Dire que tout était revenu à la normal était faux. Certes les cours étaient toujours autant difficiles, le stress face aux ASPICS approchant plus fort que jamais, la neige ne semblait pas vouloir se déloger des arbres, du sol et des bonnets des élèves, et Mr. Rusard hurlait toujours de sa voix fripée pour que les élèves restent en rang. Cependant, depuis le trente-et-un janvier, tout avait changé. Et James en était plus heureux que jamais. Il avait d'abord cru à un rêve, ou peut-être avait-il cru que ça se passerait comme ça s'était toujours passé. Et pourtant, ça n'avait pas été le cas. Lily et lui s'étaient réveillés au milieu de la nuit dans le local des Préfets-en-Chef. Sur la pointe des pieds, ils étaient revenus à la Salle commune de Gryffondor où trônaient des cadavres de Bieraubeurres, une montagne de verres vides et où certains fauteuils avaient été renversés. Aucun des deux n'avait voulu prendre la responsabilité de ranger. James se demandait encore comme ils avaient fait pour échapper au professeur Mcgonagall, et soupçonnait l'enseignante de parfaitement savoir ce qu'il s'était tramé dans cette salle, sans pour autant intervenir. Avant de partir chacun dans leur dortoir respectif, Lily avait posé ses lèvres sur les siennes avec un sourire et l'avait remercié. Puis James s'était rendu compte qu'il ne lui avait même pas offert son cadeau. Il l'avait rattrapé dans l'escalier des filles, qui s'était transformé en toboggan et tous deux étaient tombés par terre dans un grand fracas et éclat de rire. Il lui avait ensuite offert un collier, simple et discret avec un pendentif en forme de lys. Lily avait rougi, l'avait embrassé une dernière fois puis ils étaient allés se coucher. Ça n'était que le lendemain, après s'être souvenu pourquoi sa tête et son cœur cognaient si fort dans ses tempes que James prit conscience de la soirée qu'il avait passé. Pour la première fois de sa vie, il eut la boule au ventre et avait senti ses mains devenir moites à l'idée de la revoir : que devait-il faire ? En rejoignant ses amis, déjà dans la salle commune pour ranger, il l'avait vu et son cœur n'avait fait qu'un bon. Puis, en pensant qu'il était le grand James Potter qui attrapait tous les vifs d'or à des mètres de hauteur, il prit son courage ainsi qu'une grande respiration et alla l'embrasser. Il entendit à peine les rires moqueurs de Sirius derrière lui, les sifflements de Remus et de Peter, et les cris d'exclamation des autres élèves présents. Il voulait que tout le monde sache qu'il sortait avec Lily Evans. En se décollant d'elle, une partie de lui s'attendait à une gifle magistrale, mais il ne vit que le sourire de la jeune femme, les joues rosées qui finit par lui tendre un sac plein d'ordures pour qu'il se mette à ranger. C'était ainsi que les deux dernières semaines s'étaient produites. Ils s'embrassaient lorsqu'ils se voyaient, puis vaquaient à leur occupation. James attendait cela depuis tellement longtemps qu'il n'en prenait que vaguement conscience. Il n'arrivait pas à se sentir entièrement en couple avec Lily. Bien que les entrainements de Quidditch eut été annulé dû à la neige persistante, James devait bien avouer qu'il n'avait jamais autant travaillé pour ses études. Il prenait un peu plus au sérieux les parchemins à rendre, les chapitres à étudier et les sorts à entrainer qu'à l'ordinaire. Depuis son entrevue avec le professeur Mcgonagall, le garçon s'était rendu compte qu'il lui fallait être le meilleur s'il voulait devenir un Auror. Il était ravi de voir que ça en était de même pour ses amis. De plus, James avait enfin honoré la promesse qu'il avait faite à Alice de l'aider, et, désormais, les jeunes gens se voyaient deux fois par semaine pour entrainer leur cours, sans jamais aborder le sujet de Franck. Le jeune homme s'était promis d'avoir une conversation avec lui mais, le Quidditch étant momentanément annulé, il n'avait pu encore le faire. De plus, désormais qu'il était avec Lily, il se devait de l'aider dans les tâches de Préfet-en-Chef qui, il se rendait compte, prenait plus de temps que ce qu'il ne pensait lorsqu'elles étaient faites correctement. Sans compter que la jeune femme passait son temps à la bibliothèque, chose qu'il refusait catégoriquement. C'était pourquoi le temps qu'ils avaient passé ensemble en deux semaines fut relativement restreint. C'était aussi pourquoi James se sentait à la fois fébrile et nerveux de cette journée à Pré-au-Lard entièrement avec elle. Lorsqu'à contrecœur Rusard avait accroché une annonce dans le hall de Poudlard annonçant la sortie à Pré-au-Lard pour la St-Valentin, James avait vaguement ri. Il détestait cordialement cette fête. Puis il s'était souvenu que Lily l'adorerait sûrement. C'était pourquoi il était allé lui demander de l'accompagner de but en blanc ce qu'elle avait accepté avec, il lui avait semblé, surprise. Il regardait désormais les élèves de cinquième année se faire disputer par Rusard et souriait : c'était une vue dont il ne se lasserait jamais. Puis il regarda sa montre, et se rendit compte que son heure de rendez-vous n'était qu'une demi-heure plus tard. Il soupira et décida de rejoindre ses amis : ceux-ci avaient prévu de se rendre à Pré-au-Lard ensemble, et devaient probablement être dans la Grande Salle. James partit à la recherche du reste des Maraudeurs, et les trouva à l'entrée de la Grande Salle d'où ils venaient de prendre leur petit-déjeuner.
-Tu n'es pas avec ta dulcinée ? se moqua Sirius.
-Dans trente minutes, répondit James avec une tape sur l'épaule.
-Parfait, parce que j'ai quelque chose à vous dire, annonça Remus qui semblait pâle, même pour lui. Suivez-moi.
En voyant son ami ainsi inquiet et marchant plus vite que jamais, James eut une crainte : et si Remus avait des ennuis ? Il était tellement habitué à son « petit problème de fourrure » qu'il ne s'inquiétait pas de savoir si cela avait de réelles répercussions sur sa vie. En marchant en silence derrière Remus, James se mit à penser au pire et son cœur s'accéléra : il n'était pas prêt à apprendre une mauvaise nouvelle. Le lycanthrope les amena dans le parc, puis derrière les petits arbres qui longeaient l'enceinte principale de Poudlard, puis il souleva une branche pleine de neige qui tomba sur Peter. Ils prirent ensuite le petit chemin que James connaissait tant, s'assurant de bien marcher dans les empreintes déjà faites, et se retrouvèrent dans leur quartier général, pièce qu'ils comptaient bien occuper régulièrement. En plus de ses obligations de Préfet-en-Chef et de ses devoirs, James avait passé une bonne partie de son temps à penser à de nouvelles blagues avec Sirius, qu'ils comptaient bien mettre à profit dans cette cabane. Remus alluma la lumière, s'assura que la porte était bien fermée, puis prit une grande respiration :
-Voilà, il faut que je vous parle.
