Percy poussa du bout du pied un caillou qui roula sous la chaleur pénible du désert. Le reg algérien s'étendait à l'horizon comme une mer jaune, aussi calme qu'impitoyable. Au-dessus de lui, la palmeraie projetait son ombre protectrice. Elle s'élevait, haute et puissante, comme une forteresse tout autour de l'oasis.
Il retira le chapeau beige à bords larges qui l'avait protégé des rayons du soleil. Il passa une main moite sur son front perlant de sueur. Ses boucles rousses pendaient mollement de part et d'autres de son crâne comme une plante qu'on aurait négligée dans son pot. Il ne put voir son reflet, mais pouvait imaginer les douces nuances de rouge que prenait son teint. Il les avait déjà toutes connues lors de son voyage en Egypte quelques années plus tôt.
Il avait oublié la chaleur depuis, cette chaleur qui emplit les poumons et qui étouffe quand on respire, qui entre dans les vêtements comme du sable et colle à la peau.
Ces vacances s'étaient bien chargées de le lui rappeler.
Le pire, c'était quand même qu'il n'avait pas eu son mot à dire dans le choix de la destination. Si on lui avait demandé son avis, il aurait plutôt opté pour un séjour sur les plages du Nord. La canicule s'y faisait moins ressentir et l'eau restait fraîche en mer du Nord. Londres elle-même se mourrait dans sa propre touffeur.
Alors l'Algérie …
Mais une fois n'était pas coutume, Marcus Flint ne lui avait pas demandé son avis.
Pose des congés, je t'embarque pour des vacances tous frais payés en Algérie ! lui avait-il dit quelques jours plus tôt. Il ne l'avait même pas prévenu de son retour sur l'île britannique. C'est un de mes cousins qui tient la chaîne d'hôtels sorciers au Maghreb et ça cartonne ! Qui aurait cru que ça amuserait les sorciers de copier les moldus?
Percy avait hésité. Il n'avait pas très bien compris pourquoi Marcus voulait prendre des vacances avec lui et se demandait encore ce qui l'avait conduit à choisir l'Algérie. Avec les années, il avait appris à se méfier car même derrière les propositions les plus innocentes, Marcus pouvait trouver le moyen de cacher l'une de ses combines louches – comme cette fois où il lui avait confié une jument qui s'avérait être une licorne soigneusement métamorphosée. Son entourage lui conseillait de prendre ses distances avec Marcus et ses affaires, mais quelque chose l'attachait à lui – ce n'était pas seulement une amitié, aussi improbable puisse-t-elle être, c'était aussi ce temps passé ensemble durant la seconde guerre des sorciers sur lequel Percy ne parviendrait jamais à tirer un trait.
Il avait finalement accepté cette proposition, quoique méfiant et toujours sur ses gardes. Il avait regretté lorsqu'il avait vu Marcus enfiler un maillot de bain et s'allonger sur un transat au bord de la piscine à vagues. Percy ne crachait certes pas sur le confort de l'hôtel et toutes les activités proposées par celui-ci, ni même sur la piscine qui reproduisait autant d'ambiances que souhaitées, mais rester enfermé dans un hôtel n'était pas les vacances rêvées que Percy avait imaginées.
Mais pourquoi fais-tu la tête ! On s'est baigné dans les Caraïbes, l'Océan indien et la Méditerranée avec la tour Eiffel en arrière plan sans avoir eu à bouger ne serait-ce qu'un orteil ! C'est vraiment génial toutes ces options ! Qu'est-ce que tu veux tester maintenant ? Hawaï et les Grandes pyramides ?
Percy avait vu Marcus faire des brasses devant les Grandes pyramides d'Egypte tout en étant assis sur une plage hawaïenne, mais à part faire une liste de tous les sorts potentiels qui avaient pu être utilisés pour reproduire une pareille illusion – somme toute assez convaincante – il n'avait pas trouvé cette fausse escapade très distrayante.
