Le vent était glacial et violent dans le grand parc de la propriété des Malefoy. Il s'engouffrait entre les grands arbres grisâtres qui lançaient leurs branches vers le ciel. Comme mu par une naïveté enfantine qui les laissait croire que les nuages étaient une cible à la portée de leurs branches affaiblies par l’hiver. Les feuilles mortes tourbillonnaient dans tous les sens en formant une danse désarticulée qui ne manquait pas de fasciner Harry. Cette bourrasque incessante bousculait même les pensées confuses du jeune homme.
La guerre était passée depuis plusieurs années et des mémoires plus louables s'attachaient à présent à ce lieu si austère. A force de parole douce et élégante, Narcissa avait réussi à convaincre le coeur endoloris du jeune sorcier. Elle lui avait conté les souvenirs d'enfance de son parrain et avait su dompter les vieilles rancunes. De sa voix à la fois autoritaire et bienveillante, elle lui avait fait part des regrets qui rongeaient son coeur et les incertitudes qui habitaient ses pensées. Elle avait redéfini les contours de la réalité et réduit la portée de leur différence.
Lorsqu'il avait reçu la première lettre d'invitation quelques semaines plus tôt, Harry avait été ébahi par tant d'audace. Cette femme dont la famille avait été jugée et condamnée sur la place publique, qui avait abrité le mal au sein même de sa demeure, lui proposait de partager un simple thé. Contre toute attente, il avait accepté de tenir compagnie à cette femme qui avait sans cesse subi les choix de ses proches. Ginny n'avait pas compris le lien invisible qui le reliait à elle. Elle ne comprendrait sans doute jamais les conséquences d’un simple silence. Ce geste pure, Harry l’avait compris et c’est avec un respect mêlé d’appréhension qu’il avait transplané devant le grillage du manoir qui avait pourtant laissé de profonde cicatrice sur coeur meurtris.
Les entretiens s’étaient succédé au rythme d’une rencontre hebdomadaire. Les semaines passaient et l’incompréhension de ses proches s’était accrue jusqu’à compromettre ses fiançailles. Ginny avait évoqué une pause et Harry avait compris entre les lignes que son désir d’avancer avait été plus fort que son envie de l’accompagner dans son errance en compagnie des fantômes du passé. Tellement de remord pesaient sur sa personne déjà bien accablée, qu’il se sentait presque soulagé qu’elle ait relâché son emprise sur l’ancre qu’il représentait. Un poids qui l’entrainait toujours plus profondément dans les ténèbres.
Une nouvelle rafale ramena le jeune héros dans le domaine des Malefoy. Le froid paralysant de ce mois de Novembre n'avait pas suffit à le dissuader de se rendre à son rendez-vous devenu si précieux à son équilibre. Il se réjouissait d’avance du ton patient de Narcissa Malefoy. Il avait presque hâte de redécouvrir son vieil ennemi Drago Malefoy sous les traits d’un bambin doux et innocent. Les dettes s’effaçaient à chaque nouvelle histoire qu’il écoutait. Peu à peu, il découvrait une partie de l’histoire qu’il avait omis tout ce temps. Narcissa lui avait dit lors de l’une de leur longue discussion qu’en temps de guerre, il n’y avait ni coupable, ni innocent. Sa philosophie se résumait à cette assertion qu’il avait du mal à contredire. Les meurtriers d’hier étaient devenus des victimes du présent. Le sang avait coulé dans les deux camps et la souffrance induite par la perte et le massacre avait laissé son empreinte sur chaque participant. Passif ou actif. Il fallait apprendre à apprécier ce qui n’avait été que laideur et dégoût. Se débarrasser du jugement qui brouillait les consciences et ouvrir son esprit à l’innocence qui se cachait parfois dans l’ombre d’un crime.
Voilà l’état d’esprit grandi qui se présentait à la porte du manoir imposant. Alors que Harry s'apprêtait à annoncer sa présence, la porte s’ouvrit et le teint pâle sur lequel se détachait des prunelles cendrée inexpressives accueillit le jeune Auror.
-Ma mère ne t'a pas prévenu ? demanda Drago pour toute salutation. Elle est partie rendre visite à mon père au baraquement.
- Non, elle ne m’a pas prévenue, répondit Harry sur un ton mal assuré.