James regarda Sirius puis Peter, qui semblaient tout autant sceptiques et inquiets que lui.
-Qu'est-ce qu'il y a mec, ça ne va pas ? demanda Sirius.
-Je ne sais pas, répondit Remus dont la jambe bougeait nerveusement.
-Tu sais qu'on est là, vieux, dit James pour rassurer son ami.
Remus hocha la tête.
-Qu'est-ce qu'il se passe ? demanda enfin Peter.
Remus s'arrêta de bouger et les regarda dans les yeux :
-Nelly et moi, on l'a fait.
Pendant quelques instants, aucun bruit ne se fit.
-Fait quoi ? finit par demander prudemment Sirius.
Remus roula des yeux et inspira bruyamment :
-Ne me dites pas que vous ne savez pas de quoi je parle ! On l'a fait.
Soudain, une explosion de joie retentit dans la cabane. Sirius et James se jetèrent sur Remus avec des accolades, et Peter, qui semblait avoir les yeux plus mouillés qu'à l'habitude, le félicita faiblement. James soupçonnait le garçon d'avoir honte d'être le seul à qui ça n'était pas arrivé. Cependant, c'était le moment de Remus.
-Pourquoi tu nous annonces ça comme si quelqu'un était mort ? lança soudainement James, en se rendant compte que son ami avait toujours une tête d'enterrement.
-Parce que vous ne m'avez pas laissé finir et que vous avez agi comme les mecs immatures que vous êtes.
Remus semblait agacé, et James ne comprenait pas pourquoi.
-Oh, c'est vrai que toi tu es un homme maintenant, lança Sirius, sarcastique.
-Laissez-le s'exprimer, dit soudainement Peter à la surprise de tout le monde.
James le regarda avec de grands yeux avant de se tourner vers le lycanthrope :
-Bien, exprime-toi.
Alors que Remus ouvrait la bouche, James s'exclama soudainement :
-Ma cape ! C'est pas vrai, je l'ai cherchée partout. Comment j'ai fait pour l'oublier là ?
Il se détacha momentanément de ses amis pour aller chercher sa cape d'invisibilité qui trainait par terre et la mettre contre lui comme un enfant qui aurait retrouvé son doudou.
-Pardonne-moi, tu peux y aller.
Mal à l'aise, Remus s'éclaircit la gorge :
-C'était à la soirée de Lily.
-Il s'est passé beaucoup de choses à la soirée de Lily, coupa James avec un sous-entendu.
Puis il leva les bras lorsqu'il vit le regard fusilleur de Remus.
-Comme je le disais, c'était à la soirée de Lily. J'ai été parlé à Nelly, et elle était... plus belle que jamais. Elle m'a embrassée. C'est là que Sirius, tu es venu nous interrompre avec la classe que l'on te connait tous.
James se tourna vers son meilleur ami et les deux se jetèrent un regard entendu.
-Ensuite, eh bien... Disons que l'on n'a pas arrêté. J'aimerais dire que c'était à cause de la boisson, mais je n'avais quasiment rien bu. Je me suis juste rendu compte que j'avais agi comme un naze avec Nelly, et j'ai voulu lui montrer que je tenais à elle.
-Eh bien, t'aurais pas pu faire mieux de lui montrer comment tu tenais à elle qu'en...
-Et donc ! coupa Remus avant que Sirius ne puisse dire la fin de sa pensée, nous sommes venus ici.
D'un geste, les trois amis s'éloignèrent des meubles qu'ils touchaient, prudents.
-Ça va, on ne l'a pas fait sur l'étagère, dit Remus avec humeur.
-Eh bien où alors ? lança James en regardant la pièce exiguë comme si c'était devenu un endroit potentiellement dangereux.
Remus parut plus mal à l'aise que jamais :
-Justement... C'était dans le feu de l'action, et on n'allait pas se coucher sur ces planches de bois. Pour que ce soit plus confortable, j'ai pris la première chose qui m'est tombé sous la main. J'ai d'abord cru que c'était ma veste mais... C'était ta cape.
Comme brûlé au fer rouge, James lâcha brutalement le morceau de tissu qu'il avait dans un cri de dégoût :
-MA cape ?! Ma cape d'invisibilité qui me vient de mon père ? La cape qui nous sert à faire tous nos sales coups ? Celle qui m'a sauvé la vie ? Tu es entrain de me dire que je dois brûler la cape de mon père et de son père avant lui ?!
Remus soupira et haussa des épaules :
-Mais non, je la nettoierai.
-Et comment ?! C'est une cape d'INVISIBILITE !
-Pas de panique, lança Sirius qui venait de soulever la cape avec le bout de sa baguette, on est des sorciers non ? Alors on agira en tant que sorciers. Il est évident que je n'irai plus jamais sous cette chose avant que tu t'en sois occupé, Lunard.
Remus acquiesça et lui prit la cape des mains. James, désormais agacé, avait tout de même envie de connaître la chute de l'histoire :
-Et donc ?
-Et donc... On ne s'est pas reparlé depuis.
-Comment ça... ? Rien du tout ? Mais après, qu'est-ce que vous vous êtes dit ? demanda Sirius.
-Ben, c'est ça le truc. Pas grand-chose. Elle avait l'air... Bizarre. Puis elle est partie avant moi, et, quand je suis revenu à la fête, elle n'y était plus.
Pendant quelques instants, personne ne pipa mot. Puis Sirius se lança :
-Et... Comment c'était ?
James vit Remus rougir. Il haussa les épaules et dit :
-J'imagine mieux pour moi que pour elle, vu la façon dont elle a réagi...
-T'inquiète, c'est normal la première fois. Pour les filles, ça peut être plus... Douloureux.
James sentait que Peter, à ses côtés, aurait eu envie de se transformer en rat, de creuser un trou et d'y rester à tout jamais. Remus aussi, cependant, le jeune homme sentait que son ami avait besoin d'en parler.
-T'es doué partout, y'a pas de raison que tu le sois pas dans ce domaine, dit-il pour détendre l'atmosphère.
Remus roula des yeux au ciel :
-Eh bien je vous ai qu'elle avait l'air bizarre ! Pourtant, ça avait quand même l'air d'aller. Et puis, j'ai été gentil, j'espère...
-Peut-être qu'elle aime bien les loups... dit Sirius avec un air moqueur.
James pouffa de rire mais s'arrêta lorsque Remus leur attribua une forte tape sur l'épaule.
-Ça ne me fait pas rire !