Alors c'était peut-être son visage déconfit qui avait convaincu Marcus – et Percy persistait à le croire – de l'emmener loin dans le désert algérien, derrière les montagnes, où s'étendait allégrement le Sahara. Depuis leur arrivée, c'était donc leur première excursion ensemble hors de l'hôtel et Percy s'en était fait une joie.
Jusqu'à ce que ses doutes le reprennent.
A quelques mètres de lui, Marcus discutait en arabe avec un guide local. Percy ne comprenait pas un mot de cet échange, mais quelque chose dans le sourire en coin de Marcus et l'air agacé du guide lui mettaient la puce à l'oreille. Le guide leva les bras au ciel, haussa le ton, puis s'éloigna en traînant des pieds dans le sable. Il passa devant Percy qui se redressa pour le suivre dans l'oasis.
Marcus lui emboîta le pas, ce petit sourire satisfait toujours accroché aux lèvres.
Ça n'augurait vraiment rien de bon.
Quelques années plus tôt, Percy aurait retourné la même question des dizaines de fois dans cette tête avant de la poser. Il aurait craint Marcus et ses réactions, le souvenir encore frais du grand dadais qui aimait se moquer de lui à Poudlard. Mais tout ça, c'était loin derrière eux.
– Depuis quand est-ce que tu parles arabe ? demanda Percy.
– Ah, Percy … il y a encore tellement de choses que tu ignores sur notre monde, lui répondit-il.
Marcus s'incluait dans ce monde dont il allait discuter – parce qu'il aimait discuter. C'était quelque chose que Percy avait découvert assez rapidement suite à leur collaboration au ministère, durant la guerre, puis par leur amitié – ou peu importe la manière dont on pouvait qualifier leur relation. Marcus parlait beaucoup, de tout et de rien, de choses qui lui plaisaient ou non, qu'il ne connaissait pas toujours très bien, à des moments qui n'étaient pas toujours très appropriés, même lorsque personne n'avait envie de l'écouter ; il parlait parce qu'il aimait qu'on l'entende et entendre lui-même sa voix et c'était même préférable qu'il soit dans une pièce fermée où il pouvait répondre à son propre écho ; il parlait pour être le centre de toutes les attentions, en bien ou en mal et ça n'avait pas beaucoup d'importance parce que tout ce qui importait c'était qu'on l'écoute et qu'on le regarde.
Percy écoutait presque toujours parce que derrière les mensonges et les bouches en cœur, il y avait les petites vérités lâchées ça et là qu'il avait appris à reconnaître.
– Tu me fais parfois penser aux moldus, avec leurs idées étriquées sur le monde, poursuivit Marcus.
Le voilà enfin ce rictus moqueur.
Il ne faisait plus si mal maintenant. Il chatouillait à peine.
– Ils ne peuvent même pas voir la magie lorsqu'elle est sous leur nez, comme ici. Savais-tu qu'ils vont jusqu'à dire qu'ils sont les créateurs de ces oasis ?
Percy n'en savait strictement rien, mais quelque chose lui disait qu'il ne tarderait pas à en savoir plus.
– Mais la réalité est toute autre. Ce sont les sorciers qui entretiennent ces petits coins de paradis au milieu du désert, une fois créés par les Pataploufs.
Les Pataquoi ?
– Mais je suppose que tu ignores tout des Pataploufs ?
Marcus devina sa réponse à la grimace confuse que Percy affichait.
– Je m'en doutais. Sache, Percy mon ami, que sous cette immensité aride qu'est le Sahara se cache un trésor bleu, une mer plus grande encore que la Méditerranée. Il y a très longtemps, une mer recouvrait ce désert, mais lorsqu'elle a commencé à s'assécher, certains de ses habitants ont décidé de la suivre en profondeur, ceux que l'on nomme aujourd'hui les Pataploufs du Sahara. A peine plus gros que des poissons, translucides, ils naissent dans de gros œufs gris et bosselés pareils à des cailloux et grandissent dans le désert. Une fois l'âge adulte arrivé, ils se glissent sur le sable et creusent la roche à l'aide de leurs nageoires pour s'enfoncer dans le Sahara et rejoindre la mer. Ils ne remontent à la surface qu'une fois tous les dix ans pour pondre leurs œufs et repartent aussi vite qu'ils sont venus par ce que les sorciers ont nommé des oasis. Ce sont leurs allés et venues qui ont fait remonter l'eau à la surface, les reliant en de fins couloirs à l'eau de la mer. Ce sont des créatures très discrètes qu'on doit se considérer chanceux de pouvoir observer.
