Cela faisait plus d'une heure que ça avait commencé. Pourtant, il ne sentait aucune fatigue. Ses membres ne le picotaient pas, il ne se sentait pas sur le point de tomber de son balai. Au contraire, c'était son cœur qui donnait le tempo, et celui-ci tamponnait contre sa poitrine au rythme des acclamations des tribunes. Il n'avait pas envie de voir qui le huait ou l'acclamait. Il n'avait même pas envie de voir les filles se serrer contre elles afin de l'apercevoir de loin. Tout ce qui comptait pour James Potter en ce moment même, c'était d'attraper le Vif d'Or. Son équipe menait de deux-cent-vingt points contre deux-cent. C'était l'un des matchs les plus tendus qu'il eût jamais à jouer. Bien que cela lui eut arraché la langue que de l'admettre, mais il n'avait jamais vu les Serpentards aussi bien jouer. Chaque muscle de son corps était tendu, de sorte à ce qu'il ne commette aucune faute. Son équipe s'était tenu remarquablement bien. Il avait vu Sirius serrer du poing et Franck cogner sa batte en l'air à la suite des provocations de la maison adverse, mais aucun n'avait franchi la limite. Cassidy jouait exceptionnellement bien, comme à son habitude, et avait marqué à elle seule la moitié des points. Son équipe brillait. C'était à lui de briller à présent. Il ne pouvait s'empêcher de sentir Malefoy derrière lui. Bien que son balai fût plus rapide que celui de son ennemi, et que James se savait bien plus habile, il ne pouvait s'empêcher d'enfoncer les ongles dans ses mains pour ne pas flancher. Soudain, il le vit : comme une lueur, comme s'il l'avait appelé. Le Vif d'Or, brillant de mille feux, l'attendaient quelques mètres plus loin, le défiant de l'attraper. James délaissa ses mains devenues douloureuses pour agripper son balai de toutes ses forces : son seul et unique but était de gagner. Il se fichait de faire des figures pour impressionner la galerie, ça lui était égale d'être acclamé. L'important, c'était de faire gagner son équipe, c'était de battre Serpentard, c'était d'attraper le Vif d'Or. Il accéléra, plongea vers le bas, prit un virage serré vers la droite, remonta en piqué, tourna à gauche et, alors qu'il tendait son bras à quelques centimètres de la boule dorée...
-Si tu l'attrapes Potter, on se vengera sur la sang-de-bourbe !
Malefoy le talonnait, il était à hauteur de ses hanches, mais James pouvait entendre sa voix lancinante dans ses oreilles.
-Cette fois-ci, même ses sales moldus de parents ne la reconnaîtront pas.
Malefoy prenait de la vitesse, et le bras de James s'affaissait.
-Il n'y aura même pas besoin de baguette. Les poings suffiront.
Malefoy était désormais à sa hauteur, et James avait replanté ses ongles dans ses mains.
-Qui sait, peut-être qu'elle aimera ça ?
James sentit son cœur cogné, contre ses tempes cette fois-ci, il reprit son manche à balai, bien décidé à en finir avec Malefoy.
-JAMES ! LE VIF D'OR ! lui cria la voix lointaine de Cassidy.
« Venge-la », fut la dernière chose que James se dit avant de tendre la main et...
-GRYFFONDOR L'EMPORTE !
Une explosion de joie fusa de toute part de James. Malefoy avait disparu de son champ de vision, cette fois-ci élargi par la marée humaine qui se dirigeait vers lui. Un flot rouge et or l'enlaça de toute part, lui criait dans ses oreilles et lui tapait dans le dos. Au loin, il entendit des cris de rage. Mais rien ne comptait plus à présent : il avait attrapé le vif d'Or, il s'était vengé. Il l'avait vengée.
-Je t'avais dit que tu serais contente d'être venue.
-Lâche-moi avec ça.
-Tu aurais dû te voir sauter de joie, une vraie midinette.
-Alice, je te préviens...
-C'était sans compter les larmes qui perlaient dans tes yeux !
-Ferme-la.