-Oh ça va, lança Sirius boudeur, ce n'est pas ma faute si Nelly n'a pas apprécié la vue du petit Remus.
-Pas si petit que ça... lança James avant de se reprendre une tape.
Sirius et lui se mirent à pouffer. Peter ne pipait mot et Remus les regardait comme s'il aurait voulu les tuer du regard.
-C'est ça, moquez-vous de moi. Je savais que je n'aurais pas dû vous en parler.
-Allais c'est bon, on arrête, dit Sirius en se reprenant. Plus sérieusement, pour les filles, c'est souvent un plus gros cap à passer que pour les garçons. Alors je suis sûr que tu n'as rien fait de mal. C'est juste...comme ça, c'est normal.
-Oui, renchérit James. Et puis, un conseil, si tu veux vraiment savoir ce qu'il s'est passé, il n'y a qu'à Nelly que tu puisses en parler. Alors profite de cette journée pour le faire. Et surtout, lave ma cape !
Avant d'entendre la réponse de Remus, James regarda sa montre et lâcha un cri affolé :
-Je dois y aller les loosers ! On se retrouve dans la salle commune ce soir !
En ne prenant même pas la peine de fermer sa veste malgré le froid ambiant, James courut à travers la neige et sentit ses pantalons devenir humides. Puis il passa les branches, qui lui trempèrent ses cheveux et ses lunettes, sauta par-dessus les buissons et, essoufflé, finit sa course dans la foule d'élèves prêts à partir pour Pré-au-Lard.
-Eh bien Mr. Potter. Je vois que l'on est toujours aussi ponctuel, lança Rusard avec un air moqueur dont James fut outré.
Puis il la vit. Elle l'attendait, emmitouflée dans son écharpe et son bonnet. Ses cheveux roux contrastaient avec le blanc environnant. Il la trouvait belle. Il sourit, puis se dit qu'il devait avoir l'air d'avoir couru un marathon. Pour ne pas qu'elle confonde l'humidité de ses cheveux avec de la transpiration, James fourra son bonnet sur son crâne, essuya ses lunettes du mieux qu'il put et déplora le fait de ne pouvoir lancer un sort devant tout le monde pour sécher le bas de ses pantalons. En reprenant son souffle, il lui tapa sur l'épaule et dit :
-Salut, toi. Désolé d'être en retard, Remus voulait nous parler.
En se retournant, Lily fronça des sourcils : elle ne semblait pas énervée, mais James se rendit compte qu'il avait moins réussi à cacher sa course folle que ce qu'il ne pensait. Il devait avoir les joues rouges, et rougit d'autant plus rien que d'y penser.
-Ne t'inquiète pas, je viens d'arriver. Rusard m'a fait une remarque sur le fait qu'il comprenait maintenant pourquoi je faisais n'importe quoi durant mes rondes. Tu sais de quoi il parle ?
James regarda le concierge déblayer la neige avec un sourire moqueur et des yeux de fouine. Il se demanda depuis quand le Cracmol de Poudlard se permettait de se moquer des élèves en couple.
-J'imagine qu'il doit prendre sa revanche. Laisse tomber, dit-il avant de lui baiser gentiment la joue.
Lily sourit et tous deux se frayèrent un chemin parmi les plus jeunes. James se rendit compte qu'en temps normal, il aurait hurlé aux petits de se pousser et aurait fait valoir ses privilèges. Mais, en présence de Lily, il n'osait pas se comporter de la sorte. À vrai dire, il ne savait pas du tout comment se comporter. C'était la première fois qu'ils se voyaient réellement les deux, sans que ce soit en coup de vent, entre deux classes ou avec leurs amis. Il voulait lui prendre la main, mais n'osait pas. Il voulait la prendre par les épaules, mais n'osait pas. Il aurait voulu lui parler de sa journée, mais ne savait pas si ce serait une bonne idée de parler à Lily des blagues que lui et Sirius voulaient prévoir pour la fin de l'année. Puis, alors que le silence devint presque pesant, il eut une idée :
-Aufaite, Remus nous a parlé...
Parler des autres, c'était toujours quelque chose qui marchait. Lily se tourna vers lui et fronça des sourcils :
-De quoi ?
James lui lança un regard entendu, auquel elle répondit par un haussement d'épaules :
-Je suis censée être au courant de quelque chose ?
Il ne savait pas si elle faisait exprès pour protéger Nelly, mais James eut l'impression que Lily était réellement perdue. Puis il se souvint de ce que Remus avait dit : serait-il possible que Nelly ne l'ait dit à personne ? Plus gêné que jamais, il s'éclaircit la gorge et dit :
-Oh non, c'est juste qu'il nous a parlé d'un truc d'arithmancie, je crois qu'il viendra t'en parler.
Lily parut dubitative et James sentit ses joues se rosir encore plus. Il fallait qu'il change de sujet.
-Bon et sinon, ça a été tes révisions, Miss bibliothèque ?
Il savait que c'était un sujet dont Lily pourrait parler sans relâche, et, peu lui importait, il aimait l'écouter. Les deux se dirigèrent donc vers Pré-au-Lard, en parlant naïvement de métamorphoses et de sortilèges et de la manière dont ils allaient organiser leurs révisions respectives d'ici les ASPICS. James se sentait mieux, mais n'osait pas encore lui prendre la main. Il se dit que finalement, il n'en savait pas plus que Remus ni que quiconque lorsqu'il s'agissait de relations.
Elle aurait préféré éviter de devoir se retrouver au milieu d'une foule d'élèves surexcités, la plupart en couple. Mais Alice avait insisté pour qu'elles passent la journée ensemble, afin de « casser avec les stéréotypes de la société ». Mais Nelly n'avait pas besoin de cela. Elle avait envie d'être seule, comme la plupart du temps depuis cette fameuse soirée. Elle se demandait comment ses amies n'avaient pas remarqué son changement. Ou peut-être avaient-elles, mais n'avaient-elles rien dit. Nelly savait qu'elle était une experte pour cacher ce qu'elle ressentait. Cependant, pour une fois, elle aurait voulu que ses amies la remarquent. Qu'elles lui demandent ce qui n'allait pas. Car elle-même était incapable de mettre des mots sur ce qui lui arrivait. Elle se sentait plus nulle que jamais. Elle n'avait pas été contente lorsqu'elle avait compris qu'il y aurait enfin plus entre Lily et James. Elle s'était sentie soulagée lorsqu'Alice était revenue vers elle le lendemain, seule elle aussi. Lily avait été incroyablement touchée par son dessin, mais Nelly regrettait de le lui avoir offert. Actuellement, elle se sentait comme la pire des impostures.
-Il y a quelqu'un pour toi.
Nelly suivit le regard d'Alice et sentit son cœur cogner contre sa poitrine, d'une manière qui n'augurait rien de bon. C'était Remus. Il semblait déterminé, mais avait les mains dans les poches.