Voilà donc le fin mot de l'histoire. Les pièces du puzzle commençaient doucement à se mettre en place. Si Marcus l'avait conduit jusqu'en Algérie – par un portoloin pris dans un coin perdu du Nord-Est de la France – ce n'était ni pour le soleil, ni pour la plage, mais bien pour ces créatures que Percy ne doutait plus de bientôt découvrir.
– Car, entends-moi bien Percy, ces créatures sont devenues rares. Longtemps protégées par les sorciers qui peuplent les oasis du Sahara, les Pataploufs sont depuis plusieurs années la proie de vils braconniers. Leur prix a explosé sur les marchés noirs quand les trafiquants ont réalisé à quel point ces créatures étaient précieuses. Elles n'entretiennent pas seulement les oasis, ce sont elles, aussi, qui alimentent la mer sous le Sahara car elles parviennent à créer de l'eau douce.
Le guide se retourna vers eux et le dévisagea d'un regard mauvais, comme s'il cherchait à deviner ses pensées. L'homme avait toutes les raisons de lui en vouloir puisqu'il accompagnait Marcus. Ce voyage et cette excursion n'avaient rien de vacances. Ce n'était rien de plus qu'une histoire un peu louche dans laquelle Marcus avait décidé de l'embarquer contre son gré en guise de couverture.
Les Pataploufs se revendaient à des prix exorbitants parce qu'ils étaient rares et précieux à la flore dans laquelle ils évoluaient, parce qu'ils possédaient un pouvoir extraordinaire et bien entendu ça n'avait pas échappé à Marcus comme tout ce qui pouvait de près ou de loin lui apporter un quelconque profit.
Percy soupira et la soupape relâcha un tout petit peu de la pression qui ne cessait de monter en lui et risquer de le faire exploser. Une part de lui voulait suivre Marcus et découvrir quel genre de créature se cachait derrière ce nom improbable et cette fable farfelue, mais l'autre part, raisonnable, qui avait appris à distinguer le bon du mauvais et qui refusait qu'une créature magique soit vendue sur un marché noir – pas après tout ce qu'ils avaient accompli au ministère pour améliorer le statut des créatures magiques et des elfes de maison – n'avait qu'une envie, rentrer à l'hôtel pour faire ses valises et repartir avec le portoloin le plus proche.
Mais aucune de ces deux parts ne parvint à prendre le dessus et Percy se contenta de suivre Marcus, agacé, les bras ballants, pressé que la journée prenne fin.
Ils s'arrêtèrent devant un bassin au fond duquel une mosaïque représentait deux gros cercles globuleux entourés d'un triangle. Une fresque courait le long des murs : de gros cailloux chassaient des créatures au stade intermédiaire entre le crapaud et le têtard qui pourchassaient à leur tour de plus gros têtards qui eux même tentaient de rattraper de gros cailloux.
Percy réalisa que le dessin au fond du bassin représentait la tête de la créature.
Le guide leur expliqua qu'une très ancienne créature apportait la vie à l'oasis et qu'elles étaient réputées porter chance à quiconque l'apercevait. La remarque que marmonna Marcus entre ses dents n'échappa pas à Percy qui dès lors décida de faire mine de l'ignorer et de suivre le guide à l'intérieur de la palmeraie.
Marcus, lui, resta un moment penché vers l'eau claire du bassin, mais finit par se redresser. La seconde durant laquelle Percy espéra que Marcus allait les suivre fut brève, mais intense.
