Une deuxième semaine venait de s'achever à Poudlard. Les septième années, plus que tous les autres, étaient assaillis de devoirs, en plus de la matière de sixième année à réviser.
-Comment ils comptent nous laisser le temps de réviser l'ancienne matière si on n'a déjà pas assez de temps pour assimiler la nouvelle ?
Nelly et Lily se trouvaient dans la Salle Commune de Gryffondor, et travaillaient sur un devoir de Sortilèges particulièrement compliqué.
-Je pense que si l'on a bien travaillé l'année dernière, on sera récompensé, assura Lily.
-Justement..., marmonna Nelly, sans que son amie ne lui prête véritablement attention.
-Tu m'excuserais un instant ? demanda la rousse. Il faut que j'aille voir Remus au sujet de nos patrouilles.
Nelly acquiesça en tournant la tête : Remus venait en effet d'entrer dans la Salle Commune en compagnie de Peter Pettigrow.
-Remus !
-Salut Lily ! Tu vas bien ? Pas trop difficile cette première semaine ?
-La pression commence déjà à monter mais je m'y attendais. Et puis, j'ai quand même un peu revu la matière de l'année passée cet été, alors je ne me fais pas trop de soucis.
Remus sourit : s'il y avait bien quelque chose dont il était sûr, c'était que Lily Evans ressortirait première de leur promotion.
-En faite, j'aurais aimé qu'on parle un peu des patrouilles de préfets. Je sais bien que tu n'es pas préfet-en-chef, mais je me suis dit que ça ne changeait pas grand-chose après tout, tu as aussi des patrouilles à faire.
-Pet', ça t'ennuie d'aller m'attendre sur les fauteuils ? Je fais mon boulot de préfet et je viendrai te donner un coup de main pour ce devoir.
Lily adressa un bref signe de la main au garçon grassouillet qui décampait vers les fauteuils.
-Alors ces patrouilles ? demanda Remus, un sourire bienveillant aux lèvres en voyant la gêne évidente de Lily.
-Tout d'abord, sache que si je viens t'en parler à toi, c'est parce que je sais que tu prends ce boulot très au sérieux, répondit la jeune femme pour qui -elle ne se l'avouait pas- il était tout bonnement impossible de demander de l'aide à James Potter.
Elle avait cru vomir en entendant la nouvelle que son coéquipier allait être le jeune homme, elle qui avait espéré de toute ses forces qu'elle serait à nouveau aux côtés de Remus.
Le lycanthrope eut un petit sourire en coin : il était quelque peu ironique que lui-même dût parfois donner des remontrances à des élèves en retard compte tenu du nombre de fois où lui et ses amis avaient violé le règlement, contraints ou non.
-Voilà alors enfaite..., commença Lily d'une petite voix avant d'être interrompue par une voix beaucoup plus masculine.
-On complote en secret ? J'espère qu'il ne s'agit pas de ma paire de lunettes Evans, sinon, je devrai prendre des mesures conséquentes.
Lily ferma les yeux quelques instants. Était-il possible de parler à Remus sans que Potter ne se voie dans l'obligation de prendre parti ? « Jamais. », lui intima une petite voix intérieure qu'elle ne connaissait que trop bien.
-Ce que je fais avec Remus ne te regarde en rien, Potter. Maintenant, si tu me permets, j'aimerais finir ma conversation. Et ne t'inquiète pas pour tes lunettes - elle cracha presque le mot-, elles te seront rendues bien avant que tu aies à les utiliser.
James sourit, de cet abominable sourire arrogant selon Lily, et lança un « amusez-vous bien ! » avec un clin d'œil envers Remus, qui s'efforçait de rester impassible.
-C'était là où je voulais en venir, continua Lily en tentant tant bien que mal de maîtriser sa colère, si ça ne t'ennuie pas, j'aurais bien aimé que tu m'accompagnes dans mes premières patrouilles.
La jeune fille se dandinait d'un pied à l'autre, rarement contrainte à demander de l'aide.
-Pas de problème pour moi ! Au vue des temps qui courent, je trouve ça plus prudent. Et puis ce sera une bonne occasion pour nous de parler sans être interrompu, lança Remus avec un clin d'œil.
Lily lui sourit, soulagée que son ami ait compris. La jeune fille avait beau être l'une des meilleures de son année, voire de l'école, les patrouilles nocturnes étaient devenues de plus en plus inquiétantes depuis que son amie, Mary McDonald, s'était fait agressée dans les couloirs de Poudlard l'année précédente. Lily chassa de sa tête ce souvenir douloureux, puis remercia Remus avant de rejoindre sa meilleure amie.
-Alors ? demanda Nelly, un peu trop vite à son goût.
