Sirius sentait le vent avec délice. Douze longues années lui avaient fait oublier cette sensation. Il se souvenait avec nostalgie des courses de balai avec James dans la campagne où habitait les parents de son ami. Non, il ne fallait pas qu'il pense à son adolescence et aux Maraudeurs. Il ferma les yeux pour ne plus se laisser envahir par la tristesse. Il regarda alors droit devant lui et se concentra sur l'océan mais celui-ci lui rappela le cottage des frères Prewett et de Marlène. Il soupira. Il était seul, encore plus seul que lorsqu'il était emprisonné, il n'y avait personne autour de lui, seul l'océan s'ouvrait devant lui. Il ne pouvait faire que confiance à Buck pour retrouver la terre ferme. Il se demanda alors s'il n'avait pas pris une décision hâtive et si sa brillante idée en était une finalement.
Il contempla Buck. Tiendrait-il la distance? L'animal ne semblait pas manifester de signe de fatigue ou d'épuisement, il volait, tout simplement. S'enfuir à dos d'hypogriffe était inconscient ou téméraire, il était fier que son filleul et son amie aient eu l'idée d'organiser sa fuite à dos d'hypogriffe. L'adolescent lui rappelait James mais aussi Lily, il était un mélange parfait entre ces deux parents, Sirius sourit alors.
Enfin, à l'horizon, il apercevait la terre ferme, il sentait que Buck accélérait, lui aussi devait être impatient de terminer sa longue traversée. Traverser un océan devait être épuisant même pour un hypogriffe. Heureusement, Sirius avait réussi à se procurer une baguette, néanmoins, il répugnait à l'utiliser puisqu'il s'agissait de la baguette de son oncle décédé, il l'avait enterré dans son cottage après la mort de ce dernier puis était venu la récupérer après sa fuite d'Azkaban. Il pouvait s'en servir pour indiquer la direction à prendre à Buck, car Sirius savait où il allait. Un an auparavant, une ancienne camarade de classe l'avait contacté pour lui indiquer que sa maison dans la région de Boston était ouverte pour un homme injustement envoyé pendant douze ans en prison. Cela lui réchauffait le coeur d'avoir encore des alliés.
Arrivé devant la porte d'une charmante maison entourée d'une gigantesque prairie, il hésitait à toquer. Courageusement, il toqua à la porte, avec appréhension. La personne était vraiment fiable? L'accueillerait-il avec joie? Le dénoncerait-il aux Aurors étasuniens?
La porte s'ouvrit, le coeur de Sirius s'accéléra. Une jeune femme d'une trentaine d'années apparut à la porte, l'air fatigué. Elle écarquilla les yeux en reconnaissant son ancien camarade et pouffa de rire en voyant Buck, derrière Sirius, se reposer sur la pelouse de son jardin.
-Salut! Avoir comme un animal de compagnie, un hypogriffe est devenu la mode en Angleterre? le salua t-elle.
-Si je te racontais toute l'histoire, tu n'en croirais pas tes oreilles, Mary!
Mary McDonald avait à peine changé, elle avait vieilli en dix ans mais pas beaucoup. Sirius remarqua toute de suite les cernes de son amie. Que faisait-elle pour être aussi fatiguée?
-Tu es trop maigre! Avant de manger, tu vas prendre une douche, t'habiller proprement et te raser. Tes cheveux peuvent attendre. Essaye de ne pas faire de bruit, ma fille vient seulement de s'endormir. Viens, je vais te montrer la salle de bain.
Sirius entrait mais Mary qui était déjà en train de monter les escaliers se retourna vers lui et lui ordonna de retirer ses chaussures car elle avait fait le ménage le matin même. Il était surpris de cet accueil, elle agissait comme s'il venait lui rendre visite. Dérouté par son comportement, il obéit et enleva ses chaussures. Il monta et sans un mot Mary lui montra la salle de bain.
Prendre une douche lui apparut comme un luxe, il fut heureux de se doucher pour la première fois depuis plus de dix ans. Quand il sortit de la douche, il vit des vêtements propres et un rasoir.
Quelques minutes plus tard, il descendait les escaliers et entra au hasard dans une pièce qui était la cuisine.
-Viens, installe-toi! Je te préviens, je ne suis pas douée en cuisine alors je t'ai fait une omelette avec des champignons, je sais que tu adores ça! En guise de dessert, tu peux prendre un yaourt et du gâteau au chocolat. J'ai apporté un poulet entier à ton hypogriffe, il paraissait content.
