Je profite de cette sensation enivrante de liberté.
L'air frais à cette altitude rafraîchit mon corps, s'engouffrant dans mes longs cheveux bruns, les faisant voler autour de mon visage.
Mon sac de voyage est accroché à un harnais sur le manche de mon balai, je n'ai donc pas à m'en soucier, me laissant la possibilité de profiter du paysage.
A côté de moi, Tonks vole droit devant elle, un immense sourire plaqué sur les lèvres. Je sais qu'elle ressent aussi cette sensation de plénitude.
« On fait la course » propose-t-elle avec amusement en se tournant vers moi.
Sans attendre ma réponse, elle se penche légèrement en avant et et accélère rapidement, me laissant sur place.
Impatiente de prouver à ma meilleure amie qu'elle n'est pas la seule à savoir voler, je m'accroche fermement au balai et laisse le vent de dos augmenter ma vitesse.
Inutile, car plus rapide et plus adroite en vol que sur terre, Tonks est toujours loin devant moi me narguant avec cette immaturité que j'apprécie chez elle.
« Tonks ! » crie-je au moment où elle fait une acrobatie que Charlie Weasley lui a appris l'été dernier.
Impressionnée malgré tout par l'habileté de la sorcière, je siffle et tape dans mes mains serrant mes cuisses contre le manche pour ne pas tomber pendant qu'elle fait un tour d'honneur autour de moi en faisant semblant de saluer un public imaginaire.

Nous profitons de l'absence d'habitation dans cette région reculée de l'Angleterre pour voler assez bas. La nature qui ressemblait quelques minutes plus tôt à un patchwork multicolore devient nette.
« Regarde » dit-elle en me montrant un troupeau de vaches.
Ces dernières broutent paisiblement l'herbe de la prairie remuant leurs queues pour chasser les nombreuses mouches qui leur tournent autour.
Avec un clin d'œil complice, elle descend en piqué et fonce droit sur le troupeau provoquant cohue et panique chez les bêtes qui s'enfuient en désordre.
« Tu es impossible » je lance à Tonks en riant lorsqu'elle vole à nouveau à mes côtés.
« Pas plus que d'habitude » répond-elle avec amusement.
Tonks et moi, c'est une grande histoire d'amitié. Amitié qui a commencée au parc pas loin de nos deux maisons respectives. Amitié qui a commencée par une dispute pour une poupée et un ballon.
Elle avait la poupée et je jouais avec le ballon. Comme la plupart des enfants de trois ans, nous voulions ce que l'autre tenait précieusement en main, sans pour autant vouloir prêter à l'autre notre jouet.
Cédant la première, je m'étais assise à côté d'elle et avais fait rouler timidement la balle en sa direction. Surprise, elle avait levé son visage vers moi avant de sourire, mais mon regard n'avait pas quitté les pointes de ses cheveux qui, partiellement cachées par un chapeau, avaient changé de couleurs devenant roses.
Amusée, je l'avais regardée avec admiration avant de jeter un regard timide vers sa poupée qu'elle avait fini par me prêter et que j'avais délaissée au bout de cinq minutes pour aller jouer au ballon avec elle. C'est ainsi que notre amitié avait commencé.
Pourtant, la vie aurait très bien pu faire que nous ne soyons pas amies toutes les deux. Tonks était le genre de fille que je ne supportais pas, mais, ce sont justement nos différences qui font notre force.
Extravertie, je suis introvertie.
Amusant la galerie, je tente de me fondre dans la masse.
Dispersée, je suis studieuse et appliquée.
La regardant voler, je suis heureuse de partager ces vacances avec elle, heureuse d'ajouter de nouveaux souvenirs à notre longue liste.
« Ici ce sera parfait » dis-je en lui montrant la rivière que nous survolons depuis plusieurs minutes.
Satisfaite par mon choix, je pique vers le sol commençant une liste mentale de toutes les choses à faire pour notre installation. Lorsque mes pieds touchent terre, je dépose mon balai contre une souche d'arbre pour m'intéresser à cet endroit où nous passerons une, deux, trois heures ou peut-être plus.
La rivière est illuminée par les rayons du soleil, le ciel d'un bleu éclatant et l'herbe verte se plie sous mes pieds. De magnifiques papillons volent paresseusement autour des coquelicots.

Plouf
« Viens » lance Tonks en sortant la tête de l'eau.
Je me mords la lèvre, hésitante, nous n'avons pas encore monté notre tente, il est presque midi et je dois commencer le repas.
« Lex, supplie-t-elle en me montrant le paysage d'un large geste de la main. Nous sommes en v-a-c-a-n-c-e-s. »
Un peu jalouse de sa capacité à procrastiner, je capitule en levant les yeux au ciel. Cette fille a, depuis de nombreuses années, une drôle d'influence sur moi.
J'enlève mes chaussures, mes chaussettes et le reste de mes vêtements, que je prends le temps de plier soigneusement, pendant que Tonks rit de ma maniaquerie. Ses vêtements à elle sont éparpillés dans l'herbe.
En sous-vêtements, j'avance vers la rivière, me stoppant au bord pour y tremper les orteils de mon pied gauche.
« Elle est froide, je râle en retirant rapidement mon pied croisant mes bras contre ma poitrine.
– Tu vas finir vieille avant d'avoir vécu » murmure-t-elle en flottant sur le dos avec nonchalance.
Même si je sais qu'elle rigole, je lui fais un geste grossier de la main avant d'inspirer un bon coup pour me donner du courage. Lorsque je pénètre dans l'eau, le froid du liquide me caresse la peau, me piquant légèrement. Crispant mon corps pour lutter contre le froid, je sautille sur le fond de la rivière pour avancer, retardant le plus possible le moment où je devrais m'immerger pour commencer à nager.
Je sens le regard amusé de Tonks se poser sur moi.

