La nouvelle n'avait pas mis longtemps à se répandre. Cependant, il fallait faire très attention : seules quelques personnes pouvaient être au courant. Ça demandait de faire partie d'un cercle très précis, de jurer de ne pas en parler, de trouver des excuses pour se défiler en fin de journée. Mais ils avaient jugé qu'elle méritait d'être mise au courant. Les semaines précédentes avaient été les plus dures qu'elle ait eu à passer depuis son entrée à Poudlard lui semblait-il. La solitude lancinante, les cours qui se multipliaient et devenaient de plus en plus durs et exigeants, le stress de la fin d'année, de devoir trouver son chemin parmi les élèves les plus ambitieux, les plus confiants. Le fait qu'autour d'elle, personne ne semblait comprendre ce qu'elle pouvait ressentir, et surtout, le fait qu'elle n'avait personne à qui en parler. Puis cette culpabilité, grandissante, d'être quelqu'un de mauvais, d'avoir une attirance incontrôlable et destructrice, pour quelqu'un de mauvais. Dorcas avait eu l'impression de couler et que personne ne pouvait rien faire pour l'aider. Elle avait eu l'impression d'être seule, et qu'elle ne s'en sortirait jamais. Ses devoirs et ses moyennes en pâtissaient. Le professeur Mcgonagall lui avait même demandé ce qu'il se passait, question à laquelle Dorcas avait répondu par un torrent de larmes. Elle se sentait démunie, incapable de faire quoi que ce fût. Puis il y avait eu la dispute avec Cassidy, qui était de sa faute, elle en était consciente. Seulement, garder ses secrets envers la seule amie qu'elle n'ait jamais eu était beaucoup plus dur que de l'envoyer au loin. Mais c'était sans nulle autre l'attaque des Mangemorts à Pré-au-Lard qui avait le plus inquiété la jeune femme. Parce qu'elle avait beau retourner la situation des milliers de fois dans sa tête, se dire qu'elle n'était pas folle, qu'elle savait juger les gens et qu'elle n'était pas quelqu'un de mauvais, la même sensation revenait encore et toujours : Mulciber était mêlé à ça. Elle ne l'avait revu, ne lui avait reparlé sous aucun prétexte. Elle était devenue experte dans le fait de l'ignorer complètement et de se faire le plus discrète et invisible possible. Et ça marchait. Personne ne la voyait. Le professeur Mcgonagall était la seule qui lui avait montré de l'intérêt depuis plusieurs semaines, mais Dorcas jamais ne se confierait à elle. Ce qu'elle ressentait, elle le haïssait tellement, qu'elle ne voulait le partager avec personne. Car être invisible voulait au moins dire que les gens ne savaient pas qui elle était réellement, et ne savaient pas qu'elle n'était pas quelqu'un de bien. Alors qu'elle pensait qu'elle allait plonger, rater ses études et peut-être s'en aller au loin, un message lui était parvenu pendant un cours particulièrement ennuyeux d'histoire de la magie. Il n'était pas signé mais disait juste : retrouve-nous à vingt-deux heures dans la salle commune. Viens seule et brûle ce message. Dorcas avait d'abord cru à une blague, mais la gravité du parchemin l'avait rapidement éconduit de cette possibilité. Puis, elle s'était détestée de le penser et surtout de le vouloir, elle avait cru que c'était Mulciber. Qu'il aurait des explications, et qu'il arriverait, comme d'habitude, à obtenir ce qu'il voulait d'elle. Mais le message disait « dans la salle commune ». Il était impossible que le Serpentard ne puisse jamais poser les pieds dans la salle commune de Gryffondor. Tiraillée par la peur, la jeune femme s'était finalement laissé guider par la curiosité. Et c'était ainsi qu'elle s'était retrouvée au premier rassemblement du groupe de défense des Maraudeurs. James avait pris la parole, grave. Son discours, plus que prenant, résonnait dans les tempes à Dorcas. Ce que l'adolescent disait était vrai : ils n'étaient rien face à ce qu'il y avait au-dehors. Ils devaient apprendre à se défendre. Le groupe était restreint : les Maraudeurs, initiateurs du projet, avaient attiré à eux Lily, Nelly et