Il était surpris de croiser cet ennemi d’hier à qui il avait sauvé la vie quelques années auparavant. Il ne l'avait pas revue depuis la fin des procès. Drago Malefoy lui apparaissait avec la même prestance que dans le passé. L’assurance aristocratique était intacte. Cependant il décela au creux de quelques rides précoces les traces que la guerre avait laissées sur son visage d’ange.
- Tu ne l’as pas accompagné ? demanda le brun par réflexe.
- C’est un trou à rat. Ma seule et unique visite m’a laissé une mauvaise impression. Et ses murs blancs ridiculement hauts ne me procurent aucun désir d’y remettre les pieds.
- C'est pour les protéger...
- Appelons un Niffleurs, un Niffleurs. C'est une prison.
Le ton de Drago était dénué d’agressivité et seul persistait de la lassitude dans sa voix grave. Ses syllabes traînaient comme dans son souvenir, mais avec une pointe de fatalité en plus.
- C’est toi qui ouvre les portes maintenant ? s’amusa Harry.
- Nous avons dû nous séparer de notre dernier elfe, pesta le blond. Il avait trop de… revendications.
Harry ne put retenir un sourire triste à l’évocation de l’émancipation toujours grandissante des elfes de maisons. Et même dans les murs qui avaient participé à la mort de Dobby, son aura rebelle avait laissé des traces indélébiles. Harry ne doutait pas que cet état de fait aurait rendu fier cet être si singulier.
- Je suis soulagé qu’il n’ait pas fini empaillé, murmura Harry pour lui-même.
Toujours sur le palier, frissonnant sous l’assaut de l’hiver malgré sa robe épaisse, il continuait de penser à ce passé à la fois douloureux et apaisant. Tout en fixant ses yeux sur les doigts fins de Drago qui restaient accrochés à la grande porte. Les veines qu’il apercevait en filigrane sous la peau diaphane, il crut un instant les voir palpiter. Il y avait des traces de brûlures sur la peau délicate qui continuaient leur chemin sous l’étoffe précieuse du costume noir. Drago sentant le regard appuyé de Harry sur sa main la détacha du bois vernie et la cacha dans l’ombre de l’entrée.
- Il est temps que tu partes. Il fait froid et je voudrais retrouver la chaleur du feu de ma cheminée.
- Oui, bien sûr, bafouilla Harry qui sortit avec peine de sa rêverie.
Il marqua une pause, ses yeux myopes se concentrant sur l’air impassible de l’ancien Serpentard. Les récits de Narcissa semblaient avoir changé sa perception du jeune homme. Il voyait plus que les erreurs sur ce visage trop parfait. Il y avait une ingéniosité et une candeur nouvelle qui se lisait sur les lèvres tendres. Une souffrance muette qui se cachait dans un froncement de sourcil. Une indécision qui s’insinuait dans le creux de ses cernes. Ses épaules n’étaient pas aussi hautes et droites que dans son souvenir d’enfance. Elles semblaient succomber sous le poids des mauvais choix et des pertes insoupçonnées. Harry avait soudain envie d’en savoir plus sur la nouvelle vie du blond. Il souhaitait connaître les conséquences de toute la folie qui avait remplie sa vie de privilégié. Cet être au parcours doré et qui finissait par être dépouillé de toute dignité. Recroquevillé dans un manoir pas assez grand pour contenir toute sa honte. Harry voulait savoir si pour lui aussi, la solitude œuvrait à noircir le temps qui passait. L’agacement de Drago ne tarda pas à apparaître sur ses traits fins.
- Tu envisages de camper ici Potter ?
- Il fait froid dehors, remarqua simplement l’Auror.
- Je le sens bien, puisque je garde cette porte ouverte depuis cinq bonnes minutes par politesse. Mais toi tu te montres très grossier à rester planté devant chez moi comme un abruti de Troll.
- Laisse-moi me réchauffer un instant auprès du feu. Juste le temps de retrouver l’usage de mes mains gelées avant de transplaner.
Harry ne voulait pas quitter les yeux gris emplis de méfiance de Drago. Il voulait en apprendre plus de la bouche même de son ancien ennemi. Une fascination irrépressible guidait son courage, et c’est avec l’espoir que le blond lui raconte à son tour des histoires qu’il avait osé imposer sa compagnie. Le regard glacial de Drago finit par céder et il lâcha un soupir exaspéré avant de se diriger vers le salon en laissant l’entrée ouverte. Harry profita de ce moment de faiblesse momentanée et pénétra dans le manoir. Dans le hall au haut plafond, ses pas résonnèrent entre les murs plus vides que dans le passé. Les procès avaient coûté cher même aux plus riches fortunes. Le Ministère n’avait pas hésité à se servir là où les richesses se cachaient pour approvisionner une reconstruction pénible.
