Sirius Black se transforma à nouveau en Patmol, la situation devenait insupportable. Au moins, il aurait quelques heures de répit sous sa forme Animagus. Il ne savait plus combien de jours, de mois, d’années étaient passés ; depuis combien de temps il était enfermé à la prison d’Azkaban pour un crime qu’il n’avait pas commis.
Avec un sourire, Bill Weasley replia la lettre que lui avait apportée Errol. Sa famille arriverait la semaine suivante pour un mois. Depuis quatre ans qu’il était en mission pour Gringotts, à Gizeh, il n’avait pu rentrer les voir qu’une seule fois, juste avant l’entrée de Ron à Poudlard. D’après l’inattendu courrier de sa mère, même Charlie avait réussi à prendre quelques semaines de congés pour se joindre au reste de la famille, tout le monde serait là !
Arthur Weasley recompta une dernière fois les têtes rousses qui s’alignaient dans la cuisine. Molly, Charlie, Percy, Fred, George, Ron et Ginny. Sept, huit avec lui, le compte était bon. Chacun tenait à la main une valise encombrante. Le patriarche pointa du doigt la louche qui avait été précieusement conservée dans une de ses paires de chaussettes depuis quelques jours. Le ministère de la Magie lui avait remise en échange d’une partie de la cagnotte de la loterie du Gallion.
- Le Portoloin ne va pas tarder à se déclencher, saisissez-le.
Huit mains s’alignèrent sur le manche étonnamment long de l’ustensile de cuisine. Ils restèrent ainsi une minute entière, se regardant en silence. Puis ils disparurent.
مرحبا، أرحب بكم في مصر. كنت قد وصلت في الجيزة، ونحن 22 يوليو 1993، فإنه هو الساعة 9:00 في الصباح ودرجة الحرارة في الخارج هو 28 درجة مئوية. انتم مدعوون للافراج عن منطقة الهبوط وتوجهك للخروج.*
Les Weasley ne parlaient pas arabe et n’avaient rien compris au discours du sorcier qui les avait accueillis, mais ils s’en moquaient. Ils avaient repéré une neuvième tête rousse qui attendait à quelques dizaines de mètres. Leur fils et frère aîné était là, la famille était réunie pour la première fois depuis deux ans.
Bill vivait dans une agréable maison en terre, traditionnelle dans cette zone du monde, qui lui avait été fournie par Gringotts dans le cadre de sa mission de conjureur de sort. Ce n’était pas très grand, mais il disposait d’un jardin immense, pour lui qui aimait vivre au grand air, c’était parfait. En ouvrant la porte, il vérifia la propreté du lieu d’un coup d’œil avant d’inviter ses parents, ses frères et sa sœur à entrer. Ici, sa mère ne risquait pas de trouver des chaussettes qui traînaient, au vu des températures, celles qu’il avait amenées avec lui quatre ans plus tôt étaient soigneusement rangées au fond de l’armoire depuis plusieurs mois. Mais Molly ne s’intéressait guère aux chaussettes de son fils. Elle était bien plus outragée par sa coupe de cheveux et par la dent de serpent qu’il portait à l’oreille. Heureusement pour lui, Bill détourna habilement la conversation, s’enquérant des dernières nouvelles d’Angleterre.
Bill attribua ensuite sa propre chambre à ses parents et indiqua à ses frères que des tentes les attendaient dans le jardin tandis que Ginny disposerait de la seconde chambre.
Ron et les jumeaux avaient pris leurs marques rapidement et, après avoir déposé leurs valises, ils avaient déployé un plan touristique de Gizeh – dont ils devaient régulièrement écarter Croûtard, l’animal ayant apparemment décidé que c’était le lieu idéal pour somnoler – et s’enthousiasmaient déjà à l’idée d’entrer dans les pyramides ou de voir un véritable sphinx.
Sirius passa une main lasse sur son visage et la contempla, impressionné par son aspect osseux. Il n’était guère plus reluisant qu’un cadavre, il fallait bien le dire. Il fut dérangé dans son apathie par des bruits de voix provenant du couloir. Pour une fois, ce n’était pas les hurlements d’un prisonnier. Probablement une inspection ministérielle, comme cela arrivait régulièrement, du moins le pensait-il, il était bien incapable de dire combien de temps s’écoulait entre deux inspections. Les voix s’arrêtèrent à la porte de sa cellule et un nouveau bruit, de clés cette fois, se fit entendre. Apparemment, il avait de la visite aujourd’hui. Il se redressa un peu pour se tenir droit, dans un réflexe acquis par des années d’éducation stricte mais à présent si désuet, et observa son visiteur entrer en silence.
- Bonjour, salua l’homme.
- Fudge, grinça Sirius en retour.
- Vous vous souvenez de moi ?
- Vous étiez là le 1er novembre 1981.
- Très juste, très juste, répondit Cornelius Fudge, étonné par le stoïcisme du prisonnier. N’aurait-il pas dû être plus… affecté, après douze années dans cette forteresse ? Puis il reprit, je suis le ministre de la Magie.
Sirius resta impassible face à la nouvelle. Peu lui importait les promotions qu’avait pu recevoir Fudge depuis son emprisonnement, en fait.
