Cette fan-fiction a été écrite pour Flodalys, camarade Gryffondor et amie d'écriture.
Et bêtateuse improvisée puisqu'elle a eu la gentillesse de corriger mon texte après l'avoir lu :hug:
Il s'agit d'un OS centré sur Theodore Nott en juillet 1996, c'est-à-dire quelques semaines après le retour officiel de Voldemort.
Bonne lecture à tou(te)s !
Disclaimer: L'univers Harry Potter appartient à J. K. Rowling.
Les phrases qui apparaissent en italique sont extraites du magnifique poème de Verlaine Il pleure dans mon cœur.
Chaque jour depuis trois semaines, bien avant l'aube, il répète ce même rituel, repousse les draps de son lit, enfile vêtements et chaussures, puis s’éclipse silencieusement de la maison. Là, à l'arrière de la vieille bâtisse, ses pas font légèrement crisser la terre gelée jusqu'à ce qu'ils atteignent les lattes qui s'élancent sur l'eau en une frêle avancée, instable, mais à la ligne parfaitement dessinée. Le bois grince et tremble brièvement sous son poids. Pourtant Théodore ne s'en inquiète jamais. Il s'installe à son poste, debout et immobile, les pieds à quelques centimètres de l'eau.
L'arrestation de son mari au Ministère de la Magie, à la fin du printemps, en compagnie d'autres individus liés au plus puissant mage noir du siècle, a poussé Clytia Nott à ne pas s'attarder dans la capitale. Prévoyant déjà les retombées politiques, elle a rapidement ordonné à ses elfes de fermer ses valises et de les envoyer chez sa jeune sœur, Firmine Leca, qui vit seule dans une terre reculée d'Islande. Malgré des années de séparation, les deux femmes s'étaient retrouvées avec joie et l'aînée n'avait pas tardé d'écrire à son fils pour lui suggérer de la rejoindre dès le début des vacances d'été. Ce que Theodore avait accepté de faire sans hésiter.
Car les derniers jours de l'année scolaire n'avaient pas vraiment été joyeux à Poudlard, et encore moins dans la salle commune de Serpentard où plusieurs élèves avaient vu leur nom apparaître de manière peu plaisante dans la Gazette du Sorcier. Les rumeurs sur les Mangemorts allaient bon train et les murmures peu discrets étaient devenus monnaie courante. Si, cela, il l'avait supporté stoïquement, en affichant comme d'habitude sa totale indifférence pour les ragots, Theodore devait reconnaître qu'il n'était pas tout le monde... et que Drago Malefoy n'était certainement pas Theodore Nott. Il n'avait donc guère fallu de temps pour voir l'héritier Malefoy, encadré par les carrures imposantes de Crabbe et Goyle, se promener dans les couloirs en affichant constamment une expression menaçante.
Le jeune homme observe l'eau qui s'étend devant lui. Le lac est des plus paisibles et seules de très légères ondulations viennent troubler de temps à autre sa surface lisse.
Malefoy n'est rien. Depuis leur première année qu'ils sont camarades, Theodore arrive à maintenir la distance qu'il juge bon de garder vis-à-vis du blond. Pas qu'il ne l'apprécie pas, il considère même Drago comme un excellent adversaire aux échecs avec qui il est toujours plaisant de se mesurer. Mais Theodore est un garçon solitaire et il tient à le rester.
Pas de grand drame à déplorer dans son enfance. Héritier sang-pur, il a certes dû répondre aux attentes sévères d'un père autoritaire, mais celui-ci, peu intéressé par les banalités quotidiennes et ennuyeuses, laissait une grande latitude à son épouse pour tout ce qui relevait « des affaires de bonnes femmes ». Clytia, qui faisait toujours preuve d'une grande intelligence dans la gestion de son temps, avait profité de cette liberté pour placer son fils sous la surveillance des elfes puis confier son éducation à divers précepteurs, de façon à ne garder pour elle que les commodités de son autonomie : la possibilité d'enchaîner les sorties shopping et les après-midi thé avec ses amies, puis les réceptions du soir. Pourtant, Theodore ne nourrit aucun ressentiment, il ne l'a jamais fait, ni envers son père, absent et exigent, ni envers sa mère, seulement visible par coups de vent au gré de ses humeurs.
Enfant, il ne se sentait jamais seul, regrettait même parfois d'avoir constamment un elfe de maison sur le dos. Il occupait le plus clair de son temps à lire, et ses lectures se constituaient essentiellement d'ouvrages atypiques. Il était ainsi entré à Poudlard en connaissant par cœur de vieux manuels de magie noire oubliés et en sachant parfaitement exécuter des potions requises aux ASPICS, sans avoir toutefois, comme tout jeune sorcier, collectionné des cartes de Chocogrenouilles ou entendu parler des êtres de l'eau, dont il avait découvert plusieurs membres depuis la salle commune de Serpentard.