Lily se rembrunit alors que son amie éclatait de rire à ses côtés. Elle ne l'avouerait jamais à voix haute, mais il était vrai que le match de Quidditch auquel elle venait d'assister était le plus beau de sa vie, bien qu'elle n'eût pas assisté à beaucoup de rencontres. Tout d'abord, elle avait été le témoin des rires nerveux de Nelly et Remus alors qu'ils se tenaient publiquement la main, et avait même vu un baiser volé lors d'un but marqué par Cassidy. Puis il y avait eu la victoire. Jamais elle n'avait ressenti autant d'émotions de sa vie : la peur, la rage, puis le soulagement intense, l'enthousiasme, la joie profonde et vraie d'avoir gagné contre Serpentard. Elle en avait oublié Malefoy et Rogue. Seulement, il était irrévocablement impossible pour elle d'oublier James dans ce contexte-ci, alors qu'une horde de groupies déchaînées scandait son nom de toute part de Poudlard. Elle avait pensé qu'en rejoignant la Salle Commune les cris se calmeraient, mais tout était pire : des banderoles avaient été installées, de la musique tonnait dans la pièce et Lily avait même vu des quatrièmes années avec des Bièraubeurres sous le bras. Pour couronner son agacement, Alice ne cessait de se bidonner à ses côtés.
-Tu as gagné, j'arrête.
La rousse se sentit quelques secondes soulagée.
-J'ai quand même une dernière question.
-Quoi ? demanda-t-elle avec méfiance.
-Tu ne crois pas que notre grand gagnant mérite une récompense ? Je suis persuadée que si tu le laisses t'embrasser à nouveau, ce sera officiellement le plus beau jour de sa vie.
N'y tenant plus, Lily administra une tape sèche sur l'épaule d'Alice.
-On a fait un pacte ! Plus jamais on ne devait en parler ! dit-elle, les dents serrées et les joues écarlates.
Alice, les larmes aux yeux tant elle riait, se retint de répondre quoi que ce soit.
-Blague à part, tu comptes cautionner cette petite fête, Madame la Préfète-en-cheffe ?
Lily réfléchit un instant : elle avait bien entendu été outrée de voir des adolescents de quatorze ans avec des Bièraubeurres à la main, avait réprimandé des deuxièmes années qui étaient restés dans la salle et avait fichu dehors à grands coups de baguette des filles de Serdaigle, venues « voire le héros du jour ». Puis elle se souvint de l'euphorie qui s'était répandue dans ses veines lorsque Gryffondor avait gagné, et se dit qu'il serait injuste de sa part de priver les joueurs de fêter leur victoire.
-Je vais aller me chercher une Bièraubeurre. Je serais idiote de ne pas cautionner cette fête. Sans compter que je ne suis pas la seule qui peut en décider.
-Autant dire que ce serait perdu d'avance, murmura Alice en pointant son doigt sur le portrait de la Grosse Dame qui venait de s'ouvrir.
L'équipe de Gryffondor au complet passa les portes, James le premier. Lily sentit son ventre se tordre en le voyant. Il semblait rayonnant. C'était la première fois qu'elle le voyait sourire ainsi : sans artifice, sans arrogance ni mépris. Il était tout simplement heureux. En secouant la tête et rougissant de ses pensées, la rousse alla se servir une Bièraubeurre et se retira dans le coin le plus loin possible de James Potter.
La fête battait son plein, et les joueurs de l'équipe de Gryffondor chantonnaient des chansons au milieu de la Salle commune, où une foule déchaînée les acclamait. Alice éclata de rire en voyant que Franck tentait une voix d'octave. Elle adorait le voir ainsi : plein de vie, enthousiaste et heureux. Elle se rendait parfaitement compte de la chance qu'elle avait de sortir avec Franck Londubat, le beau joueur de Quidditch. Une amertume lui vint à la bouche lorsqu'elle pensa au nombre de gens qui ne la pensaient pas à la hauteur. Elle-même en avait douté, et doutait parfois encore : elle n'avait pas un corps athlétique à l'instar de son petit-ami, était moins doué à l'école et moins populaire. Parfois même, lorsque toute confiance avait quitté son esprit, Alice se mettait à penser qu'elle ne le méritait pas une seule seconde, et qu'il finirait par la quitter. De plus, si la jeune femme aimait autant voir son petit-ami de longue date ainsi, c'était parce qu'il était en règle générale plus calme et en retrait lorsqu'il se retrouvait avec elle. Il n'était pas du genre à la rassurer, et Alice en avait cruellement besoin. Alors qu'elle ressassait ses pensées, son sourire s'évaporant de son visage, Franck déboula de la foule hystérique et l'embrassa en vitesse.