- Comment se passe votre détention ? demanda maladroitement Fudge, tentant de relancer la conversation.
- Je me sens prisonnier, rebondit Sirius avec un rictus moqueur.
- Oui, c’est ce qui arrive quand…
Fudge dut réprimer un haut-le-cœur et ne put finir sa phrase. L’homme en face de lui avait jeté son meilleur ami entre les griffes de Vous-Savez-Qui et tué un autre de ses amis ainsi que douze Moldus sans le moindre état d’âme. Comment pouvait-il être aussi calme ? Comment pouvait-il ne pas être envahi de remords en étant au contact permanent des Détraqueurs ? Cornelius lui-même devait se battre vaillamment contre les pensées désespérées qui lui venaient à l’esprit depuis son arrivée.
- Vous avez terminé de lire la Gazette ? demanda Sirius.
- Je… Oui.
Fudge se morigéna intérieurement. Aussi surprenante que pouvait être l’attitude des prisonniers, il ne devait pas bafouiller devant eux, il était le ministre de la Magie, que diable !
- Pourriez-vous me la donner ? Je voudrais faire les mots croisés, ça fait longtemps que je n’en ai pas faits.
Fudge écarquilla les yeux et lui tendit le journal sans un mot. Sirius le remercia en jetant un œil à la Une.
- L’anniversaire de Harry est dans une semaine, commenta-t-il en voyant la date de l’édition. C’est le journal d’aujourd’hui ? vérifia-t-il.
- Oui, hésita Cornelius. Alors c’était comme ça ? Douze ans plus tard, il n’avait toujours pas abandonné l’idée d’éliminer le jeune Potter.
Fudge resta pensif quelques instants puis il toussota.
- Je vais vous laisser.
- Très bien. Bonne journée.
- Merci.
Fudge sortit de la cellule, profondément perturbé par la normalité du criminel.
Percy se faufila juste à temps dans l’interstice qui s’amenuisait tandis que la porte de pierre se fermait. Il pesta tout seul contre les jumeaux qui avaient trouvé fort amusant de tenter de l’enfermer dans une des salles de la pyramide.
Ron était avec Charlie et Bill, les deux plus jeunes écoutaient attentivement les explications de leur aîné à propos du sphinx.
- Mais les Moldus ne voient pas qu’il est vivant ? demanda Ron interloqué.
- Non. Il y a plein d’enchantements pour que ça n’arrive pas.
- Ce serait embêtant qu’un enfant né-Moldu vienne visiter Gizeh du coup, fit remarquer Charlie.
- Pas vraiment, répondit Bill. Le sphinx est très intelligent, il saurait trouver soit l’attitude à avoir pour que le gamin pense avoir rêvé, soit les mots pour qu’il se taise. Et puis, qui le croirait ?
Les trois garçons furent rejoints par leurs parents qui s’extasiaient sur les merveilleux paysages égyptiens. Ils échangèrent un sourire en entendant leur père vanter les prouesses technologiques des Moldus qui avaient construit les pyramides.
- Papa, ce ne sont pas des Moldus. Les pharaons étaient des sorciers, ainsi que leur peuple, précisa Bill.
- Oh, fit Arthur avec un petit air déçu. C’est de la belle magie, conclut-il en retrouvant le sourire.
Sirius se figea devant l’article en page sept. C’était impossible. Pourtant, c’était là, sous ses yeux. La famille Weasley, dont il n’avait plus entendu parler depuis la naissance de leur benjamine, était réunie sur la photographie. Ils avaient apparemment gagné un jeu. Mais ce n’était pas le plus important. Le plus important, c’était ce rat posé sur l’épaule du plus jeune garçon. Ronald, si sa mémoire était bonne. Mais ce rat ! Il aurait pu le reconnaître entre mille, tant il l’avait vu se transformer !
- Mon pauvre Peter, tu es tombé bien bas… Passer plus de onze ans dans la peau d’un rat pour sauver ta peau, c’est typique de toi, ricana Sirius en s’adressant à la photographie. Mais j’aurais dû m’en douter après ce que tu as fait à James et Lily.
Sirius relut l’article plus lentement.
- … sera de retour pour la rentrée des classes au collège Poudlard où cinq des enfants Weasley poursuivent leurs études. Alors tu seras à Poudlard avec ce garçon, réfléchit-il à haute voix.
Il s’adossa contre le mur de pierres mal équarries sans se préoccuper des blessures supplémentaires qu’elles lui infligeaient.
- Ronald… Ce gamin est né la même année que Harry et vu son patrimoine génétique, il est sûrement à Gryffondor. Sale petit rat ! Tu dors dans la même pièce que mon filleul ! s’exclama-t-il en se redressant brusquement.
Sirius ne pouvait rester sans agir. Il voyait le monde avec un œil neuf en ce jour. Il devait protéger Harry, il s’y était engagé le 31 juillet 1980 en endossant le rôle de parrain. Il était temps qu’il assume cette responsabilité. Il allait réussir ce que personne avant lui n’avait même envisagé d’essayer. Il allait s’évader d’Azkaban.