Harry rejoignit Drago qui s’était installé dans un fauteuil vermeil rehaussé de broderies argent et surmontée d’une chimère inamicale au sommet du dossier. Ses bras reposaient nonchalamment sur les bras du siège, son regard fixé sur les flammes qui dansaient dans l’âtre. Des prunelles qui restaient obstinément insondable. Le brun prit place dans le fauteuil qui lui faisait face et imita son observation silencieuse. Après quelques instants, Drago se pencha pour se saisir d’une tasse de thé encore fumante et la porta à ses lèvres avec élégance. Harry ne put retenir son regard envieux lorsque le liquide ambré et chaud glissa dans la gorge du blond forçant sa pomme d’adam à se mouvoir. Par dessus la tasse, Drago remarqua le regard gourmand de son compagnon non désiré.
- Il y a une seconde tasse. N’hésite pas à te servir. Tu bois ton thé et après tu t’en vas.
Harry ne se fit par prier et tendit ses mains vers le service à thé posé sur la table basse. L’eau bouillante se teinta bientôt d’un marron léger. Et l’odeur si réconfortante des feuilles de thé le réjouit instantanément. Il s’empara de la cuillère et ajouta une quantité non négligeable de sucre. C’est ainsi qu’il préférait le boire ces derniers temps. Trop sucré.
- Tu bois le thé comme un enfant. Tu vas finir par te rendre malade, objecta l’ancien Serpentard.
- Tu t’inquiète pour ma santé Malefoy ?
Le blond renifla avec dédain avant de reprendre une gorgée de son propre thé pour couper court à ces inepties.
- Ce thé a un arôme différent de celui que je bois habituellement avec ta mère.
- Elle a voulu innover, répondit succinctement Drago.
- Vraiment ?
- Le thé est mélangé à de la rose.
Harry huma le délicieux nuage de vapeur qui se mélangeait à l’air chaud de la pièce. Et c’est comme si toute bienséance avait été bannie des murs aux portraits trop rare. Les questions voulaient s’échapper de ses lèvres avec une force qu’il ne parvenait pas à combattre.
- Alors dis-moi, comment vas-tu ?
Drago avala de travers et laissa échapper de sa bouche un peu du liquide ambrée. Il s’essuya du revers de la main en posant un regard incrédule sur Harry. Tentait-il vraiment de faire la conversation ?
- J’ai lu dans la Gazette que tu t’étais fiancée ? Avec une certaine Astoria Greengrass?
- En effet…
- Elle a l’air gentil. Il paraît que son père à pu conserver une fortune assez conséquente.
- C’est exact, mais en quoi cela peut-il bien…
- Je ne suis pas là pour enquêter ne fait pas cette tête de coupable, plaisanta Harry.
- Alors arrête de jouer au Auror en mission. Toujours à courir après les méchants ... tu ne te lasseras donc jamais…
- Il n’y a ni méchant, ni gentil Malefoy.
- Ma mère a fini par te bourrer le crâne de ses convictions pacifistes, ricana le blond avec dédain.
- Elle n’a pas tort.
- Bien sûr qu’elle a tort. Tu as oublié avec quelle sévérité on a enfermé tous mes amis dans ces villages blancs. Gardé sous la pseudo protection de sorciers bien intentionnés. Une hypocrisie de plus du Ministère. J’ai payé ma dette à cette société mais elle continu de me faire comprendre que je suis un indésirable.
- Tes affaires d’import export fonctionnent bien pourtant. Tu n’as pas à te plaindre plus qu’un autre, répliqua Harry irrité par tant de mépris.
- Ah tu trouves. Je suis obligé de consentir à un mariage arrangé pour assurer des fonds viables à mon entreprise. Nous ne jouissons pas tous d’un statut aussi prestigieux que toi Potter.
- Je n’ai jamais cherché à être un héros.
- Mais tu l’es. Et le reste du monde n’a qu’à s’incliner.
