J’avais pensé à acheter quelques friandises moldus pour ces petits enfants déguisés qui viendraient taper à ma porte par hasard. Je passais cette journée seule, n’ayant plus aucune famille avec qui être, le seul parent proche étant mon neveu qui était enfermé dans une prison un peu trop loin pour que je puisse prétendre le voir souvent. Je pensais aux Potter, cette petite famille qui s’était installé à coté de chez moi il y a plus d’un an, ils avaient décidés récemment de se protéger grâce au sortilège de Fidelitas sur leur maison après les nombreuses menaces de Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom. Ils venaient d’apposer le sortilège et attendaient un peu avant d’autoriser le gardien du secret à divulguer l’adresse à certains proches, en ces temps de guerre ils ne pouvaient se permettre de faire confiance à n’importe qui, surtout avec un enfant à charge. C’est dommage car je les apprécie énormément et j’aurais voulu passer cette journée avec eux. Le couple est tout jeune et James comme Lily ne sont encore que des enfants, ces derniers mois je leur rendais souvent visite passant du temps agréable parmi eux. Leur présence m’est si rafraichissante, leur jeunesse me rappelant des moments nostalgiques. Et leur enfant est un adorable poupon. Il est un peu taquin et joueur comme son papa mais il a cette bienveillance dans ses yeux juvéniles et ce beau sourire hérités de sa mère. Je ne comprends pas qu’on puisse vouloir s’en prendre à des personnes si jeunes et innocentes. Ces pauvres orphelins qui élevaient leur bébé malgré leurs jeunes âges.
Ils n’étaient pas les seuls à s’être mariés dès la sortie de leurs écoles, enfantant leurs bébés sur le tas. Depuis que la guerre avait été déclarée, plus personne ne voulait perdre son temps. Tout le monde voulait construire sa famille le plus tôt possible, encouragés par les morts survenant plus rapidement et plus nombreux de jours en jours. Les Potter n’était pas les seuls dans ce cas là… Mais ils faisaient partis des rares à être directement dans la ligne de mir du mage noir qui répandaient la frayeur dans toute la Grande Bretagne. Albus n’a jamais voulu m’expliquer la raison de cet acharnement. Juste que la famille était en danger et que je devais faire autant attention pour eux que pour moi si on me voyait les fréquenter souvent. Ma foi, je m’inquiétais plus souvent pour cette famille qui était dans la fleur de l’âge que pour moi, une antiquité qui touchait à sa fin.
Je saisis mon châle pour m’en recouvrir les épaules et je me servis une tasse de thé avant de m’installer confortablement sur mon rocking chair tout en saisissant un livre sur l’histoire des potions sur plusieurs décennies. Les activités d’une vieille dame comme moi ne sont pas si passionnantes, encore plus celles d’une historienne à la retraite. Tout en lisant mon livre, je jetais des coups d’œil par ma fenêtre fixant particulièrement le vide où se trouvait une semaine plus tôt le petit cottage des Potter. Même protégés par le sortilège le plus puissant et efficace, je ne pouvais m’empêchait de m’en faire pour eux. J’ai fini par les considérer comme mes enfants même si je les connaissais peu. Et il m’était normal de m’inquiéter. Je retournais à mon chapitre, quand je croise le nom de Fleamont Potter. Il avait crée une potion pour lutter contre la calvitie et faire pousser des cheveux épais et drus. Avant de commercialiser la potion, il faisait des tests sur sa propre personne, ce bougre. Pour l’avoir rencontré plusieurs fois, j’avais remarqué qu’il avait finit par avoir définitivement une épaisse chevelure noire qui partait dans tous les sens et j’ai fini par comprendre qu’il avait modifié ses gênes et qu’il en avait fait héritage à son fils, James Potter.
Cet enfant-homme si plein de vie et de joie. Je n’avais jamais vu un garçon pareil, optimiste, facétieux et farceur, insolent et téméraire, malgré tout les problèmes qu’il devait porter sur ses frêles épaules. Sa femme Lily m’avait avoué que c’était la personnalité de son mari qui l’aidait à tenir, qui l’aidait à sourire, qui l’aidait à oublier cette guerre et à rêver à un monde meilleur. Et je comprenais ce qu’elle voulait dire. Il était un véritable talisman contre l’angoisse constante crée par cette guerre. James Potter nous aidait à garder espoir et c’est ce qui faisait de lui un homme si exceptionnel. J’ai connu de grands sorciers comme des moins grands durant ma petite existence, mais des comme lui, on en croise pas à toutes les rues ! Je me dis que parfois quelques simples personnes apportent tellement plus à votre vie que d’autres plus importantes. Je les connais à peine, lui sa femme et son enfant, mais je suis heureuse de les connaître malgré tout.
