Elle gardait les yeux fermés, et respirait profondément. Non pas pour calmer son angoisse - c'était la première fois qu'elle n'en ressentait qu'aussi peu - mais surtout pour contrôler sa fébrilité. Jamais elle n'avait été aussi déterminée de sa vie, et il était difficile pour elle d'attendre encore quelques vingt minutes que le match commence pour pouvoir montrer de quoi elle était capable. Car Cassidy le savait au fond d'elle, les Serdaigles n'avaient aucune chance.
-Si on joue comme on a joué durant la partie d'entraînement, ils n'ont aucune chance. Je sais pertinemment que je vous le répète depuis plusieurs jours, mais vous n'imaginez même pas à quel point cette coupe est importante pour moi. Actuellement, elle est tout ce qui compte. Plus importante que les ASPICS, plus importante que la coupe des maisons. On m'a élu capitaine de l'équipe de Quidditch, et ça a été un honneur. Ma médaille de « meilleur attrapeur » de son temps a été exposée dans la vitrine de la salle commune de Gryffondor. Et je sais que tout cela n'aurait jamais été possible sans vous. Je tenais tout d'abord à m'excuser. Cette année, je n'ai pas toujours été un bon capitaine... J'ai parfois failli à mon devoir, et si je pouvais revenir en arrière, je le ferais. Mais ces dernières semaines, vous m'avez prouvé à quel point je pouvais avoir confiance en vous, à quel point vous tous ici - sans exception - avez votre place dans cette équipe de Quidditch. Alors ne le faites pas pour moi, ni même pour Gryffondor. Mais faites-le pour vous-mêmes. Chaque personne ici présente mérite de soulever la coupe de Quidditch. Et si on gagne contre Serdaigle aujourd'hui, c'est chose faite.
Le discours de son frère résonnait contre ses tempes, et Cassidy sentit son cœur s'affoler. Cette fois-ci l'angoisse commença à monter, mais elle se dit que ça pouvait être positif. C'était une énergie qu'elle allait utiliser à son avantage, comme elle avait appris à le faire. Pour la première fois de sa vie, la jeune Potter avait confiance en elle. Lors des entraînements acharnés que l'équipe de Gryffondor s'était livrée au cours du mois de mai, tout le monde s'était bien rendu compte qu'elle était la seule qui n'ait pas pris de retard. Car, malgré les épreuves, malgré les obstacles qu'elle avait dû surmonter durant l'année écoulée, s'il y avait bien une seule chose qu'elle n'avait jamais arrêté, ça avait été de s'entraîner au Quidditch. Les autres attrapeurs de l'équipe avaient rapidement repris le rythme. Avec un petit temps d'adaptation, James s'était aussi vite remis sur pied, et Cassidy voyait avec quelle passion il travaillait d'arrache-pied sur les meilleures stratégies à adopter ainsi que sur les aides qu'il pouvait procurer aux joueurs plus jeunes de l'équipe. Elle-même n'avait eu besoin d'aucune aide. Au contraire, elle avait travaillé de nouvelles figures, et les avait proposé avec succès au reste de l'équipe. La reprise du Quidditch avait été plus difficiles pour Franck et Sirius. Les deux batteurs avaient pris du retard dans les figures dans les airs et, surtout, la condition physique du premier l'empêchait d'être au paroxysme de ses capacités. Mais Cassidy avait assisté au fait que, presque tous les soirs après une longue journée de cours et de révisions d'ASPICS, Sirius et Franck sortaient de la salle commune pour aller s'entraîner sur un terrain sombre. Au vu du dernier entraînement qu'ils avaient eu, Cassidy avait pu se rendre compte par elle-même que ça avait été bénéfique. Non seulement les deux batteurs étaient revenus à leur capacité d'antan, mais ils avaient de plus su recréer des liens d'amitié, presque plus forts que ceux d'avant. Elle sentait une cohésion d'équipe comme rarement elle ne l'avait sentie. Depuis la prise d'otage, Cassidy avait eu plus que jamais besoin de se sentir entourée. Le fait de pouvoir retrouver sa maison, de pouvoir sentir le soutien de sa mère et de son père, et de pouvoir surtout reparler à son frère comme avant lui avait donné l'impression de revivre. Ça avait été l'une des épreuves les plus difficiles à surmonter, mais Cassidy se rendait compte, désormais que le pire était derrière elle, qu'elle avait appris plus que jamais de son année à Poudlard. D'une certaine manière, les épreuves qu'elle avait dues endurer : la prise d'otage de son père, la mission secours et la rencontre avec les Mangemorts, l'entrevue peu désirée de Pré-au-Lard, son histoire catastrophique avec Benjamin et le triangle qui avait découlé de sa relation avec Sirius et son frère lui avaient de prime abord donné l'impression de sombrer. Mais, après s'être rendue compte qu'elle pouvait survivre à une prise d'otage, pardonner à celui qui l'avait fait, ressentir une profonde tristesse pour sa mort, et se remettre petit à petit des traumatismes que cela avait causés, Cassidy avait pris conscience de la force qu'elle avait en elle. Et cette force, elle comptait l'utiliser à bon escient.
-Bien. Il nous reste environ quinze minutes avant que le match ne commence. Je crois qu'il est inutile de revoir pour une énième fois la stratégie ensemble, je suis persuadé que vous la connaissez même mieux que moi. Ce que je vous demanderais, c'est de rester en silence quelques minutes, de penser à ce qui vous fait du bien. Et, juste avant de monter sur le terrain, on reverra rapidement la stratégie, on s'encouragera une dernière fois, et chacun fera ce qu'il a à faire. Vous êtes avec moi ?
-OUI ! répondirent en chœur enthousiaste les membres de l'équipe de Gryffondor.
Puis tous se dispersèrent dans le vestiaire, le balais à leur main. Cassidy regarda son frère, qui venait de s'asseoir entre Franck et Léna et qui, tout comme eux, avait fermé les yeux pour prendre de grandes respirations. « Penser à ce qui vous fait du bien ». Non sans une pointe de culpabilité, Cassidy tourna la tête vers Sirius. Lui aussi s'était assis, mais avait posé son balais à côté de lui, avait les jambes écartées et la tête posée entre ses mains, le regard rivé au sol. Elle savait que c'était ce qu'il faisait lorsqu'il avait besoin de concentration. Malgré elle, elle sourit en le voyant. Alors, elle alla s'asseoir à quelques mètre de lui et pensa à ce qui lui faisait du bien :
Ils s'apprêtaient à repartir pour Poudlard, et jamais Cassidy n'avait vu ses parents aussi anxieux à l'idée de les laisser s'en aller. Elle était touchée de voir à quel point son père était désormais plus protecteur que jamais et, bien que les nombreuses déclarations de ses parents à leur encontre l'avait énormément touchée, Cassidy n'était pas fâchée de s'éloigner quelque peu des embrassades et des mots doux à répétition. Elle avait même pris l'habitude d'en rire avec James lorsque le soir, après avoir passé un dîner agréable, elle montait dans sa chambre pour discuter de tout et de rien. Sirius ne les avait pas encore une seule fois rejoint. Bien qu'elle sentait que sa relation avec son frère était peut-être plus forte qu'elle ne l'avait jamais été, elle n'arrivait pas encore en parler avec lui, de peur de tout gâcher. Ils avaient pourtant passé du temps les trois ensembles : pour faire les tâches que leurs parents leur donnaient, peu désireux de les laisser flâner dans le manoir sans rien faire, pour aller au marché faire les courses, pour se promener dans le village pas loin de la maison ou pour gentiment reprendre les entraînements de Quidditch, où Cassidy démontrait clairement sa supériorité sur les deux garçons. Elle avait l'impression que du moment qu'ils restaient dans des domaines superficiels, leur relation était redevenue ce qu'elle était : James et Sirius blaguait, elle leur démontrait à quel point ils avaient tort de la sous-estimer, et tous terminaient les journées dans les rires, accompagnés parfois de leurs parents. Mais ils n'avaient pas encore réussi à aborder les vraies questions. Et ce soir-là, le dernier avant qu'ils ne repartent le lendemain à Poudlard, Cassidy avait besoin de le faire. Alors elle monta, comme d'habitude, dans la chambre de son frère, et toqua :
-Entrez.
Elle s'assit sur son lit, où il s'y trouvait déjà, entrain de dessiner de nouvelles stratégies de Quidditch.
-J'ai hâte que ça reprenne, dit-il.
Cassidy acquiesça. En prenant une grande respiration et sans se laisser le temps de réfléchir, elle dit :
-James... On n'a pas reparlé de toute cette histoire avec Sirius. Je voulais juste que tu saches que... Je suis désolée de te l'avoir caché. Si j'avais su tout ce que ça engendrerait, crois-moi je ne le referais pas.
Elle était sincère. Pendant quelques secondes, James continua à regarder son plan et Cassidy crut l'avoir braqué. Mais elle se rendit compte qu'il avait quelque peu rougi, et qu'il cherchait ses mots :
-C'est vrai que ça m'a fait mal... Mais je mentirais si je disais que je ne te comprends pas. Qu'on soit clair, j'aurais mal réagi, que tu me le dises ou non... et... je crois que toute cette histoire ça m'a montré que... bon... tu es grande maintenant, et tu peux faire tes choix. Ce n'est pas à moi de te dire quoi faire ou non.
Il semblait profondément gêné, et Cassidy en fut touchée. Bien qu'elle ait grandi dans une famille aimante, la jeune femme avait beaucoup de mal avec les effusions de sentiments mais, pour la première fois de sa vie, elle sentait que c'était à elle de faire le premier pas. Alors elle envoya valser le plan que James tenait dans les mains et, sans lui laisser le temps de répliquer, le prit dans ses bras et le serra fort. Il parut d'abord surpris, puis lui rendit son étreinte.
-Tu seras toujours mon grand frère, et j'aurai toujours besoin de toi.
Il ne répondit pas, mais elle sut qu'il avait besoin d'entendre ses mots. Après de longues secondes à se tenir ainsi, elle se détacha de lui, le regarda et lui mit une légère tape sur l'épaule.
-Dors bien loser !
-Toi aussi petite sœur, répondit-il en souriant et en secouant la tête.
Et elle quitta la chambre de son frère, plus légère qu'elle ne l'avait été. Il lui restait une dernière chose à faire. Elle avait peur que ses parents la voient, mais se souvenait de la discussion qu'elle avait eu avec sa mère. Alors, lorsqu'elle passa dans le salon, où ses parents se tenaient près de la cheminée dans les bras l'un de l'autre et que son père lui demanda où elle allait, elle répondit simplement :
-Je vais voir Sirius.
