Les Moldus étaient-ils bêtes au point d'ignorer chaque 1er septembre ces élèves qui se baladaient avec des chariots chargés de valises en cuir, avec parfois à son bord des chats voire des hiboux ? Kate nageait dans cette question alors qu'elle traversait la gare de King's Cross. La famille avait quitté Carlton à l'aube pour prendre la voiture en direction de Londres. Mais la fillette n'avait pas fermé l'œil du voyage et s'était levée d'un bond lorsque sa mère avait frappé à la porte de sa chambre, dérangeant d'un coup de pied le pauvre Mister Minnows qui commençait à peine à s'habituer à sa nouvelle maison. Il avait gratifié à sa nouvelle maîtresse un regard chargé de mépris avant de descendre du lit, l'air altier. Cinq minutes avaient suffi à la jeune Kate pour paraître devant la porte d'entrée, parée à partir, après avoir traîné ses grosses valises dans l'escalier sans prendre garde à ne pas les abîmer. Tandis que ses parents se réveillaient encore à gorgées de café, son père, l'air asthénique, tournant sa cuillère à l'aide de la magie de son doigt quasi inerte. La réveiller au dernier moment aurait été plus judicieux...
Ses initiales, K.W., étaient clouées en lettres métallisées sur le devant de sa plus grosse valise. Par-dessus, une mallette plus petite et la cage de Mister Minnows. Le chat, à son expression grave, semblait fomenter un plan de vengeance pour punir les humains qui avaient osé le remettre derrière les barreaux. Kate avait délibérément refusé que son père pousse le chariot à sa place. Cela faisait partie du rite qu'elle s'était inventé. Néanmoins, Phil tenait sa fille par l'épaule et enlaçait celles de son épouse de son autre bras. Grace camouflait tant bien que mal son angoisse en se massant le bout des doigts. Voir sa fille partir aussi loin, aussi longtemps, après les récents événements, la plongeait dans un état
de grande inquiétude. Mais Phil lui avait assuré que Kate ne risquait rien à Poudlard, qu'elle y serait en sécurité plus que tout autre endroit. Par son statut de Moldue, Grace ne pouvait rien en savoir et dut faire confiance à son mari malgré ses craintes.
― C'est ça... le fameux mur dont tu m'as toujours parlé ? lui demanda-t-elle, curieuse, lorsqu'ils furent arrivés devant la barrière magique qui séparait les quais 9 et 10.
― Lui-même ! clama-t-il, une once de nostalgie traversant son regard. Mesdames, prêtes pour le grand saut ?
Elles n'eurent pas le temps de répondre qu'il les entraîna dans la course qui les conduirait à percuter le mur. Tandis que sa mère lâcha à ce qui aurait pu ressembler autant à un rire qu'à un cri d'effroi, Kate souriait à pleines dents, ne fermant les yeux que la seconde de l'impact. Et lorsqu'elle ouvrit les paupières, sa vue fut assaillie de teintes rouges, brunes et grises. Une locomotive crachait des fumerolles blanches. Placardés sur son devant, le numéro 5972 et son nom : le Poudlard Express. La voie 9 ¾.
― Viens, on va te trouver une place, la pressa son père en exerçant une légère pression sur son omoplate.
Elle observait tour à tour ces nombreux élèves. Certains avaient déjà revêtus leurs robes de sorcier, alors que Kate avait gardé son petit chemisier rose pâle. Des emblèmes de maison ornaient déjà les valises des plus âgés. Cela la faisait rêver. Se frayer un chemin entre les élèves et leurs parents étaient parfois chose ardue tellement le quai était encombré. Mais malgré la joie générale, elle percevait le chagrin sur certains visages. Ceux qui avaient assisté aux horreurs commises à Poudlard, qui avaient vu mourir des amis sous leurs yeux...
― Vise-moi un peu ça ! se hâblait un élève assez âgé à la cravate rayée jaune et noire en montrant l'insigne cousu sur sa poitrine. Préfet, mon pote ! Les premières années vont pleurer avec moi !
Bien. Maintenant, il fallait simplement prier de ne pas se retrouver à Poufsouffle !
― Papa, tu reconnais des gens ? se questionna la petite fille en levant le visage vers Phil.
Ce dernier balaya les environs d'un bref regard.
― De vue, quelques-uns. Ça me fait étrange de les voir parents eux aussi. Tu vois cette dame là-bas, en tailleur bleu ?
Une femme très élégante, au style soigné et raffiné, remontait le col de son fils qui arborait les armoiries de Serdaigle.
― J'avais ensorcelé son Ballongomme du Bullard et sa bulle avait été si grosse que, lorsqu'elle avait éclaté, elle en avait sur tout le tour de sa tête ! Le sort avait été tellement efficace qu'ils ont dû lui couper les cheveux pour lui refaire pousser ensuite !
Tous deux rirent aux éclats, l'un se remémorant la scène, l'autre se l'imaginant, sous le regard désespéré de la mère de famille.
― Heureusement que j'ai encore espoir que Kate grandisse, sinon, ça serait peine perdue, soupira-t-elle dans un sourire.
Un contrôleur du train, monsieur au visage débordant de bonhomie avec un badge magique de Poudlard accroché à son veston de gare, les accosta.
― Vous pouvez laisser vos affaires ici, mademoiselle, je m'en occupe.
― Merci, bredouilla Kate en lui cédant le chariot.
Elle s'apprêtait à lui demander de transférer la cage de Mister Minnows avec précaution, mais il s'éloignait déjà, avec à son bord un chat particulièrement mécontent d'être traité comme de la marchandise. Elle lui accorda un petit signe de la main, espérant que son animal de compagnie le lui pardonnerait un jour.
La famille s'arrêta devant la portière d'un wagon et échangèrent quelques regards.
― Eh bien voilà... c'est le début de la fin !
― Vous m'écrirez des lettres ? leur demanda-t-elle, inquiète.
― Aussi souvent que possible, je te le promets, lui répondit son père.
Tiens, encore une promesse. La tiendrait-il cette fois ? Le défi était lancé...
― Ça dépend surtout de la flemme de Littleclaws, précisa-t-il en fourrant ses mains dans les poches de son jean.
Sa mère fut la première à la prendre dans ses bras, aussi émue l'une que l'autre. Lorsqu'elles se détachèrent, Grace porta ses mains à la nuque et retira son collier, une chaîne en or qui supportait un disque en améthyste. Un bijou que Kate avait toujours connu chez sa mère, comme si elle était née avec. Grace souleva les boucles brunes de sa fille et lia le fermoir de la chaîne, alors que les doigts de Kate se refermèrent sur le pendentif.
― Même si nous n'allons pas nous voir durant des mois... tu sais que je suis toujours avec toi ma chérie. Je ne suis peut-être qu'une Moldue, comme le dit ton idiot de père, mais les mères ont ce pouvoir magique de toujours pouvoir veiller sur leurs enfants, qu'elles soient des sorcières ou non.
― Ces Moldus sont des êtres incroyables, nasilla Phil. Quand il y a de la magie, il ne la voit pas, et quand elle n'est pas là, ils doivent l'inventer. Décidément, ils me surprendront toujours !
Se redressant, Grace lui fit grâce d'un petit coup de coude dans le bras, accompagné d'un sourire aux coins de ses grandes lèvres. Elle avait bien l'habitude de ce genre de remarque de la part de son mari. Cette complicité rivale, Kate l'avait toujours connue et appréciée. Au fond d'eux, ses parents étaient de véritables gamins, aucun des deux n'avait réellement grandi.
