondrée et pleine de doutes, une fille perdue au milieu de tout, et ils n’avaient pas compris quand celle-ci était restée totalement impassible. Elle n’avait pas pleuré, elle n’avait pas crié, elle était juste restée là sa main d’enfant fermement serrée dans celle de son père. Sous contrôle. À croire qu’il ne s’était jamais rien passé entre elles et que ce n’était jamais qu’une anonyme que l’on mettait en terre et, parfois, Bill se demandait si sa fille se rappelait encore de cette époque et de cette grand-mère qu’elle avait tant chérie.
Dominique secoua la tête par dépit. Elle savait que son père et elle étaient très loin d’entretenir une relation fusionnelle ou même proche, et elle savait qu’elle avait sa part de responsabilité dans cette histoire, néanmoins elle était toujours surprise de voir parfois à quel point il ne la connaissait pas. Ses parents la croyaient insensible, car elle n’avait pas craqué, car elle ne s’était pas laissé aller à des larmes inutiles comme Victoire ou Louis l’avaient fait, alors que c’était tout le contraire. Cette mort l’avait affectée bien plus que tout autre et bien plus que tous les autres, c’est juste qu’elle se devait d’être forte, car c’est ce que sa grand-mère aurait attendu d’elle, elle aurait voulu la voir sourire au moment où on la porterait en terre, car elle avait eu une belle vie et qu’il n’y avait pas de raison d’être triste, car il ne fallait pas penser au manque et à l’absence, mais aux bons souvenirs qu’elles avaient su se créer. Alors elle n’avait rien montré de sa peine, elle avait retenu ses larmes amères et elle avait souri après tout, c’était la dernière chose qu’elle pouvait encore lui offrir.
« Est-ce que Victoire est arrivée ? demanda-t-elle finalement pour briser le silence qui s’était installé entre elle et son père.
— Non, pas encore. Le petit est malade, ils doivent passer chez l’apothicaire avant de venir. »
Il lâcha un soupir avant de rigoler légèrement, son petit-fils ressemblait décidément à sa mère sur tous les points et cela lui semblait assez étrange d’observer ce manège de loin tant les expériences actuelles de son aînée étaient similaires à celles qu’il avait eues à son âge. Dominique esquissa un léger sourire à voir son père ainsi et se leva en époussetant ses habits du sable qui s’y était niché.
« J’ai un article à finir, autant que j’en profite pendant que le petit monstre n’est pas là. »
Son père fit mine d’être outré par le surnom dont elle affublait son neveu, mais ne pouvait s’empêcher de penser qu’elle n’avait pas tout à fait tort. Cet enfant était pire qu’une beuglante de Molly Weasley elle-même. Dominique descendit rapidement de l’endroit où elle s’était perchée et alla directement s’enfermer dans sa chambre d’adolescente. L’impression était étrange, quand elle se retrouvait là, la jeune sorcière était confrontée à celle qu’elle avait été des années auparavant lorsqu’elle était encore à Poudlard. Et quand il lui arrivait de séjourner ici, elle mesurait à la fois le chemin parcouru depuis son départ de la maison et toutes ces choses qui n’avaient pas évolué depuis.
Un vieil uniforme lavé attendait, plié sur une chaise, qu’on lui retrouve une quelconque utilité. Lentement, elle tendit la main pour saisir sa cravate aux couleurs verte et argenté et la fit glisser entre ses doigts. Dominique avait toujours été fière d’être la première Weasley à aller à Serpentard, car le temps d’un soir ce n’était plus de Victoire dont on parlait. Au début, elle avait cru que le Choixpeau l’y avait répartie, car elle avait cette envie profonde de se démarquer de l’ensemble de sa famille, de ses cousins qui partageaient ses bancs à Poudlard ou qui les partageraient bientôt, et puis elle ne se sentait pas suffisamment ambitieuse ou rusée pour y avoir atterri. Pourtant en y réfléchissant bien, si l’ambition n’était pas son trait de caractère principal, elle ne pouvait pas nier qu’elle était orgueilleuse et suffisamment maline pour savoir qu’agir précipitamment ne menait à rien et pour envisager toutes les conséquences que ses actes pouvaient avoir et agir en fonction pour assurer ses arrières. Il n’y avait pas à dire Serpentard était la maison qui lui correspondait le mieux et peu importe ce que certains pouvaient croire, cela ne l’empêchait pas d’être quelqu’un de bien.