Sa mère lui lança un sourire entendu, auquel elle répondit par le même, avant de s'engouffrer dans l'air frais du début de la nuit. La petite cabane du jardin était allumée, et elle savait pertinemment que Sirius ne dormait pas. Le garçon donnait l'impression d'aller bien, mais elle le connaissait trop pour comprendre que ce n'était qu'une façade. Elle sentait qu'il se retenait, qu'il avait peur de faire un faux pas, qu'il ne se sentait plus vraiment à sa place dans la famille Potter. Et Cassidy voulait que ça change. Elle avait compris l'importance d'aider son prochain, à quel point les amis pouvaient faire la différence. Si quelqu'un avait pris la peine de réellement connaître Damon, alors ils auraient su que quelque chose ne tournait pas rond, et rien de toute cette histoire ne serait jamais arrivée. Les mains quelque peu tremblantes, elle toqua à la porte.
-Oui ? demanda la voix rauque de Sirius, qu'elle appréciait tant.
Avec un petit sourire, elle dit :
-C'est Cassidy. Je peux entrer ?
La porte s'ouvrit immédiatement. Sirius était couché dans son lit, et venait de lancer un sort pour ouvrir la porte. Cassidy se mit à rire :
-C'est si compliqué de te lever ?
-Tu n'imagines même pas, fit le garçon en riant à son tour.
Elle sentit la tension retomber légèrement. Elle regarda alentours : il y avait tellement de souvenirs qui lui revenaient en tête dans cette pièce, et elle devait avouer qu'aucun d'entre eux n'étaient mauvais. La chambre de Sirius était toujours aussi mal rangée, des habits traînant au sol, des magazines de filles moldues ouvertes aux pages où elles étaient le plus dénudées. Cassidy remarqua quelque chose de nouveau : dans le coin de la chambre, il y avait des pièces qu'elle n'arrivait pas à identifier, en métal, qui semblaient lourdes. Elle fronça des sourcils et Sirius l'aperçut. Il se releva de quelques centimètres, l'air gêné, et répondit à sa question silencieuse :
-Oh ça... J'ai eu une discussion avec Lily, lors de la journée des parents. Enfaite... plus je lis ces magazines moldus, et je t'assure qu'on y apprend beaucoup ! (Cassidy venait de lever les yeux au ciel), plus je me suis rendu compte que je commençais à être passionné par leurs moyens de transport, surtout ce que l'on appelle les « motos ». Elle me l'a fait envoyée au cours de la semaine : ce sont des pièces de moto que son père n'utilise plus. Alors j'ai pensé que j'allais peut-être pouvoir en faire quelque chose...
Cassidy sourit : Sirius avait réellement l'air passionné. Elle était contente de savoir que lorsqu'il s'enfermait dans sa chambre, ça n'était pas pour broyer du noir mais plutôt pour faire ce qu'il aimait. Elle se tarda bien de demander ce qu'était une moto, parce qu'elle était presque sûre qu'elle n'y comprendrait rien. A la place, elle répondit :
-C'est un beau projet.
Elle s'approcha quelque peu et s'assit sur le lit. Sirius fit un mouvement perceptible, comme s'il ne voulait pas être trop près d'elle, et Cassidy se sentit soudain mal à l'aise. Puis elle y regarda de plus près, et se rendit compte de quelque chose qui la surprit plus que tout le reste :
-Ne me dis pas que tu lis ?!
Encore une fois, Sirius se redressa, se racla la gorge et ferma précipitamment le livre qu'il avait entre les mains, et qui semblait être un roman.
-Oh ça... C'est Remus qui me la prêté. Il doit penser que je vais aimer...
Sirius fit semblant de secouer la tête et de soupirer, mais Cassidy voyait pertinemment qu'il était déjà bien avancé dans sa lecture. Malgré un sourire qu'elle ne réussit à réprimer, elle évita de faire le commentaire. Le silence s'intensifia entre eux deux, et la jeune femme sut que c'était à elle de faire le premier pas.
-Je voulais savoir... si toi et moi... ça allait ?
Sirius fronça des sourcils :
-Qu'est-ce que tu veux dire par là ?
-Eh bien... On n'a pas vraiment parlé depuis que... Tu sais... Depuis que tout le monde est au courant.
Sirius hocha la tête. Il ne la regardait pas et semblait pensif, mal à l'aise.
-En tout cas, de mon côté, je voulais que tu saches que je suis contente que vous vous reparliez avec James. Et je ne compte plus me mettre entre vous. Mais je suis aussi contente que l'on se reparle, toi et moi.
Elle s'apprêtait à partir pour éviter que le malaise ne s'intensifie mais Sirius fit un geste pour l'arrêter. Il se redressa et s'assit à côté d'elle sur le lit. Il la regarda lorsqu'il répondit :
-Moi aussi je suis très content de ça. J'ai tellement peur d'à nouveau tout gâché... Je me rends compte que je vous ai fait beaucoup de mal, à toi et à James. Alors que tout ce que vous avez fait, c'est être là pour moi. Alors... j'avoue que je ne sais pas vraiment comment agir avec toi. Cassy vous... tu comptes tellement à mes yeux. Je sais que tu crois toujours que je préfère James, ou je ne sais quoi. C'est vrai, ton frère est la personne qui peut-être est la plus importante pour moi dans ce monde, car c'est le premier qui ait été là pour moi, peu importe mon passé. Il m'accepte, il me pardonne à chaque fois. Je ne peux pas l'expliquer... Je ferais tout pour lui. Mais pour toi aussi. Pas parce que tu es sa petite sœur. Mais parce que tu comptes pour moi. Je ne sais pas si l'on peut dire que l'on est amis, ou que l'on est une famille. Je n'arrive pas encore à dire ce que tu es pour moi. Mais l'unique chose que je sais, c'est que j'ai besoin de t'avoir dans ma vie, Cassy. Et dès maintenant, c'est toi qui décides. Je ne veux plus jouer, je ne veux plus te mentir. Je veux simplement être là pour toi, comme tu le souhaites. Et même si tu ne le veux pas, j'accepterai ta décision.
Cassidy le regarda dans les yeux et elle sut qu'il était probablement le plus sincère qu'il ne l'avait jamais été. Elle comprit qu'elle avait jugé très sévèrement Sirius, mais qu'en réalité, le garçon était peut-être le plus brisé de tous. Alors, elle lui dit ce qu'elle pensait réellement, et ce qu'elle souhaitait qu'il sache :
-Sirius...Tu n'as pas à te sentir redevable, que ce soit envers moi ou même envers James. On a tous pris une décision, qui convenait à toute la famille, de t'y faire entrer. Et maintenant c'est le cas : tu fais partie de la famille. Peu importe ce qu'il se passe. Alors je préférerais que tu sois simplement toi-même, sans te forcer. Parce que dans le fond je ne voudrais pas que tu sois autre chose que ce que tu es.
Sirius la regarda avec un petit sourire :
-Je n'ai jamais eu à me forcer de quoi que ce soit.
Elle plongea son regard dans le sien. Elle savait pertinemment à quel point ce jeu-là était dangereux, surtout avec lui. Mais, lorsqu'elle le regardait ainsi : vulnérable, presque gêné, comme un petit enfant, Cassidy eut une bouffée d'affection pour le garçon. Il avait tout fait pour venir la sauver, malgré tout ce qu'il s'était passé, il avait toujours été là pour elle. Et, en le regardant ainsi, en voyant le vrai Sirius - sans masque, sans manipulation, sans mensonge, elle comprit qu'elle n'avait pas été honnête envers elle-même. Elle comprit que dans sa relation au jeune homme, c'était son ego qui avait pris le dessus. C'était son manque de confiance en elle qui avait parlé. Parce que dans le fond, ce qu'elle aimait tant chez Sirius, ce qui faisait qu'à chaque fois elle revenait, qu'elle ne pouvait pas s'en passer, c'était cette imprévisibilité. Elle agissait comme si Sirius l'avait trompée mais, dans le fond, était-elle prête à être dans une vraie relation de couple ? Est-ce que ce n'était pas ça qu'elle appréciait tant ? Ce jeu, cette légèreté, le fait de savoir que peu importe ce qu'il pouvait se passer, Sirius occuperait toujours la première place dans son cœur. Et elle en avait enfin la confirmation, elle était enfin prête à l'entendre et à le croire : il en était de même pour lui. Alors Cassidy, sans se sentir coupable, simplement en écoutant ce dont elle avait envie sur le moment même, sans penser aux conséquences, s'approcha et l'embrassa. D'abord doucement, comme pour lui traduire toute l'affection qu'elle avait pour lui mais qu'elle n'était pas prête à lui dire. Elle posa gentiment une de ses main sur sa joue. Elle sentait d'abord Sirius quelque peu réticent. Elle avait l'impression qu'un combat faisait rage en lui, qu'il essayait à tout prix de faire la chose qui était bien. Alors, comme pour lui confirmer qu'elle était consciente de ce qu'elle faisait, et que cela ne voudrait pas forcément dire qu'ils seraient ensemble, Cassidy se décolla de lui, le regarda dans ses yeux et dit :
-Je sais que tu ne t'es jamais forcé. Je sais que je suis importante pour toi, comme tu l'es pour moi. Et ce soir, j'ai juste envie d'oublier tout ce qu'il s'est passé. Juste ce soir.
Elle vit que Sirius avait compris le message et, en baissant enfin les armes, il mit ses mains dans son dos et la pressa à lui. Ils se remirent à s'embrasser, et Cassidy se dit qu'elle ne trouverait jamais quelqu'un qui l'embrasse d'une telle manière. La vérité, c'était qu'avec lui, elle se sentait en sécurité. Elle se sentait elle-même. Elle n'avait pas peur d'être stupide, ou de se ridiculiser. Elle se sentait protégée. Ils s'embrassèrent d'abord doucement, comme deux personnes qui se retrouvent et ne veulent pas tout gâcher. Mais Cassidy n'y tint plus : elle avait besoin de le sentir au plus proche d'elle, de lui faire comprendre à quel point il lui avait manqué. Elle le pressa un peu plus, et les baisers devinrent plus insistants, moins contrôlés et contrôlables. Elle lui agrippa les cheveux, et lui raffermit sa prise sur son bas du dos. Puis il la fit basculer sur le lit, lui ôta son pull et se mit à l'embrasser dans le cou, sur la poitrine, sur le ventre. Cassidy n'enleva pas sa main de ses cheveux bouclés, soyeux, et le pressa pour qu'il continue ce qu'il était entrain de faire. Alors que ses mains puissantes se baladaient sur son corps, qu'il avait lui aussi enlevé son t-shirt, qu'elle redécouvrait ses muscles, Cassidy sut qu'elle ne regretterait pas ce qu'elle était entrain de faire. Parce que quelque chose d'aussi bon, qui la faisait se sentir si vivante, ne pouvait décemment pas être mal.
