Il y avait l'océan, la brise, le sable. Il y avait le sel, le vent, les vagues. Il y avait les dunes, les mouettes, les crabes. Le chant des goélands, le sifflement du vent. Il y avait Dominique, seule, tranquille. Paisible.
Dominique respirait. Respirait l'odeur de la mer qui était son chez-soi. Elle respirait alors qu'au fond, elle ne vivait plus.
Parce qu'elle était morte, Dominique. Elle était morte, et personne ne s'en rendait compte. Ni ses amis, ni sa famille, ni même Ted.
Dominique, elle passait ses journées à laisser la mer enterrer ses chevilles de sable, devenues si frêles avec le temps. Elle se faisait enterrer par la nature. Morte et vivante. Dominique, elle se laissait mourir.
Mourir de faim, mourir de froid, mourir de sa tristesse. Mourir de sa honte, mourir dans l'abandon.
Dominique, elle était à bout. À bout de forces, à bout d'idées, à bout de sentiments. Et à force d'être à bout, on finit par exploser.
Alors Dominique restait là. Les chevilles ensevelies dans le sable, attendant la marée montante. Elle restait là, et y resterait. Elle voulait sentir la mer lui monter jusqu'au cou, et la voir l'emporter vers le large, là où elle pourrait enfin dire adieu à sa petite maison.
À son frère, sa soeur, ses parents, ses amis, ses cousins, cousines, tantes, oncles. À Ted. Elle leur dirait au revoir, sans même qu'elle ne puisse les voir. Sans même qu'ils ne puissent s'en rendre compte.
Il y aurait Ted. Ted qui regretterait. Ted qui s'en voudrait, de ne pas l'avoir vue plus tôt. Mais maintenant, cela ne comptait plus. Elle n'était pas sienne, et ne le serait jamais.
Il y aurait Bill. Bill, son cher père. Son cher père qui resterait fort, réconfortant sa femme dans ses bras.
Il y aurait Victoire, qui s'en ficherait totalement. Qui resterait avec Ted, lui disant que c'était un bon débarras. Mais le pauvre homme serait tout de même dévasté, beaucoup plus que ne le serait sa si charmante soeur.
Et il y aurait Louis. Louis, qui était trop jeune pour comprendre. Louis qui pleurerait, sans se douter que Dominique ne reviendrait pas.
La marée monterait, et Dominique disparaîtrait. Elle laisserait tout derrière, rassemblant ses dernières forces pour ne pas lâcher. Pour ne pas s'abandonner.
Elle n'écouterait plus les cris de Ted qui la supplierait de revenir sur la plage, elle n'écouterait plus la voix déchirée de sa mère qui lui hurlerait de survivre, elle n'entendrait plus les voix, les pleurs, les sanglots, les cris.
Son coeur se brisait à force d'entendre celui qui l'aimait crier, pleurer, hurler. Elle ne voyait plus ses cheveux de jais et d'ébène, devenus gris comme l'orage qui s'abattait maintenant sur la mer.
L'orage.
L'orage avalerait Dominique, il l'avalerait et la ferait voyager. Voyager jusque dans ses plus noires profondeurs. Voyager jusque dans les abysses, jusqu'au plus profond d'elles.
Car dans les abysses, c'était le noir. Le noir, le même que celui qui flouait la vision de Dominique, depuis maintenant des mois. C'était le vide, le noir, le néant. Seuls quelques monstres marins y habitaient. Quelques monstres qui ne se gêneraient pas pour ainsi dévorer son petit corps.
Son petit corps frêle, fragile, vulnérable. Son petit corps, démuni, défunt. Mort.
Pour Dominique, c'était terminé.
Il y avait l'océan, la brise, le sable. Il y avait le sel, le vent, les vagues. Il y avait les dunes, les mouettes, les crabes. Les goélands ne chantaient plus, et l'orage faisait toujours rage. Il y aurait eu Dominique, mais elle n'y était plus. La marée l'avait emportée, la livrant ainsi à sa mort tant désirée.