Elle se leva, s’étira et s’apprêtait à réveiller Hermione pour descendre déjeuner lorsqu’elle entendit qu’on frappait contre la vitre. Un hibou. Ginny le fit entrer et referma prestement la fenêtre, luttant contre une bourrasque de vent. Sale temps, indubitablement.
Hermione protesta faiblement, remonta la couverture sur son visage et se rendormit. A la lueur des bougies qu’elle venait d’allumer, Ginny reconnut le moyen duc de Dean et son visage s’éclaira d’un sourire. Il portait une lettre à la patte et un petit paquet dans son bec.
Elle débarrassa l’animal de son chargement et s’apprêtait à ouvrir la lettre avec impatience quand le hibou manifesta son mécontentement en lui pinçant le doigt.
« Aïe ! »
Ginny lui donna un peu de miam-hibou pour le calmer et se concentra à nouveau sur sa correspondance.
Ginny, mon amour,
Comment vas-tu aujourd’hui ? J’espère que tu profites bien de cette journée parce qu’on n’a pas tous les jours quinze ans. Tu vois, je n’ai pas oublié que c’était aujourd’hui mauvaise langue, tu me dois des excuses.
La jeune fille sourit. Avant de se quitter sur le quai devant le Poudlard Express, elle l’avait taquiné, lui assurant qu’il oublierait son anniversaire. Son cœur battait plus vite en s’apercevant que ce n’était pas le cas.
Mais tu as de la chance, je ne suis pas un petit-ami rancunier. Si mon hibou ne s’est pas perdu ou si le temps ne l’a pas englouti, tu devrais recevoir en même temps un petit paquet. J’espère que ça te plaira.
Ginny saisit le paquet et le retourna entre ses doigts, se demandant si elle devait l’ouvrir tout de suite ou si elle devait attendre la fin de la lettre. Une rafale de vent fit trembler la fenêtre. La jeune fille sursauta. Il commençait à pleuvoir.
Nous sommes partis hier dans le Sud de l’Angleterre avec ma mère, chez ma grand-mère. Même si elle est moldue et ne connaît rien de notre monde, elle a l’air angoissé, comme si elle sentait qu’il se passait quelque chose. C’est vraiment étrange de savoir et ne pas pouvoir lui dire. Je me suis senti vraiment mal. Avec Tu-Sais-Qui, tout le monde est en danger, elle aussi.
Bref, désolé de te parler de ça, c’est un peu nul.
Sa petite-amie sourit. Elle comprenait que Dean ait eu besoin de lui en parler. Les temps étaient durs pour tout le monde. L’important était d’être là pour aider et écouter. Faire comme si, ne rien dire, ne rien laisser transparaître… C’était vraiment très dur parfois.
J’ai entendu dire que tes frères avaient ouvert une boutique sur le Chemin de Traverse. J’ai hâte d’aller voir et peut-être d’acheter quelque chose même si on en aura moins besoin maintenant que ce vieux crapaud rose est parti.
Ginny éclata de rire quand elle lut les dernières phrases. Elle imaginait très bien Dean le dire, avec cette grimace comique qu’il faisait quand il parlait d’Ombrage.
Dis-moi quel jour tu comptes te rendre sur le Chemin de Traverse, on essayera de se voir. Tu me manques, j’ai vraiment envie de passer plus de temps avec toi.
Je t’aime,
Dean.
La jeune fille ouvrit le paquet qui contenait un très joli bracelet, doré, avec des petites breloques. Elle s’empressa de le mettre et lança son oreiller sur Hermione pour la réveiller.
« Debout fainéante ! »
Son amie grogna avant d’ouvrir les yeux.
« Bonjour à toi aussi. »
Elle soupira. Ginny renchérit :
« Dépêche-toi, j’ai pas envie d’avoir Fleurk sur le dos pendant que je mange, ça me couperait l’appétit.
- Si tu le dis. »
Hermione attrapa une robe de chambre et suivit son amie dans l’escalier.