Elle savait qu'elle souriait bêtement, mais peu lui importait. Le souvenir dans lequel elle s'était laissée plonger lui faisait réellement du bien et, pendant les minutes où tout le monde s'était laissé aller au silence, Cassidy avait oublié la pression, la tension, les personnes qu'elle allait devoir affronter lors de ce match de Quidditch. Alors, quand elle rouvrit les yeux lorsque James se leva et que le reste de l'équipe le suivit, elle sut plus que jamais que personne ne pourrait rien contre elle lors de ce match. Alors qu'ils suivaient James pour se rendre aux abords du terrain, Sirius vint se mettre à ses côtés :
-Comment tu te sens ?
Elle le regarda avec un sourire :
-J'ai de la compassion pour les Serdaigles qui vont croiser ma route.
Sirius eut de ses sourires carnassiers qu'elle aimait tant et, avec un air entendu, il répondit :
-J'ai hâte de voir ça.
Il lui fit un clin d'œil auquel elle répondit par un sourire équivoque, et les deux prirent place dans le cercle que James avait formé. Ils se tenaient tous par l'épaule, et c'était son frère qui avait pris la parole :
-Pendant ces dix minutes j'ai réfléchi. Et ce que je vous ai dit tient toujours. Bien sûr que j'aimerais gagner, comme tout le monde ici. Mais je me rends compte qu'il y a des choses plus bien importantes que de gagner. Je me rends compte que l'amitié qui nous lie est plus importante. Alors j'aimerais que la seule chose que vous fassiez durant ce match, surtout pour les personnes pour qui, comme moi, ce sera le dernier, est de donner le meilleur de vous-mêmes et surtout, de vous amuser.
Il les regarda avec un sourire flamboyant, et Cassidy le lui rendit.
-Vous êtes prêts ?! fit-il d'une voix forte.
-Oui ! firent l'équipe.
-Je n'ai pas entendu : vous êtes avec moi ?
-OUI ! hurlèrent-ils cette fois à l'unisson.
-Alors c'est parti !
Alors qu'ils enfourchaient tous leur balais et se tapèrent à tour de rôle dans la main pour se donner du courage, Cassidy eut une montée d'adrénaline. En entrant sur le terrain et en entendant les cris des supporters, la jeune femme sut que ce match allait être l'un des meilleurs de sa vie.
Elle était heureuse de pouvoir, le temps d'une journée, échapper à la réalité des ASPICS qui arrivaient à grands pas. Il ne lui resterait plus qu'une semaine et quelques jours de révisions, et son année à Poudlard prendrait fin. Elle avait de la peine à s'y faire mais, en même temps, se sentait soulagée. Mis à part un début catastrophique, le mois de mai avait été plaisant : ensoleillé, certes angoissant mais aussi plein d'amitié et d'entraide. Dorcas s'était à nouveau senti comme une Gryffondor à part entière. Le fait d'avoir repris une relation, peut-être même plus forte que jamais, avec Cassidy mais aussi avec les autres, d'avoir participé d'arrache-pied au cours de défense donnés par James et de s'être même alliée à Lily pour faire un plan de révision entre filles lui avait redonné l'espoir dont elle avait besoin. Par chance, Slughorn avait abandonné l'idée qu'il avait eu en début d'année de mettre un Gryffondor et un Serpentard ensemble, et les deux maisons étaient désormais plus que jamais rivales. Seulement, cela ne passait plus par des agressions dans les couloirs ou des débordements en classe. Il s'agissait de celui qui lèverait la main le plus rapidement, qui donnerait la meilleure réponse, qui ferait le plus adroit sortilège ou la potion la plus efficace. C'en était de même pour les deux autres maisons, mais Dorcas sentait qu'entre Serpentards et Gryffondors, la rivalité tenait plus que jamais. Ainsi, elle avait réussi à concentrer tout son ressentiment, toute la haine qu'elle pouvait ressentir envers Mulciber dans le fait de le dépasser en tout. Elle pouvait sentir son regard insistant sur elle, et elle le connaissait désormais assez pour savoir lorsqu'il voulait lui parler. Mais Dorcas mettait un point d'honneur à ne jamais se retrouver dans une situation qui laisserait la moindre occasion au garçon de lui parler. Non seulement elle le faisait car ainsi, elle avait enfin l'impression de ne plus trahir les siens, mais aussi car au fond d'elle elle savait pertinemment qu'elle n'était pas encore assez forte pour lui résister. Pourtant, il lui restait une dernière épreuve à affronter. Quelque chose qu'elle avait pensé pouvoir mettre de côté, mais qui la taraudait tellement qu'elle avait fini par s'avouer les choses. C'était ainsi qu'elle se trouvait avec Lily, juste avant que le match contre Serdaigle ne commence, en dehors de la foule aux abords du terrain de Quidditch. La rousse avait tenu sa promesse, et s'apprêtait à lui dire la vérité concernant Mary Macdonald. Dorcas avait peur, mais elle se sentait prête à l'entendre.
-Mary était une très bonne amie à moi. J'imagine que tu t'en souviens : elle était la plus populaire qu'on pouvait l'être après et bien... Après James et Sirius. D'ailleurs, je me suis toujours demandée comment ils avaient fait pour ne pas sortir avec. Bien que je crois que Sirius et elle aient eu une histoire mais enfin... ça n'est pas ça la question. Je l'ai toujours beaucoup appréciée. Mais elle avait son caractère. C'était une fille... qui aimait se sentir libre, et qui parfois pouvait tester ses limites. Seulement, ça lui arrivait d'aller trop loin...
Lily marqua une pause et Dorcas se sentit rougir : elle se reconnaissait beaucoup trop en cette Mary à l'instant présent.
-On dirait que Mulciber a un type, dit-elle amèrement.
Lily ne répondit pas mais acquiesça. Elle continua :
-Je ne sais pas toute l'histoire car, comme toi, Mary en avait honte. Tout ce que je sais, c'est qu'elle allait souvent près du lac, à ses heures perdues. Elle avait une peur bleue de l'eau, au point que même les bains la répugnaient. Je n'ai jamais su réellement pourquoi... mais je crois que ça a avoir avec son enfance, et son grand frère qui, par jalousie, un jour a failli la noyer. Les Macdonald avaient l'air d'une famille parfaite, mais je crois que l'on est bien placé pour savoir que parfait n'existe que dans les livres. Je sais que c'est près du lac qu'elle l'a croisée. Est-ce que c'était par hasard, ou est-ce qu'il l'avait déjà repérée, je ne peux pas te le dire. Tout ce que je sais, c'est qu'il avait une emprise sur elle comme je ne l'avais jamais vu. Comme pour toi, j'ai découvert leur histoire à mes dépens. Je pense que Mary ne me l'aurait jamais dit. Et je ne l'en blâme pas - rajouta Lily en voyant Dorcas baisser à nouveau des yeux. Mais la jeune fille libre, qui tenait tête à des Sirius Black, dont tous les garçons rêvaient, n'était plus la même lorsqu'elle était avec lui. Je t'avoue que je n'arrive pas très bien à le comprendre mais, quand j'ai essayé de me mettre à sa place, je me suis dit que peut-être il y avait quelque chose de... tentant à se laisser aller à son côté sombre. Je pense que Mulciber représentait ça pour elle. Le fait qu'elle puisse se laisser aller, sans avoir besoin d'être parfaite ou de jouer un rôle.
La gorge nouée à mesure qu'elle écoutait, Dorcas avait l'impression que Lily lui dévoilait devant ses yeux sa propre histoire. C'était ainsi que Mulciber l'avait aussi approchée : dans l'un de ses moments vulnérables. Dorcas se trouvait à la volière, et elle s'apprêtait à envoyer une lettre à sa mère pour la supplier de lui donner plus de détails sur son père, et où il pouvait bien se trouver. Le garçon devait avoir une sensibilité particulière à remarquer chez autrui les faiblesses, non pas pour les aider mais pour les utiliser. Elle repensa à la mère du garçon, et à ce qu'elle lui avait dit. Probablement avait-il dû intégrer cela dès son plus jeune âge.
-Dans tous les cas, Mary n'a plus jamais été la même du moment qu'il avait cette emprise sur elle. Elle mentait, devenait de plus en plus réservée, et avait l'air de moins en moins heureuse à Poudlard. Jusqu'au jour où je lui ai tout dit. Elle m'en a d'abord voulu à moi, de la juger, de ne pas la comprendre... et sur le moment, elle avait raison. Parfois je me dis que si j'avais été une meilleure amie, si j'avais essayé de l'accompagner plutôt que de la condamner, rien n'en serait arrivé jusque-là...
Lily marqua à nouveau une pause, et cette fois-ci Dorcas perçut de la souffrance dans son discours. Pour lui montrer qu'elle la comprenait et, indirectement, lui pardonnait, la jeune femme lui posa un bras sur l'épaule pour l'encourager à continuer.
-On n'a plus été amies pendant un certain temps. Jusqu'à ce qu'un jour elle revienne, en le traitant de tous les noms, en le haïssant et en se haïssant d'avoir fait ce qu'elle avait fait. Je ne sais pas exactement ce qu'ils se sont dit, ou ce qu'elle avait vu, mais je pense qu'elle avait pris conscience de la manière dont Mulciber l'avait menée en bateau du début à la fin.
Dorcas repensa au sentiment qu'elle avait eu en le voyant avec Erin, et sut exactement de quoi Lily voulait parler.
-J'ai naïvement pensé que c'était terminé, qu'elle était revenue à la raison et qu'il la laisserait tranquille. Mais c'est de Mulciber dont on parle...
Lily regarda Dorcas qui, encore une fois, baissa les yeux. Dans le fond, elle savait parfaitement que la rousse avait raison. Elle n'était pas sûre d'être prête à entendre la suite, mais ne pouvait décemment plus reculer. Il fallait qu'elle la confronte.
-Je crois que le fait de se faire rejeter, et de voir Mary revenir à ses habitudes, à devenir la plus populaire, la plus convoitée, le fait qu'elle avait eu une aventure avec Sirius et ne s'en cachait pas... J'imagine que pour quelqu'un qui veut tout contrôler, ça a dû le rendre fou. Et puis il y a eu cette fois, en cours de défense contre les forces du mal, où elle l'a battue en duel. J'aurais dû le voir à ses yeux, à son regard, qu'il allait lui faire du mal. Et ça a été le cas. Quelques jours après, Mary a été retrouvée, presque noyée dans le lac. Heureusement, des élèves l'ont vue à temps et ont pu la remonter. C'est tout du moins ce que l'on m'a dit. Tout ce que je sais, c'est qu'elle a quitté Poudlard sans un mot, sans explication, et n'est plus jamais revenue...
