Tic-tac-tic-tac.
Tic-tac-tic-tac.
Les doigts de Gripsec pianotaient sur les bras de son fauteuil en rythme avec le bruit régulier de l'horloge. Il gardait les yeux fermés. Par la fenêtre, il aurait pu voir la mer, s'il ne l'avait pas obstruée avec une lourde tenture rouge. Les humains, dans leur majorité, aimaient voir la mer. Elle leur rappelait à quel point ils étaient petits. Gripsec n’avait pas besoin de les mettre face à la mer pour voir à quel point ils étaient petits. Petites ambitions, petites querelles, petites cupidités. Et si faciles à lire. Gripsec n’aimait pas la mer et il avait eu assez de grand air pour le restant de ses jours. Alors, il restait sur ce fauteuil, les yeux fermés, dans une lumière rouge, et il repensait aux cavernes sous Gringotts. Il parcourait des mines, des centaines de mètres sous terres. Il rêvait beaux métaux, et de belle magie.
Tic-tac-tic-tac.
Des pas montaient l’escalier. Le jeune Potter, et ses deux amis, devina-t-il. Il avait demandé à la demi-vélane d'aller les chercher, d'une façon qui l'avait mise en colère. Cela faisait longtemps qu'il n'avait plus eu l'occasion de mépriser ouvertement quelqu'un. C'était un plaisir qui lui avait manqué. Le jeune Potter voulait son aide pour voler Gringotts. Impossible, avait-il répondu. Ce n'était pas tout à fait vrai. C'était impossible pour un humain, mais pas pour un gobelin. Mais quel gobelin accepterait de violer les coffres de Gringotts ?
Tic-tac-tic-tac.
Ce que lui avait demandé le jeune Potter s'apparentait à un sacrilège, à violer le plus ancestral des tabous. Gripsec aurait préféré épouser sa propre soeur plutôt que d'aider un sorcier à s'emparer d'un trésor protégé par les gobelins. Mais les temps étaient troubles. Gripsec devait sa vie à Potter. Il était temps d'égratigner un peu les anciennes traditions. Gripsec regarda le jeune Potter et ses deux amis entrer dans la chambre. Gripsec lui avait dit qu'il était un sorcier très bizarre, quand il l'avait vu enterrer l'elfe. Bizarre ou pas, il restait un sorcier, et le gobelin prenait un plaisir certain à le voir debout devant lui, attendant son bon vouloir. Il du admettre que pour une jeune humain, Potter avait le port fier et ne fléchissait pas.
- J'ai pris ma décision, Harry Potter. Les gobelins de Gringotts verront là une vile trahison, mais j'ai décidé de vous aider.
Le jeune Potter ne pris pas la peine de cacher sa joie. Il était encore un juvénile pour sa race, prompt à s'enthousiasmer.
- Formidable ! S'exclama-t-il. Merci, Gipsec, nous sommes vraiment...
- En échange, coupa le gobelin d'une voix ferme, d'un paiement.
Tic-tac-tic-tac.
Les trois humains semblaient étrangement déçus par cette requête pourtant légitime. Cela suscita la méfiance de Gripsec. Il doutait à présent de leur bonne volonté. Peut-être Harry Potter pensait-il que son sauvetage lui permettait d'acheter l'honneur du gobelin. Si c'était le cas, il allait au devant d'une déconvenue certaine. Gripsec tenait à sa vie autant que n'importe qui, mais pas à n'importe quel prix. Son sauvetage était un acompte appréciable, mais insuffisant pour justifier une effraction au cœur du pouvoir gobelin.
- Combien voulez-vous ? Demanda Harry. J'ai de l'or.
- Pas d'or. De l'or j'en ai aussi. Je veux l'épée, l'épée de Godric Gryffondor.
Le pansement d'une blessure ancienne pour prix de la commission d'une nouvelle. La réparation d'un ancien vol pour payer le nouveau. C'était le marché le plus équitable que Gripsec pouvait imaginer.
- C'est impossible, dit Harry. Je suis désolé.
Un silence. Allait-il baisser ses exigences pour les trois jeunes humains ? Gripsec avait passé sa vie à baisser le niveau de ses exigences pour complaire aux humains. Il en était fatigué. Il répondit en marquant chaque mot pour que les adolescents comprennent bien.
- Dans ce cas, nous allons avoir un problème.
- Nous pouvons vous donner autre chose !
C'était le garçon au poil roux, celui qui défendait la suprématie des sorciers, qui intervenait encore à contretemps. Gripsec lui jeta un regard meurtrier, avant même d'avoir entendu les inepties qu'il s'apprêtait à proférer.
- J'imagine que la chambre forte des Lestrange est bien garnie. Quand nous y seront entrés, vous n'aurez qu'à vous servir.
- Je ne suis pas un voleur, mon garçon ! Je n'essaye pas de m'emparer de trésors sur lesquels je n'ai aucun droit !
Tic-tac-tic-tac.
La pendule continuait à marquer le temps, mais à présent, les longs doigts du gobelin ne l'accompagnaient plus. Il s'était presque relevé de son fauteuil. Il s'était illusionné sur eux. Il avait vu le jeune Potter enterrer l'elfe, il avait entendu la jeune fille défendre leurs idées, et il avait cru que... Mais ils n'étaient que des humains. Cupides, arrogants, et persuadés que le monde entier leur ressemblait. Comment osaient-il suggérer que Gripsec allait toucher un trésor pour lequel il n'avait pas payé le prix juste ?
- L'épée nous appartient...
- Ce n'est pas vrai ! Répliqua le gobelin, qui commençait à penser qu'il avait commis un grande erreur en se laissant entraîner dans cette négociation.
