-
Et vous croyez qu'il est... sage de confier une tache aussi importante à Hagrid ?
-
Je confierais ma propre vie à Hagrid
C'était fait. Albus avait déposé la lettre sur le berceau dans lequel le petit garçon dormait profondément. Il s'était aussitôt détourné pour quitter le jardin et se tenait déjà sur le trottoir d'en face quand Hagrid et Minerva, eux, n'avaient pas esquissé le moindre geste. Ils l'observèrent tandis qu'il déclenchait le déluminateur pour rendre à la rue son éclairage avant de transplaner. Sa disparition fit retomber le silence dans cette rue de banlieue. Minerva se força à le briser pour ne pas se laisser submerger par l'émotion.
-
Il est temps de partir pour nous aussi.
Elle obtint pour seule réponse un bruit pétaradant de mouchage. Sans le regarder, elle lui tapota gentiment le bras en signe de réconfort.
-
Ne vous inquiétez pas, tout ira bien pour lui.
-
Le laisser comme ça, après tout ce qui est arrivé... C'est...
-
Je sais...
Comment aurait-elle pu trouver les mots pour le rassurer ? Elle avait observé ces gens toute une journée, dans l'espoir d'y trouver de bons parents d'adoption, mais la déception avait été très rapide. Elle se demandait encore comment une jeune femme comme Lily Evans pouvait avoir un lien de parenté avec cette Petunia. La peine de la perte du jeune couple s'amplifiait avec la certitude que leur fils ne grandirait pas dans le bonheur.
Non, il ne fallait pas regarder en arrière, pas regarder ce petit garçon qui venait de tout perdre. Et se raccrocher à ce que disait Albus. Il n'avait jamais eu tort, jamais.
-
Faisons confiance à Albus.
-
Oui. Toujours.
Elle risqua un regard vers la silhouette imposante du demi-géant. Il lui semblait le voir pour la première fois, et elle regretta subitement la question qu'elle avait posé à Albus quelques minutes plus tôt. Hagrid accordait une foi inébranlable envers le même homme qu'elle et elle comprenait à présent qu'il n'y faillirait jamais. Tout maladroit qu'il était, son affection et sa confiance sincères étaient touchants.
-
Je vous dit à très bientôt, professeur, dit il en s'inclinant, avant d'enfourcher la moto avec laquelle il était arrivé, maîtrisant difficilement les soubresauts de sanglots qui continuaient de l'assaillir.
-
Hagrid !
Il n'avait pas encore allumé le moteur mais Minerva s'était sentie soudain assaillie de terreur à l'idée de se retrouver seule. Quand bien même elle pouvait rejoindre l'école en un instant, elle savait qu'elle ne parviendrait pas à trouver le sommeil cette nuit.
-
Vous voulez... Boire un verre ? Proposa-t-elle sans vraiment réfléchir.
Malgré la nuit déjà bien tombée, elle devina les sourcils du géant se redresser de stupéfaction.
-
Aux Trois Balais. Continua-t-elle, étonnée elle même de ses propos.
Hagrid finit par se ressaisir.
-
Le... Le temps pour moi d'y aller... Puisque...
Oui, bien sûr, il ne pouvait pas transplaner.
-
Et je dois rendre sa moto à Sirius...
-
Oui, oui bien sur. Dans ce cas, ce sera pour demain.
-
Demain, c'est tres bien.
Le silence était retombé, plus gênant.
-
Eh bien... Bonne soirée Hagrid.
-
Bonne soirée professeur.
Comme elle l'avait pressenti, le sommeil ne vint pas cette nuit-là. Le lendemain, le pays apprit que Sirius Black avait été arrêté, après le meurtre de douze moldus et de Peter Pettigrow, qui avait révélé sa trahison du secret envers les Potter. Hagrid et Minerva n'avaient jamais reparlé de ce verre ensemble. Les nuits qui suivirent furent tout aussi pénibles.
