0h39, Jour 17 – Atrium, Ministère de la Magie, Londres.
J’ai arrêté d’écouter Brogan. Les cris étaient toujours présents, à peine assourdis, mais je ne les entends presque plus, maintenant. Sans crier gare, j’abandonne mon collègue, au beau milieu de l’Atrium, et me rue vers l’ascenseur. Au fond de moi, je me maudis d’avoir mis autant de temps à comprendre. Mais il n’est pas encore trop tard, je suis certain de pouvoir encore arrêter cette tuerie. Je ne fais même plus attention aux cadavres qui commencent à empester, jonchant le sol comme de vulgaires marionnettes abandonnées. J’appuie sans relâche sur le bouton de l’ascenseur. L’air y est suffoquant, l’odeur écœurante. J’arrive enfin au premier niveau et quitte enfin cette cage nauséabonde. Ne jetant qu’un bref coup d’œil aux deux de corps gisants dans le couloir, je me précipite dans le bureau du ministre. Comme prévu, j’y trouve l’aînée Aldrin, debout derrière le secrétaire en bois, une fiole posée devant elle. J’ai à peine le temps de lever ma baguette que la femme prononce :
— Evanesco !
L'objet disparaît. J’ai l’impression de perdre pied. Je m’approche, ignorant la boule de rage qui se forme dans ma gorge ; mes yeux cherchent la petite fiole sur le bureau. Tout est donc perdu. Nous sommes condamnés à mourir ici.
— Où est-ce que tu l'as envoyé ?
J’agrippe la femme par le col, toute retenue chassée par un élan de colère viscérale. Elle sourit, l’air mauvais de l’oiseau moqueur collé sur le visage.
— De quoi est-ce que tu parles, Potter ?
— Ne joue pas l’innocente ! L’antidote ! Ou est-ce que tu l’as envoyé ?
Serena Aldrin rit ouvertement ; je la lâche et recule, dégoûté. Cette femme est folle. Complètement folle et sa folie nous a perdus.
— On va finir par mourir, Aldrin ! Pas moi seulement, tes collègues, des innocents. Pourquoi tu fais ça ?
Elle semble réfléchir un instant.
— Disons, que vous êtes le prix à payer pour ma victoire.
— Ta victoire ? Contre qui ?
Elle sourit un peu plus, l’air goguenard.
— Ça, chéri, ça ne te regarde pas.
Mes poings se serrent tellement que mes ongles laissent surement des entailles dans mes paumes.
— Je vais mourir et je n’ai même pas pu voir une dernière fois mes enfants, ma femme. Qu’est-ce qui me retient de te tuer ?
— Rien. Oh, j’oubliais ! Peut-être ton incapacité à tuer à quelqu’un. —
Elle ricane. La rage au ventre, je lève de nouveau ma baguette sur elle.
— J’ai plus rien à perdre. Et si je peux débarrasser le monde de ta petite personne, je crois que je pourrais presque mourir heureux.
Contournant le bureau, elle vient se poster juste devant moi. Elle ouvre grand les bras, comme pour me demander de l’enlacer.
— Fais-toi plaisir.
Je reste immobile quelques seconde, puis mon bras s’affaisse lâchement. Elle a raison : je suis incapable de tuer quelqu’un. Serena s’esclaffe. Son rire perçant m'écorche les tympans ; j'ai tellement envie de la frapper.
— Je le savais. Tu es un lâche, Potter.
Il faut que j’aille retrouver Brogan, qu’on essaye encore quelque chose. Je ne peux pas mourir. Pas encore. Je me retourne pour sortir de la pièce mais Serena attrape mon bras. Je la fixe, interrogateur.
— Tu te sens bien, Potter ? —
Je me dégage d’un mouvement sec.
— Qu’est-ce que ça peut bien te faire ?