« Au fait… Joyeux anniversaire ! »
Fleurk… Malheureusement, elle était déjà levée quand les deux jeunes filles étaient descendues. Subir sa présence pendant tout le repas n’était pas ce dont Ginny rêvait pour ses quinze ans. Déprimante, agaçante, jolie mais sans cervelle, elle ne voyait vraiment pas ce que son frère pouvait lui trouver. Sa mère était tellement sur les nerfs qu’elle avait oublié de lui souhaiter un joyeux anniversaire quand elle était entrée dans la cuisine. Cependant, la bonne odeur de chocolat qui flottait dans la pièce indiquait que l’on aurait droit à un gâteau à la Molly au repas du soir.
Tout de suite après avoir fini de manger, les deux jeunes filles remontèrent dans leur chambre. Deux hiboux attendaient devant la fenêtre, sous une pluie battante. Hermione ramassa ses affaires et partit à la salle de bains avant qu’elle ne soit prise par quelqu’un d’autre alors que Ginny faisait entrer les deux volatiles.
Il y avait une carte de Luna, partie avec son père en Alaska chasser le Ronflack Cornu, jointe à une amulette censée éloigner les Fizzkenny. Ginny ne savait pas ce qu’étaient ces créatures ni si elles sortaient de l’imagination de son amie, mais elle se promit de lui demander.
La deuxième carte était de Neville. Il lui souhaitait bien sûr un bon anniversaire, lui parlait de ses dernières expériences en botanique et joignait à la lettre les graines de quelques fleurs. D’après lui, le mauvais temps ne serait pas trop délétère puisqu’il s’agissait de plantes aquatiques.
Ginny s’assit devant son bureau et commença à répondre aux lettres de ses amis. Elle faisait come tous les ans. Comme si tout était normal.
Le soir venu, la jeune fille lisait dans le Chicaneur dans un fauteuil du salon tandis que la radio diffusait mollement l’un des titres les plus célèbres de Celestina Moldubec.
« Et maintenant, notre flash info. Nouvelles directives du Ministère de la Magie en ce qui concerne les mesures à prendre pour contrer les attaques de Détraqueurs… »
Fred éteignit la radio d’un coup de baguette et sourit à sa petite sœur. Rien ne devait entacher son anniversaire. Il fallait faire comme si…
Le repas se passa bien même si toute la famille n’était pas réunie. Charlie était en Roumanie et Percy… Percy n’était pas là. On l’avait gâtée, comme tous les ans. Pourtant, les visages étaient moins joyeux, plus tendus, plus fatigués. Molly jetait parfois un regard désolé vers les chaises qu’occupaient habituellement les absents.
Mais on faisait comme si… Comme si tout était normal, parce que c’était son anniversaire et que comme tous les ans, c’était un jour spécial alors on s’amusait. Ginny souffla ses bougies avec bonheur et ouvrit ses cadeaux. Fred et Georges faisaient des blagues, Bill se faisait tout petit entre Fleur et sa mère, Arthur parlait avec Harry et Hermione du monde moldu.
Alors qu’on entamait le gâteau, une chouette vint frapper contre la fenêtre de la cuisine. Elle apportait une carte de Charlie. Un soupir de soulagement s’échappa des lèvres de Ginny, sentiment partagé par toute la famille. Cette carte était la preuve que leur frère exilé en Roumanie allait bien. L’angoisse monterait plus tard. Pour le moment, la fête continuait, malgré tout. Comme si tout allait bien.
On s’était couché. On s’était réjoui autant qu’on l’avait pu. La journée avait été longue, il avait plu sans discontinuer. Dans le lit d’à côté, Hermione dormait.
Mais toujours aucune nouvelle de Percy. Il avait fait signe l’année précédente dans la soirée. Allongée dans son lit, Ginny sentait l’envie de pleurer la gagner. Elle s’endormit malgré tout.
Aux environs de minuit, un hibou réveilla Ginny. Elle reconnut Hermes et lui ouvrit. A peine déchargé de son message, l’oiseau s’envola dans la nuit noire.
Bon anniversaire petite sœur !
Pas de signature, Percy avait été très concis. Il gardait une apparence. Il faisait comme eux tous, il faisait comme si. Comme si tout allait bien, comme s’il était toujours fâché, comme si à l’extérieur, le monde était toujours aussi sûr.
La jeune fille rangea la carte avec ses cadeaux et ses lettres. Demain, il faudrait se lever, se montrer forte. Demain, il faudrait faire comme si…