Il avait de la peine à calmer ses pulsations. Cela faisait plusieurs jours que ça durait. Il se levait, sentait son cœur battre contre sa poitrine, contre ses tempes, contre son bras. Puis il essayait de faire comme à chaque fois : de se perdre dans ses manuels de potions, faisait semblant d'écouter les histoires de ses camarades, passait tout son temps au sous-sol, là où personne ne pensait à venir le chercher, à tester de nouvelles fioles qui parfois avaient des effets surprenants... Mais quelque chose avait changé. Il n'arrivait plus à se perdre dans ce qu'il faisait jusqu'à oublier la médiocrité de sa vie. Désormais, les battements rythmaient les pensées noires qui l'habitaient et semblaient ne plus pouvoir se déloger de son esprit. A mesure qu'il y pensait, de la sueur froide apparaissait sur son front. Ça avait même commencé à se voir, et il était désormais la risée de la bande, qui lui conseillait sans cesse de prendre avec lui une serviette pour s'essuyer. Mais le pire, c'était les nuits : il ne dormait presque plus et, lorsqu'il le faisait, il ne rêvait que d'une seule chose : qu'il tuait James Potter.
-Sev, Sev ! A quoi tu penses ?
Il secoua la tête et respira faiblement, son cœur menaçant de sortir de son bras gauche. « Sev » : ce surnom le faisait souffrir. Il ne savait pas combien de temps son esprit l'avait emmené ailleurs. Il regarda en face, pour voir la mine de Narcissa qui le questionnait du regard. Il devait avoir l'air plus mal que d'habitude. Elle avait insisté pour qu'ils fassent leurs devoirs ensemble, et Rogue suspectait que ce ne soit que pour énerver Lucius, ce qui semblait marcher. Le blond ne se tenait pas loin d'eux, et lui lançait des regards à intervalles réguliers qui disaient : fais attention à toi. Pour la première fois depuis ses années d'études à Poudlard, le garçon n'en avait que faire du roi des serpents. Il n'en avait que faire que toute la bande se retourne contre lui et le moque, que Malefoy ne l'attrape dans les couloirs pour le menacer de ne plus passer de temps avec Narcissa, ou même de rater ses cours et d'être à nouveau inutile aux yeux des siens. L'unique image qu'il avait inlassablement dans la tête, c'était James Potter qui embrassait Lily Evans. C'était James Potter qui tenait sa Lily dans ses bras, qui lui passait la main dans les cheveux. Elle pleurait. Il l'avait parfaitement vu. James Potter la faisait pleurer, mais c'était vers lui qu'elle se retournait pour qu'il la console. Il le haïssait. Comme il n'avait jamais haï personne.
-A rien du tout, maugréa-t-il, peu désireux d'engager une conversation.
Heureusement pour lui, la blonde n'était pas de celles qui parlaient beaucoup. Au lieu de ça, elle plongea la tête dans son manuel et, lorsque Severus jeta un coup d'œil sur son parchemin, il pouvait déjà détecter des erreurs. En temps normal il lui aurait dit, mais peu lui importait que Narcissa ne rate ses cours. Il n'avait même pas de considération pour ses notes à lui. Il ne faisait que revivre l'événement, douloureusement. Il aurait aimé pouvoir revenir en arrière et tout changer : si seulement Mulciber ne l'avait pas chargé encore une fois d'aller à la volière à sa place. Seulement, en ce temps-là, Rogue l'avait fait de bon cœur. Car peut-être... Peut-être cela voudrait dire la recroiser, comme il l'avait fait lorsqu'elle était venue y déposer une lettre en même temps que lui. Peut-être la reverrait-il, et pourrait-il sentir son odeur si particulière. Alors il s'était porté volontaire, au risque d'éveiller les soupçons de Mulciber. Il était au courant pour Lily et James. Mais de les voir ainsi, si proches, ça l'avait détruit. Il se sentait brûlant de haine envers Potter. Le même Potter qui l'avait menacé. Comme d'habitude, Lily était parvenue à se mettre entre deux. Rogue aurait préféré que le Gryffondor ne l'attaque, pour qu'elle voie sa vraie nature. Au lieu de ça, il lui avait lancé un rictus méprisant et, sans même se retourner, était parti en direction de la salle commune de sa maison. Severus avait fait un pas vers Lily mais la rousse l'avait arrêté immédiatement : « ce n'est plus la peine de venir par ici, Sev ». Sev... Si elle l'appelait encore comme cela, alors peut-être cela voulait-il dire qu'elle tenait encore à lui. Depuis, la question n'avait pas cessé de lui tarauder l'esprit.
-On a besoin de toi.
Cette fois-ci, le jeune homme sursauta. Ce n'était pas la voix de Narcissa. Il leva la tête et aperçut Lucius. Il vit du coin de l'œil la jeune femme faire tous les efforts possibles pour ne pas relever la tête. Lucius ne lui accorda pas un regard, mais Severus sentait qu'il faisait exprès de venir lui parler lorsqu'elle était là pour entendre.
-C'est-à-dire ? dit-il, le cœur plus battant que jamais.
Severus sentit les sueurs froides lui reprendre, et il ravala sa salive.
-Ce soir, on a prévu une petite soirée ici même. Comité restreint. Crabbe et Goyle se chargeront de... Faire gentiment monter les personnes qui ne seraient pas conviées.
Severus fronça des sourcils : que comptaient-il bien faire au beau milieu de la salle commune des Serpentards et surtout, comment lui-même allait-il pouvoir l'y aider ?
-Et ? demanda-t-il, plus hargneux qu'il ne l'aurait voulu.
Lucius le perçut mais ne dit rien. A la place, il s'approcha encore de quelques centimètres :
-Et on a besoin que tu nous concoctes une de tes... Spécialités. Rosier a pris les... Encens de son père.
Severus sentit un poids retomber lourdement dans son ventre. Malefoy ne voulait pas qu'il lui fasse une potion, il n'avait même rien prévu qu'un moment avec sa bande. Il voulait juste qu'il leur prépare une fumée plus nocive que celle qui se trouvait d'ordinaire dans les bâtons d'encens. Il hocha la tête.