Puis, Phil s'accroupit afin de paraître légèrement plus bas que sa fille qui le fixait de ses grands yeux gris. Il n'avait jamais été très doué pour parler dans ces moments-là, ce qui lui valut quelques difficultés à entamer ses paroles :
― Je serai bref... Ne fréquente pas ceux qui sont en rapport avec les Mangemorts et casse les noix aux garçons qui t'approchent de trop près, ou je m'en chargerai moi-même ! À coups de cognards !
― Chéri, elle est trop jeune pour se préoccuper de ces choses-là, voyons !
― Et sinon, suivre les cours et rapporter de bons résultats me paraît très bien aussi !
Ils partagèrent un sourire avant que Kate ne se jette dans ses bras, menaçant de le faire tomber en arrière. Phil caressa d'une main conciliante la chevelure de sa fille. Il ne se le pardonnerait jamais s'il lui arrivait malheur, par sa faute de surcroît...
La locomotive siffla et mit fin à leur étreinte. Phil lui attrapa la main et lui glissa quelques mornilles dans sa paume, afin qu'elle puisse s'acheter des friandises dans le train.
― Allez, file ! Dépêche-toi !
Il déposa un baiser sur le front de Kate avant que celle-ci ne grimpe les marches de la portière. Se retournant une dernière fois, elle leur adressa un dernier signe de la main, auxquels ils répondirent, le sourire aux lèvres. Quelques élèves discutaient dans le couloir étroit, sans prendre place dans les compartiments. D'un bref regard, Kate examina le premier à sa gauche : il y avait une fille, les cheveux blonds et bouclés attachés à la tempe avec une barrette verte, telle une poupée. Son profil coquet et légèrement malicieux lui rappelait vaguement quelque chose... Jetant sa timidité au fond de son placard intérieur, elle ouvrit la porte coulissante et s'assit dans la banquette d'en face. L'autre fille l'ignora un temps, observant d'un regard presque indifférent le couple devant la fenêtre qui semblait lui parler. Plus loin, en arrière-plan, Phil adressa un regard complice à sa fille avant de se moquer discrètement de ces deux personnes trop soucieuses.
― Ce sont tes parents ? demanda Kate à l'autre petite fille.
― Je crains bien que oui, soupira-t-elle sans lui accorder le moindre coup d'œil.
Elle les dédaignait avec tant de désinvolture naturelle que cela en devenait édifiant.
― Poudlard est une libération pour moi face à ces deux énergumènes.
Le train commença à coulisser lentement sur les rails. Kate se pencha à la fenêtre, le temps d'échanger de derniers au revoir avec
ses parents. La fillette d'en face pivota enfin la tête vers elle, après avoir concédé un geste cordial à ses parents qui suivaient la fenêtre malgré l'avancée du train :
― Tu t'appelles Kate, c'est cela ?
Kate se raidit et blêmit alors que l'autre la dévisageait dans un sourire grandissant sous ses larges pommettes.
― C-comment le sais-tu ? cafouilla-t-elle.
― J'ai entendu ton père t’appeler ainsi dans la boutique de Madame Guipure. Nous y étions le même jour.
Ça lui revenait désormais. La fillette blonde entourée de ses deux parents à l'affût du moindre détail de travers. Pourquoi n'y avait-elle pas pensé plus tôt.
― Mon nom est Maggie Dawkins, se présenta-t-elle.
― Kate Whisper.
Maggie ricana :
― Toi, tu vas pouvoir attendre longtemps durant la distribution des maisons !
En effet, de ce point de vue alphabétique, Kate serait dans les dernières à passer sous le Choixpeau. Le suspense et l'attente seraient insupportables...
― À moins que tu saches déjà où tu seras envoyée.
― Je ne comprends pas...
― Tu sais, les familles de sorciers. Souvent, elles vont toute entière dans la même maison, de génération en génération. Par exemple, pour moi, je suis quasi-certaine à Gryffondor. C'est ainsi dans ma famille depuis le xviiième siècle !
Sur cette assertion, Kate réfléchit alors que le train quittait le centre de Londres. Son père avait été à Serpentard et ses grands-paternels étaient tous deux issus de Serdaigle, ce qui ne possédait aucune signification et ne lui certifiait aucune maison.
Mais le bruit de la porte coulissante la détourna de sa méditation, la tête d'un garçon au visage carré s'infiltrant dans l'embrasure.
― Ca ne vous dérange pas que je vienne ? Ils sont vraiment trop bruyants dans le compartiment à côté !
Il n'attendit ni la réponse ni l'accord des deux filles pour pénétrer dans la subdivision du wagon, en compagnie d'une autre fille, et s'assit sur la même banquette que Kate qui le dévisagea en se poussant davantage vers la fenêtre, comme si le contact lui faisait peur. Ses cheveux mordorés étaient ordonnés avec soin sur sa large tête. Lui non plus de portait ni robe, ni insigne. Pourtant, il paraissait plus vieux qu'un première année de onze ans.
― Mais... je t'en prie ! soutint Maggie dans un sourire presque sarcastique.
― Que se passe-t-il à côté ? le questionna Kate d'une petite voix.
― Il y en a déjà qui s'entendent à merveille et qui s'amusent à faire les idiots ! Je ne pourrais pas les supporter durant sept heures de voyage !
Puis, Kate observa, en se penchant, la fille toute frêle qui s'était assise plus loin, silencieuse. Ses longs cheveux auburn étaient fixés à l'aide de baguettes à l'arrière de sa tête et chutait dans une harmonieuse cascade de boucles qui mettait en valeur son visage poupin et pâle. Plongée dans la lecture de son livre Mille herbes et champignons magiques, la jeune fille ne daigna pas leur accorder le moindre regard ou la moindre parole.
― Au fait, je ne me suis même pas présenté ! s'exclama le garçon en tapant sa cuisse. Je m'appelle Terry Diggle.
― Diggle, Diggle, répéta Maggie en plissant les yeux, comme une ultime concentration.
On aurait pu croire qu'elle avait avalé un gnome au poivre de travers, car il semblait que ses oreilles allaient fumer tant elle réfléchissait à en devenir écarlate.
― J'ai lu ton nom dans un numéro de la Gazette du Sorcier cet été ! explosa-t-elle.
Terry écarquilla les yeux devant son cri.
― O-oui, c'est probable ! bredouilla-t-il. Mon père est fonctionnaire au Ministère de la Magie et il faisait partie de l'Ordre du Phénix.
― L'Ordre du Phénix ? s'émerveilla Kate. C'est un héros ton père !
― Eh bien, crois-moi, ce n'est pas simple la vie de fils de héros, répondit-il, plutôt amer.
Une vague de peine défila sur ses prunelles, vite chassée par un nouveau sourire chaleureux.
― Mais c'est incroyable comment mon père me parle d'Harry Potter ! Quand il l'a rencontré dans la première fois au Chaudron Baveur...
Terry se lança dans un interminable monologue sur son père et l'élu qui avait sauvé le monde des sorciers. Kate buvait ses paroles, admirative, tandis que Maggie s'en lassa bien rapidement, détournant son regard vers le paysage vert et gris qui défilait à la fenêtre. La petite fille au livre ne semblait pas avoir bougé d'un pouce durant tout ce temps.
― Tu sais, tu n'es pas le seul à avoir un père prodigieux, lança Maggie que Terry eut bouclé son discours par la bataille de Poudlard où son père combattit sur le front.
― Ah ?
― Mon père est le fils d’Hector Dawkins.
― C'est qui lui ? grommela Terry en fronçant ses épais sourcils blonds.