***

Le silence
Ce silence qui m'enveloppe comme un cocon apaisant, cette sensation de me sentir vivante, cette impression de voler, d'être en apesanteur.
Un poisson de la taille d'un pouce vient nager devant mon visage aussi curieux que moi vis-à-vis de lui, frôlant mon nez de sa nageoire caudale. Amusée, j'ouvre la bouche pour rire mais seules de grosses bulles s’en échappent, vidant ainsi mes poumons de son air. Je ressens ce besoin vital de respirer.
Je jette un dernier coup d'œil à mon nouvel ami et bats des pieds pour remonter à la surface.
Lorsqu’enfin, je sors la tête de l'eau, je respire à grands coups laissant l'air apaiser mon corps en manque.

A deux brasses de moi, Tonks flotte toujours sur le dos, les yeux fermés, ses cheveux roses coiffés en arrière par sa baignade.
Prise d'une inspiration soudaine, je nage vers elle sans faire le moindre bruit, comme un prédateur ne voulant pas laisser sa proie s'échapper. Sous elle, j'attrape son pied droit ne lui laissant pas le temps de réagir et la tire vers le bas, l'emmenant avec moi dans le monde aquatique. Heureuse de mon petit effet, je libère son pied et la suis lorsqu'elle remonte pour respirer.
Par vengeance, elle commence à m'éclabousser. Lui rendant la pareille, nous nous battons profitant de notre nouvelle liberté, riant comme des enfants. Ce que nous sommes encore un peu en fin de compte ! A bout de souffle, j'entends son estomac grogner, je lève un sourcil, l'éclabousse une dernière fois et nage vers la rive pour aller préparer le repas.
 
***

Repues, étendues sur l'herbe l'une à côté de l'autre, nous regardons le ciel et les nuages laissant l'odeur de poissons cuits se dissiper.
« Un dragon crachant du feu, murmure-t-elle en montrant un nuage du doigt.
– Non, ma mère lorsqu'elle est en colère » dis-je en pouffant de rire.
Elle tourne la tête vers moi, amusée par mes paroles. Il est rare que je parle de mes parents de cette manière.
« Quoi ?! Ta mère crache du feu et tu me l'as jamais dit » souffle-t-elle en piochant dans notre sachet de dragées surprises de Bertie Crochue pendant qu'elle ferme les yeux et se concentre pour transformer son visage en forme de cœur, prenant l'apparence de McGonagall qui me lance un regard sévère.
Hilare, je laisse mon rire se joindre au sien pendant que son visage redevient celui que je connais.
« Un livre de métamorphose » je murmure en croquant dans une dragée surprise au goût de savon.
Je grimace en avalant le bonbon, frottant ma langue contre mon bras pour tenter de faire disparaître ce sale goût.
« Mon père qui me parle de ce drôle de bouquin*
– Quel bouquin ? » je demande en me tournant sur le ventre, déposant ma tête sur mes bras pour la regarder avec curiosité.
Elle m'imite et se tourne à son tour, elle tend le bras droit et prend une pâquerette qu'elle s'amuse à déshabiller.
« Lorsqu'il était jeune, pendant les vacances, un cousin lui a fait écouter une émission qui passait à la radio moldue depuis quelque temps. C'était un truc de moldus qui a eu du succès. Ils ont passé l'été à attendre de nouvelles histoires. Lorsque l'auteur a sorti ces aventures sous forme de livre, il s'est empressé d'aller l'acheter, impatient de se replonger dans ce monde. D'ailleurs, je crois que c'est le dernier livre moldu qu'il a dû lire. »
Intéressée, je l'observe pendant qu'elle étale les pétales de fleur sur son bras. Ted Tonks, son papa est un né-moldu.

Je fronce les sourcils en me rappelant que monsieur Tonks en a parlé plusieurs fois devant nous.
« 42, je lâche soudain la faisant sursauter.
– Tu t'en souviens? » demande-t-elle en se redressant pour m'observer avec intérêt.
J'acquiesce en me rappelant que Andromeda Tonks, la maman de mon amie, ne peut s'empêcher de taquiner son mari lorsque ce dernier commence à parler de ce livre.
« Je crois que cela a un rapport avec la vie, je murmure en fermant les yeux pour rassembler mes souvenirs.
– Ouais, l'ultime question sur le sens de la vie ou un truc comme ça. Mon père a tenté de me le faire lire à plusieurs reprises. D'après lui, s’il n’y a qu’un seul livre moldu que je doive lire, c'est bien celui-là. D'ailleurs, ajoute-t-elle en levant les yeux au ciel. Je l'ai trouvé hier soir dans mon sac à dos. »
Je jette un regard amusé à mon amie, qui enlève les pétales de son bras pour s'étendre à nouveau sur le dos et qui ferme les yeux en soupirant d'aise.
Je l'observe plusieurs minutes avant de l'imiter, me laissant rapidement bercer par le bruit de la nature, je m'endors heureuse de profiter enfin de mes vacances.