-Tu y es convié, bien entendu.
Rogue n'était pas bien sûr d'à qui s'adressait la remarque, mais il vit Narcissa respirer bruyamment, la même page toujours ouverte devant ses yeux. Pour une fois, son cœur se calma. Il se dit que peut-être, la bande de Serpentards serait celle qui lui permettrait d'oublier.
C'était fou comme les choses pouvaient rapidement changer. Toute sa vie, il s'était mis en tête que la soirée de ses dix-sept ans serait la plus déontologique de l'univers. Il avait tout prévu : les musiques qu'il passerait, les cocktails qu'il préparait, quelles filles il inviterait. Et pourtant, à l'aube de son anniversaire et de sa majorité, l'unique chose dont était capable de penser James Potter était à quel point il n'avait pas envie de fêter. Il ne voulait pas grandir. Il ne voulait pas devenir majeur. Surtout, il ne voulait sous aucun prétexte quitter Poudlard. De plus, les événements précédents l'éloignaient de plus en plus des fêtes qui avaient été, et qui, une fois en-dehors de l'école, ne seraient plus. Il sentait un poids sur ses épaules. Un poids qui ne l'avait jamais quitté depuis l'attaque de son père, puis l'attaque à Pré-au-Lard. Il sentait que les choses changeaient, et qu'il ne servait à rien de prétendre qu'ils seraient pour toujours les adolescents qu'ils étaient quelques mois auparavant. James ressentait comme un vide au milieu de sa poitrine : il savait qu'il s'apprêtait à dire au revoir à quelque chose qu'il chérirait toute sa vie. Que, d'une certaine manière, il avait déjà vécu ses meilleures années. Et que, pour la suite de sa vie, il allait devoir prendre des responsabilités bien plus grandes que quiconque ne pouvait l'imaginer. Il l'avait compris lors du rendez-vous avec le professeur Mcgonagall, et lorsqu'il avait vu le changement qu'il pouvait générer en proposant quelque chose d'innovant avec ses cours de défense. Et puis il y avait eu Lily. A quoi bon inviter les plus jolies filles de Poudlard à son anniversaire alors qu'il avait celle qu'il lui fallait à ses côtés ? A cette pensée, il sourit.
-Alors tu es certain, pas de fête ?
Remus le regardait presque avec inquiétude. Sirius aussi le sondait, comme s'il n'était pas bien sûr de qui il avait en face de lui. Comme depuis plusieurs jours, Peter semblait absent.
-Certain, affirma James avec un sourire encore plus grand.
Il avait changé, c'était un fait. Il n'était plus le garçon volatile qui ne pensait qu'à une seule chose : s'amuser. Mais cela ne devait pas dire qu'il devait mettre ses dix-sept ans de côté.
-Mais je vous convie tout de même au local des Préfets-en-Chef, juste la bande restreinte.
Remus et Sirius laissèrent échapper un soupir de soulagement.
-Mec, pendant un moment tu m'as fait peur ! lança Remus.
-Je me suis demandé si tu t'attendais à ce qu'on t'organise une fête surprise. Je l'aurais fait mais... A voir comment ça s'était passé pour moi... commença Sirius, soudainement gêné.
James balaya son commentaire d'un signe de la main : bien de l'eau avait coulé sous les ponts.
-Absolument pas ! Vous savez, je crois que tout le monde est épuisé, et moi le premier. Et puis... Avoir dix-sept ans, c'est plus difficile que ce que je croyais que ça allait être. J'ai déjà fêté mes anniversaires, plus qu'il n'en faut...
Remus et Sirius acquiescèrent avec soudain un sourire attendri sur le visage. Peter ne disait toujours rien, les yeux dans le vague.
-Mais on a quand même tous mérité une soirée de repos ! On boira quelques bières, on rigolera tous ensemble. Et comme ça, pas de drame, pas d'Emmeline Vance et de Franck Londubat pour nous gâcher la soirée... Rien de tout cela. C'est d'accord ?
Les Maraudeurs hochèrent la tête.
-Je m'occupe de la bière ! lança Sirius avec l'air de celui qui avait l'habitude.
-Si tu veux bien, je prendrai quelques morceaux de ma sélection personnelle, il est temps que vous ouvriez vos goûts musicaux à de nouveaux horizons, sourit Remus.
James acquiesça, tout sourire. Puis il prit conscience que Peter n'avait toujours rien dit.
-Pet', tu veux contribuer à quelque chose ? demanda-t-il.
Le garçon sembla reprendre contenance, et rougit :
-Heu... Oui, très bien. Je pourrais peut-être m'occuper de la nourriture... Enfin, tu veux qu'on mange avant ?
-On mangera à la Grande Salle, mais prends quelques snacks ! sourit James.
-C'est dans tes cordes, vieux, s'écria Sirius en lui lançant une tape dans le dos.
James vit Peter rougir encore plus et ses yeux se mouiller. Mais, au lieu de réprimander son meilleur ami, il changea de sujet :
-Aufaite Sir, est-ce que je dois inviter Marlene ?