-Salut les filles. Vous allez bien ?
-Parfaitement ! sourit Alice. Et toi ?
-Ça va, répondit-il simplement. Alice, ça t'ennuie si je t'emprunte Nelly un moment ?
-Sûrement pas, répondit la jeune femme en lançant un grand sourire entendu à Nelly, ce qui fit dire à cette dernière que personne ne la comprenait.
Si elle avait pu tromper ses amies, c'était impossible avec Remus. Il semblait deviner ce qu'elle ressentait, avant qu'elle-même ne le sache. Elle s'éloigna, la boule au ventre et les mains tremblantes. Puis Remus s'arrêta et se retourna vers elle :
-Ecoute Nelly... Je dois t'avouer que je ne comprends pas ce qu'il se passe. On ne s'est pas parlé depuis... Depuis cette soirée. Et je voulais savoir : est-ce que j'ai fait quelque chose que je n'aurais pas dû ?
La jeune femme eut envie de pleurer. Elle se rendait compte qu'elle avait blessé Remus, et que peut-être une petite partie d'elle-même le faisait exprès. N'avait-elle pas pourtant rêvé qu'il revienne vers elle ? Ne s'était-elle pas imaginée la scène des centaines de fois avant de s'endormir ? Et, désormais que ça devenait réalité, elle fuyait. Pourtant, elle ne voulait pas devenir une personne qui se vengeait. Et puis, Remus n'était pas quelqu'un de mauvais. Mais c'était plus fort qu'elle, elle ressentait un blocage, et elle se sentait incapable de l'affronter.
-Tu n'as rien fait de mal, assura-t-elle pourtant.
Remus sembla se détendre. Il s'approcha et lui prit la main :
-Tant mieux. Parce que... J'aurais voulu que l'on se parle. Que l'on mette au clair ce qu'on est l'un pour l'autre.
Le cœur de Nelly se mit à tambouriner contre sa poitrine, mais la peur reprenait le dessus. Elle dégagea sa main plus vite qu'elle ne l'aurait voulu et dit :
-J'ai promis à Alice de passer la journée avec elle. Tu sais, depuis qu'elle n'est plus avec Franck... Est-ce que l'on peut se parler une autre fois ?
Elle se sentait lâche, et méchante. Elle voyait qu'elle le blessait. Elle ne savait pas pourquoi elle réagissait ainsi, et elle aurait voulu que quelqu'un lui explique ce qui se passait. Remus acquiesça :
-Oui, d'accord. Je suis désolé, si j'ai été trop insistant. Passe une bonne journée.
Puis il s'en alla, et Nelly voulut le retenir. Lui sauter au cou, lui dire qu'il passerait la journée de St-Valentin ensemble, mais elle n'y arriva pas. A la place, elle chassa les larmes qui menaçaient d'arriver et rejoignit Alice en faisant comme si Remus et elle avaient eu une discussion des plus normales. Nelly se dit qu'elle ne pouvait pas réellement en vouloir à ses amies de ne pas la comprendre, car elle-même n'y arrivait pas.
-Où est-ce que tu veux aller ?
-Eh bien, j'ai pensé qu'on pourrait aller visiter un peu Pré-au-Lard.
-Ça me va, mais je t'en prie, pas de Madame Piedodu.
-Sûrement pas.
Ça lui avait coûté de retourner vers Benjamin, et de lui demander de l'accompagner à Pré-au-Lard, qui plus est le jour de la St-Valentin. Bien qu'elle essayait au plus fort d'elle-même de se convaincre qu'il serait revenu vers elle, Cassidy se rendait bien compte que si elle n'avait fait le premier pas, Benjamin ne lui aurait plus adressé la parole. Pourtant, elle ne comprenait pas ce qu'elle pouvait avoir fait de faux. Après la soirée, qui avait été catastrophique pour elle à bien des égards, elle s'était sentie plus seule que jamais. Dorcas et elle ne s'adressaient plus la parole depuis leur dispute, et Cassidy ne savait même pas ce que son ex-amie avait prévu pour la journée des amoureux. Elle avait passé son temps avec Alice, parfois avec James lorsqu'il n'était pas accompagné de Sirius ou de Lily. Remus avait été d'un grand soutien, mais elle le voyait trop rarement pour que ça comble le vide que ses anciennes relations lui laissaient dans le cœur. Alors elle était allée lui reparler. Elle avait voulu s'excuser, mais elle ne comprenait pas de quoi. Car, si elle s'écoutait réellement, Cassidy trouvait que c'était l'attitude de Benjamin qui n'avait pas été acceptable. Il l'avait écouté sans grand intérêt, puis avait vaguement acquiescé lorsqu'elle lui avait parlé de passer la journée ensemble. Elle l'avait attendu vingt minutes dans le froid glacial puis, après qu'il se soit détaché d'Emmeline et d'Irina avec qui il semblait passer beaucoup de temps, il l'avait rejoint et tous deux avaient fait le chemin dans un casi silence total. Benjamin ne faisait aucun effort pour faire la conversation et, encore une fois, Cassidy se demandait ce qu'elle avait bien pu faire pour mériter cela. Ils venaient d'arriver à Pré-au-Lard et se demandaient par où commencer.
-Tu préfères faire les boutiques ou qu'on aille boire un verre ? demanda-t-elle avec un petit sourire en espérant qu'il choisisse la deuxième option, tant elle était congelée.
Il haussa les épaules négligemment :
-C'est toi qui voulais venir, à toi de choisir.
Cassidy ravala la bile qu'elle avait au fond de la gorge et dit d'une petite voix :
-Alors allons-y pour un verre. Les Trois Balais, ça te va ?
-Du moment qu'il y a Madame Rosmerta, tout me va.
La remarque la piqua, mais elle ne dit rien. Ils entrèrent dans le bar déjà bondé d'élèves, prirent une place à une table pour deux personnes dans un coin puis commandèrent une Bieraubeurre et un chocolat chaud, Cassidy se sentant incapable d'avaler quoi que ce fût d'alcoolisé. Benjamin ne parlait toujours pas. La jeune femme enleva sa veste et son écharpe : elle avait fait un effort vestimentaire ce jour-là, et était plus féminine qu'à l'accoutumée. Elle aurait espéré qu'il le remarque, mais le garçon se bornait à regarder dans une autre direction. Elle but une gorgée du liquide brûlant qui lui chauffa la trachée, puis prit une grande inspiration :
-Ecoute... Je ne sais pas tellement ce qu'il s'est passé entre nous. J'avais l'impression qu'on s'entendait bien. Mais... Si tu ne voulais pas venir aujourd'hui, il fallait le dire.
