Le vénérable Albus Dumbledore était accroupi au bord de l’eau, discutant avec une sirène. Il écoutait attentivement les informations que lui délivrait Murcus afin de pouvoir apporter ces éléments aux autres membres du jury.

Igor Karkaroff était renfrogné. Bien sûr, il était toujours renfrogné, mais, au moment présent, encore plus que d’habitude. Harry Potter, le champion illégitime, était arrivé sur le fil du rasoir pour le début de l’épreuve. Le directeur de Durmstrang, qui espérait qu’il renoncerait à venir, en avait été pour ses frais. En plus, il était arrivé bon dernier à cette épreuve, bien après la limite de temps imparti, leur faisant perdre à tous un temps précieux. Il resserra sèchement son écharpe fourrée autour de son cou. Et pour finir, son champion avait été nul ! Non seulement il n’était pas arrivé premier, mais en plus, il était arrivé après la limite de temps et il avait raté sa métamorphose ! Ils allaient devoir avoir une sérieuse discussion quant à son attitude. Champion de Quidditch ou pas, Viktor avait été choisi pour faire rayonner l’image de Durmstrang. Et pour l’instant, les rayons étaient bien voilés ! Il ne s’attarda pas sur le cas de Diggory, qui remportait cette épreuve sans la moindre hésitation, ni sur celui de la jeune fille de Beauxbâtons. Cette championne était, de toute façon, une aberration. Comment la Coupe de Feu avait-elle pu sélectionner une fille ? Comme si ces donzelles pouvaient avoir la moindre chance de remporter un tournoi qui demandait des capacités magiques, de l’audace, du pouvoir de déduction et une aptitude à réagir face au danger. Certes, certaines femmes avaient quelques capacités magiques. Sa collègue Madame Maxime était un exemple parfait, même s’il ne lui laisserait jamais entendre qu’il admirait ses capacités. Mais de l’audace ? Pour quelle activité, autre que la séduction des sorciers, ces péronnelles avaient-elles la moindre Mornille d’audace ? Quant au pouvoir de déduction et à l’aptitude à réagir face au danger, il n’était même pas nécessaire de s’appesantir là-dessus. Des foutaises, tout simplement.

Ludo Verpey était inquiet. Il avait réussi à esquiver les jumeaux Weasley jusqu’ici mais il n’était pas sûr de réussir à les éviter à chaque fois. Et la présence de leur frère aîné ne semblait pas les contraindre à rester à leurs places d’élèves. Heureusement, les gobelins s’étaient un peu calmés de leur côté depuis qu’ils avaient proposé ce pari sur le vainqueur du tournoi des Trois Sorciers. Mais il se demandait s’il n’aurait pas du parier sur un autre que Harry. Il devait bien avouer que la performance mitigée du poulain sur lequel il avait misé assombrissait considérablement sa journée. Il espérait que la longue discussion de Dumbledore avec Murcus signifiait que les êtres de l’eau avaient vu quelque chose de particulier sous l’eau, mais rien n’était moins sûr. Harry s’était merveilleusement débrouillé lors de la première tâche, c’était vrai, bien au-delà de toutes ses espérances, mais, cette fois, il fallait admettre que Diggory avait été bien plus compétent… Quant à Fleur, quel dommage, cette jeune fille semblait pourtant très prometteuse ! Réussir à endormir un dragon seule, ça avait été une extraordinaire démonstration de magie ! Mais, visiblement, les grosses créatures étaient plus à sa portée que les petites. Arrêtée par des Strangulots, quelle tristesse… Viktor s’en était bien tiré, et puis Ludo était un fan, en plus du fait qu’il était lui-même incapable de se métamorphoser, même partiellement, en animal. Il lui enlèverait quand même quelques points par pur patriotisme.

Olympe Maxime était un peu dépitée. Fleur avait été médiocre, il fallait bien le reconnaître. Oh, elle maîtrisait le sortilège de Têtenbulle, mais les Strangulots l’avaient irrémédiablement stoppé dans sa course. Elle n’allait pas la blâmer, son élève culpabilisait déjà bien assez comme ça, à son avis. Cependant, il faudrait qu’elle discute avec le professeur Dumbledore à tête reposée. Peut-être serait-il intéressant de compléter le cours d’Animaux Fantastiques de Beauxbâtons avec quelques chapitres sur les animaux marins. Et peut-être pourquoi pas enseigner quelques rudiments de langue des sirènes à ses élèves. Après tout, Beauxbâtons ne disposait pas de lac ou d’étang, mais la mer n’était pas si loin et cela pourrait être utile à ses élèves. Oui, définitivement, il fallait qu’elle en discute avec Dumbledore. Jetant un œil aux champions qui se séchaient, la demi-géante observa une seconde Krum toucher avec douceur les cheveux de la jeune fille ébouriffée qu’il avait sortie du lac – elle était impressionnée par la capacité de la tignasse de la jeune fille à avoir un aspect hirsute même mouillée – puis eut un sourire sincère pour le plus jeune des quatre concurrents. Elle était bonne joueuse et elle savait déjà qu’elle accorderait une très bonne note au jeune Potter. Ce jeune homme avait ramené sa future élève en plus de son ami aux cheveux couleur de feu. Elle ignorait pourquoi il l’avait fait, mais il avait gagné toute sa sympathie lors de cet acte. Entre lui et Diggory, Poudlard allait engranger de nombreux points de sa part lors de cette épreuve. Elle était plus circonspecte quant à Viktor Krum. Le champion de Quidditch semblait plus taillé pour voler dans les airs que pour les épreuves du Tournoi des Trois Sorciers. Déjà lors de la première épreuve, son indifférence quant à la destruction des véritables œufs de la dragonne qu’il avait affrontée l’avait mis hors d’elle.