Ce qui suivit fut plus intense – et surprenant – encore.
Marcus recula d'un pas et porta sa main à la poche où il rangeait sa baguette. Percy suivit son regard vers le coin du bassin. Sur le rebord se dressait une petite statue qu'il n'avait pas remarquée jusqu'alors. La lumière se reflétait contre sa peau qui brillait des sept couleur de l'arc-en-ciel.
La statue se mit à bouger.
Elle sauta du rebord au sol rocheux et se tint droit sur ses deux membres arrière. Quelques secondes, elle leva sa face plate et triangulaire vers Marcus et se mit à courir, les nageoires voletant de chaque côté de son corps, plat et sans forme. Marcus se précipita à sa suite et s'ensuivit la course poursuite la plus pitoyable à laquelle Percy ait jamais assisté – c'était aussi la seule, à l'exception faite de la fois où il avait vu Rusard se traîner en haletant derrière Fred et George.
La créature se jeta à terre où elle rebondit sur son ventre flasque. Un, deux, trois rebonds plus tard et elle glissa dans le sable avant de disparaître. Marcus brandit alors sa baguette et tourna sur lui-même à la recherche d'une trace du Pataplouf qui tentait de lui échapper. Il s'immobilisa et la pointa vers une petite dune de sable. Le maléfice tournicota jusqu'à atteindre sa cible qui couina de douleur. La créature se roula sur le sol en poussant des petits cris aiguës. Marcus approcha une main menaçante de la créature qui montra des dents acérées comme des rasoirs, mais cette tentative désespérée d'éloigner son agresseur se solda par un rire de celui-ci.
Marcus attrapa la créature dans sa grande main et la serra, un air de vainqueur sur le visage.
Mais à trop faire le fanfaron, il en oublia les crocs de la créature qui n'hésita pas à les planter d'un coup sec dans les doigts. Marcus poussa un hurlement déchirant et la tête balancée en arrière, il agita sa main dans tous les sens. La créature, loin d'être déstabilisée, trouva la force de reprendre le dessus. Elle s'extirpa de la prise de Marcus et sauta sur son visage qu'elle embrassa de ses deux nageoires enroulées autour de la tête de son agresseur. Les cris étouffés de Marcus redoublèrent. Il tournoya sur lui-même, manqua de trébucher à plusieurs reprises et ce devant les passants qui s'attroupaient toujours plus nombreux autour d'eux. Percy recula parmi la foule, mais le visage de Marcus contrit et déformé derrière le corps translucide de la créature lui lança un appel au secours.
Percy pesta et brandit à son tour sa baguette. Il lança malgré lui un sort à la créature qui lâcha prise. Elle lui lança un regard mécontent avant de reprendre sa course.
Marcus pourtant n'avait pas dit son dernier mot et à peine eut-il retrouvé ses esprits qu'il pointa une fois de plus sa baguette vers le Pataplouf qui s'immobilisa, pétrifié. Marcus le ramassa en ricanant et à ce fut à cet instant que Percy se promit que plus jamais il ne suivrait Marcus dans l'une de ses histoires – plus jamais.
Le guide, la baguette pointée vers Marcus, lui présenta un badge circulaire qu'il sortit de sa veste. Trois autres sorciers émergèrent de la foule. L'une d'entre eux lança un Expelliarmus silencieux qui désarma par surprise Marcus Flint. Un autre récupéra d'entre ses mains la créature tremblotante et l'Auror – ou quel qu'en soit l'équivalent en Algérie – qui s'était fait passer pour un guide s'approcha de Marcus pour le menotter.
– Monsieur Flint, selon les lois en vigueur en Algérie, vous êtes mis en état d'arrestation pour braconnage de créature protégée. Vous serez entendu par nos agents qui procéderont à un interrogatoire avant de déterminer si vous passerez devant les tribunaux magiques d'Algérie.
Tandis qu'on éloignait Marcus à l'air hagard de celui pris à son propre piège, Percy sentit une main enserrer son bras. Il aperçut derrière lui une sorcière au visage dur et fermé qui lui répéta peu ou prou le même avertissement à cela près qu'on le désigna comme complice.