― L'inventeur des Multiplettes, bande d'ignares ! Vous savez, les lunettes pour le Quidditch qui permettent de zoomer et de rejouer des scènes au ralenti.
― C'est vrai ? s'extasia Kate, toujours aussi éberluée par chacune de ses découvertes magiques comme une véritable candide.
― Et alors ? rebondit Terry, qui ne voyait pas où est-ce que Maggie voulait en venir. C'est quoi le rapport avec ton père.
― Aucun. Juste que mon père est très riche et cela suffit.
Terry et Kate échangèrent un regard, ne sachant si la situation prêtait à rire ou à ne rien dire de peur de la vexer. Mais les dires concernant son père paraissaient bien risibles comparés à la vie de celui de Terry et de ses péripéties en tant que membre de l'Ordre du Phénix.
— Et toi, Kate ? dévia Terry dans un sourire avenant. Il fait quoi ton père ?
— Il est Nettoyeur, répondit-elle d'un ton réservé, plus par timidité qu'embarras.
— C'est vrai ? s'extasia-t-il, des étoiles plein les yeux. C'est un métier génial ! Il travaille dans la combientième circonscription ?
— Euh... je ne sais pas !
En effet, les Nettoyeurs se voyaient attribuer un terrain déterminé par le Ministère et tout incident à l'égard de Moldus par des créatures magiques étaient de leur responsabilité. Un périmètre d'environ cinquante kilomètres.
— C'est aussi palpitant qu'un chasseur de cafards chez les Moldus, bâilla Maggie.
Kate se renfrogna, se tassant sur sa banquette, mais ne répliqua rien. Vue l'arrogance déjà prééminente chez cette fille, il ne faisait aucun doute pour elle qu'elle briserait les liens familiaux pour être expédiée à Serpentard.
Terry pivota vers la fillette muette assise à côté de lui et s'apprêta à lui poser la même question lorsque le chariot de friandises pointa le bout de son nez dans le couloir, poussé par une vieille sorcière voûtée. Aussitôt, tous relevèrent le menton. Privilégiant la sagesse à la gourmandise, Kate préféra se contenter d'un Chocogrenouille, une petite boite de Fondants du chaudron, une autre de Papilio Papilles. Ses friandises préférées ; son père lui en avait rapporté de temps en temps lors de son enfance et elle avait consacré des journées entières à attraper les papillons en sucre qui voletaient dans la maison. Au dam de sa mère qui ramassait les objets tombés, les petits meubles renversés ou sa propre fille qui s'était tordue la cheville en cherchant à attraper au vol le papillon sur l'étagère.
À côté, Terry avait investi dans un gros paquet de Gommes de Limaces et une réserve gratinée de Dragées surprise, Maggie s'était satisfaite d'une énorme Chocoballe en tendant, provocante, un gallion à la sorcière pour la payer. Quant à la petite fille aux boucles aux reflets roux, elle commanda une Patacitrouille d'une voix si basse et aiguë que seule la vendeuse parvint à la comprendre en lisant sur ses lèvres fines. La maladresse de Kate ne fit pas l'oreille sourde lorsqu'elle ouvrit l'emballage en carton de sa Chocogrenouille, laissant tomber ce dernier à ses pieds. Elle chercha longtemps sa grenouille en rampant sous la banquette avant de mettre sur la main sur le batracien qui s'était immobilisé une fois sa magie dissipée. Et croquant la tête en revenant sur le siège, elle entreprit d'extraire la carte au fond du paquet. Quelle fut sa surprise et celle de son voisin en découvrant la photo qui bougeait... :
— Harry Potter ?! s'exclama Terry, la bouche pleine de Gommes de Limaces. Ils l'ont enfin sortie la carte ?
— Paraît-il que cela va devenir une collector, l'éclaira Maggie en grignotant sa Chocoballe garnie de crème et de mousse à la fraise après l'avoir essuyé avec un mouchoir en soie, comme effaçant toute trace de doigt apposée sur l'enrobage en chocolat. Ils en ont sorti seulement une centaine d'exemplaires. Je te conseille d'y appliquer un sort de protection, quel qu'il soit, avant qu'on te la pique !
Effectuant de légères rotations sur la carte, Kate examina le visage de ce jeune sorcier connu de tous. Il avait le regard un poil taquin derrière ses lunettes rondes, sous sa frange noire qui camouflait sa si célèbre cicatrice en forme d'éclair, infligée par le Seigneur des Ténèbres lui-même. Comment un garçon sorti d'un chapeau magique avait-il pu défaire la plus grande menace pour le monde des sorciers en l'espace de quelques années, alors que certains sorciers chevronnés avaient affronté leur Némésis des décennies durant, parfois en y sacrifiant leur vie entière, avant de les terrasser.
Le voyage parut interminable pour Kate qui espérait apercevoir la silhouette du château derrière chaque colline, tandis que Terry et Maggie jasaient à propos de Quidditch, débat que la jeune fille avait du mal à suivre. Ces derniers se plaignaient que la coupe du monde, qui a lieu normalement tous les quatre ans, ait été reportée à l'année prochaine à cause des récents événements. À plusieurs occasions, Kate vit passer dans le couloir quelques élèves de plus en plus surexcités à l'approche de Poudlard. Revêtir sa robe de sorcier déclencha un frisson dans tout son être alors que le soir tombait à l'horizon.
— Là ! Je le vois ! s'exclama Terry, collé à la vitre.
De petites lumières, telles des étoiles, brillaient le long des tours de Poudlard. On devinait certains travaux en finition suite à l'attaque de l'école en mai dernier. Elle ne put apprécier plus longtemps le paysage quand sa vision fut engloutie par les arbres. Le train ralentit sur les rails de la gare du Pré-au-Lard.
Les élèves se précipitaient dehors et la joie se lisait sur tous les visages. Les plus âgés, délaissant leurs valises sur les quais, empruntèrent un chemin vers la forêt tandis qu'une voix tonitruante invita les premières années à se réunir :
— Les premières années ! Par ici, venez !
En descendant du train, accompagnée de Maggie et Terry, Kate aperçut la silhouette colossale de Hagrid, le garde-chasse de l'école. Il portait pour l'occasion un manteau en fourrure de furet argenté, qui semblait éclairer sa barbe broussailleuse. Ou peut-être ternissait-elle elle-même avec les années.
— Réunissez-vous ici, les premières années !
Au milieu de la foule d'enfants, Kate ne tenta pas de dévisager ses nouveaux voisins, trop intimidée par leur présence, mais aussi par le regard du demi-géant qui les englobait d'un regard satisfait. Lorsque la quarantaine d'élèves fut rassemblée autour d'Hagrid, ce dernier les invita à les suivre d'un grand geste du bras, bringuebalant son énorme lanterne dans son autre main.
— Tous aux barques ! Pressez le pas ! Le banquet n'attend plus que vous !
***
Ils empruntèrent un tunnel souterrain suintant d'humidité qui menait jusqu'au hangar à barques positionné sur une petite crique. Par groupes de cinq élèves, ils embarquèrent. Maggie suivit Kate, qui s'était presque jetée sur le premier canot. Une autre fille compléta le trio, grande et menue, ses longs cheveux noirs et luisants comme l'hématite, suivie par deux garçons.
— Bien, nous pouvons y aller ? vérifia Hagrid, sur une barque en solitaire, levant sa lanterne pour balayer les embarcations d'un regard furtif depuis sa hauteur. C'est parti !