Douze ans étaient passé. Le temps s'était écoulé rapidement. La paix était déjà devenue une habitude aux yeux de tous. Douze ans de fastes, où le seul souci était de corriger les élèves, de se montrer juste, stricte, et, par dessus tout, impartiale. Elle avait côtoyé ses collègues avec la distance respectueuse qui la caractérisait, plaisamment, sans jamais réellement entrer dans les confidences. Elle avait soutenu et admiré Albus, tout en restant indépendante d'esprit, capable de le critiquer et le contredire quand il le fallait. Et elle avait vu grandir et mûrir deux nouvelles générations d'élèves.
Un jour, il y avait deux ans de cela, le garçon qu'elle avait laissé au pas de la porte avec Albus et Hagrid était arrivé au château, en âge de débuter son éducation magique. Le souvenir de cette terrible journée, désormais célébrée dans tout le pays comme le jour de la libération, était revenu. Elle avait observé la joie non contenue du demi géant à accueillir cet élève là, tandis qu'elle même se devait de rester impartiale et neutre. Tout en le voyant s'épanouir, elle n'avait pu que constater à quel point il ressemblait à ses parents, et s'était toujours gardé d'en partager la réflexion.
Et puis cet été, une nouvelle odieuse lui était parvenue : L'évasion de Sirius Black.
Les vacances de Noël étaient arrivées, ramenant la plupart des élèves chez leurs parents. Ce jour-là, Minerva avait fini de corriger ses copies et regardait pensivement le cheminement des flocons de neige à travers la vitre de son bureau. Un peu plus loin, le soleil profitait d'une trouée dans les nuages pour baigner la forêt de ses rayons. Elle laissa errer son regard jusque vers la cabane du garde-chasse en lisière de la forêt interdite, et remarqua que celui-ci enfilait son lourd manteau et ses bottes avant de se diriger vers le stade de quidditch. Quelqu'un frappa à la porte, la réveillant de sa torpeur.
-
Entrez
C'était le professeur Flitwick.
-
Minerva, que diriez-vous d'une petite tasse aux Trois Balais, pour fêter la fin des cours ?
Elle l'étudia quelques secondes avant de hocher la tête.
Alors qu'ils sortaient dans le parc, elle fut prise d'une inspiration en croisant à nouveau l'épaisse silhouette de Hagrid qui les saluait en toute humilité.
-
Nous allons aux Trois Balais. Vous nous accompagnez ?
Il eut un instant d'hésitation, surpris de cette nouvelle invitation, puis esquissa un large sourire qui fit tressaillir sa barbe broussailleuse.
-
Après vous, professeur.
Sur le chemin, ils avaient croisé Cornelius Fudge, le ministre de la magie, qui de toute évidence cherchait Dumbledore pour quelque conseil. Constatant qu'il l'avait raté de peu, il se laissa cependant tenter par un remontant. Cela les mena à l'auberge que tenait Mme Rosmerta. Ce dont ils ne se doutaient pas, c'était la tournure que prit la conversation ce jour-là. Sirius Black était dans la tête de grand nombre de personne ces derniers mois, suscitant la crainte et l’incompréhension, mais Minerva comprit ce soir là à quel point il avait ébranlé Hagrid, et probablement elle-même. Tout en tendant un mouchoir à ce géant, elle se fit à nouveau la réflexion qu'ils n'étaient pas si différents que cela. Hagrid exprimait son émotion de manière visible et parfois exubérante, tandis qu'elle était dans la retenue et la pudeur, mais leurs sentiments étaient en tout point comparables. L'affection qu'elle ressentit pour lui ce jour fut grande, mais elle ne parvint pas à le lui communiquer. Elle le quitta sans rien lui dire de plus.