-Je ferai mes patrouilles avec Remus. Ce sera enfin l'occasion d'être un peu seule avec lui !
Lily replongea dans son devoir de sortilège, ne remarquant pas le tic nerveux que Nelly avait adopté en prétendant sourire à son amie.
-Tu es sûre que ça ne fait pas trop ?
-Je te l'ai répété cent fois : cette robe te va à ravir ! Et puis, Slughorn aime que vous soyez bien habillés non ?
-Honnêtement je m'en contre-fiche d'être bien habillée. J'ai un devoir de sortilège pas terminé à rendre et aucune envie de me promener dans les couloirs comme si j'allais à un bal.
-N'exagère pas, tu portes une robe noire cintrée. Pas de dentelle, aucun décolleté, rien d'affolant en soi. Même si tu es très jolie dedans !
-C'est toi l'experte.
Lily et Nelly se tenaient devant le miroir de leur dortoir, débattant de la tenue sobre mais élégante que portait la rousse pour assister à la fameuse soirée de rentrée de Horace Slughorn. Pour l'occasion, la jeune fille avait noué ses cheveux en une longue tresse qui lui descendait le long du côté droit.
-Ne te cherche pas plus d'excuse. Je sais très bien pourquoi tu ne veux pas y aller.
-Et pourquoi ? demanda Lily avec un peu trop de vigueur.
-Malefoy sera là.
La rousse se rembrunit.
-Malefoy habite dans le même lieu que moi. Je le vois pratiquement tous les jours. Pourquoi est-ce que j'en aurais peur maintenant ?
-Parfait ! Hé bien aucune raison de redouter la soirée. Maintenant file, Slug' n'aurait pas envie de te voir en retard !
Lily se renfrogna, regarda une dernière fois son reflet dans le miroir, qui lui parut au final satisfaisant, puis s'en alla d'un pas qui se voulait décidé au dehors du dortoir après un dernier au-revoir à Nelly. Lily appréciait énormément son professeur des potions mais ne pouvait s'empêcher de se demander ce qui lui passait par la tête. Comment pouvait-il être assez naïf pour convier deux personnes aussi différentes que Malefoy et elle-même à une même table ? Bien entendu, il y avait eu le discours du Choixpeau et de Dumbledore lui-même sur l'importance de l'entraide entre maisons, mais personne n'était assez dupe pour ne serait-ce que penser qu'une réconciliation entre Gryffondor et Serpentard fût possible. Apparemment, Slughorn ne l'avait pas bien compris.
Ce fut dans ses pensées et le regard vers le bas qu'elle bouscula quelqu'un dans la salle commune, prête à passer le portrait de la Grosse Dame, chargée de garder la porte.
-Excuse-m...
Lily releva la tête et son visage s'assombrit aussitôt.
-Potter, pourquoi faut-il toujours que tu sois dans mes pattes ?
-Parce que tu ne m'as toujours pas rendu mes lunettes, et je commence à me faire du souci, répondit James, son éternel sourire suffisant aux lèvres.
Il prit quelques secondes afin de détailler Lily : les formes de ses jambes, sa taille marquée par sa robe noire, la tresse qui s'écoulait le long de sa poitrine, ses yeux de biche.
-Un problème ? demanda la jeune femme, impatiente. Il est évident que je n'ai pas tes lunettes sur moi, alors laisse-moi passer.
-Tu as rencard ?
James avait tenté de prendre un air nonchalant en posant la question.
-Ça ne te regarde en rien ! Maintenant laisse-moi passer Potter, j'ai des personnes bien plus intéressantes à aller voir.
« Des personnes », lâcha une petite voix dans la tête du jeune homme, qui reprit son sourire.
-Amuse-toi bien Evans !
-C'est ça.
Désormais aussi furax que nerveuse, Lily se dirigea vers le trou de la salle commune de Gryffondor, ne remarquant pas que les yeux de James étaient inlassablement posés sur elle. Elle dévala les escaliers à toute allure puis reprit son souffle quelques secondes avant de frapper à la porte du bureau de Slughorn, et d'entrer en entendant un enthousiaste « Venez seulement ! » lui répondre.
-Ma chère Lily ! Qu'est-ce que vous pouvez être ravissante, vous illuminez la pièce dans cette robe !
Lily venait d'entrer dans le bureau de son professeur de potions, quelque peu gênée face à la remarque de ce dernier.
-Vous êtes en retard, lança Slughorn avec un clin d'œil.
-Oh ! Eh bien, c'est que...
-Je vous charrie ! Nous ne nous étions même pas installés. Je vous en prie, prenez place.
