Juillet 2010
En aucun cas, la météo ne pouvait le dissuader de quitter le manoir familial. Depuis tout gamin, dès qu’une situation le poussait à s’isoler, la falaise qui bordait le domaine de la famille McLyre était son refuge. Cette fois, Mana avait simplement pris une bouteille de pur-feu, au besoin.
Les cieux étaient déchaînés. La mer aussi, par ailleurs. Mais peu importe, cela reflétait beaucoup trop son état d’esprit du moment. La lettre était arrivée le matin même. La mère adoptive de Layla avait jugé nécessaire de l’informer de la nouvelle. Et quelque part, Mana l’en remerciait de tout son cœur.
Layla avait mis le bébé au monde dans la nuit. La petite était née. Celle qui avait tout détruit, comme un parasite magique s’appelait Norah. Il ne savait rien de plus. C’était un joli prénom, Mana l’aimait beaucoup. Layla l’avait très bien choisi. Le mot indiquait aussi que le bébé était en bonne santé mais Mrs Hemmings n’avait rien dit d’autre.
C’était ce manque d’information qui l’avait détruit. Il était le père de l’enfant après tout. Que Layla ait souhaité le voir disparaître de sa vie était déjà suffisamment dur comme ça.
Il l’avait cherché, il le savait. Layla voulait garder l’enfant coûte que coûte. Mais lui était incapable de s’imaginer père. Précisément parce qu’ils étaient encore à Poudlard. Oui, ils n’étaient que des gamins. Et Layla avait voulu jouer l’adulte. Mais en aucun cas, elle n’avait compris ce que cela impliquait. Alors il s’était éloigné d’elle. Ou plutôt, il avait refusé de prendre ses responsabilités.
Le truc, c’est que maintenant, il s‘en mordait vraiment les doigts.
Mana devait avouer aussi que la réaction de ses parents ne l’avait pas vraiment aidé à assumer le problème. Il était devenu le paria de la famille en un rien de temps.
Non, penser que cette erreur était l’unique responsable de l’ambiance familiale était stupide. Ça remontait à beaucoup plus loin. Mana était celui qui décevait sans cesse, le type qui se battait et évoluait à contre courant. Son manque d’ambition pour un peu près tout, rendait son père fou de rage. Ce que Mana ne comprenait pas. Non il n’avait pas envie de finir sa vie à bosser dans la scierie sorcière des McLyre. Et de toutes façons, c’était à son frère aîné de reprendre l’entreprise.
Quant à sa mère…
Alma McLyre était la femme la plus charmante qui soit, mais elle était très effacée et son propre fils ne se souvenait plus de leur dernière discussion en tête à tête, ou de sa dernière décision. Non toute la place était prise par son père, et les plus faibles étaient écrasés par la présence des autres. Ça se passait comme ça chez les McLyre. Et depuis longtemps. À quelques exceptions près, peut-être. Ceux qui avaient pris la bonne décision étaient peu nombreux, mais leur nombre était sacrément élevé pour une seule famille, aussi grande fut-elle.
Mana soupira.
La situation devenait intenable depuis sa sortie de Poudlard. Il n’avait même pas eu le loisir de choisir une voie, avec tout ce bazar. Maintenant, il devait juste attendre le résultat des ASPIC en espérant éventuellement pouvoir obtenir un travail un peu intéressant. Ou alors il y avait toujours l’entreprise familial. Ce qui ne le tentait vraiment pas.
L’ancien Poufsouffle avait mis un moment à comprendre le cœur du problème. Il s’était enfermé dans une sorte de léthargie. Il avait tout laissé tomber, y compris la femme de sa vie. Mais le pire était d’être enfermer dans sa solitude. Oliver était toujours à ses cotés, mais il faisait clairement comprendre qu’il n’était pas d’accord avec ses choix. Elise, en tant que meilleure amie de Layla, n’avait pas eu à se décider bien longtemps.
Et merde, il l’aimait, sa petite Poufsouffle. Elle avait déjà suffisamment morflé pour le reste de sa vie, et Mana n’avait fait qu’enfoncer le clou.
Layla et Mana étaient, tout comme le reste de leur génération, des enfants de la guerre. On le leur rappelait sans cesse. Layla avait perdu toute sa famille suite à une attaque de Rafleurs. Sa survie était due à l’intervention d’un groupe de fugitifs qui l’avaient sauvée, puis menée à un camp secret de réfugiés, où se trouvait alors Mrs Hemmings, qui l’avait par la suite, adoptée.
Les McLyre aussi avaient souffert. Ils étaient une puissante famille. Mais leur origine en grande partie moldue et leur richesse faisaient d’eux des cibles régulières des critiques et des insultes des plus racistes des sang-purs. Et le nouveau régime les avaient transformé en cibles. La fuite restant alors rapidement l’unique option envisageable. Les Mangemorts étaient passés à l’assaut, un soir de Novembre. Leur grand-père Gerald, les avaient retenu suffisamment longtemps, pour que les McLyre parviennent au bateau qui devait les mener en Norvège.
Mais de tout ça, Mana n’avait retenu que le froid. Ce froid qui s’était agrippé à lui, s’était insinué au sein même de son être.
Ce froid, qui d’une certaine façon, habitait encore son âme.