Dorcas mit quelques instants à revenir à elle, et à intégrer tout ce que Lily venait de lui dire. Dans le fond, il n'y avait aucune surprise. Pire, elle pouvait très exactement s'imaginer la scène, ressentir toutes les émotions de Mary - qu'elle-même avait ressenties - mais aussi, et c'est ce qui lui faisait le plus peur, celles de Mulciber. Malgré tout, malgré le fait d'entendre de telles horreurs, de savoir ce dont il était capable, Dorcas essayait de se mettre à sa place. Et il lui semblait que le garçon apparaissait le plus clairement que jamais devant elle. Elle comprenait désormais, qu'elle n'avait pas fait que mentir aux autres. Elle lui avait menti à lui, et s'était mentie à elle-même. Car Dorcas avait peut-être ses vulnérabilités, mais si Mulciber en avait joué, c'était parce qu'elle le lui avait permis. Dans le fond, elle avait toujours sur ce qu'il était. Mais le fait de l'entendre, et d'en avoir la confirmation, était une toute autre chose. A l'instant même, elle ne savait pas exactement ce qu'elle ressentait. Pendant un certain moment, elle eut l'impression de ne plus rien ressentir.
-Eh bien... Je te remercie de m'avoir dit la vérité, fut tout ce qu'elle fut capable de dire, le regard toujours rivé au sol, perdue dans ses pensées se bousculant.
Lily s'approcha et lui mit à son tour le bras autour de l'épaule :
-Je sais que ça fait beaucoup. Et je ne veux pas refaire la même erreur qu'avec Mary. Je veux que tu saches que tu as le droit de ressentir ce que tu ressens pour lui. Et que je ne te juge pas pour cela. Mais sache Dorcas, que tu vaux et vaudras toujours mieux que lui.
Dorcas hocha la tête, incapable de répondre.
-Est-ce que tu veux que l'on aille ensemble sur le terrain ? demanda Lily d'une petite voix.
Dorcas réfléchit puis prit une profonde inspiration :
-Si ça va pour toi, je te rejoindrai. Je crois que j'ai besoin d'être seule quelques instants... Juste pour digérer tout cela.
-Promets-moi que si ça ne va pas, tu viendras me voir directement.
Elle regarda la rousse dans les yeux : ça n'était pas des paroles en l'air, elle était sincère. Dorcas l'était aussi lorsqu'elle répondit :
-Je te le promets.
-Bien. Je vais aller nous trouver des places au premier rang ! On se retrouve plus tard !
-Oui... Et Lily, je voulais te dire merci.
La rousse lui sourit et disparut derrière les arbres. Dorcas resta ainsi quelques instants, à prendre de profondes inspirations et à essayer de faire le tri dans tout ce qu'elle pensait. Elle se revoyait avoir peur de lui, le fuir, puis rougir lorsque, dans son lit le soir, elle pensait à lui. Elle se revoyait tourner rapidement la tête alors qu'il l'avait surprise en train de le regarder. Elle se revoyait la première fois qu'il l'avait embrassée, la première fois qu'ils étaient allés plus loin... qui, pour elle, était la première fois tout court. Elle avait toujours su au fond d'elle-même ce qu'il était, et pourtant elle lui avait donné sa confiance. Parce que même après avoir entendu ce que Lily avait à lui dire, même après l'avoir vu avec Erin, même après avoir décidé qu'elle serait mieux sans lui, Dorcas continuait à ressentir quelque chose au fond d'elle : elle n'avait pas pu tout imaginer. De la manière la plus tordue qu'il soit, elle était de plus en plus persuadée que, dans un sens, Mulciber avait eu autant besoin d'elle qu'elle de lui.
-J'ai essayé de te trouver partout. Enfin tu es seule.
Elle crut d'abord qu'elle l'avait tellement imaginée que c'était dans sa tête qu'elle l'entendait. Mais, en relevant les yeux, elle fut forcée de reconnaître qu'il se trouvait bien devant elle. Il la regardait de la même façon que d'habitude : avec son regard noir perçant, son sourire semi-moqueur presque imperceptible, son air arrogant sur le visage. Elle ne sut exactement comment, mais Dorcas, pour la première fois, ne ressentit rien de particulier en le voyant. C'était peut-être le surplus d'émotions qu'elle avait eues à son encontre, qui faisait que désormais, elle n'en avait plus.
-Pas pour longtemps. Je vais aller voir le match.
Elle fit un pas en avant pour le contourner mais, comme elle savait qu'il allait le faire, Mulciber l'attrapa par le bras.
-Tu ne crois quand même pas que j'ai quelque chose avoir avec cette histoire de Hufley ? Je n'ai jamais voulu que tu sois prise en otage.
Aussi étrange que ça put paraître, Dorcas le crut.
-Non, dit-elle simplement. Je n'ai juste plus envie de te voir.
Mulciber eut un rire carnassier, mais qui ne débordait aucunement de joie. Dorcas sentit une certaine appréhension lui monter dans le ventre, et regarda autour d'elle pour s'assurer que si elle criait, quelqu'un allait l'entendre.
-Allons donc, tu me l'as déjà faite quoi... Des centaines de fois ?
-C'est vrai, admit-elle. Mais je ne savais pas encore ce que tu avais fait à Mary Macdonald.
Lorsqu'elle vit l'étonnement mêlé de crainte dans les yeux de Mulciber, Dorcas ressentit enfin : elle se rendit compte qu'elle le haïssait, et qu'elle avait envie de lui faire autant de mal qu'il lui en avait fait. Alors, sans pouvoir se maîtriser, elle se libéra de son étreinte et, d'une voix forte, cracha :
-Qu'est-ce que tu vas me faire que tu ne m'aies déjà fait, Mulciber ? M'attaquer dans les couloirs ? Me jeter à la figure une des potions que tes petits-amis t'auront concoctés ? Ou tu vas recycler ce que tu lui as fait, et me jeter dans le lac ?
-Tu ne sais pas de quoi tu parles, fit Mulciber, les dents serrées.
Plus rapide que lui, Dorcas sortit sa baguette et la pointa sur lui :
-Fais un pas de plus et je t'assure que les dernières semaines que tu passeras à Poudlard seront à l'infirmerie.
Le garçon ne rigolait plus, et elle sentit qu'il prenait sa menace au sérieux.
-Tu te souviens de cette fois où je t'ai demandée jusqu'où tu irais et que tu m'as regardée dans les yeux en me promettant que tu ne me ferais jamais de mal ? J'aimerais savoir une chose : est-ce que tu l'avais aussi promis à Mary ?
Mulciber ne répondit pas tout de suite. Il continuait à regarder la baguette de Dorcas mais, quand il replongea ses yeux dans les siens, la jeune femme avait l'impression qu'ils avaient perdu ce qu'ils avaient d'humain :
-Je ne lui ai jamais fait de mal. Je lui ai donné une bonne leçon, c'est tout. Elle croyait pouvoir s'exhiber avec Black devant moi sans conséquence, et je lui ai montré que ce n'était pas le cas. Toi, tu ne me ferais jamais ça.
Dorcas se mit cette fois-ci à rire. D'un rire sans joie, incontrôlable, tant elle avait l'impression que la situation était presque devenue risible.
-Est-ce que tu t'entends parler ? Tu sais, je commence à croire qu'en faite, tu ne sais même pas ce que tu fais. Je t'ai pris pour quelqu'un de mauvais, mais peut-être que tu es simplement fou.
Mulciber, d'un geste rageur, lui prit le poignet et, avec force, le mit de côté de sorte à ce qu'il ne soit plus menacé par sa baguette.
-Fais attention à ce que tu dis ! s'écria-t-il d'une voix puissante.
-Ou quoi ? le défia Dorcas.
Elle ne sut exactement pourquoi, mais elle n'avait pas peur de lui. Au contraire, il la répugnait tellement à l'instant présent qu'elle était prête à ressentir de la douleur uniquement pour avoir les confirmations dont elle avait besoin. Mais Mulciber n'en fit rien. Après plusieurs secondes à reprendre sa respiration, hors de lui, il desserra sa prise sur son poignet et recula.
-Qui crois-tu l'a traînée hors de l'eau ? fut la seule chose qu'il dit, et, encore une fois, Dorcas sut qu'il ne mentait pas.
Et elle comprit que c'était ce que le garçon était : il ne voulait pas fondamentalement leur faire de mal, mais le ferait si jamais il sentait qu'il perdait de son pouvoir. Sans qu'elle ne le veuille, Dorcas se sentit rassurée.
-Peu importe, dit-elle quand même, la voix tremblante. Je ne veux plus te voir.
-Tu crois que tu vas m'échapper aussi facilement ?
-Je ne le crois pas. C'est le cas.
-Tu as besoin de moi Dorcas. Et tu sais très bien que je ne te ferais jamais ça. Tu n'es pas comme Mary. Tu es moins faible qu'elle.
Une partie d'elle-même appréciait encore d'entendre ces paroles mais, dans le fond, Dorcas savait qu'il mentait.
-C'est ce que tu dis à Erin, aussi ?
Encore une fois, il parut surpris. Mais, cette fois-ci, il réagit d'une manière qui lui ressemblait plus, avec un rictus ironique :
-Ne me dis pas que c'est pour ça que tu me fais cette scène. Alors c'est juste de la jalousie ?
Il voulait la diminuer pour mieux la contrôler, et elle résisterait. D'une voix lasse mais teintée de dégoût, Dorcas fit :
-Non. C'est qu'enfin je me rends compte de qui tu es. Et je ne veux plus rien avoir à faire avec cette personne.
Elle ne lui laissa pas le temps de répliquer, ni de la suivre ou de lui ordonner de rester. Elle se détourna de lui et marcha d'un pas rapide, jusqu'à être sûre de s'être assez fondue dans la masse pour qu'il ne la retrouve pas. Alors qu'elle s'apprêtait à entrer dans les gradins, Dorcas n'avait toujours pas réussi à maîtriser les tremblements de sa main.
-Et c'est désormais Mcguire qui est en possession du souafle, pas pour longtemps puisque Potter junior vient une fois de plus le détrôner. Est-ce que quelqu'un a mis quelque chose dans son petit-déjeuner ? Enfin je veux dire... Bien évidemment que non ! C'est juste le talent naturel. Potter junior en possession du souafle, elle s'approche des buts, Perkins tremble de peur et c'est à raison puisqu'encore une fois, POTTER JUNIOR MARQUE ! 220 à 160 pour Gryffondor !
Sirius sourit en jetant un coup d'œil près d'Alice qui, dans les gradins, avait repris la place qui lui revenait de droit : commentatrice des matchs de Quidditch. Celui-ci était le dernier de l'année, son dernier tout cours en ce qui le concernait. Presque toute l'école était présente, et Sirius pouvait sentir l'atmosphère tendue et fébrile qui découlait des gradins. Il ne se souvenait pas de la dernière fois qu'ils avaient aussi bien joué. Mais si quelqu'un relevait tous les scores, c'était bien Cassidy. Il la voyait maîtriser à la perfection les nouvelles figures que lui-même n'avait pas encore osé tenter, il la voyait mettre souafle après souafle dans les buts, éviter des cognards, faire des passes décisives. Il avait assisté à la tentative d'intimidation de Benjamin sur sa personne, et le petit sourire plein d'ironie et de satisfaction qu'elle lui avait lancé juste avant de mettre un énième but. Les autres poursuiveurs s'en sortaient parfaitement bien aussi, et il était content de voir que Franck avait repris toute ces forces. C'était un match endiablé et, bien que James les ait sommé de jouer à la loyal, Sirius devait en convenir que c'était difficile, puisque les Serdaigles, pour combler leur manque de technique, avait décidé de jouer sale.