Alice. Dorcas était surprise de voir que Franck n'était pas présent. Puis il y avait Cassidy. La jeune femme ne lui avait pas adressé un seul regard, et son ton était dur lorsqu'elle avait sommé James d'inviter Benjamin à la prochaine session, ce que le grand frère avait concédé avec grande peine. La séance n'avait pas duré longtemps : il fallait d'abord trouver un endroit, ce qu'Alice s'était engagée à faire. Puis il fallait trouver du matériel, et établir les programmes : James et Lily s'en chargeraient. Le reste des Maraudeurs s'étaient engagé à trouver de nouvelles personnes de confiance, et Nelly avait proposé de les couvrir en prétendant avoir besoin de cours supplémentaires si la nouvelle venait à se répandre. Puis ils avaient fait un pacte implicite, mais Sirius avait insisté pour dire que quiconque trahirait le secret se verrait immédiatement exclu du groupe, et qu'il serait préférable que cette personne ne recroise plus son regard. Jamais il ne serait venu à l'esprit de Dorcas de le défier. Chacun était retourné dans son dortoir mais, ce soir-là, la jeune femme était pour la première fois devenue plus légère : ils l'avaient conviée. Elle était légitime pour se défendre. Elle était du côté des gentils. C'était officiel : un groupe de défense contre les forces du mal clandestin allait voir le jour à Poudlard, et Dorcas en faisait partie.
Cela faisait plusieurs jours que l'attaque avait eu lieu. Bien que c'eut été le principal sujet de conversation pendant des jours, ça s'était aussi rapidement tari que tout le reste. Les tracas du quotidien, comme les ASPICS qui approchaient, le prochain match de Quidditch ou les heures de retenue pour certains reprenaient la place dans la bouche des élèves de Poudlard. Et ça n'était pas pour déplaire à Lucius. Il en avait plus qu'assez de devoir répéter les mêmes choses aux Serpentards beaucoup trop curieux venus chercher des informations supplémentaires à divulguer dans le château. Il en avait assez d'entendre l'avis des membres de sa bande sur le sujet, et de devoir sans arrêt répéter les mêmes choses : l'attaque n'était pas de leur fait, il n'y avait pas de quoi s'inquiéter. Il en avait assez que partout dans le château on demande des nouvelles de Marlene McKinnon. Surtout, il en avait assez de devoir se justifier envers Narcissa. Sa petite-amie était depuis l'attaque beaucoup plus méfiante envers lui qu'à l'ordinaire, et cela lui déplaisait beaucoup. Il n'aimait pas avoir à lui rendre des comptes, à flouter la réalité pour qu'elle ne sache le moins possible. Il n'aimait pas parler de grandes conversations avec elle. Surtout, il en avait assez qu'elle le considère comme un être mauvais, alors qu'il ne faisait ça que pour la protéger. Alors qu'il se disait qu'il serait temps de préparer leur stratégie pour le prochain match de Quidditch, Mulciber prit la parole :
-On dirait bien que la petite McKinnon ne va pas se réveiller. Quel dommage. Ça fait plus d'une semaine qu'elle végète dans son lit. Peut-être que je serai obligé d'aller lui tenir compagnie.
Avery et Wilkes gloussèrent comme des petites filles, et même Evan lança un sourire entendu à Mulciber. Si ça avait été n'importe qui d'autre, Lucius l'aurait remis à sa place, et sommé d'arrêter de parler de cette histoire. Mais avec Mulciber, c'était différent. Bien que la famille Malefoy était plus haut placée dans l'estime des sorciers, la famille de Mulciber était connue de tous, et surtout, craints de tous pour la cruauté dont ils étaient capables de faire preuve si les autres ne les suivaient pas. Ça semblait être clair : Lucius était le chef de bande, mais jamais personne n'oserait se mettre entre lui et Mulciber. Et le blond lui-même n'avait aucune idée des conséquences si jamais il s'opposait à lui. Il savait pertinemment que la cruauté dont Mulciber pouvait faire preuve était valorisée, là où lui et sa bande se dirigeraient après Poudlard. Il soupira.
-Black est là pour ça, dit-il avec morosité.