-Tu as vu cette fête ? Je crois que jamais mon équipe n'a été aussi contente de gagner !
-C'était super ! Tu as vraiment bien joué.
-Oui, et Sirius était aussi exceptionnel ! Je savais bien qu'on pouvait les battre à plate couture sans les faire tomber de leur balai.
Alice se contenta de sourire. Elle n'arrivait pas à faire partir le petit goût amer que sa Bièraubeurre lui avait laissé au fond de la gorge.
-Tu vas bien ? Tu as l'air pensive.
Alice réfléchit un instant : elle n'avait jamais réellement fait part à Franck de tous ses doutes. Il lui arrivait d'allumer la mèche, mais jamais le garçon n'en faisait cure. Plus leur relation avançait- et devenait de prime sérieuse- plus la jeune femme se disait qu'il serait temps que son petit-ami sache toute la vérité. Cependant, quand elle vit que Franck tournait déjà la tête vers son équipe pour les rejoindre, elle répondit comme à son habitude :
-Tout va bien. Va t'amuser, on se voit plus tard.
Le garçon lui sourit, posa ses lèvres sur sa joue et repartit chanter de plus belle avec son équipe. L'esprit désormais morose, Alice voulut rejoindre Lily, mais il était difficile de distinguer quoi que ce fût dans le désordre de la salle commune. Alors qu'il lui semblait voir une tignasse rousse à quelques mètres, une autre personne déboula de la foule et lui tomba dessus :
-Alice ! Tu es exactement la personne que je cherchais !
La jeune femme sursauta lorsque Nelly lui agrippa le bras. Elle semblait proie à une forte angoisse.
-Qu'est-ce qu'il se passe ?! Tu as l'air toute excitée !
Alice vit son amie reprendre son souffle et lui montrer un coin plus tranquille, où il restait un bout de fauteuil à occuper. Elle s'assit, et attendit que Nelly prenne parole :
-Je ne sais pas du tout comment m'y prendre ! lâcha la brune après quelques secondes de réflexion.
Alice dut se retenir pour ne pas éclater de rire. Nelly semblait tellement vulnérable ainsi qu'il était difficile de garder son sérieux.
-Continue, l'encouragea-t-elle tout de même.
-Et bien, j'adore Remus. Mais je suis complètement nulle avec lui. Je suis sûre qu'il regrette déjà de m'avoir demandé de sortir avec lui ! En plus, si tu le voyais, il est tellement imposant avec ses remarques intelligentes et son petit air de poète déchu. Moi, et bien... Je ne suis que moi. Quand on s'embrasse, tout va bien. Sans compter qu'il embrasse comme un dieu, mais là n'est pas la question. Mais quand on se parle, je perds complètement mes moyens et plus un mot ne sort de ma bouche ! Tu crois que c'est normal ? Tu penses qu'il regrette ?
Cette fois-ci, Alice ne put se retenir et laissa éclater son rire. Devant l'air ahuri de Nelly, elle reprit ses esprits par de grandes respirations et se souvint de ses débuts avec Franck, et d'à quel point, encore à l'heure actuelle, elle avait besoin qu'on lui dise ces mots :
-Nelly, sois toi-même, tu n'as rien à être d'autre. Si Remus t'a choisie- et crois bien qu'il avait des vues sur toi bien avant que tu n'en aies sur lui- c'est qu'il apprécie comme tu es. Tu n'as pas besoin de jouer un rôle, ou de faire la conversation si tu te sens gênée. Bien qu'étant donné le débit que tu viens d'avoir dans tes paroles, faire la conversation n'a pas l'air d'être un trop gros problème pour toi. Ne te mets pas la pression. Et embrasse-le beaucoup !
Ce fut au tour de Nelly de rire.
-Tu as toujours les meilleurs mots. Je crois que tu ne te rends pas compte à quel point ton aide est précieuse !
Alice accueillit les bras de Nelly, qui lui furent d'un réconfort apprécié, tant elle espérait qu'ils soient ceux de Franck.