-Mary? Ça va?
-C'est plutôt moi qui devrais te demander ça, Sirius! Je n'ai pas envie de te faire parler sur tes douze ans d'emprisonnement si tu ne le souhaites. Moi, je sais que tu es innocent, tu n'aurais jamais pu trahir, ton meilleur ami, la femme de ton meilleur et leur enfant. Même Remus, je ne le vois pas faire une chose pareille, il prenait soin de vous dans l'ombre et vous adorait. Je ne vois qu'une seule personne, c'est Peter. Quand je l'ai dit à Dumbledore et à Fudge, ils n'ont pas voulue me croire. Depuis, je les apprécie que moyennement et si Allan est parti à Poudlard c'est parce que je souhaite qu'il marche dans les pas de sa famille.
A ces mots, Sirius sentit un élan d'affection pour Mary. Comment aurait-il pu imaginer que l'ancienne Gryffondor avait tout juste? Il se souvint de la jeune fille déstabilisée par son statut de née-moldu, et se dit avec fierté qu'elle avait parcouru du chemin depuis.
-Tu as raison, c'est Peter qui a trahi James et Lily.
-Pourquoi ça ne m'étonne pas? Quelle tristesse pour une personne d'en arriver à trahir ses amis!
-Tu as toujours Allan avec toi?
-Oui! Bien sûr!
-Quelle maison?
-Serpentard répondit Mary avec un sourire amusé.
-Le neveu de Marlène McKinnon est à Serpentard? s'étonna Sirius en s'étouffant avec une bouffée de gâteau au chocolat.
-Oui! Ne t'inquiète pas, il est briefé sur l'histoire de sa famille, sur les mangemorts... Je lui fais confiance, il ne fréquente pas de personnes avec un esprit étriqué.
-Pourquoi il n'est pas à Illvermony?
-J'ai voulu lui donner une chance de grandir dans les pas de sa famille.
Des pleurs les coupèrent dans leur conversation, Mary se précipita alors au premier étage et revint avec un ravissant nourrisson aux yeux bleus.
-Je te présente, Marilyn, dit la jeune maman avec fierté. Marilyn, voici, ton tonton Sirius.
Sirius déglutit avec difficulté. Lily avait employé les mêmes mots lorsqu'elle lui avait présenté Harry.
-J'aurai aimé que tu sois son parrain mais tu n'étais pas disponible alors j'ai nommé Allan à la place. Tu es pâle? Tu te sens bien? Tu veux aller dans ta chambre?
-Non, ça va. Merci Mary.
Sirius était perdu, voir quelqu'un agir avec lui de manière aussi amicale le déroutait. Douze ans d'Azkaban lui avait fait oublier ce qu'était l'amitié, la gentillesse.
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-Tu es vraiment sûr de partir? demanda Mary pour la énième fois.
-Oui, il le faut. Harry a besoin de moi.
Mary le regarda intensément et soupira, résignée devant la détermination de Sirius.
-D'accord, dis-moi quand tu veux partir que je prépare ton voyage.
-Le plus vite possible.
-Laisse-moi te trouver un portoloin où tu peux transporter un animal avec toi, envoyer une lettre à mon père pour qu'il t'héberge et te préparer un sac avec des vêtements et de la nourriture.
Sirius fut étonné de constater la rapidité avec laquelle elle prenait les choses en main.
-Ne sois pas étonné, je savais que tu repartirais en Angleterre, il y a Harry là-bas, alors j'avais déjà préparé un plan dans ma tête. Tu es vraiment sûr de repartir? La vie ici est plutôt douce et tu as l'air de l'apprécier.
Sirius sourit à ces paroles. Il ne pouvait pas mentir, il adorait la maison de Mary isolée dans la campagne américaine. Il s'était découvert une passion pour le maraichage et sa vie semblait paisible sauf pour un point: Harry. Son filleul lui avait envoyé une lettre lui annonçant qu'il avait eu mal à sa cicatrice et depuis, il ne cessait d'être inquiet, inquiétude renforcée par des événements étranges. Même Mary était d'accord pour dire que quelque chose clochait en Angleterre. Elle laissait partir Allan à Poudlard sans être rassurée et exprimait souvent son souhait d'inscrire à Illvermony mais le jeune McKinnon avait refusé catégoriquement.