-Ça devient compliqué vieux, cria Sirius à James dans les airs alors qu'il avait clairement vu Franck aux prises avec les deux batteurs de Serdaigles, et que l'un deux avait essayé de le faire tomber de son balai à main nue.
Il vit son ami regarder Madame Bibine, qui était trop occupée à donner un avertissement à l'un des poursuiveurs de l'équipe adverse pour avoir foncé délibérément dans les gradins du côté rouge et or.
-On continue comme ça ! hurla James. A la loyal !
Puis il disparut dans les airs. Sirius l'observa quelques instants et se demanda pourquoi il prenait autant de temps à trouver le Vif d'Or. La bataille était presque gagnée d'avance, ils n'attendaient plus que James. Le match durait depuis presque deux heures, et Sirius commençait à sentir la fatigue. Alors qu'il fonça droit sur Franck et les deux autres batteurs pour l'aider, le jeune homme entendit dans son dos :
-Hé Black ! J'espère que tu es plus réactif quand tu t'occupes de la sœur de ton meilleur ami. Quoi que... Elle ne me semble pas être de celle qui aime beaucoup de réactivité. Ou peut-être que c'était ça le problème... Tu crois que j'aurais dû y aller plus fort pour qu'elle sente quelque chose ?
Le sang de Sirius ne fit qu'un tour. Il se retourna, laissant Franck à ses prises, de plus en plus proche de tomber de son balai. Il savait que s'ils perdaient un batteurs, la tournure du match pourrait changer du tout au tout. Mais Sirius n'en avait que faire à présent. Il regarda Fenwick et cracha :
-Ou peut-être qu'elle ne pouvait même pas sentir que tu étais là, pauvre type. Va t'occuper du Vif d'Or, et sauve ton équipe de la misérable pâtée qu'on est entrain de lui mettre.
Il eut juste le temps de voir Fenwick fulminer que Sirius se força à se retourner. Franck ne tenait à son balai que par une main. Le jeune homme se souvint des paroles de James : « à la loyal ». Il ne voulait pas manquer sa parole encore une fois, et encore moins que son dernier match à Poudlard ne soit teinté d'un avertissement de Madame Bibine ou pire, d'une exclusion. Il fit rapidement le tour du terrain des yeux en entendant vaguement Alice dire, d'une voix beaucoup moins assurée :
-Il semblerait que nos batteurs soient en mauvaise position... Allais Sirius, sauve Franck !
La remontrance de Mcgonagall d'impartialité ne sonnait pas très convaincante aux yeux de Sirius. Il regarda autour de lui : Cassidy était encerclée des trois autres poursuiveurs, et Léna essayait de l'en dépêtrer tandis que Rudolph se démarquait pour pouvoir attraper le souafle. Il y eut un « HO ! » désapprobateur d'une bonne partie des gradins - alors que Serdaigles et Serpentards applaudissaient vivement - tandis que le garçon dégringola avec son balai de plusieurs mètres après avoir été percuté par Benjamin.
-FENWICK ! hurla Madame Bibine après un coup de sifflet. Vous êtes attrapeur, occupez-vous de votre poste !
Il jeta un coup d'œil à James : Sirius aurait juré que le Vif d'Or se trouvait près de lui, mais le garçon semblait déterminé à ce que le combat soit plus difficile, et semblait presque attendre la présence de Benjamin pour attraper la petite balle. Sirius essaya de lui faire confiance et, après un coup d'œil significatif de son ami envers lui, il décida d'agir rapidement : un cognard s'approchait tout droit d'où eux tous se trouvaient. Alors Sirius, le cœur battant, s'approcha de la pointe de son balai - comme Cassidy leur avait montré au dernier entraînement - et, en voyant s'approcher le cognard toujours plus proche de lui, il attendit le dernier moment pour se retourner d'un coup sec et, la tête en-bas, donner un violent coup dans la balle. Sirius se rendit compte qu'il avait fermé les yeux lorsqu'il les rouvrit pour voir que Franck avait compris son stratagème, s'était baissé juste à temps et que le cognard avait percuté l'un des batteurs. Sirius se remit à l'endroit sur son balai et vit son coéquipier reprendre contenance, se repositionner, attraper sa batte et lancer d'un coup puissant le cognard qui revenait à la charge vers le deuxième batteur de l'équipe de Serdaigle, qui tomba à son tour.
-C'EST D'UNE PIERRE DEUX COUPS POUR LES BATTEURS DE GRYFFONDOR QUI ARRIVENT AVEC CLASSE, ELEGANCE ET SEDUCTION A METTRE A TERRE DEUX JOUEURS DE SERDAIGLE !
-Fortescue pour l'amour du ciel !
Mais Sirius, en regardant le professeur Mcgonagall, aurait juré qu'elle venait de lui faire un clin d'œil. Il sourit, prêt à reprendre ce match où il l'avait laissé. Désormais, lui et Franck faisaient front contre les trois poursuiveurs de l'équipe adverse, permettant à Gryffondor de marquer encore cinq buts, dont trois par Cassidy. Puis, alors que la fatigue commençait à se faire ressentir, Sirius tourna la tête : le moment décisif allait se produire. S'ils attrapaient le Vif d'Or, Serdaigle pouvait encore gagner. Et alors non seulement Gryffondor ne remporterait pas la coupe, mais Serpentard le ferait. Il jeta un coup d'oeil aux gradins : les verts et argents présents - bien évidemment pour l'équipe de Serdaigle - semblait retenir leur souffle. Il en était de même pour les Gryffondors, qui se tenaient entre eux avec anxiété. Le professeur Mcgonagall s'était levée, et il semblait à Sirius que d'où il se trouvait, le professeur Dumbledore se tenait fermement à la rembarde. Alice ne disait plus rien. L'atmosphère s'était comme suspendue. Les joueurs avaient arrêté de se disputer le souafle, que Cassidy tenait fermement sous son bras. Sirius avait le coeur qui battait plus fort que jamais. Sa respiration s'était serrée, et il lui semblait que plus aucun bruit ne faisait rage, si ce n'était les battements contre ses tempes. James et Benjamin étaient côté à côté, les bras tendus. La petite balle dorée se faisait clairement apercevoir dans le ciel qui - auparavant d'un bleu éclatant et sous un soleil de plomb - était désormais teinté de nuages. Tous sursautèrent lorsqu'un éclair apparut dans le ciel, mais Sirius le remercia. Car Fenwick avait aussi sursauté, et avait pris quelques centimètres de retard sur James qui, plus concentré que jamais, plus déterminé que jamais, s'apprêtait à attraper le souafle. Et, lorsqu'il regarda son ami, Sirius sut. Il sut que c'était gagné d'avance. Avec un énorme sourire, il ne se formalisa pas lorsque quelques gouttes - qui n'étaient plus uniquement sa transpiration - vinrent lui chatouiller le visage. Alors qu'il se rapprochait toujours plus, et que Fenwick, hurlant de rage, se faisait distancer, James se retourna vers son équipe et hurla :
-CASSY, MARQUE !
Comme au ralenti, Sirius tourna la tête : elle avait comprit le message. Alors, plus rapide que les autres poursuiveurs qui eux aussi avaient compris ce qui était entrain de se passer, il vint se placer d'un côté de la jeune femme, Franck de l'autre et, lorsqu'ils approchèrent ainsi les trois près de Perkins, Sirius vit clairement que le garçon avait abandonné. Presque en haussant des épaules, Cassidy lança le souafle qui, sous une slave d'applaudissements, passa l'un des cercles. Le score monta, mais Sirius ne le perçut à peine puisque, au moment instant, Alice hurla :
-JAMES POTTER VIENT D'ATTRAPER LE VIF D'OR, GRYFFONDOR GAGNE !
Ce fut comme si, d'un seul coup, toutes les personnes présentes se réveillaient. Il eut l'impression que la tribune s'était surélevée, et une marre humaine hurlait désormais, scandant le nom de a sa maison avec vénération.
-GRYFFONDOR GAGNE LA COUPE DE QUIDDITCH ! ON GAGNE ! ON GAGNE !
Alice hurla dans le microphone, mais personne ne l'en empêchait. Sirius jeta un coup d'oeil sur les gradins : le professeur Flitwick semblait dépité ainsi que, même s'il essayait de le cacher, le professeur Slughorn. Tous les autres professeurs en revanche applaudissaient avec verve, à commencer par Dumbledore. Lorsqu'il le regarda, Sirius jura qu'il venait de lui faire un clin d'œil. Mcgonagall s'était levée et avait pris Alice dans ses bras, les larmes aux yeux. Puis Sirius prit conscience. Il prit conscience qu'ils avaient gagné. Que Gryffondor emportait la coupe de Quidditch cette année. Qu'il venait de jouer son dernier match, et qu'ils avaient gagné. La pluie battante désormais ne l'empêcha pas de faire un atterrissage fracassant auprès de son équipe, qui s'était réunie autour de James qui brandissait le Vif d'Or et sautait dans les airs.
-ON A GAGNE ! hurlait-il, et, bien que la pluie tombait rudement, Sirius percevait clairement les larmes perler dans ses yeux.
Lui-même ne savait pas si c'était la pluie, sa transpiration ou ses larmes de joie qu'il ressentait, mais peu lui importait. Il commença par prendre Franck dans ses bras, qu'il n'avait jamais vu aussi souriant et heureux. Il en fit de même pour Léna et Rudolph, ainsi que, même s'il l'appréciait moyennement, Mclaggen, qui s'était montré particulièrement agressif aux buts. Puis il s'approcha de James et, sans hésiter, le prit dans ses bras. Le garçon semblait vibrer à une plus haute fréquence. Si lui-même était heureux et plus excité que jamais, ça n'était rien comparé à ce que James ressentait.
-On a gagné, vieux ! On a gagné... C'était notre dernier match et on a gagné !
-Grâce à toi, sourit Sirius.
Tout le monde venait féliciter James, et Sirius se rendit compte que les gradins étaient gentiment en train de se vider : l'entièreté des Gryffondors allaient bientôt envahir le terrain. Il sourit à cette image de bonheur.
-Non, grâce à nous, corrigea James qui tenait toujours le Vif d'Or bien haut.