James ne s'était jamais senti aussi vivant. Il ne comptait plus les Bièraubeurres, mais c'était un autre sentiment que l'alcool qui le faisait se sentir aussi bien. L'émotion euphorique d'avoir fait gagner son équipe. Il se sentait prêt à gagner la coupe, prêt à passer ses ASPICS avec brio, prêt à entamer une nouvelle vie. Ce soir-là, James était tout simplement heureux, comblé. De plus, le fait de voir Remus avec Nelly l'emplissait de joie. Il n'avait pu s'empêcher quelques remarques moqueuses lorsqu'il avait vu le teint soutenu de son ami quand il avait annoncé aux Maraudeurs qu'il était en couple. Mais malgré tout, James était ravi. S'il devait être entièrement honnête envers lui-même, il avouerait qu'il ressentait une pointe de jalousie quand il voyait le lycanthrope enlacer la taille parfaite de la brune. Cependant, c'était de la joie sincère et bienveillante qu'il ressentait pour eux. Il espérait que Peter et Sirius pourraient vivre la même chose. Quand il regardait son meilleur ami faire le pitre et l'imiter en train d'attraper le Vif d'Or, James sentait sa joie se dédoubler. Il n'était heureux que lorsqu'il pouvait être au milieu de ses amis. Il aurait voulu que sa sœur participe à l'explosion de joie de l'équipe de Gryffondor, mais Cassidy avait disparu de la Salle Commune. Il se promit de la chercher lorsque l'ambiance se serait calmée. Elle y était pour beaucoup dans la victoire de l'équipe de Quidditch, et pour beaucoup dans son bonheur actuel.
-A quoi tu penses ?
James secoua la tête et revint à la réalité. Sirius se tenait à quelques centimètres de lui, un sourire moqueur aux lèvres.
-A rien de spécial, dit James en haussant les épaules et rougissant quelque peu.
-Menteur. Tu avais un sourire nigaud. Balance !
-J'étais juste en train d'apprécier le moment. Je sens qu'on va la gagner, cette coupe !
Sirius sourit de toutes ses dents en lui tapant dans la main et dans le dos.
-Regarde-moi ça : il ne nous faut rien de plus ! Du Quidditch, des amis et des Bièraubeurres.
James acquiesça. Mais, lorsqu'il y réfléchit de plus près, il manquait quelque chose pour parfaire à son bonheur. Presque machinalement, il fit un tour des yeux de la Salle commune, à la recherche d'une couleur de cheveux bien spécifique. Lorsqu'il l'aperçut en train de s'énerver contre un deuxième année, il sourit et son cœur se mit à battre plus prestamment dans sa poitrine. Puis il la vit secouer la tête, prendre sa baguette et s'engouffrer dans le portrait de la Grosse Dame. Poussé par l'impulsion du moment, James s'excusa auprès de son équipe, posa rapidement sa Bièraubeurre sur un coin de table et passa à son tour l'encadrement de la porte. Il mit quelques instants à repérer où elle s'en allait : précisément dans le local des Préfets-en-Chef. Sentant que les habituelles remarques arrogantes et autres sarcasmes étaient sur le point de le lâcher, James se sentit soudainement démuni. Il entra à son tour dans le local et vit la rousse penchée vers l'étagère où ils rangeaient leurs rapports quotidiens. Il plissa des yeux pour mieux voir : Lily n'était pas en train de chercher les parchemins, mais elle prenait enfaite des Bièraubeurres. Il sourit : il savait parfaitement ce qu'il allait faire.
-Et bien, je vois que tu en caches des choses ici.
La rousse sursauta tellement qu'elle fit tomber les quatre Bièraubeurres qu'elle avait tenté de mettre dans ses bras.
-Navré, je ne voulais pas te faire peur, dit James avec un sourire narquois.
Il vit Lily devenir rouge de colère. Il aimait beaucoup la teinte que ça donnait à ses pommettes.
-Potter, si tu ne fiches pas le camp d'ici tout de suite, je t'assure que je vais...
-Quoi ? demanda-t-il, provocateur. Tu vas appeler Mcgonagall ? Tu vas crier ? Me lancer un sort ? Ou peut-être me jeter une de ces Bièraubeurres à la figure.
Plus il parlait, plus il avançait vers Lily. Il vit sa lèvre inférieure trembler. Les bras de la jeune femme ne bougeaient cependant pas, et il fut rassuré de voir qu'elle n'avait pas sorti sa baguette. Jamais il ne pourrait la provoquer en duel.