Je m’assoupis sur ma chaise sans même m’en rendre compte et c’est la sonnette de chez moi qui finit par me réveiller. Les quelques enfants courageux qui sont venus jusque ma demeure attendaient devant ma porte que je leurs donne des bonbons. Leurs costumes étaient loin de ressembler à ceux des sorciers et créatures que j’avais l’occasion de croiser dans le monde magique, mais ils me firent sourire malgré tout et je passais la soirée à distribuer des bonbons d’halloween.
Je venais de finir mon repas et je m’installais de nouveau sur mon rocking chair, une infusion à la camomille et au graine de potiron en lisant la Gazette du sorcier parut le matin même.
J’étais en train de lire un article sur le déplacement récemment du ministre de la magie en France quand soudain j’entendis du grabuge. Je m’interrompis me faisant la réflexion que les moldus, en particulier les adolescents, devaient simplement profiter pleinement de cette fête d’halloween et qu’ils devaient être particulièrement turbulents.
Quand une dizaine de minutes plus tard j’entendis une grosse explosion, je compris qu’il se passait quelque chose de plus grave. Quand je sortis ma tête par la fenêtre, quelque chose n’allait pas… Et c’est quand je me rendis compte que je pouvais apercevoir la maison des Potter, une fumée s’échappant d’un coté de celle-ci, que je commençais à prendre peur. J’entendais au loin des pleurs d’enfants.
Je sortis avec hâte de la maison, ma baguette à la main, je courrais vers le cottage des Potter, faisant fi de mon filet sur la tête, de ma robe de chambre ou encore de mes pantoufles, ignorant le froid humide de cette fin de mois d’octobre qui réveillaient des douleurs à mes articulations de vieille femme.
J’aperçus la porte arrachée de ses gonds et mon cœur se mit à battre fort. Jetant un sort Lumos pour mieux me guider, j’avançais dans la maison. J’entendais le jeune Harry qui pleurait en haut et je me dépêchais donc de grimper les escaliers quand je me heurtais à un corps… Celui de James Potter, livide, la vie ayant quitté ses yeux habituellement brillants.
A ce moment là, je ressentis toute la pression en moi retombé et un froid glacial pris place dans tous les membres de mon corps. Pas lui. Pas James Potter. Pas ce roc vivant, qui nous aidait tous à tenir le coup. Pas cette lumière qui perçait en ces temps sombres. Ce petit chenapan qui n’avait pas vraiment grandis dans sa tête…
Je revoyais son sourire canaille, ses cheveux en bataille noirs comme le jais, les mêmes qu’il avait hérités de son père et dont il avait fait héritage à son fils, Harry. Je revoyais ses yeux rieurs, qui devenaient amoureux quand il fixait sa femme ou affectueux et fiers quand il regardait son bébé. Je revoyais cet homme de vingt et un ans qui était trop jeune pour mourir, ce garçon débordant de vie qui n’était plus rien de tout ça maintenant qu’on le lui avait enlevé cette vie !
Je me rappelais des projets qu’il avait prévu pour sa famille et qu’il me racontait avec tout son optimisme… sa naïveté… Ils étaient si heureux lui et sa femme de me voir, me demandant toujours des conseils ou écoutant la vieille femme que j’étais leurs racontant toutes sortes d’histoires que j’avais en mémoire. Il m’appelait d’ailleurs Nanny, m’expliquant que j’étais la grand-mère qu’il aurait voulu avoir… je n’ai jamais eu l’occasion de lui dire qu’il était comme le petit fils que je n’ai jamais eu… Et maintenant c’est trop tard car il est étendu là, par terre, le corps froid et sans vie, l’âme nous ayant quitté depuis quelques instants…
Plus de sourire joyeux, plus de regards farceurs, plus de projets réalistes ou naïfs ou farfelus, plus de pseudo petit fils, plus de James Potter…
Je sentis mes larmes couler sur mes joues ridées et malgré les pleurs à l’étage, je reculais ne voulant pas voir le reste du carnage. S’en était trop pour moi. Je jetais un dernier regard à James et je m’en allai. Je titubais jusque chez moi et j’envoyais un message avec mon patronus à Albus Dumbledore comme il me l’avait appris.