Mulciber lui lança un regard de mépris.
-Black... Et à qui il fait peur, mis à part Severus ?
La bande éclata à nouveau de rire. Lucius regarda Severus, les yeux plantés au sol, ne pas sourciller. Il eut pitié de lui, mais ne le dirait jamais à voix haute.
-J'ai cru comprendre que la bande à Potter t'effrayait quand même un peu, finit par dire Lucius.
Il faisait référence à l'épisode où Mulciber avait voulu faire peur à Evans et Potter dans les couloirs. Lucius avait bien compris au ton du garçon qu'il ne l'avait pas aussi bien réussi qu'il l'aurait espéré. Et, bien que jamais il ne l'aurait avoué à voix haute, il comprenait pourquoi. Les Gryffondors étaient en passe de devenir un réel problème, et de taille au vue de leurs compétences en sorcellerie. Mulciber le regarda avec noirceur. Lucius soutint son regard, le défia de dire quoi que ce fût. S'il comprenait qu'il ne pouvait pas directement défier Mulciber, et que celui-ci ne serait jamais comme les autres membres de la bande, il comprenait aussi qu'il était grandement dans les intérêts du jeune homme de faire partie de cette bande-là. Le noiraud finit par rire :
-Toi aussi, si j'en crois l'œil au beurre noir que tu avais lorsque tu as tenté de te battre contre lui. Ou bien est-ce que c'était ta copine ?
Lucius sentit son sang bouillir. Il détestait que quiconque ne lui parle de Narcissa. Personne n'avait le droit d'émettre le moins jugement sur elle. Surtout pas Mulciber. Tout le monde avait retenu son souffle. Certains, comme Avery, les regardait avidement, probablement dans le but de les voir défaillir les deux. D'autres, comme Rosier et Rogue, avaient tourné la tête. Lucius n'était pas sûr que Crabbe et Goyle ne comprennent complètement les enjeux qui étaient en train de se passer actuellement. Le blond se leva :
-Si je ne savais pas ce que je sais, Mulciber, je dirais que tu as envie que l'on soit associé à cette attaque. Tu dois sans doute savoir que c'est la dernière chose qu'il voudrait, pas vrai ? Je te suggère donc la même chose que je t'ai suggéré quand tu as bêtement attaqué deux préfets-en-chef dans les couloirs : fais profil bas.
Mulciber s'était lui aussi levé, et jamais la tension n'aurait pu être plus palpable dans la pièce. Les autres élèves présents avaient arrêté leurs activités pour regarder le spectacle. Lucius commençait à sentir son cœur battre plus fort. Il ne savait absolument pas ce qu'il pourrait faire si jamais Mulciber venait à le confronter directement.
-Et toi qui est censé nous guider, dis-moi, qu'est-ce que tu proposes ? finit par demander Mulciber avec le même sourire ironique qui faisait bouillonner Lucius. On ne te voit pas beaucoup ces temps. Peut-être que tu préfères passer du temps en douce compagnie... ? Est-ce que Narcissa détiendrait les réponses, elle qui a su se montrer si... féroce face à Evans ?
A nouveau, des rires moqueurs s'élevèrent des alentours et Lucius leur lança un regard assassin. Il aurait eu envie de cogner Mulciber, de prendre la défense de Narcissa, mais il se rendait compte que c'était l'unique chose que le Serpentard attendait de lui. En plantant ses ongles dans ses paumes et en prenant une grande respiration, il se composa un air sûr de lui et arrogant :
-Je ne sais pas, on ne parle pas beaucoup quand on est ensemble.
Les autres rirent à leur tour pour montrer leur approbation des dires à Lucius. Une partie du blond se souvenait de la promesse qu'il avait faite à Narcissa de la défendre face à ses amis, et il se détesta. Mais il chassa bien vite cette pensée lorsqu'il vit Mulciber se détendre et rire à son tour :
-On ne peut pas te le reprocher.
Ils se rassirent les deux, et Lucius sentait que ses mains tremblaient encore. Il ne sut pour quelle raison, il n'arriva pas à regarder Severus dans les yeux. À la place, il dit, d'un air grave :
-Blague à part, Potter et sa bande sont devenus un problème. Et l'ignorer ne ferait de nous que d'autres idiots qui acceptent le système comme il est. Il faut agir.