Complice, assurément, alors que quelques minutes plus tôt Percy n'avait même pas connaissance de l'existence desdites créatures qu'on l'accusait de braconner.
Il suivit sans protester les agents algériens qui transplanèrent jusque dans un immense hall lumineux aux murs blancs décorés de mosaïques colorées aux motifs géométriques et haut de plafond sous lequel voletait de grands oiseaux rouges et oranges que Percy identifia comme des phénix. La sorcière qui lui tenait le bras pressa le pas et le conduisit dans une pièce exsangue dans laquelle Marcus était déjà affalé sur une chaise, ses longues jambes étendues sous le bureau de deux sorciers qui fronçaient les sourcils. Leurs titres inscrits en arabe sur des broches accrochées à leur uniforme se traduisirent presque instantanément en anglais. L'inspectrice, une femme au visage ridé et fatigué, fixait d'un regard mauvais Marcus qui lui souriait sans commune mesure et ne prêta même pas attention à lui à son entrée. L'officier, beaucoup plus jeune, qui paraissait à peine sorti de l'école, se leva et l'invita à s'asseoir tandis qu'une plume grattait un procès verbal.
– Messieurs, nous allons dès lors procéder à une vérification de vos identités respectives, leur dit l'officier. Monsieur Flint d'abord, Marcus Flint, de nationalité anglaise, vous êtes né en 1974 et selon notre service gouvernemental de voyages sorciers vous êtes venu en Algérie pour motif professionnel et touristique. Monsieur Weasley, de nationalité anglaise également, vous êtes né en 1976, est-ce bien cela ?
– C'est bien cela confirma Percy.
– Je confirme, approuva Marcus d'un air gai.
– Pourtant Monsieur Flint vous avez été surpris en train d'essayer de capturer un Pataplouf, créature protégée par les lois de notre pays, également protégée par les lois de votre propre pays qui régit le trafic de créatures magiques. De plus, notre agent infiltré nous a rapporté l'une de vos discussions, plutôt accablantes, dans laquelle vous lui affirmiez que vous souhaitiez voir un Pataplouf.
– C'est exact.
Tous tournèrent leur regard vers Marcus, fier de la petite impression qu'il venait de créer.
– Vous vous rendez bien compte, Monsieur, que vos actes sont passibles d'une amende.
– J'en suis parfaitement conscient, mais pour ma défense, je tiens à préciser que je n'avais en aucun cas l'intention de braconner une créature si précieuse. Si je suis venu jusqu'ici ce n'était pas seulement pour prendre des vacances avec mon ami, mais également pour étudier les Pataploufs qui ne sont observables qu'à de très rares occasions dans très peu d'environs. Sachez que je suis professeur et que je prépare la rédaction d'un manuel sur les créatures fantastiques et j'ai ici des attestations qui peuvent vous le prouver.
Tandis que les deux sorciers se penchaient sur les parchemins que leur tendaient Marcus, Percy le détailla de bas en haut et dut retenir un soubresaut. Il vit le professeur Flint se tenir devant les classes de Poudlard dans une robe verte, à effrayer les plus jeunes d'une seule grimace et à punir ceux dont la tête ne lui revenait pas. Il se souvint de Marcus et de ses redoublements, de son incapacité chronique à travailler ses cours et à son incommensurable ennui en classe. L'image de cet élève médiocre devenu professeur lui était insupportable. Son ventre se contracta et Percy dut se mordre l'intérieur de la bouche pour ne pas exploser de rire devant les sorciers algériens – et compromettre leur situation.
Il se calma quand l'inspectrice se leva et sortit de la pièce avec l'un des parchemins.
– Ma collègue se charge de contacter l'école dans laquelle vous dites enseigner, mais le contrat passé avec votre éditeur semble authentique.
Percy retint un souffle et remercia les connaissances pas toujours très nettes de Marcus. C'était un faux, à coup sûr, mais un faux tout ce qu'il y a de plus convaincant.