Et puis un jour, ce qui devait arriver arriva. Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom revint d'entre les morts, comme l'avait prédit Albus. Le monde bascula à nouveau dans le chaos et l'incertitude. Le doute et la suspicion s'emparèrent de tous, et chacun ne put compter que sur une poignée de proches. Pour Minerva, il s'agissait essentiellement des membres de l'Ordre. Son repère restait envers et contre tout Albus, sa sagesse, sa confiance, son optimisme et son sens du devoir.
Ce fut son monde à elle qui bascula lorsque son mentor mourut des mains de l'un de ses collègues, dont elle avait appris à faire confiance par respect pour Albus.
Elle parvint à se contenir tout le long de la cérémonie, mais son visage ne pouvait camoufler entièrement la détresse qu'elle éprouvait. Une larme vint glisser silencieusement contre sa joue lorsque Hagrid déposa le corps du directeur, suivi des centaures qui apportèrent leur propre hommage à cet homme d'exception qui avait su défendre les droits de tous.
Après un hululement de douleur, Hagrid vint se poser à ses côtés, toujours secoué de sanglots. La cérémonie prit fin. Minerva ne bougea pas. Derrière eux, les élèves reprenaient les conversations et rejoignaient lentement le château, près à rentrer chez eux. Elle glissa un coup d'oeil vers Harry. Hagrid suivit son regard.
-
Vous ne pouvez rien faire pour lui.
-
Il ne m'écoute pas, il ne me fait pas confiance, avoua-t-elle un peu malgré elle.
Hagrid secoua la tête.
-
Il fait ce qu'il pense devoir faire, et il est entêté. Mais Dumbledore croyait en lui et je sais que Harry restera fidèle à ses volontés. Nous devons lui faire confiance et cesser de vouloir le protéger. Ca fait longtemps que nous n'en sommes plus capables de toute façon.
Minerva reporta son regard vers Hagrid, surprise.
-
Vous pensez réellement cela ?
-
Nous n'avons pas le choix, si ?
Malgré ces paroles peu réconfortantes, elle sourit au demi-géant.
-
Je suis contente que vous soyez là Hagrid.
Il hocha la tête.
-
Je ne m'en vais pas.
Elle ne put empêcher une deuxième larme de couler.
-
Pourquoi nous a-t-il quitté ?
Hagrid souleva sa main pour la déposer aussi délicatement que possible sur l'épaule de Minerva. Pour la première fois depuis la mort d'Albus, elle pensa que tout espoir n'était pas perdu.
Clap, clap, clap
-
Qui est-là ? Gronda une voix dont le ton semblait partagé entre la rage et l'inquiétude.
-
Seulement moi, Hagrid.
Minerva put deviner le soupir de soulagement derrière la grande porte en bois. Le grincement du loquet et de la porte qui coulisse se fit entendre peu de temps après.
-
Personne ne vous suit ? Murmura-t-il
-
J'ai pris mes précautions, répondit Minerva d'un ton pincé, quelque peu vexée qu'il la prenne pour une incompétente.
Il la laissa se glisser dans l’entrebâillement de la porte, jeta un coup d’œil au dehors puis referma aussitôt.
Minerva resta debout au milieu de la cabane, observant discrètement ce lieu dans lequel elle n'avait jamais mis les pieds jusque là. Comment se faisait-il qu'elle n'était jamais venue ici en des décennies ?
-
Vous n'enlevez pas votre manteau et votre écharpe ? Demanda Hagrid, qui adoptait à nouveau cet air gêné lorsqu'ils se retrouvaient en tête à tête.
Il lui désigna un canapé aux dimensions impressionnantes.
-
Un peu de thé ?
Elle fit signe que non.
-
Comment ça s'est passé avec la fille Weasley, Londubat et Miss Lovegood ?
-
Ils se sont très bien débrouillés. Je suis encore étonné que Snape leur ait donné cette retenue là, avec moi.
Elle se laissa tomber dans le fauteuil, partiellement soulagée.
