Cet été Luna avait demandé à Rolf de les accompagner son père et elle dans leur quête du Ronflak Cornu. Rolf était prêt à croire en cette créature, après tout, les naturalistes découvraient régulièrement de nouvelles espèces et Luna s’avérait être une naturaliste hors pair.
— Nous allons retourner à Brocéliande, auprès du lac au cœur de la forêt, précisa Luna, c’est là que nous avons trouvé le plus de traces et nous supposons l’existence d’une horde de Ronflaks.
La jeune femme avait des étoiles dans les yeux en énumérant les quarante-deux preuves et témoignages recueillis sur ces créatures depuis de nombreux étés.
Quarante-deux ! Ça valait la peine de prêter attention aux dires de Xenophilius et de sa fille, s’ils disaient vrai la découverte serait de taille.
Une fois que tout le monde fut prêts, Luna attrapa la main de son époux pour éviter qu’il ne se désartibule en transplanant dans un lieu qui lui était inconnu.
Le lieu était féérique, Rolf admirait le lac, et les reflets changeants de l’eau dus aux rayons du soleil estival.
— C’est beau n’est-ce pas ?
Rolf sursauta, il était tellement dans sa rêverie qu’il en avait oublié sa femme et son beau-père.
— Magnifique…
— C’est si calme, si paisible, si oublié du monde que les Ronflaks ont élu domicile ici. Tu sais, ces animaux sont tellement timides et secrets, qu’ils n’auraient pu vivre dans la forêt interdite.
— Oui, ce lieu est idéal pour de telles créatures, c’est un véritable appel à la rêverie.
C’est à cet instant que Xenophilius arriva vers eux et leur demanda de les aider à préparer le campement pour les jours à venir. Luna attrapa la tente et d’une main experte la monta d’un coup de baguette magique.
— Attrape les sardines s’il te plait Rolf.
— Les sardines ? demanda-t-il étonné
— Oui pour fixer la tente.
— Comment comptes-tu fixer la tente avec des sardines ?
Luna regarda Rolf d’un œil étonné, il avait pourtant déjà campé dans le cadre de son métier, mais jamais des sardines n’avaient servies à fixer la moindre tente.
— Et toi avec quoi tu veux la fixer alors ?
— Avec les piquets, non ? fit-il en lui tendant les fixations.
Luna pouffa de rire.
— Mais c’est ça les sardines… expliqua-t-elle en en prenant une.
La jeune femme s’appliqua à planter les sardines dans la terre, pour que la tente soit bien ancrée en cas de coup de vent violent.
Une fois leur abri monté, Luna proposa à Rolf de lui montrer les lieux ayant révélé le passage des Ronflaks dans ce coin de Brocéliande. Le jeune homme suivit sa femme sur un sentier longeant la berge avec un réel enthousiasme. Ils s’arrêtèrent brusquement et Luna le regarda en mettant son doigt sur sa bouche. Elle avait dû entendre quelque chose. Rolf tendit l’oreille, mais rien à par le vent dans les arbres ne vint troubler le silence, pourtant la jeune femme avançait à pas de loup en direction du bois, il la vit écarter une branche sans faire de bruit. Il était évident qu’elle avait l’habitude de suivre une piste en toute discrétion.
— Il est parti, chuchota-t-elle déçue.
Rolf s’approcha et regarda par-dessus l’épaule de Luna.
— Tu vois les traces-là sont celles d’un jeune, expliqua-t-elle, on le voit à la forme des empreintes.
— Luna, je croyais que les Ronflak avait des sabots, alors que là…
— Oui des sabots, mais sur les pattes arrière uniquement, les pattes avant ressemblent plus à …
— Des pattes de lapin, compléta Rolf, d’un ton dubitatif.
Luna acquiesça d’un sourire et reprit son chemin, sans voir le regard effaré de Rolf. Le naturaliste ne s’attendait pas à cela, le Ronflak serait un hybride et Luna ne le lui avait pas dit. Certes ce genre de chose n’était pas si rare dans le monde magique, mais il ne s’agissait que d’une minorité de créature.
— Chérie, je pourrais étudier votre calepin ce soir ? Un nouveau regard permet bien souvent de faire avancer les choses.
— Oui bien sûr… Ah viens, c’est par là !
Elle se mit à trottiner vers le lac, avant de s’arrêter devant un arbre.
— C’est là que j’ai trouvé ma première preuve, papa en avait déjà récolté huit à l’époque, mais pour moi c’était la première fois, tu vois là sur l’écorce, il y a des traces de corne.