Il se regarda dans la glace : il s'était peut-être fait un peu trop élégant pour rompre. Pourtant, il devait rejoindre immédiatement après la soirée de son meilleur ami, et c'était le seul moyen qu'il ait trouvé. Toute la journée, il avait tenté de l'intercepter, mais elle était sans arrêt en compagnie d'Emmeline ou, pire, de Benjamin. Sirius avait remarqué que ce dernier et Cassidy ne s'adressaient plus la parole, et il espérait fortement que le sujet viendrait sur le tapis le soir-même. Il avait besoin de savoir ce qu'il s'était passé. Car la vérité, c'était que la garçon était incapable de penser à autre chose. Quand James lui avait demandé s'il devait inviter Marlene à fêter son anniversaire, Sirius avait eu honte de lui, pour la première fois depuis longtemps. Il avait eu honte, car il avait presque oublié la jeune femme. Une fois sortie de l'infirmerie et remise sur pied, le jeune homme avait trouvé tous les prétextes pour la voir le moins souvent possible. Fort heureusement, la condition de sa petite-amie les empêchait de se voir en privé, et Sirius se demandait quelles excuses il aurait alors pu trouver pour éviter les moments passés ensemble. Il se sentait stupide : il savait pertinemment que c'était voué à l'échec. Depuis le début, il le pressentait. Car, s'il était honnête, il s'avouerait qu'il l'avait uniquement fait pour garder le score à zéro avec Cassidy. Et, il se détestait encore plus de se l'avouer, mais si Cassidy et Benjamin n'étaient plus ensemble, il était content de voir que la jeune femme avait terminé sa relation avec Fenwick avant que lui-même n'ait à le faire. C'était ce qui rendait ce qu'il avait à faire plus comme un soulagement que comme une épreuve. L'épreuve, c'était de repousser ce sentiment de dégoût de lui-même qu'il ressentait. Peut-être pour la première fois de sa vie, Sirius avait peur d'aller en rendez-vous avec une fille. Ses mains suaient, et il sentait sa lèvre inférieure trembler. Sa gorge semblait nouée et il se demandait de quelle manière sa voix allait paraître lorsqu'il allait parler. « Faites qu'elle soit d'accord avec moi », priait-il intérieurement alors qu'il marchait dans les couloirs, incapable de voir les élèves qui le saluaient. Puis, son cœur marqua un temps et la boule dans son ventre remonta jusque dans sa gorge. Elle l'attendait : elle s'était faite jolie, et ne portait plus l'atèle qu'elle avait eu les jours précédents. Elle était maquillée, et souriait. Sirius se sentit défaillir : « elle ne se doute de rien ». Il se regarda et, pendant quelques secondes, se dit qu'il allait continuer à faire semblant, car il ne pouvait décemment pas la quitter dans cette tenue, alors qu'elle-même pensait qu'il allait l'emmener en rendez-vous romantique.
-Salut, dit-il d'une voix étranglée qu'il reconnut à peine.
Il se sentit rougir et paniqua : jamais il ne s'était senti aussi minable, aussi petit. Marlene s'approcha pour lui faire un baiser et, dirigé par le stress, il recula. La jeune femme sembla comprendre, et son expression changea du tout au tout : ses traits se durcirent, et son regard se fit froid. Il ne pouvait plus reculer à présent. Il prit une grande respiration et l'emmena dans un coin, loin des oreilles indiscrètes.
-Écoute... Marlene.... Je...
Il espérait qu'elle allait prendre la parole, dire quelque chose, ou même se mettre à pleurer. Mais elle n'en fit rien. Elle restait froide et dure, et le regardait avec mépris et dégoût, les mêmes sentiments qu'il ressentait. Il déglutit péniblement et, les joues brûlantes, continua :
-Je suis vraiment désolé. On s'est... On s'est mis ensemble et je veux dire... C'était très bien. Tu es vraiment une personne géniale. Mais... le fait est que... Je ne suis pas un petit-copain idéal. Je ne saurai jamais prendre soin de toi comme tu le mérites. Ce n'est pas ta faute. C'est de la mienne.
Il était sincère : il pensait réellement qu'il n'y avait aucun problème avec Marlene. Elle était attirante, jolie, joviale et intelligente. Et, bien qu'il le pensait parfois, au fond de lui il savait que ce n'était pas non plus Cassidy. C'était lui : il ne serait jamais comme les autres. Il ne serait jamais comme James. Il osa enfin la regarder dans les yeux. Il s'attendait à y voir perler des larmes, mais au lieu de ça, la jeune fille se mit à éclater de rire. D'un rire froid, sarcastique, presque cruel.
-Tu vas sérieusement me jouer la carte du « ce n'est pas ta faute, c'est moi qui ai un problème » ? Eh bien Sirius Black, tu es encore plus décevant que tu n'y parais.
Sirius sentit immédiatement quelque chose changer en lui : il ne culpabilisait plus. Il sentait qu'elle était sur le point de réveiller un côté de lui qu'aucun des deux n'avait envie de voir. Il ne réussit à répondre et, au lieu de ça, écouta impuissant la jeune femme :
-J'avoue que tu m'as presque eue. Tu as presque réussi à me faire croire que tu étais une belle personne, qui en valait la peine. Mais tout cela, ce n'était qu'un jeu de plus pour toi, pas vrai ? Emmeline et Benjamin avaient raison depuis le début : tu n'es qu'un égoïste qui se sert des autres. Mais la vérité, c'est que c'est toi que je plains. Car c'est toi qui finira seul, une fois que tes soi-disant amis se rendront compte que tu n'es qu'un traître !
Sirius tremblait, mais pour d'autres raisons. Il était sur le point de perdre contenance et de laisser exploser sa fureur qui était apparue au nom de « Benjamin ». Il se força à respirer et se calma pendant quelques secondes :
-Oui, tu as raison. Et c'est pour ça que je te quitte, dit-il en se détournant de la jeune femme.
Une fois dans le couloir et alors que plusieurs élèves s'étaient rassemblés pour voir ce qu'il se passait, Marlene lui cria :
-Aufaite, dis à ta chère Cassidy que Benjamin s'est mis en couple avec Irina Patil. Ça va lui changer de quelqu'un qui ressemble à une pierre au lit !
Fou de rage, Sirius se planta les ongles dans les mains et accéléra le pas, prévenant du regard chaque élève moqueur qu'il était préférable de ne pas se mettre dans sa route. Il ne se retourna pas à la remarque de Marlene, car il n'était pas bien sûr de la réaction qu'il aurait. Alors qu'il regagnait avec fureur le couloir de la salle commune de Gryffondor, une seule chose bouillonnait dans son esprit : Cassidy avait couché avec Benjamin.