-Qu'est-ce que tu proposes ? demanda Avery avidement.
-Il faut agir, mais sans qu'ils sachent ce qu'on veut faire. Leur grande arme, c'est soi-disant l'amitié.
-Pff, lâcha Wilkes, on sait très bien que Black ne recherche qu'un endroit où dormir. Un sale arriviste. D'ailleurs, où est Regulus, pourquoi il n'est jamais là quand on a besoin de lui ?
Lucius savait que Regulus avait été plus touché par l'attaque que les autres. Un pressentiment le poussait à garder le garçon à distance, surtout lorsqu'ils parlaient de la famille Black.
-Pas là pour l'instant, répondit-il d'une manière qui n'acceptait aucune remarque.
-Agir sans confronter, hein ? dit Mulciber dont les yeux s'étaient illuminés d'une manière qui présageait qu'il avait eu une idée. Je crois que je sais comment on peut s'y prendre.
-Parle, l'encouragea Lucius, qui reconnaissait au garçon une habilité plus haute que la moyenne pour les plans diaboliques.
-On est d'accord pour dire qu'il est impossible de confronter directement Potter et Black dans l'enceinte du château. Ils arriveront encore à aller pleurer chez Dumbledore et ce vieillard leur donnera ce qu'ils veulent. Ils ont du pouvoir ici, c'est indéniable. Et ils le savent. Ils se croient invincibles. Dis-moi Lucius, comment tu as réagi quand la sang-de-bourbe s'en est prise à ta chère et tendre ?
Le blond leva un sourcil, peu sûr de vouloir repartir sur ce terrain.
-Tu aurais voulu qu'elle souffre, pas vrai ? finit par dire Mulciber. Et peut-être que si les circonstances avaient été différentes, tu aurais commis l'irréparable. Et tu aurais été viré de Poudlard.
Lucius se redressa et, pour la première fois depuis longtemps, sourit réellement. Il comprenait où Mulciber voulait en venir.
-Potter et Black sont puissants, c'est sûr. Mais les feufollets qui les suivent dans l'espoir de briller, beaucoup moins, dit-il dans un regard entendu avec Rosier et Mulciber.
Avery et Wilkes semblaient comprendre eux aussi. Lucius comprenait à la tête de Severus que lui aussi avait parfaitement compris où ils voulaient en venir. Il lui lança un regard noir. Il se dit qu'il expliquerait simplement à Crabbe et Goyle le rôle qu'ils devraient prendre.
-On ne s'attaquera plus à Potter et Black, finit par dire Lucius. A aucun moment, même s'ils nous y provoquent. Désormais, les cours de potions se passeront sans tâche, les matchs de Quidditch à la loyal.
-Alors, comment on va s'y prendre ? demande Wilkes, les sourcils froncés.
-On s'attaque à ce qui les fera plier. Leur soi-disant amitiés. Leur soi-disant amours, dit Mulciber en rigolant d'un air moqueur aux deux mots.
-Je crois bien que j'ai une idée, lança Rosier en s'avançant.
Lucius l'encouragea d'un signe de tête :
-J'ai toujours dit que j'aimais les filles plus timides. Erin est chouette mais... Il est temps que je m'axe sur un plus grand challenge.
Lucius lui lança un sourire qui en disait long.
-C'est décidé, on va se battre contre Potter et sa bande. Et pour ça, on doit utiliser les mêmes armes qu'ils pensent avoir, et les retourner contre eux.