Sa répartition avait provoqué une drôle d’onde de choc chez les Weasley, preuve est que les temps changent et que leurs enfants nés après la guerre ne faisaient plus guère d’histoire des clivages qu’eux-mêmes avaient subis. Ils étaient heureux dans leurs maisons respectives, Gryffondor ou non, mais parfois ils ne pouvaient refouler l’idée qu’ils avaient dû louper quelque chose. Serpentard Dominique, vraiment ? Oui vraiment et même avec ces années de recul, elle n’aurait pas voulu être répartie autrement. C’était trop elle et elle y avait rencontré ses meilleurs amis, elle y avait trouvé sa vocation et s’était confrontée à une autre vision du monde. Elle avait grandi et muri au sein des murs de sa salle commune, elle y avait pris des coups, car la victoire, et par extension sa famille, en avait détruit d’autres. Parce que rien n’était tout blanc ou tout noir et qu’il y avait une large palette de gris entre les deux. Une palette dont elle n’avait pas conscience jusque-là.
Dominique lâcha brusquement le morceau de tissu et sortit de sa rêverie. Elle fit quelques pas jusqu’à son bureau et saisit précautionneusement le morceau de parchemin qui s’y trouvait. Elle relit avec intention son article sur une secte sataniste qu’elle avait infiltrée pendant plusieurs semaines et le plia avant de le sceller d’un coup de baguette magique. Elle n’avait pas un métier des plus surs, d’ailleurs la plupart des gens de son entourage ignorait qu’elle était plus qu’une simple journaliste, mais un reporter de guerre. Enfin à défaut d’avoir une guerre dans le monde magique actuellement, elle se contentait du titre de reporter d’investigation. Après son diplôme de journalisme, elle avait suivi une formation spécialisée auprès des Aurors français et y retournait chaque année pour se perfectionner. C’était risqué certes, mais cela la faisait se sentir vivante et elle s’assurait toujours de ne pas être en ligne de front.
Elle s’appuya contre son bureau et lâcha un soupir d’ennui. Elle n’avait rien de plus à faire ici, pas d’article à finir comme elle l’avait prétendu, et elle se contentait de fuir les sempiternelles conversations que son père voulait avoir avec elle. C’était toujours la même rengaine, à peine rentrée qu’elle voulait déjà repartir et attendait le jour de sa prochaine expédition avec une impatience toute particulière. Elle n’aimait pas parler, ni avec lui ni avec personne, que ce soit de tout de rien et surtout pas d’elle. Il n’y avait rien à dire de toute manière.
Dans la cuisine en bas, le bruit des casseroles et autres poêles commençait à se faire entendre et elle imaginait déjà sa mère les contrôler du bout de sa baguette. Elle avait passé beaucoup de temps à la regarder faire quand elle était plus jeune, ce n’était pas tant la préparation qui l’intéressait, mais le moment passé avec sa mère à papoter et le chaleureux repas de famille qui s’en suivait. C’était le bon vieux temps où ils se parlaient tous librement et sans état d’âme. Maintenant, la préparation était solitaire et les repas silencieux. C’était de sa faute et elle le savait. Elle aurait aimé leur épargner cette ambiance lourde et pesante, alors elle se cachait, mais c’était peine perdue. Ils savaient tout et ils ne savaient rien en même temps, ils prétendaient ne pas voir et ne pas étendre et se contentait d’attendre que le vent tourne.
