Alicia Spinnet était mal réveillée. Elle trempait sa tartine dans son chocolat chaud depuis deux bonnes minutes, les yeux dans le vague, quand un hibou excité se posa devant elle. Elle secoua la tête brutalement, revenant au moment présent, et eut à peine le temps de décrocher le parchemin de la patte de l’oiseau avant que celui-ci ne s’envole. Elle ouvrit le courrier, intriguée, mais une clameur à la table des Serdaigle la renseigna sur son contenu avant qu’elle ne puisse le lire.
- On a eu l’autorisation du service des détournements !
C’était Roger Davies qui avait crié, attirant l’attention de toute la Grande Salle. Un sourire éclaira le visage des septième année. Cette année encore, le service des détournements de l’artisanat moldu autorisait exceptionnellement les septième année à modifier magiquement des voitures dans le cadre de l’Adultion.
Alicia était à présent bien réveillée et elle lut le courrier qu’elle tenait toujours à la main, qui lui confirma l’exclamation de Davies. Elle rêvait d’aller à l’Adultion depuis qu’Angelina lui en avait parlé et ce courrier rendait enfin cet espoir réel. Il y avait encore de longs mois à attendre mais c’était acquis, la fête aurait lieu à l’été et elle en serait !
La salle commune de Serpentard était plutôt calme en ce soir d’octobre. Les septième année étaient dans un coin, visiblement protégés de la curiosité des autres élèves par un sortilège car aucun bruit ne filtrait de leur conversation pourtant animée. Terence Higgs menait les débats.
- Patricia, de Poufsouffle, m’a dit qu’elle prenait en charge la collecte des fées. Elle aura sûrement besoin d’aide quelques jours avant pour les amener à Pré-au-Lard, mais sinon, elle s’en sortira toute seule.
- Super, s’enthousiasma Charles Warrington. Comment on va faire pour les feux d’artifice ? On en vole chez les Moldus ?
- Je crois que ce ne sera pas nécessaire, intervint Adrian Pucey. J’ai entendu Lee Jordan et les frères Weasley discuter d’un projet de « Feuxfous Fuseboum ». Vu ce qu’ils en disaient, ça avait tout l’air d’être des feux d’artifice, donc je pense que c’est eux qui vont s’en occuper.
- Des Feuxfous Fuseboum ? répéta Terence surpris. Je demanderai confirmation à Angelina.
- Hum… Fais-le discrètement, j’ai l’impression que les jumeaux ne veulent pas ébruiter leur projet pour l’instant. Ce serait dommage de créer des tensions pour l’Adultion.
- C’est noté. Autre chose ? demanda Terence.
- Avec Miles, on a trouvé un filon pour les voitures. Il a un oncle éloigné qui travaille dans une tasse automobile.
- Une casse, Montague, corrigea Miles Bletchey.
- Ouais, c’est pareil. Donc il peut nous sortir des vieilles voitures sans problème. Il faut juste qu’on lui dise combien il en faut.
Terence sortit un parchemin de sa robe et compta les noms qui y étaient inscrits.
- Nous sommes quarante-deux septième année. Combien on met de personnes dans une voiture ?
- Quatre ou cinq, maximum, répondit Miles.
- Alors il faudra une dizaine de voitures. Ça ira pour ton oncle ?
- Oui, sans problème, assura le jeune homme.
Septième année : répétition du ballet ce dimanche de 15h à 18h au terrain de Quidditch. Public interdit.
Le petit mot avait été placardé à côté des sabliers de pierres précieuses. Angelina avait convenu des dates de répétition avec Madame Bibine et le professeur Flitwick lui avait assuré qu’il protègerait les répétitions des regards curieux. Elle avait passé plusieurs semaines à préparer la chorégraphie de vol et à faire la liste des septième année qui participeraient, et maintenant que Noël était passé, il était temps de commencer les répétitions. Certaines figures allaient demander beaucoup de travail pour être réussies le jour de l’Adultion.
Fred et George étaient exceptionnellement retranchés dans leur dortoir. Ils s’interrogeaient sérieusement. Le départ de Dumbledore ne pouvait rester impuni, Ombrage devait payer. Ils avaient bien une idée, mais ils auraient voulu garder un peu de stock pour l’Adultion.
- George, sommes-nous bêtes ? s’exclama soudain Fred.
- Il ne me semble pas. Nous avons cependant peut-être fait preuve de précipitation dans notre raisonnement, répondit George très sérieusement. Que proposes-tu ?
- Le bonbon rose paye maintenant. Tous les élèves voient nos créations. On prend des commandes sur liste d’attente, payables d’avance. On a trois mois avant l’Adultion et suffisamment de Gallions pour racheter du matériel.
- On refait nos stocks pour l’Adultion ! se réjouirent-ils en cœur.
- Brillant, Freddy ! valida George.