La potion était prête : elle lui avait pris une bonne partie de l'après-midi à concocter. C'était la première fois qu'il ressentait à nouveau cette excitation à l'idée de préparer autre chose que les filtres dénués d'intérêt du professeur Slughorn. C'était la première fois depuis l'incartade qu'il pensait à autre chose qu'à Lily et à Potter. Il était presque reconnaissant envers Lucius de lui avoir proposé cela. C'était même la première fois qu'il se réjouissait à l'idée de passer une soirée accompagnée de la bande. Il était prêt à entendre les blagues salaces de Mulciber, prêt à entendre Evan se vanter de ses conquêtes, même prêt à voir Lucius regagner Narcissa, comme il le faisait toujours. Car, pour une fois, il sentait que ses camarades de Serpentard seraient les seuls à être là pour lui. Il avait fini. Il regarda le résultat, fier, les pupilles dilatées : le filtre laissait échapper une douce fumée verdâtre, et Rogue fit attention à ne pas trop la humer, sous peine de planer avant l'heure. Il rassembla ses affaires et, comme il le faisait toujours, remonta des cachots - là où il testait la plupart de ses nouvelles inventions. Il regagna la salle commune de Serpentards : Lucius n'avait pas menti. Crabbe et Goyle se tenaient à l'entrée, et s'amusaient à faire peur aux premières années qui voulaient se rendre à leur dortoir. Severus passa la porte, en évitant de croiser le regard implorant de l'élève de deuxième année qui se faisait chahuter. Puis il pénétra dans la salle : il n'y avait en effet que leur bande, plus ou moins quelques filles - les plus jolies - de Serpentard. Mais Rogue n'en avait que faire. Il chercha des yeux Lucius, qui se trouvait au milieu du canapé, Mulciber et Rosier à ses côtés, et qui s'était déjà servi un verre de Whiskey pur Feu. Aux alentours, certains jeunes s'attardaient dans l'espoir d'être conviés à la fête qui se préparait, mais Wilkes les chassa rapidement. Indifférent au regard insistant d'Avery sur sa personne, il alla se posticher devant Lucius et lui tendit la fiole, un sourire aux lèvres. Le blond le regarda d'abord avec suspicion puis, lorsqu'il souleva le couvercle, lui aussi eut un sourire carnassier.
-Juste ce qu'il nous manquait. Eh bien, je crois que tu as gagné ta place parmi nous ! Assieds-toi.
Il ne sut pour quelle raison, Severus se mit à rougir. Il prit place aux côtés d'Evan, Mulciber lui faisant définitivement trop peur pour qu'il n'ose s'asseoir à côté de lui. Lucius lui tendit un verre. Rogue ne savait pas comment réagir : il avait l'impression que quelque chose n'était pas normal. Jamais le blond n'avait été aussi gentil envers lui : ça ne pouvait pas uniquement être à cause de la potion. Il but une gorgée et sentit sa trachée lui brûler : c'était une douleur qui lui faisait du bien. Elle l'éloignait d'une autre, trop puissante, qui le détruisait depuis trop longtemps. La pièce avait pris vie : dans un coin, les filles conviées - qui attendaient que les garçons ne fassent le premier pas - gloussaient entre elles. Crabbe et Goyle avaient rejoint la troupe et, avec Avery et Wilkes, ils s'acharnaient à une partie d'un jeu de cartes que Rogue n'avait jamais vu, mais qui consistait à faire brûler le maximum de personnages chez son adversaire. Lui-même s'affairait à mettre en place le liquide vert de sa fiole dans les encens qui embaumeraient sous peu la pièce. Alors qu'il avait de la peine à mettre le liquide là où il le devait, Rogue sursauta lorsqu'une main se posa sur son épaule :
-T'inquiète pas, on a tout notre temps avec ça. Bois plutôt un coup !
Lucius leva son verre, et Mulciber, Evan et Regulus - que Severus n'avait même pas vu arriver - l'imitèrent. Troublé, le garçon en fit de même, et but une plus grosse gorgée. Il sentait déjà la tête lui tourner : il n'avait pas l'habitude d'une telle sensation, mais ça lui plut. Il lui semblait qu'ainsi, il pouvait tout oublier.
-Je propose qu'en attendant les retardataires, nous fassions un petit jeu, suggéra Malefoy avec une fausse innocence.
Rogue savait que par « retardataires », Lucius voulait dit Narcissa : il avait remarqué que le garçon ne cessait de lancer des regards vers le dortoir des filles.
-D'ailleurs, Rosier, étant donné qu'Erin n'est pas encore des nôtres, dis-nous très exactement ce qu'il s'est passé avec elle.
Evan rigola et dit posément :
-C'est ça ton jeu ?
-On a cas l'intituler : le jeu des vérités. Je préside, répondit Lucius, le regard provocateur.
Rosier posa gentiment son verre puis leva les mains en signe de reddition :
-Très bien, puisque tu insistes. Eh bien... C'était sympa. Le temps que ça a duré. Disons que... J'ai envie de m'axer sur de plus gros challenges, si vous voyez de quoi je veux parler. Et puis bon... Je les préfère timides.
Les autres garçons se bidonnèrent. Rogue se sentit soudain incroyablement mal à l'aise : il savait pertinemment qu'il était à part, qu'aucune fille ne voudrait jamais de lui. Ses camarades faisaient partie des élèves les plus populaires et dangereux de l'école. Bien entendu, ils avaient toutes les filles à leurs pieds. Il regarda Regulus qui lui s'était contenté de sourire : peut-être que lui aussi était dans son cas, et qu'il n'avait jamais eu de copine. Pourtant, Rogue savait qu'ils ne feraient jamais partie de la même catégorie. Il le remarquait aux regards que les filles lançaient au plus jeune du coin de la pièce. Après tout, il avait du sang Black dans les veines : il pourrait avoir ce qu'il voudrait, quand il voudrait. Il but une gorgée, soudainement amère. Il ne détestait pas Regulus, mais il ne pouvait s'empêcher de penser à son frère lorsqu'il le regardait. Et penser à Black, c'était penser à Potter. Et ceci, il ne pouvait plus le faire.
-Et toi, Severus ?