Aussitôt, les bateaux de bois remuèrent et se mirent à avancer d'eux-mêmes sur la surface de l'eau, sans s'éloigner les uns des autres. Le ciel se dévoila dès qu'ils quittèrent la grotte, dégagé et parsemé d'étoiles naissantes. Le château de Poudlard resplendissait à la lumière de la nuit sur ses rocheuses, sa silhouette soulignée par des dizaines de lueurs oranges qui tapissaient les murs d'ombres colorées. Un feu magique brillait depuis le sommet de la haute tourelle d'astronomie, fine et grêle au milieu des lieux. Une imposante tour surplombait l'emplacement de la grande salle, remarquable par ses arcs boutés gothiques surmontés de pinacles pointus.
Pour l'occasion, des lumignons avaient été lâchés et ponctuaient la noirceur de la surface chatoyante du lac. Désirant en effleurer un du doigt, Kate se pencha par-dessus le rebord et perdit son équilibre. Elle serait tombée à l'eau si, d'un réflexe, Maggie ne lui avait pas saisi le col pour la ramener sur la barque.
— C'est naturel chez toi d'être aussi maladroite ? lui reprocha-t-elle avec son franc-parler habituel.
— Il semble oui ! répondit Kate en reprenant son souffle. Merci !
— Pas de quoi.
Arrivés à destination, les élèves débarquèrent, débordant d'excitation. Un petit homme, de la taille d'un gobelin, les accueillit sur les quais. Il portait lunettes rondes, moustache frétillante et un costard à sa taille. Il semblait être véritablement ravi, se massant les mains l'une contre l'autre.
— Bienvenue à Poudlard, chers jeunes élèves ! annonça-t-il de sa voix aiguë assez forte pour que tout le monde puisse l'entendre. Je me présente : je suis le professeur Flitwick, nouveau directeur adjoint et vous aurez l'occasion de m'avoir en cours en tant qu'enseignant en matière de sortilèges. Mais avant de vous amener jusqu'à la grande salle, il est nécessaire que je vous rappelle quelques points.
Plusieurs élèves à l'arrière chuchotèrent entre eux, à propos des maisons qu'ils connaissaient déjà de réputation, des professeurs et de bien d'autres choses. Mais Kate, dans les premiers rangs, buvaient les paroles de son futur professeur.
— Vous allez être répartis dans différentes maisons à l'issue de votre passage sous le Choixpeau magique. Quatre maisons, répondant aux noms de Gryffondor, Serdaigle, Poufsouffle et Serpentard. Vous rejoindrez ensuite vos tables respectives avec vos camarades et, après le banquet, vos dortoirs. Durant vos sept années de scolarité au sein de cette école, vous resterez dans cette maison qui vous aura été attribuée par le Choixpeau et devrez lui rapporter des points par vos distinctions et votre implication en cours. Car à la fin de chaque année, la maison qui accumulera le plus de points remportera la coupe des maisons. Des questions ?
Une jeune fille leva la main et le professeur l'interrogea, tout sourire.
— Où sont nos bagages, professeur ?
— Nous les avons entreposés dans le hall pour le moment, mais ils seront montés dans vos dortoirs dès lors que la cérémonie de la répartition sera achevée.
Après un dernier regard à travers l'assemblée des enfants, le professeur Flitwick frappa dans ses mains.
— S'il n'y a pas d'autres questions, montons !
Le groupe grimpa en rangs ordonnés, bien que tous aient envie de se bousculer pour atteindre les premiers la grande salle. À l'arrière, la carrure gigantesque d'Hagrid fermait la marche d'un pas lourd. Ils traversèrent la cour centrale éclairée par des torches.
Quelques pavés défoncés, reliques de la bataille de mai dernier, jonchaient encore le sol. Dans le hall de la grande salle, tous avaient dans la gorge nouée. En particulier Kate, qui manqua de trébucher sur une marche tant son angoisse la saisissait.
La grande salle avait revêtu ses plus beaux atouts pour célébrer cette nouvelle année sous le signe de la liberté et de la renaissance de l'école. Des chandelles dorées flottaient dans les airs, le plafond exhibant un ciel brun aux étoiles scintillantes, comme lors de ces soirs chauds d'été près des grandes métropoles. Le regroupement d'élèves traversa la salle, entre l'émerveillement et l'appréhension.
Kate observa discrètement le visage de ses aînés, déjà installés aux tables. Certains les encourageaient d'un regard, d'un signe de la main, d'autres se détournaient complètement de leur attention et se contentaient d'ignorer les premières années qui n'étaient jamais bien différents que ceux qui les avaient précédés. Ils s'arrêtèrent devant les marches qui séparaient les élèves des tables des professeurs sous les ordres gestuels du petit enseignant de sortilèges.
Au centre de ses confrères, une vieille sorcière mince et l'air pincé, le chignon serré sous son haut chapeau d'un vert sombre orné de plumes d'aigle, demeurait immobile dans son siège imposant, tandis que Hagrid prit place à ses côtés, dépassant de plusieurs têtes la totalité de ses collègues. Après la défaite de Voldemort et la disparition de l'ancien directeur, le professeur Rogue, le poste de directeur était revenu à la directrice adjointe, Minerva McGonagall. Cette année, le Choixpeau, tout effiloché, qui avait été posé à son accoutumée sur un tabouret à trois pieds, coudoyait un petit escabeau. Le professeur Flitwick avait dû être tenu responsable de cet insigne rôle que de poser le chapeau magique sur la tête des élèves. Ce dernier, tout rapiécé et encore gonflé de poussière le temps de sa sieste d'un an, ouvrit large sa fente et clama une chanson :
Dans des temps reculés, ceux de vos ancêtres
J'étais un chapeau d'une beauté sans égale
Aimés par ceux qui furent mes bienheureux maîtres
Dont en respect je n'étais pas vraiment frugal.
Tous m'ont donné le mot, le rôle qui m'incombait
D'adjuger de chaque nouvel apprenti,
De Choixpeau ils me donnèrent le quolibet,
La maison qui leur serait assujettie.
Poudlard fut bâtie sur des valeurs émérites
Pour accueillir en son sein les praticiens magiciens
Au milieu d'un immense champ de marguerites
Et côtoyant un grand marais de batraciens.
Pour le noble Gryffondor, la bravoure primait
Et que la vertu du courage devienne la clef
De tout geste, de toute pensée, car au grand jamais
Ses protégés en aucun cas ne devaient renâcler.
La bienveillante Serdaigle prônait l'intelligence
Source des bienfaits des grandes découvertes
Ses élèves devaient s'imposer dans la brillance
De leurs hauts faits qu'ils ramenaient de leurs dissert'
La douce Poufsouffle agissait dans l'équité
Tolérance était son credo irrécusable
Et dans une amicale homogénéité
Ses apprentis se devaient d'être les plus affables.
Le rusé Serpentard préconisait la malice
L'adresse des ruses comme jeu de l'ambition
Entre eux ses disciples étaient comme des complices
Avides des réussites et du feu de l'action.
Revêts donc ta tête de mon humble cavité
Car jeune sorcier, en ce jour sera établi
Le choix de ton cœur et non de ta velléité
Afin qu'en ce château tu en sois anobli !
Un tonnerre d'applaudissements acclama la chanson du Choixpeau. Ses dires avaient embrouillé Kate plus qu'autre chose. Aucune de ces qualités ne lui semblait acquise, si ce n'était sa gaucherie. À ce stade, elle était persuadée d'être envoyée à Poufsouffle, avec le préfet peu rassurant qu'elle avait croisé à la gare. Escaladant l'escabeau, le professeur Flitwick déroula le parchemin sur lequel était marquée la liste des nouveaux élèves.
