On l’appelait le Paquebot magique… Et il l’était. Il l’était vraiment…

Narcissa Malefoy, en sa qualité de veuve du richissime et renommé Lucius Malefoy, n’avait pas eu de mal à obtenir trois billets de première classe. Il y en avait un pour elle, un pour son fils unique, Drago, et un pour moi… Après la tragique disparition de mes parents, j’avais été confiée aux bons soins des Malefoy, une des plus anciennes famille de sorciers d’Angleterre. Car de son vivant, Lucius Malefoy avait fait toutes les démarches pour recueillir un-e pupille du Ministère de la Magie, histoire de se faire bien voir de l’aristocratie et d’effacer un peu l’image dégradée qui collait à son nom à cause d’obscurs scandales. C’était tombé sur moi, pas de chance… Toutefois, je n’avais a priori pas trop de quoi me plaindre. La fortune des Malefoy surpassait de loin tout ce que j’aurais le temps de dépenser en une vie ! On m’offrait de somptueuses tenues et à peu près tout ce que je pouvais désirer. J’aurais dû être comblée ! A mon propre-étonnement, je ne l’étais pas du tout !

On m’avait envoyée à Poudlard, la plus prestigieuse école de sorcellerie. J’avais adoré ces années, ma vie chez les Gryffondors… Mais là-bas non plus, personne n’ignorait la fortune des Malefoy ! Et l’idée de Narcissa était que je puisse en jouir jusqu’à ma mort. Ho non, pas parce qu’elle m’appréciait ou m’estimait comme sa fille, mais parce qu’elle avait décidé que Drago et moi allions nous marier !

Au début, je n’avais pas compris ce qui motivait ce désir chez une femme qui plaçait l’argent et la qualité du sang au-dessus de tout. En effet, j’étais née dans une famille moldue et je n’avais pas un sou à moi ! Mais avec le temps, les remarques et le comportement de Narcissa avait fini par éclairer ma lanterne : j’étais pour elle une jolie petite chose, l’atout-charme qui permettrait à son fils de se pavaner en me faisant admirer à ses amis. Et en effet, j’avais pu me rendre compte que les hommes d’affaires signaient plus facilement un contrat lorsque qu’une jolie créature leur faisait des sourires… Je m’étais jusque-là montrée docile et reconnaissante envers les Malefoy dans l’espoir secret de m’en faire aimer et de trouver en eux une nouvelle famille. Mais à présent, chaque jour qui passait me révéler un peu plus la véritable nature de Narcissa et de son imbécile de fils que je ne pourrais jamais aimer !

Alors que nous nous tenions prêts à embarquer, nos bagages à nos pieds, je me laissai un peu aller à la contemplation du Titanic, ce géant des mers auquel on prêtait des propriétés magiques jamais vues. Le navire allait être mon foyer pendant quelques temps. Il était plus immense, plus incroyable que tout ce que j’avais pu me représenter…  Je ressentais la même émotion esthétique que j’avais connue en découvrant Poudlard pour la première fois…

              -Il est splendide, n’est-ce pas ? me souffla le blond gominé à l’oreille.

Je relevai le menton d’un air dédaigneux. Je n’allais pas lui faire le plaisir de lui donner raison, mais Drago me tirait déjà par le bras pour me présenter un homme de sa connaissance qui ferait le voyage dans une cabine voisine de la nôtre. Je m’arrachai mollement de ma rêverie pour retourner à la pitoyable réalité.

              -Ma chère, voici Blaise Zabini… annonça Drago : Un gentleman dont vous me direz des nouvelles ! Blaise, je vous présente Hermione Granger, ma fiancée.

Fiancée… Le mot me sidéra une nouvelle fois ! Je ne m’étais pas faite à l’idée. Je refusais de m’y faire ! Après la croisière, je le savais, c’était le mariage avec l’abjecte héritier Malefoy qui m’attendait… Mais chaque fois que cela me revenait en tête, je sentais comme une lame tranchante et glacée me caresser dangereusement la gorge, et j’avais tout juste la force de me retenir pour ne pas partir en courant ou fondre en larmes… Et si de l’extérieur rien n’y paraissait, intérieurement j’étais dans un état de révolte permanent ! Personne ne semblait m’entendre, mais au fond de moi, je hurlais !

Tandis que Blaise (que j’avais croisé de loin à Poudlard) et Drago discutaient, des elfes de maisons vinrent chercher nos bagages et nous conduisirent jusqu’à une plateforme surmontée d’un panneau doré. Il était écrit Première classe… Au-dessus de nos têtes, des sorciers membre d’équipage faisaient embarquer toutes sortes de meubles et de véhicules à grands renforts de Wingardium leviosa…

              -Applique-toi, bougre de troll ! aboya l’un d’eux en direction de son collègue qui agitait sa baguette.

Une armoire d’ébène incrustée d’ivoire se balançait en tous sens à chacun de ses gestes…

              -Le capitaine Dumbledore nous regarde ! ajouta encore le sorcier qui avait parlé.

