Le bruit des basses bourdonnait dans mes oreilles, intensifiant mon mal de tête. Je me trouvais dans un bar ultra branché de Londres. Cela faisait des semaines que Lizzie me tannait pour m’y traîner. Moi ça ne m’emballait pas plus que ça à vrai dire. Se faire piétiner les pieds et être serrés comme des sardines toute une soirée ne me tentait guère. J’avais fini par céder ce samedi soir. Elle y tenait tellement, je pouvais bien l’accompagner pour lui faire plaisir.
Lizzie m’avait beaucoup aidée depuis mon arrivée dans la capitale anglaise. J’effectuais le premier semestre de mon année universitaire ici chez les anglais. Un grand merci au programme Erasmus qui facilitait cela ! Le jour de mon arrivée j’avais rejoint avec peine la cité universitaire. Moi la pauvre petite française, un peu perdue il fallait bien l’avouer, qui déboulait avec son énorme valise. Un véritable escargot ! C’était la fin du mois d’août, il faisait encore beau et relativement chaud. Lizzie m’avait repérée de loin et s’était précipitée pour m’aider. Nous avions bien galéré pour grimper cette satanée valise jusqu’à ma chambre. Puis elle avait insisté pour me faire visiter la ville et finalement nous ne nous étions plus quittées.
Ce soir elle me racontait ses derniers déboires sentimentaux. Leonardo ? Leandro ? Je ne me souvenais même plus de son prénom. C’était un élève du programme Erasmus, il venait d’Italie, je suivais le même cours d’économie que lui. Bref ce fameux garçon ne l’avait pas rappelée depuis deux jours et elle ne savait pas si elle devait insister ou lâcher l’affaire. Elle me faisait rire parce qu’elle faisait les questions et les réponses. Moi je me contentais d’émettre un petit son de temps à autre tout en sirotant ma bière.
En réalité elle s’appelait Elizabeth, mais elle détestait ce prénom. Elle trouvait que c’était trop la honte de porter le même prénom que la Reine. Je ne comprenais pas trop pourquoi elle restait bloquée sur ce détail. Si je devais porter le même prénom que le Prési… Oui bon ok finalement il n’y avait pas trop de risque de ce côté-là. De toute façon j’aimais bien le prénom Lizzie, j’adorais « Orgueil et Préjugés » que j’avais eu l’occasion de lire un certain nombre de fois. Oui, quand on aime on ne compte pas ! Néanmoins le XVIII siècle était bel et bien fini, nous étions le 30 novembre 1995 et Darcy avait dû être retardé dans le métro car il n’avait toujours pas retrouvé sa Lizzie chérie.
Lizzie continuait son monologue, j’avais fini par perdre le fil de la conversation et je ne comprenais plus vraiment ce qu’elle me racontait. Je hochais tout de même la tête de temps en temps.
-Tu es d’accord alors ?
-Hein, heu, pardon tu disais ?
-Pour relire ce que j’ai préparé pour mon exposé de français ?
-Ah oui oui pas de problème.
Elle me dévisagea avec un regard suspect. Elle reprit une gorgée de ce cocktail qu’elle s’était commandée. Ce bleu et ce jaune fluo me paraissaient un peu étranges ! ça m’avait l’air bien chimique son truc !
-Tu es sûre que ça va ? Tu as l’air bizarre ce soir !
-Oui, je vais bien ! Mais tu sais je crois que je ne vais vraiment pas tarder à rentrer, j’suis fatiguée.
-Oh déjà ? Tu es sûre ?
-J’ai passé la nuit dernière à travailler sur un dossier que je dois rendre en fin de semaine prochaine et je crois que je suis en manque de sommeil.
Oui et surtout, je ne savais pas pourquoi j’avais eu l’idée de commander une bière, alors que je n’avais quasiment rien mangé de la journée. Erreur fatale, ça me tambourinait dans la tête, j’avais l’impression d’avoir un marteau-piqueur là-dedans. Agréable sensation ! Je remis mon manteau, mon bonnet, mes gants, mon écharpe, attrapai mon sac à main, saluai Lizzie chaleureusement et sortis du pub. L’air frais de cette dernière nuit du mois de novembre me fit du bien, je ne m’étais pas rendue compte à quel point il faisait chaud à l’intérieur du bar. Il n’était pas si tard, je décidai donc de marcher un peu, ça me ferait du bien.
A un carrefour, j’aperçus un type drôlement accoutré. Il semblait se diriger vers moi. Non ce n’était vraiment pas le moment, j’en avais marre d’attirer tous les barges. Je devais avoir un don pour ça. Je regardai à droite, puis à gauche, mais il n’y avait personne, le carrefour était désert. Le type avait le look « père-noël » avec sa longue barbe blanche. Il n’avait pas d’habit, il portait une espèce de longue cape violette. Irréalisme total ! Manquerait plus que ce soit un exhibitionniste, ce serait bien ma veine. Mon cœur manqua un battement lorsqu’il s’arrêta près de moi.
-Bonsoir je m’appelle Albus Dumbledore !