-Potter, je ne suis vraiment pas d'humeur à écouter tes sornettes. Je vais prendre ces Bièraubeurres, qui sont pour Alice, Nelly et Remus, soi-dit-en-passant, et tu vas me laisser passer.
-La quatrième, elle est pour qui ?
-Comment ça ?
-Tu as dit que les Bièraubeurres étaient pour Alice, Nelly et Remus. Mais tu en as quatre.
James se mordit la lèvre pour ne pas rire lorsqu'il vit la Gryffondor jeter un regard coupable sur ce qu'elle tenait dans ses mains.
-Je...
-Tu n'as pas besoin de te justifier. Ton équipe de Quidditch a gagné, et tu as envie de fêter ça. Pas de quoi en faire un drame.
Il était sincère lorsqu'il disait ça. Lily ne répondit pas, mais ses épaules semblèrent se détendre. James eut presque juré qu'elle allait lui sourire. Quand il vit qu'elle ne bougeait pas, il décida de s'approcher. Ils n'étaient désormais plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre.
-Mais à l'avenir, préviens-moi quand tu veux planquer des boissons dans notre local. Je t'amènerai quelque chose de plus fort.
Cette fois-ci, la rousse ne put retenir son sourire, mais leva aussi les yeux au ciel :
-Je n'ai pas besoin de quelque chose de plus fort. C'était occasionnel et ça ne se reproduira pas !
James éclata franchement de rire.
-Tu n'enlèves jamais cette étiquette de Préfète-en-Chef...
-Coincée, c'est ça que tu veux dire ?
James se retint. Il n'avait pas envie de la froisser, alors qu'elle semblait se détendre à nouveau.
-Non, pas coincée. J'allais plutôt dire... « Sérieuse ».
Lily haussa un sourcil.
-Il n'y a aucune honte à être sérieuse. Si tu l'étais un peu plus souvent, peut-être que...
-J'aurais les meilleures notes de la classe ? Mis à part toi, je suis le meilleur, je te rappelle.
Il la vit fulminer. Il sourit : il n'y avait rien de plus réjouissant pour lui que de la voir se mettre dans tous ses états pour des notes.
-Bien. Si tu as fini de te moquer de moi, j'aimerais passer. J'ai quatre Bièraubeurres à rapporter de toute urgence à la Salle commune parce que tu as gagné le match, toi qui es si fort, si intelligent et si doué.
James sentit la situation lui échapper des mains alors qu'elle passait devant lui et s'approchait dangereusement de la sortie. Se mordant la lèvre pour trouver quelque chose qui la ferait rester quelques instants de plus, il prit une grande inspiration et lui lança :
-Lily, attends !
Jamais James n'avait vu la jeune femme se tendre aussi rapidement. Même ses remarques les plus acerbes ne la rendaient pas aussi crispée. Quant à lui, une sensation toute nouvelle se propageait dans son ventre. C'était la première fois qu'il l'appelait ouvertement par son prénom. Il se rendit compte qu'à quel point c'était un joli prénom, et qu'il lui allait si bien. Regingué d'une nouvelle énergie, il s'approcha à nouveau de la rousse. Elle ne bougeait pas. Tentant le tout pour le tout, il posa une main sur son épaule et la fit pivoter pour la forcer à le regarder dans les yeux.
-Avant que tu ne dises quoi que ce soit, laisse-moi te dire une chose.
C'était Lily qui avait parlé, James pouvait sentir son corps s'affoler sous sa main.
-Je t'écoute.
-Je n'ai pas besoin que tu aies pitié de moi. Peut-être que je suis la Préfète-en-Chef coincée que tu penses que je suis, et que je mérite toutes tes moqueries. Mais je n'ai pas besoin qui quiconque ait pitié du fait que je sois seule et sans défense. Compris ?