Elle avait dit le tout rapidement et doucement, la voix mal assurée. Cependant, il fallait que les choses soient claires entre elle et Benjamin. Il en allait de sa santé mentale. Le garçon consentit à la regarder. Il croisa d'abord son regard, puis détailla sa tenue. Lui aussi inspira bruyamment :
-Justement, je ne comprends pas tellement pourquoi tu es revenue vers moi. Il m'a semblé que tu as été claire que tu n'étais pas intéressée par moi.
Cassidy fut outrée : comment pouvait-il penser une chose pareille ? Avait-elle envoyé de faux signaux ? Il était vrai qu'elle n'était pas une experte en relation, mais il lui avait semblé avoir été plus qu'avenante avec Benjamin. La voix de plus en plus tremblante, elle répondit :
-C'est faux. Je t'apprécie. Sinon je ne t'aurais pas demandé de sortir avec moi aujourd'hui.
Benjamin lui adressa le premier sourire de la journée.
-Eh bien, je suis quelqu'un qui préfère les actions aux paroles, Miss Potter. Alors pas besoin d'y aller par quatre chemins : on est ensemble ?
Cassidy faillit recracher la gorgée de chocolat chaud qu'elle s'apprêtait à avaler. La raison de sa presque strangulation n'était pas uniquement due aux paroles du Serdaigle : deux personnes venaient d'entrer dans les Trois Balais, et ils se tenaient la main, comme la plupart des couples présents. « Couple ? ». Sans qu'elle ne le contrôle, des larmes lui montèrent aux yeux, qu'elle prétendit provenir de sa quinte de toux. Elle les essuya du revers de sa manche. Sirius et Marlene s'installèrent non loin d'eux. Le premier ne semblait pas l'avoir remarqué. Puis il tourna la tête imperceptiblement, et Cassidy sut. Elle sut que le jeune homme l'avait vu. Elle sut donc qu'il se fichait de la faire souffrir, puisqu'il attrapa la main de Marlene et l'embrassa. Incapable de regarder plus longtemps la scène et pour éviter d'éveiller les soupçons de Benjamin, la jeune femme se tourna vers lui :
-Désolée, tu me prends au dépourvue.
-Alors ? demanda-t-il, toujours aussi sûr de lui.
La même sensation qu'elle avait eu pendant la fête lui tirailla le ventre. Elle regarda le Serdaigle : il était beau, il était populaire. C'était invraisemblable qu'un garçon comme lui, qui pouvait avoir qui il voulait, s'intéresse à elle. C'était invraisemblable qu'un garçon qui s'intéresse à elle se fiche pas mal de Sirius et de James. Elle devait passer à autre chose, elle le savait. Benjamin était la chance qu'elle avait toujours voulu avoir dans sa vie. Elle choisit donc d'ignorer le malaise et la petite voix dans sa tête qui lui affublait de prendre son temps, sourit, se pencha en avant et embrassa Benjamin devant les élèves de Poudlard. Elle crut entendre au loin des petits sifflements. C'était officiel : Sirius Black, le tombeur invétéré et Cassidy Potter, le garçon manqué solitaire, étaient en couple. Le problème, pour la jeune femme, c'était qu'ils l'étaient avec des personnes différentes.
La journée était chouette, mais il fallait avouer que Lily ne se sentait pas du tout à son aise. Toutes ces effluves de rose, de rouge et de parfums de bonbons lui donnaient le tournis. Elle avait apprécié l'initiative de James de lui proposer une journée à deux, mais n'avait pas osé lui avouer qu'elle ne souhaitait pas faire une St-Valentin de couple, tant elle trouvait la fête surfaite. Il avait semblé improbable à la rousse que son petit-ami aime ce genre de festivités mais, après tout, elle se rendait compte qu'elle le connaissait à peine. Et cela lui semblait presque une imposture de l'appeler son « petit-ami ». Après tout, qu'est-ce que James Potter et Lily Evans avaient en commun ? Elle était un rat de bibliothèque, n'était pas particulièrement populaire et elle savait pertinemment que la plupart des gens la prenaient pour une insupportable Miss Je-Sais-Tout, lorsqu'elle n'était pas la sang-de-bourbe de Poudlard. James, lui, était à l'aise avec les gens. Il réussissait tout ce qu'il entreprenait et rien ne semblait le toucher particulièrement. Il venait d'une famille de sorciers aisée, unie et aimante. Lily avait l'impression que c'était elle l'imposture. C'était ce flot de pensées incessants qui venaient troubler sa journée qui lui envahissaient l'esprit lorsque Madame Piedodu arriva avec leurs commandes : ils avaient décidé de goûter au « breuvage spécial amoureux », sous pression de la grosse dame qu'ils n'avaient pas osé refuser.
-Santé, lui dit James avec un clin d'œil.
Elle rougit : cela faisait trois semaines qu'ils étaient plus ou moins ensemble, mais elle se sentait toujours comme une petite fille face à lui. Si elle devait être honnête, elle avouerait qu'elle avait aimé avoir autant de devoirs de Préfète-en-Cheffe et de devoirs tout court à faire lors de ces semaines. Ainsi, elle et James ne se voyaient que par petites bribes, le temps de s'embrasser langoureusement ou de rire avec les autres. Ils ne prenaient jamais place l'un à côté de l'autre en classe, et Lily mettait un point d'honneur à ce que le minimum de personnes ne les voient lorsqu'ils se bécotaient. En vérité, la jeune femme le fuyait. Car, en sa présence, elle perdait tout sens rationnel, toute confiance en elle. Elle n'était qu'une jeune femme qui rougissait et tremblait. Et puis, elle ne s'y faisait pas : elle ne pouvait décemment pas être la petite-amie de James Potter. Elle but une gorgée, et eut de la peine à cacher son dégoût : ça avait un goût de lait et de guimauve, et le mélange des deux était tout sauf appétissant. James n'avait pas tiqué, il semblait aimer. Lily n'en fut que plus mal à l'aise : et s'ils n'étaient pas faits l'un pour l'autre ?
-Comment s'est passé ta journée ? demanda-t-elle afin d'engager une conversation qui ferait partir les battements de cœur qu'elle ressentait soudainement.
James haussa des épaules et se redressa :
-Rien de bien nouveau je dois dire. J'ai passé du temps avec mes amis, et je t'ai rejoint.
Lily se sentait stupide. La journée ne faisait que commencer. Il n'y avait qu'elle qui se levait aussi matinalement une journée de Pré-au-Lard pour faire ses devoirs.
-Et toi ? A la bibliothèque j'imagine ? demanda-t-il avec un sourire quelque peu moqueur.
La jeune femme devint encore un peu plus rouge et but une gorgée du liquide infâme. Même James la trouvait ridicule.
-Deviné, finit-elle par dire avec un rire nerveux.
-Tu as bien du courage. Tu dois être la meilleure amie de Madame Pince.