Il avait passé la plupart de son temps à Poudlard à se moquer des professeurs, à tenter de les amadouer, à leur faire des blagues toutes plus puériles les unes que les autres. Les seuls qui arrivaient à lui provoquer un respect immense étaient le professeur Mcgonagall et le professeur Dumbledore. Cependant, même devant eux il jouait l'indifférence. Désormais que James devait jouer le rôle de l'enseignant, il comprenait à quel point il avait dû être un fardeau pour ses professeurs. Il avait rarement été aussi stressé qu'il l'était à ce moment-là, et, d'ordinaire, réussissait mieux à le masquer. Il avait renoncé à tenir la main de Lily pour qu'elle ne se rende pas compte que la sienne tremblait. L'idée lui avait paru naturelle : c'était normal qu'ils apprennent à se défendre, et c'était normal que les Maraudeurs soient les guides dans ce genre d'initiatives. Il était le meilleur en Défenses contre les Forces du Mal, et il le pensait sans prétention aucune. C'était une chose naturelle, puisque son père lui avait transmis ses connaissances en sorcellerie. Sirius était téméraire, ne rechignerait jamais à aller à l'avant du danger. C'était la personne la plus courageuse que James ne connaisse. Remus était la voix de la raison, de la sagesse, le stratège et l'intelligence pure. Le garçon savait qu'il aurait besoin de son ami. Même de Peter, qui, par la force de son admiration, le motivait à ne pas abandonner. Pourtant, jamais James n'aurait pensé que ses amis ne le désignent comme leader officiel du groupe de défense clandestin d'élèves de Poudlard. Il aurait pensé que les détails lui viendraient naturellement, mais ça n'avait pas été le cas. Cela faisait plusieurs jours qu'il avait convoqué ses amis pour commencer le groupe, mais ils n'avaient toujours pas trouvé de salle ni de temps en commun pour se voir. En effet, en plus du projet, James et les autres élèves devaient jongler entre les cours - d'un niveau toujours plus élevé-, les devoirs -toujours plus fournis-, le fait de devoir s'imaginer un avenir et de s'inscrire aux différentes écoles, et la menace toujours plus grande des ASPICS. Il aurait pensé qu'il serait celui qui calmerait tout le monde avec ses blagues, mais même Lily semblait plus sereine que lui. Avec Remus, ils avaient profité de leurs agendas communs pour se créer un plan drastique de révisions qu'ils tenaient à la lettre. James leur avait ri au nez et, pourtant, désormais que le stress menaçait de le gober vivant, il regrettait vivement. C'était dans cet état qu'il était alors qu'il s'apprêtait à rejoindre Alice, à qui il avait commencé, en plus de tout le reste, à donner des cours privés. Lily tenait à l'accompagner pour profiter de réviser les mêmes sorts qu'ils verraient ensemble, et James n'avait pas trouvé de raison de refuser. Ils marchaient ainsi dans les couloirs bondés de Poudlard, plus humides désormais que la neige commençait à fondre sous le soleil du début de mois de mars.
-Tu vas bien ? demanda la rousse.
James se tourna vers elle. Elle le regardait avec ses beaux yeux en forme d'amande, et il sentit les mêmes petits papillons qu'il ressentait toujours lorsqu'il la regardait comme si c'était la première fois. Il n'arrivait toujours pas à croire que Lily Evans ait accepté de sortir avec lui. Parfois, quand le stress le prenait trop au vif, il pensait à elle, et alors une douce sensation enivrante s'accaparait de son ventre à la place. Il lui sourit :
-Un peu stressé, finit-il par lui avouer.
-Je comprends. C'est vraiment la folie. Mais dis-toi que les cours avec Alice te permettent aussi de réviser.
-C'est sûr. Mais j'aimerais que l'on commence les cours de défense. Personne n'a encore trouvé d'endroit.
Lily fit la mou :
-Je sais bien... Mais je te l'ai dit, si vraiment nous nous retrouverons tous cet été dans les maisons des uns et des autres. Les ASPICS sont la priorité.
Il comprenait le point de vue de Lily, mais était incapable de s'y résoudre. Lorsqu'il prenait une décision, il se devait de la tenir jusqu'au bout et ne pouvait la repousser, comme il le faisait à l'inverse avec ses révisions. Il regarda la rousse qui cherchait une réponse et s'arrêta. Puis il la prit par le creux du dos, et l'embrassa. Lily parut surprise, mais il répondit au baiser et lui sourit, les joues roses, une fois qu'ils se décollèrent.
-Je t'ai déjà dit que tu étais sexy quand tu parlais de révisions ?
Elle lui tapa sur l'épaule :
-Et toi quand tu les évites.
Il lui fit un clin d'œil. Ils marchèrent encore à travers les couloirs, sortirent du château dans l'allée qui menait à la cabane de Hagrid et attendirent.
