Que sont-ils devenus ? Voilà la question à laquelle, moi, Rita Skeeter, vais tenter de répondre aujourd'hui. De qui suis-je en train de parler ? De ces enfants qu'on a perdu, arrachés à nos bras et à nos coeur par le monstre connu sous le nom de Fenrir Greyback.
Ont-ils bien disparu ou se cachent-ils dans nos rues ?
Fenrir Greyback, connu de mes fidèles lecteurs pour son appétit insatiable et son attirance pour les plus jeunes d'entre nous, frappe encore et toujours. Mais il ne se contente pas de venir répandre le sang dans nos maisons ! Non, il enlève les nourrissons et les bambins pour les transformer et les élever loin de la civilisation sorcière. Il les retourne contre nous.
Alors que sont-ils devenus ? Pour vous, chers lecteurs, je me suis rendue au ministère et j'ai demandé à ce qu'on m'en dise un peu plus. Et, après des mois d'investigation, voici pour vous, en exclusivité, la vérité sur les exactions de Greyback et de ses loups-garous. Que sont-ils devenus ? Cet article est la douloureuse réponse à toutes nos questions :
C'est d'abord vers le département des aurors que je me suis dirigée, là où débutent toutes les enquêtes. Les parents y viennent, effrayés, car leurs enfants ont disparus. Mais rien ne pourrait les préparer à l'horreur qui approche. D'abord, viennent les questions les moins douloureuses et les mensonges les plus doux : Ont-ils fugués, un matin, en souriant, l'air de rien ? Ce serait effrayant mais encore acceptable. Les enfants sont naïfs et parfois cruels avec leurs proches. Ils seraient partis pour nous faire du chagrin, en se disant : je reviens demain.Voilà ce que dit Monsieur, en soutenant sa femme. Mais demain, les pauvres petits ne sont pas revenus. Après-demain non plus. Et les jours passent. Que sont-ils devenus ? Les aurors conseillent souvent d'attendre un peu. Nous vivons une époque dangereuse. Il y aura peut-être une demande de rançon ou des menaces arriveront par hiboux. Mais le temps passe. Pas une lettre reçue.
Alors la question revient, lancinante. Que sont-ils devenus ? Le matin au réveil, pendant les heures claires, à midi, ou à minuit, elle revient sans cesse, cette question diabolique : Que sont-ils devenus, ces enfants qu'on a perdus ?
Sont-ils morts ? Egarés au fond des bois ? Vont-ils seul en chemin, abandonnés par le loup qui les a détruit ? C'est une douleur inimaginable que je vois danser dans les yeux des pauvres parents venus faire leur déclaration. Certains s'agrippent l'un à l'autre, à la recherche de soutien. D'autres restent stoïque et se tiennent droit devant le bureau des aurors. Ils ne bougent pas et s'efforcent de conserver le peu d'espoir qu'il leur reste. Puis il s'en vont, sans jamais se donner la main, comme si le fait de ne pas pleurer, de ne pas chercher de réconfort, pouvait éloigner le malheur. Comme si on pouvait agir normalement alors que le pire est arrivé.
Et puis arrivent d'autres parents. Ceux-là ont l'habitude de venir et appellent les aurors par leurs prénoms, donnent des nouvelles de la famille ou, plutôt, de ce qu'il en reste. Ils sont passés à une autre forme d'illusion, à un autre espoir fou. Les aurors leur ont parfois dit que les enfants devaient être en vie, parmi les loups-garous. Alors les pauvres ahuris que le ministère maintien dans un cocon de doux mensonges rêvent de leurs enfants perdus et de la vie qu'ils mènent ailleurs. Font-ils tous une danse, sous la lumière de la lune ? Le loup qui les a enlevé a-t-il pris bien soin d'eux ? Sont-ils partis en vacances, eux qui aimaient jouer sur la plage ? Que sont-ils devenus? Ce n'est plus vraiment une question, juste une litanie, un rituel. Les aurors deviennent lyriques et Madame les écoute, les yeux pleins d'étoiles. Elle imagine que ce qu'on lui raconte est vrai et que le petit va bien. Monsieur ne croit plus aux contes de Beedle le Barde alors il laisse la mère s'enivrer de faux-discours avant de s'éclipser vers un autre auror. Toi qui sait, les as-tu vu ? Il pose la même question toutes les semaines depuis deux ans. Il n'a pas encore abandonné. Ce n'est pas le cas de tout le monde. Les parents viennent souvent au début, et puis ils arrêtent. Comprennent qu'il n'y a plus d'espoir. Ceux-là sont des cas exceptionnels mais les aurors parient déjà sur le temps qu'il leur faudra avant de renoncer. Trois mois avant qu'ils lâchent l'affaire, dit Shackelbot, un grand nègre aux allures de contrebandier. Moins d'un mois, le vieux est déjà à bout, répond Dawlish, un auror à l'air particulièrement niais.