Sirius voulut lui demander quelque chose mais il fut coupé par l'arrivée de Remus et Peter qui lui tombèrent dessus. Lily sauta dans les bras de James, qui la rattrapa au vol et la porta, puis les deux s'embrassèrent passionnément. Sirius sourit : il était plus que ravi de voir qu'ils s'étaient amplement réconciliés. Au milieu de la cohue, Sirius vit clairement Alice courir depuis son poste de commentatrice, le sourire aux lèvres. Il eut peur que la jeune fille - d'ordinaire si maladroite - ne s'étale au milieu du terrain, mais elle n'en fit rien. Plusieurs personnes s'étaient retournées pour la voir et retenaient leur souffle. Mais Alice, plus épanouie que jamais, sauta dans les bras de Franck et, sans lui laisser le temps de réfléchir, l'embrassa à pleine bouche. Ce fut comme gagner une deuxième fois : tous les Gryffondors alentours se mirent à les siffler et à applaudir avec ferveur. A ses côtés, Lily et Nelly éclatèrent de rire, des larmes perlant dans les yeux puis rejoignirent leur amie. A ce moment-ci, entouré de tous ses amis, des personnes qu'il aimait plus que tout au monde, Sirius ressentit un sentiment incroyable de plénitude. Mais il lui restait une chose à régler. Il profita de l'attraction qu'avaient provoqué Franck et Alice pour s'approcher de James.
-Pourquoi tu as attendu aussi longtemps pour attraper le Vif d'Or ? Tu aurais pu l'avoir bien plus tôt.
James lui sourit de manière énigmatique, et, sans répondre, désigna les gradins. Le professeur Mcgonagall avait dû s'asseoir, l'émotion étant trop vive. C'était donc le professeur Dumbledore qui avait pris sa place pour dire quelques mots de félicitations :
-Mes chers élèves, commença-t-il et le stade se fit presque immédiatement silencieux - Sirius remarquait qu'ils ne restaient presque plus de Serpentards ou de Serdaigles présents, uniquement des Gryffondors et quelques Poufsouffles réellement contents pour eux. Je voudrais tout d'abord féliciter grandement notre équipe vainqueur de cette coupe de Quidditch : Gryffondor !
Une slave d'applaudissements se fit entendre.
-Avant de vous laisser vaquer à votre joie, le professeur Mcgonagall ici présente m'a demandée de féliciter une joueuse en particulier. Sachez qu'aujourd'hui, un nouveau record a été battu : nous avons dépassé le record du nombre de buts marqués par un seul joueur d'une équipe. Je tiens donc à féliciter tout particulièrement Miss Cassidy Potter !
Lorsqu'il se retourna vers elle pour la regarder, jamais il n'avait vu une joie aussi grande, aussi pure sur son visage. Ses copines au complet lui sautèrent dans les bras, et les deux autres poursuiveurs - de leur petite taille - réussirent à la hisser sur leurs épaules pour lui vouer une admiration des plus complètes. Sirius aurait voulu les rejoindre, mais quelque chose l'en empêcha. Puis il se retourna vers James : jamais il ne l'avait vu aussi heureux. Il était fier de son ami : il avait laissé sa petite sœur prendre toute la gloire, et Sirius trouvait cela légitime. Il voyait aux yeux de James qu'il ferait tout pour Cassidy. Il lui sourit :
-Bien joué mec.
James le regarda et Sirius sentit sa gorge se nouer.
-Si tu veux y aller, vas-y.
Il était sincère. Il n'avait absolument pas l'air hargneux ou amère. Il souriait simplement, était serein, semblait avoir fait la paix avec ce qui l'avait tant taraudé ces derniers mois. Sirius se sentit soudain rougir :
-Oh je... J'irai bien sûr la féliciter.
-Sir'... Je te connais. Qu'est-ce que tu ressens pour elle ?
Jamais Sirius n'aurait pensé que la conversation ne dérive ainsi. James ne souriait plus, mais se semblait toujours pas en colère. Il attendait simplement la réponse, comme s'il la connaissait déjà. Mal à l'aise et la pluie - s'étant intensifiée - rendant difficile de parler, il dit d'une petite voix :
-Oh ben...tu me connais...
Il eut un rire gêné alors que James le regardait en haussant d'un sourcil, presque comme un parent qui savait pertinemment que son enfant avait fait une bêtise mais trouvait cela touchant. Sirius regarda encore une fois Cassidy : son bonheur était contagieux. Alors, sans réellement se rendre compte que c'était lui qui prononçait ces mots, il fit :
-Je suis complètement fou d'elle.
James hocha la tête avec un sourire sincère :
-Alors vas-y. Et je promets de ne pas me mêler de votre histoire. Mais quand on tient à des personnes, on se doit de le faire savoir.
Avec un énorme sourire de remerciement, Sirius se détourna de son ami et se fraya un chemin parmi la foule. Il atteignit Cassidy qui, toujours sur les épaules de Léna et Rudolph, pleurait des larmes de joie. Il la pressa de la faire descendre et, avant qu'elle n'ait pu réellement se rendre compte de ce qu'il se passait, il lui prit le visage entre ses deux mains et l'embrassa. Il entendit à peine les cris de surprise, puis les applaudissements et les quolibets. A l'instant même, il n'y avait qu'eux deux, sous la pluie, au milieu d'un terrain de Quidditch. Ils restèrent ainsi plusieurs secondes, peut-être même minutes. Ça aurait pu devenir des heures que Sirius n'en aurait que faire. Il sentait au fond de ses tripes que c'était l'unique chose qu'il voulait, et que peu lui importait qui était présent pour les regarder. Poudlard allait bientôt se terminer, et il voulait que l'école entière sache à quel point Cassidy Potter comptait pour Sirius Black. Alors qu'il fut contraint de se détacher d'elle pour reprendre son souffle, le garçon prit conscience que tout le monde les regardait. Certains avec étonnement, d'autres parlaient entre eux, certaines avec déception - telle que Léna... Mais c'était les sourires sincères de ses amis, particulièrement Remus et Dorcas, qui le touchaient le plus. Puis il la regarda enfin : elle était plus belle que jamais, les cheveux trempés par la pluie, de la boue jusque sur le visage, les joues rouges d'excitation et d'épanouissement.
-Je ne sais pas du tout où ça va nous mener, et je ne sais même pas si je suis prêt à tout ça. Mais ce que je sais, c'est que ce n'est pas ma vie si tu n'en fais pas partie.
Elle acquiesça et l'embrassa à son tour, de manière plus douce, d'une manière qui se passait de mots.
-Oh je comprends mieux maintenant...
Sirius sentit son sang bouillir une fois de plus : la dernière chose dont il avait besoin était que Fenwick ne vienne gâcher ce moment si précieux.
-Bonne chance avec elle Black, si tu n'arrives ne serait-ce qu'à lui faire cligner de l'œil.
Cette fois-ci hors de lui, Sirius fit un pas pour s'avancer mais Cassidy l'en empêcha de sa main. Fermement, elle se tourna vers Benjamin et d'une voix posée, qui n'acceptait aucune remarque, fit :
-Figure-toi qu'il fait bien plus que ça. Disons que je me sens mieux avec quelqu'un de plus...fort, qui tient mieux sur la longueur si tu vois ce que je veux dire. Bonne défaite, Benjamin. Et surtout, adieu.
Lorsqu'il vit son regard furax, son balai voler dans les airs et le fait qu'il ne trouvait rien à y redire, non seulement Sirius fut impressionné de Cassidy et fier de sa remarque, mais il sut aussi que la vengeance était définitivement un plat qui se mangeait froid.
L'enthousiasme de l'équipe de Gryffondor, et des Gryffondors en général, était communicatif. Jamais la salle commune de la maison rouge et or n'avait été aussi peuplée, aussi bruyante, et aussi chaleureuse qu'à l'instant présent. Il n'était que la fin d'après-midi, mais Remus avait de bonnes raisons de croire que la fête allait durer jusque tard dans la nuit. Il était persuadé, après avoir vu la réaction du professeur Mcgonagall, qu'elle n'y trouverait pas forcément quelque chose à y redire. Il sourit à cette pensée. Il avait une Bièraubeurre dans la main, et appréciait le spectacle qui s'offrait à lui : au milieu de la salle, l'équipe de Gryffondor revivait l'intense match qui s'était déroulé dans l'après-midi, la prestation incroyable de Cassidy, le suspens que James avait laissé jusqu'à la fin et la figure, plus réussie que jamais, de Sirius pour tromper leur adversaire. Le fait de voir Sirius et Cassidy ainsi remplissait Remus de joie. Ça faisait longtemps qu'il n'avait pas vu ses amis aussi insouciants, aussi heureux. Lui-même devait avouer se sentir bien plus léger qu'il ne l'était les semaines précédentes. C'était la première fois qu'il réussissait à s'en sortir d'une situation douloureuse et dramatique sans ressentir de culpabilité. Il aurait bien évidemment espéré que la prise d'otage de Damon Hufley ne termine pas de cette façon, et le fait de voir un corps sans vie devant ses yeux l'avait hanté pendant de nombreuses nuits, mais il était persuadé qu'il avait fait de son mieux, qu'il avait fait ce qu'il pouvait. Et c'était un ressenti qu'il essayait de cultiver : le fait de se dire qu'il faisait ce qu'il pouvait, comme il le pouvait. Le fait de retrouver ses amis, la complicité des Maraudeurs, de revoir leur relation avec Franck au beau fixe, de se rendre compte que les couples phares de Poudlard se rabibochaient le faisait se sentir plus reconnaissant que jamais. Ils regardaient Alice et Franck s'échanger des regards timides mais emplis de nouvelles promesses, observaient la façon dont Sirius semblait à l'aise avec le fait de passer un bras autour de l'épaule à Cassidy - laquelle n'avait jamais autant rayonné et à qui la coupe avait été dédiée - détaillait la manière avec laquelle James tenait la main de Lily tout en lui expliquant le match - la faisant rire. Remus se sentait bien. Il n'était pas quelqu'un de spécialement jaloux et devait, au contraire, savoir ses amis heureux avant de pouvoir l'être. Et c'était le cas. Il avait l'impression que dans cette pièce, à cet instant-ci, tout le monde était heureux. Puis son regard dériva vers une autre personne. A cet instant-là, son ventre se tordit quelque peu. Il aimerait penser que s'il terminait son année à Poudlard ainsi, il aurait fait tout ce qui lui tenait à cœur. Et c'était en partie vrai : ses amis s'étaient réconcilié, il s'était excusé envers Lily, envers Severus, l'équipe de Quidditch de Gryffondor brandissait fièrement la coupe, et, malgré un stress accaparent, il était au fond de lui persuadé qu'il réussirait ses ASPICS. Cependant, s'il voulait partir de cette école en paix, il lui restait une chose à faire. Alors il but une gorgée pour se donner du courage, puis avança vers elle.
-Salut, dit-il simplement avec un petit sourire.
