Ce béguin a duré encore un petit moment après l’école, bien que je ne le voyais plus aussi souvent, chaque fois que je le croisais sur le chemin de traverse, c’était comme si j’en avais le souffle coupé, mais je faisais comme si rien n’était. Cette foutue fierté qui m’a toujours suivi depuis mon enfance. En fait, j’avais été une enfant naïve qui ne supportait pas de déplaire aux autres, et je suis restée ainsi jusqu’à l’été juste avant mon entrée à Poudlard.
Je suis née dans une famille entièrement moldue, et à ma connaissance, je suis la seule sorcière chez les Geller. C’est vers l’âge cinq ans que l’on s’est aperçue que des phénomènes étranges m’entouraient. Lorsque j’étais énervée des verres explosaient ou des fenêtres craquaient, alors que lorsque j’étais heureuse, le jardin de mes parents fleurissait étrangement vite ou il faisait un temps magnifique dehors alors qu’on annonçait un orage à la télévision.
Je me souviens encore de la première visite du professeur Dumbledore à la maison. Voir débarquer ce personnage sorti tout droit des contes de fées fut un véritable choc pour tout le monde. C’est là où j’appris que j’étais une sorcière et que j’allais un jour entrer à une école de sorcellerie nommée Poudlard. Hélas, je n’avais pas le droit de n’en parler à personne, seuls mes parents et ma grand-mère maternelle étaient au courant. Les autres, ils pensaient tous que j’allais partir dans un pensionnat d’Écosse réputé.
Enfin, j’ai quand même continué de fréquenter l’école primaire moldue en attendant mes onze ans. Ce n’en était pas plus mal puisque j’allais rester en compagnie de ma meilleure amie de l’époque pour un bout de temps encore. Si au moins j’avais su qu’elle genre de pimbêche elle allait devenir, j’aurais optée pour l’école à domicile. En grandissant, elle est devenue de pire en pire, jusqu’à me rendre misérable. Je n’étais pour elle qu’un petit chien de poche à trimballer partout et à qui donner des ordres. Mais j’étais timide et j’avais peur d’aller vers les autres, me faire d’autres amies était pour moi très difficile. J’ai commencé à me séparer d’elle lorsqu’elle s’est mise en couple avec mon béguin de gamine. J’avais beau n’avoir que dix ans, c’était pour moi une révélation : elle était toxique. Enfin, ça explique pourquoi mon entrée à Poudlard a été aussi fructueuse.
Je me rappel du 1er septembre 1989 comme si c’était hier. J’étais si excitée d’entrée à Poudlard, mais j’étais triste de laisser mes parents derrière moi. Nous avions toujours été très proches, et nous le sommes encore aujourd’hui. Bref, j’étais assise toute seule dans le train, regardant disparaître la gare de Kings Cross par la fenêtre lorsque la porte de mon compartiment s’est ouvert et une fille blonde avec des petits yeux bleus fuyants est entrée en bafouillant si elle pouvait s’asseoir avec moi ; il n’y avait plus de place ailleurs. Au fil du trajet, deux autres filles qui entraient en première année s’est jointes à nous, une brune assez sûr d’elle qui semblait un peu rude, mais quand même amicale, et, ô surprise, une fille de ma classe de l’école moldue, Marissa. Nous sommes vite devenue un quatuor d’amies qui allait durer jusqu’à la fin de nos études à Poudlard.
Bien que nous n’étions pas plus populaire que ça, nos études se sont bien déroulées, avec quelques prises de becs ici et là. La blonde s’appelait Rose et la brune, Victoria. L’entrée en scène de mon béguin d’adolescente arrive en 4e année. Jess Becker est arrivé de l’Académie de Beaux-Bâtons et il était… insupportable. On se détestait tellement qu’on s’envoyait sans cesse des piques dans les couloirs et pendant les cours, lorsque le professeur avait le dos tourné. Ça a duré toute l’année comme ça, mes amies en étaient désespérées.
Ce n’est que durant l’année suivante que j’ai presque pris goût à nos petites chamailleries. C’est vers la fin de notre 5e année à Poudlard que j’ai réalisé que j’avais des sentiments pour lui. Je me sentais faible et stupide. Chaque fois qu’il apparaissait au détour d’un couloir, j’avais les mains moites et mon cœur s’emballait. Après chacune de nos tirades, je souriais bêtement. Hélas, ça ne s’est jamais terminé comme dans les films pourris pour ados. Mon caractère fier et timide m’empêcha d’aller lui avouer ce que je ressentais pour lui et rapidement, il se fit une petite amie d’un an notre aînée. Elle était cool, pas timide pour un sou et sûre d’elle. Le temps passa, mon cœur se brisa un peu plus à chaque année.
Arriva enfin notre remise des diplômes à Poudlard. En véritable cliché les filles et moi se promirent de garder contact et d’être amies « pour la vie ». C’est fou comme y croit que c’est possible, surtout lorsque nous allons toutes étudiants dans des domaines et des endroits différents. Je perdis totalement contact avec Victoria après notre première année d’études post-Poudlard. Il faut dire qu’elle étudiait en laboratoire sorcier en Pologne et qu’on ne se voyait plus du tout. Aujourd’hui, je parle encore un peu à Marissa, qui était ma meilleure amie à Poudlard, mais ce n’est plus comme avant. Elle aura bientôt fini ses études dans le domaine des créatures magiques et elle habite avec son petit ami depuis deux ans, en France. Il ne me reste plus que Rose qui est plus près, mais en véritable crise existentielle, elle est partie en voyage en Inde avec des membres de sa famille.
Me voici donc, âgée de presque vingt et un ans, toujours seule sur le plan sentimental, vivant en colocation depuis bientôt trois ans sur le chemin de traverse avec une fille avec qui j’étais à Poudlard et que maintenant j’adore. Nous poursuivons toutes les deux nos études en éducation magique, pour ma part en histoire de la magie et elle en sortilèges. J’aurais normalement mon diplôme l’an prochain et j’avais hâte, mais le monde en a décidé autrement. Le mage noir Voldemort est revenu en force et je suis une née-moldue, comme ma coloc, Jenna. Nous ne pouvons pas retourner en cours en septembre et nous devons partir nous cacher si nous voulons survivre. J’ai peur, pas seulement pour moi, mais aussi pour mes proches. J’ai envoyé mes parents et ma grand-mère se cacher au Canada, de l’autre côté de l’océan, assez loin pour que personne ne les retrouve. Jenna et moi, nous sommes en train de faire nos bagages en ce moment même.
Le seul avantage à la situation : j’en ai oublié Jess Becker. La vie est bien trop courte et effrayante pour continuer à me morfondre sur un mec que je n’aurais jamais, même si je lui souhaite, à lui et à tous les autres, de se sortir de ce merdier qu’est devenu la Grande-Bretagne.