Cette éducation solitaire était à l'origine d'une intelligence peu scolaire, ce qu'il avait rapidement compris à son arrivée à Poudlard. Comme il n'avait jamais cherché à mettre en avant ces connaissances et qu'il nourrissait peu de goût pour tout ce qui se rapprochait des échanges stériles, il s'était rapidement imposé aux yeux des autres comme un garçon taciturne. Il n'était cependant pas assez naïf pour croire que cette réputation le tiendrait encore longtemps à l'écart de la guerre : en tant que fils d'un Mangemort reconnu (un des premiers à avoir rejoint le Seigneur des Ténèbres qui plus est), il devrait bientôt annoncer sa position dans le conflit. Une position qu'il n'est lui-même pas certain de connaître.
Que faire ? Cette question le taraude depuis juin. Alors, de longues heures durant, debout sur le bord du ponton, Théodore s'absorbe dans ses pensées, réfléchit aux options qui s'offrent à lui.
Il se demande vaguement ce que son père dirait s'il apprenait que son unique enfant envisage un avenir qui ne serait pas lié au Seigneur des Ténèbres. Pourtant Théodore s'avoue sans problème qu'il ne veut pas rejoindre ce fou ; il a beau être Sang-Pur il ne croit pas à la suprématie du sang. Etudier les généalogies sorcières l'a amené à un constat très simple : sans l'introduction de sang nouveau, les grandes familles magiques s'étiolent, à force de consanguinité, puis disparaissent progressivement. Et effacer les Cracmols des annales familiales ou revendiquer un grand nom par alliance ne suffit pas à maintenir les lignées ancestrales de leur monde. D'ailleurs Theodore s'amuse cyniquement en pensant au Seigneur des Ténèbres, un sang-mêlé, ou aux Mangemorts, comme son père, qui ne peuvent revendiquer une si grande noblesse. Quant à l'extermination des Moldus, question dont il a toujours entendu parler avec passion, l'idée même lui semble absurde tant elle ne présente aucun intérêt et paraît impossible à mettre en place.
Nott Senior peut rêver comme il veut, Theodore n'envisage pas un futur de Mangemort.
Silencieux, il observe la brume qui plane sur le lac. La lumière du jour commence tout juste à éclaircir l'horizon, à dessiner les contours du petit paysage islandais de Firmine.
Il aime bien cet endroit. La maison en pierre et en bois, un peu bancale, pas très droite, ses pièces mal agencées et ses deux couloirs en forme de « L ». Elle n'est pas très fonctionnelle, plutôt difficile à chauffer et sa propriétaire a dû condamner plusieurs pièces qui demandaient trop d'entretien pour une seule habitante. Et pourtant, la demeure semble vibrer de musiques, d'odeurs et de vie. Comme un charme inqualifiable qui tient à la seule présence de Firmine entre ses murs.
La tante et le neveu se sont rencontrés pour la première fois cet été. Il y vingt ans, la famille Leca n'était pas très connue dans le monde magique et ses deux héritières n'étaient que des filles aux qualités communes, aussi le mariage de l'aînée d'entre elles à un Nott avait-il relevé d'un coup de chance du destin... qui ne s'était pas reproduit par la suite. Peu après, Firmine avait accepté la demande d'un sorcier excentrique qui avait vendu du jour au lendemain toutes ses possessions pour venir pêcher le poisson en Islande. Les fiancés s'étaient alors installés dans cet endroit reculé que Firmine, restée seule après la noyade stupide de son promis, n'avait jamais eu les moyens de quitter. Son existence (peu valorisante pour la famille Nott) était restée inconnue à Théodore jusqu'à son onzième anniversaire, date à laquelle il avait reçu d'elle l'unique lettre qu'elle lui écrivit jamais.
A présent débarrassé des convenances, il regrette de ne pas avoir connu plus tôt cette femme souriante, peut-être trop effacée mais très attentionnée. En regardant la brume, il songe pour la première fois à la vie qui doit être celle de Firmine et il peine à l'imaginer ici, en permanence seule, abandonnée, elle qui semble si chaleureuse, près de ce lac brumeux.
Theodore frissonne imperceptiblement. Son corps commence à prendre conscience du froid matinal qui lui glace la peau et s'infiltre dans ses vêtements, jusque dans ses chaussettes où ses doigts de pied sont gelés.
Involontairement, il se met à penser à l'Angleterre et au froid d'un autre genre qui s'est répandu sur la ville londonienne et ses alentours. La lettre que lui a envoyée Daphné la semaine dernière lui parle de l'atmosphère étrange qui s'est installée sur le pays. Une atmosphère due aux Détraqueurs qui ont échappé au contrôle du Ministère et qui sillonnent désormais les rues à leur guise, se repaissent du malheur dont ils profitent pour se multiplier.
Les lignes de sa camarade semblaient encore emplies de ce froid en arrivant en Islande et les mots eux-mêmes reflètent toujours le trouble de la jeune fille, ce que Theodore a immédiatement senti. Il la connaît bien Daphné, la si belle Daphné admirée plus ou moins discrètement par les collégiens travaillés par leurs hormones d'adolescents. Il apprécie sa froideur, la manière qu'elle a de cacher ses secrets dont il n'aurait jamais rien su s'il ne l'avait pas rencontrée quand ils étaient enfants. Il apprécie sa personnalité chaleureuse qu'elle dissimule avec soin, son sourire tendre quand elle parle de sa petite sœur, Astoria, née d'une liaison coupable de Confucius Greengrass, leur père, avec une Moldue. Daphné la mystérieuse, celle dont leurs camarades ignorent tout, de sa couleur préférée à son amour immodéré pour la littérature anglaise Moldue. Daphné qui est pour Theodore ce qui se rapproche le plus d'une amie.