-Salut, répondit-elle sur le même ton.
Il l'observa pendant quelques secondes : Nelly semblait en meilleur état qu'elle ne l'avait été ces dernières semaines. Bien que les traits tirés - probablement par la fatigue et le stress - elle aussi semblait avoir lâché prise sur plusieurs aspects de sa vie, et son sourire ne semblait pas forcé. Elle était toujours aussi jolie. Remus secoua la tête et évita d'y penser. Comme lorsque l'on enlève un pansement, il lui dit :
-Je suis désolé. Pour ce que je t'ai fait subir. Je suis désolé.
Sa gorge se noua et il ne réussit pas à en dire plus. Dans sa tête, il avait préparé tout un dialogue dans lequel il lui aurait dit à quel point il aurait eu envie de lui dire son secret, que ce n'était pas qu'il manquait de confiance en elle, mais que c'était simplement qu'il ne voulait pas qu'elle le porte. Elle lui aurait pardonné et, ensemble, ils auraient décidé de reprendre leur relation où elle en était. Mais ainsi devant elle, Remus ne put dire que ces simples mots, qui débordaient de sincérité. Nelly le regarda intensément, et il lui était impossible de dire ce qu'elle pensait. Puis, d'une voix douce, elle répondit :
-Tu es pardonné Remus.
Il eut l'impression qu'une boule énorme s'effondrait dans son ventre et s'échapper par ses pieds. Il se sentit soudain comme s'il n'avait plus de force, comme s'il pouvait enfin lâcher prise.
-Merci, dit-il sincèrement, l'émotion dans la voix.
Il s'apprêtait à lui proposer un verre lorsque, d'une voix moins assurée, elle prit à son tour la parole :
-Je dois aussi m'excuser. Premièrement d'avoir agi comme j'ai agi... j'avais mes raisons. Mais je n'ai même pas envie de te les dire, car je me suis rendue compte que ce n'était pas parce que quelque chose allait mal dans ma vie que ça me donnait le droit de faire du mal aux autres.
Remus fronça les sourcils : il ne voyait certainement pas de quoi elle pouvait lui parler.
-Tu n'as pas à t'excuser Nelly. Je comprends tout à fait pourquoi tu ne m'as pas parlé après que... après que je t'ai attaquée. C'était compréhensible.
-Ce n'est pas de ça dont je veux parler.
Il ne sut pourquoi, mais son cœur se mit à mitrailler contre sa poitrine. Remus attendit, sur le qui-vive. En le regardant, elle lui dit :
-J'ai eu quelqu'un d'autre... après que... après ce qu'il s'est passé. J'ai eu quelqu'un d'autre. Je préférerais ne pas dire qui, mais sache que ce n'est personne de notre entourage. Ça n'était qu'une seule fois, ça ne se reproduira pas. Je tenais à ce que tu le saches.
Remus s'était préparé à tout, sauf à cela. Pendant quelques instants, il ne dit rien, peu sûr de ce qu'il ressentait. Dans le fond, Nelly ne l'avait pas trompé. Elle était libre de faire ce qu'elle voulait. Mais Remus devait avouer qu'il l'avait peut-être prise pour acquise, ne s'était pas rendu compte qu'elle pourrait lui échapper. Et le fait d'être mis ainsi devant la vérité le blessa. Il prit une profonde respiration et regarda autour de lui : les gens souriaient, riaient ensemble. Des premiers et deuxièmes années, timides, essayaient d'approcher les vedettes. Des élèves plus âgés faisaient semblants de très bien les connaître. Remus regarda encore une fois ses amis : tous avaient beaucoup trop soufferts, lui y compris, même si, malgré lui, ça avait parfois été de sa faute. Puis il regarda Nelly : elle aurait pu lui mentir, jouer avec ses sentiments. Si elle choisissait de dire la vérité, c'était parce qu'elle mettait derrière elle cette période de sa vie. Alors bien que blessé, bien que tiraillé par une jalousie nouvelle qu'il ne connaissait pas encore très bien, Remus lui répondit :
-Merci de me l'avoir dit. Tu sais... je sais bien que ça ne pourrait pas être comme avant, toi et moi. Mais... peut-être que ça peut être différent de la bonne manière ? Peut-être qu'avant toute chose, on pourrait essayer d'être...amis ?
Il était blessé, c'était un fait. Mais en vouloir à Nelly et la tenir loin de lui lui coûterait bien plus que d'essayer de lui pardonner, et d'accepter ce qu'elle avait fait. Il sut qu'il avait pris la bonne décision lorsqu'elle le regarda avec une sincère reconnaissance, et un sourire rayonnant. Elle hocha la tête et répondit :
-J'adorerais être ton amie.
Alors qu'elle le serrait dans ses bras, Remus essayait tant bien que mal de ne pas penser au fait que quelqu'un d'autre que lui l'avait touchée. Mais, bien que soulagé, bien que persuadé qu'il avait fait le bon choix, une question restait dans son esprit : qui cela pouvait-il bien être ?
Rosier n'avait pas l'air en forme. Dans son coin avec Mulciber, les deux garçons - d'ordinaire au centre de l'attention - ne parlaient pas et remuaient dans leur verre, l'esprit morose. Il en était de même pour Severus, mais elle avait plus l'habitude de le voir ainsi. Regulus n'était même pas resté avec les autres, et était directement monté se coucher. Elle sentait un changement dans son attitude, mais n'en était pas assez proche pour lui en parler. Cependant, malgré l'ambiance morose de la maison Serpentard, malgré le fait que presque personne ne parlait, Narcissa n'arrivait pas à éprouver une once de déception quant à l'issue du match de Quidditch de l'après-midi. A réellement parler, le Quidditch était sa dernière préoccupation. Mais, en sachant que ça tenait à cœur à Lucius, elle se gardait bien de le dire. Alors qu'un silence pesant venait de s'accentuer dans la salle commune, où les Serpentards avaient tout de même tenus à faire une dernière fois la fête, son petit-ami prit enfin la parole :
-Bon... Je sais bien que ce n'était pas ce que nous attendions. Mais vous voulez que je vous dise ? Je m'en contrefiche. On est deuxième au tournoi de Quidditch, et Potter est probablement entrain de scander dans tout le château qu'il est le roi - Narcissa avait perçu son changement de ton et l'amertume dans sa voix. Mais la bonne nouvelle, c'est que dans moins d'un mois, on sera définitivement débarrassé de ces moins que rien... alors bon, soit on monte tous dans notre dortoir, soit on essaye quand même de faire la fête.
Il y eut encore quelques secondes de silence, puis Wilkes leva son verre et dit solennellement :
-Je ne remonterai pas avant d'être sûr d'avoir rempli ce verre au moins huit fois.
Avery approuva vicieusement, puis, petit à petit, la fête reprit un cours un peu plus normal. Quelqu'un monta le son de la musique, les lumières se tamisèrent, un cinquième année alla voler de la nourriture dans les cuisines, et le Whiskey Pur Feu coulait à flot. Résigné, Rosier avait tout de même mis en marche ses encens, que Mulciber fumait déjà. Seul restait Severus, un verre à la main, dans un fauteuil isolé. Narcissa aurait eu envie d'aller lui parler. Mais elle se rendit compte que ce qu'il s'était passé avant la mort de Damon Hufley, ce changement de situation, n'avait été qu'illusion. Elle se rendait compte qu'il ne servait plus à rien d'imaginer que leur vie serait différente que ce qu'elle avait toujours été, différente de leur parent, différente du nom de famille qu'ils devaient porter. Alors, si elle voulait revenir à la normal, l'unique chose à faire était de le laisser dans son coin. Avec une pointe au cœur, elle se tourna vers Erin pour essayer de penser à autre chose. Elle surprit son amie à regarder vivement dans la direction de Mulciber. Narcissa avait longtemps essayé de faire comme si elle ne voyait rien, ou de prétendre que ce n'était pas ses affaires. Mais, plus son amitié avec Erin devenait sincère, plus la blonde se sentait d'une certaine manière responsable d'elle. Et, plus elle observait Mulciber, plus elle le défiait, moins elle en avait confiance. Alors, en s'assurant que le bruit environnant couvrirait ses paroles, la blonde soupira et dit :
-Ne le laisse pas revenir.
Erin la regarda, surprise, et se renfrogna.
-Je ne vois pas de quoi tu parles.
-Tu vois très bien de quoi je parle. Écoute... Tu es une grande fille, je l'ai compris. Et je ne te juge pas. J'admets qu'il est... eh bien, on va dire qu'il ne laisse personne indifférent. Mais tu l'as dit toi-même, dans ce monde, surtout en tant que fille, on n'a pas beaucoup le choix. Mais tant que tu es à Poudlard, tu as encore le choix. Ne le laisse pas revenir Erin. Ne le laisse pas te traiter comme une moins que rien.
Elle percevait aux changement de posture de son amie que ses paroles résonnaient quelque part en elle. Erin n'avait rien répondu et prit une longue gorgée de sa boisson, mais Narcissa pensait avoir touché juste. Alors qu'elle détournait la tête, elle le vit. Son regard perçant, comme s'il avait compris qu'elles parlaient de lui, comme s'il savait ce qu'elle pensait. Il la défiait, comme souvent. Comme depuis qu'elle le connaissait, à réellement parler. Puis Mulciber se leva, et, malgré elle, Narcissa sentit une pointe de crainte en se rendant compte qu'il venait vers elles. Elle se rapprocha de Lucius, lequel fumait avec Crabbe et Goyle. Mais, en se postant devant elle, ce fut à Erin que Mulciber s'adressa :
-Je peux te parler un instant ?
Il avait ses yeux flagorneurs, son regard si sûr de lui. Elle vit qu'Erin avait de la peine à le regarder. Elle rougit quelque peu lorsqu'elle répondit sèchement :
-Pas ce soir.
Narcissa eut envie de sourire mais, en retournant sa tête et en voyant le regard meurtrier de Mulciber à son égard, l'envie lui passa. Cependant, forte d'un courage nouveau, elle soutint son regard, jusqu'à ce que le garçon, fou de rage, ne se détourne d'elles dans un soupir de dédain et aille parler à Elia Parkinson, laquelle était plus qu'encline à passer du temps avec lui.
-Tu vas bien ? demanda Narcissa à Erin.
Celle-ci soupira et fit :
-Peu importe. Je vais me coucher, j'ai mal à la tête. A demain.
Sans laisser le temps d'une réponse, la jeune femme disparut dans la foule.
-Qu'est-ce qu'elle a ?
Narcissa se tourna vers Lucius, qui avait suivi la scène et fronçait des sourcils. Elle haussa les épaules :
-Elle n'est pas très bien.