-
Plus le temps passe et moins j'ai l'impression d'avoir le contrôle de la situation. C'est un cauchemar et il ne prends pas fin. Que faisons-nous là Hagrid ? Avons nous la moindre portée ? Je pensais pouvoir apporter de l'aide, protéger les élèves. Mais ça ne fait qu'empirer de jour en jour. Les Carrows sont de plus en plus vicieux et autoritaires. Je n'arrive plus à me contenir devant eux. Notre seule chance est leur bêtise. Mais Severus... Je ne sais plus quoi faire...
-
Gardez espoir, professeur. Vous êtes depuis toujours un pilier de stabilité et d'assurance.
-
Sans Albus, je me sens si inutile...
-
Il écoutait et avait besoin de vos conseils.
Elle le regarda dans les yeux.
-
Vous aussi Hagrid. Il avait besoin de vous auprès de lui, ici, à Poudlard. Je crois que je ne m'en suis rendue compte que très récemment. Quelle idiote j'ai pu être...
Hagrid ne savait pas quoi répondre à cela. Il se contenta d'avaler une gorgée de thé. Minerva prit son courage à deux mains pour poser la question dont elle redoutait la réponse.
-
Des nouvelles de l'extérieur ? De l'ordre ?
-
Aucune... Mais nous le saurions si...
Minerva acquiesça, elle savait pertinemment que l'apaisement de ses craintes ne serait que de courte durée. Elle avait perdu le sommeil depuis si longtemps déjà.
-
Hagrid, si je suis venue ce soir, c'était aussi pour vous demander quelque chose.
Il reposa sa tasse sur la table, les sourcils froncés dans une attitude concentrée.
-
Les Carrows se montrent de plus en plus violents avec les élèves. Ils ne les lâcheront pas. Et ceux qui résistent ne font pas dans la subtilité, les événements d'hier soir l'ont bien montré. Hagrid, j'ai de plus en plus peur que les Carrows ne se déchaînent totalement envers les réfractaires. Ils pourraient les blesser et même les tuer. Pensez-vous que, si cela en arrivait à ce point, il y aurait un moyen de les mettre à l'abri sans déclencher les détecteurs ? Par la forêt ?
-
Les cacher dans la forêt ??
-
Pour un temps oui. Avant de trouver une meilleure solution, peut-être avec les membres de l'ordre.
-
Je... C'est dangereux la foret...
-
Je le sais bien... Mais je me disais que peut-être, vous qui connaissez si bien. Ou bien les centaures ?
-
Il ne faut plus compter sur eux. Quant aux araignées... Je ne les reconnais plus depuis la mort d'Aragog. Non, personne ne pourrait vivre plusieurs jours dans cette maudite forêt. Ce serait plus simple de tuer les Carrows et Snape.
-
Si seulement...
-
Si je puis me permettre, professeur, j'ai eu une discussion intéressante avec Neville lors de notre retenue. Il a laissé entendre qu'il connaissait un endroit plus adapté pour se cacher. Il faudrait que vous lui parliez.
-
Je vous remercie, Hagrid.
Elle se releva et jeta un dernier regard à la pièce.
-
J'aime bien chez vous, c'est... convivial.
Sa barbe hirsute tressauta.
-
Merci, professeur.
-
Je vous l'ai dit, appelez moi Minerva.
-
Michael vous ne pouvez pas dire cela, pas dans cette classe.
-
Pourquoi ?
-
C'est dangereux. Vous allez être torturé.
-
Pourquoi je ne dirais pas ce que je pense ? Pourquoi personne n'agit ici ? On ne va pas laisser faire ça.
Elle le regarda, tout fougueux du haut de ses douze ans. Il n'était pas le premier ni le dernier à se rebeller ouvertement. Ni le dernier à remettre en doute son inaction ou l'accuser de collaborer avec l'ennemi.
-
En protestant comme cela vous ne faites que vous mettre en danger, vous et vos camarades. Et au final, qui cela aura-t-il aidé ? Tenta-t-elle d'expliquer.
