Pétunia lança un dernier regard au salon. Ce salon dans lequel elle avait vécu tant d’années. Cela faisait maintenant presque vingt ans qu’elle était mariée avec Vernon, qu’elle avait abandonné le nom de Pétunia Evans, et qu’ils avaient acheté cette maison. Elle avait vu son petit Dudley s’y épanouir, années après années, du petit bout potelé au grand garçon qu’il était maintenant. Elle le revoyait encore marcher à quatre pattes sur la moquette, courir dans les escaliers ou ouvrir sa pile de paquets cadeaux, juste là, sur cette table. Et puis elle avait aussi vu Harry grandir ici. A vrai dire, elle avait eu peur qu’Harry ait une mauvaise influence sur son petit garçon, mais non, il était resté parfait.
Elle sortit son mouchoir repensant aux paroles de Dudley. Son comportement envers Harry, toute cette gentillesse dont il avait fait preuve dans un moment si difficile pour eux, ça l’avait émue, elle savait que c’était un bon garçon. Il était juste un peu brusque ou impatient parfois. Mais c’était son petit Dudley, elle l’aimait comme ça.
C’était aujourd’hui qu’ils partaient, laissant en arrière cette maison emplie de souvenirs. Harry leur avait expliqué que ce Lord quelque chose, celui-là même qui avait tué ses parents, était désormais une menace pour eux et qu’ils ne pouvaient pas rester là. Aucun d’entre eux n’avait vraiment compris pourquoi et depuis un mois sa vie n’avait été qu’incertitudes. Vernon changeait d’avis comme de chemises, Harry parlait à nouveau de détraqueurs, ces horribles créatures qui avaient attaqué son petit Dudley deux ans auparavant, les actualités du journal télévisé étaient de plus en plus alarmantes. Pétunia avait peur. Toutes ces choses qu’elle avait mis tant d’énergie à fuir semblait soudain la rattraper, comme si le destin semblait prendre un malin plaisir à lui rappeler qu’un jour, elle aussi avait voulu en faire partie, de ce monde de fous.
Sa vie était chamboulée, et tout ça c’était à cause de Harry. À cause de Lily. Ce départ avait un arrière-goût désagréable, comme un rappel de l’amertume qui la consumait depuis des années. Cette même amertume avec laquelle elle avait appris à vivre et qui teintait son quotidien.
Elle regarda les deux garçons qui conversaient, maladroits dans leurs adieux. Harry avait changé, son visage s’était affiné, il était presque maigre. Il l’avait toujours été. Il y avait toujours cette cicatrice, marque indélébile de ce jour qui avait changé le cours de leur petite vie tranquille et l’équilibre de leur petite famille, et ses cheveux noirs indisciplinés qu’elle détestait. A chaque regard, elle ne pouvait s’empêcher de revoir James Potter, cet imbécile qui s’était amusé de son mari. Vernon était un honnête homme, lui. La ressemblance entre Harry et son père était trop frappante pour que Petunia éprouve la moindre affection pour le garçon. Et sur ce point elle s’accordait parfaitement avec Vernon, unis dans leur dégoût commun. Mais il y avait autre chose, perdu au milieu de ce visage détestable, quelque chose qui portait un coup à son coeur à chaque regard et l’emplissait d’émotions contradictoires. Ses yeux. Les yeux verts de sa soeur, qu’elle n’avait plus revue depuis son mariage.
Cette soeur, elle l’avait jalousée, elle l’avait détestée, imprégnant son coeur d’une haine coupable qui ne l’avait jamais laissée en paix. Elle l’avait vouée à tous les maux, elle l’avait maudit, mais elle ne l’avait jamais oubliée.
Oui, toutes ces années son souvenir douloureux l’avait accompagnée, remplissant son esprit de tourments jusqu’ici, dans cette maison, dans ces pièces. Et maintenant elle les quittait, ces pièces et ces années. Elle ne savait pas vraiment si elle en était triste. Elle n’avait jamais vraiment apprécié les voisins, surtout pas cette Mrs. Davis qui habitait de l’autre côté de la rue et qui ne perdait jamais une occasion de lui jeter des coups d’oeil dédaigneux, surveillant à chaque nouvelle saison si ses fleurs avaient éclos avant les siennes. Ses larmes coulèrent à l’idée qu’elle les voit partir, qu’elle assiste à cette humiliation.
Une portière claqua. Pétunia rangea précipitamment son mouchoir humide et regarda autour d’elle. Dudley était parti, elle était seule avec Harry. C’était à son tour de lui dire au revoir. Elle se sentait hésitante, ne sachant pas comment s’y prendre.
- Eh bien… Adieu.
C’était sobre, efficace. Impersonnel. Elle tourna les talons et fit quelques mètres vers la porte. Pourtant, sans vraiment savoir pourquoi, quelque chose la retint. Elle n’avait jamais dit au revoir à Lily. Dans toute sa haine, son mépris et sa jalousie, elle l’avait crue intouchable. C’était un monstre mais c’était sa petite soeur, comment aurait-il pu lui arriver quelque chose ? La question ne se posait même pas.
Elle n’avait rien vu venir. Le coup était tombé.
Le jour de sa mort, elle avait reçu Harry. Ce rappel incessant de son existence, cet enfant accepté à regret, ce morceau de Lily qu’elle n’avait pas abandonné. Et maintenant elle lui disait au revoir, pour cet adieu qu’elle n’avait jamais fait à Lily.
Elle se retourna vers lui, hésitante. Elle fixa encore une fois ces yeux qu’elle ne reverrait plus. Et malgré toute l’amertume et la jalousie qui la rongeait, elle savait qu’elle n’oublierait pas. Lily jouant dehors, Lily recevant la lettre, Lily lui souriant tendrement, Lily avec James, Lily heureuse. Ces souvenirs qu’elle avait mis tant d’énergie à repousser, ces souvenirs qui la consumaient.
Mais c’était trop tard pour les regrets. Alors elle se détourna.
La portière claqua à nouveau, la voiture démarra. Désormais, elle était seule.
Note d'auteur :
Cet OS est ma participation au concours "D'un personnage à l'autre", de Labige.
Le principe était de reprendre une scène des livres et de la raconter du point de vue d'un autre personnage. Les contraintes étaient de faire un texte de 1000 mots minimum, d'insérer une description de l'un des membres du trio, et d'utiliser trois des mots suivants : éclore, mètre, port, exclusif, poil, converser, étoiler, chlorophylle, arachide et fiole.
J'ai choisi le passage du tome 7 où les Dursley partent de Privet Drive, en me concentrant sur le moment où Pétunia fait ses adieux à Harry et j'ai écrit de son point de vue.
Note de chapitre:
Bonne lecture :)
Note de fin de chapitre :
Petites précisions : bien que les Dursley n'aient pas reçu Harry le jour exact de la mort de James et Lily, je doute que tant d'années après Petunia fasse encore la distinction.
Concernant le fait qu'elle dit n'avoir pas vraiment compris le danger de Lord Voldemort, je pense finalement qu'elle sait très bien ce qu'il en est, et c'est donc à considérer comme une erreur de ma part. J'aurais bien rectifié le tir, mais ça me gêne maintenant que j'ai publié. J'espère que ça ne vous aura pas trop gêné. :)
Sinon, j'espère que ça vous a plu dans l'ensemble ! :) N'hésitez pas à donner votre avis en commentaire, ça fait toujours plaisir.
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