— C’est juste que t’as l’air bizarre. —
Elle fixe mon cou avec un demi-sourire. Sans un mot, je vais chercher le petit miroir sur pied, posé sur le bureau. Je défaille, me retrouve à agenouillé sur le tapis aux poils longs que Serena a offert au ministre. Mon reflet ne ressemble pas. Les veines de l’homme que je vois sont sombres, presque noirs, contrastent avec la peau qui s’éclaircit, autour. Je me mets à tousser, sans pouvoir m’arrêter. Je pose le miroir pour mettre mes mains devant ma bouche. Je crache un liquide chaud, sombre. J’observe le sang sur mes mains, impuissant.
— Ne tâche pas le tapis, trésor.
Je lève la tête vers Serena. Calme, elle prend le temps de se recoiffer et se dirige vers la porte.
— Aldrin…
Mon regard s’attarde alors une seconde sur le collier en or au cou de la Langue-de-Plomb, insistant sur le pendentif en forme de trèfle à trois branches.
Tout semble s’éclairer. Je comprends alors tout ce qui m’a échappé et ne peux m’empêcher de sourire.
— Je sais où tu as envoyé l'antidote.
Cette phrase m’arrache une nouvelle toux. Serena fait volte face, ses yeux sont à présent ronds d’étonnement.
— Où ça ? Ou est-ce que tu crois que je l’ai envoyé ?
Je ne réponds pas et crache encore quelques gouttes de sang. C’est étrange que cette maladie se déclenche aussi vite, ce matin encore, je ne ressentais aucun mal.
— Réponds, Potter !
C’est à mon tour de m’esclaffer. Et la douleur qui accompagne le rire en vaut la peine ; pour la première fois, j’entrevois de la peur dans le regard de Serena. Ne reste qu’à l’achever.
— Tu as perdu, Aldrin.
07h05, Jour 1 – 12 Square Grimmaurd.
On se lève le matin sans savoir ce qu’il va nous arriver. On connait pourtant son emploi du temps par cœur et la routine laisse rarement place aux intempéries. Mais si les aléas de la vie vous prennent pour cible, vous aurez beau essayer de les éviter, ils finiront par vous retrouver. Et à cet instant, je vous assure qu’ils prendront un malin plaisir à vous faire votre fête. En résumé, c’est le fondement même de la tragédie, l’idée que le héros, malgré tout ce qu’il peut tenter contre lui, ne peut échapper à son destin. Sauf que je ne suis pas vraiment un tragédien. Et en fait, je ne suis même pas un héros. Dans cette histoire, mon utilité est minime. Je me retrouve simplement entre un couple étrange, en beau milieu d’une guerre passionnelle et je contemple, impuissant, la tristesse d’un amour déçu. Je tiens la chandelle, c’est ça.
Mais ce matin-là, moi comme les héros, ignorons ce que nous réserve l’avenir. C’est une belle journée – enfin, c’est une belle journée pour les Anglais – et il y a même quelques rayons de soleil qui traversent les nuages. Je me lève, encore plus fatigué qu'à la veille. C’est l’âge, disent-ils. Je choisis des vêtements banals, après tout, aujourd’hui, il ne va rien se passer de spécial. Je déjeune dans la salle à manger, comme d’habitude, en discutant avec Ginny du beau temps. Je l’embrasse sur la joue et lui dis « à ce soir », l’air de rien. Puis, je me poste dans la cheminée, une poignée de poudre dans la main.
— Ministère de la Magie, Atrium !
Je suis à mille lieux d’imaginer que je n’en sortirai plus jamais.
Cette histoire me trotte dans la tête depuis plus d’un an mais il a fallu que je perdre tous mes textes pour me décider à l’écrire. C’est une fiction courte (donc en mois de dix chapitres), centrée principalement sur Harry (ce qui est proprement incroyable, dans mon cas) mais aussi sur plusieurs autres personnages, dont quelques OCs.
PS : J’ai mis un rating -12 parce que le langage est parfois assez cru et les scènes peuvent-être jugées violentes.
Je vous livre le premier chapitre qui est assez court.
C'est plutôt bizarre, hein ? Qu'est-ce que vous en avez pensé ?