-
Alors on ne fait rien ?
-
On attend notre heure. On protège quant il n'y a plus aucun choix. Mais on garde profil bas. Surtout quand on a douze ans et qu'on ne maîtrise aucun sort.
L'humilier n'était peut-être pas la meilleure solution mais elle n'avait plus de patience pour autre chose.
-
Vous allez faire votre retenue dans le calme, et rentrer dans votre dortoir, sans plus rien dire. Cela vous évitera bien d'autres ennuis.
-
Vous dites que nous devons attendre, mais attendre quoi ? Quel miracle ?
-
Croyez bien que je ne vous mettrais pas dans des confidences aussi importantes. Allez, filez maintenant !
Quel mensonge éhonté. Après tout, il avait raison, qu'attendaient-ils au juste ? Pourtant, Minerva n'avait cessé d'espérer.
Elle fut tirée de ses pensées par des bruits d'un pas bien familier. C'était Hagrid. Elle mit du temps avant de saisir que l'expression de son visage reflétait de la réjouissance. C'était si rare depuis quelques temps.
-
Il faut que vous entendiez ça, dit-il d'un ton de conspirateur en refermant la porte du bureau.
Elle garda le silence, tandis qu'il sortait de son grand manteau un appareil radio grisatre et probablement ancien. Il mit du temps à trafiquer les boutons, faisant retentir divers sons plus ou moins cacophoniques, et poussa une exclamation de joie lorsque enfin il obtint ce qu'il cherchait.
-
Ecoutez ça !
-
Nous connaissons cette voix...
-
Bien sur, il s'agit de Kingsley, Remus et...
-
Lee Jordan !
Pendant un instant, Minerva crut se retrouver dans les gradins du stade de quidditch, à écouter Lee Jordan commenter un match de manière tout à fait partiale, tandis qu'elle le morigénait tout en se retenant de rire elle même.
C'est ainsi qu'elle découvrit avec Hagrid l'émission potterveille, et que son sourire revint tout aussi brusquement qu'il avait disparu. Elle s'installa dans le fauteuil, les yeux rivés sur la radio. Puis l'émission prit fin, laissant pour seul son le grésillement de la radio. Ils restèrent figés quelques instants, comme dans l'attente que le programme reprenne, d'entendre à nouveau la voix rassurante de leurs amis leur dire qu'ils n'étaient pas seuls, et que tout espoir n'était pas mort. Très lentement, Minerva se redressa enfin et tourna le regard vers le demi-géant qui séchait de grosses larmes sous un mouchoir hors proportions.
-
Merci de m'avoir fait partager ça, Hagrid. Cela représente énormément pour moi.
-
Je voulais vous montrer. Nous ne sommes pas seuls.
A partir de ce jour, ils se réunirent pour chaque émission, tantôt chez elle, tantôt chez Hagrid, veillant à passer inaperçu. Ils prenaient plaisir à partager ce moment ensemble, le plus souvent en silence. Ils en étaient venu à l'attendre avec impatience, ne songeant qu'à cela lorsque les choses tournaient mal au château.
Et puis un jour, ce qui devait fatalement se produire arriva sans crier gare. Evidemment, ils auraient pu être plus prudents, ne pas se rencontrer comme ils le faisaient. Mais ils ne pouvaient s'en empêcher. Trouver un peu de chaleur l'un près de l'autre était devenu aussi vital que respirer.
Ils étaient chez Hagrid, blottis dans le fauteuil à écouter la radio. L'aboiement de Crockdur leur donna quelques minutes. Il avait entendu se rapprocher les Carrows qui descendaient le sentier menant à la cabane. Se levant d'un bond, ils se regardèrent, terrifiés. Minerva sortit sa baguette, prête à s'en servir sans vergogne.
-
J'attends cela depuis si longtemps. C'est fini, Hagrid, nous ne pouvons plus nous cacher.