Lily eut un soupir de soulagement en voyant que Slughorn désignait le siège à côté de lui, et qu'il y avait trois places entre elle et Lucius Malefoy. Le jeune Serpentard n'avait pas bougé lorsque Lily était entrée mais elle pouvait aisément sentir la haine dans son regard, qu'elle comptait éviter toute la soirée.
-Bien, prenez place mes chers, prenez place. Dites-moi Jacobsen, comment se porte votre père depuis sa promotion au ministère ?
Lily vit un jeune Serdaigle de quatrième année se redresser, réajuster sa cravate, s'éclaircir la gorge et dire d'une voix pompeuse :
-Papa est absolument ravi de servir dans le bureau à côté de celui du ministre. C'est un homme tout à fait charmant, à en croire papa. Il me dit même qu'il adore les patacitrouilles !
Le professeur de potions éclata d'un rire lourd, presque grossier, tandis que Lily lui lançait un petit sourire gêné, la tête plongée dans son assiette.
Le reste de la soirée se passa de la même manière : Slughorn interrogeant les élèves les uns après les autres et les élèves tentant d'impressionner par leurs relations. Lily remarqua qu'elle était la seule qui avait été invitée uniquement grâce à ses notes. Quand vint son tour, elle ravala la bile qu'elle avait au fond de la gorge et concentra son regard sur Slughorn, ce qui l'aidait à oublier le regard brûlant de haine que lui envoyait un élève à sa droite.
-Ma douce Lily, je suis sûre que vous serez impressionnante en potions cette année. Je ne vous le dis pas assez, mais vous êtes l'une des élèves les plus brillantes qu'il m'ait été donné d'avoir dans mes nombreuses années d'enseignement.
La rousse se félicita intérieurement d'avoir une peau qui ne rougissait pas facilement. Les joues brûlantes, elle marmonna un remerciement timide.
-Professeur.
-Oui Mr. Malefoy ?
-Pensez-vous réellement que les nés moldus aient leur place parmi les sorciers ?
Il y eut un lourd silence, suivi d'un bruit de fourchette lâchée dans une assiette. Le professeur Slughorn blanchit considérablement, malgré son quatrième verre de vin achevé.
-Mr. Malefoy, je pense que notre jeune Lily est ici une preuve inconsidérable qu'avec beaucoup de travail il est tout à fait possible de...
-Beaucoup de travail, je n'en doute pas, coupa le blond, de sa voix trainante et imperturbable. La sorcellerie ne se doit-elle pas d'être naturelle ?
Elia Parkinson, qui accompagnait Malefoy, avait l'air d'un crapaud qui venait d'avaler une mouche particulièrement savoureuse. Tout autour de la table, seuls les yeux des autres élèves, à la fois choqués et avides d'en entendre plus, ne bougeaient. Slughorn, complétement dépassé, ne pipait mot. Lily sentit ses joues bruler, mais non plus de timidité :
-Et dis-moi Malefoy, quand ta petite amie aura raté son examen de potions, est-ce que tu penseras toujours que la sorcellerie est naturelle pour tout le monde ?
-Toi, ne m'adresse pas la parole, lança le blond, empli de haine.
Lily se leva, ce qui fit vaguement trembler la table :
-Ou sinon quoi ?
Malefoy en fit de même, les deux dégainèrent leur baguette.
-STOP !
La table entière sursauta et se retourna d'un seul mouvement vers Slughorn, lui-même surpris de devoir hausser la voix une fois de plus.
-Enfin bon, nous sommes ici pour passer un bon moment, pas pour alimenter une quelconque haine entre maisons. Lucius, notre amie Lily a sa place comme tout le monde dans cette école, si ce n'est plus aux vues de ses capacités supérieures en ce qui concerne la magie. Elle est probablement la sorcière la plus douée que j'ai connu dans ma carrière. Maintenant asseyez-vous, la glace ne va pas se manger toute seule !
Le professeur tenta d'aborder un sourire rassurant alors qu'il s'épongeait le visage avec un mouchoir qu'il sortit de sa veste en velours côtelé. Lily baissa sa baguette, sans lâcher Malefoy des yeux. Puis elle prit une grande respiration et se rassit, bien déterminée à finir cette soirée aussi vite que possible.
La fin du repas se passa dans un silence morbide, que Slughorn tentait de briser à plusieurs reprises par quelques blagues. Lily finit sa glace en quatrième vitesse, puis, lorsqu'elle jugea que les conversations avaient assez repris pour qu'elle puisse s'éclipser sans trop se faire remarquer, elle remercia son professeur et sortit du bureau, la tête haute. Une fois dehors, elle courut jusqu'à la salle commune de Gryffondor, de grosses larmes lui coulant le long des joues.