Le silence s'abattit sur la pièce. Percy se dandina sur un siège de plus en plus inconfortable. Au-dessus de l'officier, les aiguilles d'une grosse horloge tournaient à un rythme trop soutenu pour indiquer les secondes. Elles finirent par lui donner le tournis et Percy dut baisser la tête vers ses pieds qui ne cessaient de battre la mesure, impossibles à tenir en place.
Marcus ne semblait pas affecté le moins du monde et Percy se sentit soudain étouffé à l'intérieur de ce bureau beaucoup trop petit pour eux trois où tous les regards convergèrent vers lui. Sa respiration devint lourde et douloureuse. De mauvais souvenirs refaisaient surface, à cette période au ministère où chacun de ses mouvements étaient surveillés. Au moment où il manqua de s'étouffer, les aiguilles de l'horloge s'immobilisèrent brusquement, la porte s'ouvrit dans un fracas et Percy sursauta sur sa chaise.
L'inspectrice refit surface accompagnée d'une autre sorcière que Percy n'avait pas encore aperçue. Elles se penchèrent toutes les deux vers l'officier qui hocha de la tête d'un air entendu.
Tous se tournèrent vers Marcus et l'officier déclara :
– Monsieur Flint, l'école nous a bien confirmé que vous étiez professeur …
– Je vous l'avais bien dit, fanfaronna Marcus.
– De balai, Monsieur. Vous êtes professeur de balais.
– Qu'y-a-t-il de mal à cela ?
– Nous ne voyons pas le rapport entre l'étude des Pataploufs et l'enseignement du vol sur balai.
Marcus leva les bras d'un air véritablement affecté – quoique de manière exagérée.
– Ah très bien, je vois que mes conceptions de l'enseignement rencontrent une fois encore des obstacles. Il ne faut chercher à enseigner qu'une seule matière à la fois c'est ça ?
– Monsieur –
– Vos esprits façonnés par un système éducatif castrateur et figé ne vous permettent pas d'envisager un autre mode d'enseignement, mais je vous le dis …
– Monsieur –
– C'est mon enseignement qui formera les générations à venir ! Les matières n'existeront plus et l'enseignement pourra se faire sans note, ni frontière. Les élèves pourront alors s'épanouir et révéler leur réel potentiel.
– Monsieur !
Marcus se tut. L'officier virait au rouge, les narines gonflées par la colère qu'il peinait à cacher.
Une chose qui n'avait pas changé. Marcus avait un don pour faire perdre son sang froid aux personnes qui l'entouraient.
Percy eut un peu de compassion pour ce jeune officier pour qui cette affaire était peut-être la première.
– Nous en discuterons plus tard, déclara-t-il en fuyant du regard.
Il ressembla des parchemins sur son bureau, puis fixa Percy qui s'était fait oublier jusque là.
– Vous allez nous suivre, Monsieur Weasley.
Percy se leva, les mains tremblantes.
On l'escorta jusqu'à une autre salle d'interrogatoire au fond d'un couloir où des portes de même couleur, aux inscriptions et numéros identiques, se succédaient. Ils s'arrêtèrent d'abord devant une première porte, puis l'officier changea d'avis et ils revinrent sur leurs pas pour s'installer dans une pièce quelques mètres en arrière. Percy s'assit sur un fauteuil encore plus inconfortable que le précédent. Il put compter chacun des ressorts qui tentaient d'écorcher sa peau tandis que deux sorciers se présentèrent à lui comme des Ensorceleurs.
Ils posèrent en évidence devant eux une fiole au liquide incolore. Percy déglutit.
Les deux sorciers ouvrirent leur bouche en même temps et parlèrent d'une même voix.
– Quand êtes-vous arrivés sur notre territoire avec Monsieur Flint ?
– Au début de cette semaine.
– Pour quelle raison ?
– Pour des vacances.
– Qu'avez-vous fait avec Monsieur Flint ?