Lui-même avait sorti son parapluie et regardait férocement la porte par laquelle l'ennemi passerait inévitablement. Mais, soudainement, il se ravisa.
-
Non, professeur. Ils ne savent pas que vous êtes ici. Je vais les divertir et vous sortirez par cette trappe.
-
Je ne vous laisserai pas seul !
-
Si ! Pour les élèves. Vous devez rester à Poudlard, c'est votre place.
-
Mais vous ?
-
Ne vous inquiétez pas pour moi, je n'ai pas encore raccroché mon balai !
Elle le fixa, presque implorante. Mais l'heure n'était plus à l'incertitude.
-
Bonne chance, Hagrid
Il s'inclina vers elle.
-
A très bientôt, pr... Minerva.
Elle n'eut pas le temps de lui sourire, déjà engouffrée à travers la trappe. Hagrid déclencha immédiatement les hostilités pour ne pas laisser le temps aux assaillants de remarquer quoi que ce soit.
-
Vive Harry Potter ! Cria-t-il
Puis le monde explosa tout autour d'eux.
Le lendemain, lorsqu'elle s'installa seule dans sa chambre pour écouter la radio, elle entendit le récit bref de l'évasion de Hagrid après avoir « organisé une fête de soutien à Harry Potter ». Elle éteignit la radio, pleine d'amertume. Elle n'avait pas perdu un allié, mais un ami. Un de plus.
Le cœur bouillonnant, elle se promit alors de déchaîner sa rage sur les responsables de tous ces troubles, lorsque, enfin, l'heure aurait sonné.
Quelques semaines plus tard, son vœu fut exaucé.
Cet été là, l'espoir et la vie reprenaient leurs droits, malgré les pertes et les deuils. C'était un matin frais pour la saison, venteux. Minerva était sorti de bonne heure dans le parc du château et monté sur une colline pour observer ce qui était son foyer depuis de si nombreuses années, ou plutôt ce qu'il en restait. Des ailes entières s'étaient effondrées sous les coups des assaillants, un pont avait tout simplement disparu, et l'enceinte désintégrée. La liesse qui avait suivie la victoire de la guerre était retombée. Chacun s'en était retourné pour panser ses plaies, physiques comme psychiques, retrouver ses proches, et songer à reprendre sa vie là où elle s'était arrêtée. Mais la vie de Minerva était et avait toujours été à Poudlard. Il était temps de penser à reconstruire.
Elle parcourut du regard l'ensemble du domaine, réfléchissant déjà à la manière dont il fallait organiser les reconstructions. Elle était déterminée et certaine que cette tâche lui revenait.
Quand elle se sentit prête, elle redescendit lentement.
Elle trouva Filius, Sybille et Podmora dans la grande salle.
-
Savez-vous où est Horace ?
Ils haussèrent les épaules.
-
Je pense qu'il est temps de penser à la suite pour l'école.
Filius plissa les yeux.
-
Vous songez à rouvrir en septembre ?
Il paraissait dubitatif, observant autour de lui l'ampleur des dégâts subis suite à l'attaque. Minerva prit une grande inspiration.
-
La vie doit reprendre ses droits, et Poudlard renaître de ses cendres. C'est ce pour quoi nous nous sommes battus.
Ils hochèrent la tête gravement.
-
Je veux présenter à notre nouveau ministre de la magie les nouveaux plans du château, et le programme pour la rentrée scolaire. Nos nouvelles générations ne doivent plus être laissées à l'abandon. Une année a été perdue et chacun de nos élèves devrait pouvoir la rattraper.
-
Minerva, pensez vous réellement que cela soit possible d'ici septembre ? Questionna très sérieusement Filius.
Elle le regarda droit dans les yeux pour lui répondre positivement.
-
Dans ce cas, je vous suivrai. Mais je ne peux pas commencer tout de suite...
-
Je le sais, répondit Minerva, la gorge nouée. Rentrez chez vous, tous les trois. Nous avons tous besoin de vacances.