Rolf s’approcha, tout en écoutant sa femme.
— J’avais neuf ans, et j’ai porté ma pierre à l’édifice en trouvant cette trace. On revient la voir tous les ans, et à chaque fois elle apparaît aussi récente et plus prononcée, on en a conclu que le Ronflak devait limer sa corne contre le tronc de manière régulière.
L’homme regardait la trace, puis il fit glisser ses doigts dans les aspérités laissées par l’animal pour ressentir le relief. Il se pinça les lèvres. Ce n’était décidément pas une marque de Ronflak. C’était là l’œuvre d’une licorne qui grattait l’écorce pour récolter la sève, les traces étaient vraiment caractéristiques. Rolf ne comprenait pas comment sa femme, pourtant experte pouvait ne pas voir cela.
— Luna, ces traces ne te rappellent rien ? S’étonna-t-il.
— Pourquoi ?
— Regarde bien la façon dont l’arbre est creusé, touche le sillon laissé par la corne.
Luna s’exécuta, et son visage s’illumina.
— Tu viens de faire une prodigieuse découverte ! s’exclama-t-elle. Le Ronflak possède une corne semblable à celle d’une licorne, et si les deux créatures étaient apparentées ? C’est pour cela que les Ronflaks sont si timides en fait, comme les licornes ils sont des animaux sensibles.
— Luna, ce n’est pas…
— Vite, retournons au campement il faut l’annoncer à papa !
Rolf ne put rien ajouter tant l’exaltation de sa jeune épouse était forte et dut la suivre jusqu’au bivouac.
Luna informa rapidement son père de la découverte de son mari et Xenophilius partagea l’excitation de sa fille face à cette nouvelle découverte pour le plus grand dépit de Rolf. Le jeune homme décida d’attendre que l’exaltation retombe et s’assit au bord du lac. Une heure plus tard Luna vint le rejoindre.
— Moi aussi j’ai passé des heures et des heures face au lac en espérant voir un Ronflak.
— Pourquoi ?
— Cette eau est si pure… les Ronflaks doivent probablement s’en délecter, on le suppose avec papa car tous les ans on trouve des traces sur la berge montrant leur passage, c’est pour cela que nous campons souvent ici.
— Comment savez-vous qu’il s’agit de traces de Ronflak ? Ils ne doivent pas être les seuls à s’abreuver ici, les licornes par exemple…
— Rolf, il n’y a aucune trace de licorne dans cette région, que des traces de Ronflaks.
— Si tu le dis…
Mais il n’était pas convaincu. Le jeune homme regardait l’eau, en silence. Le soleil déclinant donnait des lueurs changeantes à la surface.
— Dis Luna, tu peux me donner tes notes sur les Ronflaks, maintenant qu’on est de retour au campement ?
— Oui, mais avant il faut qu’on aille chercher du bois pour le feu.
— N’est-ce pas dangereux de faire un feu ici ?
— Papa connait un sort qui permet aux flammes de rester là où on veut, mais crois-moi il est indispensable de faire du feu pour cuisiner et pour se réchauffer, le soir le fond de l’air est frais ici.
Rolf suivi Luna, s’éloignant vraiment du lac pour la première fois depuis leur arrivée. Le jeune homme apprécia l’odeur de la forêt, ce mélange de senteur qu’il avait toujours aimé. Pendant qu’il ramassait du bois Luna cueillit quelques plantes aromatiques, pour agrémenter le plat.
De retour au campement, Luna alla chercher son calepin pendant que Xenophilius préparait le repas. Rolf commença à feuilleter les notes de son épouse. C’était assez touchant de voir les premières prises de notes de Luna à propos de cet arbre égratigné par la corne, la fillette qu’elle était à l’époque avait même fait des schémas, le travail était déjà sérieux. Cependant, les conclusions étaient très naïves et sans véritable fondement : les conclusions d’une enfant, mais que son épouse devenue adulte ne pouvait occulter, malgré ses connaissances de naturaliste acquises au fil des ans. Ça le fit sourire, sa femme avait gardé son âme d’enfant.
Il dût laisser la lecture du carnet, il était l’heure de passer à table. Son beau-père n’était pas un cuisinier hors pair, mais c’était mangeable.
— Nous ferons des tours de garde cette nuit, annonça Xenophilius.
— Pourquoi ?
