La neige. Cela me paraissait si beau, vu de l'intérieur. Cela faisait treize ans. Treize ans que je l'observais tomber, à chaque hiver. Maman n'a jamais voulu que je sorte, l'hiver. Elle disait que ça me rendrait encore plus malade. Ce que je ne comprenais pas c'était le pourquoi. Pourquoi est-ce que quelque chose d'aussi beau me rendrait encore plus malade ? Je n'y croyais pas, pas une seule seconde !
Maman était morte, de toute façon. Elle ne pouvait plus m'en empêcher. Et je ne crois pas une seule seconde que mes frères y feront attention, de toute façon. Comme à leur habitude, ils se querellaient, à la cuisine. Albus avait encore été imprudent, et encore une fois, Abelforth avait été inquiet.
Pauvre Albus. Personne ne le comprend, ici. J'entends Abel l'engueuler, lui disant que Gellert n'était clairement pas un bon ami à avoir. Et Albus semblait vouloir rétorquer, sans trouver les mots pour le défendre. Je trouvais ça beau, d'une certaine manière, de voir mon frère protéger son ami de la sorte. Il était clair qu'il ne croyait pas en un mot de ce que lui disait Gellert. Mais il feignait de le croire, par amour.
L'amour. Un sentiment que je ne connaitrai probablement jamais. Jamais pour un âme soeur. Le seul amour que j'éprouvais, c'était pour mon père, qui pourrissait en prison. Pour maman, qui était morte. Et pour mes frères qui se haissaient par soucis de protection.
Albus ne savait pas, que je savais. Je souris, les entendant se disputer. D'un pas discret, je me dirigeai vers la chambre des parents, qui était déserte depuis la mort de maman. Je fouillai dans son garde-robe, pour en chercher un manteau. J'en attrapai un, et le mettai sur mon dos. Il était trop grand, et pourvu de beaucoup de fourrure. Il était plutôt douillet. Chaud et douillet. Je fis le tour de la chambre, probablement pour une dernière fois avant longtemps. Puis, je me dirigeai d'un pas lent vers la cuisine et leur murmurai :
- Cessez de vous battre, les garçons. Tout ceci est inutile.
- Ariana ... ?
Ce ton de voix était plus doux. Je me doutai que c'était parce que c'était moi, mais surtout, qu'il se doutait bien que je comptais sortir.
- NON.
Il était trop tard. J'avais tourné la poignée, et me suis enfuie. Je courrai et courrai, jusqu'à en perdre haleine. J'évitais tout. Tous les regards, toutes les personnes qui étaient sur mon chemin. Mais surtout, j'essayais de fausser les pistes, pour éviter que mes deux frères ne me retrouvent. De part et d'autre, j'entendais des chants. Ces mêmes chants que maman nous chantais, une fois par an.
Des chants de Noël.
Maman.
Je cherchai partout. Je cherchai partout en recherche du cimetière, où je me suis rendue le jour de son enterrement, avec les garçons. Mais en vain. Je continuai de courir. Le vent faisait virevolter mes cheveux et gelait mes joues. Je perdais haleine. Cela faisait des années que je n'avais rien ressenti de semblable. Des années que j'attendais ce moment, sans pouvoir le saisir. Mais il fallait que je reste calme. Un mouvement trop brusque trahirait ma présence.
J'arrivai au cimetière, plus haletante que jamais. Je parcourai les tombes, bien consiente que je ne respectais pas les morts. Mais l'heure n'était pas à ça. C'était Noël. Le premier que je passais sans maman. Il me fallait être à ses côtés. Autrement, je ne me le pardonnerais pas.
J'arrivai enfin à la hauteur de sa tombe. Sur celle-ci, des mots très simples, mais tout aussi destructeurs y étaient écrit : En la mémoire de Kendra Dumbledore. Morte le 18 novembre 1899, Âgée de 48 ans.
Je ne pus me contrôler. Des larmes se mirent à couler. Je me sentais si coupable. C'était de ma faute si elle était morte. Ma propre faute ! À moi ! Je l'avais tuée ! Elle qui m'avait tant donné, tant protégée ! Elle était morte d'une crise causée par un de mes caprices. Elle avait tout sacrifié pour s'assurer que tout se passe bien pour moi. Mais non ! Ma magie l'avait tuée.
"Ce n'est pas de ta faute, Ariana..."
Ces mots. Je me retournai, pour voir de qui il s'agissait. J'aurais juré qu'il s'agissait de papa. Mais en vérité, il n'en était rien. Il n'y avait personne. Lui aussi, était condamné à son sort par ma faute.
Je ne m'en suis jamais autant voulu. J'aurais tant voulu qu'ils soient là aujourd'hui. Tous les deux. J'aurais tant voulu me faire pardonner, les serrer tous les deux dans mes bras. J'en avais marre, de mes frères qui se querellaient sans cesse. J'aurais voulu être normale. C'était tout ce que je demandais.
Ne pouvant plus contenir ces larmes en silence, je hurlai. Des éclats de lumières jaillissaient du bout de mes doigts, de mes cheveux. Je piquai alors la crise la plus puissante que j'eus faite jusqu'à ce jour. Des éclairs jaillissaient du ciel, malgré la neige. Puis, vidée de toute énergie, je me laissai choir dans la neige, aux côtés de la tombe de ma mère.
Le sol était froid. J'avais le visage et les cheveux complètement givrés. Les yeux au ciel, le sourire au coin des lèvres, je m'endormis.
Plus je me sentais geler, plus je me sentais libérée.
La neige tombait. Jamais je n'avais trouvé un phénomène aussi magnifique. Les quelques flocons m'ensevelissaient petit à petit. J'aimais ça. Peut-être un peu trop. Puis, ne sentant que le désir de m'endormir avant de me laisser à mourir aux côtés de ma mère, je lui murmurai ces quelques mots :
- Je suis désolée de t'avoir tuée maman. Ne t'en fais pas, je viens te rejoindre. Attends-moi...
Je m'endormis. Du moins, je croyais. Peut-être étais-je morte, aussi. Tout était blanc. Comme le paradis, s'il faut en croire ce qu'on l'en dit. Je continuai de dormir, l'esprit en paix. Heureuse.
Je me surpris à penser qu'il s'agissait là du plus beau jour de Noël de ma vie. Jamais auparavant je ne m'étais sentie aussi bien. Dans le blanc de l'hiver, près de ma maman. Il n'y avait pas à dire. C'était probablement la première fois qu'une crise m'avait apporté un tel sentiment de paix.
Mes frères comprendront, j'en suis sûre. Ils s'ennuyaient de maman, eux aussi. Ils me le disaient souvent, même s'ils savaient qu'ils ne s'en ennuyaient pas plus que moi.
Je laissai ce sourire geler sur mon visage. Ainsi, lorsqu'ils me découvreront, ils n'auront pas à s'en faire. Ils sauraient que je serais morte en paix.