Il dut comprendre qu'elle n'en dirait pas plus, puisqu'il lui tendit l'embout pour fumer. En souriant, la blonde le prit, tira dessus comme Rosier lui avait appris et recracha un cercle parfait de fumée. A ses côtés, Wilkes et Avery sifflèrent, et elle fit tout pour ne pas croiser le regard du deuxième, qui la mettait toujours aussi mal à l'aise. A la place, elle observa Lucius. Si tout était redevenu comme avant, elle avait l'impression que sa relation avec le blond, au contraire, ne serait plus jamais pareille. Et elle en était ravie. Elle se sentait plus en confiance avec lui, avait l'impression qu'ils étaient désormais des partenaires. Lorsqu'il la regarda avec une lueur qu'elle ne connaissait trop bien, Narcissa n'espérait qu'une seule chose.
-Suis-moi, lui dit-il au creux de l'oreille, répondant à son envie.
Elle évita de regarder les garçons de la bande alors qu'elle s'éclipsait au milieu des Serpentards présents avec Lucius, qui lui avait attrapé la main pour l'aider à se frayer un passage au milieu de la foule. Par ce simple geste, Narcissa sentit son bas-ventre la chatouiller. Puis Lucius l'entraîna dans un couloir, tourna à gauche pour arriver devant la porte de son dortoir. Il entra, s'assura que personne n'y était, lança un sort pour sceller la fermeture et se tourna vers elle.
-Ça fait longtemps, lui dit-il avant de l'embrasser.
En effet, leur relation avait énormément évolué, mais les moments où ils ne se retrouvaient qu'à deux se faisaient de plus en plus rares. Elle se laissa complètement aller alors qu'ils s'embrassaient presque sauvagement. Il venait de passer sa main sous son pull et de l'ôter prestement. Elle en fit de même avec son t-shirt. Elle posa une de ses mains sur son bras et laissa l'autre caresser son torse parfaitement musclé. Lui-même la tenait fermement dans le dos d'une main, et avait déplacé l'autre vers sa cuisse. La blonde avait l'impression que tout ce qu'elle avait ressenti ces derniers jours était en train d'exploser. Et, pour une fois, c'était loin d'être déplaisant. Alors qu'ils continuaient à s'embrasser, Lucius se détacha d'elle, à bout de souffle. Narcissa sourit et se mordit la lèvre lorsqu'elle répondit :
-Oui, trop longtemps.
Il la regarda, ses yeux malicieux, un sourire taquin et, en lui mordillant la lèvre inférieure, l'entraîna sur l'un des lits. Narcissa ne s'était jamais demandé si c'était le sien ou non, et elle priait pour que ça ne soit pas celui de Mulciber ou d'Avery. Lucius dut la sentir se tendre puisqu'il demanda :
-Je t'ai fait mal ?
La blonde fit non de la tête.
-C'est juste que... C'est bien ton lit, rassure moi ?
Lucius fronça des sourcils puis se mit à rire. La blonde se sentit rougir et, vexée, se décolla quelque peu de lui. En la sentant lui échapper, il l'attrapa par le bras et mit ses coudes de part et autre de sa tête, de sorte qu'elle ne puisse pas se relever. A mesure qu'il parlait, Lucius laissa l'une de ses mains parcourir son corps, ce qui la chatouilla. Elle ne voulait pas le laisser gagner aussi facilement, mais ne put résister à l'envie de rire lorsqu'il atteignit son ventre. Elle poussa gentiment son bras et dit :
-Sérieux, c'est ton lit oui ou non ?
D'un geste assuré et qui la surprit, Lucius les fit basculer de sorte à ce qu'elle se retrouve au-dessus de lui. Il repoussa ses cheveux et, en ponctuant ses paroles de baisers dans le cou, il dit :
-Narcissa... sache qu'aucun autre garçon que moi...ne t'aura jamais...dans son lit.
Alors qu'il venait de redescendre ses mains pour l'agripper fermement par les reins, Narcissa sourit. C'était une pensée qui, loin de lui faire peur, la faisait vibrer dans tout son corps.
La fête battait de son plein. Dans un coin, Franck et Alice ne s'étaient pas décollés un seul instant. Lily sourit, plus que ravie pour son amie. Elle s'était rendue compte que Remus et Nelly avaient aussi réengagé la conversation et, bien qu'elle se sentait quelque peu gênée pour le garçon, elle essayait d'être du côté de Nelly, qu'elle était si contente d'avoir retrouvée. Bien entendu, les relations de tout le monde devaient petit à petit se guérir, à leur rythme, et la rousse était consciente qu'il ne servait à rien de forcer. Elle avait pu parler une bonne partie de la soirée avec Dorcas, qu'elle apprenait à connaître et qu'elle trouvait pleine de surprise. La jeune femme avait l'air de bien aller, et Lily était contente qu'elle n'ait pas été aussi affectée qu'elle ne l'aurait pensé par ses révélations sur Mulciber. L'attraction principale de la soirée était sans nulle autre Sirius et Cassidy. Bien qu'ils évitaient de s'embrasser devant tout le monde - Lily les suspectait d'être encore mal à l'aise devant James - il était évident que leur complicité ainsi dévoilée faisait se délier les langues. La rousse se sentait bien, peut-être même mieux qu'elle ne l'avait jamais été à Poudlard. Tous ses amis étaient présents autour d'elle, heureux, détendus. La vie dans l'école avait repris son cours. Tout le monde essayait de guérir, à sa façon, et Lily était ravie de voir que la sienne consistait à être entourée. Elle était aussi soulagée de ne plus avoir le mauvais rôle, de ne pas être celle que tout le monde croyait coupable. Elle avait compris ses erreurs, et avait l'impression d'être libérée d'un poids.
-A quoi tu penses ?
Elle sursauta légèrement et sourit en se retrouvant face à face avec James. Bien qu'ils se soient remis ensemble, ils n'avaient finalement passé que peu de temps l'un avec l'autre. Et Lily ne pouvait s'empêcher de se sentir à nouveau gênée d'être en sa présence, comme la jeune femme qu'elle était il n'y avait finalement pas si longtemps que cela. Mais pour elle, l'époque où James Potter la rendait folle en la courtisant lui semblait être une autre vie.
-Je me disais simplement que j'ai de la chance d'être ici. Et que je suis contente que vous ayez gagné !
James sourit et acquiesça.
-Ça n'aurait pas été possible sans vous tous.
Lily comprenait ce qu'il voulait dire par là : James était le genre de personne si entière, si loyale que lorsqu'il ne pouvait pas avoir ses amis autour de lui, il n'était plus lui-même. Elle avait compris cela par rapport au garçon.
-Lily... il faut que je te parle de quelque chose.
James avait le regard bas, comme pris en faute, et la jeune femme se mit à paniquer : qu'allait-il bien lui annoncer ? Elle pensa immédiatement au fait qu'il avait eu une aventure avec une autre fille pendant qu'ils étaient séparés. Mais qui ? Et comment réagirait-elle ? Elle déglutit péniblement alors qu'il commença :
-Enfaite... J'ai parlé avec Rogue dernièrement.
Bien que ça l'intriguait énormément, la jeune femme ne put s'empêcher de se sentir immédiatement soulagée. James n'avait pas eu d'aventure.
-Comment ça ? demanda-t-elle, la gorge nouée.
James agissait comme un enfant pris en faute.
-Avec les gars on est allé... Eh bien le remercier de nous avoir aidé. Tu sais, pour la prise d'otage...
Soudain, Lily eut une bouffée d'affection pour James. Elle se rendit compte que non seulement il lui avait manqué, mais qu'elle appréciait encore plus le garçon qu'elle avait découvert au cours de toutes les épreuves qui avaient bousculé leur relation. Il pouvait certes se montrer impitoyable s'il se sentait trahi, parfois puéril et même un peu égoïste, mais James était aussi un garçon courageux, un homme en devenir, qui savait reconnaître ses erreurs et qui ne souhaitait qu'une chose : être à la hauteur des gens qu'il aimait. Elle adorait cela chez lui.
-Et je me sentais obligé de te dire que... Eh bien, on va dire qu'il s'est passé plusieurs choses avec lui, lors de toutes ces années. Alors si jamais tu veux les entendre eh bien...
-Je ne veux pas, coupa Lily.
Elle était sincère. Il n'y avait pas si longtemps que cela, elle aurait écouté, l'air réprobateur, aurait probablement désapprouvé tout ce que James et Sirius auraient pu faire à Severus, et peut-être même que ça aurait fini en dispute. Mais, après avoir reparlé au garçon, après ce qu'il s'était passé avec Damon, Lily s'était rendue compte d'une chose : Severus et elle n'auraient bientôt plus rien en commun. Ce qu'il s'était passé, que ce soit entre elle et lui, ou entre lui et James, serait bientôt définitivement du passé. Sous l'air ahuri de James, elle répondit :
-Je ne suis pas d'accord avec ce que vous avez pu lui faire, et je n'ai pas besoin que tu me le décrives pour le savoir. Mais toutes ces histoires ça m'a permis de me rendre compte que...que je devais le laisser s'en aller. Le Severus que j'ai connu, qui m'a permis d'aimer la sorcellerie, je ne sais pas s'il existe encore. Alors, je suis contente que tu aies pu le remercier. Mais je n'ai pas besoin de savoir ce que vous vous êtes dit.
James la regardait avec un sourire bienveillant, compréhensif. Il lui posa une main sur la joue et la caressa doucement. Elle ferma les yeux brièvement pour apprécier ce geste et, quand elle les rouvrit, elle se rendit compte qu'ils étaient les deux quelque peu gênés. Lily avait l'impression qu'ils recommençaient une relation, et que même s'embrasser était à nouveau aussi exaltant et angoissant que lors de leur première fois. Elle s'approcha de quelques centimètres, prête à faire le premier pas, mais James la coupa dans son élan en reprenant la parole :
-Je voulais que tu saches que ce qu'on vit, c'est encore plus que ce que j'avais espéré. Quand j'y repense... Je ne sais même plus ce qu'était ma vie à Poudlard sans toi. C'est peut-être dû au fait que j'ai dû te courtiser pendant sept ans pour que tu abdiques enfin...
Il semblait réellement pensif et Lily éclata de rire en le poussant gentiment du bras.
-Mais bref. Enfaite Lily, ce que j'essaye de te dire... C'est que je t'aime.
Il la regardait dans les yeux. Elle perdit son sourire, plus étonnée que jamais. Elle avait toujours pensé qu'elle serait la première à le dire. Que ce ne serait pas assez masculin pour James, et qu'il trouverait une blague à faire là-dessus. Mais il avait l'air des plus sérieux, des plus sûr de lui en le disant. Elle ne réfléchit pas une minute à la réponse qu'elle souhaitait lui donner :
-Moi aussi je t'aime.
Alors qu'il s'approchait pour la prendre dans le dos et poser ses lèvres sur les siennes, Lily Evans eut bel et bien l'impression que c'était la première fois qu'elle embrassait James Potter.