Alors qu'elle s'apprêtait à répondre qu'elle aussi détestait la bibliothécaire, une foule de gloussements entrèrent dans le salon. Ces filles, c'était tout ce que Lily détestait : elles étaient hautaines, elles aussi incroyablement populaires, et elles le savaient parfaitement. C'était le genre de filles à saluer lorsqu'elles étaient seules, et à se moquer lorsqu'elles étaient en groupe. Lily le savait, pour avoir été leur bouc-émissaire lorsqu'elle n'avait pas encore le caractère qu'elle avait à l'heure actuelle. Les filles entrèrent et demandèrent à Madame Piedodu si elle avait vu Sirius Black. James se tourna, dubitatif.
-Oh ! Mais peut-être que tu es au courant, toi, dit l'une des filles que Lily identifia comme Pénélope Coopers de Serdaigle.
James se redressa sur sa chaise :
-De quoi tu parles ?
Pénélope s'approcha, bien trop près selon Lily, du garçon et lui ébouriffa les cheveux :
-Arrête de faire comme si tu ne savais pas ! Il sort avec Marlene.
-Sirius ? Sortir le jour de la St-Valentin ? répondit le garçon en essayant de se défaire de l'accolade du vautour.
Lily se sentait devenir de plus en plus rouge. Aucune des filles ne lui adressait un regard. Deux d'entre elles s'étaient mises à murmurer dans son dos, et Lily sentait qu'elles parlaient de James. Pénélope venait de se rapprocher encore plus du visage de son petit-ami :
-Eh oui ! Il paraitrait qu'ils ont été vu ensemble, et on aimerait aller féliciter notre copine ! Mettre le grapin sur Sirius Black, c'est du grand art !
Puis, ce que Lily redoutait se produisit. Pénélope se tourna vers elle, d'un sourire des plus faux :
-Mais on dirait que notre chère Miss Evans Parfaite l'a bien compris, elle ! Allais, vous avez l'air de vous amuser comme des fous, on vous laisse.
Puis les filles repartirent du salon dans des éclats de rire, cette fois-ci en ne lâchant pas Lily des yeux. La jeune femme se sentait à la fois bouillonnée, mais aussi complétement démunie : c'était ainsi que ça allait être désormais. Elle ne serait plus que la fille qui ne mérite pas de sortir avec James Potter.
-Désolé pour ça, dit le garçon qui semblait lui aussi quelque peu mal à l'aise. Je les connais à peine, ça doit être des amies de Marlene et...
-Et d'Emmeline, finit Lily, plus âpre que ce qu'elle n'aurait voulu.
James sembla le remarquer et but lui aussi une gorgée. Soudain, la pièce devint très froide, et Lily se rebuta. Elle n'avait plus envie de parler. Elle avait envie de rentrer, et espérait que le garçon allait le comprendre.
-J'ai fait quelque chose de mal ? finit-il par dire, au grand dam de la rousse.
Elle haussa les épaules :
-Je n'ai jamais dit ça.
-Alors pourquoi tu ne dis plus rien, tout d'un coup ?
James n'avait pas l'air énervé, mais il voulait obtenir une réponse. Plus amèrement qu'elle ne l'aurait voulu, Lily dit :
-Comment je suis censée réagir ? C'est ce que ça va être maintenant. Je ne serai que la pauvre « Miss Evans » qui sort avec le grand James Potter. La fille coincée qui ne rigole jamais et qui ne mérite pas d'être avec le mec le plus cool de Poudlard. En plus, est-ce qu'on est vraiment ensemble ?
Cette fois-ci, James semblait dubitatif, il avait les sourcils froncés :
-Pourquoi est-ce que tu vois toujours les choses de manière aussi pessimiste ? Alors quoi, parce que quatre filles qui sont frustrées d'être seules à la St-Valentin te font un petit commentaire, tu dois tout remettre en question ? La plupart des personnes se fichent pas bien mal de savoir avec qui tu es, ou avec qui je suis. Et sûrement qu'ils vont me juger aussi : le gars qui fait des blagues nulles et qui ne prend rien au sérieux qui sort avec la fille la plus intelligente de Poudlard, ça peut aussi faire naze tu sais.
-Ce que tu dois comprendre, James, c'est que je ne changerai pas ce que je suis. Je suis un rat de bibliothèque, j'aime faire mes devoirs et être une bonne Préfète-en-Cheffe et avoir les meilleures notes. Et je détesterai toujours tes blagues !
Lily vit James sourire. Elle-même se sentait toujours aussi rouge, mais un peu soulagée d'aborder cette conversation qu'elle aurait voulu avoir depuis longtemps.
-Je ne veux pas que tu changes, la rassura-t-il. C'est ça que j'aime bien chez toi : ça me va de te voir courir dans tous les sens quand tu es stressée, de te voir lever ta main plus vite que l'éclair quand tu as la bonne réponse, et même de te regarder étudier.
Lily sourit et se sentit apaisée.
-Par contre, continua-t-il, je ne changerai pas non plus. J'aime faire mes blagues, passer du temps avec mes amis, et me concentrer sur le Quidditch plus que sur mes cours.
Lily avala difficilement, car ça lui paraissait impossible d'avouer ce qu'elle s'apprêtait à dire :
-Eh bien... Moi aussi, j'aime bien ça chez toi.
James eut cet air entendu et narquois qui l'irritait tant, mais qui faisait aussi son charme, et elle sourit. Il lui fit un clin d'œil et lui prit la main en approchant son visage :
-Si on est sur la lancée de la vérité, je dois t'avouer que je déteste la St-Valentin, je n'aime vraiment pas ce salon et c'est la chose la plus infâme que j'ai jamais eu à avaler, dit-il en baissant la voix.
Lily éclata de rire :
-Alors pourquoi m'avoir proposé ça ?
Il haussa les épaules :
-J'ai cru que ça te plairait.
Elle fit non de la tête :
-Sûrement pas ! Je n'aime pas le rose, et si cette chose ne me filait pas autant la nausée, ce serait le nombre de cœurs autour de nous.
Ce fut au tour de James de rire :
-Je vois que nous avons plus de points communs que ce que je ne pensais. Bon, malgré tout, vu le prix de cette chose, je me dois de le finir.
Lily se trémoussa sur sa chaise, mal à l'aise :
-Si tu veux que je te rembourse...
James faillit s'étrangler avec la gorgée qu'il venait de prendre :
-On ne peut vraiment rien te dire sans que tu le prennes personnellement ! Bien sûr que non, c'était une blague. Je t'ai invité, c'est à moi de payer, c'est normal. Mais je n'aime pas gaspiller.
Lily sourit gentiment et se força à boire elle-même. Alors que James venait de reprendre une gorgée, il cracha cette fois-ci le liquide devant lui, et, par chance, Lily ne s'en reçut pas.
-Eh bien... C'est si mauvais que ça ? demanda-t-elle, quelque peu déboussolée.