Kenneth Towler quitta Pré-au-Lard pour aller se changer. Il avait passé la journée à préparer le village avec plusieurs septième année pour l’Adultion. Il était fourbu, mais tout était prêt. Il prit une douche rapide et enfila sa robe de cérémonie aux couleurs de Poudlard. Ajustant son chapeau de sorcier devant le miroir, il sourit. Outre le caractère symbolique de l’Adultion qui célébrait le passage à l’âge adulte des jeunes sorciers, il était particulièrement heureux de constater que les clivages entre Maisons avaient été inexistants durant l’organisation de la fête. Bien sûr, les petites mesquineries étaient restées monnaie courante dans les couloirs de l’école, mais lorsque le sujet de conversation était cette célébration, l’unité de Poudlard ressortait dans toute sa splendeur et les élèves oubliaient leur Maison d’appartenance. Dumbledore devait adorer cette fête, songea-t-il, amusé.
Chaque été, Rubeus Hagrid se réjouissait de la fête à venir. En tant que Gardien des Clés et des Lieux de Poudlard, il avait deux missions particulières pendant l’année, en plus de la surveillance du domaine. La première mission était l’accueil des première année à Pré-au-Lard, à l’arrivée du Poudlard Express. La seconde allait avoir lieu dans quelques heures lors de l’Adultion avec les septième année. Hagrid était particulièrement honoré d’être le premier et le dernier membre du personnel que les étudiants voyaient au cours de leurs études à Poudlard, d’autant plus qu’il n’avait jamais pu prendre part à l’Adultion en tant qu’élève. Il quitta le château et rejoignit le chemin qui menait aux grandes portes sous le regard réprobateur de Rusard.
- Ils vont encore tout saloper, j’vous l’dis ! Et qui c’est qui nettoie ? C’est pas eux, hein !
- Rusard, vous me chantez la même rengaine tous les ans, arrêtez donc de râler.
Il ouvrit grand les portes de Poudlard.
Une estrade avait été installée à l’entrée de Pré-au-Lard. Face à elle, trois rangées de chaises s’alignaient, occupées par les septième année. Tous portaient leurs robes de cérémonie aux couleurs de Poudlard et écoutaient religieusement le discours du directeur.
- Chers sorcières et sorciers, j’ai eu l’immense honneur de chapeauter votre éducation ces sept dernières années, bien qu’on ait tenté de m’en empêcher par deux fois. Je suis heureux de vous avoir vu grandir au sein de notre château. Comme toutes les générations de sorciers formés à Poudlard, vous finissez par nous quitter, mais j’ai l’espoir que l’école reste dans votre cœur et parmi vos meilleurs souvenirs.
Votre génération ne déroge pas à la tradition, nous sommes réunis ici ce soir pour marquer le début de l’Adultion, que vous avez préparée tout au long de l’année, malgré les A.S.P.I.C. qui vous ont pris tout votre temps. Cette célébration marque votre passage du statut d’élève au statut de sorcier accompli. Que vous poursuiviez ou non des études l’an prochain, vous êtes à présent la nouvelle génération de notre monde. Montrez-vous en dignes !
La fête promet d’être encore belle et j’aimerais que chacun en profite pour se rappeler que l’union des Maisons est votre plus grande force, au sein de Poudlard, mais aussi à l’extérieur, dans le monde qui vous attend ! N’oubliez jamais qu’à Poudlard, une aide sera toujours apportée à celui qui la demande…
Albus Dumbledore se tut quelques instants, laissant ses paroles pénétrer les esprits des jeunes gens qu’il verrait toujours comme ses élèves.
- Je vous prie maintenant d’accueillir Rubeus Hagrid, Gardien des Clés et des Lieux.
Le demi-géant monta sur l’estrade, un trousseau de clés de la taille d’une roue de voiture dans la main gauche.
- Ainsi que vos Préfets-en-Chef, Miss Alicia Spinnet et Monsieur Roger Davies.
Les deux élèves rejoignirent l’estrade à leur tour. Puis Hagrid prit la parole.
- Une fois de plus, j’ai l’honneur d’ouvrir la fête en vous remettant pour quarante-huit heures les clés de Poudlard ! Joyeuse Adultion à tous !
Alicia et Roger n’étaient pas trop de deux pour soulever l’immense trousseau et, une fois celui-ci porté aux nues, leurs efforts furent récompensés par une salve d’applaudissements et de sifflets des septième année. Derrière eux, Dumbledore et Hagrid quittèrent discrètement la scène temporaire, laissant la nouvelle génération du monde sorcier célébrer leur accomplissement.
Patricia était ravie. Les fées voletaient dans tout le village, ornant chaque ruelle et chaque enseigne, de Zonko à Honeydukes, en passant par les maisonnettes des habitants. Les rayons du soleil se démultipliant au contact de leurs ailes colorées donnaient à Pré-au-Lard un aspect magique. Elle rit de ses propres pensées. Pré-au-Lard n’avait pas besoin de fées pour avoir l’air magique…
Toute à son extase, elle ne remarqua qu’au dernier moment Miles qui venait la rejoindre.
- C’est vraiment très beau, félicita-t-il.
La fée la plus proche d’eux eut un sourire vaniteux en entendant la remarque et étendit encore plus ses ailes, espérant un nouveau compliment.
- Merci. Est-ce qu’il faut y aller ? demanda Patricia.
