Faire entrer des Weasley dans notre demeure ne nous attirera que des ennuis.
Voilà ce qu’avait dit Drago Malefoy à son épouse il y avait de cela quatorze années, lorsque leur fils Scorpius avait demandé l’autorisation d’inviter quelques amis de Poudlard durant les vacances d’été. Astoria avait dû lutter presque une semaine pour que son mari accepte que la jeune Rose passe la porte du manoir. La maitresse de maison avait trouvé la fillette charmante, discrète et pleine d’éducation. Les enfants avaient grandi, puis, Rose et Scorpius s’étaient amourachés l’un de l’autre. Le père de celui-ci avait bien failli en faire une attaque, mais finalement il s’était accoutumé à l’idée. Trois années de relation, avant que Scorpius ne lui préfère une autre.
Astoria avait toujours beaucoup apprécié Rose Weasley.
C’est la raison pour laquelle la femme qu’elle était devenue était toujours la bienvenue au Manoir Malefoy, afin de partager des astuces de jardinage ou bien de parler chiffons. Surtout, depuis quelques mois, Astoria invitait Rose à toutes les réceptions qu’elle donnait. Scorpius s’étant marié à la jeune Léandra Nott, sa mère avait donc perdu tout espoir qu’il retrouve un jour les bras de Rose. Elle se désolait que cette dernière ne trouve pas un bon parti, elle qui était si belle, si brillante, si amusante.
Ce qu’Astoria ignorait, c’est que Rose n’était pas si seule.
Elle l’ignorait, car la jeune femme et son amant prenaient garde à rester discrets. Elle l’ignorait, car il n’aurait pas été de bon goût qu’elle soit informée de la situation. Elle s'en désintéressait tout simplement parce qu'il est de ces choses qui sont moins dramatiques lorsqu’on l'en fait fi. Jusqu’à ce jour où elle était rentrée plus tôt que prévu de son rendez-vous avec Pansy, qui l’avait appelée à la rescousse pour organiser la réception de noces de James Potter et Élisabeth Parkinson. Elle était entrée dans le petit salon, prête à saluer son mari qu’elle devinait assis sur son fauteuil favori au coin du feu, lisant certainement le journal.
Et voilà qu’elle tombait de très haut.
Elle chutait du plafond de son inconséquence et se fracassait sur la dure vérité. Les barrages érigés pour contenir la violence de la réalité s’effondraient dans un déluge d’évidences et le flux emportait tout sur son passage : ses convictions, son aveuglement, ses quelques rêves. Comment allait-elle se relever d’une telle débâcle ? C’était comme un venin qui se répandait dans ses veines, dans ses artères, une brulure qui consumait son cœur. Tout ce qu’elle avait toujours cru se révélait être une cruelle mascarade. Elle sentit les larmes lui monter aux yeux, des perles qui témoignait du mal qui lui dévorait les entrailles.
Plus de vingt ans de mariage.
Voilà ce qui volait soudainement en éclats. Des années d’un équilibre périlleux. Ils venaient de basculer du mauvais côté. Il n’avait jamais été question d’un bonheur franc, comme ils avaient pu se l’imaginer après la guerre. Leur vie à deux avait été ânonnante et bien plus difficile qu’ils n’auraient pu le concevoir. Pourtant, ils avaient construit une famille, un foyer, un quotidien lisse et reluisant. Un beau vernis qui s’écaillait très douloureusement. Son mari était effectivement installé dans son fauteuil favori.
Rose Weasley était sur ses genoux et l’embrassait.
Cela aurait pu être comparé à une forte gifle, un signe évident, quelque chose qui lui avait sauté au visage. Mais elle s’interrogeait. Combien d'indices avait-elle omis ? Combien de fois avait-il caressé sa main d’une manière qu’elle avait juste jugée amicale ? Combien de fois leurs jambes s’étaient-elles frôlées sous une table, à l’abri des regards ? Combien de coups d'oeil complices avaient-ils échangés, sous ses yeux aveugles ?
Astoria ressorti de la pièce de la même façon qu’elle y était entré : en silence, avec la douceur qui la caractérisait. Elle songea un instant à sa défunte belle-mère, Narcissa, dont elle n’avait jamais saisi la froideur. Avec un sourire amer, elle se fit la remarque qu’il n’était jamais trop tard pour comprendre.
Faire entrer des Weasley dans notre demeure ne nous attirera que des ennuis.