Les questions se succédèrent en un flux ininterrompu qui enveloppa petit à petit Percy dans un nuage de confusion et de d'incompréhension. Il entendait les questions, savait qu'il y répondait, mais ne parvenait pas à se souvenir des réponses exactes qu'il donnait. Son regard ne pouvait s'empêcher de guetter chacun des mouvements que les deux sorciers faisaient comme un seul homme. Ils semblaient raccordés l'un à l'autre comme les bras d'un même mécanisme. Leurs membres s'articulaient en même temps, complémentaires, impossibles à dissocier.
Puis ils finirent par pointer la fiole d'un geste commun.
– Nous avons les moyens de vous faire parler si vous nous mentez.
Le brouillard se dissipa soudainement et Percy reprit ses esprits. Il ne mentait pas.
– Aviez-vous eu connaissance des projets de Monsieur Flint avant d'arriver en Algérie ?
– Non.
– Vous a-t-il fait part de son plan en arrivant sur notre territoire ?
– Non.
– Connaissiez-vous l'existence des Pataploufs avant d'en voir un ?
– Non.
Il y a eu un claquement dans la pièce et les Ensorceleurs semblèrent se séparer. L'un d'entre eux se leva de son siège, suivit du second et ils laissèrent Percy seul dans la pièce, incompris.
Quelques secondes plus tard, le sorcier qui s'était fait passer pour un guide entra dans la pièce et s'installa devant Percy, un dossier sous le bras. Il lui présenta une photographie sur laquelle un Pataplouf bondissait du sable pour plonger dans l'eau d'une oasis, ses deux nageoires tendues.
– Nous vous prions de nous excuser pour le désagrément occasionné, mais c'est la procédure. Vous n'aviez jamais rencontré d'Ensorceleur auparavant ?
Percy nia d'un signe de tête.
– Vous ne pensiez pas non plus que vous seriez embarqué dans un trafic de créatures magiques en prenant quelques vacances, n'est-ce pas ?
Le soupir de Percy fut suffisamment éloquent.
– Cela fait un moment que nous traquons un groupe de trafiquants de Pataploufs. Ils sont enlevés au moment de la ponte des œufs et sont revendus à l'autre bout du monde. On retrouve la trace de quelques-uns d'entre eux, mais la plupart nous échappe totalement et sont à la merci de sorciers qui exploitent leurs capacités. Monsieur Flint s'apprêtait à s'emparer d'un Pataplouf qui n'avait pas encore pondu ses œufs, une affaire particulièrement lucrative pour lui s'il parvenait à s'en emparer. Comme il vous l'a expliqué, la ponte n'a lieu qu'une fois tous les dix ans et il me paraît difficile de croire que Monsieur Flint se soit trouvé au bon endroit par un heureux hasard. Il se trouvait au bon endroit, au bon moment. Son acte était pensé. Il a dû payé un informateur présent sur le terrain et chercher à s'emparer d'un Pataplouf avant une ponte de leurs œufs – beaucoup plus agressif et tenace qu'une fois qu'ils ont pondu – pour les revendre, le Pataplouf et ses œufs, à des prix exorbitants. J'espère que vous avez conscience de la gravité de son acte.
A une époque, Marcus avait été une source d'angoisse constante pour lui.
Percy avait parfaitement conscience de la gravité – et de la stupidité – des actes de Marcus, mais il ne se voyait décemment pas l'abandonner ici dans l'attente de son jugement et repartir au Royaume-Uni.
– Oui, répondit Percy. Mais Marcus Flint est toujours un citoyen britannique et le Magenmagot a parfaitement le droit de réclamer à ce qu'il soit jugé –
– Le Magenmagot n'a aucun droit sur cette affaire, coupa sèchement le sorcier. Vous ne comprenez pas quels en sont les enjeux. Les Pataploufs font partie de l'écosystème très particulier du désert du Sahara, il contribue à son maintien. Ils alimentent les oasis, créent une ressource essentielle à la vie de nombreuses espèces là où l'eau manque. Leur disparition serait une catastrophe et nous ne pouvons nous le permettre, même si le sort d'un précieux citoyen britannique était en jeu.