— Beckett, Emeric, appela-t-il.
Le garçon qui émergea de la foule, Kate le reconnut aussitôt. Tout comme Maggie, elle l'avait croisé dans la boutique de Madame Guipure, alors qu'il tentait désespérément de sortir de l'emprise de sa robe trop grande. Elle constata au passage qu'il était finalement parvenu à trouver un habit à sa taille ! Emeric réajustait ses lunettes, en proie à l'angoisse, puis s'assit sur le tabouret. Le Choixpeau ne prit que quelques secondes avant d'annoncer sa décision :
— Serdaigle !
Une salve d'applaudissements accueillit le premier élève sous les étendards bleus alors qu'Emeric rejoignit sa table dans l'embarras des trop nombreux regards posés sur sa personne. Ceux qui suivirent furent de même envoyés à Serdaigle ou à Poufsouffle. La fille qui avait accompagné Maggie et Kate dans la barque se prénommait Calypso Curtiss. Serpentard trouva en elle la première élève de sa promotion.
— Dawkins, Maggie, poursuivait Flitwick alors que Calypso se rendait à pas gracieux et déliés vers la table des Serpentard.
La fillette se raidit un instant, blême, et se rendit au centre des tables des professeurs. Le Choixpeau mit cette fois plus de temps que pour les précédents, alors que Maggie gardait cette expression terrifiée. On aurait dit qu'elle aurait croisé un Sinistros. Puis, il déclara :
— Gryffondor !
Elle avait eu raison dans le train, en dépit de son caractère qui aurait été là une bonne justification de l'hésitation du Choixpeau. Ses joues rebondies regagnèrent des couleurs et elle trotta vers les Gryffondor, faisant rebondir ses belles boucles blondes.
— Diggle, Terrence, enchaîna le professeur.
Terry se rendit avec plus d'aisance que ses prédécesseurs, le sourire aux lèvres, comme s'il avait toujours attendu cet instant. Il s'installa tranquillement sur le tabouret et le professeur Flitwick lui glissa le chapeau sur sa tignasse brune aux reflets blonds.
— Poufsouffle !
Kate regretta que Maggie et Terry ne soient pas dans la même maison. Qu’elle les ait rejoints aurait été une aubaine. La répartition continua. Un certain Griffin Gale fut envoyé à Gryffondor là où Kate aurait désiré que ce soit Terry. Mais le dénommé Griffin lui faisait beaucoup penser à son père en version plus jeune, avec ses cheveux courts, son regard assuré et son sourire crâne. Kate découvrit quelques élèves plus tard les jumeaux Ledger, dont le garçon aurait été à l'origine du vacarme dans le train dont parlait Terry. Ce dernier fut envoyé à Serpentard. Sa sœur, bien plus calme et timide, fut séparée de lui pour rejoindre Serdaigle.
— MacNair, Morgana.
À l'évocation de ce nom, un vacarme déchira le silence de la salle. En réalité, il ne s'agissait que de Hagrid qui avait bondi sur sa chaise. Cependant, son expression stupéfiée ne rassurait pas la petite Kate, qui y voyait là un mauvais signe. La fille qui se détacha du groupe attira son regard. Elle avait la peau pâle, des cheveux courts d'un brun sombre et luisant. Son minois était affriolant et attendrissant, avec ce petit nez relevé, cependant, son regard d'un gris d'acier comparable à celui des Whisper était si sinistre et inexpressif qu'il en devenait terrifiant.
— Serpentard, clama le Choixpeau à peine eut-il été posé sur sa tête.
Cela n'annonçait rien de bon... Kate devait à tout prix se renseigner dès qu'elle le pourrait sur cette fille, qu'elle soupçonnait bien d'être une Sang Pur, voire même une proche de famille de Mangemorts...
— Miller, Moira.
À l'étonnement général, ce fut une naine qui s'extirpa de la foule amoindrie. Quelques chuchotis s'élevèrent depuis les tables et la petite Moira leur adressa un regard de semi-mépris depuis le haut des marches, ayant bien connaissance de leurs messes basses qu'elle avait l'habitude de subir. Le professeur Flitwick, qui partageait son handicap, se montra particulièrement conciliant envers elle, en particulier pour l'aider à monter sur le tabouret.
— Gryffondor !
Les acclamations furent doublées à la table des Gryffondor, le professeur Flitwick applaudit de lui-même. Cependant, Kate imaginait mal Moira partager sa chambre avec Maggie, particulièrement hautaine et arrogante. Tous les ingrédients étaient réunis pour la situation de cohabitation dégénère rapidement entre ces deux-là. Tandis que les autres élèves étaient répartis, Kate gardait un œil attentif fixé sur la petite rouquine qui les avait accompagnés durant le voyage dans le Poudlard Express et qui n'avait toujours pas soufflé le moindre mot. Il fallut attendre loin dans la liste avant qu'elle ne soit appelée :
— Smethwyck, Hygie.
— C'est la fille du directeur de St Mangouste, chuchota un garçon à son voisin, à côté de Kate.
Ainsi, cette petite fille timide était celle d'un illustre sorcier à la tête du plus grand hôpital du monde magique ? Cela expliquait sûrement la passion silencieuse qu'elle avait consacrée à son livre de botanique.
— Serdaigle !
Elle se leva en esquissant à peine un sourire et s'éloigna lentement à petits pas. Kate commença à craindre d'être réellement la dernière lorsqu'ils ne furent que deux, elle et un garçon à la peau sombre, à rester en bas des marches.
— Watson, Jason.
Il l'abandonna aux mains de la solitude et de l'attention des derniers élèves qui s'impatientaient du banquet, lassé par la répartition. Une fois que Jason fut envoyé à Gryffondor, le professeur Flitwick posa son regard sur elle, puis sur la liste, avant de l'appeler :
— Whisper, Katelyna.
Elle franchit les marches avec une attention toute particulière pour éviter de se prendre les pieds dans le tapis rouge. Tous ses membres tremblaient alors qu'elle prit place sur le tabouret et qu'elle sentit le Choixpeau, qui avait emmagasiné la chaleur des nombreux contacts, s'enfiler sur sa tête.
— Oh, intéressant, très intéressant, chuchota le Choixpeau à son oreille. Cela fait des siècles que je t'attends, chère enfant. Des siècles longs et interminables sans que je ne puisse achever entièrement la mission qui m'incombe d'accomplir. Ta venue est pour moi une libération. Car ton sang me le permet désormais. Et je vois dans ton esprit les vertus de celle qui m'a ordonnée de lui rester fidèle. Ton caractère est le fruit des injustices qui ont été perpétrées envers toi et ton enfance. Tu possèdes en toi à la fois la trempe des Gryffondor, l'altruisme des Poufsouffle, l'esprit des Serdaigle et la roublardise des Serpentard. Chacune de ses facettes, tu les dissimules au creux de ton cœur... Mais laisse-moi te permettre de te les affirmer...
Que signifiait tout ceci ?! Kate frissonnait et hésita à retirer le Choixpeau de sa tête, tant ce dernier lui causait de troubles. Mais ce dernier cria dans une exclamation qui retentit longtemps dans la salle le mot qui changea sa vie :
— Papillombre !