-La voilà ! s'écria Lily.
A travers le mélange blanc et laiteux de la neige et l'éblouissement du soleil, il vit Alice se dépêcher de remonter les marches qui montaient vers le château. Elle arriva près d'eux, essoufflée et les joues rouges :
-Désolée, il m'a offert du thé, je ne pouvais pas dire non.
-Aucun problème. Ça t'ennuie si Lily participe à notre cours ? Elle avait bien envie de réviser avec nous les sortilèges de...
-Lily va participer, c'est certain, coupa Alice. J'ai trouvé un endroit pour nos cours de défense.
James sentit une le stress mêlé à l'excitation reprendre le dessus.
-Comment ça ?! s'écria-t-il.
-Je vais tout vous expliquer.
Elle avait l'impression que sa tête allait exploser et qu'il ne resterait plus rien de son cerveau que des myriades grillées jonchées sur le sol. C'était l'état dans lequel Alice se trouvait lorsqu'elle allait voir Hagrid, peut-être pour l'aider dans ses cours de soins aux créatures magiques, ou peut-être dans une quête de réconfort dont elle avait grandement besoin. La jeune femme avait l'impression que sa vie lui échappait, et qu'elle ne pouvait absolument rien faire si ce n'était contempler le désastre. Depuis plusieurs années à Poudlard, son futur semblait tout tracé : une vie de couple sereine avec Franck, peut-être un mariage et des enfants. Elle se perfectionnerait dans l'art de la sorcellerie et, avec son futur mari, deviendrait une aurore réputée. Bien entendu, c'était un rêve dont elle n'avait jamais parlé à personne, même pas au professeur Mcgonagall lors des rendez-vous individuels. Bien que la professeure lui ait assuré qu'elle avait un meilleur niveau que ce qu'elle ne pensait, les récents devoirs d'Alice prouvait le contraire. La jeune femme se demandait même si elle n'allait pas rater ses ASPICS, et s'il ne serait pas mieux pour elle de tout abandonner et de retenter l'année prochaine, loin de tout. Et surtout, loin de Franck. Elle avait l'impression d'avoir été brûlée au fer rouge. Que plus jamais elle ne connaîtrait le bonheur. Qu'aucun garçon ne voudrait jamais d'elle, et qu'elle avait raté sa chance. Que désormais qu'il sortait avec la plus belle fille de Poudlard, ils devaient ensemble se moquer d'elle, de son physique ingrat, de son intelligence moyenne et de sa maladresse. Quand elle y pensait, Alice avait envie de pleurer. Des flots de larmes incessants. Au lieu de cela, elle se rendait chez Hagrid, s'occupait de Crockdur et des Snargaloufs, et revenait suivre les cours privés de James, qui l'aidait inconsidérablement dans sa moyenne. Puis elle faisait ses devoirs de potions avec Lily, et rejoignait Nelly afin qu'elles dessinent et discutent de tout et de rien ensemble. Alice faisait le maximum pour se tenir le plus occupé, mais il semblait que partout où elle se rendait, elle les voyait. Se tenir la main, rire ensemble, s'embrasser et à chaque fois, elle avait envie de vomir, de rentrer chez elle, que sa maman la prenne dans ses bras et lui disent que tout allait bien se passer. L'idée de James d'apprendre à se défendre lui avait d'abord donné un nouveau souffle, puis elle s'était souvenu qu'il fallait trouver un endroit. Il y avait bien un auquel elle avait pensé, mais les souvenirs étaient trop douloureux. Pourtant, Alice avait tout de même retrouvé le mur : elle avait fermé les yeux, avait demandé à la Salle de s'ouvrir. Embuée par la colère et la tristesse, la surprise s'était rajoutée lorsque, en ouvrant les yeux, elle était restée face à un mur vierge. Les tentatives avaient été multiples. A chaque refus de la Salle d'apparaître devant elle, elle devenait de plus en plus en colère. Elle avait laissé tomber l'idée. Mais, alors qu'elle remontait de chez Hagrid qui, comme à chaque fois, avait réussi à lui redonner le morale, elle se rendait avec une détermination nouvelle vers James et Lily. C'était pourquoi elle se trouvait ainsi à les emmener près de la Salle-sur-Demande, bien décidée à ce que le mur ne fasse apparaître la porte cette fois-ci.