Mais si beaucoup de ces enfants ne sont jamais retrouvés, certains le sont. Pour le meilleur et pour le pire. Me voici donc, chers lecteurs, partie en direction d'une autre section du ministère : le département de régulation des créatures magiques. Ont-ils croisé leurs copains, des parents ou leurs voisins ? On les retrouve parfois. Mais la bête qui les a enlevés n'est jamais très loin : elle est si près qu'elle vit en eux. Et voilà ce qu'ils sont devenus : des bêtes, eux aussi. Si peu humains que leur dossier est stocké aux côtés des elfes de maison et des sirènes. Et, bien souvent, la monstruosité qui vit en eux les pousse sur la voix du vice. Les doux petits enfants ont mal grandi et ce ne sont plus maintenant que des salauds ou des vauriens. Bien entendu, l'anonymat leur est offert par le ministère mais il est difficile de cacher une telle nature et, bien souvent, l'on finit par s'apercevoir de la supercherie. Nul ne peut dissimuler la Bête bien longtemps.
Mais pendant tout ce temps, qui sait quel mal ils sont capables de faire ? Que de loups, que de chiens, tous cachés dans nos jardins... Le ministère, sous l'impulsion d'Albus Dumbledore, un homme au cerveau sur le déclin, ne fait rien contre ce danger et accorde aux victimes de cette malédiction le droit d'être bourreaux à leur tour. Et les nouveau loups restent à l’affût, parfois connus mais le plus souvent non identifiés. Tenus de se présenter régulièrement au bureau de régulation des créatures magiques, ils sont supposés rester sous surveillance. Mais certains d'entre eux sont déjà suspectés d'appartenir à la meute de Greyback et de servir sous les ordres de Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom. Et le ministère est loin de les contrôler aussi bien qu'il le prétend.
Et me voici qui continue mon chemin plus bas, vers la salle du jugement qui vient tout juste d'être aménagée pour accueillir les plus dangereux détenus. Ici nous trouvons une nouvelle réponse à cette terrible question que se pose tous les parents d'enfants enlevés par Greyback : Que sont-ils devenus ? Ces enfants que nous aurions du protéger, que nous n'avons pas su sauver... ces enfants qu'on a déçus. Ils sont là. L'air hagard, le visage terreux et une flamme dangereuse dans les yeux. Ils n'ont plus grand chose d'humain et même leurs dents sont taillées en pointe. Chez eux, la Bête à pris le pas sur l'humain. Le monstre les contrôle, même quand la lune n'est pas là. Que sont-ils devenus ? Des loups, prêt à dévorer des enfants innocents, à les attirer au loin pour les perdre au fond des bois.
Que sont-ils devenus, ces enfants qu'on a perdus ? Des êtres sanguinaires, dépravés, viciés. On a volé leurs corps et leurs âmes par la même occasion. Vont-ils seul en chemin, rejetés comme ils devraient l'être ? Pas toujours, car certains fous amoureux des créatures dangereuses continuent à les protéger. De plus, ceux qui, comme tous les honnêtes parents, s'inquiètent de l'influence grandissante des lois pro-loups-garous, agissent chacun de leur côté, sans jamais se donner la main.
Et pendant ce temps-là, les loups-garous progressent, se multiplient et envahissent l’Angleterre. Si, récemment, ils se font plus discrets, comme s'ils se fondaient dans la nuit et le brouillard, nous sommes néanmoins en droit de nous interroger sur leurs activités. Font-ils tous une danse, pour célébrer leur victoire prochaine ? Sont-ils partis en vacances ? Où attendent-ils le meilleur moment pour frapper ?
Annabelle. Belinda. David. Victoria. Yasmine. Inès. Estelle.
Voici le nom des disparus de cette année. Disparu. Un mot si petit mais qui signifie tellement pour les parents victimes de ces enlèvements.
Que sont-ils devenus, ces enfants qu'on a perdus ? Vont-ils seul en chemin, sans jamais se donner la main ? Isolés, ces loups seraient sans doute moins dangereux. Mais le propre du loup est de vivre en meute et cela reste peu probable. Alors, comme je le disais plus tôt, font-ils tous une danse de la victoire qu'ils acquerront bientôt sur la race sorcière ? Où sont nos jurés et nos puissants sorciers quand il s'agit de mettre les individus dangereux en prison ? Sont-ils partis en vacances pendant que nous souffrons de voir nos enfants subir milles outrages par les hordes de loups-garous qui déferlent sur nos villages ?
Que sont-il devenus ? Pour la plupart d'entre eux, nul ne pourrait le dire. On ne les a jamais revus.
Faut-il rappeler leurs noms et leurs visages à nos dirigeants pour qu'ils se décident à agir ?
Owen. Enzo. Zoé. Emmanuelle. Elvis. Ismael. Elisa. Disparus l'année dernière.
Mathieu. Mathias. Gregory. Madi. Nicholas. Leila. Naima. Disparus l'année précédente.
Et au fond, qu'ils soient devenus des bêtes ou qu'on ne les aient jamais revus, il n'y a qu'une réponse à la question fatidique.
Que sont-il devenus ? Des disparus.