Le garçon s'étouffa dans son verre et des larmes lui sortirent des yeux : peut-être de celles qu'il retenait depuis tellement longtemps. Mulciber, Rosier et même Regulus le regardaient avec un air moqueur. Mais, à la tête de Lucius, Rogue comprit qu'il ne lâcherait pas avant d'avoir entendu ce qu'il voulait. Il comprit qu'il s'était fait piéger et que, bien évidemment, le blond avait une raison derrière la tête pour l'avoir invité. Ça ne pouvait pas en être autrement.
-Comment ça ? feigna-t-il en se resservant un verre et en sentant ses joues lui brûler.
-Eh bien je ne sais pas... Dis-nous, si tu pouvais choisir n'importe qui et qu'elle soit à toi, qui ce serait ?
Le jeune homme sentit son cœur s'affoler, sa respiration devenir incontrôlable, et les sueurs reprendre leurs droits. Il n'y avait qu'une seule raison pour que Lucius n'agisse comme il le faisait : il savait. Rogue avait peur : que ferait-il une fois qu'il avouerait ?
-Personne, maugréa-t-il en reprenant une gorgée.
Lucius eut un petit rire. Mulciber s'était approché pour mieux voir sa réaction, et même Rosier et Regulus en avait fait de même. Rogue savait qu'il était fichu. Mais qu'importait ? De toute manière, il n'avait jamais fait partie de la bande. Il commençait à avoir une fâcheuse habitude à se faire rejeter.
-Oh allais... On a dit que c'était le jeu de la vérité. On est tes amis, non ?
Lucius jouait, et Rogue savait qu'il serait toujours meilleur à ce jeu-là. Peut-être grâce ou à cause de l'alcool, le garçon sentait ses inhibitions le quitter et, surtout, il se sentait plus courageux qu'il ne l'avait jamais été :
-Qu'est-ce que tu veux entendre Malefoy ?
Lucius jubilait : il ne se formalisa pas du ton revêche que Severus avait eu à son encontre mais, au contraire, semblait enclin à le provoquer d'autant plus :
-Je veux que tu avoues pour qui tu en pinces.
Rogue sentait ses joues lui brûler autant que sa trachée. Il se sentait pris au piège : car l'avouer à voix haute ne voudrait pas seulement dire se faire rejeter à tout jamais des Serpentards, c'était aussi avouer une blessure. Et Severus n'était pas prêt à ce que cette blessure ne provoque comme réactions. Mais il n'avait pas le choix : partir maintenant, ce serait devenir à tout jamais la risée des Serpentards. Il prit encore une gorgée et, la voix rauque, cracha :
-Ce serait Lily Evans.
Pendant quelques instants, personne ne dit rien. Regulus baissa la tête et s'enfonça dans son fauteuil. Rosier regardait Lucius d'un œil, la tête basse. Mulciber fusillait Rogue du regard, avec un sourire cruel. Puis Lucius attendait, la tête haute, le regard supérieur, comme pour enfoncer Rogue encore un peu plus. Et, à cet instant-ci, Severus prit conscience d'une chose : il se fichait pas mal des remarques qu'il pourrait avoir, il se fichait même des regards soit de pitié ou de haine que les autres lui envoyaient. La vérité, l'unique, c'était qu'il avait l'impression d'avoir trahi Lily. Avouer ses sentiments, c'était laisser l'opportunité aux Serpentards de la détruire, de la salir. Et il s'en voulait incroyablement de la mettre en pâture, d'encore une fois ne pas savoir la protéger. Car, malgré tout ce qu'il s'était passé, Severus était incapable de refaire du mal à Lily, comme il avait pu lui en faire.
-Je crois parler au nom de tout le monde en disant que personne ici n'a envie de traîner avec un adorateur de sang-de-bourbes.
Mulciber venait de parler, le regard dur, et s'apprêtait à se lever quand Lucius l'arrêta d'un geste. Rogue le regarda : le blond ne le lâchait pas des yeux. Ceux-ci n'étaient plus moqueurs, mais inquisiteurs. Comme si Rogue était face à un choix drastique, et que Lucius attendit qu'il fasse le bon.
-On se calme, dit-il finalement. On se calme. Comme je l'ai dit, nous sommes entre amis. Et les amis, c'est aussi fait pour ça.
Puis il se tourna vers Mulciber, qui le regardait comme s'il avait perdu la tête.
-Severus, continua le blond d'une voix avenante - Rogue détestait lorsqu'il le faisait et lorsqu'il utilisait son prénom, car il savait pertinemment que ça allait marcher. Aucun d'entre nous n'est exempt d'erreurs ici. Et nous allons te pardonner la tienne. Parce qu'on te comprend. Si l'on met de côté son sang infâme, on ne peut pas dire qu'elle soit moche. Et puis elle et toi, vous vous êtes connus avant Poudlard pas vrai ? Enfant, tu ne pouvais pas savoir... Tu as pensé que peut-être elle changerait, qu'elle pourrait accepter qui tu es. Comment est-ce que ça s'est produit, exactement ? Ah oui, elle sort maintenant avec James Potter. Le grand James Potter, le merveilleux James Potter... Qui a passé son temps à Poudlard à t'humilier. Et elle, qu'est-ce qu'elle a fait pour changer cela ? Absolument rien. Elle a peut-être compté pour toi, mais rends-toi à l'évidence, tu n'as jamais compté pour elle.
Peut-être parce qu'il les avait retenues autant de temps, et peut-être aussi parce que, avec les verres d'alcool ingurgités aussi rapidement, plus rien ne comptait, Severus pleura. Il pleura comme il ne l'avait plus fait depuis des années. Il était incapable de soutenir le regard des autres. Il lui semblait que la pièce s'était refroidie, que le silence s'était soudainement fait tout autour de lui. Ou peut-être s'était-il fait dans sa tête : le battement dans son bras avait disparu, son cœur avait ralenti. Tout cela s'échappait à mesure que ses larmes coulaient.
-Il est temps pour toi de choisir, Severus. Car toi et elle, vous ne ferez jamais parti du même monde. Comme je l'ai dit, on est prêt à te pardonner. Pense-y : qui a toujours été là pour toi quand Potter et sa bande t'humiliaient ? Quand Evans t'a laissé tomber comme un moins que rien ? C'est nous, tes vrais amis. Mais une chose est sûre : tu ne peux pas être ami avec nous, et continuer à la vouloir. Alors, qu'est-ce que tu choisis ?