- Nous sommes des élèves de Gryffondor, et cette épée était celle de Gryffondor.
- Et avant d'être à Gryffondor, à qui appartenait-elle ?
- A personne, répondit le jeune rouquin avec un culot qui estomaqua Gripsec. Elle a été fabriquée pour lui, non ?
- Pas du tout ! L'arrogance des sorciers, une fois de plus.Cette épée était celle de Ragnuk Ier, et elle lui a été prise par Godric Gryffondor ! C'est un trésor perdu, un chef d'oeuvre de l'art des gobelins ! Il appartient aux gobelins ! L'épée sera le prix à payer pour mon aide, à prendre où à laisser !
Il s'était emporté. Le rouquin l'avait fait sortir de ses gonds. C'est le jeune Potter qui lui permit de reprendre ses esprits.
- Il faut que nous en parlions, Gripsec., pour voir si nous sommes d'accord avec votre proposition. Pouvez-vous nous donner quelques minutes ?
Il acquiesca, toujours en colère, et bien décidé à faire le nécessaire pour voir l'honneur de Ragnuk Ier enfin lavé.
Tic-tac-tic-tac.
La vieille horloge continuait, imperturbable, à marquer le temps qui passait, il continuait à tapoter le bras du fauteuil en rythme avec elle tout en reprenant ses esprits. La colère était sa pire ennemie. C'était déjà par colère qu'il avait refusé de servir les mangemorts lorsqu'ils l'avaient exigé de lui. Il vérifiait calmement toutes les fins qui pouvaient éclore de cette étrange affaire, avec la méthode consciencieuse d'un gobelin banquier, qui arrivait toujours à orienter la morale selon les exigences de l'intérêt. S'ils réussissaient, et s'il y avait dans ce coffre une arme capable de vaincre le seigneur des ténèbres, la trahison que Gripsec s'apprêtait à commettre serait pardonnable pour les gobelins et Harry Potter deviendrait un homme important, et l'obligé exclusif de Gripsec. S'ils échouaient, il aviserait. La profit ne vient jamais sans risques, surtout dans les temps troublés. Dans tous les cas, il allait faire du mal à Bogrod et à ses sbires qui l'avaient chassé de Gringotts pour se vendre aux humains, et il ne pleurerait pas leur sort.
Tic-tac-tic-tac.
Il y avait aussi cet enchantement qui liait l'épée au Choixpeau de Poudlard, mais c'était un enchantement d'humain. Il pouvait être brisé, avec un peu de temps et de talent. Gripsec savait qu'il avait du talent, et qu'il aurait aussi du temps. L'épée n'avait plus été appelée depuis cinq ans, et il n'y avait strictement aucune chance que Severus Rogue laisse un Gryffondor sortir l'épée du chapeaux dans la journée suivant le vol. Une fois l'enchantement brisé, plus rien de remettrait en cause la propriété de Gripsec. La vrai difficulté serait de faire admettre aux gobelins que le retour de cette épée valait le prix de la trahison qu'il s'apprêtait à commettre.
Tic-tac-tic-tac.
Les humains mettaient du temps à converser. Gripsec n'avait aucun mal à imaginer leurs débats. Le garçon roux, qui voulait piller le coffre Lestrange et ne voyait pas de problème à ce qu'on prive les gobelins de baguette, devait défendre une nouvelle perfidie typique des sorciers de sang-pur. Promettre de lui donner le ciel étoilé en partage, et finalement le payer en or de farfadet, probablement. La jeune fille avait l'air d'être probe, et elle allait demander à ce qu'ils lui disent la vérité. Quant à Harry Potter, Gripsec était curieux de savoir ce qu'il allait décider.
Tic-tac-tic-tac.
Il les vit revenir. Le roux était radieux, le jeune fille gênée. Pour la première fois, Gripsec douta de Harry Potter, et un doute ne lâche pas facilement un gobelin une fois qu'il l'a effleuré. Gripsec savait déjà que la décision prise par les trois adolescents n'allait pas lui plaire. Les yeux noirs de Gripsec se plissèrent, et il regarda Harry Potter intensément tandis que celui-ci s'efforçait de le convaincre de sa sincérité. Personne ne dupe facilement un gobelin de Gringotts, et Gripsec eut rapidement la certitude que si le jeune Potter ne mentait pas frontalement, il ne lui disait pas non plus toute la vérité. Gripsec voulait bien aider le jeune Potter, mais il voulait être payé. Il risquait absolument tout sur cette affaire.
- J'ai votre parole, Harry Potter, que vous me donnerez l'épée de Gryffondor si je vous apporte mon aide ? Demanda-t-il, pour laisser à Harry Potter une chance de revenir sur sa décision.
- Oui, répondit Harry.
Tic-tac-tic-tac.
On ne ment pas à un gobelin de Gringott. Pas sans qu'il le sache. Pas impunément. Gripsec avait la certitude que l'humain lui mentait en le regardant droit dans les yeux. Il n'avait pas l'intention de lui donner l'épée. Gripsec hésita un instant sur la conduite à tenir. Allait-il abandonner ? Allait-il s'abaisser au même niveau que l'humain et lui mentir à son tour ?
Le gobelin décida que Harry Potter méritait une chance. Il allait simplement ajouter deux clauses secrètes au contrat. La première, c'était que le paiement était dû à la minute où ils entraient dans le caveau des Lestrange. La seconde était que son aide auprès des sorciers n'allait pas jusqu'au sacrifice de sa vie. S'ils étaient surpris, ce serait chacun pour soit.
Il ne mentait pas à Harry Potter... pas vraiment. Et quel autre choix avait-il ?
- Alors, dit le gobelin, serrons-nous la main.