Albus Dumbledore entra dans son bureau d’un pas assuré. Ses traits étaient cependant un peu affaissés. Les nouvelles n’étaient pas très bonnes. Il verrouilla la porte et vint s’asseoir à son bureau, caressant son phénix d’une main légère au passage.

- Oh, mon cher Fumseck, tout ne va pas comme je le souhaiterais, vois-tu. Hagrid est rentré de Londres cet après-midi. Il a mené ses missions à bien, mais… Oh, si j’avais pu m’en douter… Je n’imaginais pas qu’elle soit devenue si fermée au monde magique.
Au moins, la pierre philosophale est en sécurité à Poudlard à présent. Les professeurs ont tous fournis une protection. Tom peut bien revenir s’il le souhaite, je ne pense pas qu’il sera en mesure de l’atteindre. Moi-même, qui suis pourtant un grand sorcier, j’ai eu du mal à passer la protection de Severus. Je ne vois pas qui pourrait la passer dans ces conditions, je dispose tout de même d'une intelligence supérieure à la moyenne. Il faut que je trouve une idée ingénieuse pour l’ultime protection, mais avec celles déjà en place, j’ai un peu de temps devant moi, tu ne crois pas ?

Il soupira, repensant à l’autre sujet qui préoccupait son esprit.

- Fumseck, aurions-nous pu nous douter de la maltraitance qu’il subirait dans sa famille ? Harry, le jeune Harry Potter, entre à Poudlard en septembre, Fumseck. Oh, je t’en ai déjà parlé, je sais, mais je suis vieux, vois-tu, je me répète. Hagrid est allé lui porter sa lettre cette semaine, j’ignore encore pour quelle raison exacte, mais toutes celles que nous avions tenté de lui faire parvenir – et, je te prie de me croire, il y en avait un certain nombre – n’étaient pas arrivées jusqu’à lui.
Hagrid dit que le garçon ressemble beaucoup à son père, mais qu’il a les yeux de sa mère. Mais il dit aussi qu’il est fort chétif pour un jeune garçon de onze ans. Peut-être est-ce sa nature, il faut également considérer cette option, mais il semblerait qu’il n’ait pas été bien traité chez son oncle et sa tante. Je dois avouer que j’y avais fugacement pensé en découvrant l’adresse de la première lettre – le placard sous l’escalier, a-t-on idée ? – mais comme elle a immédiatement changé, je ne me suis pas plus inquiété. Sans doute était-il dans ce placard au moment où la plume a inscrit la lettre, me suis-je dit. Quelle erreur…
Le mari de cette chère Pétunia semble complètement opposé à l’idée que son neveu vienne à Poudlard. Mais je ne leur ai pas laissé le choix. Hagrid est très convaincant quand il veut.

Il pouffa comme l’un de ses collégiens.

- Apparemment, il a dû faire usage de la magie. Fort heureusement, ses sortilèges ont beaucoup perdu en puissance et il n’a pu faire grand mal au jeune Dursley, mais c’était suffisant pour effrayer ses parents. Je déplore qu’il ait dû en arriver à ces extrémités, tu sais, mais d’après son récit, il n’avait guère d’autres options.
Enfin, tu sais comme moi que le plus important est que le jeune Harry ait pu lire sa lettre. Hagrid lui a remis son billet de train, il arrivera le premier septembre, Fumseck ! N’est-ce pas enthousiasmant ?
Il faudra tout de même que je veille sur lui. Oh, je sais ce que tu vas me dire, j’avais déjà prévu de veiller sur lui. Tu sais bien que je pense qu’il sera au centre des combats si Tom devait revenir, il faut qu’il soit préparé. Mais je pensais qu’il aurait eu une enfance heureuse, protégé du monde sorcier. Malheureusement, ça n’a pas été le cas du tout…

Son regard se perdit dans la contemplation du phénix attentif.

- Comme Ariana, le protéger du monde auquel il appartient a été complètement inutile, voire contre-productif…


Albus Dumbledore se mit à faire les cent pas dans son bureau. Il s’efforçait de penser le moins possible à Ariana. La culpabilité qui le rongeait alors était trop douloureuse. Et encore une fois, il avait commis la même erreur en voulant protéger un enfant. Son visage se ferma. Pétri de certitudes et gonflé de sa propre importance, il commettait systématiquement les mêmes erreurs. Il était faible. Faible.