— Parce que les Ronflaks sont des animaux nocturnes, voyons, expliqua Xenophilius. Je me propose pour la garde du milieu de nuit, c’est la plus désagréable puisqu’elle coupe le sommeil.
— Je prends la première garde, je suis tellement impatiente de faire des découvertes !
— Donc il me reste la dernière garde, ça me convient bien.
Rolf tint compagnie un instant à son épouse qui avait les yeux rivés sur le lac, dans l’espoir de voir un Ronflak. Il entreprit de reprendre le carnet et de l’étudier, posant de temps à autres des questions à la jeune femme, espérant la faire réagir car il remarquait des incohérences dans les prises de notes, comme la couleur de leur pelage par exemple. Lorsque la lumière déclina, il embrassa Luna avant de regagner leur chambre dans la tente.
Il se réveilla quand son réveil s’enclencha, il l’éteignit rapidement pour qu’il ne dérange pas Luna, s’étira et prit le carnet afin de relayer son beau-père. Il doutait de plus en plus découvrir une nouvelle espèce, il se lança un charme Supersensoriel, au cas où et entreprit de compulser les notes de Luna et de son père au sujet de leurs recherches.
Lorsque Rolf vit le schéma de la soi-disant corne de Ronflaks que Luna aurait dû recevoir pour un noël, il frémit. Heureusement qu’elle n’avait pu rentrer en possession de la corne d’Eruptif. Sur le petit matin il se dit qu’il devait montrer à Luna toutes ces incohérences, lui montrant que la corne d’Eruptif n’aurait pu laisser ces marques sur l’arbre. Lui expliquant qu’un animal au poil bleu foncé d’après un témoignage ne pouvait laisser un crin blanc dans les branchages… Il aurait dû commencer par étudier ce carnet avant de partir ainsi à l’aventure à la recherche d’une chimère. Il DEVAIT lui dire…
Luna se leva la première et vint s’assoir à ses côtés les eaux du lac semblaient sombres et angoissantes avec cette faible lumière.
— Les Ronflaks ne se sont pas montrés ? demanda-t-elle déçue.
— Non, je…
Il devait lui dire, il le DEVAIT, il ne pouvait laisser cet esprit brillant se perdre dans cette quête insensée.
— Je ne suis pas surprise, on a beau se faire les plus discrets possibles, ils ne se montrent jamais, ils sont très intelligents, tu sais.
Rolf réalisa une chose : la quête avait commencé l’été suivant la mort de sa belle-mère, il se dit que ce n’était peut-être pas un hasard.
— Les Nargoles sont moins sauvages tu sais, ils sont justes invisibles pour la plupart d’entre nous. J’ignore quelle particularité il faut avoir pour avoir la chance de les admirer, mais on peut sentir leur présence. D’ailleurs ces diablotins s’en sont pris à toi ce matin.
Rolf observa Luna, plongea son regard dans le sien, si pur, si innocent et pourtant si intelligent alors il se décida.
— Les Ronflaks ont dû nous voir et ont préféré restés cachés, mais ne t’inquiète pas ce n’est que partie remise, ma chérie.
Non, il ne pouvait lui briser ses rêves, elle n’était pas prête à abandonner son monde onirique qui faisait son charme. La vérité laisserait à la jeune femme un goût amer. Il aurait bien le temps de la guider sur le droit chemin quand l’heure serait venue, après tout, les quarante-deux preuves étaient contradictoires, Luna était suffisamment intelligente pour le découvrir elle-même, quand elle serait prête.
Merci à saam et extraa qui arrivent toujours à faire surgir des histoires de mon imagination avec pour seules armes : un thème, des contraintes et un temps limité. Je sais pas comment vous faites, mais merci à vous les filles.
Le thème est au bord de l'eau.
•Dans votre texte le nombre 42 a une signification particulière (anecdote, montant, âge, numéro de département, multiple des chiffres préférés etc... ce que vous voulez !)
•Vous devez faire apparaître les 5 sens.
•Vous devez faire apparaître les 4 éléments
•Votre texte devra faire entre 1500 mots et 2300 mots.
Je profite de cet espace pour remercier Akasora et Miss Lucy pour avoir nettoyé ce texte de toutes les étourderies que j'ai pu y laisser.
J'espère que vous avez aimé cette balade sur la piste des Ronflaks. Sur ce je vous laisse, je n'ai pas envie de les effaroucher.
Un petit mot pour conforter Rolf dans son choix de se taire pour le moment?