Les yeux du jeune homme se font moins vagues et il émerge un instant de ses pensées pour scruter le spectacle qui se déroule sous ses yeux.
Sur le lac, la brume. Elle frôle sa surface et s'élève en vaporeuses volutes que le jour, encore timide, n'ose percer. La brume qui semble tout envahir continue de s'infiltrer en lui, jusque dans ses os, jusque dans son âme.
Alors Theodore repense à ces phrases qui ponctuent la lettre de Daphné, des phrases tracées en italique qu'il devine empruntées à un écrivain et qui traduisent cette sensation de tristesse qui habite son amie blonde. C’est bien la pire peine de ne savoir pourquoi sans amour et sans haine mon cœur a tant de peine ! Un sentiment qui fait écho aux pensées du jeune homme, blessé sans raison par la brume qui envahit son cœur, meurtri par les perspectives sombres auxquelles la guerre va retrancher la société magique.
Il sent son estomac se tordre, ses entrailles semblent se glacer à leur tour quand la brume les atteint.
L'idée de combattre le révulse. D'ailleurs, Theodore ne sent pas âme de la lumière : refuser de prendre place aux côtés de son père ne le pousse pas à envisager, ne serait-ce qu'un instant, de rejoindre Potter et sa clique. Il ne croit pas au combat du bien, il ne se sent pas particulièrement altruiste, certainement pas assez charitable pour se lancer à l'aide des sangs-de-bourbe dont l'existence l'indiffère. Il fait partie de ces personnes qui apprécient seulement l'ombre, le calme et la paix. C'est un peu comme s'il se découvrait brusquement un instinct pacifique tout en sachant qu'il n'ira pas au bout de ses idées.
C'est pourtant envahi par des images de souffrances qu'il reste immobile sur ce ponton qu'il se voit déjà hanter durant la décennie à venir. Et il se sent ridicule face au lac qui s'étend à ses pieds. Un lac qui s'est formé bien avant sa naissance et dont les eaux placides seront toujours les mêmes quand ses os seront depuis longtemps partis en poussière. Il se sent insignifiant.
Quelle est cette langueur qui pénètre mon cœur ?
Insignifiant et vide. Dépourvu de foi et incapable de trouver un sens à quoique ce soit. Découragé avant même d'avoir essayé. Car la guerre sera néfaste pour tous, il en est persuadé ; quelque soit le parti adopté, elle ne peut être que mauvaise. Et pourtant elle aura lieu.
Il essaie de ne pas trop penser à ce que va devenir sa vie, son quotidien à Poudlard en septembre. Dumbledore en tête de liste des personnes à abattre prioritairement, ça aussi Théodore en est persuadé. Le Seigneur des Ténèbres ne peut laisser le célèbre sorcier agir contre lui, il aurait trop à perdre si l'influence du vieil homme s'étendait encore et parvenait à organiser la défense contre les Mangemorts ; et puis la mainmise sur l'école en elle-même figure très certainement dans le plan du mage noir. Alors Théodore essaie vainement d'oublier sa peur, les heures sombres qui s'annoncent. Il essaie de ne pas y penser et tente de se concentrer sur ce qui l'entoure. Faire le vide dans son esprit pour en chasser des soucis, les brumes qui emprisonnent son âme. Faire un peu de jour dans le noir de ses pensées.
Alors, debout, immobile sur un frêle ponton de bois qui s'élance au dessus d'un lac niché dans un coin perdu d'Islande, derrière une maison aux lignes irrégulières, il assiste silencieusement à l'apparition des premières lueurs matinales. Elles percent progressivement les grandes volutes brumeuses qui frôlent la surface de l'eau et s'élèvent interminablement vers le ciel tandis qu'il s'efforce d'arrêter de penser.
Theodore Nott, seize ans. Serpentard intelligent mais solitaire. Garçon que le monde indiffère mais que la guerre terrifie.
Face à un lac, sans soleil pour réchauffer son cœur, sans remède pour panser son âme.
Avec ces phrases qui dansent dans sa mémoire. Il pleure sans raison dans ce cœur qui s'écœure.
Puisque ça a été la grande question de Flo et que vous vous posez peut-être la même si vous avez remarqué le classement dans le genre Tragédie/Drame, je tiens à préciser que Theodore ne saute pas dans l'eau ! Pour moi, il reste prostré, impassible sur son ponton une bonne partie de l'été. Libre à vous de l'imaginer hurler ou pleurer cependant, si le cœur vous en dit ;)
Pour ceux/celles qui ont un peu l'habitude de mes textes cet OS est extraordinairement long, mais j'ai été heureuse de l'écrire et j'espère qu'il vous a plu à vous aussi. Une petite review avant de me quitter ? :)