D'une certaine manière, Rogue avait l'impression que Lucius disait vrai. Au fond de lui, il savait bien que c'était l'arme que Malefoy avait trouvée pour s'assurer qu'il ne quitterait jamais la bande. Mais, s'il n'y restait pas, quel autre choix avait-il ? Personne ne voulait de lui, pas même ses parents. Et Lily l'avait prouvée l'autre soir : c'était James qu'elle avait choisi. Après il lui sembla les minutes les plus pénibles de sa vie, il essuya ses joues et affronta le regard du blond qui le regardait d'un air grave, toute moquerie ayant quitté ses traits :
-C'est vous mes amis, répéta Severus.
-Parfait ! s'écria soudain Lucius, ce qui relâcha la tension qui s'était accumulée dans la pièce. On trinque à ça !
Rogue n'osa pas affronter le regard de Mulciber qu'il venait d'entendre dire : « quelle angoisse », ni celui de Rosier qu'il avait entendu soupirer de soulagement. A la place, il se resservit un verre. Lorsqu'il le fit, il croisa les yeux de Regulus : il ne savait pas si c'était les larmes qui l'embrouillaient, mais il lui semblait que le plus jeune des Black avait... de l'empathie à son égard. Mais Rogue n'en voulait pas. Ce qu'il voulait, c'était oublier.
-Ah, voici les retardataires. La fête peut enfin commencer, murmura Lucius les yeux avides alors que Narcissa et Erin descendaient les marches, tous les yeux se tournant vers elles.
Elle avait fait des efforts : elle avait mis le haut qu'Alice lui avait conseillé, avait pris l'habitude de mettre une touche de gloss et s'était même pris d'affection pour les boucles que son amie lui avait offerte. C'était la soirée de son frère, et elle voulait en profiter pour passer à autre chose. Car la vérité, c'était qu'elle avait besoin de lui. Elle était contente du cadeau qu'il lui avait tous fait : un flambant nouveau balai pour gagner la coupe de Quidditch. Ça valait une fortune, et Cassidy en aurait presque été jalouse si elle n'était pas aussi impatiente de voir sa réaction. Tout le monde avait contribué, même ses parents. Bien entendu, chacun avait rajouté une touche personnelle : elle-même lui avait offert un livre de cuisine, sans doute pour voir la réaction gênée qu'il aurait devant les autres mais aussi car elle savait pertinemment que son frère adorait être aux fourneaux. Elle se dirigeait vers le local des Préfets-en-Chef, contente de pouvoir penser à autre chose que les événements qu'il lui était arrivé la semaine écoulée. Elle n'avait que peu dormi, pratiquement rien mangé. Ses entraînements de Quidditch étaient tous plus catastrophiques les uns que les autres, et elle n'arrivait plus à écouter en classe. Il n'y avait qu'une seule chose dans son esprit : les mots de Benjamin. Mais ce soir-là, elle était déterminée à penser à autre chose. Dorcas l'accompagnait. Aussi étrange que cela puisse paraître, Cassidy avait l'impression qu'à mesure qu'elle-même coulait, sa meilleure amie semblait pleine d'entrain et plus sûre d'elle que jamais. Elle était persuadée que les deux éléments n'étaient pas corrélés, mais Dorcas avait aussi eu une période noire, et Cassidy se demandait comment elle s'en était sortie. Elle se promit de prendre un temps pour lui parler durant la soirée. Elles arrivèrent devant la porte, dirent le mot de passe que James leur avait confié, puis entrèrent dans la pièce. C'était absolument magnifique : elle était éclairée par des lanternes suspendues par magie au plafond, rendant l'atmosphère chaleureuse. Un faux feu de cheminée trônait dans un coin de la pièce. Le canapé avait été poussé dans un coin et quelques autres petits fauteuils s'y étaient rajoutés. Au milieu de cela, une petite table basse était disposée avec dessus des snacks tous plus alléchants les uns que les autres ainsi que quelques Bièraubeurres, du Whisky Pur Feu et des minérales. Cassidy voyait son frère et Remus s'affairer près du tourne-disque, apparemment plus compliqué qu'il n'y paraissait. Puis il y avait Lily, qui, avec sa baguette, trafiquait près du feu. Elle lança un regard à Dorcas qui sourit faiblement puis fit mine de s'intéresser aux verres, et elle s'autorisa à laisser son amie pour aller voir la rousse. Décidément, elle ne comprendrait jamais ce qu'il se passait entre Lily et Dorcas.
-Salut ! C'est toi qui t'es occupée de la déco ? C'est magnifique !
Lily sursauta : ses joues étaient légèrement rosées, comme lorsqu'elle était concentrée sur une tâche difficile. Cassidy sourit : elle appréciait réellement la petite-amie de son frère.
-Merci beaucoup ! Oh c'est trois fois rien. Et puis, c'est l'occasion de réviser certains sorts de base ! Mais celui-là est plus difficile qu'il n'y parait... Les flammes partent dans tous les sens ! Tu te souviens de ce que nous a dit Flitwick sur les sortilèges pour apaiser les éléments ?
Cassidy sourit : c'était bien la première fois que Lily Evans lui demandait conseil. Elle fouilla dans sa mémoire, et se souvint de quelques paroles floues, qu'elle tenta d'appliquer avec sa propre baguette. Alors que les deux filles parvenaient enfin à trouver un équilibre entre trop de flammes et pas assez, Cassidy sentit une main se poser sur son épaule :
-Je peux te parler ?
Elle avait pensé pouvoir y réchapper. Que peut-être tout pouvait se dérouler normalement, qu'elle n'aurait cas l'éviter, comme elle l'avait souvent fait. Mais Sirius n'était pas de cet avis. Immédiatement, Cassidy sentit l'angoisse et la peine revenir à l'assaut. Elle s'excusa auprès de Lily, qu'elle s'étonna de voir aussi rouge qu'une pivoine, et alla se mettre dans un coin de la pièce avec Sirius, non sans s'assurer que son frère était toujours affairé aux platines.