-Regarde par la fenêtre ! s'exclama-t-il en s'étouffant presque.
Lily obtempéra et la vue qui s'imposa à elle lui fit presque le même effet qu'à James : au-dehors de la vitrine se tenaient Franck et Emmeline, main dans la main, la seconde murmurant quelque chose à l'oreille du premier. Lily eut la boule au ventre et regarda James. Il ne semblait pas particulièrement en fureur, mais plutôt estomaqué :
-Comment il peut faire ça à Alice ?!
La jeune femme fut momentanément soulagée de voir qu'il ne semblait pas jaloux, puis se rappela qu'Alice était l'une de ses meilleures amies.
-On doit y aller, dit-elle au garçon qui affirma en se levant, délaissant toute tentative de terminer le breuvage.
Ils remercièrent faiblement Madame Piedodu, mirent leurs bonnet, gants et écharpe et sortirent dans le froid glacial du mois de février. Il semblait qu'une bise froide s'était levée, et Lily se demandait si ses cheveux n'allait pas geler sur place. Ils atteignirent rapidement Franck et Emmeline, qui s'embrassaient toujours à pleine bouche.
-Salut les amis ! Comment vous allez ?
C'était Franck qui avait parlé. Lily ne le connaissait que par l'intermédiaire d'Alice, mais il lui avait toujours semblé que le garçon était l'un des plus gentils qu'il puisse exister. Elle ne comprenait donc pas comment il pouvait lui faire ça, et avec autant d'aplomb.
-Mec, qu'est-ce qui te prend ?
Lily se rendit compte que James ne comptait pas y aller par quatre chemins. Elle-même n'osait pas intervenir, mais n'avait aucun problème à fusiller Emmeline du regard, qui lui répondait par un sourire ravi.
-Wow, je ne savais pas que tu étais le grand justicier de Poudlard, dit Franck en se détachant de sa conquête et en s'avançant vers James.
Lily vit son petit-ami s'avancer lui aussi, et cela n'augurait rien qui vaille à ses yeux.
-Alice est mon amie. Je ne comprends pas comment tu peux lui faire quelque chose comme ça. Surtout après la réaction disproportionnée que tu as eue !
-Dis plutôt qu'Emmeline est ton ex, et que tu es jaloux.
Lily vit James serrer des poings, et elle se demanda si cela était vrai. Elle n'osa plus croiser le regard de la Serdaigle, qui cette fois-ci prit la parole :
-Jamesi, calme-toi. Moi et Franck nous sommes ensemble. Et il me semble que toi aussi tu as quelqu'un de ton côté.
-Emmeline, si tu penses une seule seconde que la raison pour laquelle je réagis comme ça c'est parce que c'est avec toi qu'il sort, c'est que tu es encore plus narcissique que ce que je ne pensais. Alice est mon amie, et je pense que Franck fait n'importe quoi. Quant à toi, tu peux te taper l'entièreté de Poudlard sous mon nez que ça ne me fera pas lever le petit doigt. Tu l'as dit, j'ai quelqu'un à mes côtés. Quelqu'un qui en vaut la peine.
Un énorme sourire de victoire aux lèvres, Lily regarda cette fois-ci le visage d'Emmeline se décomposer et devenir glaciale :
-Bien. Je crois que je vais vous laisser.
Puis elle s'en alla avec des pas furieux dans la neige.
-Tu crois vraiment que je vais te laisser lui parler comme ça ? gronda Franck en s'approchant dangereusement de James.
-Arrête ça, mec. Tu fais fausse route. Emmeline, elle t'utilise.
-Et qui te dit que ce n'est pas moi qui l'utilise ?
Un silence se fit. Lily regardait Franck de la même manière que James : comme si c'était la première fois qu'ils le voyaient. Le garçon discret et gentil d'autrefois était devenu une caricature d'un adolescent fourbe et sournois. Franck semblait l'avoir remarqué et, sans une once de honte, il s'approcha jusqu'à ne se retrouver qu'à quelques centimètres du visage de James :
-Tu ne me connais peut-être pas, mais moi je te connais. Tu aimes tellement pouvoir tout contrôler, avoir des amis qui sont à ta botte, une équipe de Quidditch qui te considère comme un dieu vivant, une petite-amie à exhiber devant tout le monde. Et ce qui te rend malade, c'est quand quelqu'un vient marcher sur tes plates-bandes. Moi, Fenwick, dès que l'on s'approche de ce que tu considères être à toi, tu deviens fou. Alors arrête de prétendre que tu fais ça pour Alice. Si tu viens me provoquer aujourd'hui, c'est uniquement pour toi.
Lily entendit un BANG ! détonateur et se dit que James avait perdu la raison. Que la veine qu'elle voyait grossir dans son cou avait eu raison de lui. Cependant, lorsqu'elle reprit ses esprits après le choc du bruit et le froid glacial qui se répandait dans chacune de ses cellules, elle se rendit compte que son petit-ami ainsi que Franck se tenaient les deux les oreilles, tout aussi déboussolée qu'elle-même. D'un même mouvement, ils se rapprochèrent les uns des autres et sortirent leur baguette. La bise qui s'était soudainement levée faisait tellement virevolter les flocons de neige qu'il était impossible de voir à moins d'un mètre. Ils avancèrent prudemment, puis entendirent des cris stridents. Soudain, il sembla que le village de Pré-au-Lard s'était réveillé d'un seul mouvement. Un éclair vert passa à quelques centimètres du visage de Lily et son cœur cessa de battre momentanément. James et elle se tenaient l'un contre l'autre, et même Franck n'avait pas bougé.
-IL EST LA ! hurla une femme en courant à côté d'eux. FUYEZ PAUVRES FOUS, C'EST LUI. C'EST CELUI-DONT-ON-NE-DOIT-PAS-PRONONCER-LE-NOM !
Il ne fallut à Lily qu'une demi-seconde pour comprendre ce qu'elle venait d'entendre et pourtant, ce temps lui avait paru interminable. Il fallait qu'ils fuient. Elle sentait aux cris apeurés et au froid inhabituel que ce que la dame en fuite avait dit était vrai.
-Il faut déguerpir, dépêchez-vous ! hurla Franck en les tirant par le bras.
Elle voulut le suivre mais se rendit compte que James ne bougeait pas.
-Qu'est-ce que tu fais ?! hurla Lily pour couvrir les bruits des passants de Pré-au-Lard et des éclairs de couleur qui se faisaient de plus en plus nombreux.
-Cassidy est ici ! Et Sirius aussi ! Je ne peux pas les laisser.
-James, si ça se trouve ils sont déjà partis !
-Toi, va-t'en avec Franck. Je les retrouve et on vous rejoint.