Minerva remonta dans son bureau, bien décidée à écrire immédiatement à Kingsley pour lui présenter son projet. Elle n'avait rien ni personne à retrouver à Londres ou ailleurs. Seul Poudlard avait besoin d'elle.
Elle remarqua le lendemain qu'un autre n'avait pas quitté l'enceinte du château. Argus Rusard arpentait les couloirs avec vivacité, marmonnant des plaintes de manière ininterrompue. Il ne la vit même pas, tout absorbé qu'il était dans ses petits travaux pour ramasser les objets dispersés au sol.
Minerva travailla d'arrache-pied pendant plusieurs jours pour reconstituer les murs, usant de divers sortilèges dont elle ignorait l'existence jusque là. Ce n'est que la deuxième semaine qu'elle se laissa assaillir par le découragement en constatant tout ce qu'il restait à réparer et l'inutilité de la plupart de ses actes jusque là. La solitude, ponctuée des gémissements du concierge, n'arrangeait rien à cela, malgré la joie de ne plus croiser les Carrows et autres nuisibles de cette espèce dans les couloirs de son école.
Un soir, alors qu'elle dînait seule dans la grande salle (les habitudes sont tenaces, pensait-elle), elle entendit le claquement familier de la grande porte. Si celle-ci s'était ouverte ainsi sans protestation, ce ne pouvait être que pour accueillir un ami et familier. Et, en effet, voilà que Hagrid apparaissait dans l’entrebâillement de la porte de la grande salle. Ils échangèrent un regard.
-
Professeur McGonagall...
-
Hagrid.
Elle se leva.
-
Vous voulez quelque chose à manger ?
-
Les elfes ne sont plus là ?
-
Non, je leur ai donné un congès.
Hagrid gloussa.
-
Il y a du changement. C'est Hermione qui a une si grande influence ?
-
Miss Granger ira loin, je le crains. Approchez, voilà ce qu'il reste de mes réserves.
-
Merci.
-
Vous étiez avec la famille Weasley ?
-
Oui. Ils vont bien, malgré... Enfin, vous savez...
-
Et...
-
Harry va bien. Il lui faudra du temps, mais ça ira, il est sauvé maintenant. Et puis il a trouvé une famille.
Minerva acquiesça.
-
Mais Hagrid, pourquoi êtes vous ici ? Finit-elle par demander alors qu'il finissait son plat.
Il reposa son assiette et la regarda.
-
J'ai appris que vous étiez seule ici. Quelle honte j'ai eu !
-
Hagrid, il n'y a pas de raison. C'était un choix personnel.
-
Je veux vous aider. C'est chez moi aussi ici.
-
Mais... Hagrid, vous avez des...
-
S'il vous plaît, professeur, vous savez comme ça compte pour moi, tout ça, dit-il dans un geste qui comprit tout ce qui les entourait.
Elle se racla la gorge.
-
Bien, Hagrid, dans ce cas, je serais ravie de vous avoir à mes côtés.
Il sembla rayonner, tout d'un coup.
-
Par contre, il vous faudra m'appeler Minerva.
-
Très bien, Minerva.
C'était étonnant de constater à quel point cela avançait plus vite et d'une manière bien plus agréable lorsqu'on était deux. Hagrid et Minerva se surprirent à retrouver sourire et bonne humeur malgré l'ingratitude de la tâche.
Début août, une visiteuse bien particulière fit irruption dans le château. Olympe Maxime était venue par surprise leur rendre visite et les soutenir.
-
Je ne vais pas abandonner la plus grande rivale de Beauxbatons !
Pendant le séjour d'Olympe au château, Hagrid se fit plus maladroit encore que d'habitude, et la gêne pouvait le pousser à envoyer des messages tout à fait contradictoires. Minerva fit mine de ne pas y prêter garde, dans un premier temps. Mais, alors qu'ils mangeaint leur petit déjeuner tout deux sans la française, elle se décida soudain à intervenir.