Et en effet, le célèbre Albus Dumbledore se tenait fièrement sur le pont du Titanic. On prétendait que lui seul pouvait maîtriser la magie puissante et incroyable de ce navire d’exception. Au premier coup d’œil, on voyait bien que le Titanic n’était pas un bateau comme les autres, mais ce n’était que la partie visible de l’iceberg, comme disent les moldus ! En effet, il y avait autant de magie au centimètre carré sur le Titanic qu’au château de Poudlard lui-même ! Quelles surprises attendaient les voyageurs qui avaient la chance d’embarquer en ce moment-même !

Ils étaient nombreux, les badauds venus admirer le navire et s’offrir une part du rêve, quelques instants avant le grand départ… Des enfants montés sur les épaules de leurs parents. De jeunes gens aussi, qui se promettaient droit dans les yeux qu’un jour, eux aussi embarqueraient pour la grande traversée ! Les quais étaient envahis ! De loin, on apercevait une foule de chapeaux pointus et de capes, comme une mer noire et agitée…

Attablés autour du plateau de jeu du bar Weasley and son’s un groupe de jeunes sorciers ne prêtaient aucune attention à l’agitation du monde extérieur. Trois d’entre eux avaient les cheveux de la même couleur rousse et flamboyante. L’autre était brun et portait des lunettes rondes… Une pièce de l’échiquier installé au centre s’anima et le brun redressa ses lunettes pour observer ce qui allait se passer… Lui et le plus jeune des rouquins faisaient équipe du même côté de l’échiquier.

              -Ron ! Tu viens de sacrifier notre dernier fou ! cria le brun.

              -Chut ! Harry, tu me fais confiance ? lui souffla l’autre.

Les deux jeunes hommes en face d’eux se regardèrent. Leurs visages étaient incroyablement semblables :

              -Fred, tu vois ce que je vois ? jubila l’un.

              -George, je crois qu’on voit la même chose !

              Et l’un des jumeaux (ne me demandez pas lequel !) précipita son roi dans le piège tendu par leur cadet ! Ronald put ainsi triomphalement annoncer son échec et mat ! Harry rafla les quelques noises et, surtout, les deux billets estampillés Titanic qui composaient la mise ! Des cris de joie résonnèrent aussitôt et Ron et Harry se tombèrent dans les bras tandis que Fred et George commençaient à se battre en se rejetant mutuellement la faute !

              -Bravo, les garçons… osa la discrète Ginny qui officiait en tant que serveuse.

Son regard croisa celui de Harry qui se demanda pourquoi la jeune fille semblait soudain désolée :

              -Mais…vous ne l’aurez jamais : le Titanic part dans cinq minutes…

En une fraction de seconde, Harry et Ron se retrouvèrent sur les quais où le Titanic larguer les amarres. Ils avaient transplané de concert, mais comment atteindre le pont, à présent ?! Des sortillèges de protection empêchaient de transplaner depuis les quais et la foule bloquait l’accès. Les derniers passagers s’engageaient déjà, suivis par des membres d’équipage qui refermaient les grilles derrière eux… D’un coup d’œil circulaire, Harry avisa un vieux balai sans doute abandonné au dernier moment par un passager qui avait trop chargé ses bagages…

              -Ron ! Vite !

Les deux jeunes gens sautèrent sur l’antique engin et s’envolèrent aussitôt vers le pont du navire. A peine avaient-ils posé le pied sur le plancher du Titanic qu’un homme au teint cireux, la chevelure noire et grasse fondit sur eux :

              -Puis-je savoir qui vous a permis d’embarquer, messieurs… ? siffla-t-il d’un ton glacial.

Harry présenta les billets fraichement gagnés tandis que Ron tentait d’expliquer la situation avec une confusion grandissante.

              -Ne vous donnez pas tant de peine ! coupa froidement l’homme : L’embarquement est terminé depuis trente minutes. Vous n’avez rien à faire là. Nous allons vous expulser sur le champ !

Au moment où le sinistre personnage levait sa baguette, une voix monta, comme venue de nulle part :

              -Severus !

Dumbledore rejoignit les trois hommes. Il jeta lui-même un œil aux billets présentés par Harry :

              -Capitaine, ces individus ont embarqué irrégulièrement… intervint le dénommé Severus.

              -Ils sont en règles, je crois… le coupa Dumbledore en désignant les billets d’un regard par-dessus ses lunettes en demi-lune.

Son interlocuteur baissa les yeux et garda le silence.

              -Allez vous installer, jeunes gens… conseilla le capitaine.

Harry et Ron poussèrent un soupir de soulagement tandis que l’homme au teint blême glissait comme un serpent vers l’une des portes par laquelle il disparut. Dumbledore, avant de regagner sa cabine de capitaine, se retourna une dernière fois vers les deux jeunes gens :

              -Bienvenue à bord du Titanic, messieurs. lança-t-il d’une voix digne.

Et Harry eut l’impression que le capitaine lui adressait un discret clin d’œil.