-Alice, tu peux nous expliquer ce que tu fais ? demanda James, qui devait presque courir pour réussir à la suivre.
-Oui, là je dois avouer que je ne comprends rien, renchérit Lily qui avait le souffle court.
La jeune femme leur fit signe d'attendre, qu'ils comprendraient tout. Elle savait pourquoi la salle n'avait pas voulu s'ouvrir : parce qu'elle pensait à Franck. A la douleur qu'il lui avait infligée, à quel point elle voudrait qu'il la rejoigne dans cette salle, à quel point elle voudrait lui faire aussi mal que ce qu'il ne lui avait fait. Elle ne pensait pas du tout à la raison pour laquelle cette salle leur serait utile. Mais c'était le cas désormais. Elle trouva le couloir : au quatrième étage, éloigné de tout. Des élèves de deuxième années étaient présents, mais avaient vite déguerpi en voyant arriver les Préfets-en-Chefs. Lily avait voulu découvrir ce qu'ils trafiquaient, mais James l'en avait empêchée.
-Alice, tu vas nous expliquer pourquoi on se retrouve dans un couloir désert en plein milieu de la journée ? Tu ne crois quand même pas que nous allons pouvoir apprendre à se défendre ici ?
-Tais-toi et laisse-moi me concentrer, intima-t-elle au jeune homme.
Elle ferma les yeux, se força à faire le vide. Il n'y avait que sa détermination - la même qu'elle devrait ressentir elle était sûre pour réussir à transplaner -, les cours que James lui donnait, le fait qu'elle devenait meilleure en sorcellerie qu'elle ne l'avait jamais été, le fait que le professeur Mcgonagall croyait en elle, que Hagrid croyait en elle, qu'elle-même commençait à croire en ses capacités. En entendant Lily pousser un cri d'exclamation, elle comprit qu'elle avait réussi. Elle ouvrit les yeux : le mur s'était transformé en une porte massive et baroque, de plusieurs mètres de hauteur.
-C'est quoi ça ? demanda James dans un soupir.
-Ça, c'est la Salle-sur-Demande.
-La quoi ?! s'exclama-t-il.
-J'ai lu quelque chose là-dessus ! s'écria Lily avec le même air qu'elle avait toujours lorsqu'elle avait la bonne réponse. Elle apparaît à Poudlard lorsque la personne qui veut la faire apparaître est certaine de ce qu'elle veut. Elle s'adapte à tous les besoins. Elle peut aussi bien prendre la forme d'une salle de classe, d'un salon ou...
-D'une salle d'entrainement, finit James qui avait l'air d'un enfant le matin de Noël.
Ravie de son effet, Alice ouvrit la porte et retint sa respiration : elle n'avait pas la moindre idée de la forme qu'elle allait prendre. Lorsqu'elle y pénétra, elle se dit que la Salle-sur-Demande comprenait mieux ses besoins qu'elle-même. Elle était grande, à la fois chaleureuse mais pas trop surchargée. Il y avait de gros coussins posés dans les coins, un canapé, des lampes qui tamisaient la pièce. Se trouvaient sur les côtés des sortes de statues, qui faisaient penser à Alice aux faux humains étranges que Lily lui avait un jour montrer dans les vitrines des magasins moldus. La jeune femme ne comprenait pas pourquoi ils étaient là.
-C'est comme si Poudlard voulait que l'on apprenne à se défendre, murmura James qui touchait du bout des doigts les faux humains. On a même des cobayes pour s'entrainer pour nos sorts.
Alice rougit, elle n'y avait pas pensé.
-C'est incroyable ! s'écria Lily qui regardait le plafond, émerveillée. Comment la Salle t'est apparue ? demanda-t-elle finalement avec un regard dubitatif envers Alice.
La jeune femme se sentit devenir carrément rouge. Comment leur expliquer que c'était les débuts de sa relation avec Franck, et que la salle leur était tout simplement apparu le jour où ils avaient décidé de fricoter sans que personne ne les voie ?
