Before it rains
Avant qu’il ne pleuve, j’aurais voulu effacer toutes mes erreurs. Que ton sourire reparaisse de derrière les nuages et que ton rire puissant chasse définitivement le mauvais temps comme il chassait, autrefois, notre mauvaise humeur.
Avant qu’il ne pleuve, j’aurais voulu me serrer à nouveau dans tes bras, pour ta présence réconfortante, pour ta force. J’aurais voulu effacer d’un trait toutes ces horribles années, ma lâcheté, ma stupidité, mon aveuglement. J’aurais voulu refaire le monde et partir avec toi ce jour où tu as quitté la maison.
Il pleuvait aussi ce jour là. Le vent était épouvantable et j’ignorais si tu avais un endroit, une maison dans laquelle aller. J’espérais au fond de moi que tu trouverais un foyer, mais j’espérais surtout avoir le courage de partir avec toi. Mais c’est toi qui étais à Gryffondor, pas moi. Moi je n’étais que le serpent et je vivais dans un trou de vipère. Je me croyais à ma place. Je me croyais chez moi. Je croyais que tu reviendrais penaud. Je croyais que Mère te pardonnerais. Je croyais que tu serais à nouveau mon frère. Je croyais avoir raison et toi tord.
Bizarrement, le Serdaigle raté que je suis – tu ne le savais pas n’est-ce pas ? Personne ne savait que le Choixpeau avait hésité et j’étais si fier d’être à Serpentard, qui aurait pu s’en douter ? – bizarrement, je me suis trompé.
Je me suis trompé ce jour où j’aurais du fuir avec toi, je me suis trompé toutes les fois où j’aurais du prendre ta défense, me rebeller – et ce mot qui me parait tellement ironique – et te montrer que j’étais bel et bien ton frère. Ton sang – ça aussi c’est ironique, tu détestes tellement le Sang. Ton plus grand admirateur sur Terre.
Avant qu’il ne pleuve, j’aurais voulu te dire que je t’aime. Que je t’aimais et que je t’ai toujours aimé. Que je t’aimerais le peu de temps qu’il me reste encore à vivre.
Je dis avant qu’il ne pleuve, mais il pleut déjà. Une pluie identique à celle qui lessivait l’Angleterre le jour où j’ai cessé d’être ton frère à tes yeux. Ce jour où ma stupidité n’a eu d’égal que ton courage et ma lâcheté. Ce jour où j’ai égalé Père en termes d’aveuglement et Mère en termes d’amertume. Ce jour que j’ai tant et tant maudis et auquel je repense tous les jours, surtout quand il pleut.
Quand il tombe une pluie froide, collante, battue par le vent et qui permet aux larmes de passer inaperçues. Ces larmes qui ont franchi, à ton insu, la barrière de tes paupières quand je ne t’ai pas suivi. Des larmes de déception, de tristesse. Des larmes de frustration. Des larmes en prévision du jour où, moi Mangemort et toi membre de l’Ordre, nous nous serions retrouvés sur le champ de bataille, entre deux cadavres de moldu. Toi te battant pour des idéaux te faisant vibrer au plus profond de toi, moi pour des idéaux qui étaient plus des habitudes que des convictions. Toi espérant un monde meilleur, moi désabusé du mauvais pour lequel je me battais. Si on s’était retrouvés sur le champ de bataille, nul doute que ça aurait été un jour de pluie. Je vois bien une pluie battante, dévorant sans vergogne notre visibilité. Nous aurions été éclairés par des sorts verts, sans doute lancés par Bellatrix. Et des sorts rouges aussi, sans doute lancés par Potter.
Et je t’aurais dit « Avant qu’il ne pleuve, j’aimerais que tu regrettes et que tu t’excuses. » Et tu aurais souris de l’ironie. Tu m’aurais tendu la main, peut-être, si j’étais tombé à terre. Mais je crois que j’idéalise. Tu ne m’aurais pas laissé le temps de parler ni même de me battre, tu m’aurais assommé sans scrupules et éloigné du combat. Pour me protéger je crois.
Ça aurait été avant qu’il ne pleuve. Mais il pleut.
Il pleut, alors je dois partir. Ça y est, Grand Frère, mon heure de gloire est arrivée. Personne ne le sauras jamais, qu’au moins une fois dans ma vie, j’aurais agi selon ce que me disait mon intelligence, qu’au moins une fois, tu aurais pu être fier de moi. Peu m’importe tout cela. Ce qui compte, c’est que je le fasse.
Je vais Le détruire. Enfin, détruire une partie de Son âme. Grâce à ça, vous serez un peu plus proche de la victoire. Il sera affaibli. Il sera furieux. Il sera moins puissant.
Tu te demandes probablement de quoi je parle. Tu te demandes probablement pourquoi vais-je mourir. Tu penseras que je suis tombé pour mon Maître là où je serais tombé mon la liberté. Si un jour tu l’apprends, j’espère que tu me pardonneras. J’espère que tu seras fier de moi. J’espère que tu penseras à moi, surtout les jours de pluie.
Je vais mourir Sirius. Je le sais, je le sens. Et je suis terrifié.
Avant qu’il ne pleuve, j’aurais aimé vivre encore un peu. Mais il pleut, et je dois aller mourir.