La dernière phrase sonna, avec un mépris non-dissimulé, comme une sentence.
– Nous n'avons pu rattacher Monsieur Flint à aucun des circuits de trafic habituel. Ainsi nous choisissons de l'exempter de la peine d'amende encourue. Vous repartirez tous les deux dans quelques heures, mais aucun de vous ne se souviendra des Pataploufs. Grâce aux bons soins de nos agents, vous aurez tout oublié de cette histoire.
Le sorcier le laissa seul avec pour compagnie l'image de cette petite créature qui plongeait avec une joie non-dissimulée dans une eau claire.
Percy retira le chapeau qui protégeait sa tête du soleil. Ses collègues ne se priveraient pas de le charrier sur la teinte rouge de sa peau une fois de retour à Londres. La chaleur devenait un peu plus supportable et le reg algérien lui parut un peu moins impénétrable lorsqu'il posa son regard dessus.
Finalement, ce n'était pas une si mauvaise idée de s'être laissé entraîner par Marcus dans cette excursion. La palmeraie possédait un charme incontestable et offrait un havre de fraîcheur bienvenu après un dur voyage.
Percy se redressa, prêt à repartir, mais s'immobilisa. Un petit animal venait de se glisser sous un tas de sable.
Il sourit. C'était bien la première fois qu'il apercevait un poisson dans le désert.
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Nuit HPF du 23 août 2024
Chers membres d'HPF,
Nous vous informons que la 147e édition des Nuits d'HPF se déroulera le Vendredi 23 août à partir de 20h. N'hésitez pas à venir découvrir les nuits. vous inscrire !
Pour connaître les modalités de participation, rendez-vous sur ce topic.
A très bientôt !
De Équipe des Nuits le 19/08/2024 00:41
Programme de juillet des Aspics
Bonsoir à toustes !
Un peu de lecture pour vous accompagner en cette période estivale... Vous avez jusqu'au 31 juillet pour, d'une part, voter pour le thème de la prochaine sélection ici et, d'autre part, lire les textes de la sélection "Romance" du deuxième trimestre 2024, et voter ici !
Les sélections sont l'occasion de moments d'échange, n'hésitez pas à nous dire ce que vous en avez pensé sur le forum ou directement en reviews auprès des auteurices !
De L'Equipe des Podiums le 11/07/2024 22:30
Assemblée Générale 2024
Bonjour à toustes,
L'assemblée générale annuelle de l'association Héros de Papier Froissé est présentement ouverte sur le forum et ce jusqu'à vendredi prochain, le 21 juin 2024, à 19h.
Venez lire, échanger et voter (pour les adhérents) pour l'avenir de l'association.
Bonne AG !
De Conseil d'Administration le 14/06/2024 19:04
Sélection Romance !
Bonsoir à toustes,
Comme vous l'avez peut-être déjà constaté, sur notre page d'accueil s'affichent désormais des textes nous présentant des tranches de vie tout aussi romantiques ou romancées les uns que les autres ! Et oui, c'est la sélection Romance qui occupera le début de l'été, jusqu'au 31 juillet.
Nous vous encourageons vivement à (re)découvrir, lire et commenter cette sélection ! Avec une petite surprise pour les plus assidu.e.s d'entre vous...
Bien sûr, vous pouvez voter, ça se passe ici !
De Jury des Aspics le 12/06/2024 22:31
145e Nuit d'écriture
Chers membres d'HPF,
Nous vous informons que la 145e édition des Nuits d'HPF se déroulera le Vendredi 14 juin à partir de 20h. N'hésitez pas à venir découvrir les nuits. vous inscrire !
Pour connaître les modalités de participation, rendez-vous sur ce topic.
À très bientôt !
De L'équipe des nuits le 12/06/2024 12:33
Maintenance des serveurs
De Conseil d'Administration le 26/05/2024 18:10