- Arrête de dire des bêtises. Si J’avais pu choisir, je ne serais pas à cette place. Mon destin n’a toujours été qu’un fardeau. J’ai semé la mort autour de moi. J’ai perdu ce que j’avais de plus cher et rien ne pourra effacer toute cette douleur. Cela on le partage tous Malefoy, quelque soit le camp que nous avons choisi pendant la guerre.
Drago ravala la réflexion hautaine qu’il aurait voulu cracher à la figure du brun à la cicatrice si célèbre. Il devait admettre qu’il n’avait pas tort. Toutes ces morts et ces souffrances inutiles. Lui avait agi sous la menace. Dans un instinct de survie, et aussi par jalousie il devait bien l’avouer aujourd’hui.
- J’étais jaloux de toi, avoue-t-il aux flammes dans la cheminée.
- Jaloux ? De moi ? demanda Harry. Mais pourquoi ?
- Tu avais tout sans effort. Le respect et l’admiration de tous, des amis fidèles. Quand moi je devais faire jouer les relations, faire peser la menace, suivre les traces de mon père.
Les langues semblaient se délier dans la lumière grise qui perçait par la fenêtre. La sincérité des paroles de Drago avait ému Harry. Comment rester insensible face à cette fatalité dont l’acceptation semblait si douloureuse.
- Aujourd’hui, poursuivit Drago, j’ai perdu le peu d’amis qu’il me restait. Je n’ai plus de père et ma mère sombre peu à peu dans une douce folie. Mon travail c’est tout ce qu’il me reste.
- Ça n’a pas été plus facile pour moi. Si on m’avait donné le choix j’aurais échangé avec n’importe qui. J’aurais grandi avec mes parents. J’aurais troqué cette vie misérable pour une seule étreinte de ma mère.
Drago releva son regard gris sur ce héros qu’il avait si longtemps détesté. Il se rendait soudain compte que leur solitude était commune. Qu’ils partageaient les mêmes angoisses, les mêmes regrets. Ils s’étaient retrouvaient pris en otage dans leurs existences respectives. Incapable de s’échapper de cette cage que les convictions avaient forgée. La fatigue dans le regard sombre de Harry faisait écho à la sienne. Sur les traits tirés du sorcier brun, il découvrit la bonté dans un sourire timide, l’absence de jugement dans un regard pétillant. Les préjugés avaient trop longtemps guidé ses actions. Comme des fils invisibles qui l’avaient forcé à agir sans réfléchir. Et la beauté d’une parole avait eu raison de ses dernières réticences. Il était redevenu cette enfant innocent de onze ans qui voulait se faire des amis à tout prix afin de ne plus se sentir seul dans ce grand manoir.
- Je ne t’ai jamais remercié de m’avoir sauvé la vie dans cette Salle sur Demande. Alors merci, souffla-t-il en plongeant ses prunelles dans le regard sombre de l'élu.
Drago tendit une main entre les deux fauteuils. La main de l’Auror se glissa dans la sienne presque instantanément. En un geste anodin la rancune s’était brisée. Le contact de leur peau provoquant un frisson étrange.
- Tu n’as pas à me remercier.
- Si, même si ça ne m’enchante pas, j’ai une dette envers toi.
- Ta mère aussi m’a sauvé. Je dirais que nous sommes quittes. - Elle ne cessera jamais de payer mes dettes, sourit tristement le jeune homme.
- Elle t’aime beaucoup, reconnut Harry. C’est une femme admirable. Et je ne dis pas ça juste parce qu’elle m’a sauvé la vie.
- C’est vrai, elle l’est. Et je suis soulagé de savoir qu’elle a enfin retrouvé sa liberté. Sans une ombre pour la cacher.
Drago savait que Narcissa avait toujours vécu pour les autres. En tant que fille,soeur, épouse et mère. Mais aujourd’hui il était temps qu’elle se libère de ses obligations, des ombres qui l’emprisonnaient depuis si longtemps.
- Et puis si je n’ai pas toujours été tendre avec toi, ajouta Harry en repensant à l’épisode du Sectum Sempra lancé dans les toilettes de Mimi Geignarde.
Il remarqua le rictus furtif qui déforma les traits de Drago et sa main délicate se porta inconsciemment à son torse. Sous la couche de tissus précieux se cachaient surement encore les cicatrices du sort vicieux. Peut-être même qu’elles continuaient de le faire souffrir. Assailis par la culpabilité qui n’était jamais très loin de ses pensées, comme des spectres gémissants qui le suivaient à la file indienne et se relayaient pour l’assommer de reproche. Harry décida qu’il était temps d’écourter sa visite.