Percy Weasley était soulagé. Non pas qu’il n’avait pas confiance en Harry pour ramener son frère, mais, tout de même, il était arrivé bien après les autres. N’importe qui se serait inquiété. Il s’interrogeait également. Harry avait ramené la jeune sœur de Fleur Delacour alors qu’il ne le devait pas. Comment aurait réagi Monsieur Croupton dans une telle situation ? Aurait-il jugé sévèrement Harry pour ce non-respect du règlement ? Ou l’aurait-il félicité pour sa ténacité ? Il ne savait pas. Oh, pourquoi n’était-il pas là pour lui donner l’exemple à suivre ? Il fronça le nez, vaguement agacé. Il n’avait jamais aimé rester si près du Lac Noir, même quand il était élève. Il faut dire que sa première expérience avait été quelque peu désagréable. Le calmar géant avait retourné le canot qu’il occupait pendant sa traversée, à son entrée à l’école, en première année. Percy savait nager, évidemment, mais il n’avait pu éviter de boire la tasse. Et cette eau noirâtre avait un horrible goût d’eau croupie, salée, mais surtout sale. Après cette aventure, il avait tout fait pour éviter de s’approcher du Lac, allant jusqu’à négliger son rôle de Préfet pour ne pas avoir à le côtoyer. Heureusement, ses parents n’en avaient jamais rien su ! Quelle déception ça aurait été pour eux… Mais ils l’ignoraient et, apparemment, Dumbledore ne s’en était pas douté non plus, puisqu’il l’avait nommé Préfet-en-Chef ! Et plus jamais personne ne s’était douté qu’il n’aimait pas ce lac, et personne n’aurait jamais du normalement s’en douter, car il était fort peu probable qu’il ait besoin d’y revenir en prenant un poste au Département de la la coopération magique internationale. Seulement Monsieur Croupton était tombé malade et Percy était en odeur de sainteté, aussi il avait été promu et devait le représenter aux événements internationaux comme le tournoi des Trois Sorciers. Oh, cette tâche n’était pas désagréable la plupart du temps, elle était même plutôt agréable. Et quelle fierté d’être regardé avec respect et non avec pitié comme quand il arborait des robes élimées portées par ses frères aînés… Cependant, il avait espéré jusqu’à la dernière minute que Monsieur Croupton retrouve la santé pour la seconde tâche. Son aversion pour le Lac Noir avait surpassé son ambition pour une fois. Mais l’ambition avait tout de même gagné et Percy en était ennuyé pour la première fois de sa jeune vie. Allez, il n’avait plus que quelques minutes à tenir et ce moment appartiendrait au passé. Et maintenant qu’il était l’assistant personnel de Monsieur Croupton, il pourrait prendre part aux décisions relatives aux épreuves du tournoi des Trois Sorciers et orienter les tâches pour qu’elles ne se passent pas à proximité de ce maudit lac !

Albus Dumbledore finit par s’éloigner du rivage après un bref salut à Murcus, du moins pouvait-on le supposer, étant donné qu’ils étaient les seuls à comprendre le langage qu’ils avaient utilisé. Revenu sur la terre ferme, il appela le reste du jury qui le rejoignit immédiatement, curieux de savoir ce qu’il s’était passé au fond du Lac Noir et surtout pressé de donner les notes pour pouvoir rentrer au château et quitter ces tribunes pleines de courants d’air ! Le récit du directeur de Poudlard les laissa pantois.