-C'était avec Franck, dit-elle durement pour éviter d'autres questions.
Elle vit Lily et James se lancer un regard entendu, qu'elle choisit d'ignorer. Le fait que la Salle ait un aspect complètement différent ne détournait pas Alice de la pointe lancinante qu'elle ressentait dans tout son être. L'avantage, c'était que jamais Franck ne reviendrait ici et donc, il ne ferait pas partie du groupe de défense. Ce serait son oasis.
-Il faut que je prévienne Sirius et Remus ! Qu'ils voient ça. Il faut que l'on prévoie la première séance, le plus vite possible !
-Pas si vite : comment on peut s'assurer qu'elle s'ouvrira à chaque fois ?
-On ne peut pas, dit Alice. Mais jusqu'à maintenant, elle ne m'a jamais failli. Il suffit juste de réellement vouloir et avoir besoin de ce qui s'y trouve à l'intérieur.
-Parfait, coupa James. Ça permettra de voir qui est réellement motivé pour notre groupe.
Il semblait plus déterminé que jamais. Lily l'était aussi, mais Alice savait bien que la rousse - comme à chaque fois que ce n'était pas elle qui avait trouvé la bonne réponse - se renfrognait. Elle ne lui en voulait pas. Alors qu'ils parlaient de tous les sorts qu'ils pourraient entrainer et de la meilleure configuration des objets présents dans la pièce, un bruit sourd se fit entendre près de la porte. Comme piqués au feu et conditionnés par les événements récents, les trois adolescents sortirent leur baguette et se rapprochèrent.
-Qui est là ? lança Lily d'une voix qui se voulait rassurer.
Alice sentait son cœur battre : bien que sa raison lui dictait que rien ne pourrait leur arriver à l'intérieur de Poudlard, ses émotions en étaient toutes autres. Après tout, jamais elle n'aurait pensé que quoi que ce fût leur arrive à Pré-au-Lard.
-Qu'est-ce que c'est que ça ?!
Elle reconnut la voix et lâcha immédiatement sa baguette. Son cœur sembla tomber dans sa poitrine, ses muscles se tendre et sa colère repartir de plus belle.
-Qu'est-ce que vous foutez ici ? C'est quoi tout ça ?
C'était Franck. Il venait de pénétrer dans la Salle-sur-Demande. Alice ne se demandait même pas comment, elle s'en fichait. L'important, c'était que plus jamais elle ne connaîtrait la détermination qu'elle avait connu avant. Jamais elle ne pourrait se défaire de son emprise.
-Et toi, qu'est-ce que tu fais là ? demanda James d'une voix suspecte, sa baguette toujours levée.
-Ce n'est pas ta salle j'aimerais te faire remarquer.
-Elle s'est ouverte pour nous.
-On peut savoir pourquoi ?
-Ça ne te regarde pas.
-Les garçons, arrêtez cela, tempéra Lily qui semblait avoir peur que la situation ne dégénère. Si la Salle s'est ouverte pour nous et pour toi Franck, c'est qu'il y a une raison. On veut faire un groupe de défense.
Alice vit James lui lancer un regard incrédule.
-Il est avec nous à Gryffondor, lança sèchement Lily. Il peut nous être utile.
Elle se tourna vers le garçon :
-Seulement si tu promets de te taire et de ne pas nous mettre de bâtons dans les roues. On veut apprendre à se défendre, pour que ce qu'il est arrivé à Marlene n'arrive plus jamais.
Un silence se fit. Mais c'était déjà le cas pour Alice : elle n'avait rien écouté de la conversation, qui lui avait semblé lointaine. Toute colère, toute peur avait quitté son corps. Désormais, ce n'était plus que la tristesse, la douleur, l'imprégnable sensation d'avoir été trahie, que jamais plus elle ne pourrait faire confiance à qui ce que soit. Car Alice savait pertinemment pourquoi Franck était venu dans cette salle. Elle l'avait compris à la minute où Emmeline était apparue à son tour à travers la porte. C'était officiel : Franck l'avait remplacée. Elle ne comptait plus pour lui. Et elle allait devoir partager ses cours de défense avec sa nouvelle petite-amie. Ça allait être un désastre.