Puis James s'en alla dans le tourbillon de neige et Lily hurla. Franck la retint mais elle réussit à se détacher et, sans se demander s'il l'avait suivi ou pas, se mit elle aussi à courir à perdre haleine. Son cœur avait soit cessé de battre, soit il battait plus fort que jamais. Pendant quelques instants, elle fut incapable de penser. C'était son instinct qui lui dictait quoi faire. Elle ne savait même pas ce qu'elle faisait réellement, si c'était elle ou d'autres personnes qui lançaient des sorts pour la protéger, si elle tenait toujours une baguette dans sa main, si tout cela était réel ou n'était qu'un rêve. Elle mit peut-être quelques secondes, ou plusieurs heures à reprendre contenance et à faire marcher son cerveau : il fallait qu'elle retrouve James. Mais premièrement, il lui fallait comprendre où elle était. En se frayant un chemin parmi la foule des plus courageux venus combattre le Lord et ses disciples, elle trouva momentanément répit derrière une table à l'entrée d'un pub, qu'elle eut été incapable d'identifier. En respirant bruyamment pour empêcher son cœur d'exploser et calmer les lancées agonisantes dans ses tempes, Lily réfléchit à toute vitesse : elle était au milieu d'une bande de Mangemorts, et le Lord lui-même était présent. C'était impossible de dire qui faisait partie de quel camp tant le vent s'était levé, et la neige avec. Cependant, il fallait qu'elle retrouve James. Elle connaissait des sorts de protection. C'était les seuls qu'elle devait s'assurer de connaître pour pouvoir se sortir de là. Sans même s'en rendre compte, de grosses larmes chaudes lui coulaient le long des joues, sans doute là pour calmer la frayeur qui la paralysait sur place. La vérité, c'était qu'elle ne savait absolument pas quoi faire.
-Lil's !
Le cri lui parut à la fois lointain et proche. Elle ne savait si la personne avait murmuré ou hurlé. Cependant, elle suivit le son de la voix à travers la neige et se retrouva nez-à-nez avec Nelly et Alice. Avec de gros sanglots, elle prit ses amies dans les bras, qui elles-mêmes semblaient plus tétanisées que jamais.
-Je... J'ai suivi James. Je ne sais pas... Où est-ce qu'il... Comment on va faire ?
-Lily, calme-toi, lui intima Nelly qui semblait la plus maîtresse de ses émotions. Dumbledore va arriver, c'est sûr. Il faut qu'on trouve un moyen de sortir de là. C'est impossible de trouver qui que ce soit à travers ce fouillis.
-Où on est ? demanda Lily.
-Près de la Tête de Sanglier. Apparemment, c'est de là que l'attaque a commencé.
-Comment on va faire ?
-Les filles !
Encore une fois, les voix parurent à la fois près et lointaines. Lily tremblait toujours, mais la vue de ses amies l'avait réconforté. Elle tenait Nelly prêt d'elle, et se sentait protégée. La rousse plissa des yeux et, à travers la neige, aperçut une scène qui l'horrifia au premier abord : quatre pairs de pieds avançaient vers eux. Machinalement, elle sortit sa baguette.
-On est armé, ne bougez pas ! lança Alice d'une voix que Lily trouvait assurée.
Elle-même avait la main tellement tremblante qu'elle ne savait pas si elle pourrait lancer ne serait-ce qu'un sort basique.
Soudain, quelque chose sembla se dérouler et apparurent les quatre Maraudeurs. Lily se tétanisa d'abord sur place, puis sauta au cou de James.
-Comment vous avez fait ?
-Pas le temps pour les explications. Venez là-dessus. Il faut se serrer, et avec cette neige, personne n'apercevra nos pieds. Et surtout, il faut retrouver ma sœur !
-Elle était aux Trois Balais, lança Sirius alors que Lily prenait place entre lui et James sous ce qui se révéla être une énorme cape.
La rousse comprit vite que c'était une cape d'invisibilité et, malgré la guerre environnante, la peur de mourir et le fait qu'il fallait retrouver Cassidy, elle ne put s'empêcher de se demander comment les quatre garçons avaient pu en acquérir une. Remus était là aussi, et elle le vit prendre Nelly par la main, laquelle se blottit à ses côtés. Alice et Peter se prirent aussi dans les bras, aussi effrayés l'un que l'autre.
-On n'a pas de temps à perdre, lança James. Suivez mes pas !
Les adolescents obtempérèrent, et, plus habilement que Lily ne l'aurait cru, ils se mirent à sillonner à travers la foule hystérique. Des corps gisaient à terre, des corps que la rousse se refusaient à regarder. Des silhouettes, masquées et vêtues de noir, tétanisaient les passants et les commerçants venus prêtés mains fortes aux élèves qui se battaient. Lily crut apercevoir Amos dans la foule, et son ventre se tordit. Elle aurait voulu l'aider, mais elle était incapable de faire quoi que ce fut d'autre que de suivre les pas de James. Rapidement, ils atteignirent le bar des Trois Balais. Cependant, ils comprirent bien vite que celui-ci avait été saccagé et, que si quelqu'un se trouvait dedans, c'était déjà trop tard.
-Elle est sûrement partie ! lança fermement Alice. Elle doit déjà être à Poudlard ! Elle était seule ?
-Avec Benjamin, cracha Sirius. Il a intérêt à l'avoir protégée, sinon je le tue !
-Pas avant moi.
James semblait paniqué, et Lily jurerait qu'il avait les larmes aux yeux. Elle ne l'avait jamais vu ainsi. Elle lui prit la main et la serra :
-On doit rentrer au château, dit-elle avec fermeté.
-C'est sûr ! hurla Peter, qui lui pleurait à chaudes larmes.
-Suivez-moi, dit cette fois-ci Remus.
Alors que les adolescents repartaient à travers les sillons impossibles et la tempête de neige, ils s'arrêtèrent net et d'un seul mouvement. Jamais Lily n'avait ressenti quelque chose d'aussi semblable. Une peur, plus forte et plus intense que jamais. Ce n'était pas la panique qu'elle avait ressenti plus tôt, qui faisait que son instinct prenait le dessus sur sa raison. Ce n'était pas non plus les tremblements effrayés. Tout semblait s'être arrêté : les tremblements, sa raison, son instinct, son cœur. La vie qu'il restait à travers elle, qui empêchait sa reddition, qui lui faisait lancer des sorts malgré elle, tout était parti en fumée. Elle eut froid. Plus que jamais. Elle fut paralysée, et incapable de quoi que ce fut d'autre que de rester plantée sur place, impuissante. Elle se dit que c'était ces derniers moments de vie. Elle fut incapable de penser à quoi que ce soit, à qui que ce soit. Elle ne savait même pas comment elle faisait pour garder la prise de sa baguette. James lui lâcha la main et elle sut. C'était la première fois qu'ils se retrouvaient devant le Seigneur des Ténèbres.