-Je voulais juste te dire que je suis désolé, commença-t-il.
Cassidy haussa des sourcils : ce n'était pas dans les habitudes du garçon de s'excuser, et elle devait avouer qu'elle ne comprenait pas de quoi. Alors qu'elle pensait au baiser qu'ils avaient échangé et qu'elle s'apprêtait à dire que c'était oublié, il la coupa :
-Je suis désolé pour toi et Fenwick.
Alors c'était dont ça ? Sirius avait appris pour elle et Benjamin. Comment, elle n'en avait aucune idée. Quoi que, lorsqu'elle y pensait, il fallait avouer qu'elle n'avait plus été vu en sa compagnie, les soupçons étaient dès lors rapidement faits. Soudain, elle se sentit agacée, énervée même : Sirius n'était en fait là que pour savourer sa victoire.
-Il n'y a pas de quoi s'excuser, je l'ai quitté, dit-elle froidement.
Elle s'apprêtait à partir lorsqu'il la bloqua du bras. Il cherchait son regard :
-Oui eh bien, j'ai appris qu'il sortait avec Irina Patil. J'ai préféré te le dire avant que tu ne l'apprennes par quelqu'un d'autre.
Cassidy eut envie de vomir. Benjamin Fenwick était le pire être-humain qu'elle n'ait jamais connu sur Terre. Et Sirius le suivait de près. Il faisait semblant d'avoir de la compassion, mais elle savait pertinemment ce qu'il pensait. Il devait se réjouir.
-Et j'imagine que ça te fait plaisir, non ? lança-t-elle, amère.
Sirius ôta immédiatement sa main et eut un mouvement de recul.
-Pas du tout. Je te l'ai dit, je suis désolé, dit-il un peu plus froidement.
-Eh bien je n'en ai que faire de tes excuses. Garde-les pour ta petite-amie. Je te l'ai dit : j'ai quitté cet idiot parce qu'il ne me plaisait plus. Et figure-toi que j'ai quelqu'un, moi aussi.
Au moment même où elle disait ces mots, elle se sentit stupide : comment pouvait-elle mentir ? Mais elle ne pouvait décemment pas avouer la vérité. La simple vérité qu'elle se sentait comme une moins que rien.
-Tant mieux pour toi, cracha-t-il, ses yeux s'étant transformés. Je comprends ce qu'il voulait dire, maintenant.
Puis il s'en alla. Cassidy resta plantée dans le coin de la pièce, pantelante, les larmes lui montant aux yeux. Ce qu'elle avait redouté était donc vrai : Sirius pensait la même chose que Benjamin. Elle avait l'impression que le garçon venait de lui planter un couteau dans le dos, et elle ne savait pas comment elle allait se remettre de cette situation.
-Enfin ! s'écria soudain James depuis le bout de la pièce.
Elle sursauta, essuya ses larmes et se composa un sourire forcé. La pièce s'était remplie sans qu'elle ne le remarque : ils étaient désormais une petite vingtaine, l'équipe de Quidditch au complet - excepté Franck - ainsi qu'Alice et Nelly les ayant rejoints. Elle ne pouvait plus regarder Sirius. Elle le haïssait. Toute la colère qu'elle avait retenue, envers Benjamin, envers elle-même, se retournait contre lui.
-Wouah, dit James en saluant les derniers arrivés. Eh bien, merci d'être là, ça me fait plaisir ! lança-t-il, les joues roses.
Cassidy se rappela pourquoi elle était présente à la soirée, et se concentra sur son frère. Il semblait ému, et ça lui faisait plaisir. Il méritait une belle fête pour ses dix-sept ans.
Elle était particulièrement contente du résultat. Ça lui avait pris une bonne partie de l'après-midi, mais ça en avait valu la peine. La salle était décorée d'une manière simple mais chic, qui favorisait les rencontres en petit comité. Elle avait tenu à offrir cela à James, surtout parce qu'elle n'était pas très sûre de ce qu'elle pourrait lui offrir d'autre. Bien qu'ils aient vécu bon nombre de choses depuis leur rentrée à Poudlard, Lily était toujours relativement perdue lorsqu'il s'agissait de sa relation à James. Après tout, ils étaient encore à l'école, ils étaient jeunes et surtout, ne sortaient ensemble que depuis quelques semaines. Elle n'était pas très sûre de quel rôle elle devait jouer dans la fête de son petit-ami. Alors, elle avait proposé la décoration. De plus, ça lui avait permis de réviser des sorts fondamentaux, et ainsi de ne pas prendre du retard dans ses cours. Elle était fière du résultat. Elle regarda aux alentours : tout le monde avait l'air d'être bien, soit assis sur les fauteuils, certains presque couchés sur le canapé, ou d'autres même par terre qui s'étaient appropriés les gros coussins moelleux qu'elle avait fait apparaître depuis la Salle-sur-Demande. Tout le monde était en train de manger les snacks apportés par Peter et Sirius. Elle jeta un coup d'œil discret à Alice, qui hocha la tête : le moment était venu. Alors qu'elle papotait de tout et de rien avec James, qui avait déjà bu quelques verres et qui semblait heureux, la lumière s'éteignit, ne laissant que les bougies de l'immense gâteau qu'Alice avait dans les mains éclairer la pièce. En chœur, ils se mirent tous à chanter. Lily observait James et sourit : dans ces rares moments, elle pouvait remarquer qu'il tombait le masque. Il n'avait plus son air provocateur, ou son sourire narquois aux lèvres. Il était au contraire touché, et aussi - elle le remarquait à ses joues rosées lorsque le gâteau se posa devant lui - gêné. Dans un tonnerre d'applaudissements, il souffla ses dix-sept bougies. Puis vint le moment d'ouvrir les cadeaux. Lily ne comprenait pas grand-chose au Quidditch mais, au vu de l'excitation et de la gratitude dans les yeux de James, elle comprit que le balai était la plus belle chose qu'il pouvait recevoir. Elle rigola lorsque Cassidy lui donna le livre de cuisine qu'il fit semblant de balayer de la main mais dont il jeta un coup d'œil lorsqu'il pensait que personne ne le regardait et fut ravie de voir que tout le monde avait pensé à rajouter une touche personnelle. A son tour et alors que les conversations avaient repris et qu'Alice était allée rallumer la lumière, elle s'approcha de son petit-ami.