Deux jours après, Mary arriva dans le jardin lui indiquant qu'il partait dans quatre heures et en lui tendant un casque de pompiers alors qu'il s'apprêtait à remonter dans le cerisier pour en recueillir les fruits.
-Comment as-tu fait pour avoir un portoloin aussi vite?
-J'ai des contacts qui peuvent s'avérer utiles.
Sirius se tut même s'il voulait en savoir plus. On n'obtenait pas un portoloin en deux jours surtout quand il était aménagé pour déplacé un humain et un animal magique. Mary entra d'un pas décidé dans la maison, il continua à récolter les cerises en en lançant de temps en temps à Allan qui était au bas de l'arbre. Mary refusait catégoriquement qu'il monte dans le cerisier.
Mary revint avec un sac à dos et demanda à Sirius de redescendre.
-J'ai lancé un sortilège d'agrandissement sur ton sac pour qu'il contienne le plus possible de choses. Tu as des vêtements, de la nourriture pour Buck et toi, une lettre pour mon père, des potions, si jamais tu tombes malade ou que tu es blessé et pour le reste, tu verras bien. Allan, il est l'heure de saluer Sirius, il s'en va bientôt.
-Tu es sûre de vouloir quitter les Etats-Unis? On s'amusait bien tous les deux!
Sirius fut ému devant la réaction du garçon. En deux mois, il s'était beaucoup attaché à Allan et avait remarqué qu'il ressemblait beaucoup à sa tante, il était aussi doué qu'elle en défense contre les forces du mal. Il n'avait pu s'empêcher de tester les capacités de défense et d'attaque d'Allan qui ne l'avait pas déçu.
-Oui, il le faut. Prends soin de Mary, de Marilyn et ne te laisse pas influencer par les apprentis mangemorts!
-Sirius! Tu ne lui fais pas croire que tous les Serpentard sont mauvais, on est plus dans les années soixante-dix, réprimanda Mary, les mains sur les hanches, dans la posture de la mère grondant son enfant.
Sirius éclate de rire et Mary parut s'adoucir en levant les yeux au ciel.
-Aucun risque que je fréquente les mangemorts. S'il y a une guerre, je serai du côté de ceux qui luttent contre eux. Ma famille n'est pas morte en vain!
-Qui t'a parlé de guerre? s'étonna Mary.
-Je vous ai entendus tous les deux en discuter une nuit, répondit gêné, Allan.
-Même si cela ne me plaît pas, au moins, tu sais qu'il faut te méfier des prochains événements en Angleterre. Si tu as le moindre souci, tu rentres ici et je t'inscris à Illvermony.
-Oui, je sais, Mary. S'il y a une guerre, je me tiens prêt.
-Tu veux devenir Auror?
-Non médicomage! S'il y a une guerre, je pourrais soigner les gens. Si tout le monde combat, qui soignera les gens?
Sirius fut projeté dans ses souvenirs et se rappela Marlène dire la même chose en septième année.
-Ne pense pas à tout ça, Allan, il n'y a pas de guerre, tu dois juste profiter de ta vie à Poudlard et me rapporter de bonnes notes!
-Comme l'a fait Marlène et mes parents?
-Exactement! C'est l'heure maintenant. Marilyn, dis au revoir à tonton Sirius, dit la jeune maman en prenant sa vie dans ses bras.
Sirius caressa la tête de l'enfant qui lui fit un grand sourire. Il n'avait pas posé de question sur l'identité du père, il avait calqué son comportement sur celui de Mary qui se fichait de l'absence du père. Elle vivait à l'écart de la société avec ses deux enfants loin de l'Angleterre, sa patrie, qu'elle avait dû fuir craignant pour sa vie et pour celle de son protégé.
Il étreignit Mary, pour la dernière fois, heureux d'avoir une amie aussi loyale qu'elle, lui qui avait tout perdu il y a dix ans.
-Sirius, lorsque le calme reviendra, reviens ici. Il y a le calme, l'isolement et la liberté dont tu as besoin après dix ans d'emprisonnement. Tu n'es plus adapté à la vie citadine.
-Merci, Mary
-Ma porte te sera toujours ouverte. Prends soin de toi et évite d'agir imprudemment.
La dernière image que Sirius garda d'eux fut leur visage marqué par l'inquiétude, il ne savait pas encore qu'il ne les reverrait plus.