Dix ans. Cela faisait dix ans. Déjà ! Hannah Abbot-Londubat avait l'impression que le temps était passé extrêmement vite, durant ces dix dernières années. Que c'était hier que tout cela s'était passé. Et, en même temps, il lui semblait que cela faisait des siècles, une éternité. La Hannah qui avait survécu à la Bataille Finale, dix ans plus tôt, gravement blessée mais bien vivante, elle, n'avait pas grand chose à voir avec la jeune patronne du Chaudron Baveur qu'elle était désormais.

On avait beau être en 2008, le 2 mai 1998 restait gravé dans sa mémoire. Et Hannah était certaine que ce jour resterait à tout jamais gravé dans sa mémoire. Machinalement, elle glissa une mèche de cheveux derrière son oreille droite. Elle était nerveuse. Depuis dix ans, le 2 mai la rendait toujours nerveuse. Mais cette année-là, c'était pire encore que les autres. Bien pire.

En effet, pour la première fois depuis la fin de ses études, Hannah retournait à Poudlard. Au château de Poudlard. Son ancienne école de sorcellerie. Bien sûr, la jeune femme était retournée plus d'une fois à Pré au Lard, durant ces dix dernières années. Bien sûr, elle avait entendu parler de l'évolution de Poudlard, de tout ce qui était pareil, de tout ce qui avait changé, dans ce vieux château où elle avait vécu de si beaux et de si terribles moments.

Neville, son mari, y était professeur de Botanique depuis quelques petites années, aussi en parlait-il volontiers avec elle, le soir ou bien le week-end. Hannah glissa une mèche de cheveux derrière son oreille droite. Elle tenta de se raisonner. Après tout, Neville se rendait à Poudlard tous les jours, ou presque, pour son travail. Cela ne devrait pas la rendre si nerveuse !

Certes, lui s'y rendait en cheminée. Et il était déjà là-bas, comme tous les autres professeurs, afin de superviser les élèves. Tandis que Hannah était toute seule dans le Poudlard express, toute seule pour gérer Jane et Andrew. Et même si leurs jumeaux étaient adorables, ils n'avaient que trois ans et commençaient à trouver le temps long. Heureusement qu'il y avait d'autres enfants, dans le train !

Tout en repassant une mèche de cheveux derrière son oreille, Hannah se fit la réflexion qu'une bonne partie des sorciers qui avaient combattu, lors de la Bataille Finale, dix ans plus tôt, étaient désormais parents. La cérémonie du souvenir, prévue dans le parc de Poudlard, risquait d'être passablement animée, avec tous ces petits...

Ce fut un vrai soulagement pour Hannah lorsque le Poudlard express arriva enfin à la gare de Pré au Lard. Tenant fermement les mains de Jane et d'Andrew, elle descendit sur le quai au milieu de la foule qui venait de Londres. Elle eut une pensée pour le Chaudron Baveur, qu'elle avait abandonné pour la journée à ses serveurs. La journée étant fériée, le bar sorcier qui faisait la jonction entre le monde moldu et le monde sorcier risquait d'être pris d'assaut. Mais Neville avait tellement insisté pour qu'elle vienne à Poudlard !

Peu après sa descente du train, Hannah remarqua un important mouvement de foule. Cela la rendit nerveuse, et elle dut lutter contre l'envie de passer une mèche de cheveux derrière son oreille. Pas question de lâcher la main de l'un de ses petits, au milieu de tant de gens ! En regardant mieux, la jeune femme comprit la cause de cet attroupement.

Hannah soupira. Pleine de compassion en pensant à ses amis. Elle savait que Harry Potter détestait être au centre de l'attention. Qu'il ne le tolérait que dans le cadre de son métier d'auror, surtout depuis qu'il était devenu leur commandant. Mais là, Hannah devinait ce qui intéressait tant les gens, ce qui avait attiré les quelques photographes et journalistes qui avaient attendu le train sur le quai.

Et visiblement, cela agaçait autant Ginny que Harry. Hannah était relativement loin d'eux mais, de là où elle était, elle n'avait pas le moindre doute sur le sujet. L'attention de la foule, et surtout des journalistes et photographes, n'était pas tant portée sur le Sauveur du monde sorcier ou sur l'ancienne vedette des Harpies de Holyhead, mais sur leurs trois jeunes enfants.