Ce fut, dans un premier temps, un long silence, puis une marée de chuchotis étonnés et de hoquets de stupeur, suivis d'un unique éclat de rire provenant des Serpentard. McGonagall, un temps, hésita à réagir trop fortement. Flitwick, qui avait manqué de tomber de son escabeau en bondissant de surprise, retira le chapeau de la tête de Kate, l'examina un instant, avant de le lui replacer, espérant qu'il ne s'agissait là que d'une erreur. Pourtant, le Choixpeau n'en répondit que d'un grand silence renfrogné. Contrarié, le professeur des sortilèges tenta quelques formules marmonnées en discrétion, mais rien ne semblait sortir le Choixpeau de sa nouvelle léthargie.
Kate sentit poindre les larmes à ses yeux, mais si épiée soit-elle à cet instant, elle devait se retenir de pleurer. Quelle était cette mascarade ? Était-ce un cauchemar ? Une blague de mauvais goût ? Pourquoi le Choixpeau ne pouvait-il pas l'envoyer dans une maison, comme tout le monde ? Elle acceptait même, au fond de son cœur résigné, de rejoindre Poufsouffle s'il le fallait, mais ne pas à subir une telle humiliation.
Alors que les murmures redoublaient de puissance de la salle, la directrice de l'école échangea quelques regards avec ses collègues avant de se lever et de s'avancer aux devants de la surélévation de la salle, obturant ainsi le regard de Kate, bouleversée. McGonagall fit mine qu'il ne s'était rien produit... :
― Chers élèves, jeunes sorciers, jeunes sorcières, je vous souhaite à tous une bonne rentrée à Poudlard, initia-t-elle son discours, dissimulant son trouble en liant ses mains aux doigts osseux. Au vu des récents événements qui s'y sont déroulés, je tiens à attirer votre attention quant au fait que certaines parties de l'école soient, pour le moment, condamnées, pour cause de dégâts matériels. Nous vous demandons de faire preuve de la plus grande prudence... Rappelons également l'interdiction de l'accès à la forêt interdite. Mais avant de vous présenter vos nouveaux professeurs et les mesures qui s'imposent pour cette année, j'aimerais que nous rendions hommage.
Sa voix fut parcourue d'un trémolo attristé qu'elle érailla dans sa gorge nouée. Kate tremblait sur son escabelle, toujours affublée du Choixpeau magique.
― Nombre d'entre vous ont vécu et subi la situation que Poudlard a enduré des mois durant. Plus que des élèves, certains d'entre vous se sont conduits en héros. Et cette école vous est reconnaissante, pour le combat que vous avez mené. Hélas... Certains... n'ont pas bénéficié de la chance que le sort vous a offert. N'oublions jamais les sorciers, les sorcières et les élèves qui perdirent la vie pour préserver la vôtre...
Quelques discrets sanglots se dispersèrent dans la salle. Certains avaient perdu des amis, des frères, des sœurs, des cousins ou cousines, parfois sous leurs yeux... De son point, Kate ne parvenait à voir plus loin que l'épaisse robe en taffetas vert de McGonagall, soulagée un temps de ne pas avoir à observer les mines défaites et attristées de ses camarades. Mais elle imaginait fort bien le deuil qui régnait au-dessus des quatre tables alors que la directrice énumérait les noms des élèves disparus. Était-ce une preuve de son courage, ou bien de sa culpabilité, de les avoir ainsi tous retenus ?
― Le programme de l'an passé ne correspondant pas aux attentes des différents apprentissages, reprit McGonagall en se raidissant, après la minute de silence, nous sommes au regret d'annoncer que certaines promotions devront s'armer de détermination et faire preuve de beaucoup de travail pour rattraper ce retard notable.
Une vague de désapprobations modérées s'éleva, mais la directrice reprit immédiatement :
― Cependant, l'équipe des professeurs restera à votre disposition pour vous assister de son mieux, car nous avons bien connaissance de votre situation bien particulière. Cette dernière a vu s'effectuer en son sein de multiples remaniements, et pas des moindres puisque vous aurez la chance de bénéficier de l'enseignement de professeurs de qualité. Les meilleurs dans leurs domaines. Me remplaçant au poste de directrice-adjointe, le professeur Flitwick, directeur de la maison Serdaigle et professeur de sortilèges.
De bruyants applaudissements saluèrent le petit enseignant qui demeurait juché du haut de son escabeau, s'inclinant à plusieurs reprises, fier et ravi.
― Me remplaçant en tant que de professeur de métamorphose, le professeur Wolffhart, arrivé tout droit de l'Europe continentale, qui a accepté de reprendre le poste. Merci à vous de l'accueillir parmi nous comme il se doit.
McGonagall se tourna un instant vers la table de gauche alors que se leva un homme à la mine patibulaire et peu expressive, une coiffure foisonnante et grisonnante, vêtu d'un long manteau noir et le cou paré d'un foulard rouge vif. Il hocha la tête en attrapant son col, fronçant davantage ses épais sourcils sombres, alors que les élèves applaudissaient timidement ce nouveau personnage que personne ne connaissait.
― Le professeur Chourave ayant pris sa retraite suite aux événements qui ont entaché notre école, poursuivit la directrice de son habituelle voix pincée, nous accueillons, cette fois en tant que professeur et non plus en tant qu'élève, monsieur Londubat, qui prendra en charge les cours de botanique.
Aussitôt, une ovation tonitruante noya la salle des banquets. Le nom de Neville Londubat n'était inconnu de personne, ni même de Kate qui avait eu l'occasion de le lire sur plusieurs numéros de la Gazette, cet été. Véritable héros de Poudlard et ami proche du Survivant, le jeune homme n'avait pas pourtant pas éveillé le grand intérêt de la fillette jusqu'à aujourd'hui. Toujours au centre de l'estrade et le Choixpeau sur la tête, Kate pivota pour voir se lever cet homme un peu dadais à la mâchoire large et tombante, qui saluait d'une main allègre et d'un sourire réjoui la foule d'élèves qui le connaissaient bien pour ses exploits. Seules quelques huées timides montaient de la table verte et argentée.
― Dans notre cas exceptionnel, il me semble judicieux d'ajouter que le professeur Londubat, en plus d'assurer son enseignement, se voit désormais attribuer le titre de nouveau responsable de la maison Gryffondor.
C'était la folie à la table des Gryffondor, qui semblaient applaudir à s'en saigner les mains ! On criait, on sifflait, on tapait sur le bois, on exprimait sa joie comme jamais.
― Si le professeur Slughorn reprend la direction de la maison Serpentard, Poufsouffle aura comme nouvelle responsable le professeur Sinistra.
Respectivement professeurs de potions et d'astronomie, les deux anciens enseignants se contentèrent d'un hochement du menton.
― Quant à votre nouveau professeur de défense contre les forces du mal, déclara McGonagall en secouant les plumes d'aigle de son imposant chapeau émeraude, il vous prie de lui excuser son absence pour des raisons d'ordre professionnel qui l'ont empêché de venir assister à cette cérémonie de rentrée.
En effet, l'une des chaises, à côté de Neville Londubat, demeurait vide. De nouveaux chuchotis. Un très léger sourire presque imperceptible titilla le visage ridé et sévère de la directrice.
― Cependant, il ne manquera pas de s'introduire auprès de vous dès les premiers cours que vous aurez l'occasion de partager avec lui. Sur ces mots : bon appétit.