« Dom’ descends, Victoire et Teddy sont arrivés ! »
Elle répondit à l’appel de son père et dévala quatre à quatre les escaliers de la Chaumières aux Coquillages qui craquèrent sous chacun de ses pas. Sa sœur s’extirpa avec difficulté de la cheminée, les bras encombrés par son fils qui y dormait confortablement installé et Dominique dut se mordre l’intérieur de la joue pour réfréner le sentiment de jalousie qui naissait en elle. Victoire avait toujours été l’un de ses principaux problèmes dans la vie. Il lui suffisait de porter les yeux sur elle pour se retrouver confrontée à toutes les chimères qu’elle s’efforçait de faire taire. Elle trouvait la nature bien injuste parfois, comme si Victoire avait hérité de tous les bons gènes pour ne lui laisser que les restes. Evidemment, sa sœur était magnifique, elle l’avait toujours été et le serait toujours c’était l’apanage de tous ceux possédant du sang de vélane. Mais il y avait autre chose, un semblant de grâce et de douceur qui ne s’expliquait pas et la faisait briller aux yeux des gens. Victoire avait hérité de la beauté de leur mère, du caractère attrayant de leur père et de l’intelligence d’on ne savait trop qui. À Poudlard, Dominique avait souffert des comparaisons incessantes que les élèves et les professeurs faisaient entre sa sœur et elle et elle l’avait souvent haïe d’être si parfaite. Elle avait dû se battre pour suivre le chemin de son aînée, mais ce que sa sœur faisait sans même y penser, Dominique devait s’y atteler avec force et pugnacité. Sa sœur ne perdait pas des heures dans la salle de bain le matin juste pour être présentable, sa sœur ne passait pas des heures à la bibliothèque pour réussir un examen ou rendre un devoir… non bien sûr, sa sœur n’avait pas besoin de ça. Et chaque soir, Dominique maudissait son miroir qui lui renvoyait sa propre imperfection et sa propre différence.
Et même avec un nourrisson d’à peine six mois dans les bras, même avec toute la fatigue accumulée, elle irradiait. Elle irradiait de ce bonheur particulier que Dominique lui enviait tant et qu’elle n’aurait jamais. Dominique salua son beau-frère d’un signe de main et sera rapidement sa sœur dans ses bras.
« Quatre mois à l’étranger et je n’ai droit qu’à de furtives embrassades ? Dominique et son sens de la famille m’impressionneront toujours », lança Victoire en rigolant.
Sa cadette lâcha un râle de protestation sans reprendre sa sœur pour autant. Il est vrai qu’elle n’était pas l’une de ces personnes très démonstratives quant à ses sentiments et ces réunions de famille instauraient une proximité qu’elle ne supportait pas. Le contact, les embrassades lui faisaient mal et la confrontaient à son propre corps et à ses propres limites. Des gestes trop hypocrites qu’elle n’arrivait pas à réaliser naturellement. Elle ne faisait pas la bise, elle ne serait personne dans ses bras, elle ne disait pas « je t’aime » même à ceux qu’elle aimait parce que cela lui faisait trop mal. Aimer c’était laisser la porte ouverte à trop d’abus.
« Tu ne veux pas prendre ton neveu ? Il a tellement changé depuis la dernière fois, c’est assez incroyable. Il est beaucoup plus éveillé, reprit Victoire en ôtant son manteau d’une main et en lui confiant son fils de l’autre.
— Oui je vois ça, railla Dominique en serrant le petit encore endormi contre elle. Nettement plus éveillé en effet. »
Pendant que Teddy, Victoire, Louis et leurs parents allèrent faire le tour du jardin et du potager de fortune que Bill avait installé l’année passée, Dominique resta seule avec son neveu toujours collé contre elle. Il avait grossi, le bougre, et elle n’avait de cesse de réajuster sa position quand ses bras fatiguaient. La main posée sur l’arrière de sa petite tête, le vernis sombre de ses ongles jurait avec sa peau pâle. Elle sentait de petits mouvements d’air dans son dos et, de temps à autre, des doigts s’enroulaient et tiraient sur ses longs cheveux et elle aurait beau s’en plaindre, elle adorait cette sensation. Elle prétendrait encore que la fibre, elle ne l’avait pas et qu’elle n’était pas faite pour être mère, mais elle ne pouvait ignorer cette sensation de plénitude et ce bonheur rassurant qui naissait en elle quand elle tenait le petit entre ses bras. C’était de son âge, après tout leur mère était à peine plus jeune qu’elle quand elle avait eu Victoire. Mais Dominique savait que cela n’arriverait pas et que le prochain enfant qui viendrait illuminer la Chaumière de sa présence ne serait pas le sien. Trop maigre et plus réglée, fin du rêve.
Vas-y pleure Dominique, c’est tout ce qu’il te reste désormais.