-
Hagrid ressaisissez-vous. Vous n'aviez pas passé plusieurs mois avec elle à chercher les géants ? Pourquoi est-ce qu'elle vous intimide tout à coup ?
Il prit un air piteux
-
Je... Je ne sais pas. Parce que nous avions un but, chercher les géants. C'etait la guerre. Et maintenant...
-
Maintenant tout avenir est envisageable, acheva-t-elle pour lui. Et vous ne savez pas lequel choisir ?
-
Olympe ne renoncerait jamais à son école. Et moi non plus, admit-il.
-
Vous vous posez trop de question, trancha Minerva d'un ton sec. Nous avons cette chance de vivre à nouveau, profitez-en, et vous verrez bien par la suite. Si elle est ici c'est aussi pour vous voir. Passez de bons moments avec elle, enchantez-la, riez. Nous en avons bien besoin.
-
Je sais. Mais, après ce qui s'est passé, jouer au dragueur dans ces murs c'est ins...
-
C'est peut-être ce dont Poudlard a besoin. De vie, encore et encore. Vous savez ce que j'ai observé dans ces lieux toute une année durant ? La peur, la suspicion, la douleur, la haine. Cela doit cesser. Et dépêchez vous d'agir, Kingsley Shackelbot va venir dans une semaine, suivi d'une troupe de journalistes, nous ne serons plus tranquilles.
-
Si javais pensé avoir ce genre de conversation avec vous un jour... Marmonna Hagrid, mi-offusqué, mi-amusé.
Lorsque septembre arriva, les reconstructions étaient en pleine avancées, et l'intervention, fin août, des autres professeurs et d'une partie de ceux qui avaient constitué l'Ordre, permit que les élèves soient accueillis dans un secteur réduit du château. C'est ainsi que Minerva vit approcher par delà les collines le serpent rouge nimbé de vapeurs qui amenait à bon port les enfants. Du haut de la tour, elle observa avec une fierté immense Hagrid les accueillir à la lumière de sa lampe puis guider les premières années vers les embarcations. Poudlard renaissait, grâce à eux.
-
Minerva ? S'enquit Filius en la rejoignant.
-
Oui, fit elle sans se retourner, j'arrive.
Elle prit une grande inspiration avant de descendre vers la grande salle. Arrivée devant la table des professeurs, elle eut un moment d'hésitation devant la chaise qui l'attendait, trônant au milieu de l'assemblée. Elle ravala ses larmes tandis que des images défilaient sous ses yeux. Toutes ces années auprès de Albus, où elle n'avait jamais douté de sa place. Mais la vie n'avait épargné personne, il fallait avancer, coûte que coûte, et accepter cela. C'est ainsi qu'elle se posa sur cette place qu'elle n'avait jamais cru sienne. Hagrid vint se poser près d'elle un peu plus tard et lui adressa son plus beau sourire.
-
Madame la directrice.
Elle lui retourna un faible sourire et embrassa du regard l'immense salle ainsi que tous ses occupants. Des enfants et adolescents, dont une partie de la jeunesse avait été volée, mais qui étaient présents ce soir et prêts à se lancer dans une nouvelle aventure.
-
Sommes-nous prêts, Hagrid ?
-
Oui. Regardez tout ce que vous avez accompli en un été, et permit que Poudlard soit à nouveau un foyer.
Elle se redressa dans son fauteuil, ragaillardie par le ton de son ami.
-
Vous prenez part à ce nouveau chapitre de l'école avec moi, Hagrid ?
-
Evidemment.
-
Alors tout ira bien. Après tout, vous l'aviez dit, nous n'avons pas encore raccroché notre balai.
Il éclata de rire, à la stupéfaction de nombreux élèves qui se tournèrent dans sa direction.
-
Ca non, on ne l'a pas raccroché !