- Oui, les voitures sont prêtes, ils n’attendent plus que nous.
- En route, alors.
Le Serpentard et la Poufsouffle quittèrent la rue centrale de Pré-au-Lard et retrouvèrent leurs camarades à l’entrée du village. La dizaine de voitures décorées avec un goût parfois douteux vrombissaient en attendant les retardataires. Trois sorciers chantaient à tue-tête debout sur le capot d’une Ford Escort et Patricia bénit la magie qui les empêchait de passer à travers celui-ci. Fred et George Weasley, debout sur le toit d’une Mazda Carol, haranguaient la foule en distribuant des petits paquets dont elle préférait ignorer le contenu… Leur arrivée fut saluée par un concert de klaxons, les véhicules ayant été enchantés pour klaxonner dès qu’une nouvelle personne entrait dans un champ de vingt mètres autour d’eux.
Ils grimpèrent dans les véhicules qu’ils avaient décorés et le convoi se mit en route. Le tracé du défilé formait un huit : ils commençaient par remonter la rue centrale jusqu’à Gaichiffon, puis tournaient pour former une boucle, passant devant la Tête de Sanglier avant de rejoindre les Trois Balais. Ils prenaient à nouveau la rue centrale jusqu’à Scribenpenne cette fois et tournaient à nouveau, honorant le salon de thé de Madame Pieddodu de leurs braillements et se retrouvant à proximité de la cabane Hurlante. Ils revenaient sur la rue centrale et y défilaient une troisième fois pour prendre cette fois le chemin qui menait à la limite ouest du village, au-delà de Derviche et Bang.
Les spectateurs étaient nombreux au défilé de l’Adultion, des sorcières et sorciers des quatre coins du Royaume-Uni se pressaient sur les étroits trottoirs de Pré-au-Lard à cette occasion, acclamant la jeune génération à chaque passage. Mais plus nombreuse encore était la foule à la statue de l’Adultion. Installée bien des années plus tôt, la sculpture représentait à l’origine une bande de jeunes sorcières et sorciers fraîchement diplômés. Depuis son inauguration, tous les ans, chaque sorcier fêtant l’Adultion laissait une trace de son passage en complétant magiquement la sculpture. Qui, ajoutant des fleurs dans les mains des personnages sculptés, qui, leur attribuant un air moqueur, qui, implantant un bateau de première année sous leurs pieds, … Pendant deux bonnes heures, les jeunes diplômés enrichissaient la sculpture de leurs empreintes magiques, suscitant l’admiration de la foule réunie pour les applaudir.
La fête battait son plein dans le parc de Poudlard. Angelina avait enfin pu revêtir sa robe de soirée après une chorégraphie aérienne sur balais parfaitement exécutée qui avait transporté les élèves. Elle était très fière de ce qu’elle avait réussi à mettre en place avec ses camarades. Ce n’était pas gagné au départ, et elle savourait avec plaisir les félicitations des uns et des autres.
Une bonne moitié des fêtards dansaient au rythme des musiques endiablées préparées par Adrian et Lee. Parmi les autres, des petits groupes se formaient sur la pelouse, sans distinction de Maison, discutant de tout et de rien en grignotant, occultant soigneusement la guerre. Ce jour était leur jour, leur célébration, même Vous-Savez-Qui signait la trêve pour l’Adultion et il n’était pas question qu’il soit évoqué dans leurs conversations. Une quinzaine de lutins de Cornouailles lâchés dans le parc par Fred et Lee mit un peu d’animation, deux Poufsouffle et un Serdaigle ayant été soulevés de terre et relâchés dans le lac Noir. Tous riaient de bon cœur en sortant de l’eau, on ne passait pas sept années en cours avec Fred et George Weasley sans apprendre à vivre quelques expériences inattendues…
Le clou de la soirée fut le feu d’artifice orchestré par Fred et George. Ils avaient profité de leur départ de Poudlard pour intensifier leur fabrication de pétards afin de pouvoir produire un spectacle pyrotechnique à la hauteur. Il fut déclenché par un soleil rouge qui explosa en plein ciel à quatre heures du matin, faisant lever les yeux de tous les convives. Les explosions se multipliaient, produisant créatures fantastiques et scénettes de la vie poudlardienne. Des rires parcoururent l’assemblée quand un Rusard de pétard se mit à poursuivre deux rouquins, armé de son balai. Le bouquet final, constitué d’une multitude de Feuxfous Fuseboum projetés depuis divers points du parc, dessina un immense dragon or dans le ciel, si dense qu’il en paraissait réel, surmonté des armoiries de l’école, tandis que des cierges magiques inscrivaient en-dessous la devise de Poudlard.
Dans son bureau, Albus Dumbledore essuya une larme d’émotion qui coulait sur sa joue usée par le temps. Il avait observé la fête depuis sa fenêtre toute la soirée et il pouvait dire sans hésiter que cette génération était sûrement celle qui avait organisé la plus belle Adultion. Les amitiés inter-Maisons qui s’étaient créées grâce à la fête étaient le plus beau cadeau que ses élèves pouvaient lui faire. Ils se souviendraient longtemps de leur Adultion.