Je n’osais plus regarder par la fenêtre.
Les jours ont passés, je n’avais plus de nouvelle du petit Harry Potter à part qu’il avait été placé chez des moldus. Je voyais tous les jours des sorciers déposer des fleurs ou laisser des messages sur le cottage des Potter, après la mort de ces derniers, le ministère ayant décidé de faire de leur maison une sorte de mémorial, elle avait été protégée des moldus et laisser à la visite des sorciers pour qu’ils puissent s’y recueillir. Ils ont même construit une statue à l’effigie du couple et de leur enfant sur la place du village. J’avais reçu la veille une lettre d’Albus qui m’expliquait qu’aujourd’hui aurait lieu l’enterrement du couple.
J’enfilais un chapeau noir et je prenais la direction du cimetière de Godric’s Hollow, le ministère ayant prévu « l’événement », des sorts repousse-moldu empêchaient ces derniers de s’approcher. Et ils avaient bien fait car tout le monde magique s’était réuni dans le minuscule espace pour rendre un dernier hommage à James et Lily Potter. J’observais la foule et remarquais vite qu’aucun proche du couple n’était présent à part le jeune Remus Lupin, un homme qui paraissait toujours malade… mais pas de Harry, leur bébé, pas de Sirius Black, leur meilleur ami et parrain de leur fils, ce dernier avait été arrêté, ni même encore de Peter Pettigrow, l’ami grassouillet des garçons, celui-ci étant mort le lendemain du drame. Cette constatation me remplit de chagrin. Je sais que James Potter accordait beaucoup d’importance à l’amitié et à la famille et le jour de son enterrement il ne lui restait que des inconnus et un seul ami qui avait pourtant fini par s’éloigner de lui… Il ne méritait pas ça.
J’espère au fond de moi que j’avais au moins une maigre importance pour lui, il en avait pour moi en tout cas, étrangement plus que sa femme et son fils. Je voudrais qu’il sache qu’il restait des personnes sincères et qui l’avaient vraiment aimé à son inhumation.
C’est le professeur Dumbledore qui présida l’enterrement du couple et c’est lui qui choisit la réplique sur la pierre tombale.
Quelques personnes importantes, dont le ministre, rendirent un dernier hommage au couple et firent un discours. Les cercueils furent mis sous terre et après ça tout le monde se leva. Quelques sorciers mirent des fleurs sur la tombe fraichement apposé. Je regardais tout ça de loin avant de regagner ma maison, ne pouvant en voir plus.
J’étais de nouveau assise à mon rocking chair, perdue dans mes pensées, me balançant légèrement, quand mes yeux tombèrent sur un vieux vif d’or. Comme une piqure en plein cœur je me rappelais que c’était celui de James Potter. Il jouait toujours avec ces petits objets volants, étant fan de Quidditch, rendant sa femme folle et amusant son fils. Et un jour qu’il était venu me rapporter la vaisselle propre d’un plat que je leur avais concocté, il l’avait oublié sur le guéridon devant la porte du salon. J’avais voulu le rapporter mais le sortilège Fidelitas étant activé, je ne pouvais plus le faire l’ayant tout de même garder de coté.
Je m’en saisis et le fit tourner autour de mes doigts. Le sentant s’échapper, je le serrais plus fort. Avec mon vieil âge je manquais de dextérité et de réflexe. Prise d’une impulsion je me levais et sortait de chez moi.
Refaisant le même trajet que le matin même, je me rendis directement à leur pierre tombale. L’endroit désert était plus propice au recueillement qu’un peu plus tôt. Je fixais les noms, puis les dates de naissances et de morts. Si jeunes et trop tôt.
Je déposais le vif d’or sur la terre fraichement retournée. Le vif s’éleva et ne sachant si c’était un hasard ou pas, il se mit à flotter devant le nom de James Potter. Quelques secondes plus tard il s’envola plus haut et disparut. J’avais l’impression d’avoir vu l’âme de James Potter devant moi. Comme s’il venait de tirer sa révérence au travers de ce vif.
Une chose est sûre, James Potter restera à jamais gravé dans ma mémoire.