James dut faire appel à tous ses muscles pour garder un visage impassible. Comment pouvait-elle croire qu'il était là par pitié ? « Elle parle de Malefoy et des fois où tu lui as sauvé la mise ». Il aurait pu se lancer dans un discours pour lui dire à quel point elle avait tort. Comme il la trouvait sexy plutôt que coincée, courageuse plutôt que faible, intelligente plutôt que sérieuse. Mais il n'était pas prêt à dire ses mots. Lorsqu'il l'avait appelé par son prénom, il n'y avait une seule chose qu'il avait eu envie de faire. Et ce n'était pas de parler. Alors, James reprit son sourire arrogant et planta son regard dans les yeux émeraude de Lily Evans.
-Entièrement compris.
Il fit descendre la main de l'épaule de la jeune femme à sa hanche, en prenant soin d'effleurer ses seins. Une autre sensation - dont il avait plus l'habitude cette fois-ci- s'empara désormais de son bas-ventre quand il la sentit se trahir en accueillant sa main.
-On m'attend, fit Lily d'une voix tremblante et cassée.
-Ils t'attendront encore un peu.
Puis il la poussa gentiment mais avec fermeté contre le mur et l'embrassa. Il la pressa de lâcher les Bièraubeurres pour pouvoir sentir son corps contre le sien, ce qu'elle fit sans rechigner. Il la sentait moins désemparée que la première fois. D'une main plus assurée que ce qu'il ne pensait, James pressa le dos de Lily de sorte à ce qu'il n'y ait plus d'espace entre eux deux. La jeune femme se laissait faire, mais il lui était difficile de dire si elle voulait que ça continue. Pour accentuer leur baiser, le garçon enroula l'autre de ses mains dans ses cheveux bouclés et appuya gentiment. Cette fois-ci, il sentit Lily se contracter sous ses mains. Elle avait les siennes posées sur ses bras, avec douceur. Puis il la sentit se tortiller, et il sut que c'était gagné : elle s'abandonnait à lui. Confiant, sa main droite agrippa la cuisse de Lily et la monta gentiment contre la sienne. Ce baiser était certes moins doux et langoureux que le premier, mais James sentait que la jeune femme était toute aussi pressante que lui. C'était l'exultation de tous les sentiments et ressentiments qu'ils pouvaient éprouver l'un pour l'autre. C'était passionné et sensuel. Délaissant la bouche pulpeuse de la jeune femme, James écarta quelques mèches de cheveux et trouva son cou. Il l'entendit respirer bruyamment et sentit sa poitrine se lever alors qu'il mordillait la naissance de son épaule puis remontait vers le lobe de son oreille, qu'il vint titiller de sa langue. A ce moment-là, Lily s'agrippa à son bras et mit sa main dans ses cheveux, comme pour le presser d'appuyer plus. Jamais il n'avait ressenti cela. Certes, James avait déjà eu des expériences avec des filles. Mais jamais il ne s'était senti perdre pied à ce point-là. Alors qu'il se demandait s'il n'allait pas lui enlever son pull ici même, contre ce mur, ce fut au tour de Lily de stopper net le baiser.
-Attends.
Elle le repoussa gentiment de ses mains délicates. James fut surpris de voir à quel point son souffle était saccadé et à quel point lui-même avait de la peine à sentir l'oxygène dans ses poumons.
-Je t'ai fait mal ?
Elle secoua la tête.
-Ecoute, je crois que je préfère qu'on en reste là pour ce soir. Tu comprends je...
Il la coupa en secouant la tête.
-Tu n'as pas besoin de te justifier. On arrête si tu veux qu'on arrête.
Elle sembla hésiter mais finit par acquiescer. A contrecœur, James décolla son corps du sien, qu'il sentait encore chaud, et mit les mains dans ses poches. Il vit la jeune femme ramasser gauchement ses Bièraubeurres, les joues rosées et le regard gêné. Lui-même ne se sentait absolument pas de faire une blague ou de sortir l'une de ses fameuses remarques. Il la regardait s'en aller, une pointe dans le cœur. Puis, avant de sortir complètement, elle se retourna vers lui avec un air qu'il ne lui connaissait que trop bien :
-Une dernière chose Potter. Si tu dis quoi que ce soit de ce qu'il s'est passé à qui que ce soit, je te réduis en bouilli et je te donne à manger aux Scrouts à Pétards de Hagrid. Compris ?
James éclata de rire, soulagé de voir qu'il ne l'avait pas complètement chamboulée.
-Entièrement compris.
C'était officiel : James Potter ne s'était jamais senti aussi vivant qu'en cette soirée-là.