- Je vais partir maintenant, intervint Harry avec une pointe de regret.
Il se leva et dans un même mouvement Drago le suivit vers la sortie. Chacun traînait des pieds comme si cette entrevue irréaliste leur était devenue presque agréable. La disgrâce de l’un et le couronnement du second. Ces détails avaient perdu de leur importance à l’abri des murs du Manoir. Et le réconfort qu’ils avaient ressentis pendant ces quelques instants de pure sincérité, opérait des changements radicaux sur leur perception du monde et de leur relation. La haine avait laissé place à du respect. Peut-être plus, sûrement beaucoup plus.
Arrivés à la porte d’entrée, les deux hommes échangèrent un long regard. Les mots étaient superflus dans la demi-pénombre du hall. Le vent continuait de siffler au dehors, annonciateur d’un acte irréfléchi, d’une décision qui changerait radicalement les choses. Harry laissa glisser ses yeux sur les ombres qui habillaient le visage de Drago. Ses yeux dévalèrent son long nez droit. Il détailla les lèvres pleines qui semblaient lui murmurer des idées insensées, des envies indécentes. Comment une simple tasse de thé partagée et une poignée de main avait pu l’emmener si loin de la frontière de la haine pour explorer un terrain d’admiration et de désir ? Il voulait découvrir si cette folie n’était qu’une chimère. S’il tentait l’impensable peut-être que le bien être expérimenté en compagnie de Drago s’évanouirait en même temps qu’il succomberait à la tentation. L’étrange tension qui les unissait se briserait sûrement.
Guidait par l’impulsivité du moment, sa main s’empara de la mâchoire de l’ancien Serpentard et dans un même mouvement leurs lèvres se frôlèrent. Dans une sensation de délice interdit, il sentit la surprise de son hôte. Pourtant, Drago ne recula pas. Il accueillit le baiser de son ancien ennemi, se laissant happer par la passion qui le dévorait depuis qu’il avait serré la main de Harry. Une langue entreprenante caressa les lèvres pincées de Drago qui finit par les entrouvrir, laissant le champ libre aux idées langoureuses de l’Auror. Leurs langues s’entremêlèrent au rythme des flammes dansant dans la cheminée, animées par la même folie que les feuilles qui se laissaient manipuler par le vent brutal dans la cours. Un soupir en appelant un second, le baiser semblait sans fin. Finalement, à bout de souffle Harry détacha ses lèvres à contrecoeur.
Pourtant ses mains restaient agrippées au col de Drago. Gardant dans la manoeuvre leurs fronts collés, leur souffle continuant de se mélanger dans l’air saturé d’interdiction. Qu’est-ce qui lui était passé par la tête ? Pourquoi avait-il eu besoin de laisser libre cours à cette étrange attraction ?
- Je vais m’en aller maintenant, annonça Harry à bout de souffle.
- Tu reviendras prendre le thé ? demanda Drago d’une voix neutre.
Harry fit un pas en arrière, et observa le regard fermé du sorcier blond. Rien dans ses prunelles anthracites ne trahissaient la moindre gêne malgré ce qui venait de se passer. Il espérait donc une suite à cet écart de conduite ? Il ne ressentait pas de dégoût ? La haine avait-elle pu disparaitre aussi facilement ? Et lui ne se connaissait pas un penchant pour les hommes ? Néanmoins le souvenir de Ginny s’avérait plus trouble, moins précis. Seul des mèches blondes et des yeux gris remplissaient ses pensées.
De ses doigts pâles, Drago repoussa les mains crispées de Harry, et redressa son costume noir. Puis sans ajouter un mot, il ouvrit la porte pour inviter son compagnon à quitter le manoir. Harry fut troublé par tant de distance, après le contact si intime qu’il venait de partager, mais quelques mots suffirent à le rassurer. Quelques mots prononcés avec une voix qu’il ne reconnut pas :
- A la semaine prochaine Harry, le salua-t-il avec douceur.
- A bientôt Drago.
Harry eut du mal à se détacher de ce regard énigmatique, qui ne s’accordait pas avec l’invitation que sa voix avait lancé. Assurément, ces entrevues hebdomadaires promettaient de nouvelles perspectives, que Harry n’aurait jamais envisagées…