Je restai sans voix devant sa main tendue. Albus Dumbledore ? Je n’avais jamais entendu ce nom-là. Ça me faisait une belle jambe de savoir comment il s’appelait. De nouveau je scrutai les environs, toujours personne. Il restait là, planté devant moi, le sourire aux lèvres. C’était peut-être une caméra cachée ou un truc dans le genre. Des personnes au look improbable en abordaient d’autres dans la rue et on filmait la réaction de ces dernières. Et après, tout le monde se marrait en visionnant tout ça. Oui bon peut-être, mais moi je n’avais pas envie d’être le dindon de la farce. Ou alors c’était juste un vieil allumé en manque de relations sociales.
Voyant que je ne réagissais toujours pas devant sa main tendue il ajouta :
-Vous vous demandez sûrement pourquoi je vous arrête ainsi dans la rue ?
Non sans blague, j’étais censée réagir autrement ? Le saluer comme un vieux pote alors que je ne le connaissais même pas.
-Heu … oui … Excusez-moi, mais je crois que je n’ai jamais entendu parler de vous.
-Oui ça ne m’étonne pas. J’ai lu votre Curriculum Vitae !
-Heu..je…
Oui en effet j’avais envoyé mon CV dans différents restaurants histoire de trouver un petit boulot durant les vacances de Noël, mais il n’avait pas le look « patron de restaurant » et le coup du recrutement nocturne en pleine rue je n’en avais encore jamais entendu parler. Je savais pertinemment que les anglais étaient avant-gardistes sur certains points enfin là tout de même ça semblait un peu « too much » !
Il commença à m’expliquer qu’il était le directeur d’une école « un peu particulière». J’avais tiqué sur le « un peu particulière». Qu’est-ce que ça pouvait signifier au juste ? Il m’expliqua que mon profil l’intriguait et que si j’étais d’accord, je pourrais venir passer quelques jours dans son école car visiblement le domaine de la différence et de l’intégration me touchaient. Il trouvait ça intéressant que je puisse discuter et échanger avec les élèves de son école.
-Les professeurs sont d’accord pour que je vienne ? m’inquiétai-je.
-Certains oui, répondit-il. Mais rassurez-vous la seule qui est contre ce genre de méthode n’est pas présente à l’école ces jours-ci, alors c’est le moment d’en profiter.
-Qu’est-ce que vous entendez par « ce genre de méthode » ?
-Disons que nous faisons tout notre possible pour que notre monde reste secret aux yeux des personnes comme vous. On me pense fou de vouloir faire ce genre de choses, mais ça m’est complètement égal. C'est une opportunité rare qui vous est offerte !
-Et vous n’avez pas peur je dévoile tout ?
-Vous ne le pourrez pas, enfin vous comprendrez tout cela plus tard.
-Je ne peux pas venir, j’ai des cours !
-Ce ne sera pas un problème, je ne peux pas vous en dire plus, mais il n’y aura pas de souci concernant votre scolarité.
-Et les habits, je dois me procurer une cape comme vous ?
-Non, ne vous inquiétez pas, ajouta-t-il en rigolant. Venez comme vous êtes et on s’arrangera sur place !
Je ne sais pas si c’était le manque de sommeil, l’heure avancée, la bière qui commençait à faire son effet ou tout simplement la curiosité mais j’avais fini par accepter sa proposition. Il me remit une enveloppe, me serra la main, et disparu sous mes yeux. On aurait dit qu’il s’était éclipsé. Une hallucination très certainement !
Bien au chaud sous ma couette dans ma chambre universitaire, j’essayai de me remémorer les événements de la soirée. Avais-je réellement rencontré cet Albus Dumbledore ? Etait-ce mon imagination qui me jouait des tours ? A ce point-là ce serait effrayant tout de même ! Il y avait cette enveloppe posée sur ma table de chevet. Une nouvelle fois je la palpai, l’examinai sous toutes les coutures. Je dus me faire une raison : elle était bien réelle cette enveloppe. Délicatement je la décachetai, je ne voulais pas l’abîmer, elle était vraiment magnifique, on aurait dit qu’elle arrivait directement du siècle passé.
-Ecole de sorcellerie et de magie de Poudlard, lus-je à haute voix.
Tout à coup le « un peu particulière » prit tout son sens. Voilà où j’en étais en cette nuit du samedi 30 novembre ! Je m’appelais Caroliloonette, j’avais 20 ans et je venais tout juste de m’embarquer dans une drôle d’aventure. A vrai dire je ne savais pas du tout ce que me réservaient les jours suivants. Je m’endormis avec ce sentiment mélangé de crainte et de curiosité.
Note d'auteur :
Réponse au concours "Me, Myself and Wizards" dont les modalités étaient les suivantes :
- Vous pourrez écrire un OS, une fic ou une ficlet de 1000 mots minimum et de 15 000 mots maximum.
- Vous avez la possibilité de vous immerger dans n'importe quelle époque, n'importe quel moment.
- Le texte doit obligatoirement suivre le canon.
- Nous vous demandons d'exploiter trois de vos qualités et de vos défauts dans ce texte.
- Trois des mots suivants doivent obligatoirement paraître dans votre texte : ukulele - hérisson - tentacules - psychologue - paléolithique - irréalisme
- Ratings autorisés : - 16ans maximum.
-Le nombre de mots maximum est de 15 000, mais nous vous demandons d'en avoir au minimum 10 000, si votre fic n'est pas terminée au 30 Novembre, pour qu'elle soit acceptée dans le concours !
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