-Tu es content de tes cadeaux ? demanda-t-elle comme à un enfant.
-Très, répondit-il tout sourire, les yeux illuminés face à son nouveau balai.
Lily osa à peine toucher l'objet mais prit James par la main pour l'emmener plus loin.
-Moi aussi j'ai quelque chose pour toi.
-Tu veux dire en plus du balai, de la déco et du gâteau ? s'écria-t-il. Lily je t'assure, il ne faut pas...
La jeune femme avait remarqué que James se sentait gêné de recevoir des cadeaux. Elle se dit que c'était peut-être parce qu'il venait d'une famille aisée, et qu'il pouvait se payer toutes ces choses par lui-même. Elle le remarquait à la manière dont il ne cessait de remercier tout le monde, spécialement Peter et Remus. Elle aimait cela chez lui. Il n'attendait rien des autres.
-C'est vraiment trois fois rien, assura-t-elle.
En effet, elle lui tendit un petit paquet. Il l'ouvrit, l'air curieux. Lorsqu'il vit ce qu'il y avait à l'intérieur, il éclata de rire.
-Tu as donc craqué face aux menaces de Miss Chourave de me retirer des points si je ne m'achetais pas une nouvelle paire de lunettes !
C'était en effet des lunettes de botanique, les mêmes qui les avaient rapprochés, il semblait à Lily dans une autre vie.
-A vrai dire, je ne les ai pas achetées. Je les ai retrouvées.
-Ah oui, et où ça Miss Evans ?
-Sous mon lit, dit-elle simplement en haussant des épaules. Le seul endroit que je n'avais pas pensé à chercher.
-C'est un signe, que tout ce temps-là un objet m'appartenant soit restée sous ton lit...
Il s'approchait d'elle en disant ces mots et elle ne recula pas. Au contraire, elle accueillit avec plaisir le baiser qui s'en suivit. Elle tenait à lui montrer à quel point il comptait pour elle.
-Merci, murmura-t-il dans ses cheveux.
Elle lui sourit, gênée et proposa de retourner auprès des autres. L'ambiance avait quelque peu repris : la musique était plus forte et c'était désormais des verres de Whiskey Pur Feu que Remus servait aux invités, le même Remus que Lily trouvait incroyablement détendu et heureux. Elle pensait que cela devait avoir un rapport avec le sourire ravi qu'avait Nelly depuis le début de la soirée. Avec plus d'amertume qu'elle ne le voulait, elle dut ravaler la bile dans sa gorge pour sourire à Remus lorsqu'il lui tendit un verre. Elle but à la santé de James et sentit sa gorge lui piquer. Elle toussota et posa le verre, se promettant de ne pas en boire plus qu'un.
-Eh bien mes chers amis, je vous remercie encore une fois pour tout ces cadeaux, aussi pour la décoration, le gâteau, les snacks, les boissons, la musique et tout simplement pour être présents ! Comme je l'ai dit, je ne souhaitais pas une grande fête. MAIS ça ne veut pas dire que l'on ne doit pas fêter comme il se doit ! Et, pour ma part, une soirée n'en serait pas une sans un petit jeu...
Lily se tendit : elle savait pertinemment comment les jeux de James terminaient.
-Tu es sûre que c'est une bonne idée ? maugréa Alice, disant à voix haute ce que plusieurs semblaient penser.
-Bien sûr, ma chère Alice, répondit James tout sourire. Pour la simple et bonne raison que les personnes susceptibles de casser l'ambiance ne sont pas présents ce soir. Allez, un bon vieux Actions ou Vérités ! J'imagine que je n'aurai plus beaucoup l'occasion d'en faire... Du temps que l'on est à Poudlard, je veux profiter de ces opportunités-là ! On est entre nous pas vrai ? Et puis, on ne posera que des questions faciles... A compter que vous soyez joueurs !
Plusieurs personnes acquiescèrent. Finalement, James eut le dernier mot. Les plus jeunes de l'équipe de Quidditch s'excusèrent et remercièrent le principal intéressé pour la soirée avant de s'en aller. Il ne restait plus que les Maraudeurs, Nelly, Alice, Dorcas, Cassidy et Lily. La rousse se sentit soudainement mal à l'aise. Elle reprit une gorgée du Whiskey Pur Feu mais, au vu de la sensation que le liquide produisait chez elle, elle se dit que ce n'était pas la meilleure idée. James avait tamisé de sa baguette les lumières des lanternes et en avait rajouté une sur la table basse, autour de laquelle les adolescents s'étaient assis en rond. L'ambiance était presque mystique, et les autres semblaient se prendre au jeu, un grand sourire aux lèvres. Seulement, Lily sentait son cœur s'affoler. James ne pensait pas à mal, il voulait juste profiter de ces derniers mois à Poudlard et rester un adolescent tant qu'il le pouvait encore. Elle comprenait ça. Le problème, c'était lorsqu'elle regardait qui elle avait autour d'elle : Nelly et Remus, pour qui - bien qu'elle se forçait - elle ne ressentait pas la joie qu'une amie aurait dû ressentir, Dorcas - dont elle connaissait un secret sombre, Peter - pour qui elle n'avait aucune affection particulière, Cassidy et Sirius - dont elle connaissait la liaison interdite, Alice - qui devait probablement se souvenir du dernier jeu de vérité et enfin James, qui ignorait que sa petite-amie était la clé de tous les secrets. La réalité, c'était que Lily Evans n'avait aucune envie de jouer à un jeu des vérité entourée de personnes dont elle connaissait tous les mensonges.
-Très bien, en tant que roi de la soirée et chef attitré, je commence. Mmh.... Dorcas : action ou vérité ?
-Vérité.
-As-tu déjà embrassé un garçon ?