De grands plats garnis firent leurs apparitions au milieu des tables, de même que des carafes de jus de citrouille, sous le soupir commun d'extase des élèves. Ayant ainsi détourné leur attention, McGonagall se tourna vers Kate et lui intima de la suivre après lui avoir subtilisé le chapeau. Le professeur Flitwick s'élança à leur suite en sautant de l'escabeau, alors que la directrice fit signe aux autres directeurs de maisons de la suivre malgré le dîner. Ils empruntèrent une petite porte dissimulée derrière les tables des professeurs, qui menaient à des escaliers sombres et étroits, débouchant dans l'antichambre. De nombreux portraits étaient suspendus au mur. Un sorcier aux moustaches de morse dévisagea longuement Kate lorsqu'elle pénétra dans la pièce, toussotant en se caressant la pointe de son rond menton du bout des doigts.
― Asseyez-vous miss Whisper, lui demanda McGonagall en approchant une chaise et une table d'un coup de baguette magique.
Kate, blême, obéit, tandis que le professeur Slughorn au ventre bedonnant referma la porte une fois que tous furent rentrés.
― Peut-être avez-vous faim ! fit remarquer d'une voix conciliante le professeur Sinistra.
Elle sortit à son tour sa baguette et traça un cercle sur le bois de la table. Aussitôt, une assiette garnie, directement envoyée des cuisines, apparut sous le nez de Kate, épatée.
― Que s'est-il passé, Filius ? questionna la directrice, aussi stricte que désarçonnée.
― Je ne peux pas vous dire Minerva ! bredouilla-t-il en secouant la tête de gauche à droite de manière frénétique. Le Choixpeau refuse de redonner une réponse ! Et mieux vaut-il ne pas abuser de sortilèges sur lui, croyez-moi !
― Est-ce la première fois que cela arrive, professeur McGonagall ? demanda Neville.
Cette dernière lui accorda un regard austère qui fit pâlir son visage lunaire.
― Monsieur Londubat, nous sommes collègues à présent, je vous prierai de ne plus m'appeler « professeur » à la manière des élèves lorsque nous sommes entre nous.
― Très bien professeur, euh... ! Je veux dire... Minerva ! cafouilla Londubat, embarrassé.
― À ma connaissance, s'immisça le professeur Slughorn en agrippant ses bretelles sous son veston d'un brun verdâtre, le Choixpeau magique n'a jamais prononcé le nom d'une maison répondant au nom grotesque de... Papillombre ? C'est bien cela ?
― Quand bien même aurait-il déjà nommé une cinquième maison, fit remarquer McGonagall en observant la petite Kate se délecter de son ragoût.
Cette dernière écoutait d'une oreille attentive ce qu'il se partageait mais fit semblant de ne pas s'intéresser à son entourage.
― Je ne suis pas même certaine que les plus vieux fantômes de Poudlard puissent le démentir... Aucune archive ne fait référence à une cinquième maison, cela se serait su !
― Miss Whisper... pouvez-vous nous concéder ce que vous a dit le Choixpeau lorsque vous l'aviez sur la tête ? couina Flitwick.
Kate releva la tête, un gros morceau de ragoût encore en bouche, cessant de mâcher en constatant que les cinq sorciers la fixaient du regard. Elle déglutit, mal à l'aise, et accorda un bref regard au Choixpeau qui avait été posé devant elle.
― Il m'a dit... qu'il m'attendait depuis longtemps. Et qu'il était fidèle à quelqu'un...
― Qui ?
― Je ne sais pas, trembla-t-elle. Il a juste parlé « d'elle », mais... c'est tout !
― C'est tout ?! répéta Slughorn.
― Mais avez-vous une idée du pourquoi il vous a envoyé dans une telle maison ? poursuivit Sinistra.
― Il m'a dit que... j'avais déclenché quelque chose. Quelque chose dans mon sang, je crois... !
Une part d'elle refusait de leur avouer ce qu'elle avait dû vivre par le passé, ce que le Choixpeau avait souligné.
― Possédez-vous une illustre ascendance ? s'intéressa le maître des potions.
― J-je ne crois pas non ! Mon père est sorcier et ma mère est moldue.
― Ah mais oui, que suis-je sot ! s'exclama-t-il. Whisper ! J'aurais dû me rappeler de votre père, Philippus Whisper ! Il était dans ma maison à l'époque de mes anciennes années à Poudlard ! Un vrai boute-en-train celui-là ! Il était un piètre élève en matière de potions, mais je dois avouer qu'il était doté d'un sens certain de l'humour et de la répartie !
Il rit grassement, les lèvres fermées, mais en constatant le regard de ses collègues, se rabattit :
― Mais je digresse...
― Vous le connaissiez en tant qu'élève, Horace, ajouta McGonagall qui avait enseigné à tant de générations qu'un élève de Serpentard disparaissait de sa mémoire sitôt avait-il quitté Poudlard.
― En effet. Et je peux certifier qu'il ne possédait pas d'ancêtres particulièrement reconnus...
Slughorn mettait un point d'honneur à la réputation de ses élèves, qu'il conviait à des réunions, plus connues sous le nom de « Club de Slug ». Il était ainsi le mieux placé pour savoir de quoi il parlait.
― Quoiqu'il en soit, nous ne pouvons nous résoudre à accepter l'existence d'une telle maison sans preuves, statua McGonagall, sèche.
― Mais... où irai-je alors ? s'inquiéta Kate d'une petite voix après avoir terminé son assiette.
― Le Choixpeau n'a envoyé que quatre filles à Gryffondor cette année, alors que les dortoirs comportent cinq lits, nota Neville. Miss Whisper pourra sûrement y loger le temps de...
― Le temps de quoi ? Nous n'allons tout de même pas lui trouver un dortoir pour elle seule ! Papillombre n'est rien pour le moment, si ce n'est qu'un mot qui laisse planer une ombre de doute.
― Néanmoins, nous devons impérativement mener des recherches quant à ce phénomène plus ou moins improbable, afin que nous puissions réagir au cas-où cela venait à se reproduire les années prochaines... Et que nous réfléchissions aux mesures qui devront être prises à l'égard de miss Whisper.
Lorsqu'ils retournèrent dans la grande salle, une grosse majorité des élèves avaient déjà terminé leur repas et s'en étaient allés rejoindre leurs salles communes respectives. Kate remarqua que la totalité des premières années avaient déjà désertés, sûrement guidés par leurs préfets. Elle traversa la salle, sans se dérober aux regards inquisiteurs des derniers aînés restants, attrapa une poignée de chamallows au passage dans le saladier des Poufsouffle, en fit tomber trois par terre et sortit de la salle des banquets. D'instinct, elle choisit de suivre de loin les groupuscules d'élèves dans les escaliers.
Rien ne s'était déroulé comme elle l'avait prévu. En entrant à Poudlard, Kate avait toujours rêvé d'une intégration, d'une ambiance chaleureuse. Mais elle se retrouvait seule, à errer dans les couloirs de l'école, cherchant désespérément la salle commune des Gryffondor. Au détour de quelques corridors, elle préféra questionner les portraits, dont la plupart rirent d'elles en retournant à leurs activités, de la chasse au dragon jusqu'au stichstock, un sport ancêtre au Quidditch. Mais la peinture d'une jolie sorcière en robe brune et à la cape rouge, un panier de pommes à la main, lui indiqua la direction avec toute l’amabilité du monde. Au troisième étage, alors que Kate passa sous le regard des armures entreposées là, un éclair fondit sur elle en provenant du mur et lui subtilisa ses chamallows. Un rire grinçant résonna dans ses oreilles. Surprise et mécontente, la fillette releva la tête en direction de l'esprit à l'air sournois et au nœud papillon orange vif qui jonglait avec ses friandises.
― Rendez-moi mes bonbons ! se plaignit-elle.
― Tu vas être encore plus grosse, bougresse ! caqueta l'esprit frappeur en ouvrant davantage sa grande bouche, flottant au-dessus du vide, à neuf escaliers mobiles de hauteur.