- Merci professeur Dumbledore. Maintenant que nous savons tous comment s’est déroulée l’épreuve pour chaque champion, il faut attribuer les notes, déclara Percy en reprenant la direction de la conversation. On commence par Mademoiselle Delacour ?
- Elle a raté l’épreuve, elle mérite un zéro, répondit aussitôt Karkaroff.
- Elle a tout de même parfaitement réussi son sortilège de Têtenbulle, tempéra Dumbledore. Pour ça, je pense que nous pouvons lui donner la moyenne.
- Si Karkaroff lui meut un zeuro, je lui meuts un dix et ça fera la moyeunne. Monsieur Veurpeu ?
- La moyenne me semble une très bonne chose.
- De même pour moi, compléta Percy. Nous avons donc un zéro, un dix et trois cinq, ce qui fait un total de vingt-cinq points pour Mademoiselle Delacour. Le suivant à revenir, Monsieur Diggory.
- Sa preustation éteu preusqueu parfeute, et la meulleureu. Neuf.
- C’est vrai, corrobora Karkaroff dépité. Il est tout de même revenu une minute après le temps imparti, nuança-t-il. Je lui mets un neuf aussi.
- Je suis parfaitement d’accord avec vous, intervint Percy, je lui mets un neuf aussi.

Ludo Verpey hésita une seconde de trop et se fit couper l’herbe sous le pied par Dumbledore.

- Je pense que retirer plus de trois points sur cinquante à Monsieur Diggory pour une minute est exagéré, aussi je lui mets un dix.
- Je vous suis, Dumbledore. Dix pour moi aussi.
- Bien, cela nous fait donc deux dix et trois neuf, soit quarante-sept points. Ensuite, Monsieur Krum, continua Percy en inclinant la tête vers le directeur de Durmstrang.
- Un seupt pour moi, et c’eu uneu bonneu note.
- C’est vrai qu’il a raté sa métamorphose, compléta Ludo Verpey. Je lui mets aussi un sept.
- Je lui mets un dix.
- Igor, vous ne pouvez pas lui donner une meilleure note qu’à Monsieur Diggory alors qu’il est arrivé après et qu’il a été moins bon dans sa tactique. Un huit serait plus juste. Et ce sera ma note, précisa le professeur Dumbledore à Percy qui s’empressa de le noter.
- Un neuf alors. Pas moins.
- Et un huit pour moi. Ça nous fait deux sept, deux huit et un neuf. Soit trente-neuf… oh, je lui mets un neuf alors, s’interrompit Percy. Puis, relevant la tête de son parchemin, il se justifia. Sa performance reste tout à fait honorable et je trouve qu’il ne devrait pas avoir moins de quarante. Si je mets un neuf, ça fait quarante.
- C’est parfait, Monsieur Weasley, approuva le professeur Dumbledore.

Percy soupira de soulagement avant de reprendre.

- Il nous reste Monsieur Potter.
- Jeu lui meuts un huit. Il seureut arriveu preumieu si il n’aveu pas attendu leu autreu.
- C’était crétin, je lui mets un cinq. Pour la tactique.

Dumbledore leva les sourcils tandis que Madame Maxime tourna violemment la tête vers Igor Karkaroff, l’air outragée.

- Un cinq ?! Karkaroff, ceu garçon a rameuneu deux fois plus d’euleuves queu deumandeu !
- Il n’a pas suivi les consignes ! s’exclama le directeur de Durmstrang furieux.
- Calmons-nous, tempéra Dumbledore. Nous y reviendrons après. Monsieur Weasley, je mets un neuf à Monsieur Potter.
- Un dix pour moi, enchaîna rapidement Verpey.
- Ce sera un dix pour moi aussi, fit Percy. Il a ramené mon frère, justifia-t-il anxieusement.

Verpey soupira de soulagement tandis que Percy calculait.

- Ça nous fait quarante-deux points pour Harry.
- Vous voyeu, Karkaroff ? s’emporta Madame Maxime. Quaranteu-deux points ?! Ceu peutit garçon eu reumonteu aveuc son treusor, vous deuveu lui meuttre plus queu la moyeunne !
Karkaroff grogna, mais l’aura menaçante qui se dégageait de sa collègue française le fit plier.
- Très bien, je lui mets un sept, bougonna-t-il.
- Eu moi un neuf, puisqueu c’eu ça ! ajouta Madame Maxime. Qaranteu-deux points, on n’a pas ideu !
- Très bien, ça nous fait donc quarante-cinq points pour Harry, ça va à tout le monde ? demanda Percy, la sueur dégoulinant de son front. Il ne savait pas trop quel directeur il craignait le plus, entre la très grande Madame Maxime et le très sombre Karkaroff.
- Ce sera très bien, Percy, conclut le professeur Dumbledore. Ludo, voulez-vous annoncer les résultats au public ?
- J’en serais ravi, Dumbledore, ravi.

Ils revinrent vers la foule qui patientait et Ludo pointa sa baguette vers sa gorge afin d’amplifier sa voix.

- Mesdames et messieurs, nous venons de prendre une décision.