Leur génération allait souffrir des séquelles de cette terrible période pendant encore longtemps. L’espoir se tournerait vers la génération suivante. Celle de sa fille donc. Dont il ne savait que le prénom.
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Les repas étaient souvent des moments difficile à passer. Son père laissait rarement éclater sa mauvaise humeur, mais le silence était probablement encore plus pesant qu’une gueulante du patriarche. Sa mère était transparente. Son frère Gerry y allait souvent de ses petites piques acerbes. Toujours dirigées contre Mana, bien évidemment. Il était fiancé mais manifestement pas prêt de quitter le giron familial. Mais bon, il fallait croire que leur père faisait tout pour depuis que son frère était né. Ne l’avait-il pas appelé comme leur défunt grand-père ? Parce que l’entreprise devait lui revenir, en tant qu’aîné. Il était donc probable que la cruche qui lui servait de compagne vienne habiter au manoir, sous peu. Ce qui n’enchantait guère Mana.
En fait, la seule qui soutenait vraiment Mana était la petite dernière de la famille, âgée de 16 ans. Franny s’était de toute façon toujours bien entendue avec lui. Avec son caractère pour le moins explosif hérité de leur père, il n’était pas rare de l’entendre s’énerver contre Mana. Au détail près, qu’elle avait pour but de l’aider à sortir du brouillard dans lequel il se trouvait.
Ce soir-là, le silence fut rompu juste avant le dessert.
- Mana, j’ai pris ma décision, lança Philip McLyre, d’un ton dur.
- Oh, très bien, écoutons ce que le grand manitou a à dire, lança Mana en ricanant
- Ne me parle pas comme ça. Tu me dois un minimum de respect.
- Le respect n’entrera plus en ligne de compte, d’ici peu. J’ai parfaitement compris où tu veux en venir, alors abrège, s’il te plaît.
Le jeune homme s’y attendait depuis un moment. Son père avait lancé la menace à plusieurs reprises. Ce n’était pas spécifique aux McLyre d’exiler les éléments gênants de leur famille, mais il fallait reconnaître qu’ils étaient particulièrement forts dans le domaine. Mana pensait notamment à sa tante Julia. Le frère et la sœur étaient entrés de sérieux désaccords quelques années plus tôt, et cette dernière n’avait pu donner de nouvelles depuis un long moment.
- En fait, je ne vais même pas te donner la satisfaction de me virer, fit-il calmement en se levant. Je pars dès ce soir.
Mana avait déjà fait une partie de sa valise depuis un moment, en vérité. Ce soir-là, il l’avait vu venir depuis son retour de Poudlard. Il avait gagné. Son père n’avait plus rien à dire.
- Mère ? Aucune réaction ?
La femme sembla bredouiller quelque chose, mais s’abstint finalement de le faire.
- Merci, maman, c’était très touchant. Bon je ne vais pas vous déranger plus longtemps. Oh et ferme mon coffre à Gringotts, je garde la totalité de son contenu avec moi depuis un moment. Au cas où, tu comprends ?
Mana se dirigea vers sa chambre. C’était plus simple comme ça. Pas d’adieux, pas même à sa sœur adorée. Mais c’était une nécessité. Il s’allongea un moment en silence, à même le sol et s‘alluma une cigarette. Observer son antre un moment suffirait peut-être à le calmer. Elle n’avait pas changé tant que ça au fil des ans. Les jouets de gamins avait laissé place à des guitares et à une multitude d’albums de rock. Il avait remplacé le lit pour enfant par un deux places, beaucoup trop grand pour lui. Bon, quelques filles étaient peut-être venues combler l’espace manquant de temps à autres. Mais jamais Layla, à sa plus grande tristesse. Avec elle, tout s’était toujours passé à Poudlard.
Il ne regrettait pas un seul instant son choix de partir comme un voleur. C’était mieux comme ça.
Mana se leva et pris soudain ce qui lui manquait. À commencer par sa maigre bourse. Il allait probablement devoir la changer en monnaie moldue, à Gringotts. C’était beaucoup plus simple pour lui de quitter le monde des sorciers. Il prit également sa guitare fétiche. Certes, s’il avait écouté son cœur, il les aurait toutes prises. Mais pour voyager correctement, il devait voyager léger.
Il s’apprêtait à partir quand sa petite sœur se jeta dans ses bras, ses longs cheveux châtains volants derrière elle. Avant de lui mettre une puissante claque.
- T’as le droit d’être en colère contre papa, le gronda-t-elle. Je le suis aussi. Mais ne parle plus jamais à maman comme ça. Surtout après tout ce qu’elle a fait pour nous.
Elle prit un cadre photo. L’image qu’elle contenait, représentait une jeune fille brune au teint mat, portant un uniforme de Poufsouffle. Ses joues rondes étaient étirée en un grand sourire. Elle était resplendissante et respirait la joie de vivre. Tout le contraire de la furie de ces derniers mois.
- Et par pitié, c’est le moment ou jamais, alors va la voir. Et fais un bisous à ma nièce, de ma part.
Franny avait raison. Revoir ce sourire allait devenir sa priorité, dès qu’il serait établi.
- Et j’attends des lettres régulières de ta part, dit-elle avant de l’embrasser sur la joue.