Il la rejoignit dans une cabriole, la narguant en lui plaçant ses chamallows au-dessus de sa tête.
― Mais dis-moi, tu ne serais pas la première année dont personne ne veut ?
Peeves conclut sa phrase d'un gloussement sarcastique.
― Sans maison ! Sans maison !
Furieuse et au bord des larmes, Kate courut dans les escaliers, abandonnant son butin et espérant semer l'esprit frappeur. Mais Peeves chantonnait à sa suite en radotant les mêmes mots, avant de la bombarder de ses propres chamallows.
Lorsqu'elle parvint devant le portrait de la grosse dame en rose, Kate se rendit compte d'une terrible réalité : personne ne lui avait donné le mot de passe. Quand bien même insista-t-elle, le portrait refusait de bouger et menaça même de faire intervenir d'autres tableaux si elle refusait de déguerpir. Maussade, Kate s'assit, les jambes croisées, devant le portrait, faisant l'oreille sourde aux avertissements que la grosse dame lui lançait de temps à autres d'une voix outrée de crécelle.
― Neville m'a dit que je te retrouverai ici.
À cette interpellation, Kate sursauta et se retourna. Elle bondit sur ses pieds en apercevant la jeune femme aux cheveux mal coiffés d'un brun plutôt terne, les vêtements soignés, la cravate correctement nouée aux couleurs de Gryffondor. Au vu de son apparence, elle semblait être en septième année...
― Vous me cherchiez ? balbutia Kate, intimidée.
― Ne me vouvoie pas, pâlit son aînée, plutôt sèche. Et oui, je te cherchais. Quelle idée de partir en trombe sans demander le mot de passe. Enfin... Et tu as un chamallow dans les cheveux
Elle tenta de sourire, mais cela ne rassura pas vraiment Kate, qui se débarrassa de sa friandise avant de la gober sans procès. Alors, la jeune femme brune se tourna vers la grosse dame et prononça :
― Mimbulus mimbletonia.
À ses mots, le cadre coulissa, laissant apparaître un étroit passage dans lequel elle se glissa, suivie par Kate, la peur au ventre. De la salle commune de Gryffondor émanait une chaleur apaisante, de par les tentures rouges et or qui dégringolaient sur les murs aussi bien que la grande cheminée où crépitaient quelques braises éclatantes. En la voyant arriver, certains élèves encore présents et occupés à bavarder dans les fauteuils aux moelleux coussins aux taies de satin, susurrèrent.
― Par les chouettes de ma grand-tante, que fait-elle ici celle-là ?
― Elle a finalement choisi la meilleure des maisons !
― Oh, taisez-vous ! Vous ne pensez pas qu'elle a assez dégusté comme ça ?
La septième année la conduisit jusqu'à l'entrée des escaliers et s'arrêta contre l'encadrement de pierre en ogive.
― Ton dortoir est au premier étage, lui dit-elle.
― Merci beaucoup, bredouilla Kate, reconnaissante.
― Il n'y a pas de problèmes. Bonne nuit Katelyna.
― Attends !
Apostrophée, la jeune femme se retourna et releva les sourcils en se passant d'une quelconque expression.
― Comment t'appelles-tu ?
Elle sourit et patienta quelques secondes avant de lui dévoiler :
― Hermione. Hermione Granger.
La bouche de Kate s'ouvrit tellement grande qu'on aurait pu y enfourner un souaffle. L'héroïne de cette guerre, face à elle, en ce jour, qui l'avait accompagné jusqu'ici. Cela dépassait toutes ses espérances.
― Her-Hermione Granger ?! C'est... c'est un honneur !
― Il n'y a pas de quoi ! rougit la jeune femme.
― Mais je pensais que vous n'étiez plus à Poudlard ! C'était comment de battre vous-savez-qui ? Comment va Harry Potter ?
― Calme-toi, rit bassement Hermione en interrompant son flux de questions et remarquant que la fillette avait recommencé à la vouvoyer. Oui, je suis encore ici pour passer mes ASPIC, j'y tiens absolument. Mais nous pourrons discuter de tout cela ensemble dans les prochains jours. On se retrouvera sûrement ici ou à la bibliothèque. J'ai bien l'intention de faire des recherches sur... ta maison ! Cela m'intrigue. Ce n'était vraiment pas... normal ! Je connais par cœur l'histoire de Poudlard et jamais, oui jamais, le Choixpeau n'a donné de cinquième maison ! C'est vraiment regrettable que la bibliothèque n'ouvre que demain, sinon, je m'y serais aussitôt rendue ! Cela va sûrement m'empêcher de fermer l'œil de la nuit. Enfin... ! Si tu le souhaites, tu pourras m'aider dans les recherches ! Après tout, je pense que tu es la première concernée !
Les joues de Kate s’empourprèrent de jubilation. Puis, elle salua la jeune sorcière avant de gagner les escaliers, gravissant les marches deux par deux. L'accueil qu'elle reçut en ouvrant la porte de son dortoir semblait à la hauteur de cette soirée :
― Ah ! s'exclama aussitôt d'une voix courroucée Maggie sans s'étonner de son arrivée, en la désignant, accusatrice, de son oreiller. Je savais que cet ignoble tas de poils t'appartenait ! Regarde en face le crime qu'il a osé commettre à mon encontre !
Mister Minnows, qui avait été acheminé jusqu'ici, avait décidé de se faire les griffes sur la valise de Maggie, et, en décrochant la lettre D en métal sur lequel il avait jeté son dévolu, avait commencé à se faire des dents dessus, nonchalamment posté sur le rebord de la fenêtre, sa queue battant la mesure à la manière d'un métronome de fourrure blanche. Ses autres camarades examinèrent la nouvelle arrivante de la tête aux pieds, pour le moins déconcertées de la voir en ces lieux.
― Le Choixpeau t'a finalement envoyé à Gryffondor ? lui demanda d'une voix timide une grande fille aux cheveux acajou et au visage rond qui lisait un petit livre, allongée sur son lit.
― Non, il n'en a fait qu'à sa tête, avoua Kate en refermant la porte. Les professeurs ont décidé que je serai avec vous pour le moment...
Comme l'avait souligné le professeur Londubat, il restait un lit à baldaquin encore vacant : le plus proche à gauche de la porte. La pièce circulaire se voyait pourvue de fenêtres longiformes barrées par des diagonales de fer, à l'interstice de chaque emplacement de matelas. Deux chandeliers accrochés au mur encadraient la porte et un cierge rouge orangé avait été disposé sur chaque table de chevet.
― Je les trouve hauts ces lits, quand même, maugréa Moira en se laissant rebondir sur sa couverture, les jambes ballantes dans le vide, bien trop petites pour atteindre le plancher. J'aurais mieux fait d'aller à Serdaigle, paraîtrait-il que leurs lits à baldaquins sont plus proches du sol...
― Nom d'un gobelin unijambiste, où ai-je mis mon pyjama ?! s'inquiétait la quatrième fille, aux longs et soyeux cheveux blonds dessinés dans de parfaites boucles, alors qu'elle retournait ses bagages sur son lit.
― Mais personne n'aurait la décence de me défendre à propos de ma valise saccagée par ce monstre ?! s'indignait Maggie au milieu, aux frontières de l'hystérie.
Un léger sourire chatouilla le coin des lèvres de Kate. Cette soirée n'était peut-être pas celle dont elle avait tant rêvé, cela n'en restait pas moins pour elle un nouveau départ...