Tout en serrant la main de ces propres petits et en tentant de s'éloigner avec eux vers les calèches tirées par les sombrals, Hannah lança un regard désolé à ses amis. Harry tenait James, qui avait quatre ans, et Albus, qui en avait deux, par la main, tandis que Ginny portait la toute petite Lily sur elle dans une écharpe de portage.

Lily Potter n'avait pas encore un mois, et c'était sa toute première sortie en public depuis sa naissance. Hannah se dit que Neville, qui était son parrain, serait sûrement ravi de la voir. Mais il faudrait tout d'abord que les Potter parviennent à se défaire des gêneurs pour rejoindre le domaine de Poudlard... À peine installée dans une calèche avec ses deux petits, Hannah repassa machinalement une mèche de cheveux derrière son oreille.

Tout le long du trajet en calèche, elle eut la gorge serrée et resta perdue dans ses pensées. Mais ce ne fut rien en comparaison du moment où elle descendit du véhicule, à l'arrivée. Et la vue des sombrals, attachés aux différentes calèches, n'aidait pas à dissiper son sentiment de malaise. Surtout qu'elle savait très bien pourquoi elle les voyait, depuis l'assassinat de sa mère par des Mangemorts.

Très vite, heureusement, on les guida vers le parc du château. Toute l'école se trouvait rassemblée auprès de la tombe d'Albus Dumbledore. Juste devant celle-ci, on apercevait la stèle érigée à la mémoire des combattants et des victimes de la guerre. Hannah passa une mèche de cheveux derrière son oreille et regarda plus attentivement les élèves. Elle remarqua qu'ils étaient répartis par Maison.

Neville se tenait avec les autres professeurs, autour d'Eileen Brown, la directrice de Poudlard. Un peu plus loin, il y avait les officiels : le Ministre de la Magie, Kingsley Shacklebolt, les Chefs de Département du Ministère de la Magie, quelques sorciers étrangers qui représentaient probablement la Confédération internationale des sorciers. Ainsi que les Maîtres de Guilde, dont Madame Rosmerta, qui dirigeait celle dont dépendait Hannah, qui glissa une mèche de cheveux derrière son oreille.

La Cérémonie du Souvenir débuta par de nombreux discours. Dont Hannah n'entendit pas grand-chose. Du haut de leurs trois ans, Jane et Andrew étaient, en réalité, passablement excités. Et comme il y avait de nombreux petits enfants ce jour-là, cela formait un joyeux brouhaha qui animait d'une note toute particulière la célébration, malgré les tentatives de leurs parents de les faire se tenir calmement.

Des élèves des quatre Maisons de Poudlard s'approchèrent. Ils étaient huit, un élève de première année et un élève de septième année par Maison, autant de filles que de garçons. Un air grave sur le visage, ils réalisèrent une chorégraphie savamment orchestrée, avant que le professeur Flitwick ne fasse apparaître au milieu d'eux une immense gerbe de fleurs.

À cette vue, Hannah passa machinalement une mèche de cheveux derrière son oreille. Elle était émue. Se souvenant des nombreuses victimes des Mangemorts qu'elle avaient connues. À commencer par sa mère. Mais aussi ceux de ses camarades qui étaient tombés ici même, à Poudlard, dix ans auparavant, pour la liberté. La jeune femme échangea un regard avec Neville.

Il s'était montré si brave, ce jour-là ! Lui qui leur avait permis de tenir jusqu'au bout, durant cette horrible année scolaire... Hannah aimait profondément son mari et l'admirait sincèrement. À ses yeux, il était davantage encore un héros que Harry Potter. Parce que Neville, lui, s'était engagé dans cette guerre de son plein gré, librement. Alors qu'elle ne savait que trop bien, pour en avoir parlé plus d'une fois avec les Potter, que Harry n'avait pas eu le choix, lui.

À la fin de la Cérémonie du Souvenir, chacun put se promener librement dans le parc, et ceux qui étaient de la famille de l'un des élèves scolarisés pouvaient le rejoindre pour discuter avec lui. Hannah glissa une mèche de cheveux derrière son oreille et, saisissant les mains de Jane et d'Andrew, elle se dirigea vers son mari.

En passant à côté des journalistes, elle entendit l'un d'entre eux annoncer qu'il comptait intituler son article sur cette journée : « La génération de l'espoir ». Un fin sourire naquit sur les lèvres de Hannah. Leurs enfants représentaient peut-être un espoir, mais elle espérait surtout qu'ils n'aient jamais à connaître la moindre guerre.